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  • Invasion culturelle, par Germain Philippe.

    Table des matières

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (17/20)

    Cette guerre des races nouvelle, l’Action française l’avait-elle envisagée  ?

    Nouvelles invasions barbares

    L’Action française a osé imaginer un «  retour du religieux  » sous la forme d’une extension islamique, dès 1982. Avouant faire preuve d’une paradoxale admiration pour l’Iman Khomeiny, Pierre Debray mis en garde sur la possibilité d’une future submersion de la France «  par les «  combattants d’Allah  », d’autant que les envahisseurs sont déjà dans la place, ces «  immigrés de la seconde génération qui, pour l’heure ne manifestent la haine et l’envie qu’ils nous portent que par des destructions de voitures, des agressions et autres menus délits que les statistiques de Monsieur Badinter classent dans la petite délinquance.  »

    philippe germain.jpgL’extension islamique passerait par l’immigration. Aux beaux esprits septiques, Debray rappelait l’histoire de France  : « On aurait bien surpris, à l’aube du quatrième siècle, les braves paysans gallo-romains qui embauchaient comme journaliers des barbares, qu’un siècle plus tard, ces «  travailleurs immigrés  » régneraient sur leur terre.1  »

    L’année suivante Debray, nationaliste français de tradition romaine, tenant le racisme pour une aberration fabriquée par le luthérianisme, approfondissait le problème de l’immigration en remontant aux causes et responsabilité de l’élite financière du pays légal. Regrettant qu’en 1830 les français n’aient pas baptisé les arabes d’Algérie «  à la lance d’arrosage dans la tradition de Clovis  » mais aussi que l’Armée n’ait pu jouer son rôle de creuset intégrateur dans une Algérie resté française, il constata historiquement l’impossibilité d’une France multiculturelle. Il rapprochait analogiquement l’immigration magrébine de la société industrielle, de l’histoire des «  classes dangereuse  » du XIX° siècle. Cette faute était imputable à «  l’Établissement  » car le capitalisme financier dominant le capitalisme industriel ne cherche que le profit immédiat sans viser le long terme. Voilà pourquoi au nom du «  raison sachons garder  » de nos rois, il mettait en garde l’Action française de ne pas tomber «  dans les slogans démagogiques d’hurluberlus d’extrême-droite2.  ».

    En 1985 Debray fixa son vocabulaire – donc son concept – en privilégiant «  nouvelles invasions barbares  » à «  nouvelles classes dangereuses  ». Sous ce vocable, à connotation historique, il articulait deux tendance lourdes  ; celle du vieillissement de la population française de souche et celle de l’amplification des flux migratoire largement musulmans entrainant la France vers une société multiculturelle. Plus qu’une guerre de races c’est une invasion culturelle, avec une lutte identitaire qu’envisageait Debray. C’est pourquoi il tentait une projection prospective à échéance d’un siècle, tout en rappelant qu’«  Assurément les conjectures sur l’avenir se révèlent dangereuses.  ». Debray envisageait alors trois hypothèses, qui en 2020 semblent prendre sens.

    Bainville et l’idée directrice

    Attention, l’effort prospectif s’inscrit bien dans la science politique que Maurras a définie comme l’étude de la physique politique par la méthode de l’empirisme organisateur. Dans sa projection prospective, Debray recourt systématiquement à l’expérience historique en prenant soin d’éviter les quatre erreurs de l’illusion réaliste, des «  lois gaufrier  », de l’étouffement de l’esprit de finesse par l’esprit de géométrie et bien entendu de la mono causalité.

    Refus de la dérive mono causale au profit de la notion bainvillienne de «  l’idée directrice  ». Celle qui guide Debray c’est l’analogie avec les invasions barbares. Ce raisonnement par analogie, dont Pierre Gaxotte3 disait qu’il était le plus difficile à manier mais le seul à pouvoir tirer profit de l’expérience de l’humanité en évitant d’utiliser l’histoire à la façon d’une formule chimique.

    En prenant l’analogie avec les invasions barbares, Debray savait qu’on accuserait l’Action française de construire un scénario-catastrophe mais pourtant  : «  Du temps de Saint Augustin, l’Afrique romaine, en dépit des malheurs qui l’accablaient, ne pouvait pas imaginer que le christianisme allait subir une éradication radicale. Nous sommes à ce point persuadés, comme l’étaient les contemporains de Saint Augustin, de la supériorité de notre civilisation, que l’idée qu’elle soit menacée de s’effondrer devient littéralement impensable. Parce que nous les avons, pendant un siècle, ce qui n’est rien, tenus en sujétion, un racisme inconscient nous porte à mépriser les peuples musulmans. Nous mesurons mal la force mobilisatrice du Coran. Parce que chez nous la déchristianisation s’accélère nous ne parvenons plus à prendre l’exacte mesure de la puissance du facteur religieux. Parce que nous laissons la culture américaine utiliser l’hégémonie économique de ses industries «  médiatiques » pour laminer la nôtre, nous comprenons mal le renouveau d’un Islam qui se bat pour préserver son identité culturelle et renoue, du fait même, avec sa vocation conquérante. Parce que nous sommes un vieux peuple, nous ne croyons plus qu’au confort matériel et intellectuel, alors que les peuples jeunes, retrouvent avec le sens du sacrifice le désir de s’approprier nos richesses.  »

    Maurras – Mosquée – races

    A vrai dire Debray, en héritier de Maurras, s’inscrit dans la filiation de son texte prémonitoire de L’Action française du 13 juillet 1926. Rappelons un passage essentiel car il faut rabâcher disait Maurras  : «  Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon. Il n’y a peut-être pas de réveil de l’Islam, auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l’on fait se trouve aussi être la plus vaine des choses. Mais, s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on en puisse douter, un trophée de cette foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où enseignèrent tous les plus grands docteurs de la chrétienté anti-islamique représente plus qu’une offense à notre passé  : une menace pour notre avenir. On pouvait accorder à l’Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants  : c’étaient choses lointaines, affaires d’Afrique ou d’Asie. Mais en France, chez les Protecteurs et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu’un me disait hier  : — Qui colonise désormais  ? Qui est colonisé  ? Eux ou nous  ?  »

    Texte à rapprocher de sa conférence sur la colonisations, donnée lors d’un banquet à la gloire de «  la Plus Grande France  » destiné à resserrer les liens intellectuels, moraux et politiques qui unissent les diverses parties de notre Empire colonial et parue dans l’Almanach d’Action française de 1935   : « Qu’elle soit d’assimilation ou d’association, cette politique de notre ancien régime heurte a angles droits tout ce qui se rabâche dans les groupes prétendument réactionnaires de l’Europe moderne  : leur racisme occupe une position tout à fait contraire à l’esprit de nos traditions. Eh bien  ! c’est le racisme qui a tort  ; c’est nous, réactionnaires français, qui le déclarons.  » Et puis sur les races  : «  Il y a des familles, il y a des familles de familles. Ou des races. Il y a des inégalités profondes entre les unes et les autres. Il n’y a pas d’abîme infranchissable, de différence morphologique absolument tranchée entre celles-ci et celles-là. L’abus est certes possible dans tous les sens  : dans les mélanges, comme dans les restrictions.  » 

    Trois hypothèses d’Action française

    Ceci rappelé, citons les trois hypothèses prospective de l’Action française de 1985.

    • «  Les deux peuples fusionnent, de façon pacifique en renonçant l’un et l’autre à leur identité culturelle pour adopter une culture cosmopolite, à dominante américaine. Cela suppose la déislamisation, aussi complète, des immigrés d’origine musulmane. On assisterait à la naissance d’un peuple nouveau, sans passé donc sans mémoire, la France disparaîtrait au profit d’on ne sait quelle réalité historique, toute différente qui progressivement, élaborerait une langue, dérivée de la nôtre. Un phénomène semblable se produisit au haut Moyen-Age mais à l’époque, le christianisme servait de ciment. Qui le remplacerait ? Actuellement le seul candidat semble être « l’American way of life ».
    • «  Bien que menacé, le pouvoir blanc parvient à maintenir les immigrés dans les tâches subalternes, s’appropriant le monopole du savoir. Il pratiquera, sous une forme ou sous une autre, un apartheid de fait, afin de ne pas risquer de perdre le pouvoir politique. Pour subsister, il lui faudra accepter la tutelle soviétique. En URSS aussi le pouvoir blanc est menacé. Le poids démographique des républiques musulmanes d’Asie Centrale s’accroît. Elles commencent à subir l’influence du fondamentalisme islamique. Les autorités locales, encore qu’étroitement surveillées par les représentants du Parti, tous d’origine européenne, manifestent des velléités d’autonomie. La guerre d’Afghanistan est certes commandée par des considérations géopolitiques. Communiste, la Russie continue sa progression vers les mers chaudes commencée sous les tsars. Néanmoins, la propagande officielle, si l’on en croit les témoignages de soldats tombés aux mains de l’ennemi, fait appel non au marxisme-léninisme mais au nationalisme grand-russien.
    • «  Les leçons de l’histoire n’ayant jamais servi à personne, une troisième hypothèse, la plus vraisemblable, du moins pour le moment, reproduit le scénario de la chute de l’Empire Romain. Les « barbares » entrent d’abord comme esclaves, de nos jours comme prolétaires (au sens étymologique), ce qui n’est guère différent, dans la pratique. Ils se chargent des tâches les plus ingrates que dédaignent les citoyens. Puis, ceux-ci, refusant de servir comme soldats, on enrôle, dans un second stade, des barbares. Cependant, à la périphérie la pression des germains et des slaves, hier, et aujourd’hui des africains, se faisant plus forte, on achète certains chefs, chargés de contenir les autres tribus. Quand cela ne suffit plus, on leur offre des terres, qui, du fait de la faible natalité, retournent à la friche, afin qu’ils s’y installent, à charge pour eux de les défendre. Tout cela coûte cher. L’Etat épuise les citoyens en impôts. Le moment vient où les barbares entrent en masse, les armes à la main, parfois accueillis en libérateurs.  »

    Clans des Yes, des Da et des Ajal

    Quarante années plus tard, confrontées à ce nouveau siècle, que sont devenues les trois hypothèses de Debray  ? Relèvent-elles des oubliettes de l’histoire comme le marxisme  ? Sont-elles enlisées dans le marais des pistes culturelles intellectuellement attrayantes mais finalement bricolés  ? Vérifions succinctement en utilisant la grille de lecture – certes polémique – si chère à Léon Daudet, des «  serviteurs de l’étranger4  ». Elle nous pousse à constater  :

    • Sous sa première hypothèse de la «  fusion pacifique  », nous reconnaissons assez bien le projet de société des laboratoires d’idées progressistes/mondialistes comme Terra Nova, qui infusent le pole idéologique des «  valeurs républicaines  ». Nommons le «  d’américanisation  » car l’ambassade américaine a déployé de grands efforts auprès de nos banlieues5 de l’immigration pour y détecter les élites émergentes, les former aux Etats-Unis en leur répétant que la France ne les reconnait pas et que l’avenir leur appartient. Désignons ses meneurs mondialisant, ces serviteurs de l’étranger, sous le vocable de «  clan des Yes  », avec ses commis européanisant. Ce projet d’américanisation se prévaut de la légitimité des institutions légales. L’élite technocratique au pouvoir déroule méthodiquement sa construction malgré la réaction du pays réel. Engagé à grande échelle dans le monde occidental, mais uniquement dans le monde occidental, le succès de ce projet dont l’objectif est la consommation de masse, passe pour inéducable grâce à un pilonnage médiatique massif et incessant.
    • Sous l’hypothèse du «  pouvoir blanc  », nous discernons l’actuel tentation du renversement d’alliance au profit du nouvel empire russe, effectivement passé du marxisme-léninisme au nationalisme grand-russien. Ce projet identitaire pourrait se prévaloir de la légitimité de la défense de l’identité et des traditions coutumières françaises mais le pole idéologique «  catholique et Français toujours  », souffre encore de l’incapacitant mythe européanisant. En revanche l’ancien «  clan des Da  », celui du Viel électorat communiste, transfère patriotiquement son allégeance sur le vote national-populiste. Tout comme le socle sociologique gaulliste se souvenant d’une alliance russophile de «  l’Atlantique à l’Oural  » permettant d’éviter «  Colombey les deux mosquées  ». Un projet auquel le président Poutine n’est pas insensible, vu son long entretien avec Marine Le Pen6. Sachant que du coté des «  conservateurs  », François Fillon avait semblé disputer à la frontiste le rôle de meilleur allié en France du régime poutinien.
    • Dans la troisième hypothèse, nous retrouvons le projet de «  la soumission  », du roman d’anticipation de Houellebecq de 2015, au moment des attentats islamique de Charlie Hebdo qui ébranlèrent la France entière. Dès juin 2017 le président du Think Tank Génération libre, à mis en évidence la crédibilité d’une prise de pouvoir douce «  à la Houellebecq  » en la rapprochant du coup de force démocratique réalisé par Emmanuel Macron… C’est le projet du «  clan des Ajal  » que nous voyons à l’œuvre dans les zones de non-droit de plus en plus nombreuse aves la mise en place de listes électorales islamiques. Ce projet «  soumission  » repose sur une très forte légitimité, celle de la conviction religieuse, de la jeunesse et d’un accroissement démographique exponentiel. Au moment ou des mosquées s’édifient un peu partout et de plus en plus en France, leurs coupoles et leurs minarets furent décrits en 2009 par le premier ministre turc comme « nos casques et nos baïonnettes ». Nous savons par l’Iman Komeiny, que l’Islam ne s’ébranle que si surgissent des prophètes mais n’est-ce pas l’objectif du charismatique président turc Erdogan qui intervient militairement en Lybie, le verrou de la colonisation migratoire de l’Europe latine.

    Mais alors quelle alternative pour la France ?

    Germain Philippe ( à suivre)

  • Sur le site officiel de l'Action française : « Séparatisme » : les catholiques et la France, premiers visés, l’éditorial

    L’éditorial de Fran­çois Marcilhac

    Le pro­jet de loi « confor­tant le res­pect des prin­cipes de la Répu­blique », qui entre en dis­cus­sion publique ce lun­di 31 jan­vier à l’Assemblée natio­nale en pre­mière lec­ture, ne laisse pas d’inquiéter pour nos liber­tés fon­da­men­tales, d’une part, pour notre iden­ti­té natio­nale d’autre part, sous pré­texte de lut­ter contre le sépa­ra­tisme isla­miste.

    françois marcilhac.jpgFran­çois de Rugy, en com­mis­sion spé­ciale char­gée d’instruire le texte, a ven­du la mèche : les catho­liques sont les pre­miers visés, si bien que nos évêques s’inquiètent légi­ti­me­ment d’une ins­tru­men­ta­li­sa­tion du ter­ro­risme isla­mique pour atten­ter à la liber­té du culte catho­lique et au droit, pour des parents, de don­ner à leurs enfants une ins­truc­tion conforme à leurs convic­tions chré­tiennes. La liber­té d’instruction est en effet dans la ligne de mire de Macron, Blan­quer étant char­gé d’achever le tra­vail com­men­cé par Bel-Kacem en 2016. L’article 22 pré­voit ain­si la fer­me­ture admi­nis­tra­tive des éta­blis­se­ments hors contrat.

    Qu’on se ras­sure, d’ailleurs : avec Macron, dans le droit fil de Hol­lande, la Répu­blique a défi­ni­ti­ve­ment pris la place de la France. La défense de sa culture qui, il est vrai, n’existe pas, ou celle de son iden­ti­té, qui n’existe pas davan­tage, n’intéresse pas un pays légal mon­dia­liste qui ne pense qu’en termes idéo­lo­giques. Nous écri­vions dans notre pre­mier édi­to­rial de l’année 2020 : « Car l’essentiel est là : dans la prise de conscience pro­gres­sive par nos conci­toyens de la séces­sion du pays légal et de la faillite, sub­sé­quente, de nos ins­ti­tu­tions à assu­rer le bien com­mun. » Si la prise de conscience du pays réel est encore trop pro­gres­sive à notre goût, la séces­sion du pays légal, elle, est deve­nue com­plète, comme l’indique cette indif­fé­rence totale à défendre la civi­li­sa­tion fran­çaise face à l’agression isla­miste. Le mot « France » n’apparaît d’ailleurs pas une seule fois dans l’exposé des motifs du texte.

    LA RÉPUBLIQUE : UN PROJET INDÉFINI, JAMAIS ACHEVÉ

    Concept éva­nes­cent, avons-nous dit, à pro­pos de la Répu­blique : l’exposé des motifs non seule­ment le confirme, mais le reven­dique. On nous excu­se­ra de repro­duire une logor­rhée qui serait ridi­cule si elle n’apportait pas la preuve que le pou­voir en place, dans la suite des grands ancêtres, consi­dère la répu­blique comme une religion.

    « Notre Répu­blique est notre bien com­mun. » Mer­ci pour le pléo­nasme ! Respu­bli­ca, en latin, signi­fiant « Bien com­mun » … Et c’est en ce sens que, pour Bodin, la monar­chie royale était pré­ci­sé­ment l’expression la plus ache­vée de la répu­blique. Ce qu’ignorent évi­dem­ment nos répu­bli­ca­nistes rédac­teurs de la prose qui suit, pour laquelle la répu­blique, ce « bien com­mun » est tout autre chose ! Car tout déraille aus­si­tôt : « Elle s’est impo­sée » — ça, c’est vrai ! — « à tra­vers les vicis­si­tudes et les sou­bre­sauts de l’histoire natio­nale parce qu’elle repré­sente bien davan­tage qu’une simple moda­li­té d’organisation des pou­voirs : elle est un pro­jet. » Et voi­là bien ce qui nous inquiète : en quoi la répu­blique se per­met-elle d’être un « pro­jet » ? Et de pour­suivre : « Mais ce pro­jet est exi­geant ; la Répu­blique demande une adhé­sion de tous les citoyens qui en com­posent le corps. » : Voca­bu­laire reli­gieux… ins­pi­ré du chris­tia­nisme. Et voca­bu­laire mili­tant, ins­pi­ré des idéo­lo­gies sécu­laires. La répu­blique, en tout cas, est une église, dont les citoyens sont le corps, et une église à laquelle il est impos­sible d’échapper. Ce qui s’appelle une secte. « Elle vit par l’ambition que cha­cun des Fran­çais désire lui don­ner. Et c’est par cette ambi­tion qu’elle se dépasse elle‑même. » Ah, trans­cen­dance (humaine, trop humaine), quand tu nous tiens !  « Ain­si que le disait le Pré­sident de la Répu­blique » — la pen­sée divine de Jupi­ter nous est livrée — « à l’occasion de la célé­bra­tion du 150ème anni­ver­saire de la pro­cla­ma­tion de la Répu­blique le 4 sep­tembre 2020 : « la Répu­blique est une volon­té jamais ache­vée, tou­jours à recon­qué­rir » ». Ter­rible aveu :  la répu­blique, pour Macron, est bien un mil­lé­na­risme, une de ces reli­gions sécu­laires en cours per­pé­tuel d’achèvement et qui doit, de ce fait, exi­ger tou­jours davan­tage de ses adeptes plus ou moins contraints, les citoyens que nous sommes, les « Mal­gré-nous » de la Répu­blique. Telle fut la révo­lu­tion fran­çaise, jamais ache­vée ; telle fut la révo­lu­tion bol­che­vique, jamais ache­vée ; telle fut la révo­lu­tion natio­nale-socia­liste, jamais ache­vée ; telle est la répu­blique, jamais ache­vée, puisque pro­jet indé­fi­ni, de ce fait tou­jours mena­cé puisque tou­jours incer­tain, tou­jours « à recon­qué­rir », en pre­mier lieu contre les Fran­çais eux-mêmes, tou­jours trop fran­çais, jamais encore suf­fi­sam­ment répu­bli­cains, qui doivent le deve­nir chaque jour davan­tage en se déles­tant du far­deau de leur culture, de leurs habi­tudes ances­trales, de leur iden­ti­té, voire de leur langue.

    UNE RÉÉCRITURE DE L’HISTOIRE

    Le dan­ger isla­miste est dès lors per­çu comme mena­çant non pas une civi­li­sa­tion sécu­laire, une nation dont l’histoire et la culture sont si riches, un peuple libre à la forte iden­ti­té, mais un pro­jet indé­fi­ni. Il est vrai que, pour­suit l’exposé des motifs : « Notre Répu­blique s’est construite sur des fon­da­tions solides, des fon­de­ments intan­gibles pour l’ensemble des Fran­çais : la liber­té, l’égalité, la fra­ter­ni­té, l’éducation, la laï­ci­té. » On ne peut s’empêcher de pen­ser à ce ver­dict du phi­lo­sophe Pierre Manent : « La laï­ci­té est un dis­po­si­tif de gou­ver­ne­ment qui n’é­puise pas le sens de la vie com­mune, et qui d’ailleurs en donne une repré­sen­ta­tion abs­traite et fort pauvre. On n’habite pas une sépa­ra­tion. […] Lorsqu’on nous demande d’adhérer aux valeurs de la Répu­blique, on ne nous demande rien ou on ne nous demande que des abs­ten­tions. » (Situa­tion de la France)

    C’est pour­quoi, comme on n’est jamais aus­si bien ser­vi que par soi-même, l’exposé des motifs réécrit l’histoire : « Tout au long de son his­toire, notre Répu­blique a su être à la fois intran­si­geante sur les prin­cipes et géné­reuse dans son action. Au fil des ans, patiem­ment, elle a ras­sem­blé tout un peuple et, par­mi ce peuple, mêmes [sic] ceux qui au départ lui étaient hostiles. »

    Oublié le pre­mier grand géno­cide de l’ère moderne, en Ven­dée, oubliés les mariages répu­bli­cains de Nantes entre prêtres réfrac­taires et reli­gieuses célé­brés dans la Loire, quand ils n’étaient pas dépor­tés, oubliée Lyon « Ville affran­chie », oublié le mas­sacre des ouvriers pari­siens au prin­temps 1848 et celui des com­mu­nards au prin­temps 1871, oubliée l’éradication des langues régio­nales sous la IIIe répu­blique (com­pa­rées à des cra­chats, puisqu’il était inter­dit aux éco­liers à la fois de par­ler « patois » et de cra­cher en classe), oublié l’exil for­cé des reli­gieux et des reli­gieuses sous la IIIe Répu­blique… Oui : « Tout au long de son his­toire, notre Répu­blique a su être à la fois intran­si­geante sur les prin­cipes et géné­reuse dans son action… » Oui : « Au fil des ans, patiem­ment » — « l’adjectif est admi­ra­ble­ment bien choi­si — « elle a ras­sem­blé tout un peuple et, par­mi ce peuple, même ceux qui au départ lui étaient hostiles. »

    VERS DES PRÊTRES ASSERMENTÉS ?

