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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Éphéméride du 31 août

    1933 : Création d'Air France (ici, une des affiches AIR FRANCE réalisées par Georges Mathieu)

     

     

     

    1666 : Création de Lorient

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    De Michel Mourre (Dictionnaire encyclopédique d'Histoire) :

    "...Lorient commença à se développer au début du XVIIème siècle, après que Louis XIII eut fait bâtir un fort près du hameau de Blavet, qui fut alors rebaptisé Port-Louis. En 1666, le lieu fut concédé à la Compagnie des Indes orientales, dont le port prit le nom de l'Orient. Au XVIIIème siècle, il devint un des principaux centres du commerce extérieur français, mais la Guerre de Sept ans mit fin à cette prospérité et la Compagnie fut dissoute en 1770. L'État devint possesseur des installations portuaires, créa un arsenal à Lorient en 1782. Au XIXème siècle, Lorient devint une importante base navale et le chef-lieu d'une Préfecture maritime. De 1940 à 1944, les Allemands en firent une base de sous-marins et, malgré l'investissement des troupes de Larminat, ils conservèrent la place jusqu'à l'armistice du 8 mai 1945."

    C'est en juin 1666 que la Compagnie française des Indes orientales reçut, par une ordonnance de Louis XIV, des terres à Port-Louis, ainsi que de l'autre côté de la rade, au lieu-dit du Faouédic.

    Elle en fit l'acquisition formelle ce 31 août : l'histoire de Lorient commençait...

    Blason de Lorient

    Après délibération de la communauté de ville, les armoiries furent fixées par règlement de Louis Pierre d'Hozier, Juge général d'armes de France, le 20 mai 1744 :

    "Un écu de gueules à un vaisseau d'argent voguant sur une mer de sinople et un soleil d'or se levant derrière des montagnes d'argent, posées au flanc droit de l'écu et un franc-canton d'argent semé de mouchetures d'hermines de sable. L'écu ayant un chef d'azur semé de besants d'or et surmonté d'un triton au naturel, ayant le bas du corps en forme de poisson, tenant de la main droite une corne d'abondance, et de la gauche une coquille en forme de cornet, qu'il porte à sa bouche pour servir de trompe."

    Devise de Lorient : "Ab oriente refulget" : C'est de l'Orient qu'elle resplendit

    La Ville martyre de Lorient a reçu la Croix de Guerre avec Palme et la nomination au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur

     

    Fière - à juste titre ! - de sa Celtitude, la Ville de Lorient organise chaque année, depuis 1971, le magnifique Festival interceltique de Lorient (en breton : Emvod ar Gelted en Oriant) :

    https://www.festival-interceltique.bzh/

    Festival interceltique de Lorient — Wikipédia

    Dès notre création (en février 2007) nous avons salué cet enthousiasmant et extraordinaire évènement :

    Tout ce qui est Racines est bon... : Le Festival interceltique de Lorient ( Août 2008)

     

    31 aout,expedition d'egypte,pyramides,bonaparte,air france,sncf,baudelaire,charles x,alsace,du sommerard

     

    1779 : Naissance d'Alexandre du Sommerard 

     

    Il est aux origines du M31 aout,expedition d'egypte,pyramides,bonaparte,air france,sncf,baudelaire,charles x,alsace,du sommerardusée de Cluny : Musée national du Moyen-Âge
     
    Puis du Musée d’Écouen : Musée national de la Renaissance           

    Grand royaliste, et grand amateur d’art, Alexandre du Sommerard, était consterné par l’entreprise de destruction systématique du Patrimoine national entrepris par la Révolution. On sait que, directement ou indirectement, la Révolution - puis l’Empire et la IIIème République naissante… - ont fait disparaître entre le quart et le tiers de notre Patrimoine artistique : "Les Vandales du Vème siècle n'ont jamais brisé tant de chefs-d'œuvre." disait-il, hélas à juste titre…

    Heureusement maître d'une fortune considérable, celui qui avait pris pour devise "more majorum" ("d’après la coutume des ancêtres") passa sa vie à rechercher et réunir les chefs-d'œuvre, et c'est pour installer sa précieuse collection, trop à l'étroit dans son hôtel de la rue de Ménars, qu'il loua pour sa vie l'Hôtel de Cluny.

    À sa mort, l'hôtel et la collection, appartenant à sa veuve, furent achetés par l'État : Le 1er juillet 1843, la Chambre vota l’achat de l’hôtel et des collections, puis la création du "Musée des thermes et de l’hôtel de Cluny" fut sanctionnée par la loi du 24 juillet 1843.

    Son fils Edmond fut, jusqu’à sa mort, conservateur du Musée national de Cluny : lorsqu’il mourut, en 1885, la collection comprenait 10.351 objets.

    C’est, en partie, pour contenir des trésors venant de ce Musée que Malraux prit, en 1964, la décision – heureuse - d’affecter le château d’Écouen au Musée national de la Renaissance. 

     

    31 aout,expedition d'egypte,pyramides,bonaparte,air france,sncf,baudelaire,charles x,alsace,ameyL'Hôtel de Cluny, Musée national du Moyen-Âge 

     

     

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    1801 : Fin de l'Expédition d'Égypte

     

    Le général Menou, qui commande ce qui reste de l'expédition française d'Égypte, se rend aux Anglais du général Abbercromby. Bonaparte, lui, a abandonné son armée, comme Napoléon abandonnera la sienne lors de la désastreuse "affaire d'Espagne" puis lors de la désastreuse retraite de Russie...

    On estime que le tiers des 30.000 soldats engagés en Égypte trois ans plus tôt ont péri, dont la moitié de maladie et le reste dans les combats.

    Échec total du point de vue militaire et stratégique (la France voit sa marine détruite à Aboukir par Nelson, qui lui donnera le coup de grâce à Trafalgar, voir l'Éphéméride du 1er août...), l'expédition d'Egypte aura au moins permis une réelle avancée des connaissances scientifiques (Champollion découvrira bientôt le mystère des hiéroglyphes), et provoqué la naissance de l'égyptologie (voir l'Éphéméride du 19 juillet)...

    Dans ses Scènes et tableaux du Consulat et de l'Empire, Jean-Albert Sorel écrit de Napoléon et de son expédition (page 49) :

    "...Là, il avait gouverné, il avait créé, comme en Italie, en appliquant les mêmes méthode. "C'est lui, écrit M. Jacques Bainville, qui aura fondé l'Egypte moderne, en la délivrant d'abord de l'oppression des Mamelouks, un peu comme il avait délivré la Lombardie des Autrichiens, ensuite en lui donnant l'empreinte occidentale et française, telle que les Égyptiens étaient capables de la recevoir et dans une mesure si juste qu'elle a duré"..."

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    Bataille des Pyramides (voir l'Éphéméride du 21 juillet)
     
     
     
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    1823 : Prise du fort du Trocadéro, à Cadix
     
     
    C'est le triomphe final des "Cent mille fils de Saint Louis", expédition militaire française organisée par Chateaubriand, pour rétablir le roi d'Espagne, Ferdinand VII, dans ses pouvoirs...
     
    Position fortifiée défendant Cadix, la prise de ce fort par le duc d'Angoulême entraîna le reddition de la ville, où les libéraux et les anti-monarchistes s'étaient installés, et d'où ils régnaient en maîtres sur l'Espagne :
     
    "C'est pour commémorer ce fait d'armes que le nom de Trocadéro fut donné à une place de Paris et à un palais construit lors de l'Exposition universelle de 1878 (remplacé en 1937 par le Palais de Chaillot" (Michel Mourre).
     
     

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    Le Palais de Chaillot, vu depuis la Tour Eiffel...

    L'expédition française trouvait sa légitimité dans le Pacte de Famille, unissant toutes les familles régnantes issues de la dynastie des Bourbons : voir l'Éphéméride du 15 août...

    Pour ce qui est du Musée de l'Homme, installé dans le Palais dès le début, il fut profondément "repensé" - mais en mal... - et inauguré de nouveau en 2015 (voir l'Éphéméride du 15 octobre) :

     

     
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    1828 : Début du voyage de Charles X en Alsace
     
     
    Charles X quitte les Tuileries avec le Dauphin, à trois heures de l'après-midi. C'est le début d'un long voyage de vingt jours en Alsace, qui se révèlera vite triomphal....

    On aura deux très intéressantes relations du voyage avec les liens suivants :

    1. D'abord, une relation du voyage dans son ensemble, par P.J. Fargès-Méricourt :

    http://books.google.fr/books?id=9qQgDCECWrMC&printsec=frontcover&dq=VOYAGE+CHARLES+X+ALSACE&source=bl&ots=Zjn492vm-Z&sig=fnIZOGRyaQegt12zdowqvXQ1e9E&hl=fr&ei=_PsdTOWSKoi-4gbygfX2DQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=2&ved=0CAwQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false

     

    2. Ensuite, une étude de l'entrée dans Mulhouse, par Marie-Claire Vitoux :

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1998_num_17_2_1986

    CHARLES X SAVERNE 6 SEPTEMBRE 1828.jpg
    La première étape du Roi en Alsace : la maison où il passa la nuit à Sélestat  
     

    À l'aller, le Roi fait étape à Meaux (le 31), Châlons (le 1er), Verdun (le 2) et Metz (les 3, 4 et 5 septembre). La première étape alsacienne commence le 6 septembre, avec l'arrivée à Saverne. Le 7, le Roi est à Strasbourg, où il reste les 8 et 9 septembre. Le 10, en passant par Sélestat, il fait étape à Colmar. Le 11, il est à Mulhouse. Le 12, il entame son voyage de retour par Lunéville, Nancy, Troyes et Provins. Il est de retour à Paris le 19 septembre.

    Fargès-Méricourt termine son excellente relation du voyage par les mots suivants :

    "Ainsi s'est terminé ce mémorable voyage du Roi dans ses provinces de l'Est. Pendant les vingt jours qu'il a duré, Sa Majesté à répandu l'allégresse et l'enthousiasme dans dix départements français."

    CHARLES X RHIN.jpg

    ...et le détail de la plaque qui commémore l'évènement.

