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  • Éphéméride du 7 mai

    1990 : les Gorges du Verdon déclarées Site naturel protégé

     

     

     

     

    1274 : Ouverture du deuxième concile de Lyon  

     

    Présidé par le pape Grégoire X, le Concile dura jusqu'au 17 juillet et réunit environ cinq cents évêques, soixante abbés et plus de mille prélats, mais aussi le roi Jacques 1er d'Aragon, l'ambassadeur de l'empereur Michel Paléologue et les ambassadeurs du Khan du Tatar.

    L'objectif de ce Concile était de donner une définition exacte et définitive du Purgatoire

    Le hasard fit que deux des plus grands docteurs de l'Église moururent au moment, et à l'occasion, de ce Concile :

    Saint Bonaventure (ci dessous, à droite), qui eut le temps d'assister aux quatre première sessions, mais mourut à Lyon le 7 juillet;

    et Saint Thomas d'Aquin (ci dessous, à gauche) qui, convoqué pour y participer, mourut à Fossanova, en Italie, sur le chemin qui devait le conduire à Lyon.

     

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    https://www.herodote.net/almanach-ID-3093.php 

     

    Sur Thomas d'Aquin et ses rapports avec la France voir l'Éphémeride du 7 mars et  l'Éphéméride du 28 janvier...

     

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    1463 : Grand incendie de Toulouse
     
     
    Un peu plus d'un siècle après avoir été frappée par la peste noire (qui reviendra deux fois, jusqu'au quinzième siècle), et après avoir subi les brigandages liés à la Guerre de Cent ans, la ville de Toulouse est ravagée par un gigantesque incendie : la totalité des faubourgs, et près des trois quarts de la cité sont détruits.
     
    Cet incendie, attisé par le vent d'autan, détruit le cœur commerçant de la ville essentiellement constitué de maisons à pans de bois. Le roi Louis XI, alerté sur l'immensité des dégâts, arriva dans la ville le 26 mai : il décida d'exempter les Toulousains de la "taille", pour cent ans (mais l'exemption sera levée dès 1485 par son fils et successeur Charles VIII); il attribua également de nombreuses subventions de manière à ce que la cité se redresse.
    Surtout, il incita les habitants à utiliser un autre matériau que le bois pour la reconstruction des maisons : c'est la brique qui fut choisie, et l'on voit aujourd'hui encore les conséquences de cet heureux choix, dans ce qui devint, à partir de cette époque, "la ville rose"...
     
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    1794 : Robespierre fait adopter par la Convention le nouveau culte de l'Être suprême

     

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    De Michel Mourre :

    "Être suprême (culte de l') : Culte révolutionnaire, inspiré par les idées de Rousseau et imposé en mai 1794 par Robespierre, en réaction contre le culte de la Raison introduit à l'automne de l'année précédente par les hébertistes. Après l'exécution d'Hébert, de Chaumette et de leurs amis, Robespierre, le 7 mai 1794, fit décréter par la Convention l'institution de ce culte, qui devait lier étroitement l'idée religieuse déiste et l'idée nationale. Il fut décidé que la république célébrerait aux jours de décadi des fêtes dédiées à l'Être suprême et à la Nature, au Genre humain, au Peuple français, aux Bienfaiteurs de l'humanité, au Stoïcisme, à la Jeunesse etc...

    La première fête du culte, réglée par David, eut lieu solennellement au Jardin des Tuileries le 20 Prairial An II (8 juin 1794). Robespierre, qui présidait la cérémonie proclama que "l'idée de l'Être suprême et de l'immortalité de l'âme est un rappel continuel de la justice, qu'elle est donc sociale et républicaine". Cette fête marqua l'apogée de la puissance du dictateur révolutionnaire. Mais le culte de l'Être suprême disparut avec la chute de Robespierre."

     

    7 mai,toulouse,être suprême,robespierre,convention,seconde guerre mondiale,gorges du verdon,reims,tuileries,dien bien phu,indochine,dalloz,giapRobespierre (visage reconstitué ci contre) fait adopter son texte par un discours contenant ce propos délirant :

    "...Le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l'espèce humaine ; on serait tenté même de le regarder, au milieu d'elle, comme une espèce différente…"

    (source : https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_de_Robespierre/Sur_le_rapport_des_id%C3%A9es_religieuses_et_morales_avec_les_principes_r%C3%A9publicains_et_sur_les_f%C3%AAtes_nationales, huitième paragraphe)

     

    Ce 7 mai 1794, Robespierre est à l'apogée de sa puissance : deux mois et demi après, le 27 juillet, il est mort...

     

     

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    1866 : Naissance d'Arthème Fayard, fils. Aux origines de L'Histoire de France de Jacques Bainville...

     

    Quatre siècles après Gutenberg, le livre imprimé était encore souvent rare et cher. Le rendre disponible et accessible à tous : tel sera le but premier que se fixa le fondateur de la Maison Fayard, puis son fils prénommé, comme lui, Arthème.

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    Éclectique, Arthème 1er s'intéressait à tout : ses familiers l'appelaient "L'Encyclopédie".

    Parmi ses enfants, Arthème le second, qui deviendra le Grand Arthème Fayard, l'un des plus fameux et puissants éditeurs français de la première moitié du XXème siècle, fut d'abord un adolescent qui faisait ses études à Louis le Grand où il se lia d'amitié avec un joyeux luron de son âge, Léon Daudet.

    Après qu'il eut fait son service militaire, son père l'engagea comme collaborateur et associé.

    Un jour, il alla trouver Alphonse Daudet, père de son ami, et lui offrit de l'éditer en fascicules à cinq centimes. Daudet accepta : l'idée de l'édition populaire d'auteurs vivants, telle que la reprendront au siècle suivant clubs et collections au format de poche, était née.

    Arthème le fondateur mourut en 1895. Son successeur souhaita continuer dans la voie de l'édition dite de grande diffusion. À une époque où les gloires littéraires de l'époque - Maurice Barrès, Marcel Prévost, Paul Bourget, Henry Bordeaux... - paraissaient en volumes à plus de trois francs, la grande littérature demeurait inabordable pour le grand public. Le projet d'Arthème Fayard fils consista donc à publier les grands contemporains en volumes à dix-neuf sous, mais pas au rabais, sous forme de vrais livres, élégants et illustrés. Ces auteurs fameux ne se vendaient alors qu'à quelques milliers d'exemplaires : Fayard leur proposait de les tirer à cent mille ! Le succès fut au rendez-vous. La cote des cent mille exemplaires se trouva dépassée pour chaque titre et les ventes grimpaient toujours. Barrès ne voulait pas croire qu'il eût dépassé, lui, les trois cent mille : cela ne s'était jamais vu.

    7 mai,toulouse,être suprême,robespierre,convention,seconde guerre mondiale,gorges du verdon,reims,tuileries,dien bien phu,indochine,dalloz,giapUn jour, Arthème Fayard eut ce  dialogue avec Jacques Bainville :

    • Vous devriez écrire pour moi une Histoire de France en un volume.
    • Mais je ne la connais pas. En tout cas, pas assez pour l'écrire.
    • Eh bien, apprenez-la !