    Faute de cibler un enne­mi pré­cis, l’islamisme, par peur d’amalgamer tous les musul­mans dans cette répro­ba­tion, Macron a, par inté­rêt bien com­pris, pré­fé­ré faire un autre amal­game : celle des reli­gions, comme si « la » reli­gion, cela exis­tait, comme si, sur­tout, le catho­li­cisme, qui, à la fois, a pré­si­dé à la nais­sance de notre pays et est au fon­de­ment de la notion même d’une saine laï­ci­té, pou­vait être com­pa­ré aux dérives extré­mistes d’une reli­gion étran­gère à notre culture et à notre iden­ti­té. Mais il avait pré­ve­nu, aux Ber­nar­dins : le seul ave­nir pos­sible de l’église catho­lique en France, c’est celui d’une ONG. Cette loi l’y aide­ra, à coup sûr, en pré­voyant des mesures qui pour­ront être diri­gées contre les catho­liques — comme, pour un juge, la pos­si­bi­li­té d’interdire à un fidèle de se rendre à la messe (article 42 du pro­jet de loi), comme si une obli­ga­tion reli­gieuse (la messe domi­ni­cale) pou­vait être du res­sort d’un juge. Les tra­di­tion­na­listes seront évi­dem­ment visés, dans un pre­mier temps, amal­ga­més aux isla­mistes, avant que — on est tou­jours le tra­di­tion­na­liste de quelqu’un —, l’ensemble des catho­liques ne le soient. La pos­sible fer­me­ture admi­nis­tra­tive des églises (article 44) y aide­ra gran­de­ment, comme les nou­velles contraintes finan­cières et admi­nis­tra­tives sur les asso­cia­tions cultuelles. C’est la loi de 1905, qui est visée, de même que le concor­dat d’Alsace-Moselle, qui se trouve mena­cé. Le nou­veau monde macro­nien vise-t-il, à tra­vers l’obligation per­ma­nente de chan­ter les louanges de la tri­ni­té répu­bli­caine « Liber­té, éga­li­té, fra­ter­ni­té », l’instauration d’une nou­velle église offi­cielle, comme sous la révo­lu­tion, avec, bien­tôt, l’obligation pour les prêtes de prê­ter ser­ment à la Répu­blique ? C’est du moins la logique du texte.

    QUEL GRAND REMPLACEMENT ?

    Quant à tous les articles ciblant l’instruction à la mai­son ou les écoles hors contrat (articles 21 et sui­vants), ils achèvent la besogne de Jules Fer­ry : faire des petits Fran­çais des répu­bli­cains sou­mis à l’ordre éta­bli. Car l’exposé des motifs, encore lui, l’avoue sans ambages : la répu­blique a tou­jours pen­sé l’école comme un lieu de pro­pa­gande, avec ses esca­drons for­més par les hus­sards noirs : « Au cœur de la pro­messe répu­bli­caine, l’école est le lieu des appren­tis­sages fon­da­men­taux et de la socia­bi­li­té, où les enfants font l’expérience des valeurs de la Répu­blique. » Dom­mage que cette concep­tion de l’école, dans laquelle les appren­tis­sages des savoirs fon­da­men­taux deviennent de plus en plus anec­do­tique au pro­fit de l’endoctrinement socié­tal, nous place dans les der­niers rangs des éva­lua­tions inter­na­tio­nales. Encore une réus­site du pro­jet républicain…

    Inef­fi­cace et dan­ge­reux : tel paraît déjà ce pro­jet de loi. Inef­fi­cace contre l’islamisme qui gan­grène les quar­tiers immi­grés et impose de plus en plus sa loi dans l’ensemble du pays ; dan­ge­reux pour nos liber­tés fon­da­men­tales et notre iden­ti­té. La « Répu­blique » cherche à prendre défi­ni­ti­ve­ment prendre la place du peuple fran­çais. Car le seul vrai grand rem­pla­ce­ment que nous connais­sions, c’est bien celui de la France par la Répu­blique comme « pro­jet » indé­fi­ni — la forme poli­tique du nihi­lisme. Tout le reste n’en est que la conséquence.

    Fran­çois Marcilhac

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • L'Islam est-il une hérésie, par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgUne étude sérieuse du Coran permet d’y découvrir la présence d’un nombre substantiel de passages semblant relever de doctrines jugées hérétiques par le Magistère de l’Église. Or, une prise en considération de ces hérésies chrétiennes dans le livre sacré des musulmans est nécessaire pour connaître réellement l’islam et entreprendre un dialogue en vérité avec les musulmans.

    La complexité de cette question mérite donc une clarification. Telle est la tâche entreprise par Annie Laurent dans cette Petite Feuille Verte n° 94. Elle se présente comme une introduction générale au sujet (définitions, contexte historique, etc.); les suivantes exposeront les différentes hérésies les unes après les autres (millénarisme, arianisme, nestorianisme, pélagianisme, iconoclasme, etc.), avec leur contenu et leur application dans le Coran...

    Mahomet prêchant, de Grigori Gagarine (1845, Musée Russe, à Saint-Petersbourg)

    QU’EST-CE QU’UNE HÉRÉSIE ?

    Une définition claire du mot « hérésie » (du grec Haireo, « j’emporte », « je saisis »), dans son acception chrétienne, est donnée par le Code de droit canonique : « On appelle hérésie la négation obstinée, après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité » (can. 751).

    Le Dictionnaire d’histoire de l’Église, récemment publié sous la direction de Mgr Bernard Ardura, président du Comité pontifical des sciences historiques (Éd. du Cerf, 2022), apporte cette précision : « Le terme d’“hérésie” se développa à l’intérieur de la chrétienté. Il désigne le fait de dévier de ce que les chrétiens considèrent comme le vrai credo » (p. 450).

    Historiquement, il fut admis très tôt que le contrôle doctrinal de ces déviations incombait à la hiérarchie de l’Église, ce qui reste le cas dans le catholicisme. À partir du IVème siècle, des conciles œcuméniques ont été convoqués pour examiner ces doctrines déviantes et se prononcer à leur sujet, le plus souvent au moyen de précisions théologiques, d’anathèmes et/ou de condamnations de leurs instigateurs.

    En théorie, la généralisation du concept d’hérésie pourrait entraîner son application hors du domaine catholique, donc dans les autres religions, y compris l’islam. Pour ce dernier, l’hérésie concernerait alors ceux qui, en son sein, nient ou déforment les croyances de base affirmées dans son livre sacré (p. ex. le Coran « incréé », l’unicité divine, le rôle « prophétique » de Mahomet, etc.). Rien ne permet cependant d’envisager une telle hypothèse puisque l’islam ne dispose d’aucune autorité magistérielle, l’institution d’El-Azhar étant trop souvent perçue à tort comme l’équivalent de la papauté (sur El-Azhar, cf. PFV n° 87 et n°88). Certains juristes sunnites considèrent cependant le chiisme et ses dissidences (druze, alaouite, alévie, ismaélienne) comme des hérésies.

    L’ISLAM EST-IL UNE HÉRÉSIE ?

    La qualification d’hérésie appliquée à l’islam en tant que tel et dans son intégralité ne peut donc pas être retenue comme le montrent plusieurs spécialistes.

    Michel Younès, professeur de théologie à l’Université catholique de Lyon : « À la différence d’une approche qui perçoit l’islam comme une hérésie venant d’une dérive chrétienne ou judéo-chrétienne, plusieurs études cherchent à analyser la complexité islamique autrement. Il ne s’agit plus de revenir à un proto-islam, mais de constater les traces d’une diversité constitutive, relative aux multiples influences intégrées dans cet islam naissant » (Les approches chrétiennes de l’islam, Éd. du Cerf, coll. Patrimoines, 2020, p. 42).

    M. Younès cite Jan Van Reeth, enseignant à la Faculté des sciences religieuses comparées d’Anvers (Belgique) : « Ce serait une erreur de vouloir réduire les origines de l’islam à une seule communauté ou un seul mouvement religieux […]. Les recherches actuelles montrent plutôt que l’islam naissant a subi un grand nombre d’influences très diverses et venant de plusieurs horizons » (ibid., p. 43).

    En 1938, Hilaire Belloc, écrivain catholique britannique (1870-1953), publiait un livre intitulé The Great Heresies, qui vient d’être traduit en français (Les grandes hérésies, Artège, 2022). À partir d’une approche généraliste : « Une hérésie est l’entreprise de déconstruction d’un corps de doctrine unifié et homogène par la négation d’un élément inséparable de l’ensemble » (ibid., p. 46), cet auteur consacre un chapitre entier à « La grande et durable hérésie de Mahomet » (ibid., p. 95-152). Pour lui, le « mahométisme débuta comme une hérésie, et non comme une nouvelle religion » malgré l’apparence que lui donnaient « sa vitalité et son endurance » (ibid., p. 98).

    Il se fait ensuite plus précis, rappelant que la doctrine islamique a émergé « en dehors du giron de l’Église » et soulignant que Mahomet, « né païen », « jamais baptisé », « s’appropria les doctrines chrétiennes et fit le tri entre elles dans un pur élan hérétique […]. Mais il ne procéda nullement de l’intérieur ; son action fut externe » (ibid., p. 116-117)
    [selon les connaissances historiques de l’époque de Belloc ; on pourra juger de leurs avancées à la lecture du dossier « Le Coran des historiens » publié par La Nef n°325, NDLR]

    Ainsi, en considérant l’islam comme il se présente, il paraît difficile de qualifier d’hérésie une religion qui n’affirme aucun lien avec la foi chrétienne ou la tradition biblique, et ce malgré sa revendication de porter l’enseignement du « vrai Jésus de l’islam ».

    Opinions catholiques sur l’islam

    Néanmoins, il est vrai que des saints ont qualifié la religion musulmane d’hérétique, certains d’entre eux variant cependant dans leur approche.

    Saint Jean Damascène (v. 675- v. 750), Père et docteur de l’Église, qui assista aux débuts de l’islam en Syrie, son pays natal, le désignait comme la « Religion des Ismaélites ». Il signifiait par là qu’il ne s’agissait pas d’une « simple hérésie chrétienne ». Cela ne l’empêcha pas d’intituler « Hérésie 100 – L’islam » l’un de ses exposés sur la doctrine coranique (Écrits sur l’Islam, Éd. du Cerf, Sources chrétiennes, 1992, p. 90 ; p. 211-227).

    Le bienheureux Pierre le Vénérable (1092-1156), dans une lettre à saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) : L’islam est « la lie de toutes les hérésies, dans laquelle se sont comme réfugiés les débris de toutes les sectes diaboliques qui se sont élevées depuis la venue du Sauveur » (Antoine Régis, Les saints catholiques face à l’islam, DMM, 2019, p. 10 et 63).

    Saint Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787): « Le mahométisme n’est autre chose qu’un mélange d’hébraïsme et d’hérésie propagé par Mahomet » (ibid., p. 229).

    D’autres bienheureux et saints ont, au cours de l’histoire chrétienne, porté sur l’islam des jugements sévères voire des condamnations pour sa fausseté et son danger, mais sans présenter cette religion comme une hérésie (cf. A. Régis, ibid.).

    Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), auquel l’Eglise a attribué le titre de « Docteur commun », mérite une attention particulière. Voici ce qu’il écrivait dans La somme contre les gentils : « Aucune prophétie divine ne témoigne en sa faveur [de Mahomet] ; bien au contraire, il déforme les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament par des récits légendaires, comme c’est évident pour qui étudie sa loi » (Éd. du Cerf, 1993, p. 27).

    Regard de l’Église sur l’islam

    Il ne semble pas que, tout au long de son histoire et à notre époque, l’Église catholique ait jamais déclaré l’islam en tant que tel comme une hérésie et l’ait condamné sur ce motif. En fait, elle ne donne implicitement aucun crédit d’authenticité à cette religion, comme cela résulte de deux textes majeurs de son magistère récent.

    • Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Dei Verbum (Concile Vatican II) : « L’économie chrétienne, étant l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (§ 4) ;
    • Catéchisme de l’Église catholique : « La foi chrétienne ne peut pas accepter des “révélations” qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles “révélations” » (§ 67).

    Des influences hérétiques dans le Coran

    Toutefois, l’islam s’est en quelque sorte emparé de plusieurs hérésies chrétiennes, sensées correspondre à sa propre perspective religieuse, ou formé à partir d’elles – perspective qui diffère largement de la perspective biblique. Ces « emprunts » ont été reconnus par plusieurs experts.

    Roger Arnaldez, académicien (1911-2006) : « Persuadé de la vérité du monothéisme, le Prophète se trouvait plongé dans un milieu d’une complexité extraordinaire. Il est peut-être vain de chercher à déterminer quelles sectes il a connues, comme s’il avait été à l’école de l’une d’elles. En réalité, il a dû entendre, et sans doute écouter, un ensemble de doctrines qui lui parvenaient pêle-mêle, au hasard des rencontres » (À la croisée des trois monothéismes, Albin Michel, 1993, p. 55).
    [toujours selon les connaissances historiques disponibles à ce moment ; on pourra juger de leurs avancées à la lecture du dossier « Le Coran des historiens » publié par La Nef n°325, NDLR]

    Maurice Borrmans (1925-2017), prêtre des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) et islamologue, enseignant à l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques (Rome) : « L’islam prétend bien nier avec le Coran, les trois mystères essentiels du christianisme : la trinité du Dieu unique, l’incarnation de son Verbe, la rédemption assumée par celui-ci » (B. Ardura, op. cit., p. 483).

    Jan M.F. Van Reeth, professeur d’histoire des religions du Moyen-Orient à l’Université d’Anvers (Belgique) : « Le Coran porte les traces de toute une série d’hérésies christologiques datant des premiers siècles du christianisme, de sorte qu’on peut se poser la question : le ou les sources du Coran ne devraient-elles pas être situées dans une telle communauté chrétienne hétérodoxe ? » (« La christologie du Coran », Communio, n° XXXII, 5-6, septembre-décembre 2007).

    L’ORIENT CHRÉTIEN, BERCEAU D’HÉRÉSIES

    Au VIIème siècle, lors de l’avènement de l’islam, le Proche-Orient était très largement christianisé, même si le judaïsme y était encore très présent. Des recherches savantes publiées par des historiens et des archéologues contemporains décrivent cette réalité, prenant la suite des auteurs de l’Antiquité comme Sozomène. En voici une sélection.

    Camille HechaiméLouis Cheikho et son livre “Le christianisme et la littérature chrétienne en Arabie avant l’Islam”, éd. Dar El-Machreq, Beyrouth, 1986.

    Alfred HavenithLes Arabes chrétiens nomades au temps de Mohammed, Centre d’histoire des religions, Louvain-la-Neuve, 1988. 

    Edmond RabbathL’Orient chrétien à la veille de l’islam, Publication de l’Université Libanaise, Beyrouth, 1989.

    Vincent DérocheEntre Rome et l’islam. Les chrétientés d’Orient 610-1054, éd. Sedes, 1996.

    Anne-Marie EddéFrançoise Micheau et Christophe PicardCommunautés chrétiennes en pays d’islam, du début du VIIème siècle au milieu du XIème siècle, éd. Sedes, 1997.

    Michel Younès, « L’islam, hérésie chrétienne ou religion abrahamique ? », Perspectives et Réflexions, éd. L’Œuvre d’Orient, n° 7 – 2019.

  • Islam et féminisme (3/3), par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpg

     

    Le jeudi 16 juin dernier, nous donnions ici-même le premier texte de cette série de trois que consacre Annie Laurent au thème Islam et féminisme.

    Hier, nous avons publié le deuxième volet de cette série, et vous pouvez retrouver ces deux premiers textes ici :

     

    • Islam et féminisme (1/3), par Annie Laurent

    • Islam et féminisme (2/3), par Annie Laurent

     

    Voici, aujourd'hui la première partie du troisième et dernier texte de la série. Un grand merci et un grand bravo à Annie Laurent, qui nous éclaire aussi parfaitement et aussi régulèrement...

    François Davin, Blogmestre

    Femme devant la grille fermée d’une mosquée en Inde, avec écriteau "Entrée interdite aux femmes" (creative commons)

     

     

    Comment le féminisme musulman est-il conçu ? S’aligne-t-il sur le féminisme occidental ? Que faut-il en attendre en termes d’amélioration du statut et de la vie des musulmanes ?

    Dans leurs livres, Zeina El-Tibi, Nayla Tabbara et Asma Lamrabet considèrent aussi l’islam comme la religion qui, historiquement, a apporté les plus grands progrès à la condition féminine. Nous proposons ici une réflexion pour répondre à cette démonstration.  

    Z. El-Tibi : « L’étude des textes fondamentaux de l’islam, l’analyse de la doctrine des nombreux penseurs, le rappel historique de la place des femmes dans le développement de l’islam et de la société islamique permettent de constater que les idées reçues faisant de l’islam une sorte de religion misogyne sont inexactes. Pourtant, dans la pratique, force est de constater que les prescriptions du Coran et de la Sunna n’ont pas toujours été respectées : elles ont été soit détournées de leur sens par des interprétations douteuses, soit totalement ignorées » (La condition de la femme musulmane, Cerf, 2021, p. 121). Il s’agit donc, affirme-t-elle, de « retrouver la vérité de l’islam » (ibid., p. 200).

    Pour A. Lamrabet, « la création égalitaire des hommes et des femmes dans le référentiel coranique est essentielle à rappeler aujourd’hui, à l’heure où au nom du religieux on veut nous faire croire que l’inégalité est une prescription divine et qu’accepter l’inégalité c’est faire preuve de soumission et d’obéissance à l’ordre de Dieu » (Islam et femmes. Les questions qui fâchent, Gallimard, 2017, p. 24).

     

    L’ISLAM, RELIGION DE LA FACILITÉ ?

    Z. El-Tibi met en garde contre « des attitudes dogmatiques trop abstraites ou trop rigides » pour comprendre et appliquer les principes de l’islam. « Sur le plan de la vie sociale comme sur celui de la vie spirituelle, la pensée islamique expose que la religion n’est pas destinée à faire peser sur les êtres humains des charges intolérables, pas plus qu’elle ne demande une servilité aveugle ». Elle se réfère au Coran : « Dieu veut pour vous la facilité ; Il ne veut pas pour vous la difficulté » (2, 185) ; « Ainsi, avons-Nous fait de vous une communauté de juste milieu » (2, 143) (op. cit., p. 35-36).

    Cet auteur considère les « règlementations excessives » comme « des innovations blâmables » (ibid., p. 43) qui contredisent les recommandations exposées par Mahomet dans son sermon d’adieu, donné à La Mecque en 632 : « Prenez garde, ne vous écartez pas du droit chemin après ma mort […]. Raisonnez bien, ô peuple, et comprenez bien les mots que je vous transmets. Je laisse derrière moi deux choses : le Coran et mon exemple, la Sunna. Et si vous les suivez, jamais vous ne vous égarerez » (ibid., p. 43). Pourquoi alors conseille-t-elle « de ne pas s’enfermer dans des détails surajoutés sans intérêt » lorsqu’ils font partie de ces textes, et de « ne plus dénaturer le sens véritable du Message » qui est pour la femme « celui de l’émancipation et de l’égalité des droits » ? (ibid., p. 43).

    Mais n’est-ce pas la sacralité de cet héritage « divin et prophétique » reconnue par Z. El-Tibi qui engage tout musulman ? Les trois intellectuelles musulmanes savent d’ailleurs que pour leur religion, à laquelle elles se disent attachées, le Coran est un Livre « incréé », réputé immuable et définitif, donc non soumis aux aléas du temps et de l’histoire, tandis que la Sunna a pour fonction de compléter et de préciser ce qui lui manque. Cf. A. Laurent, L’islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), Artège, 2017, p. 22-25.

    L’ISLAM EN AVANCE SUR L’HISTOIRE ?

    « Sur le plan communautaire, l’Islam a accompli une véritable révolution culturelle et sociale. Avant l’Islam, à l’époque de la jahiliya (l’ignorance), les rapports homme-femme étaient fondés sur une relation de force et la femme n’avait pratiquement aucun droit. L’Islam a apporté plus de justice dans les relations entre hommes et femmes, améliorant considérablement la condition féminine et en reconnaissant aux femmes des droits dans tous les domaines » (Z. El-Tibi, p. 55-56).

    Ce que les musulmans appellent jahiliya est censé correspondre à la période antérieure à l’irruption de l’islam dans l’histoire humaine. Ce concept apologétique a été développé par la tradition musulmane pour magnifier l’apport de l’islam, à la manière dont on a qualifié le « Moyen Âge » de « moyen ». Était-il pertinent de percevoir sous ce prisme l’Arabie préislamique, caractérisée semble-t-il par une culture patriarcale et misogyne ? La tradition musulmane donne pourtant, parmi d’autres, l’exemple de Khadija, femme d’affaires, patronne puis épouse de Mahomet. Le paganisme de la jahiliya avait donc permis à Khadija d’acquérir une position enviable, qui ne devait donc rien à un islam encore inexistant. A moins que celle-ci n’ait été chrétienne, ou christianisée ? Cette même tradition indique en effet que Khadija était la cousine d’un homme présenté comme chrétien (Waraqa Bin Nawfal), qui avait célébré son mariage avec Mahomet.

    De nombreux travaux d’historiens attestent en effet qu’au VIIème siècle, le christianisme était déjà répandu chez les Arabes, nomades et sédentaires établis dans tout le Proche-Orient, dans la péninsule arabe en particulier et jusque dans le Yémen actuel. Une chrétienté certes fragilisée par des hérésies, des relents de paganisme et de superstitions ainsi que par l’instabilité et les rivalités politiques tribales et impériales. En outre, pour ce qui était des Arabes nomades, les Bédouins, leur mode de vie errant les privait d’attaches à des institutions stables (évêchés, paroisses) et les réduisait à une pratique sacramentelle aléatoire. Une telle situation a pu contribuer au maintien de l’organisation ancestrale de la société, et à la tradition musulmane de caractériser la jahiliya par des pratiques païennes terribles, comme le fait de tuer les filles à leur naissance pour raisons économiques (en interprétation des étranges versets coraniques 16,58-59 et 81,8-9). Ce qui permet à Z. El-Tibi de souligner la nouveauté prescrite par le Coran lorsqu’il interdit ces meurtres (17, 31) (ibid., p. 52).

    Il n’y a pourtant pas lieu de généraliser, souligne le Père Antoine Moussali, lazariste libanais (1921-2003). « Des études aussi bien religieuses que sociologiques nous renseignent sur la condition de la femme avant l’islam. Il n’apparaît pas que sa condition fût si inférieure qu’on le dit. Parmi les tribus arabes, certaines étaient chrétiennes, d’obédience jacobite ou nestorienne. Les femmes chrétiennes exerçaient le rôle de diaconesses. Nous savons aussi que des reines dirigeaient des tribus » (Judaïsme, christianisme et islam. Etude comparée, éd. de Paris, 2000, p. 169).

     

    QUAND LE CORAN ALTÈRE LA BIBLE

    Indépendamment de l’exactitude historique, l’erreur de Z. El-Tibi, imitée par N. Tabbara, est aussi de présenter les progrès apportés selon elles par l’islam comme une innovation au niveau de l’histoire en général et pas seulement au niveau d’un territoire défini ou d’une société particulière. Pour sa part, A. Lambaret va jusqu’à attribuer à saint Thomas d’Aquin (1225-1274) l’idée selon laquelle la femme serait un « mâle défectueux » parce qu’elle a été créée en second (op. cit., p. 35).

    Ce faisant, les trois auteurs omettent ou déforment l’enseignement biblique contenu dans la Genèse, récit qui remonte aux origines de la Création et a donc précédé le Coran de plusieurs siècles. On y lit : « Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu Il le créa ; homme et femme Il les créa. Dieu les bénit et leur dit : soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la, dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et surtout les animaux qui rampent sur la terre » (Gn 1, 27).

    Ce récit a été commenté par le pape Jean-Paul II dans l’une de ses 129 catéchèses sur « l’amour humain dans le plan divin », prononcées entre 1979 et 1984. Yves Semen, docteur en philosophie, a repris et commenté ces enseignements dans plusieurs ouvrages.