     

    Trois temps forts d'un voyage qui en compta tant.. :

    1. La députation de Sélestat, qui vint à Strasbourg demander au Roi de s'arrêter dans sa ville, comportait le sinistre baron Amey, l'un des pires bourreaux de la Vendée. En sa qualité de maire de la ville, il remit les clés de Séle

  • Agnès Buzyn devant la Cour de justice de la République : un vœu pieux ?, par Sabine de Villeroché.

    (Vu sur le blog de notre ami Marc Rousset et merci d'avoir relayé cet article)

    Sources : http://marcrousset.over-blog.com/

    https://www.bvoltaire.fr/

    « Responsables mais pas coupables » : un verdict qui pourrait redevenir d'actualité.

    55 : c’est le nombre de plaintes contre des ministres déposées à ce jour par des particuliers, associations et collectifs, selon le journal 20 Minutes. Outre des initiatives individuelles, ce sont des élus, des médecins, 31 détenus, un syndicat de magistrats et la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs qui, pour l’instant, demandent réparation pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « non-assistance à personne en danger » et dénoncent, pêle-mêle, le manque de dépistage et d’équipements de protection personnelle, la fermeture tardive des frontières, le manque d’anticipation, les conflits d’intérêts concernant les traitements médicaux et le maintien des élections municipales.

    1.jpgCette critique de gestion de la crise sanitaire aur, en quelque sorte, engendré un autre type d’épidémie : celui des recours devant les tribunaux.

    Le dernier dépôt de plainte de Claire Loupiac, veuve d’un médecin décédé de coronavirus contracté auprès de ses patients, devrait créer un précédent. Une victime de plus qui n’aura jamais obtenu, malgré ses demandes répétées, malgré les promesses, le fameux masque FFP2.

    Des lendemains difficiles se profilent. Pour Édouard Philippe, Olivier Véran, Nicole Belloubet, Murielle Pénicaud, Christophe Castaner ou , tous visés. Mais d’autres élus et responsables de structures comme les maisons de retraite, les hôpitaux, mais aussi des patrons de PME ou de grandes entreprises sont menacés de poursuites. D’où cette terreur des maires à la veille de la réouverture des écoles.

    Bien sûr, comme l’expliquait fort justement Nicolas Gauthier dans ces colonnes, la judiciarisation à l’américaine de notre société est un fléau en ce qu’elle paralyse l’action publique comme l’action privée. La crainte permanente des comptes à rendre devant la Justice annihile toute initiative personnelle et responsable. Les maires et employeurs soucieux du bien commun et de la reprise de l’activité sont tétanisés et c’est l’économie tout entière qui va en payer le prix. Mais pour certains responsables politiques comme Agnès Buzyn, les choses sont un peu différentes. Parce qu’elle a avoué son gros mensonge. Parce qu’elle a déserté alors qu’elle savait. Parce qu’elle a trahi le gouvernement et l’ensemble des Français. Parce que pèsent sur elle de lourds soupçons de conflits d’intérêts et d’avantages financiers. Et parce qu’il faudra bien, un jour, tirer toute cette affaire au clair.

    Seulement voilà : les responsables politiques ne sont pas traités comme le commun des mortels par la Justice. Seule la Cour de justice de la République est compétente pour juger les membres du gouvernement pour leurs actes qualifiés de crimes ou délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Une juridiction créée en 1993 pour une justice d’exception : composée pour l’essentiel de douze parlementaires et de trois magistrats, objet de beaucoup de critiques notamment pour son manque d’indépendance mais vouée à l’extinction. C’est, ironie de l’Histoire, Emmanuel Macron qui souhaitait la supprimer dans le cadre de la réforme constitutionnelle entreprise. Personne n’aurait beaucoup pleuré sa disparition. Il va falloir s’en contenter…

    Une instance juridictionnelle de sinistre mémoire : des années de procédures et d’enquêtes pour établir les culpabilités des responsables politiques dans l’affaire du sang contaminé. Des centaines de victimes décédées du VIH suite à des décisions politiques. 2.000 enfants hémophiles concernés et des ministres relaxés. Georgina Dufoix et Laurent Fabius « responsables mais pas coupables ». Un verdict qui pourrait redevenir d’actualité. Et une absolution totale de fait pour Laurent Fabius qui, quelques années plus tard, retrouvera successivement deux fauteuils de ministre : celui des Finances avec Lionel Jospin et celui des Affaires étrangères avec François Hollande, avant de finir actuel président du Conseil constitutionnel. Belle carrière !

    Épargnée, également, par cette justice d’exception, Christine Lagarde reconnue coupable de simple « négligence » dans l’affaire d’arbitrage de Bernard Tapie mais… dispensée de peine. L’ancienne directrice générale du FMI et actuelle dirigeante de la Banque centrale européenne aura même droit à une fleur : les juges, avec beaucoup de délicatesse, renonceront à inscrire sa condamnation à son casier judiciaire eu égard à sa « personnalité » et à sa « réputation internationale ».

    De quoi décourager bien des Français qui imaginent traîner en justice des responsables politiques comptables de leurs malheurs. Complexité des procédures, lenteurs, faibles chances de voir sa plainte aboutir (sur les 1.500 plaintes déposées par des particuliers depuis la création de la Cour de justice de la République, seules 40 ont véritablement été transmises au ministère public) et bonhomie d’une institution dont on se demande à quoi elle sert vraiment n’incitent guère à la combativité des justiciables.

    Qui n’auront plus que leurs yeux pour pleurer et le recours aux urnes ! Le dégagisme sans passer par les juges !

  • Quand Robert Redecker s'adresse aux ”jeunes”.......

    Qu’on me permette un détour autobiographique. S'il fallait s'adresser à ces jeunes de banlieue, je leur dirais directement ceci :


              «Vous n'êtes ni la première ni la dernière génération allogène accueillie sur la vieille terre de France, sur le sol de "ce cher et vieux pays", comme aimait à dire le général de Gaulle. Pourtant, vous semblez peiner à vous amalgamer à sa substance - à sa chère et vieille substance - au contraire de ce que fit la génération des grands-parents de M. Sarkozy, ou de ce que mes parents, puis votre serviteur firent à leur tour. Vous savez - c'est un rêve barrésien, n'est-ce-pas ? - l'enfant étranger et pauvre comme vous l'êtes aujourd’hui que je fus au début des années soixante, refusera pour l'heure de son trépas la moderne incinération, afin de pouvoir dormir l'interminable temps de la mort dans le linceul de cette terre, encerclé par elle jusqu'à finir absorbé par elle, telle l'encre par un buvard. Vous savez, aujourd'hui octogénaires, ma mère et mon père veulent acquérir la nationalité française avant de mourir, pour vivre dans la gratitude le passage à l'outre-tombe, estimant, après tout ce que la France leur a donné, qu'il était juste d'être enterré comme Français dans le sol de France.

              "Étranger", le mot est lâché. Devenir français est une longue, difficile et belle histoire, passant par des épreuves initiatiques, dont il faut dire quelques mots. Comme les vôtres, mes parents souffraient de grand dénuement quand ils débarquèrent sur le sol de France; ils ne parlaient pas la langue (qu'ils ne pratiquent aujourd'hui encore que trop approximativement), n'avaient aucun diplôme dans leur besace, que peu de culture, quand leur ventre était trop souvent torturé par la faim. Ils choisirent la France, ne pouvant souffrir de vivre dans leur pays d'origine, à cause du déshonneur dont à jamais il était frappé, l'Allemagne. Il était aussi peu facile d'être allemand dans la France du début des années cinquante qu'algérien dans celle d'aujourd’hui. Mon père se loua comme journalier agricole durant plusieurs lustres, avant de se hisser, à la force de ses bras et l'obstination de son courage, au statut tant envié par lui, de vacher. Ma mère épuisa sa santé en divers travaux agricoles, s'employant précairement à "faire des ménages" ici ou là.

              Quatre enfants naquirent de ce couple - ils connurent la misère et le pain noir, les rats dans leur chambre ainsi que les cabinets à l'extérieur et l'absence de salle d'eau, l'humidité des taudis, les jours sans repas, la méfiance de la population et l'hostilité de ceux qui n'avaient que l'insulte "boche" à la bouche, l'isolement culturel dans les campagnes reculées de la Gascogne et du Comminges. Et pourtant, le miracle français de l'assimilation se produisit, une fois de plus : père et mère veulent, pour l’éternité faire partie du corps de la France, tandis que moi, je tiens l'histoire de France, depuis les origines, comme étant mon histoire personnelle, mélangée à ma chair et à mes sentiments. Comment ce prodige - qui n'est possible qu'en France, et sur un autre mode aux États-Unis, a-t-il pu se produire ?


              L’hospitalité oblige des deux côtés. À toute la fratrie, père et mère ne cessaient d'inculquer le principe suivant : vous, les enfants, qui êtes destinés à vous enraciner en France, un devoir d'irréprochabilité vous est prescrit. Vous devez vous montrer en toute chose plus vertueux et plus travailleurs et plus respectueux que les Français eux-mêmes parce que vous êtes leurs hôtes. Vous n'avez rien à exiger, mais tout à mériter : quand on dîne à la table d'autrui, on remercie. Avec bon sens, ils nous affirmaient également que l'étranger qui n'est pas content du sort qui lui est réservé là où il s'est invité n'a qu'à partir. Ainsi, doit-on se défaire de ses habitudes, de ses traditions, se libérer de ses déterminismes et de ses particularismes - ou plutôt : n’en conserver que la part demeurant tolérable par l'hôte - pour, à force de vertu, de travail, et de gratitude, entrer en fusion avec cet hôte.

              Cette éducation à la modestie, à l'effacement et au travail, ne parvint pas à un résultat détestable : mon frère, symptomatiquement prénommé François, a monté une PME florissante, une de mes soeurs co-dirige avec son mari une exploitation agricole, et l'autre a conduit une carrière honorable chez un industriel de l’agro-alimentaire ; quant à l’auteur de ces propos il a obtenu l’agrégation de philosophie. Vous voyez, la pauvreté et l’inculture ne sont pas des excuses ; en France elles peuvent être des chances. ".....

