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Le rapport Stora (2), par Jean Monneret*.

Des vic­times tou­jours négligées.

Après avoir lu ce qui pré­cède, cer­tains me diront : « Hola ! Arrê­tez. Vous faites erreur, le rap­port Sto­ra ne concerne pas l’immigration, ni la nation fran­çaise. Il concerne les rap­ports fran­co-algé­riens avec comme but de récon­ci­lier les mémoires oppo­sées de la Guerre d’Algérie. »

7.jpgOr, pré­ci­sé­ment, il n’est pas néces­saire de réflé­chir long­temps pour com­prendre que le Pré­sident vou­drait, _ce qui explique la mis­sion confiée à Stora_, que les rap­ports d’une France et d’une Algé­rie récon­ci­liées servent de modèle pour toute la poli­tique de l’immigration.

Dans son esprit, si la France et l’Algérie, pays musul­man, se rap­prochent, toute la socié­té fran­çaise en sera apai­sée. Le fait colo­nial appar­tien­dra au pas­sé comme les trau­ma­tismes de la déco­lo­ni­sa­tion et les cris­pa­tions actuelles. Le pas­sage des géné­ra­tions, l’œuvre du temps effa­ce­ront les conflits et les ran­cœurs d’hier comme d’aujourd’hui.

Certes, tout le monde peut rêver. Aux esprits simples, tout parait simple. Or, récon­ci­lier les mémoires conflic­tuelles de la Guerre d’Algérie est tout, sauf aisé. Une des condi­tions pour réus­sir ce type d’opération, à sup­po­ser que ce soit pos­sible, est de bien prendre en compte toutes les sen­si­bi­li­tés, tous les vécus, toutes les souf­frances. Les 60 der­nières années montrent qu’en ce domaine, beau­coup, vrai­ment beau­coup, reste à faire. En effet, pour nombre de ceux qui s’expriment, débattent, écrivent, « col­loquent » sur ce sujet, il n’existe qu’une seule caté­go­rie de vic­times : celles cau­sées par l’activité de la Police et de l’Armée françaises.

Les har­kis, les pieds noirs enle­vés et por­tés dis­pa­rus, les mas­sa­crés du 20 août 1955 et du 5 juillet 1962, n’entrent pas dans la même caté­go­rie. Ceux qui les ignorent déli­bé­ré­ment, qui mini­misent leur nombre, les souf­frances et le désar­roi de leurs familles, ne sont pas rares. C’est peu dire ; ils sont légion.

Pour toutes ces vic­times si peu ou si mal consi­dé­rées, la mis­sion confiée à Sto­ra est une bles­sure sup­plé­men­taire. Celui-ci, par ses écrits, ses inter­views, ses prises de posi­tion diverses, n’a jamais fait preuve d’une grande sen­si­bi­li­té pour elles. De plus, en maintes cir­cons­tances, il a affi­ché des pen­chants peu com­pa­tibles avec sa qua­li­té hau­te­ment reven­di­quée d’historien.

Il n’a pas craint d’affirmer son désac­cord avec Camus concer­nant le ter­ro­risme ; allant jusqu’à affir­mer que «  pour les Algé­riens musul­mans, il n’y avait pas d’autre issue »  (que la vio­lence anti­co­lo­niale). Phi­lo­so­phie Maga­zine N° 06296. Hors-Série.

Lorsqu’au prix d’efforts consi­dé­rables, des his­to­riens et des cher­cheurs ont réus­si à faire sor­tir de l’oubli les mas­sacres de pieds noirs du 5 juillet 1962 à Oran, il s’est empres­sé de dire qu’il ne fal­lait pas « ins­tru­men­ta­li­ser » cette journée.

Lorsque le film anti­his­to­rique de Bou­cha­reb Hors-La-Loi est sor­ti, il en a par­lé favo­ra­ble­ment à la télévision.

Dans Les mots de la Guerre d’Algérie. Presses Uni­ver­si­taires du Mirail, 2005, il a affir­mé, sous l’entrée Ter­ro­risme que la pra­tique ter­ro­riste des Euro­péens (allu­sion à un atten­tat com­mis dans la Cas­bah en août 1956)  avait inau­gu­ré « la période du ter­ro­risme urbain qui sera ensuite pra­ti­qué par le FLN, sur­tout pen­dant la Bataille d’Alger. » Ceci est his­to­ri­que­ment faux, le FLN a lan­cé des atten­tats aveugles contre les Euro­péens, dans la capi­tale algé­rienne, dès juin 1956.

Bien sûr, d’aucuns diront qu’il a chan­gé, que son Rap­port fait droit à cer­taines reven­di­ca­tions des har­kis, des pieds noirs, de ces vic­times si long­temps « oubliées ». Pour nous l’impression qui se dégage de son texte et des pré­co­ni­sa­tions* qu’il contient est assez différente.

(A Suivre)

*Voir la liste pré­cise dres­sée par le géné­ral Four­nier avec les redou­tables ques­tions qu’elle soulève.

*Jean Mon­ne­ret, his­to­rien spé­cia­liste de la guerre d’Algérie, auteur de nom­breux ouvrages, notam­ment : His­toire cachée du Par­ti com­mu­niste algé­rien : de l’É­toile nord-afri­caine à la bataille d’Al­ger, Via Roma­na, 170 p., 2016 Camus et le ter­ro­risme, Paris, Édi­tions Micha­lon, 2013, 192 p.

Source : https://www.actionfrancaise.net/

Commentaires

  • Un vieux prof de philo m'avait appris à "écouter le message avant de tuer le messager". Toutes les horreurs de la guerre d'Algérie sont documentées (même la Rue l'Isly) et le rapport Stora évite l'écueil de l'inventaire exhaustif. Ce n'est pas un catalogue mais une ouverture vers une réconciliation.
    Le vrai défi n'est pas dans ses insuffisances inévitables mais dans l'intérêt qu'il suscitera chez les jeunes générations des deux bords de la Méditerranée.
    Soixante ans c'est très loin, et les problèmes propres aux "jeunes" dépassent de beaucoup une souffrance mémorielle due à la colonisation, même s'il en est quelques-uns à crier plus fort que tous les autres pour se faire reluire.
    Parmi les premières réactions algériennes, j'ai lu celle d'un vieillard présidant la Fondation du 8-mai-1945 qui s'offusque que le massacre de Sétif n'ait pas été traité plus à fond. C'est exactement ce que Benjamin Stora a évité de faire alors qu'il en fut certainement tenté par ses positions antérieures.

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