    Voici l’explication donnée par Jean-Paul II au sujet de la citation ci-dessus. « La traduction française du texte biblique est un peu limitée parce que le français, comme la plupart des autres langues européennes, ne dispose que d’un seul mot pour désigner l’homme au sens générique et l’homme au sens de “mâle”. En latin, on dispose de deux mots différents (homo et vir), en grec également (anthropos et andros). L’hébreu lui aussi dispose de deux termes différents. Dans le texte, “Dieu créa l’homme à son image”, c’est le terme “ha adam” qui est utilisé. Cet “adam” est en fait un substantif collectif, qui désigne toute l’humanité. Il faut donc comprendre “Dieu créa ha adam – l’humanité ou l’humain, ou encore l’Homme – à son image,  à l’image de Dieu Il le créa”. Puis, quand le texte précise “homme et femme Il les créa”, ce sont les termes “zackar”, c’est-à-dire mâle, et “qeba”, c’est-à-dire femelle, qui sont employés. Autrement dit, le texte hébreu nous montre que l’homme est d’abord créé comme “humanité”, sans considération de différenciation sexuelle, puis, dans un second temps seulement, il est dit qu’il est créé dans sa masculinité et sa féminité comme homme et femme » (La sexualité selon Jean-Paul II, Presses de la Renaissance, 2004, p. 79-81).

    La différence entre l’homme et la femme dans la Genèse n’implique donc pas la supériorité du premier sur la seconde et la subordination de la seconde sur le premier, comme l’écrit A. Lamrabet, tout en niant l’affirmation contraire énoncée dans le Coran (4, 34 ; cf. PFV n° 89).

    François de Muizon, agrégé de philosophie, a consacré à ce thème un essai d’une grande utilité, dont le titre suggère implicitement la particularité biblique comparée au récit coranique : Homme et femme, l’altérité fondatrice (Cerf, 2008).

     

    LA PRIMAUTÉ DU CHRISTIANISME SUR L’ISLAM

    C’est le Christ, Nouvel Adam, qui est venu rétablir l’ordre prévu dans le plan initial de Dieu : mariage monogame et indissoluble, fidélité conjugale (Mt 19, 3-8 et 5, 32 ; Mc 10, 7-8 ; Lc 16, 18), respect dans les relations hommes-femmes. Ce programme est illustré par la liberté et la vérité du comportement de Jésus envers les femmes qui l’accompagnaient et celles qu’Il rencontrait, mais aussi par son refus de rejeter ou de condamner la femme pécheresse (Lc 7, 37-50) et celle qui était accusée d’adultère (Jn 8, 3-11).

    Sept siècles avant l’islam, le christianisme, à travers l’attitude et l’enseignement du Christ, avait donc bouleversé les traditions juives de l’époque en conférant aux femmes une pleine dignité et en acceptant leur participation à la vie sociale, y compris à travers la fréquentation des hommes. Le Nouveau Testament (Évangiles, Actes des Apôtres, Épîtres) abonde d’exemples dans ce sens.

    Celui de Marie-Madeleine, à qui saint Thomas d’Aquin donnera le titre d’« apôtre des Apôtres » parce qu’elle avait été chargée par le Christ d’annoncer sa résurrection aux Douze, et des autres femmes qui accompagnaient Jésus et ses disciples, y est particulièrement significatif, étonnant et nouveau, souligne l’exégète Chantal Reynier. « Étonnant car les maîtres religieux juifs du 1er siècle n’admettaient pas les femmes parmi leurs disciples ! […]. Or, désormais, « la femme quelle qu’elle soit, peut toujours approcher Jésus sans crainte car il respecte non seulement les hommes mais aussi les femmes, pour ce qu’ils ou elles sont, des personnes aimées du Père depuis toute éternité. Il ne cherche pas à les assujettir, ce qui tranche sur les relations hommes-femmes de l’époque ». Cet auteur note aussi que saint Paul, « à l’exemple de Jésus, n’hésitera pas à s’entourer de collaboratrices », donnant à certaines d’entre elles la mission d’enseigner (1 Co 9, 5). (Marie de Magdala, Cerf, 2022, p. 50-54).

    L’histoire chrétienne regorge d’exemples de femmes,

  • Police mentale et ministère de la vérité, par Michel Onfray.

    Source : https://frontpopulaire.fr/

    (Michel Onfray réagit aux attaques contre Front populaires parues cette semaine dans Le Monde et Libération)

    Des amis bien intentionnés me signalent avec gourmandise un papier ordurier du Monde concernant la sortie de notre revue Front Populaire. J’avais signalé autour de moi que ce genre de follicule paraitrait et dit ce qu’on y lirait: pas la peine de relire ce qu’on sait devoir déjà s’y trouver – Vichy, Pétain, Doriot, Déat, Hitler, Mein Kampf, Valois, les Rouge-Bruns, l’antisémitisme, la rhétorique est éculée, elle ne fait plus illusion que chez ceux qui ont renoncé à penser par eux-mêmes. Vous me direz, ça commence à faire du monde, et vous n’aurez pas tort…

    Il n’est même pas surprenant que ce journal confirme ce que je dis depuis des années: dès qu’on ne pense pas comme eux, ils sortent les panzers et le camp d’extermination, la Shoah et la chambre à gaz, le zyklon B et la Luftwaffe!

    michel onfray.jpgQuel talent pour faire avancer la cause des négationnistes, car, si ce que propose Front populaire, c’est, en douce, la Solution finale, alors la Solution finale c’était bien peu de chose! Mais si la Solution finale était l’un des sommets dans le Mal, alors que faut-il penser d’une revue d’amis libres, nullement soutenue par un groupe, une banque, un réseau, un parti, une combine, qui se propose tout simplement de penser le souverainisme et de penser en souverainiste? Qu’elle doit figurer à coté de Mein Kampf dans les bibliothèques? Quel être sain d’esprit peut-il penser une pareille chose?

    Il faut bien que la frousse associée à notre entrée en fanfare (merci les abonnés!) anime ces piètres penseurs pour renoncer à tout débat et lui préférer l’insulte la plus éculée, celle qui, de plus, exige le moins de cerveau possible.

    Depuis des années, question d’hygiène, articles ou livres, je ne lis rien de ce qui est publié sur moi; je n’ai pas lu ce texte et ne le lirai pas; je n’y répondrai donc pas factuellement puisque j’ai pour ligne de conduite de ne pas le faire – sauf cas exceptionnels , quand j’estime le contradicteur. Ce serait sinon pour moi un travail à plein temps…

    Je voudrais juste dire qu’être insulté par Le Monde sous la signature d’un certain Abel Mestre est une plume que j’ajoute volontiers à mon chapeau.

    Je m’explique sur ce journal dit de référence:

    Le journal Le Monde a été créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry qui venait de l’extrême-droite: Camelots du Roi, faisceau de Georges Valois, le premier parti fasciste français, directeur des études à l’école d’Uriage qui formait les cadres de Vichy. Cet homme écrit dans Esprit, en 1941: «Il faut à la révolution un chef, des cadres, des troupes, une foi, ou un mythe. La Révolution nationale a son chef et, grâce à lui, les grandes lignes de sa doctrine. Mais elle cherche ses cadres.» Il s’évertuera à les lui trouver… En janvier 1943, après que Stalingrad eut scellé le sort de la guerre en faveur des antinazis, Uriage entre dans la Résistance sans pour autant renoncer à ses idées. Quand le général de Gaulle écrivait à Beuve-Méry: «Vous n’êtes pas des miens», il savait de quoi il parlait… Lors du référendum de 1969, le directeur du Monde soutient le «non» au général de Gaulle qu’il contribue ainsi à évincer.

    On ne s’étonnera pas que Beuve-Méry ait préféré Jean Monnet et son Europe populicide et liberticide à l’Europe des peuples et des nations du général de Gaulle. On lira avec intérêt le livre de l’universitaire Antonin Cohen intitulé De Vichy à la communauté européenne paru aux Presses universitaires de France. On y apprendra, entre autres choses bien intéressantes, le rôle tenu par Le Monde dans la fabrication de la fiction d’un Jean Monnet père de l’Europe alors qu’il était financé par les États-Unis pour construire cette Europe destinée à abolir les nations afin de réaliser un grand marché post-national; le recyclage de nombre d’anciens d’Uriage dans ce projet européen; la naissance de l’expression «communauté européenne» dans les cercles d’Uriage; la dilection particulière d’André Fontaine, journaliste au Monde en 1947, puis directeur de la rédaction de celui-ci de 1969 à 1985, pour un certain Benito Mussolini. Et puis cette information qui ne manque pas d’intérêt: Walter Hallstein, le premier président de la commission européenne entre 1958-1967, a été professeur de droit, instructeur des soldats nazis. Il a adhéré à l’Association national-socialiste des enseignants, à l’Association des juristes nationaux-socialistes, à l’Association allemande national-socialiste des maîtres de conférence et à l’Association national-socialiste de protection des civils face aux raids aériens - il a donc porté l’uniforme d’officier du III° Reich. Dans l’Europe de Jean Monnet, on n’est pas regardant sur le passé de ses acteurs… Un ancien nazi a donc dirigé pendant près de dix ans la Commission européenne. Trouverait-on un seul papier du Monde pour s’en indigner et, selon leur façon de ne pas raisonner, condamner de ce fait en bloc toute l’Europe de Maastricht?

    Ce journal défend également la pédophilie. Le 26 janvier 1977 pour être précis, il accueille en effet une pétition pour soutenir trois pédophiles ayant abusé de trois victimes dont la plus jeune à treize ans. Il publiera ensuite une autre pétition pour dépénaliser le crime pédophilique. Le Monde publie la liste des signataires – tous les intellectuels de gauche s’y trouvent ou presque: Aragon, Sartre & Beauvoir, Barthes, Glucksmann, Deleuze & Guattari, Châtelet, Sollers, Henric, et mais aussi Jack Lang, Bernard Kouchner, etc. Le texte de cette pétition a été écrit par Gabriel Matzneff qui venait de publier un manifeste pédophile sous le titre Les Moins de seize ans. Le 25 octobre 1974, Le Monde en avait publié un excellent compte-rendu sous la plume de Roland Jaccard. Philippe Sollers a édité six volumes de ses journaux pendant dix-sept années. Qui dira que cette aimable complicité ne fut pas constante? Dans ces livres, Matzneff donne le détail de sa vie de pédophile. BHL dit du bien de lui sur un plateau d’Apostrophes en 1987 mais aussi ici ou là dans son bloc-notes, par exemple dans Questions de principe V (Livre de Poche pp.179-180). Matzneff a été chroniqueur au Monde de 1977 à 1982. Quand a éclaté l’affaire Vanessa Springora qui a publié un ouvrage dans lequel elle raconte sa relation avec lui, Josyane Savigneau, qui fut directrice du Monde des livres entre 1991 et 2005, et qui confondait souvent ses intérêts et ceux de la littérature, est remontée au créneau pour défendre Matzneff. Dans un message sur Twitter, la dame assimile ceux qui prennent parti pour le pédophile à des «résistants». On comprend que, pour certains journalistes du Monde, les mots résistant et collaborateur ne signifient plus grand-chose – ce qui aurait réjoui Robert Faurisson le père du négationnisme. De 1977 à 2020, quelle constance dans l’abjection!

    Le Monde a également aimé la Chine de Mao. C’est dans ses colonnes que Sollers (11. IX. 1974) ou Barthes (24.V.1974) ont pu vanter les mérites de ce régime en pleine Révolution culturelle – les estimations hautes parlent de vingt millions de morts pour cette seule période de l’histoire chinoise. Une peccadille bien sûr…

    Le même journal a aussi célébré Pol-Pot. Le 17 avril 1975, le journaliste Patrick de Beer signe un papier enthousiaste sur la chute de Phnom-Penh. Jean Lacouture, plume du Monde lui aussi, ne ménage pas non plus son soutient au régime des khmers rouges. Le 17 janvier 1979, Alain Badiou publie Kampuchéa vaincra dans Le Monde. Il y défend ce régime qui va faire 1,7 millions de morts, soit 20 % de la population. Une broutille évidement…

    Michel Legris qui a travaillé au Monde entre 1956 et 1972 écœuré par ce qu’il a vu dans ce journal, a publié en 1976 Le Monde tel qu’il est afin de dénoncer la propagande que mène ce journal sous prétexte d’information. Il a documenté les techniques de désinformation, les rhétoriques spécieuses, les amalgames, les paralogismes, les insinuations très jésuites qui constituent la déontologie du journal! Après la parution de son enquête, pendant neuf ans, ce journaliste a été mis au ban de la presse française.

    En 2003, Pierre Péan et Philippe Cohen remettent le couvert avec La Face cachée du monde. A l’époque, le journal était dirigé par Alain Minc, Jean-Marie Colombani et… Edwy Plenel. Ne cherchez pas l’intrus, il n’y en a pas. Le Monde n’aime pas que les idées, il aime aussi beaucoup l’argent et pas toujours l’argent propre: le livre documente tout cela jusqu’à la nausée. Daniel Schneiderman dira dans ce journal où il travaillait que ce livre soulevait un certain nombre de problèmes; il sera licencié.

    Monsieur Mestre maintenant.

    Je n’ai pas fait d’enquête. On m’a juste signalé qu’il était au PCF. Voilà qui me suffit amplement pour juger de la valeur éthique et déontologique du personnage.

    De la même manière qu’un peu d’histoire ne nuit pas pour savoir à quoi s’en tenir avec Le Monde, un peu d’histoire nous permettra de savoir ce qu’est ce Parti auquel adhère ce monsieur.

    Pour aller vite et balayer le XX° siècle, mais je détaillerais bien volontiers, les communistes ont souscrit au Pacte germano-soviétique entre 1939 et 1941. Du fait de cette alliance entre nationaux-socialistes et marxistes léninistes, ils ont appelé à collaborer avec l’occupant jusqu’à ce qu’Hitler dénonce le pacte unilatéralement avec l’opération Barbarossa. C’est alors que le PCF est devenu résistant, mais c’était deux ans après l’Appel du 18 juin; avant il estimait qu’ayant les mêmes ennemis qu’Hitler , à savoir les capitalistes, les banquiers, Londres, la City, de Gaulle et… les juifs, le compagnonnage n’était pas contre nature. Il ne l’était pas en effet. Le pacte rouge brun, au PC, on connait. On lira avec intérêt les détails de ce dossier accablant dans L’affaire Guy Môquet de Franck Liaigre et Jean-Marc Berlier (chez Larousse, un éditeur incontestable).


    Ensuite, le PCF a critiqué les velléités indépendantistes des algériens en 1945. Lors des massacres de Sétif et Guelma, qui ont vu la mort de centaines de militants algériens qui se réjouissaient de la Libération avec youyous et drapeaux algériens, L’Humanité a sali ces victimes en les qualifiant d’«hitléro-troskystes». Ils ont voté les pouvoirs spéciaux au gouvernement socialiste de Guy Mollet pendant la guerre d’Algérie. Le ministre de l’Intérieur, puis de la justice, avait alors pour nom François Mitterrand. Ce vote des pleins pouvoirs voulait dire: blanc-seing pour l’armée, donc pour les tortures et les exécutions sommaires, les fameuses «corvées de bois». C’était un passeport pour Massu, Bigeard et Aussaresses. Voilà pourquoi le Parti n'a pas souscrit à l’appel à l’insoumission des «121» pendant la guerre d'Algérie en 1960.

    De même, le PCF était contre l'avortement et la contraception dans les années 50. Pas question, disait le couple Jeannette Vermeersch et Maurice Thorez, que les ouvrières aient les vices des femmes de la bourgeoisie! Ce même PCF était homophobe et estimait qu’il s’agissait là aussi, là encore, d’un vice de la bourgeoisie. Le parti affermait sans rire que l’homosexualité n’existait pas en URSS – mais dans ses goulags, si... Au congrès du Havre, en 1956, le PCF affirmait ceci: «Le néomalthusianisme (comprendre: la contraception NDR) , conception ultraréactionnaire, remise à la mode par les idéologues de l'impérialisme américain, est une arme aux mains de la bourgeoisie pour détourner les travailleurs de la lutte pour les revendications immédiates, pour le pain, pour le socialisme.» C’est beau comme une statue de Lénine.

    Le même parti était également anti-immigrés. En 1980, Georges Marchais écrit en effet ceci au recteur de la mosquée de Paris: «La présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés fait que la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes (…). C’est pourquoi nous disons: il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage (…). Je précise bien: il faut stopper l’immigration officielle et clandestine.» On aura bien lu, ça n’est pas Jean-Marie Le Pen, non, c’est Georges Marchais qui fut volontaire pour partir travailler pour les nazis en 1943 et fut pendant (un quart de siècle 1972-1997) le patron du PCF. Il travaillait alors pour Messerschmitt.

    Comment ce PCF-là a-t-il pu passer pour le contraire de ce qu’il fut?

    A la Libération, pour désarmer les communistes résistants qui voulaient prendre le pouvoir en France, de Gaulle au pouvoir effectue un Yalta des portefeuilles en allant même jusqu’à recycler Maurice Thorez, pourtant convaincu de désertion, de trahison et de collaboration avec l’ennemi, mais aussi François Mitterrand, qui eut un passé fascisant avant-guerre, pétainiste et vichyste pendant l’occupation, et giraudiste à la fin. Si de Gaulle avait dû regarder au passé du personnel administratif et politique, journalistique et universitaire, juridique et éditorial français, il aurait été bien seul…

    De Gaulle a donc laissé filer la culture au PCF qui, au fil d’alliances opportunistes avec les gaullistes ou les socialistes est devenu le parti des cheminots résistants, de la décolonisation, de l'antiracisme, du féminisme, du progrès social et sociétal. Un comble! Comme le parti pesait un quart de l’électorat après-guerre, nombre d’intellectuels qui n’avaient guère résisté pendant l’occupation, ou bien tardivement, se sont refait une santé en célébrant les mérites de Staline.

    Tout ceci constitue ce que j’ai nommé l’impensé de la gauche. L’an dernier, j’ai consacré sous ce titre un livre à ce sujet aux éditions Galilée – un éditeur fascistoïde, probablement, qui a ouvert son catalogue avec Jacques Derrida et publié des dizaines de livres de lui. Personne dans la presse n’en a bien sûr parlé.

    J’y disais ceci pour conclure: «Quelles sont les conséquences de cet impensé de la gauche aujourd’hui? D'abord une totale impunité intellectuelle  elle peut tout se permettre  gommer son passé terroriste et génocidaire en 1793, merci Robespierre & Mélenchon; passer sous silence son passé colonialiste au XIX°, merci Jules Ferry, et au XX° siècle, merci Mitterrand, Guy Mollet et, on vient de le voir, le Parti socialiste et le Parti communiste ; vendre sa mythologie toute à sa gloire en se présentant comme défendant la liberté, l'égalité et la fraternité dans l'histoire, y compris avec la guillotine ou le goulag, la famine ou la déportation, merci Marat et Lénine, merci Staline; s'inventer une généalogie dans la résistance et, pour ce faire, ne jamais parler du Pacte germano-soviétique, merci Maurice Thorez réfugié dès 1939 en URSS pendant la deuxième guerre mondiale et , de ce fait, condamné pour désertion; oublier que Marchais, premier secrétaire du PCF, est parti en 1943 comme volontaire travailler en Allemagne jusqu'en 1945, merci Georges, et bonjour la Résistance communiste; faire comme si le PCF n'avait jamais tenu de propos homophobes, rasé des foyers d'immigrés, condamné la pilule et l'avortement, merci Jeannette Vermeersch; liquider le Parti socialiste dans le libéralisme en 1983, puis dans l'Europe du marché libre en 1992, merci une fois encore Mitterrand et Mauroy, Delors et Hollande, merci Macron...

    Cette totale impunité intellectuelle se double d'une formidable capacité à donner des leçons aux autres. L’oubli, la négation, la dénégation, l'effacement, la réécriture de l'Histoire, voilà la méthode. Pour ce faire, il faut parler toujours du nazisme, de Vichy, de Pétain, affirmer que toute la droite était collaborationniste, et, fin du fin, traiter de fasciste, de vichyste, de pétainiste, de personnage qui fait le jeu de l'extrême-droite, quiconque ne pense pas comme elle, même à gauche, je témoigne, merci Laurent Joffrin & C°.

    Ceux qui procèdent de partis de gauche qui, au XX° siècle, ont voté les pleins pouvoirs à Pétain, collaboré avec Hitler, critiqué l'avortement, l'homosexualité, qui ont stigmatisé les immigrés, justifié le colonialisme et la guerre d'Algérie, la torture et les pouvoirs spéciaux, qui ont estimé que l'URSS et les pays de l'est pouvaient se prévaloir d'un "bilan globalement positif", comme l'a affirmé Georges Marchais en mai 1979, ou que Soljenitsyne était un agent de la CIA, ne perdent pas une occasion de salir leurs adversaires à l'aide de leurs anciennes amours - vichystes, pétainistes, fascistes, homophobes, antisémites, racistes.»

    J’ai écrit ce texte l’an dernier. J’aurais pu l’écrire ce jour.

    Ce monsieur Mestre m’a bien

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : Comment le Pays légal a perdu la paix en 1918, nous ”offrant” ainsi Hitler et la Seco

     1918 : La France vient3 septembre,seconde guerre mondiale,independance americaine,bainville,france,allemagne,hitler,nazisme,front populaire,petain,1939,tourgueniev de gagner la guerre, au prix effroyable d'un million et demi de morts et de quatorze départements ravagés pendant quatre ans : la République, le Régime, le Système (peu importe le nom qu'on lui donne...) va perdre la paix en ne supprimant pas l'unité allemande - qui n'avait pas un demi-siècle d'existence ! - mais en supprimant l'Empire Austro-Hongrois, catholique et "stabilisateur", haï par l'anticlérical forcené qu'était Clemenceau : on aura Hitler vingt ans plus tard, conformément à l'analyse de Bainville et de tous les lucides de l'époque.

    Les désastres de la Seconde Guerre mondiale sont directement le fruit de la nocivité du Système idéologique hérité de la révolution française...

     

    Dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française", voir les "Une" suivantes :

    • Grandes "Une" de L'Action française : 29 juin 1919, signature du calamiteux Traité de Versailles...

    • Grandes "Une" de L'Action française : 11 Novembre 1918, l'Armistice est signé !...

    1939 : Londres et Paris déclarent la guerre à l'Allemagne

     

    Après l'invasion de la Pologne, le 1er septembre, par les troupes allemandes, la Grande-Bretagne se déclare en guerre, à 12 heures. La France fait de même à 15 heures : la Seconde Guerre mondiale a commencé...

    Mais le régime républicain n'a rien fait pour contrer Hitler quand il en était temps; et voilà qu'il commet la folie de lui déclarer la guerre au moment le plus mal choisi, à lui qui, depuis des années, a transformé l'Allemagne en forges de Vulcain, alors que la France, à l'inverse, n'est, évidemment, pas prête.

    Le régime renouvelle ainsi la folie de Napoléon III, qui, lui aussi, avait déclaré une guerre pour laquelle nous n'étions pas prêts : au moins, en 1914, si nous n'étions toujours pas prêts, c'est Guillaume II qui a mis le feu à l'Europe en nous déclarant la guerre...

    En somme, Empire ou République, ni en 1870, ni en 1914, ni en 1939, et à cause de son régime politique, la France n'était pas prête à affronter ce qu'elle allait devoir affronter : quand l'inconscience politique se double de toutes les formes possibles d'incompétence, ces folies renouvelées suffisent à elles seules à condamner un Régime...