    (Extrait de "La République brûle-t-elle ? Essais sur les violences urbaines en France." pp : 32-34).

  • Fausse querelle : Wauquiez / Calmels

     

    Par Yves Morel 

    Les partis ne sont que des instruments de pouvoir, de conquête ou de conservation. Macron a dû constituer le sien, fait de bric et de broc… La gauche n’arrive pas à se reconstituer. Les Républicains peuvent-ils y arriver avant les prochaines échéances ? Mais que veulent-ils ? Du rififi, pourquoi ? 

    Actu-3.jpgTempête à la tête de Les Républicains. Laurent Wauquiez, le président, vient de destituer la vice-présidente, Virginie Calmels, qui contestait sa ligne. Ce genre de prise de bec ne doit pas surprendre en un parti dépourvu d’unité et tiré à hue et à dia par ses ténors du moment.

    [Photo : Virginie Calmels, une vice-présidente qui se voyait en présidente]

    Sarko-fillonistes et juppéistes

    Les Républicains n’ont toujours pas comblé le fossé qui sépare, chez eux, les juppéistes et centristes de l’amalgame des sarkozystes et autres fillonistes. Les dévots de l’ancien président de la République et ceux du candidat torpillé de la présidentielle de 2017 se sont unis pour imposer Laurent Wauquiez, le quadra qui les représente. Mais les autres n’ont pas désarmé.

    En vérité, cette querelle au sein du parti n’est pas nouvelle. Dès juin 2017, trois jours seulement après le second tour des dernières législatives, douze députés LR, conduits par Thierry Solère et Frank Riester, constituaient, avec leurs seize collègues de l’UDI, le groupe des Républicains constructifs, devenu ensuite le groupe UDI Agir et Indépendants, actuellement présidé par Jean-Christophe Lagarde (UDI) et Frank Riester (passé des LR à Agir), et qui envisage de se constituer en parti politique à part entière. Et Valérie Pécresse, la présidente de la plus importante région de France, l’Île-de-France, mène une opposition acerbe contre l’actuel président des Républicains, en fondant son propre mouvement « Libres ! ».

    La prétendue droite dure de Laurent Wauquiez

    Quelle est la raison de cette querelle ? Ce serait, de prime abord, l’opposition entre une droite dite « dure » ou authentique, incarnée par Laurent Wauquiez, Éric Ciotti et autres, et une droite dite « modérée », selon ceux qui se veulent sages, « molle » suivant le point de vue de ceux qui comprennent que le fond de l’électorat de droite est exaspéré.

    Les commentateurs de la vie politique s’accordent à penser que Laurent Wauquiez a opéré le choix d’une droite dite « décomplexée », selon un qualificatif à la mode, et intransigeante. Il entendrait ressourcer la droite à ses valeurs fondatrices. Il se présente comme socialement et moralement conservateur et plutôt traditionnaliste. Il se veut patriote, « national ». Il réclame un État fort dans le cadre démocratique, naturellement, capable d’assurer l’ordre et de sauvegarder la sécurité et la tranquillité de nos compatriotes. En économie, il est libéral et conservateur. Depuis le début du quinquennat de Macron, il a critiqué la politique économique et sociale du gouvernement, qu’il estime ne pas être assez drastique. Il s’est prononcé en faveur du plafonnement de l’ensemble des minima sociaux à hauteur de 75% du SMIC, pour l’instauration d’un jour de carence dans les congés maladie et l’obligation, pour les allocataires du RSA, d’effectuer cinq heures hebdomadaires de travail.

    Européen, il voit dans l’euro la condition de la stabilité économique de la Communauté, mais reproche tout de même aux politiques monétaires rigoureuses de Bruxelles de compromettre gravement les possibilités d’investissement des entreprises. Enfin, il se prononce en faveur d’une politique migratoire autoritaire, et des mesures exceptionnelles pour lutter contre le terrorisme.

    Le libéralisme européen de Virginie Calmels

    La faction opposée – au sein même de LR –, représentée naguère par Juppé, Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand et consorts, aujourd’hui par Virginie Calmels, campe sur une tout autre ligne : libéralisme économique soutenu étrangement par le jacobinisme administratif d’État, européisme délibéré misant tout sur la construction européenne,

    Actu-4.jpgÉtat minimal sur les prérogatives régaliennes, renoncement de fait aux fondements théoriques et aux « valeurs » morales de la droite, recherche effrénée d’un consensus éthique et politique entre droite modérée, centristes et ce qui reste de la gauche sociale-libérale ou sociale-démocrate, souplesse dans la limitation de l’immigration et la lutte contre le terrorisme. Elle pourrait reprendre à son compte le propos du non-regretté Michel Guy en son temps, lequel se disait « de droite pour l’économie, de gauche pour tout le reste ».

    [Photo : La France prisonnière des institutions européennes dans lesquelles elle s’est fourvoyée.]

    Une stratégie purement politicienne

    Les divers camps ainsi présentés, il est certain que les intérêts français sembleraient mieux représentés et mieux défendus par Laurent Wauquiez président de LR et président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

    Sauf que les choses ne sont pas si simples, et qu’il convient d’y regarder à deux fois, voire plus. En réalité, les gesticulations, les propos véhéments, les déclarations provocantes – et même dites en catimini ou prétendument – et les professions de foi solennelles de Laurent Wauquiez ne sont que les éléments d’une stratégie politicienne visant à reconstituer autour de sa propre personne –pour laquelle il rêve d’un destin élyséen – un grand parti tory à la française capable de faire rentrer dans le rang les libéraux purs et les centristes, de mobiliser l’électorat autour d’un programme audacieux – du moins en apparence – et du sentiment d’attachement – apparent lui aussi – « aux valeurs » patriotiques, nationales et morales fondatrices de la droite, afin de reconquérir le terrain perdu au profit de Macron et de LREM lors des élections présidentielle et législatives de 2017, et de remporter celles de 2022, en récupérant une partie de l’électorat FN, maintenant RN.

    Il faut bien comprendre une spécificité française à quoi se réduit de plus en plus la Ve République : tout n’est plus que stratégie électorale autour de l’élection majeure qu’est la présidentielle. Il ne s’agit que de se constituer une base électorale en additionnant les divers courants, ce qu’a fait Macron… et ce que les futurs candidats veulent tous faire. D’où les effritements rapides et les déceptions !

    Dans notre république, plus que dans toutes les autres démocraties libérales, il en va de plus en plus ainsi : les idées ne sont que des slogans, des cris ou des formules de ralliement, des mots d’ordre, des arguments publicitaires, des éléments de propagande, au service de la conquête du pouvoir. Une fois cette conquête réalisée, elles perdent toute importance. Pire : naguère utiles, elles deviennent encombrantes et nocives à l’action et à la liberté de mouvement du ou des nouveaux maîtres du pouvoir. C’est ce qui s’est vu avec les exemples de Chirac, puis de Sarkozy et, sur le versant gauche, avec celui de Hollande.

    Wauquiez n’est que candidat

    En octobre dernier, Wauquiez a reproché à Macron de n’avoir pas « d’amour charnel pour la France ». Mais lui-même s’en montrera-t-il vraiment pourvu quand il sera le maître, s’il le devient ? Il a également reproché aux divers traités et textes européens d’ignorer délibérément « les racines judéo-chrétiennes de l’Europe » et même aux billets de banque de ne pas comporter d’effigies de quelques Européens illustres, de peur d’éveiller les sentiments patriotiques des peuples fédérés par la Communauté. Et même, une fois en fonction, pourrait-il quoi que ce soit, prisonnier qu’il serait, comme tous les autres, d’institutions dans lesquelles la France s’est fourvoyée. Au fond, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie sont plus libres que la France et ne parlons pas de Donald Trump ! Et de Poutine ! Et de la Chine !

    Wauquiez a commis un tract, jugé « inutilement anxiogène » par les centristes LR et UDI, intitulé « Pour que la France reste la France », qui se présente comme un manifeste de défense de l’identité française contre une Europe phagocyteuse et face à une dérive socio-culturelle liée à la prévalence des idées subversives, d’une part, et à la pression d’une immigration sans contrôle, d’autre part. Eh bien, ses adversaires peuvent se rassurer : devenu Président de la République, Wauquiez a toute chance de guérir bien vite de son prurit identitaire ! Et il s’accordera sur « l’essentiel » avec la classe dirigeante française qui sera bientôt la seule en Europe à maintenir cette ligne européiste. Du reste, et honnêtement, peut-on être à la fois un Européen partisan convaincu de l’euro et un patriote soucieux du développement des entreprises françaises ? Non, le temps ne montre que trop que cette gageure relève de la quadrature du cercle.

    Ces remarques valent pour les autres notables des Républicains. Ainsi, Valérie Pécresse, catholique et pratiquante, naguère très engagée dans la défense des Chrétiens d’Orient et la lutte contre le prosélytisme islamique en France, soutien de Sarkozy, dont elle fut un ministre important, s’est ralliée en 2016 à Alain Juppé au moment des primaires de la droite. Du reste, elle appartient, depuis seize ans – un bail ! – à la très libérale French-American Foundation, organisation constituée pour renforcer les liens entre la France et les États-Unis. Vigoureusement opposée, en 2013, à la loi Taubira instituant le mariage pour tous, allant jusqu’à proposer non seulement d’abroger cette mesure mais de dissoudre les mariages homosexuels conclus durant sa période d’application, elle a changé d’avis, et s’est ralliée à cette innovation qu’elle contestait ouvertement, « tout simplement parce que j’ai réfléchi » – à son plan de carrière sans doute –, affirme-t-elle à qui veut l’entendre, et parce qu’elle estime un retour en arrière, en la matière, « impensable humainement » ! Laurent Wauquiez lui-même, affiche sa bonne entente avec Sens commun, mouvement hostile au mariage homosexuel et proche des Républicains. Arrivé au pouvoir, il pourra le renvoyer à la niche.