    Le rédacteur de politique étrangère de L'Action française finit par rédiger le tome qui fut le premier de la série des Grandes Études historiques, collection dirigée par Pierre Gaxotte.

    Un employé de la maison calcula en 1947 qu'en empilant les deux millions et demi d'exemplaires de cette collection vendus jusqu'à cette année-là, on aurait atteint vingt fois l'altitude du Mont-Blanc.

    On n'a pas refait le calcul depuis lors, mais on peut supposer que le remplacement du Mont-Blanc par l'Éverest ne serait pas exagéré...

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     Constamment rééditée depuis sa parution en 1924, au sommaire du Catalogue du Livre de poche, l'Histoire de France de Bainville est traduite en huit langues : anglais, italien, espagnol, turc, finlandais (suomi), suédois, hongrois, polonais; l'édition anglaise est également disponible en braille.

     France info l'a présentée à ses auditeurs dans une petite chronique d'anthologie, de 2'19" : le journaliste, ce jour-là, en a déclaré la lecture "enthousiasmante", ajoutant, sans ambages :

    "...Autant vous le dire tout de suite : l'Histoire de France est un chef d'oeuvre ! Chef-d'oeuvre d'écriture, de grâce, de finesse... C'est presque du journalisme... Quand l'Histoire est plus contemporaine que jamais, c'est qu'un grand auteur est passé par là... Lisez donc l'Histoire de France de Jacques Bainville : c'est un petit bijou..." :

     

    France info présente L'Histoire de France de Jacques Bainville

     

    S'il est évidemment totalement vain - et même absurde - de prétendre dire quel est, ou quels sont, les meilleurs ouvrages de Bainville, il n'en demeure pas moins tout à fait sûr qu'avec son "Histoire de deux Peuples" (voir l'Éphéméride du 10 août) et son "Napoléon" (voir l'Éphéméride du 15 octobre, jour de sa parution) cette "Histoire de France" forme une trilogie qui, à elle seule, suffit à faire de Bainville l'un des plus grands historiens de tous les temps, peut-être même le plus grand...

     

     

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    1945 : Reddition inconditionnelle de l'Allemagne nazie...

     

    Le général allemand Alfred Jodl signe, à Reims, les termes d'une reddition inconditionnelle qui termine la participation allemande à la Seconde Guerre mondiale. Le document prend effet le lendemain.

    Et dire que tout cela aurait pu aisément être évité !...

    REDDITION INCONDITIONNELLE ALLEMANDE 1945.jpg
    Victorieuse en 1918 - mais à quel prix !... - la France pouvait et devait démembrer l'Empire allemand, qui n'avait pas 50 ans d'âge. C'était la politique du plus élémentaire intérêt national, celle qu'exigeait le Bien commun : en revenir à l'émiettement des populations allemandes, comme aux temps heureux des Traités de Westphalie, voulus par Richelieu, et "chef-d'oeuvre absolu" pour Jacques Bainville.
    Nos "excellents alliés" (!) anglo-saxons ne le voulurent pas et <
  • Servir Politique Magazine et s'en servir: au sommaire du numéro de mai...

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            L'impasse, l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers; Guerre de tranchées à l'UMP et Val d'Oise, creuset francilien (Jean de la Faverie); Incorrigibles socialistes et Syrie-Libye, trancher le noeud gordien (Christian Wagner); Mayotte, la départementalisation en catimini (François Jourdier); Galileo, une idée stupide ? (Mathieu Epinay);Une loi de plus, la chronique judiciaire de Jacques Trémolet de Villers; Laïcité, sortir de la nasse (Christian Tarente); Que veulent dire et où conduisent les chiffres, la chronique économique de François Reloujac; entretien avec Christian Millau, un hors-la-loi de la pensée unique (Benoît Gousseau); L'aujourd'hui sans lendemain (Hilaire de Crémiers a lu pour nous le dernier Mattéi - Le procès de l'Europe - et le dernier Delsol - L'âge du renoncement -).....

            Voici l'Editorial de ce numéro de mai, Eglise immortelle....

    Eglise immortelle

            Les politiques passent. L’Eglise continue. Elle traverse des crises, elle aussi. La dernière a été d’une gravité extrême. Elle s’en sort, comme à chaque fois, non sans mal, non sans d’immenses dégâts. Dans son sein d’abord – cela se sait et, hélas, jusqu’où ? – mais aussi dans la société civile, singulièrement européenne qui, qu’elle le veuille ou non, se ressent toujours ,à cause de son christianisme originel, de l’effondrement dans le peuple chrétien des vertus théologales de foi, d’espérance et de charité.

            L’Eglise est une institution. Elle a été fondée par Jésus-Christ lui-même. Cette institution est porteuse de grâce quand elle répond à sa finalité. Elle est magistère, gouvernement, moyen de salut par son annonce, sa prédication, sa vie sacramentelle et liturgique, sa prière.

            A chaque fois que les hommes ont détourné de leur fin les principes même de l’institution pour des motifs idéologiques ou personnels, l’Eglise s’en est trouvée mal. Telle est la grande leçon de son histoire.

            Sans revenir sur les causes supposées ou réelles de l’ébranlement profond qu’a subi la foi chrétienne au cours des cinquante dernières années, il est certain que la contestation et l’effacement, par  mêmes des autorités constituées du magistère continu et ordonné de l’Eglise, que la substitution de vues humaines aux règles d’un gouvernement qui n’a de légitimité qu’en fonction du salut des âmes, que le désordre et la vulgarité liturgiques, que la présentation d’un salmigondis socio-politico-sociologique sous couvert d’Evangile n’ont pas peu fait dans l’érosion et, en certains endroits, dans l’écroulement des forces vives du catholicisme.

            Maintenant dans l’Église, chez la plupart des fidèles comme chez  des clercs de plus en plus nombreux, cela se sait. C’est un grand pas. D’où une volonté de reconstruire. Le pape Benoît XVI, le jour de Pâques, a affirmé sa foi avant de donner sa bénédiction urbi et orbi. Il faut voir ce que les medias français en ont retenu : l’ouverture des frontières ! 

            Qu’a dit le souverain pontife ? Que la résurrection du Christ est un évènement. Point capital, décisif. Dans la suite directe de ses livres sur Jésus de Nazareth. Il n’y a pas de coupure entre la foi et l’histoire, de séparation entre le Jésus de la foi et le Jésus de l’histoire. Voilà la foi catholique revivifiée par le magistère dans son intégrité. « La résurrection du Christ n’est pas le fruit d’une spéculation, d’une expérience mystique : elle est un évènement qui dépasse certainement l’histoire, mais qui se produit à un moment précis de l’histoire et laisse en elle une empreinte indélébile. »

            Splendeur de la  Vérité et du Bien qui illumine encore de nos jours la foi des chrétiens dans la suite historique de la foi de Marie, de Madeleine, des saintes femmes, de Pierre et des Apôtres. Qui veut bien réfléchir sur ces propos du pape et la méditation qui s’ensuit, ne peut pas ne pas comprendre que dans l’Eglise catholique le relativisme, l’indifférentisme, le laïcisme mais aussi bien le fidéisme, l’illuminisme et tous les sortilèges des mauvaises vapeurs de la crise dite moderniste et progressiste du siècle passé, n’ont pas de place dans la doctrine enseignée par le souverain magistère. Est-il permis de dire simplement que notre civilisation est sauvée ? Le point principal est affirmé, la pierre inébranlable est là. Tu es Petrus et super hanc Petram…

            Le Pape, en Père commun, se penche alors, comme il se doit, sur la misère du monde et invite les cœurs à la charité fraternelle . La charité suppose la différence, les frontières. L’accueil serait en effet plus facile si, d’abord, les frontières étaient respectées.