    SECONDE GUERRE MONDIALE.jpg

     

    Dès 1918, analysant les vices d'un mauvais traité de paix, dont il prévoyait les méfaits ( "Trop fort dans ce qu'il a de faible, trop faible dans ce qu'il a de fort" ), Bainville prédisait un nouveau conflit, inévitable "dans les vingt ans"...

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    Pour la France, ce sera le plus grand désastre de son Histoire. Peu de temps auparavant, Paul Reynaud avait déclaré : "Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus forts". Aveuglement ? Inconscience ? Ou les deux à la fois... De Gaulle a raconté, dans ses Mémoires, comment il était sorti, furieux, de chez Léon Blum, alors Président du conseil, qui venait de refuser de voter les crédits militaires pour faire face à un danger devenu aveuglant, et alors que de précieuses années avaient déjà été perdues: se faisant pressant sur ce sujet, Blum lui avait répondu en substance - raconte de Gaulle - qu'il ne pouvait pas, lui le pacifiste de toujours, voter les crédits militaires !

    Moyennant quoi, par impréparation, la France fut écrasée, envahie et occupée, la chambre du Front Populaire ne trouvant rien de mieux à faire, une fois le désastre prévisible survenu, que de prendre la fuite, éperdue, non sans avoir voté les pleins pouvoirs - à une très large majorité - au Maréchal Pétain...

    C'est une fois de plus chez Jacques Bainville que l'on trouvera l'explication la plus lumineuse des faits. Pas dans l'Histoire de France cette fois, mais dans L'Histoire de deux peuples et L'Histoire de deux peuples continuée jusqu'à Hitler. 

    Comme pour l'Histoire de France, il faut tout lire de ce chef d'oeuvre absolu.

    Voici l'intégralité du chapitre VII (et dernier), Le réveil de la Walkyrie, de cet ouvrage remarquable en tous points. Bainville y remonte aux sources, c'est à dire au calamiteux Traité de Versailles de 1918, qui a gâché la paix, après une guerre qui avait coûté tant de sacrifices matériels et humains au peuple français : 

     

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    "Restitutions, réparations, garanties." Tels furent les trois principes qui inspirèrent la paix, conçue comme un jugement. D'autres traités avaient été des traités politiques. Celui-là était un traité moral, pesé dans les balances de la justice. Il était moral que l'Allemagne fût désarmée et qu'elle perdît, en fait de territoires, ceux qu'elle avait pris à d'autres nations non germaniques et ceux-là seulement. Il était moral, au plus haut degré, que les responsables de la guerre fussent jugés, Guillaume II à leur tête. Il est vrai qu'ils ne l'ont pas été, que le peuple allemand a été unanime à refuser de livrer ces otages et que la révision du traité a commencé par cet article-là. Il était moral que l'Allemagne fût privée de ses colonies. Elle n'était pas jugée digne de compter parmi les peuples colonisateurs. Enfin il était moral, deux fois moral, qu'elle fût astreinte à payer, d'abord parce qu'elle avait à réparer les dommages causés à autrui, ensuite parce qu'il fallait que le peuple allemand comprît que la guerre est une mauvaise opération et qui ne rapporte rien. Ainsi cette paix, rendue comme un arrêt de justice, aurait encore l'avantage de moraliser le condamné. « J'espère, disait M. Lloyd George, que l'Allemagne a fait son salut en la débarrassant du militarisme, des Junkers, des Hohenzollern. Elle a payé un prix élevé pour sa délivrance. Je crois qu'elle trouva que cela en valait la peine."

     

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     (de gauche à droite) LLoyd George, Orlando, Clémenceau, Wilson              

     

    Fondée sur de pareilles illusions, est-il étonnant que la paix ait laissé tant de déboires aux vainqueurs ? Voici, en regard, ce qu'était la réalité. 

    Une Allemagne diminuée d'environ 100.000 kilomètres carrés mais qui, sur ce territoire réduit, réunissait encore 60 millions d'habitants, un tiers de plus que la France, subsistait au centre de l'Europe. L'oeuvre de Bismarck et des Hohenzollern était respectée dans ce qu'elle avait d'essentiel. L'unité allemande n'était pas seulement maintenue mais renforcée. Les alliés avaient affirmé leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires intérieures allemandes. Ils y étaient intervenus pourtant. Les mesures qu'ils avaient prises, la voie qu'ils avaient montrée, celle de la République unitaire, avaient eu pour effet de centraliser l'Etat fédéral allemand et d'affermir les anciennes annexions de la Prusse dans le Reich lui-même. S'il y avait, parmi les populations allemandes, des aspirations à l'autonomie, elles étaient étouffées. Le traité enfermait, entre des frontières rétrécies, 60 millions d'hommes unis en un seul corps. Telle lut l'Allemagne au nom de laquelle deux ministres de la nouvelle République vinrent signer à Versailles, le 28 juin 1919. 

    Du fond de la Galerie des Glaces, Müller et Bell, de noir habillés, avaient comparu devant les représentants de vingt-sept peuples assemblés. Dans le même lieu, sous les mêmes peintures, l'Empire allemand avait été proclamé quarante-sept ans plus tôt (ci dessous). Il y revenait pour s'entendre déclarer à la fois coupable et légitime, intangible et criminel. À sa condamnation il gagnait d'être absous comme si la forme républicaine eût suffi à le rénover. 

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    Obscurs délégués d'une Allemagne vaincue mais toujours compacte, Müller et Bell, comparaissant devant ce tribunal, pensaient-ils à ce que la défaite laissait survivre d'essentiel pour leur pays ? Le redoutable Empire de Guillaume II était humilié. La voix coupante de Clemenceau ajoutait à l'humiliation : "Il est bien entendu, Messieurs les Délégués allemands, que tous les engagements que vous allez signer doivent être tenus intégralement et loyalement." Les témoins de cette scène historique entendront toujours et ce verbe tranchant et les deux Ia, indifférents et mous, qui sortiront de la bouche de Müller et de Bell. Qui pouvaient-ils engager ? Déjà le traité de Versailles mettait en mouvement des forces qui échappaient à la volonté de ses auteurs. 

    Ce traité enlevait tout aux vaincus, sauf le principal, sauf la puissance politique génératrice de toute puissance. Il croyait ôter à l'Allemagne les moyens de nuire qu'elle possédait en 1914. Il lui accordait le premier de ces moyens, celui qui permet de retrouver les autres, l'Etat central, l'Etat prussien avec lequel toute l'Allemagne était désormais confondue. Ainsi l'unité sortait plus forte de la défaite. 

    Ce n'est pas tout. Les Alliés, pour consentir à déposer les armes, avaient exigé le renversement des Hohenzollern. Mais la chute de cette dynastie avait été précédée de celle de tous les autres princes allemands. Quand Guillaume Il avait fui, les rois de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg, les grands-ducs et les ducs étaient déjà tombés. Bismarck avait calculé que la révolution était impossible parce que, si l'empereur-roi de Berlin tombait, les princes confédérés reprendraient leur liberté et que ce serait la désagrégation du Reich. Or, et ce n'est sans doute pas par hasard, la révolution allemande de 1918 a commencé par le Sud. Il n'y avait plus de Habsbourg à Vienne ni de Wittelsbach à Munich. Le support du particularisme, qui était dynastique, avait disparu. Pour que le trône des Hohenzollern pût s'écrouler sans dommages pour l'unité, il fallait que les autres trônes allemands fussent vides. Cette condition extraordinaire et imprévue était remplie.

     

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    La République s'installait. Elle devait unir encore davantage les Allemands. Un socialiste l'avait dit dès le 3 novembre : "Plus le Reich est démocratique, plus son unité devient sûre et plus grande sa force d'attraction. La grande Allemagne, qui déjà semblait se faire en 1848 et dont les contours se dessinent de nouveau devant nous, avait été conçue sous la forme d'un Etat démocratique." C'était vrai. Les Alliés avaient confirmé l'unité allemande par le traité de Versailles lui-même. Ils l'avaient rendue encore plus forte en exigeant l'abdication de Guillaume Il et en poussant le Reich à adopter le régime républicain. Par une inconséquence remarquable, ils exigeaient d'ailleurs que l'Autriche restât distincte de la communauté germanique dont elle avait fait partie jusqu'en 1866. En même temps, alléguant que le démembrement de l'Empire n'était pas dans leurs intentions, ils avaient, pour reconstituer la Pologne, séparé la Prusse orientale du reste de la Prusse remise dans l'état où l'avait trouvée Frédéric II. Ainsi, l'Allemagne, unifiée dans son esprit, était blessée dans sa chair.

    Parmi les vainqueurs, les uns, l'anglais Lloyd George et l'américain Wilson regardaient la dissociation du Reich comme contraire au principe ou comme trop propre à faire de la France la plus grande puissance du continent. Clemenceau la tenait pour impossible ou, s'il la désirait, c'était faiblement. Il voulait que l'Allemagne fût punie. Il lui répugnait de distinguer entre les Allemands à qui il réservait en bloc sa sévérité. L'ancienne politique française des "Allemagnes" était oubliée à ce point que les tentatives des autonomistes rhénans furent découragées et même accueillies ironiquement. Le général Mangin fut rappelé de Mayence pour les avoir soutenues. 

    En somme, l'idée des auteurs de la paix était à peu près la suivante. Il devait suffire de verser une certaine dose de démocratie dans l'édifice élevé par Bismarck et par les Hohenzollern, après l'avoir réduit à ses parties authentiquement allemandes. Alors, moyennant quelques précautions d'ordre militaire destinées à durer jusqu'à la conversion parfaite du peuple allemand, on aurait fait ce qu'il était humainement possible de faire pour la paix de l'Europe et le progrès de l'humanité. C'était un nouveau baptême des  Saxons, à la façon de Charlemagne, un baptême démocratique. On disait tout haut que le régime républicain affaiblirait les sentiments belliqueux. Peut-être, tout bas, pensait-on qu'il agirait à la manière d'un dissolvant.

     

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    Traité calligraphié, signé Raymond Poincaré

     

    Il est vrai que, pendant plusieurs années, il sembla que le chaos germanique fût revenu. L'Allemagne était secouée de violentes convulsions. Devenu tout-puissant à la faveur de la République, le socialisme y exerçait plus de ravages que la défaite. L'Allemagne semblait vaincue deux fois. On eût dit qu'elle tournait sa fureur contre elle-même. 

    Mais elle n'acceptait rien. Sa défaite lui apparaissait comme une injustice du sort ou une maldonne. Du traité, un social-démocrate, Scheidemann, avait dit que sa main sécherait plutôt que de signer cette humiliation. L'Allemagne était en révolte contre la "paix dictée", contre le Diktat. Cependant elle était impuissante. Le paiement des réparations, le "tribut", devait d'abord provoquer sa résistance. Jetée dans l'inflation par les désordres de sa politique, elle allait jusqu'au bout, elle tuait sa monnaie pour se rendre insolvable (ci dessous). Forts du droit des créanciers, les Français occupèrent la Ruhr sans coup férir. En 1923, l'Allemagne parut plus bas que le jour où ses généraux avaient arboré le drapeau blanc et demandé l'armistice.

     

  • Éphéméride du 7 février

    Écu de Robert de Clermont, aux origines de la Maison de Bourbon

     

    1317 : Mort de Robert de Clermont, aux origines de la 3ème maison de Bourbon, aujourd'hui Famille de France 

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonPendant plusieurs siècles, le titre de Maison de Bourbon fut porté par celles et ceux qui possédaient la seigneurie de Bourbon l'Archambault et du Bourbonnais, ensuite appelée Duché de Bourbon, dans le nord de l'Auvergne, coeur de l'ancienne province du Bourbonnais.

    Il y eut d'abord deux premières familles de Bourbon, qui s'éteignirent assez rapidement et n'eurent jamais une grande importance, avant que le titre de sire de Bourbon n'entrât dans la famille des Capétiens directs, par le mariage de Robert de Clermont avec Béatrice de Bourgogne, dernière héritière de la deuxième famille propriétaire du duché :

    la première famille de Bourbon, qui s'éteignit du côté des mâles en 1171, puis du côté des femmes en 1216; par le mariage de la dernière descendante de cette famille, Mahaut de Bourbon, avec Guy de Dampierre, la seigneurie de Bourbon passa à une branche de la famille de Dampierre, en 1196;

    • fondant la deuxième famille de Bourbon, le fils de Guy de Dampierre et de Mahaut de Bourbon, Archambaud VIII, ajouta le nom (et les armes) de sa mère à ceux de son père; mais cette Maison de Bourbon-Dampierre s'éteignit à son tour assez rapidement : du côté des mâles, en 1249 puis, du côté des femmes vers 1287. Par le mariage de la dernière héritière de cette famille, Agnès de Bourbon-Dampierre (morte vers 1287), avec Jean de Bourgogne, la seigneurie de Bourbon passa à leur unique enfant, leur fille Béatrice de Bourgogne. C'est cette dernière qui fit entrer le nom et titre de "Bourbon" dans la famille capétienne;

    • fondateur, par son mariage avec Béatrice de Bourgogne, de la 3ème famille de Bourbon, Robert de Clermont était le dixième et avant-dernier des onze enfants de Louis IX (futur saint Louis) et Marguerite de Provence, et leur sixième et dernier garçon; il fut reconnu sire de Bourbon en 1283, possédant la terre de Bourbon par "le droit de la femme" ("de jure uxoris").

    Cette troisième Maison de Bourbon accédera au trône de Navarre en 1555, puis au trône de France en 1589, avec Henri IV.

    La famille que fonda Robert de Clermont est donc ainsi, aujourd'hui encore, la Famille de France, et elle essaima également à l'étranger : Espagne, Parme, Naples (ou Sicile), et - par les femmes, et le jeu des alliances matrimoniales - Belgique, Luxembourg, Brésil... 

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    Forteresse de Bourbon l'Archambault :

    http://www.forteressebourbon.fr/

    Des origines à nos jours : de l'humble seigneurie de Bourbon à la Famille de France...

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDans leur acharnement "rattachiste", les plus enragés des généalogistes pensent pouvoir faire remonter la famille de Bourbon à... Childebrand, frère cadet de Charles Martel (c'est-à-dire à la première moitié du VIIIème siècle) ! Laissons les chercheurs chercher, et tenons-nous en à ce qui est avéré : comme l'écrit Michel Mourre : "Le premier membre de la famille connue dans l'Histoire est Adhémar, sire de Bourbon (début XIème siècle)". Pour le reste, pas grand-chose de réelle importance, jusqu'à la date de 1272 : cette année-là - comme on l'a vu plus haut - alors que la maison n'a plus d'héritiers mâles, la dernière représentante de la lignée, Béatrix de Bourbon, seule et unique héritière du nom et des biens, épouse Robert de Clermont, le dernier garçon du roi Louis IX et de son épouse, Marguerite de Provence.

    (Illustration : "d'azur semé de fleurs de lys d'or et à la bande de gueules", les armoiries du Bourbonnais sont celles de Robert de Clermont, qui a brisé les lys de France en ajoutant une bande de gueules.)

    Toujours de Michel Mourre : "De ce mariage naquit Louis, premier duc de Bourbon (1327), qui mourut en 1341 en laissant deux fils : Pierre 1er, sire de Bourbon, et Jacques, comte de la Marche, qui furent la tige de deux branches" :

    1 : la branche aînée, fondée par Pierre 1er, dura environ deux siècles, et s'éteignit, faute de postérité, avec Suzanne de Bourbon, épouse de son cousin Charles, mort en 1527, le couple n'ayant pas eu d'enfant. Un membre de cette branche fut tué au désastre de Poitiers; sa fille épousa le roi Charles V; un autre membre de cette branche combattit les Anglais avec du Guesclin; un autre, fait prisonniers lors du désastre d'Azincourt, mourut, captif, à Londres; le membre le plus important de cette branche fut peut-être Pierre II : sire de Beaujeu, il épousa Anne, fille du roi Louis XI, et, à ce titre participa à l'excellente régence qu'exerça, pour le plus grand bien de la France, son épouse Anne de Beaujeu. C'est ce couple qui n'eut qu'une fille, Suzanne (voir plus haut), laquelle épousa son cousin Charles mais n'eut pas de postérité, ce qui marqua, donc, après deux siècles, l'extinction de la branche aînée...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon2 : la branche cadette : à la différence de celle que fonda son frère Pierre, et qui ne dura que deux siècles, la deuxième branche de Bourbon fondée par Jacques, comte de la Marche - le deuxième enfant du premier duc de Bourbon, Louis premier - s'est perpétuée jusqu'à nos jours, atteignant la puissance et la grandeur que l'on sait, et débordant même très largement le cadre du seul territoire national.

    C'est dans cette branche que naquit - et mourut sans héritier - le Connétable de Bourbon (ci contre), qui devait trahir François premier et la France : après avoir largement contribué à la victoire de Marignan, le Connétable s'allia à Charles Quint et Henri VIII, fut le principal artisan de la victoire de nos ennemis à Pavie, et envahit la Provence, qu'il avait conquise presque entière lorsqu'il échoua devant Marseille (voir l'Éphéméride du 19 août); il se retira alors, mais en désordre, en Italie, et trouva une fin sans gloire dans Rome, alors qu'il mettait à sac la Ville éternelle... (sur la trahison du Connétable de Bourbon, voir l'Éphéméride du 18 juillet)...

    À la mort - sans héritier - de l'ex-Connétable (en 1527), Charles de Bourbon (1489-1537) devint chef de toute la Maison : François 1er le titra duc de Vendôme.

    C'est à partir de ce moment-là que les choses s'accélérèrent, pour la Maison de Bourbon, et que la roue de l'Histoire se mit à tourner, de plus en plus vite, en sa faveur.

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDix-huit ans à peine après la mort de Charles, Antoine de Bourbon, par son mariage avec Jeanne d'Albret, devint roi de Navarre (1555). Le mariage fut, d'abord, très heureux, et les époux eurent un premier fils, qui vécût très peu, puis un second, qu'ils appelèrent Henri. Peu à peu, cependant, les liens se distendirent dans le couple : de fait, Antoine de Bourbon était roi de Navarre par sa femme (devenue Jeanne III à la mort de son père, la "loi salique" n'existant pas en Navarre) qui détenait donc le pouvoir réel, lui-même n'étant que le prince consort; ensuite, la France étant entrée dans l'épisode tragique des Guerres de religion, la rupture fut définitivement consommée lorsque Jeanne choisit la réforme, Antoine restant fidèle au catholicisme...

    Mais Henri de Navarre était né, au château de Pau, et sous un jour favorable, malgré les épreuves qu'il eut à subir. D'abord, à la différence de son père, il fut pendant quelques années, à la mort de sa mère, roi véritable de Navarre, et non roi nominal ou roi consort, sous le nom de Henri III de Navarre. Ensuite, le fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, devait devenir roi de France, cette fois sous le nom d'Henri IV, après l'assassinat d'Henri III de France en 1589 (et c'est pourquoi on l'appellera "Roi de France et de Navarre") : voir l'Éphéméride du 2 août...

    Cette année-là, pour les Valois, se reproduisit exactement le même scénario qui avait mis fin à la branche des Capétiens directs : de même qu'après Philippe le Bel ses trois fils lui succédèrent l'un après l'autre sans descendance, de même les trois fils de Henri II - François II, Charles IX et Henri III - régnèrent à tour de rôle, sans postérité. Même éloigné, le parent qui se rapprochait le plus du dévoué Henri III était... le descendant du sixième et dernier garçon de Saint Louis : Henri de Navarre...

    Ainsi donc, si, durant cinq siècles, le nom et titre de Bourbon ne fut jamais attaché à une grande prospérité, il devait, en cinquante-deux ans et comme d'un coup, atteindre les sommets...

    Henri IV fut le père de Louis XIII, lui-même père de deux garçons : Louis (le futur Louis XIV) et son frère Philippe, titré du beau nom historique - et qui éveille tant de grands souvenirs de notre roman national... - de duc d'Orléans.

    C'est de ce frère de Louis XIV, fils de Louis XIII et petit-fils d'Henri IV, que descendent les représentants actuels de notre Famille de FranceJean, comte de Paris et son fils Gaston Dauphin, de France... (pour l'histoire plus détaillée de la branche d'Orléans, voir l'Éphéméride du 21 septembre).

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    Du sixième fils de Saint Louis à nos jours : le défunt Comte de Paris (à gauche) et l'actuel, le prince Jean, à droite, le prince Gaston dans ses bras : huit siècles d'Histoire de France qui se perpétuent...

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    Le prince Jean, à côté de son fils, le prince Gaston, Dauphin de France, au château d'Amboise...

      

    À propos de la Navarre, de ses Armes et de l'expression "Roi de France et de Navarre"...

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     "de gueules aux chaînes d'or posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d'une émeraude au naturel"

    L'écu de Navarre se rattache aux armoiries que le roi navarrais Sanche VII le Fort adopta après l'immense victoire de Las Navas de Tolosa (près de Jaén, en Andalousie), remportée sur l'Islam par la chrétienté de l'Europe toute entière, venue au secours des Espagnols menacés d'être écrasés par la puissante invasion des Almohades, venus d'Afrique du Nord et de Mauritanie. C'était en 1212, un an avant la bataille de Muret (décisive pour le Royaume de France, car elle ouvrait la voie à une réunion prochaine des provinces du Sud-Ouest à la Couronne...), et deux ans avant la non moins décisive journée de Bouvines, dont on sait l'importance capitale...

    Lors de cette bataille de Las Navas de Tolosa, des chaînes défendaient la tente du sultan musulman Miramamolin, entouré (dit-on...) d'une garde personnelle de dix mille noirs farouches... Imité par les chevaliers chrétiens - qui puisaient leur énergie furieuse dans la parfaite connaissance du fait que l'issue du combat ne pouvait être que la mort ou la libération de l'Espagne chrétienne - l'une et l'autre définitives... - Sanche le Fort rompit les chaînes du camp retranché de Miramamolin avec sa propre épée. Le sultan vaincu portait (là-aussi, dit-on...) une émeraude verte sur son turban : elle figure au centre du blason...

    De Michel Mourre : "...Le royaume de Navarre se constitue obscurément vers 830 et entre dans l'histoire avec Sanche 1er Garcia ( 905/925). Sous le règne de Sanche III le Grand (1000/1035) la Navarre s'étendit des Pyrénées vers le sud jusqu'à Tudela, sur l'Èbre supérieur, et au-delà des Pyrénées sur la région de Saint-Jean-Pied-de-Port (qui signifie "au pied du col, de la montagne, ndlr), qu'on appellera plus tard Basse Navarre ou Navarre française. Après Sanche IV, la Navarre se réunit à l'Aragon (1076/1134), puis redevint un royaume séparé. En 1234 la couronne passa à Thibaut de Champagne, fils de l'héritière de Navarre et fondateur de la dynastie champenoise dont la dernière descendante Jeanne 1er, reine de Navarre, épousa en 1234 Philippe le Bel. La Navarre se trouva ainsi réunie à la France jusqu'en 1328; à cette date, Jeanne, fille de Louis le Hutin, et petite-fille de Philippe le Bel, exclue du trône de France par la loi salique, garda la Navarre. Celle-ci passa successivement par mariages aux comtes d'Évreux (1329), à Jean II d'Aragon (1425), aux comtes de Foix (1479), enfin à la maison d'Albret (1484). Mais en 1512 Ferdinand le catholique enleva à Henri II d'Albret toute la haute Navarre, restée depuis à l'Espagne. La maison d'Albret ne conserva plus que la basse Navarre, située au nord des Pyrénées. À la suite du mariage de Jeanne III d'Albret et d'Antoine de Bourbon, la Navarre passa à la maison de Bourbon, et Henri III de Bourbon, roi de Navarre, devenu roi de France en 1589, réunit définitivement la basse Navarre à la France...."