    Ne nous laissons donc pas abuser par les rodomontades et les surenchères démagogiques des uns comme des autres ; elles relèvent de la stratégie électorale, voire de la simple tactique. L’alternance au pouvoir dans le cadre des institutions actuelles, en France plus particulièrement, n’amène que des personnes qui, malgré leurs dires, ne peuvent avoir aucune conviction forte, aucun principe intangible, aucune idée précise, aucun programme défini. Un Patrick Buisson, un Philippe de Villiers, un Éric Zemmour, une Marion Maréchal l’ont parfaitement montré. Tous ces gens, mutuellement opposés à certains moments, se réconcilient ensuite sans peine, car, précisément, rien de sérieux ne les sépare et ils ont trop besoin les uns des autres, ne serait-ce que pour faire semblant de s’opposer.   

     

    Valérie Pécresse, girouette assumée, « parce qu’elle a réfléchi ». 

     Yves Morel

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • Sur TV Libertés, Patrick Buisson : Vatican II, Macron, Islam, Zemmour, Le Pen... il dit tout ! - Le Zoom.


    En 2016, son essai intitulé "La cause du peuple" a marqué les esprits. Cinq ans plus tard, Patrick Buisson publie le premier tome d'une somme qui s'annonce magistrale : "La fin d'un monde".

    Dans un livre riche et dense, le politologue part d'un postulat : depuis les années 60, notre société est décadente. Et toute la question est de savoir comment nous en sommes arrivés là.

    Patrick Buisson évoque l'année charnière de 1964 avec ce qu'il appelle "le krach de la foi" sous l'impulsion fatale du concile Vatican II, puis de la déchéance du pater familias, la fin des paysages, la destruction de l'environnement, de l'autorité, de la verticalité. Dans un entretien souvent rugueux et âpre, Patrick Buisson répond au reproche de mettre trop l'accent sur la transformation des mœurs et des croyances plutôt que sur le "Grand Remplacement" de la population française. Il s'en explique et évoque l'Islam, Macron, Zemmour et le RN. Un entretien événement qui va faire réagir !

  • Éphéméride du 28 mai

    Cathédrale de Beauvais : le vitrail du Miracle de Théophile dans la chapelle axiale de l'abside, consacrée à la Vierge

     

     

    13 mars,germain pilon,renaissance,francois premier,henri ii,saint denis,jean goujonIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-choseou bien pour lesquels les rares évènements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

     1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

     2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

     3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

     4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

     5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

     6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

     7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

     8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

     9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

     10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

     11. Le Mont Saint Michel (11 août)

     12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

     13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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     Aujourd'hui : Quand la cathédrale Saint Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du "Miracle de Théophile".

    Étude du vitrail avec, en parallèle, le texte du "Miracle de Théophile", de Ruteboeuf.  

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    I : Présentation du vitrail, dans son ensemble

     

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    Les 37 "cases" du vitrail, expliquée plus bas, tout au long de cet exposé...
     

    Le vitrail dit du Miracle de Théophile date du XIIIème siècle. Il est situé dans la chapelle axiale de l'abside, consacrée à la Vierge, où l'on trouve plusieurs vitraux dont l'iconographie exalte le rôle de Notre-Dame : arbre de Jessé, enfance du Christ, miracle de Théophile.

    Il s'inscrit dans deux "formes" (cadre de pierre d'une fenêtre, entre lequel se trouve le vitrail) ayant chacune 0,95 m de largeur sur 5,85 de hauteur. Il comprend huit médaillons (ensemble de quatre rectangles) disposés verticalement (quatre par baie).

    Des armatures de fer coupent en quatre chaque médaillon, le divisant en deux scènes, parfois trois. Chaque rectangle ainsi découpé a 65 cm de hauteur sur 46 de largeur. Les verres sont d'épaisseur variable.

    Les scènes se lisent de la droite vers la gauche, et de bas en haut.

    L'ensemble du vitrail présenté ci dessus a été divisé en 37 cases, qui vont être expliquées plus bas. Il suffira donc de se reporter des explications suivantes au schéma précédent pour suivre l'histoire sur le vitrail... On commencera donc par les rectangles 1 et 2, et ainsi de suite... en partant d'en bas à droite (le 1) et en s'arrêtant en haut à gauche (le 36).

    Et Ruteboeuf nous accompagnera, à chaque scène, par un extrait de son Mystère relatif à la scène.

    Le vitrail a dû être plusieurs fois restauré, notamment au XIXème. La rosace qui clôturait ce Mystère n'a malheureusement pas été conservée. Elle représentait la Glorification de la Vierge. Elle a été remplacée au XIXème par celle que l'on voit ci dessous, représentant Théophile en train de signer son pacte avec le Diable (ci dessus, tout en haut, n° 37)
     
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     Sur la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, dans son ensemble, voir notre Évocation du 4 mai :

    Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! 

     

     

    II : L'Histoire que nous raconte le vitrail : la Légende de Théophile

     

    L'histoire se passe au VIème siècle. Théophile est le vidame, c'est-à-dire l'intendant, de l'évêque d'Adana, en Cilicie (Asie Mineure). Clerc vertueux et juste, il refuse par modestie, à la mort de son évêque, de devenir, malgré les voeux des fidèles, le pasteur de son diocèse, et se contente de son poste d'économe. Mais le nouveau prélat le destitue injustement de sa charge. Révolté et ruiné, Théophile s'en va alors trouver un magicien, Salatin, en vue de recouvrir sa fortune et ses fonctions. Salatin, qui "parlait au diable quand il voulait", dit Ruteboeuf, accepte de l'aider. Théophile, en échange, signe de son sang un pacte par lequel il vend son âme à Satan. Dès ce moment, tout réussit à Théophile, qui récupère sa charge et reçoit, de nouveau, présents et honneurs.

    Cependant, les remords viennent bientôt l'assaillir. Il va prier la Vierge. Celle-ci lui apparaît alors et, touchée par son repentir, lui rapporte la charte qu'il avait signée. Théophile court se jeter aux pieds de son évêque. Il lui confesse son crime, et lui remet le pacte. Le prélat convoque aussitôt le peuple et raconte aux fidèles émerveillés l'histoire de la faute et du pardon. Peu de temps après, Théophile meurt saintement, après avoir fait pénitence.

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    Illustration d'Albrecht Dürer ("Vilains") pour le Miracle de Théophile, de Ruteboeuf : Théophile se rend chez le Diable...
     

    Ce thème de l'homme qui vend son âme au diable - dont Goethe s'inspirera six siècles plus tard dans son Faust - et de l'intercession de la Vierge en faveur du pêcheur repentant, a d'abord été rapporté en grec. Nous possédons plusieurs manuscrits (dont l'un, écrit par Eutychianos qui prétend être témoin visuel de ce qu'il raconte). Au IXème siècle, Paul Diacre a réalisé, en latin, la synthèse de tous les manuscrits disponibles (on en dénombre 25, en français, italien, espagnol, allemand, anglais, suédois, islandais...).

    Le Mystère (ou Miracle de Théophile) de Ruteboeuf est l'oeuvre la plus célèbre qui nous soit parvenue. Ruteboeuf y développe la symbolique du vitrail, qui clôt l'édifice tout en éclairant l'église (Suger comparait la lumière et la grâce...), en la protégeant des fureurs du siècle (matière mystérieuse que celle du verre, que la lumière traverse sans se briser...). 

    Il fut joué pour la première fois en public sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 8 septembre 1239, l'archevêque ayant commandé l'oeuvre au poète (voir l'Éphéméride du 8 septembre).

     

     

    III : Description du vitrail, scène par scène

     

    • 1 et 2 : Théophile chassé de sa charge d'économe par son évêque (ci dessous, les deux rectangles d'en bas; les deux du dessus sont les 5 et 6). A gauche, l'évêque est assis sur son trône; il renvoie Théophile du palais épiscopal

     

    Extrait du Miracle de Théophile de Ruteboeuf (tous les extraits, en gras, seront du même...):

    "Ahi ! Ahi ! Dieu, roi de gloire / Je vous ai tant eu en mémoire / Tant ai donné et dépendu (dépensé) / Et tant ai aux pauvres tendu / Ne m'est resté vaillant un sac / Bien m'a dit mon évêque : 'Echac" (échec) / Et il m'a fait mat en un angle."

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    • 3 et 4 : L'évêque d'Adana lit sur son trône (droite, 3); Théophile est tenté par le diable (gauche, 4)

     

    "Dieu ? Eh oui ! Qu'en a-t-il affaire ? / Car il me fait oreille sourde.../ Mais moi je lui ferai la moue : / Honni soit qui de lui se loue !.../ Je ne m'en puis pas à dieu prendre /On ne peut à lui parvenir / Ah ! si on pouvait le tenir / Et bien battre à la retournée (en retour) / On aurait fait bonne journée..."

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    • 5 et 6 : Conversation de Salatin et de Théophile (ci dessous, les deux rectangles d'en haut; les deux d'en bas ont été vus en 1 et 2)

     

    - Théophile : "Salatin, frère, c'est ainsi : / Si toi pouvais cela savoir / Par quoi je pusse les ravoir / Mes biens, mes charges et ma grâce / Il n'est chose que je ne fasse".

    - Salatin : "Voudriez-vous Dieu renier / Celui que tant aimiez prier ? / Tous ses saints et toutes ses saintes / Et en devenir, les mains jointes, Homme lige à qui ce ferait / Que votre honneur il vous rendrait ?..." 

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    Salatin est à gauche, habit rose et blanc; Théophile à droite, habit rouge et vert  

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    Détail : Théophile

     

    • 7 et 8 : Théophile remet de l'argent à Salatin (droite, 7); deux diables tentent à nouveau Théophile (gauche, 8)

     

    "Que faire hélas ? / Si renie Saint Nicolas / Et Saint Jehan et Saint Thomas / Et Notre-Dame / Que deviendra ma chétive âme ? / Elle brûlera dans la flamme / D'enfer le Noir ! / Si effrayé jamais fut-on / Que je suis, voir / Salatin me fera ravoir / Et ma richesse et mon avoir / Et nul n'en pourra rien savoir / Je le ferai."