            Le Pape veut que la foi se traduise en charité.

            Il est prêt, même de nouveau à Assise, à progressivement tout reconquérir. Qu’on se souvienne du discours de Ratisbonne !

            Il est un champion de Jésus-Christ, à sa manière à lui, comme son prédécesseur et ami qu’il béatifie, Jean-Paul II.

            Oui, tout conquérir et reconquérir, la jeunesse et l’ espérance du monde, tout, comme par le passé à toutes les époques, repris, vivifié, sanctifié par une église qui respire immensément, tout, sauf le chafouinisme des tartuffes qui ne sentent et ne respirent que la mort. ■

  • ”Les expulser, oui, mais pour où ?...”: Une défense des Croisades, par Chateaubriand...(6/6)

    "Ce qui fait la complexité de l'Histoire c'est que les évènement sortent sans fin les uns des autres". Cette remarque de Jacques Bainville peut s'appliquer aussi, de toute évidence, aux idées, et notre débat ouvert à partir de la question d'Ariane en est une nouvelle preuve. Elle a suscité une telle réflexion, laquelle a nécessité à son tour de telles mises au point, que nous en sommes maintenant à la sixième note sur ce sujet et ses extensions ! 

    Nous allons donc - temporairement...  - conclure cette première série de réflexions, la réunir en un Pdf pour la commodité de la consultation, et livrer le tout au(x) lecteur(s)...

    Nous le ferons en donnant la parole à Chateaubriand, pour un texte qui semble écrit aujourd'hui, à d'infimes détails près, ce qui montre bien que les problématiques actuelles ne sont pas nouvelles, et que le(s) problème(s) que nous avons aujourd'hui date(nt) de fort longtemps...

    Nous en étions, dans notre prise de recul, au rappel des deux agressions militaires de l'Islam contre l'Europe (la première à partir de 711 par l'Espagne, et la seconde à partir de 1353 par la Grèce).

    Entre ces deux assauts s'intercalent ce que l'on peut considérer comme une contre attaque des Européens.

    C'est du moins ainsi que le voit Chateaubriand. Encore une fois, on croirait le texte écrit d'hier. A vos réactions.....

    Dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, Chateaubriand propose cette défense des Croisades (La Pléiade, Oeuvres romanesques, tome II, pages 1052/1053/1054) :

    "...Les écrivains du XVIIIème siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J'ai réclamé un des premiers contre  cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. Les Chrétiens n'étaient point les agresseurs. Si les sujets d'Omar, partis de Jérusalem, après avoir fait le tour de l'Afrique, fondirent sur la Sicile, sur l'Espagne, sur la France même, où Charles Martel les extermina, pourquoi des sujets de Philippe Ier, sortis de la France, n'auraient-ils pas faits le tour de l'Asie pour se venger des descendants d'Omar jusque dans Jérusalem ?

    C'est un grand spectacle sans doute que ces deux armées de l'Europe et de l'Asie, marchant en sens contraire autour de la Méditerranée, et venant, chacune sous la bannière de sa religion, attaquer Mahomet et Jésus-Christ au milieu de leurs adorateurs.

     

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    N'apercevoir dans les Croisades que des pélerins armés qui courent délivrer un tombeau en Palestine, c'est montrer une vue très bornée en histoire. Il s'agissait, non seulement de la délivrance de ce Tombeau sacré, mais encore de savoir qui devait l'emporter sur la terre, ou d'un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au despotisme, à l'esclavage, ou d'un culte qui a fait revivre chez les modernes le génie de la docte antiquité, et aboli la servitude ?
    Il suffit de lire le discours du pape Urbain II au concile de Clermont, pour se convaincre que les chefs de ces entreprises guerrières n'avaient pas les petites idées qu'on leur suppose, et qu'ils pensaient à sauver le monde d'une inondation de nouveaux Barbares.
    L'esprit du Mahométisme est la persécution et la conquête; l'Evangile au contraire ne prêche que la tolérance et la paix. Aussi les chrétiens supportèrent-ils pendant sept cent soixante-quatre ans tous les maux que le fanatisme des Sarrasins leur voulut faire souffrir; ils tâchèrent seulement d'intéresser en leur faveur Charlemagne; mais ni les Espagne soumises, ni la Grèce et les deux Sicile ravagées, ni l'Afrique entière tombée dans les fers, ne purent déterminer, pendant près de huit siècles, les Chrétiens à prendre les armes. Si enfin les cris de tant de victimes égorgées en Orient, si les progrès des Barbares déjà aux portes de Constantinople, réveillèrent la Chrétienté, et la firent courir à sa propre défense, qui oserait dire que la cause des Guerres Sacrées fut injuste ? Où en serions-nous, si nos pères n'eussent repoussé la force par la force ? Que l'on contemple la Grèce, et l'on verra ce que devient un peuple sous le joug des  Musulmans.
    Ceux qui s'applaudissent tant aujourd'hui du progrès des Lumières, auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts ?
    Les Croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes aux portes mêmes de l'Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes. Elles ont fait plus : elles nous ont sauvé de nos propres révolutions; elles ont suspendu, par la paix de Dieu, nos guerres intestines; elles ont ouvert une issue à cet excès de population qui, tôt ou tard, cause la ruine des Etas; remarque que le Père Maimbourg a faite, et que M. de Bonald a développée.

    Quant aux autres résultats des Croisades, on commence à convenir que ces entreprises guerrières ont été favorables aux progrès des lettres et de la civilisation. Robertson a parfaitement traité ce sujet dans son Histoire du Commerce des Anciens aux indes orientales. J'ajouterai qu'il ne faut pas, dans ces calculs, omettre la renommée que les armes européennes ont obtenue dans les expéditions d'outre-mer.

    Le temps de ces expéditions est le temps héroïque de notre histoire; c'est celui qui a donné naissance à notre poésie épique. Tout ce qui répand du merveilleux sur une nation, ne doit point être méprisé par cette nation même. On voudrait en vain se le dissimuler, il y a quelque chose dans notre coeur qui nous fait aimer la gloire; l'homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler; c'est en entretenant les Romains de l'eternité de leur ville, qu'on les a menés à la conquête du monde, et qu'on leur a fait laisser dans l'histoire un  nom éternel..."

  • Autour du Prince Jean !... I) Pourquoi cette famille, la Famille de France, et pas une autre ?.....(1/ 3) .