     

     

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    1517 : Fondation du Havre

     

    François Premier donne commission à l'Amiral Guilllaume Gouffier de Bonnivet, pour construire un port au lieu dit "de Grâce" (une antique chapelle de Notre-Dame de Grâce se trouvant à proximité).

    Ainsi le port du Havre, en Haute Normandie, fut-il le premier port national d'État créé de toutes pièces, et ce dans une perspective tant militaire et politique que commerciale et économique.

    le havre 1.jpg
     

    On l'appela d'abord Franciscopolis, ou Ville Françoise, en hommage à François Premier, avant que ne prévale Le Havre de Grâce, puis Le Havre.

    Mais l'emblème personnel de François Premier, la salamandre, orne toujours le blason de la Ville, depuis sa fondation :

  • Dans notre Éphéméride de ce jour..

    Écu de Robert de Clermont, aux origines de la Maison de Bourbon

     

    1317 : Mort de Robert de Clermont, aux origines de la 3ème maison de Bourbon, aujourd'hui Famille de France 

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonPendant plusieurs siècles, le titre de Maison de Bourbon fut porté par celles et ceux qui possédaient la seigneurie de Bourbon l'Archambault et du Bourbonnais, ensuite appelée Duché de Bourbon, dans le nord de l'Auvergne, coeur de l'ancienne province du Bourbonnais.

    Il y eut d'abord deux premières familles de Bourbon, qui s'éteignirent assez rapidement et n'eurent jamais une grande importance, avant que le titre de sire de Bourbon n'entrât dans la famille des Capétiens directs, par le mariage de Robert de Clermont avec Béatrice de Bourgogne, dernière héritière de la deuxième famille propriétaire du duché :

    la première famille de Bourbon, qui s'éteignit du côté des mâles en 1171, puis du côté des femmes en 1216; par le mariage de la dernière descendante de cette famille, Mahaut de Bourbon, avec Guy de Dampierre, la seigneurie de Bourbon passa à une branche de la famille de Dampierre, en 1196;

    • fondant la deuxième famille de Bourbon, le fils de Guy de Dampierre et de Mahaut de Bourbon, Archambaud VIII, ajouta le nom (et les armes) de sa mère à ceux de son père; mais cette Maison de Bourbon-Dampierre s'éteignit à son tour assez rapidement : du côté des mâles, en 1249 puis, du côté des femmes vers 1287. Par le mariage de la dernière héritière de cette famille, Agnès de Bourbon-Dampierre (morte vers 1287), avec Jean de Bourgogne, la seigneurie de Bourbon passa à leur unique enfant, leur fille Béatrice de Bourgogne. C'est cette dernière qui fit entrer le nom et titre de "Bourbon" dans la famille capétienne;

    • fondateur, par son mariage avec Béatrice de Bourgogne, de la 3ème famille de Bourbon, Robert de Clermont était le dixième et avant-dernier des onze enfants de Louis IX (futur saint Louis) et Marguerite de Provence), et leur sixième et dernier garçon; il fut reconnu sire de Bourbon en 1283, possédant la terre de Bourbon par "le droit de la femme" ("de jure uxoris").

    Cette troisième Maison de Bourbon accédera au trône de Navarre en 1555, puis au trône de France en 1589, avec Henri IV.

    La famille que fonda Robert de Clermont est donc ainsi, aujourd'hui encore, la Famille de France, et elle essaima également à l'étranger : Espagne, Parme, Naples (ou Sicile), et - par les femmes, et le jeu des alliances matrimoniales - Belgique, Luxembourg, Brésil... 

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    Forteresse de Bourbon l'Archambault :

    http://www.forteressebourbon.fr/

     

    Des origines à nos jours : de l'humble seigneurie de Bourbon à la Famille de France...

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDans leur acharnement "rattachiste", les plus enragés des généalogistes pensent pouvoir faire remonter la famille de Bourbon à... Childebrand, frère cadet de Charles Martel (c'est-à-dire à la première moitié du VIIIème siècle) ! Laissons les chercheurs chercher, et tenons-nous en à ce qui est avéré : comme l'écrit Michel Mourre : "Le premier membre de la famille connue dans l'Histoire est Adhémar, sire de Bourbon (début XIème siècle)". Pour le reste, pas grand-chose de réelle importance, jusqu'à la date de 1272 : cette année-là - comme on l'a vu plus haut - alors que la maison n'a plus d'héritiers mâles, la dernière représentante de la lignée, Béatrix de Bourbon, seule et unique héritière du nom et des biens, épouse Robert de Clermont, le dernier garçon du roi Louis IX et de son épouse, Marguerite de Provence.

    (Illustration : "d'azur semé de fleurs de lys d'or et à la bande de gueules", les armoiries du Bourbonnais sont celles de Robert de Clermont, qui a brisé les lys de France en ajoutant une bande de gueules.)

    Toujours de Michel Mourre : "De ce mariage naquit Louis, premier duc de Bourbon (1327), qui mourut en 1341 en laissant deux fils : Pierre 1er, sire de Bourbon, et Jacques, comte de la Marche, qui furent la tige de deux branches" :

    1 : la branche aînée, fondée par Pierre 1er, dura environ deux siècles, et s'éteignit, faute de postérité, avec Suzanne de Bourbon, épouse de son cousin Charles, mort en 1527, le couple n'ayant pas eu d'enfant. Un membre de cette branche fut tué au désastre de Poitiers; sa fille épousa le roi Charles V; un autre membre de cette branche combattit les Anglais avec du Guesclin; un autre, fait prisonniers lors du désastre d'Azincourt, mourut, captif, à Londres; le membre le plus important de cette branche fut peut-être Pierre II : sire de Beaujeu, il épousa Anne, fille du roi Louis XI, et, à ce titre participa à l'excellente régence qu'exerça, pour le plus grand bien de la France, son épouse Anne de Beaujeu. C'est ce couple qui n'eut qu'une fille, Suzanne (voir plus haut), laquelle épousa son cousin Charles mais n'eut pas de postérité, ce qui marqua, donc, après deux siècles, l'extinction de la branche aînée...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon2 : la branche cadette : à la différence de celle que fonda son frère Pierre, et qui ne dura que deux siècles, la deuxième branche de Bourbon fondée par Jacques, comte de la Marche - le deuxième enfant du premier duc de Bourbon, Louis premier - s'est perpétuée jusqu'à nos jours, atteignant la puissance et la grandeur que l'on sait, et débordant même très largement le cadre du seul territoire national.

    C'est dans cette branche que naquit - et mourut sans héritier - le Connétable de Bourbon (ci contre), qui devait trahir François premier et la France : après avoir largement contribué à la victoire de Marignan, le Connétable s'allia à Charles Quint et Henri VIII, fut le principal artisan de la victoire de nos ennemis à Pavie, et envahit la Provence, qu'il avait conquise presque entière lorsqu'il échoua devant Marseille (voir l'Éphéméride du 19 août); il se retira alors, mais en désordre, en Italie, et trouva une fin sans gloire dans Rome, alors qu'il mettait à sac la Ville éternelle... (sur la trahison du Connétable de Bourbon, voir l'Éphéméride du 18 juillet)...

    À la mort - sans héritier - de l'ex-Connétable (en 1527), Charles de Bourbon (1489-1537) devint chef de toute la Maison : François 1er le titra duc de Vendôme.

    C'est à partir de ce moment-là que les choses s'accélérèrent, pour la Maison de Bourbon, et que la roue de l'Histoire se mit à tourner, de plus en plus vite, en sa faveur.

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDix-huit ans à peine après la mort de Charles, Antoine de Bourbon, par son mariage avec Jeanne d'Albret, devint roi de Navarre (1555). Le mariage fut, d'abord, très heureux, et les époux eurent un premier fils, qui vécût très peu, puis un second, qu'ils appelèrent Henri. Peu à peu, cependant, les liens se distendirent dans le couple : de fait, Antoine de Bourbon était roi de Navarre par sa femme (devenue Jeanne III à la mort de son père, la "loi salique" n'existant pas en Navarre) qui détenait donc le pouvoir réel, lui-même n'étant que le prince consort; ensuite, la France étant entrée dans l'épisode tragique des Guerres de religion, la rupture fut définitivement consommée lorsque Jeanne choisit la réforme, Antoine restant fidèle au catholicisme...

    Mais Henri de Navarre était né, au château de Pau, et sous un jour favorable, malgré les épreuves qu'il eut à subir. D'abord, à la différence de son père, il fut pendant quelques années, à la mort de sa mère, roi véritable de Navarre, et non roi nominal ou roi consort, sous le nom de Henri III de Navarre. Ensuite, le fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, devait devenir roi de France, cette fois sous le nom d'Henri IV, après l'assassinat d'Henri III de France en 1589 (et c'est pourquoi on l'appellera "Roi de France et de Navarre") : voir l'Éphéméride du 2 août...

    Cette année-là, pour les Valois, se reproduisit exactement le même scénario qui avait mis fin à la branche des capétiens directs : de même qu'après Philippe le Bel ses trois fils lui succédèrent l'un après l'autre sans descendance, de même les trois fils de Henri II - François II, Charles IX et Henri III - régnèrent à tour de rôle, sans postérité. Même éloigné, le parent qui se rapprochait le plus du dévoué Henri III était... le descendant du sixième et dernier garçon de Saint Louis : Henri de Navarre...

    Ainsi donc, si, durant cinq siècles, le nom et titre de Bourbon ne fut jamais attaché à une grande prospérité, il devait, en cinquante-deux ans et comme d'un coup, atteindre les sommets...

    Henri IV fut le père de Louis XIII, lui-même père de deux garçons : Louis (le futur Louis XIV) et son frère Philippe, titré du beau nom historique - et qui éveille tant de grands souvenirs de notre roman national... - de duc d'Orléans.

    C'est de ce frère de Louis XIV, fils de Louis XIII et petit-fils d'Henri IV, que descendent les représentants actuels de notre Famille de FranceJean, comte de Paris et son fils Gaston Dauphin, de France... (pour l'histoire plus détaillée de la branche d'Orléans, voir l'Éphéméride du 21 septembre).

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

    Du sixième fils de Saint Louis à nos jours : le défunt Comte de Paris (à gauche) et l'actuel, le prince Jean, à droite, le prince Gaston dans ses bras : huit siècles d'Histoire de France qui se perpétuent...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

    Le prince Jean, Comte de Paris, à droite, à côté de son fils le prince Gaston, Dauphin de France, devant l'une des cheminées du château d'Amboise

     

    À propos de la Navarre, de ses Armes et de l'expression "Roi de France et de Navarre"...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

     "de gueules aux chaînes d'or posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d'une émeraude au naturel"

    L'écu de Navarre se rattache aux armoiries que le roi navarrais Sanche VII le Fort adopta après l'immense victoire de Las Navas de Tolosa (près de Jaén, en Andalousie), remportée sur l'Islam par la chrétienté de l'Europe toute entière, venue au secours des Espagnols menacés d'être écrasés par la puissante invasion des Almohades, venus d'Afrique du Nord et de Mauritanie. C'était en 1212, un an avant la bataille de Muret (décisive pour le Royaume de France, car elle ouvrait la voie à une réunion prochaine des provinces du Sud-Ouest à la Couronne...), et deux ans avant la non moins décisive journée de Bouvines, dont on sait l'importance capitale...

    Lors de cette bataille de Las Navas de Tolosa, des chaînes défendaient la tente du sultan musulman Miramamolin, entouré (dit-on...) d'une garde personnelle de dix mille noirs farouches... Imité par les chevaliers chrétiens - qui puisaient leur énergie furieuse dans la parfaite connaissance du fait que l'issue du combat ne pouvait être que la mort ou la libération de l'Espagne chrétienne - l'une et l'autre définitives... - Sanche le Fort rompit les chaînes du camp retranché de Miramamolin avec sa propre épée. Le sultan vaincu portait (là-aussi, dit-on...) une émeraude verte sur son turban : elle figure au centre du blason...

    De Michel Mourre : "...Le royaume de Navarre se constitue obscurément vers 830 et entre dans l'histoire avec Sanche 1er Garcia ( 905/925). Sous le règne de Sanche III le Grand (1000/1035) la Navarre s'étendit des Pyrénées vers le sud jusqu'à Tudela, sur l'Èbre supérieur, et au-delà des Pyrénées sur la région de Saint-Jean-Pied-de-Port (qui signifie "au pied du col, de la montagne, ndlr), qu'on appellera plus tard Basse Navarre ou Navarre française. Après Sanche IV, la Navarre se réunit à l'Aragon (1076/1134), puis redevint un royaume séparé. En 1234 la couronne passa à Thibaut de Champagne, fils de l'héritière de Navarre et fondateur de la dynastie champenoise dont la dernière descendante Jeanne 1er, reine de Navarre, épousa en 1234 Philippe le Bel. La Navarre se trouva ainsi réunie à la France jusqu'en 1328; à cette date, Jeanne, fille de Louis le Hutin, et petite-fille de Philippe le Bel, exclue du trône de France par la loi salique, garda la Navarre. Celle-ci passa successivement par mariages aux comtes d'Évreux (1329), à Jean II d'Aragon (1425), aux comtes de Foix (1479), enfin à la maison d'Albret (1484). Mais en 1512 Ferdinand le catholique enleva à Henri II d'Albret toute la haute Navarre, restée depuis à l'Espagne. La maison d'Albret ne conserva plus que la basse Navarre, située au nord des Pyrénées. À la suite du mariage de Jeanne III d'Albret et d'Antoine de Bourbon, la Navarre passa à la maison de Bourbon, et Henri III de Bourbon, roi de Navarre, devenu roi de France en 1589, réunit définitivement la basse Navarre à la France...."

  • GRANDS TEXTES (16) : Le regard vide, de Jean-François Mattéi (3/3)

    MATTEI.jpg

     

    Il faut être reconnaissants à Jean-François MATTEI d’avoir écrit "Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne". 

    Il y dit, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.  

    Ce livre nous paraît tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François MATTEI a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.

     

    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

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    La perversion du mouvement

    (Chapitre intégral, pages 158/159/160/161/162/163/164).

     

               

    La translatio imperii devenue translatio studii, puis sur le plan mondial translatio belli, constitue à l’évidence le modèle mythique et rationnel du développement de l’Europe. Pourtant, de translations en translations, emportée par son culte du mouvement, la civilisation européenne a fini par dévoyer l’élan qui haussait son regard à la hauteur de l’Idée pour le rabattre sur l’horizon de l’histoire. Et cet horizon s’est trouvé paradoxalement bouché par une ouverture qui ne donnait sur rien sinon sur « un formidable champ de ruines » selon l’expression de Nietzsche (1). Cet effondrement ne concerne pas seulement la religion chrétienne, le dernier édifice romain désormais veuf de fidèles, mais la culture européenne emportée dans un tourbillon dénué de toute fin. Un projet de préface pour La Volonté de puissance, consacré à l’avènement du nihilisme, témoigne de ce courant déchaîné qui emporte l’Europe, et le monde avec elle, vers le néant.

    "Notre culture européenne toute entière se meurt depuis longtemps déjà, avec une torturante tension qui croît de décennies en décennies, comme portée vers une catastrophe : inquiète, violente, précipitée : comme un fleuve qui veut en finir, qui ne cherche plus à revenir à soi, qui craint de revenir à soi" (2).

     

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    "Tocqueville a le premier attiré l’attention sur « le mouvement perpétuel » qui règne au sein des démocraties et qui tend à modifier sans cesse la forme de la langue comme le contenu des pensées. Il dépeint à son époque, certes, la démocratie américaine, mais il généralise ses analyses à toutes les sociétés démocratiques qui, insiste-t-il, « aiment le mouvement pour lui-même », comme le montrent l’état de la langue et celui de la politique..."

               

     

    La perversion de son mouvement est la perversion d’un regard qui, privé de but, se perd dans le vide et ne parvient plus à surmonter son épuisement. Il devient alors étranger à ses propres principes dans cette fuite désespérée en avant qui portera le nom trompeur de progrès. Tocqueville a le premier attiré l’attention sur « le mouvement perpétuel » qui règne au sein des démocraties et qui tend à modifier sans cesse la forme de la langue comme le contenu des pensées. Il dépeint à son époque, certes, la démocratie américaine, mais il généralise ses analyses à toutes les sociétés démocratiques qui, insiste-t-il, « aiment le mouvement pour lui-même », comme le montrent l’état de la langue et celui de la politique.

    Cette « agitation générale » renforcée par le développement de formules abstraites qui utilisent des termes génériques pour dire plus rapidement les choses – « la force des choses veut que les capacités gouvernent », note-t-il avec ironie (3) - précipite la marche vers l’égalité des peuples européens. Toutes les révolutions et contre-révolutions qui ont bouleversé l’Europe, « tous ces mouvements », qui ont détruit les pouvoirs intermédiaires traditionnels ont contribué à renforcer les Etats en égalisant les conditions sociales de sorte que « chaque pas que (les nations, ndlr) font vers l’égalité les rapproche du despotisme » (4). Contrainte par la puissance du mouvement d’égalité, de plus en plus rapide et de plus en plus uniforme, l’évolution de l’histoire a paradoxalement pris appui  sur un foyer de centralisation qui a été « le seul point immobile au milieu de la mobilité singulière » des existences et des pensées des hommes.

    Je voudrais vérifier la justesse des analyses de Tocqueville en revenant à la description qu’Edgar Poe donnait de l’homme moderne dans sa nouvelle The man of the crowd. Elle illustre le destin de l’homme des foules, dans une cité comme Londres, lorsque la population s’accroît à la tombée du jour et s’écoule dans les rues selon des courants contraires et anonymes. Le narrateur, ou Poe lui-même, se trouve dans la position traditionnelle de l’homme européen dont le regard examine avec recul le spectacle qui s’offre à lui. « Mes pensées prirent d’abord un tour abstrait et généralisateur. Je regardais les passants par masse et ma pensée ne les considérait que dans leurs rapports collectifs » (6). Parmi cette multitude d’hommes d’affaires, de commis, de marchands, de filous ou de joueurs de profession, de colporteurs et d’invalides, la foule se fondant en une masse amorphe et indistincte, le narrateur est soudain saisi par la physionomie étrange d’un vieillard qui passe devant la fenêtre du café où il est assis. Il se précipite dehors et se met à le suivre. L’homme traverse un lacis de rue, revient sur ses pas, tourne et retourne sans but apparent, et erre sans dire un mot parmi les groupes de passants de plus en plus rares à mesure de l’avancée de la nuit. « Il entrait successivement dans toutes les boutiques, ne marchandait rien, ne disait pas un mot, et jetait sur tous les objets un regard fixe, effaré, vide » (7). Jusqu’au point du jour, dans des cohues de plus en plus lointaines et de plus en plus rares, le vieillard arpentera les ruelles et les artères, courant d’un air désespéré jusqu’à ce qu’il retrouve un embryon de foule.

    Poe voit dans cet homme absorbé dans un mouvement sans  commencement ni fin, qui reprend sans espoir chaque jour, l’homme qui a peur de rester seul et qui n’existe que dans la proximité des autres. On peut y déceler aussi la métaphore du regard de l’homme européen, incarné par le narrateur, qui cherche à donner un sens à cette fuite aveugle de l’homme démocratique. Il est prêt à se fondre dans ce que Tocqueville nomme « une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et de vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme ».

    Et Tocqueville d’ajouter, à la fin de son ouvrage, ces phrases qui auraient pu être écrites par Poe :

    "Je promène mes regards sur cette foule innombrable composée d’êtres pareils, ou rien ne s’élève ni ne s’abaisse. Le spectacle de cette uniformité universelle m’attriste et me glace, et je suis tenté de regretter la société qui n’est plus" (8).

     

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    "Je voudrais vérifier la justesse des analyses de Tocqueville en revenant à la description qu’Edgar Poe donnait de l’homme moderne dans sa nouvelle The man of the crowd. Elle illustre le destin de l’homme des foules..."
     
     
     
     

    Nous sommes en présence, sous une double forme sociale et politique, de la pathologie européenne du mouvement intellectuel. Chesterton pensait que le monde moderne était envahi par « de vieilles vertus chrétiennes devenues folles » (9) ; on en dira autant de l’élan de pensée qui les avait apportées. Ce que Sloterdijk  a analysé sous la forme de la « mobilisation infinie » et de la « mytho-motricité de l’Europe », dans l’optique de la « mobilisation universelle » de Jünger, Mobilmachung, et du « dispositif » technique de Heidegger, Gestell, qui se sont emparés du monde est la déformation tardive de l’auto-motricité de l’âme platonicienne.

    Cette âme était toujours en mouvement parce qu’elle était vouée au processus infini de la connaissance ; mais elle gardait son regard fixé sur les Formes en un ancrage supérieur qui interdisait toute dérive. L’ancre retirée, le mouvement pris pour lui-même devient fou et débouche sur la destruction systématique de la réalité. Dans sa Logique du sens, Gilles Deleuze a théorisé un tel mouvement de la modernité en appelant explicitement, contre Platon et son éloge du peras et du metrion, à choisir « un pur devenir sans mesure, véritable devenir fou qui ne s’arrête jamais », et il a attribué ce devenir illimité, qui évite le présent pour confondre le futur et le passé  à « la manière du simulacre en tant qu’il esquive l’action de l’Idée » (10).

    C’est un semblable flux nihiliste et chaotique, dont la forme métaphysique avait été annoncée par Nietzsche, qui a emporté l’Europe politique dans la logique de mort des deux conflits mondiaux. On le retrouve dans le flux de destruction des guerres européennes, et ses dizaines de millions de morts qui n’étaient pas des simulacres, mais aussi dans le courant des discours révolutionnaires qui soutenaient, selon le mot d’Edouard Bernstein, que « le but final, quel qu’il soit, n’est rien ; le mouvement est tout » (11). C’est ce vertige de démesure qui a emporté les deux grands mouvements totalitaires que l’Europe a produits au XXème siècle sur les renoncements de la démocratie.

     

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    "Chesterton pensait que le monde moderne était envahi par "de vieilles vertus chrétiennes devenues folles"..."

               

     

    L’idée européenne de l’homme, issue du platonisme et du christianisme, a bien été pervertie par les mouvements de pensée rivaux qui ont détruit les fins mêmes qu’ils se proposaient d’atteindre, l’édification d’un homme nouveau et celle d’un monde meilleur. Lévinas s’est interrogé sur « la décision originelle » (12) qui a permis, avec l’avènement de l’hitlérisme, la régression de l’Europe dans la barbarie. Cette décision originelle, qui rompait avec toute la tradition humaniste, peut s’appliquer également au communisme.

    Les deux idéologies, en dévoyant l’idée platonicienne d’âme en un simulacre de sujet, ont obéi à la loi impitoyable du mouvement qui voit dans l’être humain l’effet de l’évolution biologique de la race ou de l’évolution historique de la classe. Si le monde n’est qu’un processus, et les actions humaines des procédures, sans qu’aucune fin soit assignée au cycle biologique comme au mouvement historique, le regard porté sur la race ou sur la classe, abandonnant tout exigence de reconnaissance spirituelle, ne décèle plus dans l’homme qu’une donnée matérielle. L’individu réel, fondé dans l’espèce sous la forme grossière de la Race et de la Classe, se trouve effectivement détruit par la force aveugle d’un devenir-fou.