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    • 9 et 10 : Salatin remet à Satan le pacte signé par Théophile (10, à gauche); effrayé par l'apparition du diable, Théophile se cache derrière le magicien. Théophile, agenouillé devant le diable, lui prête hommage (9, à droite)

     

    Cette scène est l'image exacte du rituel du serment féodal tel qu'il se pratique au Moyen-Âge :
     
    - Satan      : Tes mains joins; / Ainsi mon homme tu deviens / Et t'aiderai; en tout sois mien.

    - Théophile :  Voici que je vous fais hommage; / Pourvu que je raie mon dommage, / Mon beau sire; dorénavant.

    - Satan     : Et moi par contre je promets / Qu'aussi grand seigneur te ferai / Qu'on ne contempla jamais. / Et puisqu'ainsi donc il advient/ Sache vraiment qu'il te convient / Me donner des lettres scellées / Bien claires et bien rédigées..."           

    - Théophile : Les voici; je les ai écrites !"       theophile 9 10.jpg

     

    • 11 et 12 : Théophile, réintégré dans ses fonctions, distribue de l'argent qu'un diable lui prodigue

     

    Théophile a donc retrouvé honneur, charge et puissance. La même scène se retrouve sur le portail nord de Notre-Dame de Paris et sur un vitrail du XIIIème siècle de la cathédrale de Laon. Théophile, assis su

  • Le prince Gaston de France a fêté ses 9 ans ... Nous lui souhaitons un joyeux anniversaire !

    Un jeune prince particulièrement sportif. Ici l’apprentissage de la voile cet été au Yacht Club de Toulon. Photo : Yacht Club de Toulon

    Publié le 20 novembre 2018 - Actualisé le 21 novembre 2018

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    20 novembre 2018

    Nous fêtions hier les 9 ans du Prince Gaston, notre fils aîné.

    Je me joins à la Princesse Philomena pour lui souhaiter un très joyeux anniversaire !

     
    Le prince Jean de France
    (Page Facebook officielle)
  • L'or, enfin, pour Clarisse !

    Clarisse Agbegnenou possède le plus beau palmarès du judo féminin français :

    • une médaille d’or olympique (2020) et une médaille d’argent (2016);

    • cinq titres de championne du monde (2014201720182019 et 2021)

    • deux médailles d'argent mondiales (2013 et 2015);

    • cinq titres européens (2013201420182019 et 2020)...

  • Des réflexions qui se poursuivent, se complètent et s’enrichissent...

                Dans le cadre des Mercredis de la Nar, Jean-Dominique Merchet, journaliste à Libération et animateur du blog Secret Défense avait déjà évoqué, l’an dernier,  la crise de l'Armée française.

                Il revient avec un livre qui  soulève une question cruciale : "Nos soldats doivent-ils mourir pour l'Afghanistan ?" (1)

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                 Quelle est la nature exacte du conflit ? Quelles sont les véritables raisons de la décision présidentielle ? L'armée française est-elle prête ? Quelle est la stratégie de l’Otan ? Le gouvernement français peut-il modifier les orientations qui ont été prises ? Une victoire demeure-t-elle possible ou faut-il préparer les conditions du départ des troupes françaises ?...

                  A Marseille, on se souvient que Jean-François Mattéi avait décidé d’insister, lors de sa brillante intervention du 21 janvier 2008, sur les conséquences non seulement françaises mais aussi européennes et mondiales de l’onde de choc révolutionnaire, partie  de Paris en 1789.         

                 Cette vision planétaire sera reprise et approfondie cette année (2), puisqu’avec Chantal Delsol, Jean-François Mattéi et Jean-Baptiste Donnier s’attacheront à cerner les sources du mal contemporain...

    (1) : Mercredi 14 Janvier, 17 rue des Petits-Champs (4° étage), Paris I°. La conférence commence à 20 heures très précises...

    (2) : Mercredi 21 Janvier : Repas-conférence à l'Hôtel Hollyday Inn, 103 Avenue du Prado, 13008 Marseille (20h15).

     

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  • Royaliste, Emmanuel Macron ? Ce qu'en pense Bertrand Renouvin

     

    Bertrand Renouvin a donné dans son blog une analyse pertinente des déclarations d'Emmanuel Macron. « Royaliste, Emmanuel Macron ? » Sa réponse n'est naturellement pas en tous points ce que serait la nôtre. Notamment sur quelques points d'histoire. Mais son commentaire est tout à fait intéressant pour qui persiste à croire - comme lui, sans doute, et comme nous - en un avenir du royalisme français. La conclusion de son billet est, au fond, une forme d'interrogation : « Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques. » Mais n'est-ce pas là l'enfermer dans une sorte de gageure ? Pour réaliser cet accord entre ses conclusions politiques et sa carrière personnelle, sans-doute faudrait-il qu'il en sorte ... Mieux vaut, peut-être, faire confiance à l'avenir : qui nous dit quelles conséquences plus larges qu'elles n'ont aujourd'hui ces déclarations, cette réflexion, pourraient faire germer si les circonstances d'une hypothèse monarchique venaient à se créer, à se réunir ? Dans ce sens, en effet, Renouvin a raison : elles sont à prendre au sérieux. LFAR 

     

    Renouvin.jpgLes propos d’Emmanuel Macron sur « la figure du roi » suscitent maints commentaires narquois ou indignés. Elle est à prendre au sérieux. Emmanuel Macron dit fort justement que la démocratie ne se suffit pas à elle-même : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. »

    Un entretien accordé à la presse n’est pas aussi médité qu’un écrit théorique et je m’en voudrais de reprocher à Emmanuel Macron ses raccourcis. Sans doute reconnaîtrait-il sans difficulté que Napoléon n’a rien à voir avec de Gaulle pour cette simple raison que l’Empire n’a pas comblé ce qui manque à la démocratie mais s’est établi sur sa négation. Sans doute reconnaîtrait-il également que Louis XVIII et Louis-Philippe ont rempli leur fonction symbolique (incarner la nation, garantir paisiblement le lien social) en permettant l’institution progressive du régime parlementaire. Il aurait pu ajouter que le général de Gaulle comprenait si bien l’absence de roi qu’il souhaitait que le défunt comte de Paris puisse lui succéder à la présidence de la République dès lors que cette solution serait acceptée par le peuple souverain.

    Ces précisions ne diminuent en rien la force du propos d’Emmanuel Macron : en référence aux théorèmes d’incomplétude de Gödel*, il affirme que le système démocratique a besoin pour fonctionner d’un principe extérieur à lui-même : le thème du « roi absent » ne signale pas un royalisme de regret mais un point décisif de la logique politique qui porte à considérer la monarchie royale comme puissance instituante de la démocratie – ce qu’elle fut effectivement dans maintes nations européennes.

    Plus surprenant : la manière dont Emmanuel Macron actualise sa réflexion. Après avoir constaté que la démocratie française ne remplit pas l’espace, il poursuit : « On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » Bon lecteur de Pierre Rosanvallon, de Marcel Gauchet, de Jean-Pierre Dupuy, de Claude Lefort, le ministre de l’Economie et des Finances affirme donc que le président de la République n’existe pas. En d’autres termes, François Hollande, homme de chair et d’os, est un néant politique comme le fut Nicolas Sarkozy. Nous avons fait ce constat depuis belle lurette mais ce qui pouvait apparaître comme une impudence militante est aujourd’hui magistralement attesté.

    Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques.

    * Une théorie qui permet de démontrer les théorèmes de base de l’arithmétique est nécessairement incomplète car elle utilise des énoncés ni démontrables, ni réfutables ; une théorie est cohérente si elle utilise des énoncés qui n’y sont pas démontrables. Gödel a fait l’objet de débats nourris dans les années quatre-vingt, auxquels participèrent Jean-Pierre Dupuy et Régis Debray.

    Le blog de Bertrand Renouvin

     

  • 25 Septembre : Hommage aux Harkis et regard lucide sur la colonisation.

    La colonisation est un mouvement inévitable de l’Histoire. Sa condamnation actuelle est stupide ou hypocrite. Lorsque des peuples mieux organisés, plus puissants sur le plan militaire, plus avancés par leurs moyens logistiques et techniques veulent trouver de nouvelles ressources, de nouveaux débouchés à leurs produits, de nouveaux territoires pour leur croissance démographique, ou tout simplement affirmer leur force par rapport à leurs rivaux, ils occupent des territoires extérieurs, de simples comptoirs commerciaux parfois, mais aussi d’immenses territoires.

    christian vanneste.jpgAinsi en a-t-il été des Grecs et des Phéniciens, des Romains et des Carthaginois, des Espagnols, des Portugais, des Hollandais, des Anglais, des Français, des Allemands et des Russes jusqu’à ce que le monde soit à la fin du XIXe siècle presque entièrement dominé par les Européens, à l’exception notable des Etats-Unis, une ancienne colonie qui depuis est devenue la première puissance mondiale, en pratiquant souvent une forme de colonisation plus subtile sur les anciennes colonies des autres. La colonisation a des effets qu’on peut juger heureux ou malheureux. Les Français ont été, paraît-il, des Gaulois heureusement colonisés par les Romains. Chaque pays a cultivé un style et des méthodes de colonisation qui lui étaient propres. Les Espagnols ont donné une grande place à la conversion religieuse. Les Portugais on fait largement appel à l’importation d’esclaves. Les Hollandais ont mis l’accent sur le commerce. Les Anglais ont poursuivi quatre objectifs avec succès : le contrôle des mers, la recherche de débouchés, des territoires à peupler et d’autres à exploiter. Les Français ont connu deux époques : sous la Monarchie, l’intention économique l’emportait, au XIXe siècle ce fut un mélange de vanité issue de la mélancolie napoléonienne, d’exploitation, peu rentable d’ailleurs, et le tout recouvert par le devoir de « civiliser les peuples inférieurs ». Les résultats sont aussi très contrastés. Les Anglais ont peuplé d’immenses territoires qui permettent à leur culture et à leur langue de dominer l’univers. Ils ont quitté leurs autres possessions sans trop de heurts et en gardant la plupart du temps des rapports corrects avec elles dans le cadre du Commonwealth. Ce fut plus difficile pour les Espagnols qui perdirent leur colossal empire dans la guerre mais qui ont laissé après eux d’immenses régions où l’on parle espagnol et où on est catholique. La colonisation avec continuité territoriale est plus solide que celle qui se fait outre-mer. L’Est de la Russie, l’Ouest des Etats-Unis sont des colonies « incontestables ». Curieusement, les invasions sont considérées comme plus légitimes que les colonisations. La Turquie actuelle, ou l’Algérie sont ainsi de vieilles terres grecque ou berbère, colonisées ou plutôt envahies par les Turcs ou les Arabes.