                Cette question, vaguement iconoclaste, nous ne devons pas l’éluder. Elle mérite d’être entendue, et de recevoir justement une réponse. Maurras se l’était posée, d’autres se la posent et nous la posent aujourd’hui. Comme tout argument, toute objection ou, plus simplement, toute question, elle mérite d’être écoutée et que l’on y réponde.

                Elle correspond en effet à une interrogation somme toute légitime de certains de nos concitoyens, qui ont parfaitement le droit de savoir, deux siècles après la coupure révolutionnaire de 1789, mille ans après le début de l’aventure initiée par Clovis lors de son baptême à Reims, pourquoi nous persistons à nous réunir autour d’elle, à croire en elle, à la considérer comme « le » recours, et à en attendre la dynamique de salut qui pourrait sauver la France….. 

                Pour répondre à cette question, il nous faut - comme d’habitude, comme toujours …- remonter longtemps en arrière, aux origines de notre Histoire. Et plus précisément, remonter jusqu’à…. l’Empire romain ! Ce qui nous permettra de parler de service rendu, et donc de légitimité.....

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    Jules César, conquérant des Gaules.

                 A cette époque-là, la Gaule jouissait comme toutes les autres parties du grand Empire de cette extraordinaire Pax Romana, si durable, si heureuse et si féconde qu’on l’a tant regrettée et que, malgré la face obscure de cet Empire que l'on ne doit pas cacher (le revers de la médaille si l’on peut dire...) ses bienfaits le font encore considérer, deux mille ans après, comme un Âge d’or.

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                « Plage brillante, entre les ténèbres de la préhistoire italienne et celles, presque aussi épaisses, où la décomposition de l’Empire plongea le monde occidental, Rome éclaire d’une vive lumière quelques douze siècles d’histoire humaine. Douze siècles où ne manquent pas, sans doute, guerres et crimes, mais dont la meilleure part connut la paix durable et sûre, la paix romaine, imposée et acceptée depuis les bords de la Clyde jusqu’aux montagnes d’Arménie, depuis le Maroc jusqu’aux rives du Rhin, parfois même à celles de l’Elbe et ne finissant qu’aux confins du désert, sur les bords de l’Euphrate. Encore faut-il ajouter à cet immense empire toute une frange d’Etats soumis à son influence spirituelle ou attirée par son prestige. Comment s’étonner que ces douze siècles d’histoire comptent parmi les plus importants qui aient jamais été pour la race humaine et que l’action de Rome, en dépit de toutes les révolutions, de tous les élargissements et les changements de perspective survenus depuis un an et demi, se fasse encore sentir, vigoureuse et durable ?... »

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    L'empereur Auguste, neveu de César.

                C’est par ces lignes, brillantes elles-mêmes dans un ouvrage qui ne l’est pas moins, que Pierre Grimal commence son merveilleux livre La Civilisation Romaine , remarquable en tous points (1).

                L’idée de l’auteur est claire : « …Avec ses lumières et ses ombres, ses vertus et ses vices (qu’une tradition méchante se plaît à peindre sous les plus noires couleurs), Rome n’en reste pas moins l’un des grands moments de l’Humanité, l’un des plus inspirants et que nous ne saurions oublier sans mutiler le plus profond de notre être… ».

                Jacques Bainville est parfaitement d’accord avec Pierre Grimal sur cette influence majeure et incontournable (comme on dit aujourd’hui !...) des Romains chez nous :

                 « À qui devons-nous notre civilisation? À quoi devons-nous d'être ce que nous sommes? À la conquête des Romains….À cette conquête, nous devons presque tout. Elle fut rude : César avait été cruel, impitoyable. La civilisation a été imposée à nos ancêtres par le fer et par le feu et elle a été payée par beaucoup de sang….Les Gaulois ne devaient pas tarder à reconnaître que cette force avait été bienfaisante. Ils avaient le don de l'assimilation, une aptitude naturelle à recevoir la civilisation gréco-latine qui, par Marseille et le Narbonnais, avait commencé à les pénétrer. Jamais colonisation n'a été plus heureuse, n'a porté plus de beaux fruits, que celle des Romains en Gaule. D'autres colonisateurs ont détruit les peuples conquis. Ou bien les vaincus, repliés sur eux-mêmes, ont vécu à l'écart des vainqueurs. Cent ans après César, la fusion était presque accomplie et des Gaulois entraient au Sénat romain.Jusqu'en 472, jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident, la vie de la Gaule s'est confondue avec celle de Rome. Nous ne sommes pas assez habitués à penser que le quart de notre histoire, depuis le commencement de l'ère chrétienne, s'est écoulé dans cette communauté : quatre à cinq siècles, une période de temps à peu près aussi longue que de Louis XII à nos jours et chargée d'autant d'événements et de révolutions….. » (Histoire de France, chapitre I : Pendant cinq cents ans, la Gaule partage la vie de Rome.).

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    Arles, les arènes et le théatre romains.

                Seulement, voilà. A un moment, la grande catastrophe se produisit : l’Empire se décomposa, pour reprendre le mot de Grimal, plongeant «  nos ancêtres les gaulois » dans les ténèbres épaisses qu'il évoque si bien.

                Des gaulois qui, au passage, étaient devenus gallo-romains, et même gréco-romains, mais aussi chrétiens. Athènes, Rome et Jérusalem avaient planté leurs pénates au bord de la Seine !

               Nous sommes loin de la Famille de France ? C’est vrai ! Pourtant, c’est à ce moment-là que tout va commencer car un problème nouveau va se poser; et de la résolution de ce problème va découler la légitimité de ceux qui sauront y répondre. Mais il y faudra du temps.. (à suivre, vendredi 6...)

    (1) : La Civilisation romaine, Pierre Grimal. Flammarion, Collection Champs.

  • Où est-on le plus révolutionnaire : à Pékin, à Moscou ou bien à Paris ?...

               On a parlé un peu partout de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Nous nous en tiendrons ici à la leçon politique que l’on peut en tirer, car on peut en tirer une, à l’évidence, et elle ne sera pas peu surprenante pour certains…..

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               Car en fait, au-delà de l’esthétisme, de la magnificence, de l’impression de force et de maîtrise qui se sont dégagées de cette grandiose cérémonie, qu’est-ce qui était au final le plus frappant, le plus évident (on pourrait même dire « aveuglant »…) ? C’est très simple, et c’est énorme : dans ce pays officiellement marxiste-léniniste tout reste à l’évidence aux ordres du pouvoir communiste,  comme hier à Moscou et dans son empire européen ; la dictature est toujours là, et bien là, il ne faut pas rêver, ni prendre ses désirs pour des réalités. Il faudra encore un peu de temps pour que la monstrueuse et barbare tyrannie s’effondre, comme elle s’est effondrée ailleurs ; et, d’ici là, il ne fera pas tous les jours bon vivre au paradis des travailleurs, tout n’y sera pas rose tous les jours et, comme on le dit familièrement, on sera mieux chez nous…. 