    Quand la politique totalitaire élimine les fins au profit des processus, la solution qu’elle impose ne peut être qu’une solution finale. Je renvoie ici aux analyses classiques de Hannah Arendt dans Le Système totalitaire. Elle montre que la Terreur qui a frappé le monde était « la réalisation de la loi du mouvement » parce que son principe revenait à ce que « la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement » (13). La fureur de l’universel, pour le communisme, et la démence du particulier, pour le nazisme, ont constitué tous deux, sur les ruines de l’esprit européen, des lois du mouvement qui déniaient toute fin et toute stabilité aux actions des hommes. Tout devient effectivement insensé quand la nature et l’Histoire ne sont plus garantes de la stabilité de la vie humaine, mais sont en elles-mêmes des forces aveugles qui emportent et détruisent la masse indifférenciée des individus, non plus par un appareil répressif d’Etat, mais par « un mouvement constamment en mouvement ».

     

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    "Je renvoie ici aux analyses classiques de Hannah Arendt dans Le Système totalitaire. Elle montre que la Terreur qui a frappé le monde était « la réalisation de la loi du mouvement » parce que son principe revenait à ce que « la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement »... 
     
             
     
     
     

    (1)     : F. Nietzsche, Le Gai Savoir, op. cit., livre V, § 358, page 250.

    (2)    : F. Nietzsche, Fragments posthumes. Automne 1887 –mars 1888, tome XIII, Paris, Gallimard, 1976, 11 (411), page 362. Souligné par Nietzsche.

    (3)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II, I, XVI, Œuvres II, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1992, page 557. Souligné par l’auteur.

    (4)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, ibid, II, IV, V, page 821.

    (5)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, ibid, II, IV, V, page 832.

    (6)     : E.A. Poe, « L’homme des foules », E.A Poe. Contes. Essais. Poèmes, édition de Claude Richard, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1989, page 506.

    (7)     : E.A Poe, « L’homme des foules », ibid, page 510.

    (8)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., page 836 et page 851.

    (9)     : G.K. Chesterton, Orthodoxie (1908), Paris, Gallimard, 1984, page 44.

    (10) : G. Deleuze, Logique du sens, « Du pur devenir », Paris, Minuit , 10/18, 1968, pages 8 et 9.

    (11) : E. Bernstein, Die neue Zeit : le mot est rapporté et critiqué par Rosa Luxembourg au Congrès de Stuttgart du parti social-démocrate allemand le 4 octobre 1898.

    (12) : E. Lévinas, Quelques réflexions sur l’hitlérisme (1934), Paris, Payot-Rivages, 1997, page 8.

    (13) : Hannah Arendt, Le Système totalitaire (1951), Paris, Editions du Seuil, 1972, page 210.

     

     

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  • GRANDS TEXTES (48) : D'où vient la France ? Éloge des Celtes, qui ont su saisir la chance de la romanisation...

    ... par Charles Maurras et Jacques Bainville

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    Buste de César en marbre, trouvé dans le Rhône en 2008...
     
    En janvier 2010, Éric Besson, bien pâle et bien falot ministre du très mauvais Président que fut Nicolas Sarkozy, proféra l'insanité suivante : "La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage..."

    Nous répondîmes aussitôt, dans ces colonnes, à cette stupidité monumentale, rappelant cette évidence : à partir du moment où l'on quitte la Préhistoire pour entrer dans l'Histoire, il y a un premier peuplement connu, identifié sûrement, dans cette terre qui s'appelle aujourd'hui "la France" : c'est le peuple Basque. Celui-ci, comme les deux tiers de l'Europe, fut comme recouvert par une immense migration : celle des Celtes, qui recouvrirent toute l'Europe de l'ouest et l'Europe centrale.
    Ce sont donc les Basques, puis les Celtes, qui sont à la base même du peuple français d'aujourd'hui, qui en sont comme les fondations.
    Sans savoir qu'il répondait par avance à cet ignare d'Éric Besson, Maurras évoquait, dans un article de L'Action française du 6 juillet 1912, intitulé L'Hospitalité :
    "Ce pays-ci n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d'un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie."
     
     
    "Vingt siècles". Nous voilà ramenés à l'époques des Celtes, précisément, et à l'époque où les Celtes entrèrent en contact avec le monde Romain (et aussi, par la Massalie, avec le monde Grec). Et l'on va voir que la romanisation du pays, induite par la conquête des Gaules menée par César, fut féconde et heureuse. C'est là, à cette époque, à ce moment historique, que commence véritablement ce qui va devenir "la France"...
     
    Cependant, l'éloge qu'on peut faire de la romanisation du pays serait incomplet, et même faux, si l'on excluait de l'extraordinaire réussite que fut cette romanisation... le peuple Celte.
    Sans les Celtes, en effet, sans leurs grandes qualités et leur non moins grande ouverture d'esprit, la romanisation aurait été la simple conquête militaire d'un territoire - un de plus... - par les Romains, qui en ont conquis tant d'autres; mais elle n'aurait pas produit tout ce qu'elle a produit chez les Celtes, avec eux, et grâce à eux, aux côtés des Romains.

    Il s'agit donc bien d'une fusion, au meilleur sens du terme, entre deux grands peuples, d'une addition de leurs qualités, en quelque sorte, et non simplement de la conquête des uns (les Celtes) par les autres (les Romains), quelles que soient les qualités intrinsèques de ces derniers et ce qu'ils apportaient de bon et de fécond...

    Le trésor qu'apportaient les romains n'a pu fructifier à ce point que parce qu'il tombait sur une terre tout à fait apte et disposée à le recevoir et à le faire produire au centuple.

    C'est ce que dit fort bien Jacques Bainville, dès les premières lignes de sa magistrale Histoire de France :

    "La fusion des races a commencé dès les âges préhistoriques. Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation..."

    Voilà pourquoi, à partir de Jules César, conquérant des Gaules, qui a mis rudement les deux peuples en contact, nous évoquerons d'abord, avec Jacques Bainville, l'apport romain dans cette merveilleuse fusion de deux peuples. Mais, sitôt après, nous lirons un beau texte de Charles Maurras, exaltant les vertus ancestrales et la grandeur évidente de ces Celtes, sans lesquels, redisons-le, rien de ce à quoi l'on a assisté par la suite ne se serait passé de la même façon...

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    L'Arc municipal d'Orange
     
     
     
    I : Éloge de la Romanisation (de Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre I : Pendant 500 ans, la Gaule partage la vie de Rome) :

     

    "...À qui devons-nous notre civilisation ? À quoi devons-nous d'être ce que nous sommes ? À la conquête des Romains. Et cette conquête, elle eût échoué, elle se fût faite plus tard, dans des conditions différentes, peut-être moins bonnes, si les Gaulois n'avaient été divisés entre eux et perdus par leur anarchie. Les campagnes de César furent grandement facilitées par les jalousies et les rivalités des tribus. Et ces tribus étaient nombreuses : plus tard, l'administration d'Auguste ne reconnut pas moins de soixante nations ou cités. À aucun moment, même sous le noble Vercingétorix, la Gaule ne parvint à présenter un front vraiment uni, mais seulement des coalitions. Rome trouva toujours, par exemple chez les Rèmes (de Reims) et chez les Eduens de la Saône, des sympathies ou des intelligences. La guerre civile, le grand vice gaulois, livra le pays aux Romains. Un gouvernement informe, instable, une organisation politique primitive, balancée entre la démocratie et l'oligarchie : ainsi furent rendus vains les efforts de la Gaule pour défendre son indépendance.

    Les Français n'ont jamais renié l'alouette gauloise et le soulèvement national dont Vercingétorix fut l'âme nous donne encore de la fierté. Les Gaulois avaient le tempérament militaire. Jadis, leurs expéditions et leurs migrations les avaient conduits à travers l'Europe, jusqu'en Asie Mineure. Ils avaient fait trembler Rome, où ils étaient entrés en vainqueurs. Sans vertus militaires, un peuple ne subsiste pas; elles ne suffisent pas à le faire subsister. Les Gaulois ont transmis ces vertus à leurs successeurs. L'héroïsme de Vercingétorix et de ses alliés n'a pas été perdu : il a été comme une semence. Mais il était impossible que Vercingétorix triomphât et c'eût été un malheur s'il avait triomphé.

    Au moment où le chef gaulois fut mis à mort après le triomphe de César (51 avant l'ère chrétienne), aucune comparaison n'était possible entre la civilisation romaine et cette pauvre civilisation gauloise, qui ne connaissait même pas l'écriture, dont la religion était restée aux sacrifices humains. À cette conquête, nous devons presque tout. Elle fut rude : César avait été cruel, impitoyable. La civilisation a été imposée à nos ancêtres par le fer et par le feu et elle a été payée par beaucoup de sang. Elle nous a été apportée par la violence. Si nous sommes devenus des civilisés supérieurs, si nous avons eu, sur les autres peuples, une avance considérable, c'est à la force que nous le devons.

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    Voie romaine près de Vienne.
     
     

    Les Gaulois ne devaient pas tarder à reconnaître que cette force avait été bienfaisante. Ils avaient le don de l'assimilation, une aptitude naturelle à recevoir la civilisation gréco-latine qui, par Marseille et le Narbonnais, avait commencé à les pénétrer. Jamais colonisation n'a été plus heureuse, n'a porté plus de beaux fruits, que celle des Romains en Gaule. D'autres colonisateurs ont détruit les peuples conquis. Ou bien les vaincus, repliés sur eux-mêmes, ont vécu à l'écart des vainqueurs. Cent ans après César, la fusion était presque accomplie et des Gaulois entraient au Sénat romain.

    Jusqu'en 472, jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident, la vie de la Gaule s'est confondue avec celle de Rome. Nous ne sommes pas assez habitués à penser que le quart de notre histoire, depuis le commencement de l'ère chrétienne, s'est écoulé dans cette communauté : quatre à cinq siècles, une période de temps à peu près aussi longue que de Louis XII à nos jours et chargée d'autant d'événements et de révolutions. Le détail, si l'on s'y arrêtait, ferait bâiller. Et pourtant, que distingue-t-on à travers les grandes lignes ? Les traits permanents de la France qui commencent à se former..."

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    La maison carrée, à Nîmes
     
     
     

    II : Éloge des Celtes (de Charles Maurras, allocution prononcée en 1939) :

     

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    Dolmen de Saint Nectaire.
     
     

    "...Notre confrère Edouard Helsey mène en ce moment, au Journal, une lucide enquête sur les égarements sincères du peuple français. Et il a touché au point vif, très juste, quand il a observé qu'il existait dans les profondeurs de notre nationalité un élément d'anarchisme qui se met en mouvement un peu plus souvent qu'à son tour.

    C'est quelque chose de notre vieux fond gaulois. Ce peuple généreux, mais trop avide d'éloquence, porté à l'esprit de parti, aux divisions, aux jeux naïfs de la jalousie ou même de l'envie, n'a jamais pu s'unifier ni se discipliner, en raison de ce gros défaut.

    Mais Helsey oublie une chose. C'était un peuple très intelligent, très ami de l'intelligence, très sensible aux splendeurs de la vie intellectuelle, et l'on se trompe beaucoup toutes les fois que l'on fait honneur aux seules armées de César, au seul glaive des Légions et au seul faisceau des Licteurs de leur rapide conquête assimilatrice, si forte et si profonde que l'Histoire hésite à en admettre toutes les parties. Pour la bien comprendre, il faut se représenter l'admirable ouverture d'esprit du Gaulois et aussi la magique beauté de l'apport romain; c'était la raison, et c'était la science, et c'était l'intelligence, et c'était tout l'esprit de la civilisation générale héritée de la Grèce, de l'Egypte, de l'Etrurie.

    Les gaulois auraient indéfiniment résisté à la force de la Légion. Ils ne résistèrent ni à l'ordre ni à l'intelligence qui leur apportaient, avec le Droit, la Loi, avec la discipline aimée et voulue autre chose qui y ressemble : la Charité du genre humain.... Ce fut le dernier coup. Le Gaulois n'y tint plus. Il admit Rome, il la reçut chez lui, en lui. Il constitua cette brillante improvisation de l'Empire qui s'appelle le Gallo-Romain. N'était-il pas trop bien doué pour s'y dérober plus longtemps ?..."

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    Bijoux gaulois (ci-dessus) et, ci-dessous,
    le calendrier gaulois de Coligny : un exemple d'écriture gauloise, utilisant les caractères latins
     
    calendrier gaulois de coligny.jpg
     
     
     
     ANNEXES 
     
     
     
    I : L'opinion concordante de François-Guillaume Lorrain et Jean-Louis Brunaux, dans Le Point :

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    La Une du Point, 15 juillet 2010 (n° 1974)

     
    Rendons à César...
     
    ...ce que la Gaule lui doit.
    Ce printemps, un ouvrage ("1940", Ed. Tallandier) imaginait le sort de la France si elle avait continué à se battre en 1940.
    Qu'en serait-il de notre pays si, à l'âge de 42 ans, le proconsul Caius Julius Caesar n'avait pas, en 58 avant J.C., mis le pied avec ses légions en Gaule chevelue ? 
    César, sans la Gaule, ne serait sans doute pas devenu César, mais la Gaule, sans César, aurait à coup sûr raté le coche d'une première unification et d'une révolution culturelle, politique, urbaine et religieuse. Elle aurait surtout été, et c'est la thèse passionnante défendue ici par Jean-Louis Brunaux, balayée par les envahisseurs germains.
    Le rôle de César, involontaire et indirect, aura donc été celui d'un conservateur, qui accéléra une romanisation déjà en cours de la Gaule et la fit basculer à tout jamais dans la sphère méditerranéenne.
    Comme pour nous rappeler cette dette, son buste repêché par Luc Long a resurgi, tel un fantôme, des tréfonds du Rhône. Les traits marqués d'une noble énergie.
    Ave Caesar !
     
     
    II : pour aller plus loin sur le sujet...

    Les Basques puis les Celtes constituent les premiers peuplements connus de la Gaule, qui allait devenir la France. Sur ces deux populations premières vint se greffer l'influence décisive des Grecs et des Romains : voilà pourquoi nous évoquons largement, dans nos Éphémérides, les pages fondatrices de notre identité profonde que nous devons à l'Antiquité : voici le rappel des plus importantes d'entre elles, étant bien entendu qu'un grand nombre d'autres Éphémérides traitent d'autres personnalités, événements, monuments etc... de toute première importance dans le lente construction du magnifique héritage que nous avons reçu des siècles, et qui s'appelle : la France...

     

    En réalité, si la conquête de la Gaule était nécessaire à César pour sa prise du pouvoir à Rome, il faut bien admettre que "le divin Jules" avait été appelé à l'aide, en Gaule, par les Gaulois eux-mêmes, incapables de s'opposer au déplacement massif des Helvètes, quittant leurs montagnes - en 58 avant J.C - pour s'établir dans les riches plaines du sud ouest; César vainquit les Helvètes à Bibracte (voir l'Éphéméride du 28 mars); cinq mois plus tard, envahis par les Germains d'Arioviste, les Gaulois le rappelèrent une seconde fois : César vainquit et refoula les Germains au-delà du Rhin (voir l'Éphéméride du 5 août); et, cette fois-ci, auréolé de ses deux prestigieuses victoires, et gardant plus que jamais en tête son objectif premier (la conquête du pouvoir à Rome), César ne voulut plus se retirer de cette Gaule où on l'avait appelé, et dont la conquête serait le meilleur tremplin pour ses ambitions politiques à Rome... Il fallut six ans à Vercingétorix pour fédérer les divers peuples de Gaule contre le sauveur romain : le soulèvement général commença par le massacre des résidents romains à Cenabum (l'actuelle Orléans), en 52 (voir l'Éphéméride du 23 janvier); le 28 novembre de la même année, Vercingétorix remporta la victoire de Gergovie (voir l'

  • Éphéméride du 12 février

    Le Louvre, Galerie d'Apollon, où se trouvent les Joyaux de la Couronne...

     

     

    13 mars,germain pilon,renaissance,francois premier,henri ii,saint denis,jean goujonIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose, ou bien pour lesquels les rares événements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

    1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

    2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

    3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

    4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

    5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

    6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France... (11 avril)

    7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

    8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

    9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

    10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

    11. Le Mont Saint Michel (11 août)

    12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

    13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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    Aujourd'hui : Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne.

    Ou : Comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire

    12 fevrier,maurras,martigues,chemin de paradis,louis xiv,versailles,gerard tenque,ordre de malte"Du passé faisons table rase !"  

    Par haine de nos racines, la Révolution avait déjà fait disparaître entre le quart et le tiers de notre patrimoine.

    La Troisième République naissante poursuivra dans cette même voie : destruction des Tuileries (le "château de Paris") et dispersion des Joyaux de la Couronne (loi du 11 janvier 1887).

    Le peu qu'il nous reste de ce fabuleux trésor est exposé aujourd'hui dans la Galerie d'Apollon, au Louvre (ci contre et ci dessus)

     I : Origine des Joyaux de la Couronne...

      

    C’est François 1er qui, en faisant don à l’État, par Lettres patentes du 15 juin 1530, de ses pierres les plus estimées, est à l’origine du trésor des Joyaux de la Couronne.

    La plupart des parures provenaient d’Anne de Bretagne, qui les tenait de Marguerite de Foix. Il y avait notamment un diamant connu au XVIème siècle sous le nom de la "Belle Pointe". Plus célèbre encore, un rubis de 206 carats portait le nom de "Côte de Bretagne". Son sort avait été lié à deux autres gros rubis qui, après bien des aventures lors des Guerres de Religions et plus tard encore, réintégrèrent le mobilier de la Couronne grâce à Colbert. La "Côte de Bretagne", pierre brute, fut portée par les souverains, taillée en dragon tenant la Toison d’Or dans sa gueule.

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    La "Côte de Bretagne", Spinelle rouge
    taillée en forme de dragon par Jacques Guay en 1750, Musée du Louvre.

      

    Sous le règne d’Henri IV, apparut un personnage dont le nom demeure lié à l’histoire des diamants de la Couronne : Nicolas Harlay de Sancy. Il possédait plusieurs diamants sur lesquels il empruntait des sommes considérables qu’il mettait à la disposition du roi. L’un des joyaux reçut son nom (le Sancy) : il fut vendu à Jacques Ier, roi d’Angleterre. Lors de la Révolution anglaise, Henriette de France, fille d’Henri IV, soeur de Louis XIII et épouse de Charles Ier d’Angleterre l’emporta avec elle. Pressée d’argent, elle le donna en gage en 1655 en même temps qu’un autre, le "Miroir du Portugal", au duc d’Épernon. La reine les racheta peu après tous les deux pour les vendre en 1657 au cardinal de Mazarin qui, a sa mort les laissa à Louis XIV avec seize autres diamants de premier ordre.

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    Le Sancy

           

    Au XVIIIème siècle, deux pierres extraordinaires entrèrent dans le trésor : le "Grand Diamant bleu" (voir paragraphe V) et le Diamant de la maison de Guise. Quand au fameux "Régent" - aujourd'hui visible au musée du Louvre - l’achat, en 1717, en a été conté par Saint-Simon dans ses "Mémoires"...

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    Le Régent (sur son acquisition, et sur la pierre elle-même, voir l'Éphéméride du 6 juin)

     

      

    II : Pendant la Révolution, le vol des Joyaux...

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    L'Hortensia, le diamant rose de Louis XIV...

     

    Les Diamants de la couronne sont rassemblés dans le Garde-meubles, sur la Place Louis XV (actuelle Place de la Concorde). Depuis le début du règne, ils sont confiés à la garde de Lemoine-Crécy, un parfait honnête homme, au-dessus de tout soupçon. Ces pierreries, ces objets d'or massif, ces antiques, les parisiens les connaissent bien car, chaque mardi de Pâques, à la Saint-Martin, ils ont pu les admirer; c'est un des buts de promenade préféré du peuple. Sous l'oeil débonnaire des Gardes-françaises, on se pressait devant les vitrines.

    Le peuple admirait, avec fierté, puisque - comme cela se passe en Angleterre aujourd'hui... - la personne royale se confondait avec l'État.

    Après Varennes, Lameth propose que soit dressé un inventaire précis de ce fabuleux trésor qui appartient désormais à la Nation. Trois députés sont nommés commissaires : Bron, Christin et Delattre. Ils s'entourent de onze experts et après trois mois de travail déposent sur le bureau de l'Assemblée, un inventaire complet. Ils ont dénombré, en particulier, neuf mille cinq cent quarante-sept diamants.

    L'ensemble est évalué à la sommes fabuleuse de trente-millions de francs.

    Désormais, les visites des collections sont autorisées chaque lundi, et Lemoine-Crécy est remplacé par Restou, protégé et créature de Roland.

    Le 17 septembre 1792, Roland monte à la tribune de la Convention annonce :

    "Le garde-meuble vient d'être forcé et pillé, et les diamants ont disparu. Cet acte inouï n'a pu avoir lieu que sous le couvert d'une vaste machination"...

    On saura jamais ce qui s'est vraiment passé : quelques pauvres hères ou seconds couteaux seront rapidement jugés, et cinq exécutés sous l'inculpation de menées contre-révolutionnaires, la promptitude de l'exécution devant, sans doute, protéger des personnages plus haut placés. On a évoqué les ministres girondins - notamment  le ministre de l'Intérieur Roland - et même le ministre de la Justice Danton qui aurait fait parvenir certains joyaux au duc de Brunswick, commandant des troupes d'invasion prussiennes, pour le convaincre de se retirer, ce qui expliquerait le côté "inespéré" (!) et, en tout cas, tout à fait inattendu, de la bataille de Valmy !...

    Très vite, la plus grande partie des diamants sera retrouvée, en tous cas les plus belles pièces : seules les plus petites avaient pu être revendues ou, comme on dit dans le métier, "négociées"...

     Sur cette "bizarre" affaire... : 

    http://www.notesprecieuses.com/lemagazine/2011/12/03/vol-des-joyaux-de-la-couronne/

     

            

    III : L’article de Daniel Alcoufffe dans La Tribune de l’Art (23/1/2008)  :

    Une catastrophe nationale : la vente des Diamants de la Couronne en 1887.

     

    En cette période où l’inaliénabilité des œuvres conservées dans les collections publiques est menacée, il peut être utile de rappeler, avec l’aide des travaux de M. Bernard Morel, la vente lamentable des Diamants de la Couronne organisée par l’Etat en 1887. Elle amputa vertigineusement le patrimoine national.

    La collection des Diamants de la Couronne fut constituée de façon délibérée en 1530 par François 1er qui isola un petit groupe de huit pierres ou bijoux en sa possession et les déclara inaliénables.

    Ils furent inventoriés ainsi :

    "Ce sont les bagues que le roy François Ier de ce nom a donné et donne à ses successeurs à la couronne de France et veult que à chascune mutacion, l’inventaire d’icelles ensemble leur apréciacion, poix, paincture, plomp soient vériffiez en leur présence, affin qu’ils baillent leurs lettres patentes obligatoires de les garder à leurs successeurs à la couronne".

    Ce premier fonds dont il ne subsiste que le rubis dit la Côte-de-Bretagne fut considérablement augmenté par la suite, particulièrement par Louis XIV. Les pierres furent parfois mises en gage mais furent toujours récupérées. Le trésor fut amoindri par le célèbre vol qui eut lieu, dans la semaine du 11 au 17 septembre 1792, à l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne, à Paris, où il était conservé. Mais il fut de nouveau augmenté sous Napoléon, de telle sorte qu’il comprenait, en 1814, 65.072 pierres et perles, la plupart montées en bijoux, soit 57.771 diamants, 5.630 perles et 1.671 pierres de couleur (424 rubis, 66 saphirs, 272 émeraudes, 235 améthystes, 547 turquoises, 24 camées, 14 opales, 89 topazes).