    L’Algérie est le produit des hésitations et des errements de la colonisation française. A la veille de s’écrouler, la monarchie restaurée plante le drapeau blanc fleur-de-lysé sur Alger, pour venger son honneur, mais surtout pour débarrasser la méditerranée occidentale des pirates esclavagistes musulmans qui y ont leur port. La France royale veut y trouver un peu de cette gloire que conserve l’Empire dans la mémoire des Français. En s’enfonçant dans la terre africaine au gré de ses régimes changeants, la France va faire tout et son contraire. Elle va s’abstenir de prosélytisme religieux y compris à l’égard des Kabyles qui avaient pourtant été chrétiens avant l’invasion musulmane. Mais elle va accorder la citoyenneté française aux juifs sans l’étendre aux musulmans, si ce n’est tardivement. Elle va opérer une oeuvre médicale importante qui va permettre à la démographie locale de croître, mais dans le même temps elle va faciliter un peuplement européen en provenance de l’Alsace-Moselle annexée, mais aussi d’Espagne et d’Italie. Elle va réaliser de nombreuses infrastructures qui font de l’Algérie l’un des pays les plus développés du continent. Elle va jusque dans les dernières années de la présence française vouloir le développement économique et social de l’Algérie avec le Plan de Constantine de 1958 à 1963. Avant l’indépendance, 800 000 jeunes musulmans sont scolarisés. Le gaulliste de la première heure, Jacques Soustelle, ethnologue peu coupable de racisme, voulait l’intégration complète des Algériens aux Français. Le général de Gaulle n’y croyait pas et pensait que l’eau et l’huile ne pouvaient que se séparer. C’est ce qui se fit dans le sang avec l’exode des Pieds-Noirs chassés de leur pays, le massacre et la fuite éperdue des musulmans qui avaient fait confiance à la parole de notre pays, ceux qu’on appelle les Harkis. Des dizaines de milliers ont été assassinés dans des conditions horribles. Les autres, avec à leur tête le Bachaga Boualam, qui a été Vice-Président de notre Assemblée Nationale, Français musulmans rapatriés, ont été de vrais réfugiés en France, souvent moins bien accueillis que ceux d’aujourd’hui, lesquels sont surtout des migrants économiques..

    Le 25 Septembre leur est dédié. J’ai personnellement participé activement à l’élaboration et aux votes des lois de 1994 et de 2005 instaurant une reconnaissance et une réparation à leur égard. La France, dans cette tragédie, a sali son honneur. La cruauté des traitements infligés aux Harkis au mépris des accords d’Evian par le pouvoir algérien est d’une totale abjection. Il faut aujourd’hui que les Français soient lucides sur ce passé et qu’ils voient en cette journée le signe qu’il est possible à des musulmans d’être des Français à condition de le choisir et de le vouloir vraiment, ce qui est loin d’être le cas de tous les immigrés. Les Harkis et leurs descendants ne sont pas des Français de papier. Ils le sont par le sang, le sang versé.

    Source : http://www.christianvanneste.fr/

  • Le rapport Stora (2), par Jean Monneret*.

    Des vic­times tou­jours négligées.

    Après avoir lu ce qui pré­cède, cer­tains me diront : « Hola ! Arrê­tez. Vous faites erreur, le rap­port Sto­ra ne concerne pas l’immigration, ni la nation fran­çaise. Il concerne les rap­ports fran­co-algé­riens avec comme but de récon­ci­lier les mémoires oppo­sées de la Guerre d’Algérie. »

    7.jpgOr, pré­ci­sé­ment, il n’est pas néces­saire de réflé­chir long­temps pour com­prendre que le Pré­sident vou­drait, _ce qui explique la mis­sion confiée à Stora_, que les rap­ports d’une France et d’une Algé­rie récon­ci­liées servent de modèle pour toute la poli­tique de l’immigration.

    Dans son esprit, si la France et l’Algérie, pays musul­man, se rap­prochent, toute la socié­té fran­çaise en sera apai­sée. Le fait colo­nial appar­tien­dra au pas­sé comme les trau­ma­tismes de la déco­lo­ni­sa­tion et les cris­pa­tions actuelles. Le pas­sage des géné­ra­tions, l’œuvre du temps effa­ce­ront les conflits et les ran­cœurs d’hier comme d’aujourd’hui.

    Certes, tout le monde peut rêver. Aux esprits simples, tout parait simple. Or, récon­ci­lier les mémoires conflic­tuelles de la Guerre d’Algérie est tout, sauf aisé. Une des condi­tions pour réus­sir ce type d’opération, à sup­po­ser que ce soit pos­sible, est de bien prendre en compte toutes les sen­si­bi­li­tés, tous les vécus, toutes les souf­frances. Les 60 der­nières années montrent qu’en ce domaine, beau­coup, vrai­ment beau­coup, reste à faire. En effet, pour nombre de ceux qui s’expriment, débattent, écrivent, « col­loquent » sur ce sujet, il n’existe qu’une seule caté­go­rie de vic­times : celles cau­sées par l’activité de la Police et de l’Armée françaises.

    Les har­kis, les pieds noirs enle­vés et por­tés dis­pa­rus, les mas­sa­crés du 20 août 1955 et du 5 juillet 1962, n’entrent pas dans la même caté­go­rie. Ceux qui les ignorent déli­bé­ré­ment, qui mini­misent leur nombre, les souf­frances et le désar­roi de leurs familles, ne sont pas rares. C’est peu dire ; ils sont légion.

    Pour toutes ces vic­times si peu ou si mal consi­dé­rées, la mis­sion confiée à Sto­ra est une bles­sure sup­plé­men­taire. Celui-ci, par ses écrits, ses inter­views, ses prises de posi­tion diverses, n’a jamais fait preuve d’une grande sen­si­bi­li­té pour elles. De plus, en maintes cir­cons­tances, il a affi­ché des pen­chants peu com­pa­tibles avec sa qua­li­té hau­te­ment reven­di­quée d’historien.

    Il n’a pas craint d’affirmer son désac­cord avec Camus concer­nant le ter­ro­risme ; allant jusqu’à affir­mer que «  pour les Algé­riens musul­mans, il n’y avait pas d’autre issue »  (que la vio­lence anti­co­lo­niale). Phi­lo­so­phie Maga­zine N° 06296. Hors-Série.

    Lorsqu’au prix d’efforts consi­dé­rables, des his­to­riens et des cher­cheurs ont réus­si à faire sor­tir de l’oubli les mas­sacres de pieds noirs du 5 juillet 1962 à Oran, il s’est empres­sé de dire qu’il ne fal­lait pas « ins­tru­men­ta­li­ser » cette journée.

    Lorsque le film anti­his­to­rique de Bou­cha­reb Hors-La-Loi est sor­ti, il en a par­lé favo­ra­ble­ment à la télévision.

    Dans Les mots de la Guerre d’Algérie. Presses Uni­ver­si­taires du Mirail, 2005, il a affir­mé, sous l’entrée Ter­ro­risme que la pra­tique ter­ro­riste des Euro­péens (allu­sion à un atten­tat com­mis dans la Cas­bah en août 1956)  avait inau­gu­ré « la période du ter­ro­risme urbain qui sera ensuite pra­ti­qué par le FLN, sur­tout pen­dant la Bataille d’Alger. » Ceci est his­to­ri­que­ment faux, le FLN a lan­cé des atten­tats aveugles contre les Euro­péens, dans la capi­tale algé­rienne, dès juin 1956.

    Bien sûr, d’aucuns diront qu’il a chan­gé, que son Rap­port fait droit à cer­taines reven­di­ca­tions des har­kis, des pieds noirs, de ces vic­times si long­temps « oubliées ». Pour nous l’impression qui se dégage de son texte et des pré­co­ni­sa­tions* qu’il contient est assez différente.

    (A Suivre)

    *Voir la liste pré­cise dres­sée par le géné­ral Four­nier avec les redou­tables ques­tions qu’elle soulève.

    *Jean Mon­ne­ret, his­to­rien spé­cia­liste de la guerre d’Algérie, auteur de nom­breux ouvrages, notam­ment : His­toire cachée du Par­ti com­mu­niste algé­rien : de l’É­toile nord-afri­caine à la bataille d’Al­ger, Via Roma­na, 170 p., 2016 Camus et le ter­ro­risme, Paris, Édi­tions Micha­lon, 2013, 192 p.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • 25 Septembre : Hommage aux Harkis et regard lucide sur la colonisation, par Christian Vanneste.