              Bon, mais la leçon ?  La voici. Qu’a-t-on vu ce soir-là ? Une apologie de la révolution marxiste léniniste ? Une histoire officielle et idéalisée du Grand Timonier, celui que Giscard d’Estaing –perdant une bonne occasion de se taire- avait cru devoir comparer, le jour de la mort de Mao, à « un phare de l’humanité », ne craignant pour l’occasion  ni le ridicule ni l’odieux (il y a des jours,  comme cela, où certains feraient mieux, comme on dit, de tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler…) ? Une invasion de Gardes Rouges, brandissant chacun son « Petit livre rouge » et retraçant les étapes de cet effarant Grand Bond en Arrière que fut en réalité ce que l’encore omniprésente police politique essaye de présenter –contre toute les apparences- comme le « grand bond en avant » de l’histoire officielle, toujours officiellement en vigueur ?....

              Eh bien, non. Non seulement on n’a rien vu de tout cela (et c’est d’ailleurs, évidemment, tant mieux…) mais on a vu un Peuple. Un Peuple qui a cinq mille ans d’Histoire, qui a une conscience forte de ces cinq mille ans d’Histoire, et qui en est fier et heureux, et qui connaît et cultive ses Racines. Un Peuple qui, sans aucun complexe, est Patriote et Nationaliste. On est bien loin, là, on en conviendra, de tout ce qui est révolutionnaire ; de cette funeste et stupide théorie de « la table rase » qui règne chez nous, imposée –fort logiquement d’ailleurs, puisqu’elle est au pouvoir et qu’elle dirige…- par une république qui se veut l’héritière directe de la révolution idéologique de 1789/1793.

               Nous l’avons souvent dit et écrit : si la révolution-fait est évidemment terminée depuis bien longtemps chez nous, la révolution-idée est toujours au pouvoir à Paris, elle est toujours à l’œuvre, hélas,  chez nous. Par contre, on voit bien qu’en Russsie la page est tournée (on a canonisé la famille Impériale !.... chose grandiose mais aussi simplement normale, qu’il faudra bien, un jour, faire chez nous aussi….). Et on voit bien qu’en Chine ( et c’est la leçon dont nous parlions au début ) l'Empire du Milieu, la grande Chine éternelle, est en train de boire le marxisme, exactement comme le buvard boit l’encre

              Avec beaucoup de plaisir pour eux, mais avec un peu de tristesse et de lassitude pour nous, nous nous demandons quand viendra, enfin, notre tour. Et quand, après que la vague ait reflué à Moscou et dans son empire ; à Pékin (entraînant forcément les derniers satellites : Vietnam et autres…) ; quand la vague refluera-t-elle enfin chez nous aussi, libérant le cœur d’où tout est parti, libérant les esprits à Paris, et permettant à la France –comme le font la Russie et la Chine- de replonger dans son Passé millénaire et de continuer son Histoire (pour reprendre le titre d’un des derniers ouvrages d’Hubert  Védrine…)

             Et notre combat ne s’arrêtera donc que lorsque, à l’instar de la Russie –où c’est fait- et de la Chine –où c’est en cours, même s’il faut attendre encore un peu…- la Révolution aura été là aussi absorbée par le buvard…..

  • Le livre de Gouguenheim présenté par ”Le Monde”....

              Voici l'intéressant "papier" de Roger-Pol Droit, dans "Le Monde des Livres" du 4 Avril. Le moins que l'on puisse dire est que cet article donne furieusement envie de lire l'ouvrage de Sylvain Gouguenheim (1)....

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              Sylvain Gouguenheim : et si l'Europe ne devait pas ses savoirs à l'islam ?

              Etonnante rectification des préjugés de l'heure, ce travail de Sylvain Gouguenheim va susciter débats et polémiques. Son thème : la filiation culturelle monde occidental-monde musulman. Sur ce sujet, les enjeux idéologiques et politiques pèsent lourd. Or cet universitaire des plus sérieux, professeur d'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon, met à mal une série de convictions devenues dominantes. Ces dernières décennies, en suivant notamment Alain de Libera ou Mohammed Arkoun, Edward Saïd ou le Conseil de l'Europe, on aurait fait fausse route sur la part de l'islam dans l'histoire de la culture européenne.

              Que croyons-nous donc ? En résumé, ceci : le savoir grec antique - philosophie, médecine, mathématique, astronomie -, après avoir tout à fait disparu d'Europe, a trouvé refuge dans le monde musulman, qui l'a traduit en arabe, l'a accueilli et prolongé, avant de le transmettre finalement à l'Occident, permettant ainsi sa renaissance, puis l'expansion soudaine de la culture européenne. Selon Sylvain Gouguenheim, cette vulgate n'est qu'un tissu d'erreurs, de vérités déformées, de données partielles ou partiales. Il désire en corriger, point par point, les aspects inexacts ou excessifs.

              "AGES SOMBRES"

              Y a-t-il vraiment eu rupture totale entre l'héritage grec antique et l'Europe chrétienne du haut Moyen Age ? Après l'effondrement définitif de l'Empire romain, les rares manuscrits d'Aristote ou de Galien subsistant dans des monastères n'avaient-ils réellement plus aucun lecteur capable de les déchiffrer ? Non, réplique Sylvain Gouguenheim. Même devenus ténus et rares, les liens avec Byzance ne furent jamais rompus : des manuscrits grecs circulaient, avec des hommes en mesure de les lire. Durant les prétendus "âges sombres", ces connaisseurs du grec n'ont jamais fait défaut, répartis dans quelques foyers qu'on a tort d'ignorer, notamment en Sicile et à Rome. On ne souligne pas que de 685 à 752 règne une succession de papes... d'origine grecque et syriaque ! On ignore, ou on oublie qu'en 758-763, Pépin le Bref se fait envoyer par le pape Paul Ier des textes grecs, notamment la Rhétorique d'Aristote.

              Cet intérêt médiéval pour les sources grecques trouvait sa source dans la culture chrétienne elle-même. Les Evangiles furent rédigés en grec, comme les épîtres de Paul. Nombre de Pères de l'Eglise, formés à la philosophie, citent Platon et bien d'autres auteurs païens, dont ils ont sauvé des pans entiers. L'Europe est donc demeurée constamment consciente de sa filiation à l'égard de la Grèce antique, et se montra continûment désireuse d'en retrouver les textes. Ce qui explique, des Carolingiens jusqu'au XIIIe siècle, la succession des "renaissances" liées à des découvertes partielles.

              La culture grecque antique fut-elle pleinement accueillie par l'islam ? Sylvain Gouguenheim souligne les fortes limites que la réalité historique impose à cette conviction devenue courante. Car ce ne furent pas les musulmans qui firent l'essentiel du travail de traduction des textes grecs en arabe. On l'oublie superbement : même ces grands admirateurs des Grecs que furent Al-Fârâbî, Avicenne et Averroès ne lisaient pas un mot des textes originaux, mais seulement les traductions en arabe faites par les Araméens... chrétiens !

             Parmi ces chrétiens dits syriaques, qui maîtrisaient le grec et l'arabe, Hunayn ibn Ishaq (809-873), surnommé "prince des traducteurs", forgea l'essentiel du vocabulaire médical et scientifique arabe en transposant plus de deux cents ouvrages - notamment Galien, Hippocrate, Platon. Arabophone, il n'était en rien musulman, comme d'ailleurs pratiquement tous les premiers traducteurs du grec en arabe. Parce que nous confondons trop souvent "Arabe" et "musulman", une vision déformée de l'histoire nous fait gommer le rôle décisif des Arabes chrétiens dans le passage des oeuvres de l'Antiquité grecque d'abord en syriaque, puis dans la langue du Coran.