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    Diadème de la Duchesse d'Angoulême

    Christophe-Frédéric Bapst et Jacques-Evrard Bapst
    40 émeraudes; 1031 diamants; or et argent doré 

     

    Mis à l’abri pendant la guerre de 1870, les Diamants de la Couronne furent exposés avec succès à Paris en 1878, à l’occasion de l’Exposition universelle, puis en 1884, au Louvre, dans la Salle des États, Mais déjà ils étaient menacés, non par appât du gain mais par haine de la monarchie. La République, encore fragile, voulut priver à jamais les Prétendants de la possibilité d’utiliser les Diamants de la Couronne. L’adversaire le plus efficace de ces derniers fut le fils de Raspail, le député Benjamin Raspail. Il déposa à la Chambre en 1878 une motion demandant la vente, qui fut approuvée, en juin 1882 seulement, par 342 voix contre 85. La même année 1882, fut nommée une commission d’experts chargés de préparer la vente; elle proposa - et obtint, heureusement... - d’épargner quelques pierres et perles qui furent attribuées au Louvre (le Régent, la Côte-de-Bretagne), au Muséum d’histoire naturelle et à l’École des Mines.

    Après des discussions au Sénat, la Loi d’aliénation, adoptée en décembre 1886, fut publiée au Journal officiel le 11 janvier 1887, étant signée par Jules Grévy, président de la République, et par Sadi Carnot, ministre des Finances :

    "Les diamants, pierreries et joyaux faisant partie de la collection dite des Diamants de la Couronne (…) seront vendus aux enchères publiques. Le produit de cette vente sera converti en rentes sur l’État".

    À ce moment, la collection, riche de 77.486 pierres et perles, comprenait deux groupes de bijoux : le premier, le plus ancien, datant de la Restauration et le second exécuté sous le Second Empire, les Diamants de la Couronne n’ayant pas été utilisés sous la Monarchie de Juillet. Au cours de la Restauration, Louis XVIII fit remonter pour ses nièces, la duchesse d’Angoulême et la duchesse de Berry, les parures exécutées pour Marie-Louise : ainsi la vente de 1887 comprenait-elle la parure de rubis et diamants, la parure de saphirs et diamants, la parure de turquoises et diamants et le diadème en émeraudes et diamants exécutés pour ces princesses, qui avaient servi aussi à l’impératrice Eugénie. Quant aux bijoux exécutés sous le Second Empire, ils débordaient d’opulence et d’imagination. C’est en particulier à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855 que Napoléon III fit faire par les plus grands joailliers parisiens des joyaux magnifiques : une couronne pour lui, dont la monture fut brisée et fondue au moment de la vente, une couronne pour l’Impératrice, des bijoux fastueux pour celle-ci, notamment un nœud de ceinture en diamants se terminant par deux glands et une parure de feuilles de groseillier en diamants, comprenant une guirlande servant de collier, un tour de corsage et un devant de corsage. D’autres œuvres admirables furent créées dans les années suivantes, tels le Peigne à pampilles en diamants (1856), le Diadème russe (1864), le Diadème grec (1867). On aurait pu tout avoir encore…

  • Libérer la France, par Hilaire de Crémiers*

    HOLLANDE NAJAT.jpgIl n’est pas de jour où des Français, des groupes de Français, ne protestent contre le carcan qui les étouffe et que le régime ne cesse de resserrer sur eux, tout en affirmant, comme pour se gausser, qu’il le fait au nom de la Liberté, de l’Egalité et, pourquoi pas, de la Fraternité.

    Pourquoi les Français n’osent-ils pas voir les raisons de leur malheur ? Les institutions, telles qu’elles fonctionnent, ne correspondent plus aux nécessités du siècle. C’est le cœur du problème politique français. Qui ne le comprend ? Du sommet de l’État jusqu’à la plus petite autorité investie de la puissance publique, il faudrait, dans cette période difficile, à l’encontre de ce qui se passe aujourd’hui, des personnes qui aient d’abord et fondamentalement le sens du bien commun et que rien ne puisse, d’une manière ordinaire, les en détourner. Voilà où va sans aucun doute le vœu politique du peuple français, le vrai, celui qui travaille, qui souffre et qui aime : il devine que ce serait là le salut de la France, mais il n’a pas la capacité d’imaginer ni encore moins d’exprimer un tel souhait.

    Quelle que soit la violence de la crise, le peuple intuitivement sait qu’en un tel cas il serait rassuré et qu’il se mettrait au travail avec goût. Le fait que l’État, et tout ce qui en relève, se simplifierait par l’évidente vertu d’une décision majeure qui l’arracherait aux luttes des partis et aux idéologies, entraînerait la France dans une voie de redressement général dont chacun sent un urgent besoin ; les responsabilités seraient conférées non plus en raison de choix idéologiques et partisans, mais en fonction de l’intérêt national et du bien public. Impossible, dit-on. Dans le cadre des institutions actuelles, oui, bien sûr. Mais personne ne sait dans quel état ces institutions se trouveront demain si la dégradation de la situation continue.

     

    Une société de folie

    Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles et ils commencent à comprendre que tout est fait depuis déjà longtemps pour les empêcher de penser, surtout en matière politique. Une « Liberté » aussi théorique que mortelle est brandie comme une arme par une bande de malfaiteurs publics qui vivent du système, pour tuer toutes les libertés ; ils sont là à leur affaire et ils y déploient tout leur art : des tyrans qui se déguisent en anges de la Liberté ! Cette duperie pourra-t-elle fonctionner encore longtemps ? Tous les 1793 de l’histoire s’achèvent en anarchie qui appelle inéluctablement un retour à l’ordre. Mais les voici nos maîtres : leur visée totalitaire est absolue et dans tous les domaines, y compris familial, éducatif et religieux. Ces gens sans vergogne dictent leur loi au nom d’un Bien qu’ils définissent eux-mêmes. Tout y passe et les romans d’anticipation les plus tragico-comiques du xxe siècle ont décrit d’avance cette société de fous que ces esprits, dont la superbe égale la fausseté, prétendent nous imposer, à nous, en France, en revendiquant une modernité qui n’a rien de moderne, sauf son mauvais goût et son inhumanité. Le Château de Kafka, 1984 d’Orwell, Le meilleur des mondes de Huxley figurent encore mieux ce qui va être, ce qui est déjà l’horreur de notre petit univers français, pire au fond que celle qui menace les autres mondes anglo-saxons ou germaniques. Dans son Avenir de l’Intelligence, Charles Maurras l’avait pronostiqué, lui aussi, dès 1900 : une société de fer où l’argent serait roi et où toute liberté, surtout celle de l’esprit, serait supprimée.

    C’est que chez nous la pression idéologique est encore plus forte ; il s’agit dans le projet de ceux qui ont réussi à prendre le pouvoir – car, en France, le pouvoir n’est plus qu’un enjeu – de faire plier la société française dans ce qu’elle a de propre : sa civilisation, ses traditions, sa politesse, sa finesse d’organisation, son aptitude prodigieuse à appréhender et à faire le bien. Tel est le pari qu’ont fait ces destructeurs dont la plupart sont, d’ailleurs, des profiteurs de cette France qu’ils exècrent. Ce qu’ils veulent, c’est que leurs normes brutales dont les desseins barbares se couvrent de grands mots, régentent désormais ces familles françaises irréductibles que l’État républicain n’a pas encore réussi à pulvériser. Toujours trop nombreuses, et toujours reviviscentes, voilà le reproche qu’ils leur adressent continûment. Aujourd’hui ils se croient les maîtres, ils pensent qu’ils ont triomphé de la France devenue leur esclave ; ils sont donc satisfaits.

    Voir de pauvres gosses errer sans vraie parenté, des filles livrées, des garçons abandonnés, des familles spoliées, des patrimoines pillés, des maisons volées, des commerçants agressés, des suicides à la chaîne, des patrons à bout de difficultés, des ouvriers sans travail, ça doit probablement faire leur joie ! Ils sont contents d’eux. Il suffit de les écouter. Et c’est à eux que reviennent les ministères, les voitures, les chauffeurs et surtout le pouvoir, objet de toutes leurs convoitises et de toutes leurs disputes. Il vient des envies de justice et de justicier.

     

    Des clans et des partis

    Toutes les institutions ont été gangrenées par leur esprit de parti. C’est que leurs appareils s’en sont emparés ; ils vivent dessus, pas seulement financièrement, mais aussi médiatiquement, politiquement, même philosophiquement, car ils ont l’outrecuidance de légaliser par le biais des institutions leur misérable philosophie pour l’établir comme norme universelle. Comme dans 1984 ils réécrivent  l’histoire, ils fixent le bien et le mal, ils déterminent le vrai et le faux. Ils mettent toutes les forces sociales au service de leurs lois et de leurs décrets. Ils rendent ensuite l’administration complice et, pour plus de sûreté, ils la doublent de commissions, de comités, de hauts conseils, un appareillage supplémentaire où la gabegie n’entretient que la perversité.

     

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    Fonctionnaires hauts et petits, élus sincèrement attachés à leur tâche, braves gens embringués dans des marchés de dupes, militaires de tous grades, tous ont eu cent fois l’occasion de s’en rendre compte : il y a derrière les organigrammes une machinerie et elle ne fonctionne que dans un seul sens, toujours le même. Cette constatation, chacun peut la faire. Elle ne relève pas de la théorie du complot. C’est comme ça et de plus en plus comme ça.

    Des comités d’éthique aux commissions spécialisées, des rapports d’experts aux innombrables décisions prises subrepticement et tout à coup imposées sans ménagement, c’est toujours les mêmes trucs indéfiniment resservis pour balayer l’objection et amener la solution, leur solution, prévue d’avance. On croit travailler pour la France, on travaille pour des coteries qui manipulent les partis et qui s’installent dans les lieux de pouvoir. Comment ne pas être écœuré ? Même en politique extérieure le risque est de voir les engagements de la France servir à d’autres buts que le souci réel des populations, alors que la France a un rôle évident à jouer en Afrique. Mais que peuvent penser des politiciens qui n’ont jamais réfléchi à ces questions ?

     

    Protestation du chef de la Maison de France

    comte de paris.jpgLà où le régime se révèle tel qu’il est, c’est dans ses procédés, d’abord pour insinuer, puis peu à peu pour imposer ses objectifs. Ainsi le rapport des 250 experts (!) sur l’intégration commandé par Ayrault, mis en ligne sur le site Internet de Matignon et qui a défrayé la chronique, n’est en fait rien d’autre que le plan prévu. C’est pourquoi il ne suffit pas de simplement s’en offusquer. Il n’y a pas à s’y tromper : ce qui est visé, c’est la destruction programmée de la France. Mgr le comte de Paris l’a écrit en termes forts dans une tribune du Figaro du 18 décembre. Au nom de la France, de son histoire, de son avenir, que, chef de la Maison de France, il est plus que personne qualifié pour représenter, il proteste hautement contre cette manière de prétendre « faire France » pour détruire la France. L’héritier de nos rois a parlé : il a tout dit.

    Il est affreux de savoir qu’il est des gens qui sont payés par l’État dans ce seul but de démolir notre pays. Les clans qui occupent le pouvoir ne pensent qu’à « ça », en tous domaines ! La colère de Hollande, feinte ou réelle, ne tient qu’au fait que ce dévoilement a eu lieu trop tôt, et trop ouvertement, alors qu’il veut faire passer auparavant d’autres lois sociétales. Question de tactique, non de stratégie. Il n’est pas difficile de prévoir que les protestations, pour légitimes qu’elles soient, ne serviront à rien. Ils veulent aller jusqu’au bout de leur programme. Il n’est pas de lois qui soient en train d’être votées, que ce soit sur les retraites, sur la formation, sur l’organisation professionnelle, qui ne soient dirigées en réalité contre les familles, les entrepreneurs, la France réelle et vivante, et ce seront toujours les mêmes qui paieront. Ainsi de tout. Ainsi surtout des lois sur la famille, sur la bioéthique et l’euthanasie. Des experts, des « panels » – ça fait bien – 18 quidams en l’occurrence, dont nul ne sait comment ils sont désignés, préparent les voies. Demain on tuera légalement et sans doute joyeusement, en toute impunité. Comment s’étonner que les faits divers les plus affreux abondent en ces jours sinistres ? L’heure est venue de la résistance. Hollande ne veut pas que ce mot soit employé. Évidemment : les familles ont beau manifester, toute une jeunesse française se lever, le régime les ignore et les méprise.

    Le régime ne fonctionne que pour lui-même, comme dans les pays en décomposition : c’est cette vérité qu’il faut comprendre. Les élections municipales et européennes agitent le marigot politique. Elles auront valeur de signe et encore ! La gauche tient si bien ce qu’elle a réussi à prendre dans les territoires qu’il y aura des surprises, mais peut-être pas dans le sens prévu. La fixation obsessionnelle sur le Front national est une habile méthode pour détourner l’attention.

    Tant que ce régime fonctionnera, tel qu’il fonctionne, il sera impossible d’avoir une juste représentation de la France, des Français, de leurs intérêts réels. C’est navrant, car, aujourd’hui, tout serait possible. Il est dans l’air du temps de nouvelles appréhensions de la réalité. La notion d’ « écologie humaine », qu’une nouvelle génération veut promouvoir, indique la voie d’une libération possible ; elle ne peut que déboucher sur une politique naturelle. Le système qui enserre la France relève de vieilleries idéologiques qui ne sont plus adaptées aux nécessités ni même aux volontés du moment. C’est vers ce renouveau que l’étoile doit nous guider.

    * Analyse politique parue dans le numéro de janvier de Politique magazine.

  • La Lorraine et le Nationalisme Français, par Jean-Marie Cuny*

    barres-jeune.jpgDe même qu'il y a un apport provençal évident au royalisme, une modalité provençale particulière de concevoir et de vivre le royalisme, de même Jean-Marie Cuny a raison de mettre en avant l'apport singulier de la Lorraine au Nationalisme français. Il le fait en s'appuyant, entre autres, sur les trois grandes figures que furent Jeanne d'Arc, Maurice Barrès et Raymond Poincaré.

    Si l'on pense évidemment à Maurras et à L'Action française quotidienne, "Organe du nationalisme intégral", quand on parle de nationalisme, on aurait tort, en effet, d'oublier les leçons et l'apport spécifique de Maurice Barrès à ce même nationalisme; lui que Maurras, à son grand regret, ne réussit pas à attirer dans le mouvement royaliste naissant, comme il réussit, par exemple, à séduire Jules Lemaître et, surtout, Léon Daudet. Et cela malgré une réelle amitié, personnelle et d'esprit, jamais démentie... 

    En guise d'entrée en matière, ce très court et très fort passage de Maurice Barrès - tiré de Scènes et doctrines, page 121 - avant de lire la réflexion de Jean-Marie Cuny :


    "Nous nous recommandons de la France éternelle; nous sommes des Français qui avons été formés à travers les siècles. Tout ce que nous sommes naît des conditions historiques et géographiques de notre pays. Nous avons été... médités à travers les siècles par nos parents, et il faut pour que nous nous développions, pour que nous trouvions le bonheur, que les choses ne soient pas essentiellement différentes de ce qu'elles étaient quand nos ancêtres nous "méditaient". J'ai besoin qu'on garde à mon arbre la culture qui lui permit de me porter si haut, moi faible petite feuille. Nous voulons d'une politique qui tienne compte des traditions nationales et qui protège tout ce qu'elles ont encore de vivant au milieu des modifications que le temps apporte chez des êtres vivants, chez des êtres en perpétuelle transformation; il faut que la France demeure liée de génération en génération, il faut qu'elle demeure dans son essence, pour que nous, individus, nous trouvions le bonheur (car que ferai-je en Chine ou en Angleterre, moi Lorrain ?) et aussi pour que la nation trouve le bonheur. Et je ne puis guère plus me passer du bonheur national que de mon bonheur propre, car je porterai mal la tête à travers le monde si je suis d'une France humiliée..."

    (Illustration : Barrès jeune, par Jacques-Emile Blanche)

    Tardivement intégrée dans le giron français, la Lorraine devait pourtant devenir, sous la Troisième République le fer de lance du Nationalisme.

     

    A l'occasion du 120ème anniversaire de la polémique et du 150ème de la naissance de Maurice Barrès à Charmes, rappelons ici l'origine de ce thème toujours contesté.

     

    Un article retentissant de Maurice Barrès publié dans le Figaro du 4 juillet 1892, intitulé : « La querelle des Nationalistes et des Cosmopolites », introduisait le terme de NATIONALISTE dans le vocabulaire politique français. En outre, ce texte du Figaro marquait le début d'une série de prés de 400 articles sur ce même sujet. Les propos, lettres ouvertes, réflexions diverses devaient aboutir à la définition et à l'affermissement de la doctrine politique de Maurice Barrès.

     

    On trouve dans l'ouvrage Scènes et Doctrines du Nationalisme (Juven, Paris, 1902) l'essentiel des dix années d'études et de controverses nationalistes qui ont eu lieu à partir de la parution de l'article déclencheur de la polémique du 4 juillet 1892. Dans le chapitre intitulé : « Programme de Nancy de 1898 », Barrès publie de larges extraits de son texte sur la querelle des Nationalistes et des cosmopolites où pour la première fois le mot nationalisme est appliqué aux affaires politiques de France.

     

    Si le nationalisme de Barrès est fondé sur la réflexion, on sait que le nationalisme dans sa forme excessive date de la Révolution Française. La Royauté étant abolie et le culte Catholique interdit, il fallait trouver une référence suprême à l'entreprise révolutionnaire. C'est pourquoi on a alors prôné, imposé et exalté l'attachement à la nation (La Nation ou la mort !). Pour parfaire cette idée de nation, la Révolution s'est acharnée à détruire les identités provinciales en créant notamment les départements. Il fallait gommer absolument l'attachement à sa petite patrie, à la royauté, et à la religion pour se donner au culte de La Nation, seul autorisé.

     

    Il semble que le mot nationalisme se trouve imprimé pour la première fois en 1797 dans l'ouvrage de l'abbé Barruel : Le Nationalisme ou l'amour national. Mémoire pour servir à l'Histoire du Jacobinisme.

     

    Le nationalisme de Barrès, comme d'ailleurs celui de Maurras, Drumont, Déroulède, n'a évidemment rien de commun avec l'idéologie exacerbée des révolutionnaires ou celle plus récente du National-socialisme hitlérien.

     

    Le Nationalisme à la Française en tant que doctrine politique a donc tout juste cent-vingt ans. Selon la définition la plus courte de Maurice Barrès : « Le Nationalisme, c'est résoudre chaque question par rapport à la France » ; c'est la notion de patrie et de l'amour des petites patries qui forme la grande. A ce sujet, le maréchal Lyautey déclarait avec Barrès : « Le Nationalisme Lorrain est inséparable du Nationalisme Français. » Jacques Bainville, qui a lui aussi des origines familiales en Lorraine, justifiait cette doctrine politique en écrivant dans son journal : « Le Nationalisme est une attitude de défense, rendue nécessaire par la faiblesse de l'État Français ».

     

    La Patrie, nous dit Maurice Barrès, c'est d'abord le pays des ancêtres. C'est l'attachement à la terre et aux morts. C'est l'enracinement, la fidélité à la Tradition et le culte agissant de l'âme ancestrale servant de base à l'énergie nationale. Bien que fondé sur un enracinement profond en Lorraine, les écrits nationalistes de Barrès ont sur cette base une vocation universelle. Son régionalisme Lorrain est l'aliment de son nationalisme français. « Les individus composant une nation ne doivent pas être des citoyens du monde sans identité » Ce propos va évidemment à l'encontre des idées mondialistes que l'on tente de nous imposer aujourd'hui.

     

    « Face aux barbares, vous devez constater que vous êtes fait pour sentir en Lorrains, en Alsaciens, en Bretons, en Belges... » Nous dit l'auteur des romans de l'énergie nationale dans « Un Homme Libre ». « L'individu me semble être lié à toutes ses ascendances mortes par le travail des individus et des sacrifiés qui l'ont précédé » Et Barrès proposait aux groupes nationalistes de venir en Lorraine considérer sur le terrain l'expression des sentiments qui l'animaient et les fondements de sa doctrine politique. « Notre patriotisme est avant tout réaliste. Je suis de tradition lorraine dans tous mes instincts ; c'est, en outre, la discipline que ma raison accepte ».

     

    Dans l'ouvrage Scènes et Doctrine du Nationalisme Barrès rappelle le rôle de la Lorraine à toutes les époques : « Une des plus grandes dates de l'histoire lorraine, c'est l'année 1525 où le duc Antoine arrêta net l'avancée des Rustauds au col de Saverne. Si ces bandes protestantes avaient triomphé, les destinées de la Lorraine ne se seraient-elles point orientées vers l'Allemagne ? Cette victoire du duc Antoine suscita l'enthousiasme de ses sujets Lorrains, car ils croyaient à l'existence même de leur nationalité intéressée dans cette lutte ». Rappelons ici que le sentiment national des Lorrains s'est développé fortement suite à la victoire du jeune duc René II sur Charles le Téméraire en 1477. A peine un demi-siècle avant, Jeanne d'Arc, jeune fille des marches lorraines, devait jouer le rôle que l'on sait dans l'histoire de la Patrie Française.

     

    Au moment des guerres de religion, la fermeté du duc Charles III empêcha les troubles sanglants et les déchirements que l'on observait en France ou dans l'Empire. C'est en Lorraine que fut fondée la Ligue par les princes de Guise pour combattre l'ampleur de la Révolution protestante.

     

    Au XVIIème siècle, il faut souligner l'importance de l'action du duc Charles V pour la chrétienté. En effet, le duc de Lorraine est le glorieux vainqueur au siège de Buda, à la bataille du Saint-Gothard et surtout devant Vienne où sa victoire arrêta l'avance ottomane en Europe. On sait d'autre part que de tous temps, le duché de Lorraine a servi d'Etat tampon entre le royaume des lys et le Saint-Empire Romain germanique.

     

    La défaite de 1870 devait marquer douloureusement la France et évidemment encore plus profondément la Lorraine dont une partie du territoire se trouvait amputée et annexée avec l'Alsace au Reich allemand. Dès 1871, on attendra « la revanche », la guerre de libération des territoires perdus. Les Lorrains ne voulaient voir dans cette nouvelle frontière qu'une ligne de séparation provisoire.

     

    Tandis que Metz était sous la botte prussienne, Nancy multipliait les manifestations patriotiques et militaires. Dans le sanctuaire des Lorrains, sur la colline mariale de Sion, au cours de cérémonies émouvantes, Maurice Barrès, plaça sur l'autel une croix de Lorraine brisée portant l'inscription en patois : « Ce n'ame po tojo ! » (Ce n'est pas pour toujours).

     

    Sous cette troisième république proclamée pendant la guerre de 1870, les passions politiques s'exerçaient avec ardeur, d'autant plus que les factions étaient nombreuses. En Lorraine pourtant, l'évolution politique n'avait pas suivi celle de la majorité de la France. D'ailleurs, aucun socialiste ne fut élu député avant la guerre de 1914. La Lorraine constituait alors un bastion où bouillonnaient les sentiments nationalistes.