    La colonisation est un mouvement inévitable de l’Histoire. Sa condamnation actuelle est stupide ou hypocrite. Lorsque des peuples mieux organisés, plus puissants sur le plan militaire, plus avancés par leurs moyens logistiques et techniques veulent trouver de nouvelles ressources, de nouveaux débouchés à leurs produits, de nouveaux territoires pour  leur croissance démographique, ou tout simplement affirmer leur force par rapport à leurs rivaux, ils occupent des territoires extérieurs, de simples comptoirs commerciaux parfois, mais aussi d’immenses territoires.

    christian vanneste.jpgAinsi en a-t-il été des Grecs et des Phéniciens, des Romains et des Carthaginois, des Espagnols, des Portugais, des Hollandais, des Anglais, des Français, des Allemands et des Russes jusqu’à ce que le monde soit à la fin du XIXe siècle presque entièrement dominé par les Européens, à l’exception notable des Etats-Unis, une ancienne colonie qui depuis est devenue la première puissance mondiale, en pratiquant souvent une forme de colonisation plus subtile sur les anciennes colonies des autres. La colonisation a des effets qu’on peut juger heureux ou malheureux. Les Français ont été, paraît-il, des Gaulois heureusement colonisés par les Romains. Chaque pays a cultivé un style et des méthodes de colonisation qui lui étaient propres. Les Espagnols ont donné une grande place à la conversion religieuse. Les Portugais on fait largement appel à l’importation d’esclaves. Les Hollandais ont mis l’accent sur le commerce. Les Anglais ont poursuivi quatre objectifs avec succès : le contrôle des mers, la recherche de débouchés, des territoires à peupler  et d’autres à exploiter. Les Français ont connu deux époques : sous la Monarchie, l’intention économique l’emportait, au XIXe siècle ce fut un mélange de vanité issue de la mélancolie napoléonienne, d’exploitation, peu rentable d’ailleurs, et le tout recouvert par le devoir de “civiliser les peuples inférieurs”. Les résultats sont aussi très contrastés. Les Anglais ont peuplé d’immenses territoires qui permettent à leur culture et à leur langue de dominer l’univers. Ils ont quitté leurs autres possessions sans trop de heurts et en gardant la plupart du temps des rapports corrects avec elles dans le cadre du Commonwealth. Ce fut plus difficile pour les Espagnols qui perdirent leur colossal empire dans la guerre mais qui ont laissé après eux d’immenses régions où l’on parle espagnol et où on est catholique. La colonisation avec continuité territoriale est plus solide que celle qui se fait outre-mer. L’Est de la Russie, l’Ouest des Etats-Unis sont des colonies “incontestables”. Curieusement, les invasions sont considérées comme plus légitimes que les colonisations. La Turquie actuelle, ou l’Algérie sont ainsi de vieilles terres grecque ou berbère, colonisées ou plutôt envahies par les Turcs ou les Arabes.

    L’Algérie est le produit des hésitations et des errements de la colonisation française. A la veille de s’écrouler, la monarchie restaurée plante le drapeau blanc fleur-de-lysé sur Alger, pour venger son honneur, mais surtout pour débarrasser la méditerranée occidentale des pirates esclavagistes musulmans qui y ont leur port. La France royale veut y trouver un peu de cette gloire que conserve l’Empire dans la mémoire des Français. En s’enfonçant dans la terre africaine au gré de ses régimes changeants, la France va faire tout et son contraire. Elle va s’abstenir de prosélytisme religieux y compris à l’égard des Kabyles qui avaient pourtant été chrétiens avant l’invasion musulmane. Mais elle va accorder la citoyenneté française aux juifs sans l’étendre aux musulmans, si ce n’est tardivement. Elle va opérer une oeuvre médicale importante qui va permettre à la démographie locale de croître, mais dans le même temps elle va faciliter un peuplement européen en provenance de l’Alsace-Moselle annexée, mais aussi d’Espagne et d’Italie. Elle va réaliser de nombreuses infrastructures qui font de l’Algérie l’un des pays les plus développés du continent. Elle va jusque dans les dernières années de la présence française vouloir le développement économique et social de l’Algérie avec le Plan de Constantine de 1958 à 1963. Avant l’indépendance, 800 000 jeunes musulmans sont scolarisés. Le gaulliste de la première heure, Jacques Soustelle, ethnologue peu coupable de racisme, voulait l’intégration complète des Algériens aux Français. Le général de Gaulle n’y croyait pas et pensait que l’eau et l’huile ne pouvaient que se séparer. C’est ce qui se fit dans le sang avec l’exode des Pieds-Noirs chassés de leur pays, le massacre et la fuite éperdue des musulmans qui avaient fait confiance à la parole de notre pays, ceux qu’on appelle les Harkis. Des dizaines de milliers ont été assassinés dans des conditions horribles. Les autres, avec à leur tête le Bachaga Boualam, qui a été Vice-Président de notre Assemblée Nationale, Français musulmans rapatriés, ont été de vrais réfugiés en France, souvent moins bien accueillis que ceux d’aujourd’hui, lesquels sont surtout des migrants économiques..

    Le 25 Septembre leur est dédié.  J’ai personnellement participé activement à l’élaboration et aux votes des lois de 1994 et de 2005 instaurant une reconnaissance et une réparation à leur égard. La France, dans cette tragédie, a sali son honneur. La cruauté des traitements infligés aux Harkis au mépris des accords d’Evian par le pouvoir algérien est d’une totale abjection. Il faut aujourd’hui que les Français soient lucides sur ce passé et qu’ils voient en cette journée le signe qu’il est possible à des musulmans d’être des Français à condition de le choisir et de le vouloir vraiment, ce qui est loin d’être le cas de tous les immigrés. Les Harkis et leurs descendants ne sont pas des Français de papier. Ils le sont par le sang, le sang versé.

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Lire Jacques Bainville (LXV) : La margrave

    LA MARGRAVE.JPEG(Tiré des Lectures, Fayard, pages 193/194/195/196)

     

    La margrave de Bayreuth, ou, comme on disait alors et comme elle disait elle-même, de Bareith, vient d'être mise au théâtre. Ses mémoires, devenus introuvables, vont être réédités. C'est d'ailleurs le type du livre dont la réputation repose sur un malentendu. Célèbre et peu lu, on le prend pour ce qu'il n'est pas. Sur la foi de lettres et de quelques vers de Voltaire, on croirait y trouver le miroir des élégances du dix-huitième siècle alors que les souvenirs de cette princesse royale, fille du roi-sergent et soeur de Frédéric (1) sont d'un réalisme brutal.

    Cependant la margrave écrivait en français. Elle a droit de cité dans notre littérature. Elle est un autre témoin de l'âge où Grimm et l'abbé Galiani rivalisaient avec nos auteurs, où le napolitain Caracioli composait un livre à la gloire de l'Europe française. Les mémoires de Frédrique Sophie Wilhelmine, princesse de Prusse, font revivre une Allemagne presque francisée dans ses classes supérieures et dont les derniers vestiges n'ont disparu qu'après Sedan. En 1914, un prince de Salm, se souvenant d'un de ses ancêtres, celui qui avait construit à Paris l'hôtel qui est devenu le palais de la Légion d'honneur, répugnait encore à se battre contre la France. Il demanda à être envoyé sur le front russe où le sort voulut qu'il fût tué. Il y  a plus d'internationalisme derrière nous que devant nous.

    Le miracles des mémoires de la margrave, c'est qu'ils sont de la langue la plus coulante, au point d'en paraître native, et, de surcroît, presque toujours pure. Qui croirait que cette femme n'est jamais venue à Paris, qu'elle a vécu dans de petites cours grossières, dont elle a  laissé des tableaux comiques avec un sentiment du ridicule aussi vif qu'inattendu ? On y retrouve en vingt endroit le château du baron Thunder-ten-Tronckh et le baron lui-même. Ce mouvement, cette couleur ce style et cette syntaxe si rarement prise en défaut, où les a-telle pris ?

    frederic 2.jpgIl faut le savoir pour comprendre la merveille de cette naturalisation à distance. Wilhelmine avait partagé avec son frère Frédéric (ci contre, âgé d'une soixante d'années, ndlr) une éducation à la française, donnée par des Français. L'un s'appelait Jacques Duhan, l'autre Mme de Rocoulles. Et tous les deux étaient des réfugiés.

    Les protestants émigrés à la révocation de l'Edit de Nantes ont porté beaucoup de choses à l'étranger. Ils y ont porté aussi notre parler et nos lettres, y étant venus tels qu'ils étaient et tout entiers. Duhan de Jandun, le père, sorti de son pays en 1687, s'était rendu à Berlin. Il y devint secrétaire du grand électeur. Il ne voulut même pas confier son fils au collège des réfugiés et se  chargea lui-même de son éducation, assisté de deux coreligionnaires, lettrés et savants, dont l'un La Croze, fut connu de Frédéric II enfant. Jacques Duhan, entré au service de la Prusse, n'en était pas moins Français jusqu'au bout des ongles. Pour sa bravoure il fut remarqué du roi-sergent au siège  de Stralsund. "Il est rare - disait Frédéric - qu'on prenne un précepteur dans une tranchée." C'est pourtant ce qui arriva.

    Quand à Mme de Rocoulle, jeune veuve au moment de la révocation, elle avait quitté la France avec les siens, à tous risques, et trouvé un asile auprès de Sophie-Charlotte, femme du premier roi de Prusse. Il y avait trente ans que Mme de Rocoulle vivait à Berlin, qu'elle y tenait un salon, et elle ne savait pas un mot d'allemand. Elle parlait comme Mme de Sévigné, elle avait de l'esprit, ne craignait pas les plaisanteries gaillardes, rimait volontiers de petits vers. Tout cela s'est retrouvé chez ses élèves, car, en 1714, elle avait été nommée "gouvernante auprès du prince et des princesses royales".   

    Voilà le mystère expliqué. Nous savons ainsi comment Frédéric et sa soeur avaient pris le goût d'écrire en français. Elle y réussit du reste encore mieux que lui. Chose curieuse, le style de la soeur est relevé auatnt que celui du frère est sec, pédant et fade. On a souvent comparé les souvenirs de la margrave au récit de l'Ecossais Hamilton, les Mémoires du chevalier de Grammont. Elle raconte plutôt comme Lesage, dont elle n'a pu manquer de lire les romans, alors dans leur vogue. Tout le récit de l'entrée à Bareith, la peinture des lieux, des gens, des costumes, des façons d evivre, ont le même genre de verve que Gil Blas.  De Mme de Rocoulle, elle tenait le franc-parler et la verdeur du grand siècle, si peu bégueule. La visite à Berlin de Pierre le Grand et de la tsarine, les orgies de Dresde, sont d'un écrivain haut en couleur et qui, à chaque instant, a des trouvailles. Parfois le réalisme est presque choquant et l'on ne songe plus à comparer la margrave aux précieuses lorsqu'on lit le portrait du prince du Neustedt :

    "La qualité des rats qui logeaient dans sa cervelle exigeait beaucoup de place; aussi y en avait-il beaucoup dans sa caboche qui était copieusement grande. Deux petits yeux de cochon d'un bleu pâle remplaçaient assez mal le vide de cette tête; sa bouche carrée était un gouffre dont les lèvres retirées laissaient voir les gencives et deux rangées de dents noires et dégoûtantes; cette gueule était toujours béante; un menton à triple étage ornait ces charmes; un emplâtre servait d'agrément à la partie inférieure de ce menton; il y était flanqué pour cacher une fistule, mais comme il tombait souvent on avait le plaisir de la contempler à son aise."