             Une fois effectué ce transfert - difficile, car grec et arabe sont des langues aux génies très dissemblables -, on aurait tort de croire que l'accueil fait aux Grecs fut unanime, enthousiaste, capable de bouleverser culture et société islamiques. Sylvain Gouguenheim montre combien la réception de la pensée grecque fut au contraire sélective, limitée, sans impact majeur, en fin de compte, sur les réalités de l'islam, qui sont demeurées indissociablement religieuses, juridiques et politiques. Même en disposant des oeuvres philosophiques des Grecs, même en forgeant le terme de "falsafa" pour désigner une forme d'esprit philosophique apparenté, l'islam ne s'est pas véritablement hellénisé. La raison n'y fut jamais explicitement placée au-dessus de la révélation, ni la politique dissociée de la révélation, ni l'investigation scientifique radicalement indépendante.

             Il conviendrait même, si l'on suit ce livre, de réviser plus encore nos jugements. Au lieu de croire le savoir philosophique européen tout entier dépendant des intermédiaires arabes, on devrait se rappeler le rôle capital des traducteurs du Mont-Saint-Michel. Ils ont fait passer presque tout Aristote directement du grec au latin, plusieurs décennies avant qu'à Tolède on ne traduise les mêmes oeuvres en partant de leur version arabe. Au lieu de rêver que le monde islamique du Moyen Age, ouvert et généreux, vint offrir à l'Europe languissante et sombre les moyens de son expansion, il faudrait encore se souvenir que l'Occident n'a pas reçu ces savoirs en cadeau. Il est allé les chercher, parce qu'ils complétaient les textes qu'il détenait déjà. Et lui seul en a fait l'usage scientifique et politique que l'on connaît.

             Somme toute, contrairement à ce qu'on répète crescendo depuis les années 1960, la culture européenne, dans son histoire et son développement, ne devrait pas grand-chose à l'islam. En tout cas rien d'essentiel. Précis, argumenté, ce livre qui remet l'histoire à l'heure est aussi fort courageux.

    "ARISTOTE AU MONT SAINT-MICHEL. LES RACINES GRECQUES DE L'EUROPE CHRÉTIENNE" de Sylvain Gouguenheim. Seuil, "L'Univers historique", 282 p., 21 €.

  • PATRIMOINE • Lagrasse, une aventure en pays cathare

     

    C’est au cœur des Corbières, région de l’ancienne hérésie cathare, qu’une très vieille abbaye reprend vie. Voyage à la découverte de Lagrasse et de ses coriaces chanoines.

    Quand on parvient à Lagrasse, on est mis en condition. Sur l’autoroute, on aperçoit l’impressionnante cité de Carcassonne entourée de ses fiers remparts, érigés à la demande de saint Louis au XIIIe siècle et restaurés par Viollet-le-Duc six cents ans plus tard. Puis on emprunte la voie des Corbières, antichambre des montagnes pyrénéennes, avec ses petites vallées encaissées, ses versants brûlés par le soleil en été et, partout, ses vieilles bâtisses en pierres jaunies qui respirent l’histoire. Un peu plus loin, ce sont les châteaux cathares, forteresses exceptionnelles qui semblent tout droit sorties des pics rocheux sur lesquelles elles ont été construites. Dans ce beau pays sauvage et séditieux qui a vu surgir l’hérésie cathare vers 1200 ou encore la célèbre révolte fiscale des vignerons en 1907, se trouve un havre de paix : Lagrasse. Comme beaucoup d’autres villages de la région, la commune peut se targuer de protéger des maisons du XIVe et du XVe siècle classées aux Monuments historiques, un vieux pont dont les soubassements datent de 1300 ou encore une halle de marché initialement aménagée en 1315. Mais le village dispose d’un plus unique : une abbaye dynamique qui rayonne sur toute la région.

    Partir de zéro

    L’abbaye de Lagrasse, c’est 35 chanoines au service de la vie monastique et de l’apostolat. C’est un lieu de retraite et de méditation théologique, mais aussi une zone de production avec ses vergers qui rendent le monastère relativement autosuffisant. C’est une vieille aventure, débutée au VIIIe siècle au moins (voir notre encadré) et relancée en 2004, lorsque les Chanoines réguliers de la Mère de Dieu, qui suivent la règle de saint Augustin, s’installent dans ses murs. à l’époque, l’endroit n’avait plus été habité depuis quinze ans et tout était à refaire. « Il n’y avait pas d’eau courante, les circuits électriques étaient délabrés et les toitures fuyaient », se souvient l’un des habitants de Lagrasse. Animés par la foi et la volonté, les chanoines s’attellent à la tâche mais ils passent leur premier hiver sans chauffage. Leur histoire se répand dans toute la France et les dons affluent. Des entreprises comme Lafarge livrent du ciment à l’abbaye. Contemplatifs et célébrants, les abbés se font aussi ouvriers. Quand les réfections sont trop spécialisées, des entreprises locales sont mandatées. Des bénévoles aident quand ils le peuvent à refaire la vieille toiture en tuiles. L’abbaye reprend vie.

    Un département pas content

    Dès 2006, le prieuré peut accueillir des retraitants. Et les chanoines peuvent enfin manger au chaud – et en silence – dans l’immense salle de réfectoire, au son de la lecture des Actes des Apôtres, de textes philosophiques du XXe siècle ou de réflexions relevées dans des journaux comme… Politique magazine ! Dans la région, ces premières années sont marquées par le retour d’une population curieuse, qui se prend à apprécier la messe chantée à Lagrasse. L’office public est aujourd’hui assuré tous les jours. Très demandés, les chanoines parcourent le pays, de pèlerinages en vacances « scouts ». On les retrouve avec des familles sur les sables du Mont Saint-Michel ou avec des jeunes catholiques sur les pentes enneigées des Alpes. Tout le monde est content… ou presque. Car la revivification de Lagrasse n’est pas acceptée par des cénacles locaux. « A notre arrivée, nous n’avons pas été très bien vus par certaines autorités », souffle calmement le père Théophane. à la mairie de Lagrasse, on a plutôt tendance à se féliciter de la dynamisation inespérée de la commune. Mais au conseil départemental très socialiste de l’Aude, propriétaire d’une partie des murs depuis décembre 2004, on grince des dents. Et on joue à faire concurrence à l’activité monacale par murs interposés. Inexistant sur les lieux à l’arrivée des chanoines, le département a par la suite entrepris de vastes travaux destinés à recevoir du public pour des visites guidées dans la partie lui appartenant. Il a également installé un « café littéraire » et une librairie au nom évocateur : « Le nom de l’homme ». Dans le pays de la croisade papale contre le catharisme, on cherche aujourd’hui à contrarier les paisibles Chanoines réguliers de la Mère de Dieu… Tout un symbole. Mais la sauce a du mal à prendre. Les jeunes ne se pressent pas aux dites « discussions philosophiques » organisées par le département tandis que les moines n’hésitent pas à faire découvrir le christianisme aux touristes, trop heureux d’apprendre que l’abbaye respire encore. Les chanoines ont décidément la peau dure… 

    L’histoire de l’abbaye de Lagrasse ? Si vous voulez la lire, cliquez sur Lire la suite.