     

    En 1913, c'est un Lorrain, Raymond Poincaré, fervent patriote qui est élu président de la République (1). C'est à cette époque que Charles Maurras se plaisait à évoquer ceux qu'il nommait « Les Princes Lorrains » ; c'est-a-dire : Barrès, Poincaré, Lyautey. Le fondateur de l'Action Française déclarait alors : « On se sent gouverné, au temporel comme au spirituel par une équipe lorraine. Comme en d'autres temps, où les Guise influaient sur la politique de leur époque ». Parlant de l'Action Française, Barrès de son coté se déclarait heureux qu'un groupe organisé se donnât la tâche de formuler les principes nationalistes. Toutefois, les différences sont sensibles. Le nationalisme de Barrès est plus personnel et sentimental que celui, plus raisonné de Maurras ; plus modéré que celui de Drumont et plus perspicace que celui de Déroulède.

     

  • La Syrie et la France (I/III), par Champsaur

    (Champsaur se livre ici à une analyse fouillée de ce que l'on peut appeler "l'affaire Syrienne", et prend le recul necéssaire pour en cerner les tenants et les aboutissants; vu la densité du sujet, il sera présenté en trois parties, aujourd'hui, demain et mercredi)

    Le 15 Mars 2011, la petite ville de Deraa au sud de la Syrie à la frontière jordanienne, à 100 kms de Damas, fut le théâtre d’émeutes limitées. Les forces de l’ordre ouvrirent le feu, et ce fut le début d’un engrenage conduisant à la situation d’aujourd’hui. Les observateurs français impartiaux, extérieurs à cette tourmente sont envahis d’un profond malaise devant, d’une part les options choisies par les gouvernements français successifs depuis dix-huit mois face à des évènements dramatiques qui sont en train de saccager la Syrie et de déstabiliser le Levant, et d’autre part ce que les médias du Système imposent en France avec toute leur puissance, rendant le dossier incompréhensible.

    Une telle indigence incite à revenir à l’histoire de la place de la France qui a beaucoup sacrifié, ainsi qu’à l’examen de la désormais classique utilisation des moyens de télécommunication dits « multi media » comme arme de guerre. 

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    La légende étant peu lisible, voici les couleurs indiquant chaque religion, et son importance démographique :

    Vert clair : Sunnites (69,5%); Turquoise : Alaouites (12,8%); Vert foncé : Chiites (3,5%); Rose ; Druzes (3,2%); Violet : Chrétiens (9,3%); Bleu : Alevis et Orange : Yeddis...

    Un peu d’histoire du milieu du 19ème siècle au printemps 2011

    A la conférence de Londres en 1840, le terrible Lord Palmerston parvint à contenir la France en Egypte. Cependant un aspect intéressant du traité de Londres de 1840, était la reconnaissance de la Palestine comme partie intégrante de la Syrie. Sous l’œil attentif des Britanniques, les Français continuèrent toutefois à œuvrer en Egypte, lui donnant une place importante sur l’échiquier mondial avec l’inauguration du canal de Suez en 1869, De Lesseps ayant réalisé ce que Londres hésitait à lancer. Mais à partir de 1870 la politique de la France dans cette région manqua dramatiquement de netteté. En Juin 1882, massacre de chrétiens à Alexandrie. Pressée par l’Angleterre d’intervenir à ses côtés, la France (Freycinet) ballotée dans des majorités instables, refusa de bombarder Alexandrie et de débarquer aux côtés des Anglais. C’était abandonner la prééminence politique, économique et culturelle acquise en Egypte.

    Restait alors la Syrie dans le rêve de Paris d’être présent au Moyen Orient, territoire stratégique dans l’empire ottoman. Or au congrès de Berlin de 1878, l’Angleterre (Lord Salisbury) admit que la Syrie toute entière était dans la sphère d’intérêt de la France, la contrepartie étant que Paris reconnaisse la convention passée entre la Turquie et l’Angleterre à propos de Chypre.

    Comment la France a été écartée de la Palestine après la Grande Guerre sort du cadre de ce papier.

    Depuis 1870, les œuvres catholiques françaises s’étaient beaucoup développées dans tout le Proche Orient, représentant autour de 70 % des œuvres étrangères (contre 10% pour les Britanniques).

    La prééminence économique et culturelle de la France en Syrie du Nord et en Syrie du sud, était si importante qu’en 1912, le ministre des Affaires Etrangères, Poincaré, avait obtenu que l’Angleterre reconnût notre position. Plusieurs télégrammes entre notre ambassadeur à Londres (Paul Cambon), et le Foreign Office, confirmaient que l’Angleterre se désintéressait de la Syrie … jusqu’à l’intervention de Sir Mark Sykes, grand connaisseur de l’Orient, et surtout perspicace observateur de l’évolution des Ottomans. Et il commença à prétendre que les intérêts français en Syrie gênaient l’intégrité de l’Empire ottoman.

    Par ailleurs l’aveuglement anticlérical qui habitait, les sectaires des années 1870 en France, les fit considérer la mission de la France de protection des lieux saints et des chemins de la Bible, tant en Palestine, qu’en Syrie, comme une inacceptable interférence de l’Eglise dans la politique étrangère. Ce dogmatisme fut à l’origine de beaucoup de nos échecs. Rarement mentionné, sauf par Maurras, ce fut un véritable boulet pour nos diplomates et nos militaires. Le protectorat catholique de la France commençait à être affaibli à la veille de la Grande Guerre, en particulier le rêve syrien.

     

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    Louis IX s'embarque pour la Septième Croisade... Charte de Louis IX aux Maronites.pdf

     

     

    Dès Novembre 1914, et par des accords en Mars/Avril 1915, la Mésopotamie était réservée à l’Angleterre, la Syrie et la Cilicie à la France, dans le schéma d’un démantèlement de l’empire ottoman. Mais le séoudien Cherif Hussein, gardien de la Mecque et seigneur du Hedjaz ne l’entendait pas de cette oreille, et exigeait de connaître des tracés de frontières bien établis, en particulier la délimitation de la Syrie qu’il revendiquait comme territoire arabe. Notre ambassadeur Paul Cambon, proposa François Georges-Picot pour négocier avec le britannique Sykes, et formaliser un accord. Une difficulté vint de Hussein qui considérait la Syrie pays arabe entrant dans la zone qu’il souhaitait se créer comme future Arabie. Les négociations furent complexes, la Russie du Tsar était concernée, et les accords furent signés dans la plus grande confidentialité. Mais en 1917, Trotsky découvrant le document dans les archives le publia. Ce qui valut une réaction très vive de l’Américain Woodrow Wilson au nom «du droit des peuples à disposer d’eux mêmes». Et les accords Sykes – Picot ne furent jamais appliqués dans leur détail, en particulier parce qu’en même temps que les Britanniques se livraient à ces spéculations, ils promettaient au Congrès juif mondial (Lord Rothschild et Theodore Herzl), un foyer national juif en Palestine (déclaration Balfour, 1917). Ils ont toujours prétendu qu’il ne fut jamais question de créer un état juif (ce que le texte alambiqué de la déclaration pouvait confirmer), mais simplement d’une sorte de zone refuge. On sait ce qu’il en advint dès 1945 …

    Dans un tel bouillonnement, les Français se trouvèrent assez vite confrontés à divers nationalismes en Syrie, dont le Congrès National Syrien, qui proclama une Syrie indépendante, le 7 Mars 1920. Cependant les accords Syke – Picot désormais publics furent confirmés à la conférence de San Remo (Avril 1920), et les territoires Liban et Syrie, placés sous mandats français, qui dura ainsi de 1920 à 1943. Ils découvrirent aussi la constellation de minorités religieuses, ce qui commença à faire parler de « l’Orient compliqué » : sunnites (majoritaires), kurdes, alaouites, chrétiens (très nombreuses obédiences), druzes, chiites, ismaéliens.

    Quelques dates importantes :

    -  19 Avril 1923 : Général Weygand, Haut Commissaire;

    -  Juillet 1925 : Révolte des Druzes;

    -  9 Mai 1926 : Bombardement français sur Damas;

    -  1930 : La France instaure une constitution

    - 12 Mai 1930 République de Syrie;

    Cet embryon de République syrienne avait commencé à se faire reconnaître par le gouvernement du Front Populaire. Les premiers pourparlers entre Français et Syriens en vue de la rédaction d’un traité d’indépendance avaient débuté en septembre 1936. Le conflit interrompit le processus.

    En 1940, la Syrie était très logiquement sous administration de Vichy (Général Dentz, Haut Commissaire du Levant) mais les Britanniques le chassèrent, en plaçant des troupes françaises face à face, gaullistes contre les troupes de Dentz, cruelle situation de bien triste mémoire ... Le Général Catroux lui succéda au nom de la France Libre, reconnut l’indépendance la Syrie (Juin 1941, de facto fin du mandat, mais dans les faits, l’administration française demeura, et surtout les Britanniques restèrent sur le territoire). Les quatre années de 1940 à 1944 furent catastrophiques pour l’autorité de la France au Levant, pour des raisons évidentes qu’il n’est pas utile de développer. En 1946, indépendance, les Français se retirèrent du Liban et de la Syrie, qui devint peu après membre des Nations Unies.

    A partir de cette date, les Etats Unis s’installèrent dans les affaires du Levant, tant pour contrer l’influence soviétique grandissante, que pour assurer la viabilité du jeune état d’Israël. Et ce fut en Syrie une succession de coups d’état.

    Le 1er février 1958, l'Égypte et la Syrie s’unirent, créant la République arabe unie, ce qui entraîna, de facto, l’interdiction des partis politiques syriens.

    Mais l’union cessa rapidement d’exister. Par le coup d’État du 28 septembre 1961, la Syrie fit sécession, et rétablit la République arabe syrienne.

     

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    De 1958 à 1961, l'éphémère République Arabe Unie...

     

     

    S’en suivirent d’autres coups d’état jusqu’à la guerre des six jours, perdue par les Égyptiens et les Syriens, affaiblissant du même coup le gouvernement de Salah Jedid (le président en exercice). Le 13 novembre 1970, le ministre de la Défense Hafez el-Assad fit un coup d’État. Déposant Salah Jedid, il devint grâce à sa «révolution corrective» le nouveau premier ministre, et l’homme fort de la Syrie.

    La France se trouva alors face à ce personnage, au plus près, dès le déclenchement de l’atroce guerre du Liban, en 1975, qui fit jusqu’en 1990 pas moins de 150.000 morts, la plupart civiles.

    Et à partir de ces dates, force est de constater que les relations entre la France et le clan Al-Assad ont suivi une sinusoïde impossible à décoder, tant les positions sont passées d’un extrême à l’autre en des temps très courts, sans la moindre logique ni ligne directrice, rendant la diplomatie française au Levant à peu près illisible. Tout se passe comme si notre pays s’était mis à obéir alors à des directives extérieures …

    On notera ainsi la guerre des Services Secrets entre la France et la Syrie pendant les années 1981 :

    Septembre 1981, assassinat à Beyrouth de notre ambassadeur Louis Delamare;

    Avril 1982, assassinat du secrétaire radio du SDECE à Beyrouth, et de son épouse enceinte;

    Octobre 1983, attentats du Drakkar à Beyrouth (ultérieurement imputé à l’Iran mais pas de certitude à ce jour);

    Février 1988, assassinats à Beyrouth de l’officier de la DGSE Maranzzana;

     

    Écheveau difficile à démêler, la Syrie ayant toujours considéré le Liban comme une extension de son propre territoire.

    Mais à l’hiver 1990 la Syrie se joint à la coalition internationale qui intervient contre l’Irak pour le forcer à quitter le Koweit. Le pays est ainsi redevenu fréquentable pour Paris.

    En Novembre 1999, Jacques Chirac reçoit à l’Elysée, le jeune chef d’Etat Bachar al-Assad.

    L’année suivante il surprend la communauté internationale en étant le seul chef d’état présent aux obsèques d’Hafez Al-Assad (Juin 2000).

    Dans le même temps il commence à parler du retrait des troupes syriennes du Liban, en décorant à Beyrouth le libanais Rafic Hariri, Grand Croix de la Légion d’Honneur (Avril 1996). Détail peu relevé à l’époque, sauf par les Syriens …

    En marge du 60ème anniversaire du débarquement en Normandie, Jacques Chirac lance, avec George W. Bush, l’initiative diplomatique qui débouche sur la résolution 1559 des Nations unies dirigée contre la Syrie. Adopté le 2 septembre 2004, le texte exige le retrait des 15 000 soldats syriens du Liban et la fin de l'ingérence de Damas dans ce pays. Un tournant dans la diplomatie française. S’en suivent cinq années de gel des relations, jusqu’à la réintégration du pays dans les amis fréquentables de la France, à l’occasion de l’Union pour la Méditerranée (Juillet 2008). Bachar est l’invité de marque de Sarkozy, hôte officiel à la fête nationale française le 14 Juillet 2008. Et donc nouveau revirement, autorisant le grand connaisseur du Levant, Richard Labévière à écrire «Le chemin retrouvé de Damas», dans la revue Défense de l’IHEDN (Juillet 2008). Il rappelle que la manœuvre de Paris pour le vote de la résolution 1559, fut considérée comme un incompréhensible camouflet, sans voir (ou feignant d’ignorer) les intérêts personnels de Chirac avec le libanais Rafic Hariri.

    A la lumière de ce rapide survol faut-il préciser que la France n’est pas sans une masse d’archives plus que centenaires, tant diplomatiques que militaires. Les Britanniques savent utiliser leur Histoire et en sont fiers. Chez nous les déclarations brutales du Ministre Juppé, sommaires, réductrices et caricaturales ignorent superbement ce que fut la présence française au Levant, la fascination qu’ont les levantins pour Paris, et la défiance que nous avons générée puis entretenue depuis le début de la première émeute.

    Champsaur (à suivre)

    Prochain sujet traité à l'international : l'Iran.

  • Besoin d'État national, l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers

    Le volontarisme ne suffit plus. Il n’est pas possible de continuer dans le système actuel. La réalité s’imposera. Pourvu que ce ne soit pas trop tragique.

     

            Le Président de la République se veut un chef d’Etat. Soit. Cependant l’Etat qu’il dirige a un nom : il s’agit de la France. La France est une vieille nation dont l’Etat a une longue histoire. Cette histoire porte des leçons : les Français gavés d’idéologie républicaine ne les remarquent même pas. L’Etat français n’a bien dirigé leur pays que dans la stabilité, la permanence, l’indépendance, le détachement de tout esprit partisan.

     

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    A Saint Nazaire : vouloir croire...

            Les institutions et les pratiques actuelles de la Ve République sont dorénavant au plus loin de pareilles exigences. Les effets en sont aujourd’hui catastrophiques. Nicolas Sarkozy est accusé de concentrer tous les pouvoirs dans ses seules mains ; l’accusation, essentiellement journalistique et politicienne, est dérisoire. La concentration n’est que verbale. Il parle de tout à propos de tout, mais l’efficacité de sa parole n’a rien à voir avec une parole créatrice ou recréatrice.

            Le caractère et la formation de l’homme – avocat et homme de parti, façonné essentiellement à la lutte pour le pouvoir – le porte sans doute à cette culture du discours. De toutes façons, la République n’a jamais été, de ses origines à nos jours, – à quelques exceptions près et, d’ailleurs, notables –, qu’un gouvernement d’avocats, de rhéteurs de tous acabits, de fonctionnaires, grands ou petits, rompus à l’impérieux : il n’y a qu’à, faut qu’on, bref de manieurs de mots qui ne discutaient et ne discutent que sur et qu’avec des phrases dont l’unique utilité est de gagner l’opinion.

            Ces évidences n’ont que le tort d’être trop évidentes pour êtres perçues ; et, du coup, tous ne voient que le système, son effroyable, pesante et obsédante réalité. Il n’y a d’imaginable que de lutter dans ce cadre ou que d’y mener l’assaut pour s’en emparer. Avec l’excellent prétexte de l’améliorer, voire de le transformer, de le faire fonctionner pour le bien.

            Guerre de mots ! Rien ne sera transformé, jamais rien. Sarkozy, lui- même, qui s’y est employé avec une énergie que nul ne peut nier, n’a en rien changé fondamentalement les données de ce système qui aujourd’hui se retourne contre lui. Qui voudra bien comprendre ? 

            Personne ? De la gauche à la droite, de ce qu’on appelle l’extrême gauche à ce qu’on appelle l’extrême droite, écoutez les tous, ce ne sont que des discours et, en raison même du système, ce ne peut être que des discours, indépendamment  même des qualités ou des turpitudes des hommes et des femmes en question. 

            Leur affaire, toute leur affaire, leur programme comme ils disent avec emphase, se réduit à des discours : c’est « le débat », l’éternel débat au cours duquel sont assénés des certitudes de quatre sous qui n’ont rien à voir avec la réalité politique et encore moins avec les possibilités de la France d’aujourd’hui.

            La plupart de ces parlotes ne sont qu’inutiles débats : qui aura le courage de le dire ? Philippe Muray que fait revivre si drôlement Fabrice Luchini, a tout dit sur ces amas de « cucuteries » qui font les choux gras des journalistes, des politiciens, des zozos toutes catégories qui occupent l’espace médiatique.

     

    Un système pervers

     

            Le système est pervers dans son essence et pervertit tout, les hommes, les politiques, les intentions, les calculs, les projets, même les meilleurs. Rien n’y résiste : il n’y a qu’à constater. Qu’en est-il des sublimes politiques mises en œuvre depuis des décennies et qui étaient censées changer la vie des Français ? Au mieux, on met un coup d’arrêt sur la route fatalement déclive. À bien examiner les choses, textes et intentions, n’est-ce pas la raison principale des lois qui se multiplient pour tenter de résister grâce à l’autorité de l’État aux entraînements inéluctables d’un système général qui est mauvais, quand ce n’est pas pour encadrer le mal afin d’éviter le pire. Quelque malheur survient-il, on fait une loi : gouverner aujourd’hui, c’est légiférer ! Cette vue synthétique peut choquer ceux qui se donnent tant de mal pour faire aboutir des politiques dont le but serait d’apporter des réponses aux mille et un problèmes de l’heure. Cependant, lequel de ceux qui se consacrent à ces tâches épuisantes, ne sent pas la vanité de ces efforts toujours si mal récompensés. Où se trouve l’entraînement vers le bien, vers le haut?

            Ah ! si les vrais hommes politiques, ceux qui ont le souci du bien commun – il doit bien y en avoir –, si les responsables sociaux qui se donnent un but humain, au-delà des seules profits ou intérêts immédiats, voulaient bien, un instant, regarder ces quelques évidences en face… Au lieu de se lamenter, de se perdre en invectives, de se voiler la face en se vantant de ce qu’ils font… Serait-il possible qu’un jour le système soit examiné dans sa malfaisance fondamentale ? Ou faudra-t-il qu’elle éclate au moment d’une de ces ruptures tragiques qui scandent l’histoire de nos deux cents dernières années ? Tout à coup, tout s’arrête, plus rien ne marche ; le drame est là, prévisible pour tout esprit sagace depuis longtemps déjà mais, cependant, jamais pronostiqué par les officiels du régime ; il s’impose avec la rudesse des immenses tragédies. Le désastre est total. Et, évidemment, nul de ceux qui ont tenu les rênes, n’est jamais responsable, sauf à trouver des boucs émissaires !

     

    La seule issue

     

            Ces analyses politiques sont très pessimistes, dira-t-on. Le pessimisme n’est pas dans le propos. Il ressort naturellement de la vue des choses, telles qu’elles sont. Une sinistre comédie va occuper les Français avec les élections présidentielles qui se profilent et pendant ce temps – les gens avertis le savent pertinemment – un drame se noue que personne ne peut résoudre. Ce drame a de multiple facettes qui font que, de quelque côté qu’on l’envisage, il n’offre que des perspectives désastreuses.

            Le mal est moral et social. Comment se fait-il que le moral des Français qui habitent le pays le plus beau du monde, soit si bas ? 

            Parce qu’ils sentent confusément que les choses ne vont pas : famille, métier, profession, rapports humains, administration, rien ne va bien ; services publics de moins en moins efficaces, éducation à vau-l’eau, désordre social, revendications indéfinies, insécurité, justice mal administrée et qui protège les criminels, quartiers dit sensibles qui prolifèrent, ghettoïsation des populations immigrées de plus en plus nombreuses et de moins en moins intégrées, banlieues invivables, un Etat qui s’occupe de tout et qui est de plus en plus faible, une Europe qui intervient non pour construire mais pour détruire, une classe dirigeante qui ne poursuit que ses intérêts, et partout des parasites qui profitent du système pour faire leurs affaires…Voilà le tableau sur lequel on pourrait épiloguer longuement.

            Là-dessus une crise économique et financière dont un évènement soudain peut servir de déclencheur à n’importe quel mouvement social et politique inmaîtrisable. Il est une guerre sourde qui est menée contre la France dont nul ne peut prédire quelles seront les prochaines manifestations. Il y a quelque chose de terrible dans la situation. Il ne s’agit pas d’inquiéter, il s’agit de voir.

            D’ailleurs, toutes les interventions du chef de l’Etat ne font qu’illustrer cet ensemble insurmontable de problèmes qui s’accumulent. Intervention après le meurtre – le nième ! – d’une jeune femme par un criminel sexuel multirécidiviste et laissé en liberté : ça ne se passera pas comme ça, dit Nicolas Sarkozy avec autorité – et il a raison – et que propose-t-il ? 

            Encore des lois ! Mais, bonsoir, qui aura l’autorité pour imposer leur devoir aux juges ? Grand discours sur la réindustrialisation nécessaire : eh oui, mais qui a tué l’activité française au cours de ces dernières décennies ? Sinon la réglementation étatique et européenne, encore plus que la mondialisation. Alors ? Conférence de presse au ton grave pour signaler les difficultés françaises à des journalistes qui sont censés représenter l’opinion publique. Mais qu’en sort-il ? Que la France, grâce à sa présidence du G20 et du G8, va réussir à imposer aux partenaires mondiaux des règles, voire des taxes, qui permettront d’échapper – on se demande pourquoi et comment – au prochain drame financier et monétaire dont la zone euro va faire les frais selon les pronostics les plus récents du FMI qui, lui, ne veut pas en porter la responsabilité. Et Nicolas Sarkozy qui semble avoir compris les limites de cet exercice  de haute voltige, n’a d’ailleurs pas fait le fanfaron. Inutile de se leurrer : la réussite du dernier emprunt au profit du Fonds européen de stabilité financière ne prouve rien, sinon qu’il y a des masses de liquidités qui cherchent à se placer ; l’euro n’en est pas sauvé pour autant.

            Aucun des discours prononcés à Davos ne changera les données du problème proprement français.

            Qu’il soit permis de dire ici que la campagne électorale qui se prépare pour les élections présidentielles, non seulement ne facilitera pas la solution de ce problème ; elle l’aggravera. Les surenchères qui n’ont fait que commencer, vont redoubler. Ce sera aussi ridicule que tragique. Les concurrents et les partis danseront leur sarabande tandis que le volcan grondera. Le monde est secoué d’immenses ébranlements ; sous les pieds de ces dames et de ces messieurs, enivrés de politicaillerie et de vaines ambitions, la France se craquèle. Faudra-t-il qu’elle s’effondre pour qu’ils arrêtent leurs jeux imbéciles ?

    Mais, s’il vous plaît, quand l’échéance arrivera, pour refaire et continuer la France, il conviendra d’abord de restaurer son Etat national et donc royal. C’est une évidence et elle nous a coûté assez cher pour qu’on évite de recommencer d’éternels échecs. ■