    À une plume aussi libre, il fallait un sujet extraordinaire. La margrave l'a eu puisque c'est le drame de la cour de Prusse, la querelle tragique du roi-sergent et du prince royal. Elle a été hardie à le traiter. Il est pourtant resté d'elle l'image d'une précieuse, ce qui fait un chapitre à ajouter à l'histoire des réputations littéraires, des oublis et des erreurs dont elle est remplie.

    SANS SOUCI.jpg

    Mieux que de longs discours... : au XVIIIème siècle, alors que son pays a commencé son ascension, le roi de Prusse grave sur la pierre, en français, le nom de son château !

    Impensable aujourd'hui, et symbole du déclassement de la France par la Révolution et par la République idéologique qui en est issue et s'en revendique...

     

    (1) : Dans une autre de  ses notes, Bainville rappelle que le roi de Prusse, à l'époque de Voltaire, ne s'exprimait qu'en français, ne lisait aucun livre d'auteur allemand et, lorsque le cas - rarissime - se présentait, se faisait d'abord... traduire le livre en français !  : un tel engouement pour notre langue, notre civilisation, notre pays; et une telle prépondérance - on peut même dire une telle hégémonie française... - serait tout simplement inimaginable de nos jours...

  • Mai 68 • LʼEmpire U.S. contre-attaque [3]

     Irving Brown

     

    À l’intérieur de l’hexagone, les principaux relais des États-Unis étaient la Section française de l’Internationale ouvrière (S.F.I.O), le syndicat Force Ouvrière (F.O.), l’Union nationale des étudiants de France (U.N.E.F.) et l’extrême-gauche, c’est-à-dire maoïstes et trotskistes. 

    La S.F.I.O. 

    Le parti politique fondé par Jean Jaurès et Jules Guesde, ancêtre du Parti socialiste, devient, au moment de la Guerre froide, un allié important des États-Unis. « En 1947, la SFIO rallie l’avant-garde de l’anti-soviétisme. Elle devient et restera tout au long de la guerre froide un fidèle partenaire de Washington et de ses services secrets. »[1] L’aide américaine destinée aux alliés européens, appelée plan Marshall, sert notamment à renflouer ce parti, et en particulier son journal, fondé par Léon Blum, Le Populaire. C’est le Free Trade Union Congress (F.T.U.C.) qui est chargé d’assurer ce financement occulte. « Depuis la Libération, certains journaux français ne survivent que grâce aux subsides du plan Marshall. En particulier ceux du groupe de presse socialiste de la SFIO. Le FTUC […] a versé 20 000 dollars au Populaire »[2].

    Un Américain a été l’éminence grise et, surtout, le mécène des socialistes français durant l’après-guerre : Irving Brown, comme le souligne Frédéric Charpier : « La SFIO sait ce qu’elle doit au mouvement ouvrier juif, mais aussi à Irving Brown, qui a levé pour Le Populaire, auprès des banquiers Rothschild, 3 millions de francs. »[3] Irving Brown est un « juif libre-penseur »[4] qui est né à New York le 18 novembre 1911 et qui est décédé à Paris le 10 février 1989. Son père était un syndicaliste, le « responsable local des chauffeurs livreurs de lait affiliés aux syndicats des camionneurs de lʼAFL »[5]. Irving Brown « a fait ses classes dans les syndicats de l’automobile et du transport routier, où le secrétaire de lʼAssociation internationale des travailleurs de l’électricité (IBEW), Joseph Keenan, le repère. Devenu un homme clé du War Production Board (Bureau de la production de guerre, créé en 1942 pour assurer l’approvisionnement des industries de guerre), ce dernier introduit Brown dans la place et en fait son assistant, en juin 1943. »[6] Ayant également caressé l’espoir de devenir une star du baseball et étudié l’économie à la New York University, en octobre 1945 il part à Paris, « où lʼAFL a ouvert un bureau permanent dans le but de combattre plus efficacement l’influence communiste. »[7] Celui qu’en Italie on surnomme Scarface, en référence au  célèbre racketteur fasciste américain, est « en fait un véritable ʽʽagent itinérant de la CIAʼʼ opérant sous la couverture de la puissante AFL »[8]. Frédéric Charpier indique à cet égard qu’Irving Brown « sera de toutes les opérations spéciales de la CIA conduites en France durant la guerre froide »[9].

    Il fait notamment partie de ceux qui ont fondé le groupe Bilderberg, cette coterie visant au renforcement de l’alliance entre les États-Unis et l’Europe, et non dans une moindre mesure à la création d’une instance gouvernementale unique à l’échelle mondiale – la fameuse gouvernance globale –. « Pendant la guerre froide, ce cercle a joué un rôle fondamental dans les coulisses de la politique internationale, s’employant au rapprochement américano-européen et œuvrant tout spécialement à l’unification de l’Europe face à lʼʽʽexpansion soviétique.ʼʼ »[10] De plus, « [s]es rencontres annuelles se dérouleront le plus souvent dans de grands hôtels aux quatre coins du monde, comme à Barbizon (France) en 1955, à Yesilköy (Turquie) en 1959, à Woodstock (États-Unis) en 1971, à Megève en 1974 ou à Athènes en mai 2009. […] Le groupe Bilderberg a sans doute pris sa part après-guerre dans l’homogénéisation des élites politiques, patronales et médiatiques des États de l’Alliance atlantique, avant d’être éclipsé dans les années 1960 et 1970 par le CFR (Council on Foreign Relations) et la ʽʽTrilatéraleʼʼ. »[11]

    La France a peut-être été le premier pays à accueillir la tenue de ce type d’événement très spécial. « C’est à Paris, le 25 septembre 1952, que se tient une des toutes premières réunions du groupe. Elle se déroule chez le baron François de Nervo, un ami d’Antoine Pinay, alors président du Conseil. »[12] En réalité il est difficile d’en être certain.

    Cette organisation est en effet née dans le secret le plus total. « ʽʽLes séances de ce groupe ont toujours lieu à huis clos ; les assistants ne font aucune déclaration et il n’y a pas de communiqué partiel ou final.ʼʼ Lié aux services américains, financé secrètement par la fondation Ford, le groupe a été baptisé ʽʽBilderbergʼʼ après avoir tenu en mai 1954 une réunion à l’hôtel Bilderberg dʼOosterbeek, en Hollande. Assistaient à cette grande messe européenne secrète plus d’une centaine d’universitaires, de banquiers, de politiciens, de diplomates, de hauts fonctionnaires internationaux, ainsi que l’inévitable Irving Brown. […] Naturellement, le groupe Bilderberg a ses correspondants français. Le plus éminent d’entre eux, associé dès le début à l’entreprise, est Guy Mollet, le patron de la SFIO. »[13]

    Guy Mollet n’est pas le seul dirigeant socialiste à verser dans l’atlantisme. C’est aussi le cas de François Mitterrand. Celui qui a réussi à mettre le Général en ballottage lors de l’élection présidentielle de 1965 est à la tête d’un parti qui gravite autour de la S.F.I.O., la Fédération de la Gauche démocratique et socialiste (F.G.D.S.). « ʽʽL’ambassade avait des relations très étroites avec les socialistes, notamment François Mitterrand et ses prochesʼʼ, confirmera William Weingarten, conseiller américain en poste à Paris de 1966 à 1968. Dès la fin des années 1950, l’ancien ministre de la IVème République a fréquenté quelques émissaires américains »[14], note Vincent Nouzille. Il se saisit des événements de Mai 1968 pour se poser en recours en cas de défaillance du pouvoir. Et ce avec le soutien américain : le département d’Etat se met à rêver de la formation « d’une coalition de centre-gauche (Mendès France, Mitterrand, Mollet, Defferre), ʽʽplus positive, moins grandiose et plus en consonance avec la politique américaineʼʼ […]. Les préférences américaines en faveur du centre-gauche sont clairement exposées. »[15]   (Dossier à suivre)    

    [1]  Frédéric Charpier, La CIA en France. 60 ans dʼingérence dans les affaires françaises, Paris, Seuil, 2008, p. 28.

    [2]  Ibid., p. 99.

    [3]  Ibid., p. 101.

    [4]  Ibid., p. 31.

    [5]  Frédéric Charpier, « De la Synarchie à lʼénarchie » in Benoît Collombat, David Serveny (dir.), Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, Paris, La Découverte, 2009, p. 68.

    [6]  Idem.

    [7]  Frédéric Charpier, La CIA en France..., op. cit., p. 39.

    [8]  Ibid., p. 32.

    [9]  Frédéric Charpier, « De la Synarchie à lʼénarchie » in Benoît Collombat, David Serveny (dir.), Histoire secrète du patronat, op. cit., p. 70.

    [10]  Frédéric Charpier, « Groupe Bilderberg, Siècle et clubs anti-communistes : les lieux discrets de pouvoir de lʼélite patronale », in  Benoît Collombat, David Serveny (dir.), Histoire secrète du patronat..., op. cit., p. 84.

    [11]  Ibid., p. 84-85.

    [12]  Frédéric Charpier, La CIA en France..., op. cit., p. 185.

    [13]  Ibid.

    [14]  Vincent Nouzille, Des secrets si bien gardés. Les dossiers de la Maison-Blanche et de la CIA sur la France et ses présidents (1958-1981), Paris, Fayard, 2009, p. 218.

    [15]  Ibid., p. 215. 

     

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    Dossier spécial Mai 68