    Douze siècles d’histoire


    L’histoire de l’abbaye de Lagrasse remonte au moins au VIIIe siècle. Un acte daté de 779, conservé aux archives départementales, en fait mention : Charlemagne accorde à la future abbaye sa protection. Selon la légende, l’empereur aurait voulu donner à des ermites chrétiens vivant dans une grotte alentour un monastère digne de ce nom. En dépit de quelques recherches effectuées par des chanoines en 2006, l’ancien sanctuaire supposé n’a pas été trouvé. Très vite, les dons des seigneurs locaux et de la population donnent à l’abbaye une influence importante. Celle-ci administrera dans le sud languedocien des terres, des villages, des châteaux et des monastères. à l’époque de l’hérésie cathare, qui voit l’émergence d’un mouvement politico-religieux indépendant dans la région, durement réprimé par une croisade réclamée par le Pape, les abbés de Lagrasse servent d’intermédiaire, obtenant par exemple la soumission pacifique de la cité de Carcassonne en 1226. Dans les deux siècles qui suivent, le dynamisme de l’abbaye ne se dément pas, en dépit d’une épidémie de peste qui décime le village en 1348. Au XVIe et XVIIe siècle, on édifie un clocher de 80 mètres de haut et on entreprend la construction du cloître actuel. à la Révolution, l’abbaye est saccagée et les 14 moines encore présents sont chassés des lieux. Elle est alors scindée en deux lots, puis vendue aux enchères en 1796 comme bien national. Cette division demeure encore de nos jours. La partie publique, dynamisée ces dernières années, a été rachetée par le conseil général de l’Aude en décembre 2004 ; auparavant, elle appartenait aux Œuvres sociales des médaillés militaires, qui y ont tenu un orphelinat tout au long du XXe siècle. La partie dévolue à la vie monastique a longtemps été le siège d’une congrégation de religieuses qui se dédiaient aux vieillards, avant d’être inoccupée à partir de 1990. Jusqu’à l’arrivée des Chanoines réguliers de la Mère de Dieu en 2004.

     

  • SOCIETE • Terrorisme : prions pour Paris ?

     

    Thibaut Picard Destelan, dans Causeur : « Face à l’horreur, mieux vaut méditer que jouir sans entraves » - D'intéressantes réflexions dont on peut débattre ... 

    Quelle belle tirade que celle de Michel Hazanavicius dans Première ! « Baiser, rire, manger, baiser, boire, lire, baiser, discuter, manger, argumenter, peindre, baiser, lire, baiser, s’engueuler, dormir, regarder des films, mais surtout baiser, et éventuellement se taper une joyeuse petite branlette ». Voilà ce qui, selon le réalisateur définirait la belle spécificité du Français… ce qui est sensé lui apporter la victoire ! Certes on y reconnaît le style satirique de celui qui nous a fait rire de la franchouillardise dans OSS 117, mais le sourire (jaune) qu’arrache cette harangue est loin des esclaffements gaulois si chers à Hubert Bonnisseur de La Bath.

    Au fond, cette sortie est bien triste, car elle révèle à quel point nos libertés conquises sont devenues des plaisirs qui s’imposent sans désir ni doute : elles sont l’algorithme à entrer dans le robot « French 2.0.15 ». Juxtaposer la sexualité débridée et l’apéritif en terrasse, c’est admettre notre abrutissement face à nos instincts : manger, boire, jouir ! Pourquoi ne pas plutôt justifier d’un réel art de vivre qui s’exprime par la manière, toujours française, de rendre beau ce qui est nécessaire : de ne pas manger mais prendre un repas – de préférence cuisiné avec soin, de ne pas boire mais déguster un vin, de ne pas s’habiller mais faire de la mode ? Hazanavicius admet sans y penser que son divertissement n’est pas un but à poursuivre, ni une valeur à défendre mais la fuite inexorable des âmes perdues que Pascal expliquait ainsi : « Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, se sont avisés pour se rendre heureux, de n’y point penser.»

    Aujourd’hui la mort et l’ignorance sont de retour, plus fortes que nos jeux insouciants. Alors quand certains défendent la France à coup de « sortez couverts » et « ce soir on picole », d’autres prennent le temps d’interroger notre « modèle de civilisation » – comme Madeleine de Jessey dans Figarovox. Selon la porte parole de Sens Commun « La culture du seul divertissement et de la consommation sans limites ne satisfait plus personne ». Ce bonheur au rabais que l’on traque et dont Pascal nous dit qu’il est ce que nous nous fuyons dans le divertissement est la cause de notre appauvrissement culturel ; aujourd’hui cristallisé dans notre incapacité à nous réunir sous des bannières plus grandes que les plaisirs individuels. De tout façon, nous avions déjà tété nos plaisirs jusqu’à lie, descendant dans une torpeur qui profitait à nos adversaires.

    Il conviendrait alors d’éveiller nos cœurs à quelque chose de plus grand ; mais avec la peur du terrorisme est venue un refus catégorique de l’idéal, le libertarisme sociétal n’admettant pas que l’homme se meuve pour plus grand que lui. Ainsi, le refus de l’islamisme se change en refus de la religion. D’un côté on dit « pas d’amalgame » entre musulman et islamiste. De l’autre on fait l’amalgame entre islamisme et religion… il faut savoir ! Luc Le Vaillant, dans Libération, se plaint du hashtag #prayforparis qu’il accuse de « faire le jeu du religieux et de ses guerres ». Cela prouve bien l’inculture du personnage. On n’est pas musulman ou chrétien comme on est Samsung ou Apple ! En tant que relation avec Dieu, la religion est un acte personnel : elle fait partie de l’identité du croyant et de la culture des peuples.

    C’est pourquoi la laïcité ne doit pas être une religion comme les autres ; sinon elle se fera marginaliser par l’islamisme, de la même manière qu’elle a marginalisé la chrétienté. Pour être plus forte, la France doit, au contraire, faire la paix avec son passé. Daech, lui ne l’a pas oublié puisqu’il n’a pas attaqué l’« incroyance festive » que défend Libération, mais « celle qui porte la bannière de la croix », « les croisés » (cf. communiqué EI du 14 novembre). Accepter #prayforparis c’est admettre l’existence indéniable d’un héritage religieux dans la culture occidentale, et opposer cette barrière aux assauts de Daech – qui prend d’ailleurs soin de détruire les œuvres d’art partout où il en rencontre, comme s’il ne pouvait supporter la bravade de la beauté.

    Nous devons retrouver notre histoire et nous nourrir de tout ce qu’elle contient de contradictoire avec l’islamisme : des trésors de notre culture tellement plus fort que ce que défend le libertaire individualiste ! La chevalerie, les cathédrales, la renaissance sont des pages de l’histoire certes moins médiatiques que la révolution où la résistance, mais elles portent aussi en elles un fragment de ce que sont les Français. Des protecteurs et non des brutes, des pèlerins et non des conquérants, des chercheurs ardents de la vérité dont l’histoire – à la beauté trop méconnue – chante les louanges aux oreilles sourdes et ivres du jouisseur parisien.

    Il ne s’agit pas de se bâtir une histoire de propagande mais de retrouver dans nos mémoires si tristement sélectives ce qu’il y reste de fierté. Il est par exemple de bon ton de qualifier le terroriste de moyenâgeuxnec plus ultra de l’insulte dans notre monde de progrès. Quelle offense faite à mille années de notre histoire ! Natacha Polony disait quelques jours avant les attentats : « Il s’est passé [en France] un moment de la conscience humaine ». Si l’on refuse de l’admettre, si l’on ne trouve rien d’autre à défendre que la clownerie moribonde de nos divertissements, alors nous avons déjà perdu.  

  • Des « Républicains », très relativement républicains ... Conclusion ? La contestation est partout !

     

    Identité. Comment faire aimer la France ? Par Sébastien Pilard et Anne Lorne

    Lui est président de Sens commun et secrétaire général des Républicains au comité des entrepreneurs; Elle est déléguée de Sens commun pour le Sud-Est et la région Rhône-Alpes,  et de plus secrétaire nationale des Républicains pour la petite enfance. Ils ont publié sous ce titre et sous leur double signature le texte qui suit dans Valeurs actuelles du 23 juillet. Un texte dont l'essentiel est pour pointer l'insuffisance des valeurs républicaines, les relativiser, leur préférer la notion d'héritage national, de patrimoine culturel et charnel qui en sont, au fond, l'opposé ! Il y a, dans cette réflexion, peu de lignes que nous ne pourrions pas signer, même si nous ne méconnaissons pas ce qui peut les inspirer d'habitudes et de sens électoral. Mais ce qui est dit est dit. La relativisation de la République et de ses valeurs supposées s'installe - volens, nolens - dans tous les milieux. Y compris chez ceux qui ont curieusement choisi de s'appeler « Républicains ». Sur la cause des dérives qui sont leur souci fort justifié, comme sur l'éventuel remède (le Roi manquant), nous les renvoyons - avec toute la cordialité qu'appelle la part de sincérité qui est la leur et la pertinence de leur propos - aux déclarations de leur collègue socialiste, Emmanuel Macron, actuel ministre de l'économie du gouvernement Valls, sous présidence - malmenée par lui - du triste François Hollande.  LFAR

     

    IMG.jpgDire qu'il faut transmettre les valeurs de la République, c'est trop faible : il faut transmettre l'amour de la France, expliquait Jean-Pierre Chevènement au Figaro, quelques semaines après les tueries qui ont embrasé la France au mois de janvier. Un message clair qui s'adresse à tous et qui brise le discours ambiant stigmatisant telle ou telle religion.

    De fait, nous restons prisonniers d'une vision désincarnée de la France, où l'adhésion à des principes abstraits remplace l'attachement qui nous lie à une terre, une histoire, des hommes et un mode de vie. Les valeurs de la République, pour autant que l'on puisse s'accorder sur leur contenu, ne comporteront jamais un degré d'attraction suffisant pour épouser tous les ressorts de la personnalité humaine. Elles s'adressent à la raison et non au coeur, elles dictent une conduite morale mais n'enracinent pas les personnes dans une histoire faite d'aventures, de défaites et de renaissances. Elles ne proposent, enfin, aucune figure de héros qui puisse constituer un modèle à imiter. Pour importantes qu'elles puissent être, les valeurs de la République ne sauraient remplacer la transmission d'un patrimoine culturel et charnel qui nous constitue dans notre identité et nous rassemble dans un même amour partagé.

    C'est pourquoi l'amour de la France constitue le meilleur rempart contre le multiculturalisme qui gangrène la communauté nationale et contre la déculturation qui touche tous les nationaux. Enraciner les gens dans une histoire, c'est les aider à être pleinement ce qu'ils sont et leur permettre de prendre conscience d'une identité qui n'existe souvent que dans les replis inconscients d'une mémoire collective. C'est les élever au-dessus de la société de consommation qui ne concerne que les besoins immédiats de l'homme pour s'adresser à leur âme. C'est passer du registre de l'avoir à celui de l'être, de la froideur des rapports économiques à la chaleur de l'amour patriotique. Amour qui génère une véritable "amitié française", source du partage et de la fraternité, qui faisait dire à Jaurès : « La patrie est — pour le démuni — son seul bien. »

    Or, nous vivons une crise de la transmission, dont les causes majeures sont sans doute multiples. D'abord, un rapport conflictuel à notre propre histoire auquel s'ajoute une conception erronée de la liberté, voyant dans la transmission d'une culture une violence faite au libre arbitre des individus. Également en cause, le poids d'une vision conquérante de la laïcité qui ne se restreint pas à séparer religion et politique, ce qui serait parfaitement légitime, mais prohibe en réalité tout héritage religieux à caractère culturel dans l'espace public. S'ajoute à cela le dénigrement des attributs de notre fierté nationale, les difficultés de la maîtrise de notre langue, notre industrie sacrifiée aux fonds étrangers, nos emblèmes sportifs ligotés au nom de puissances étrangères, nos jardins historiques meublés de "vagins géants"...

    Se réconcilier avec son histoire et réhabiliter la transmission sont donc les clés d'un réenchantement des Français. Clés auxquelles il faut ajouter le retour à une conception apaisée de la laïcité qui ne fasse plus obstacle à une affirmation sereine de son identité. L'État détient, à ce titre, un rôle clé dans la mesure où il est le gardien de la mémoire nationale. C'est à lui qu'incombe la tâche d'assurer la cohésion de tous autour d'une même identité partagée et vivifiée. Dans son discours à la Sorbonne en1882, Ernest Renan affirme qu' « une nation est une âme, un principe spirituel », constitué par « la possession en commun d'un riche legs de souvenirs » ainsi que par « la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis », ce qu'il appelle le « plébiscite de tous les jours ». C'est donc à l'État de vérifier que la nationalité française ne soit ouverte qu'à ceux qui souhaitent faire valoir l'héritage qu'ils ont acquis dans leur pays d'accueil. C'est aussi à l'État de veiller à ce que les nationaux ne soient pas déculturés sous l'effet d'une globalisation culturelle qui standardise et uniformise les réalités, jusqu'à leur faire perdre leur âme. Si l'État subsidiaire doit garantir un cadre, il appartient avant tout à la famille et aux corps intermédiaires de vivifier de l'intérieur la nation, en enseignant à ses héritiers qu'ils seront toujours des débiteurs insolvables à son égard, nourris qu'ils furent de sa langue et de sa culture ; « le patriotisme n'est pas seulement l'amour du sol, c'est l'amour du passé, c'est le respect des générations qui nous ont précédés », disait Fustel de Coulanges. Cela passe par des attitudes plus encore que par des mots. Oui, la famille doit être ce premier écrin de l'amour patriotique, l'école permettant d'enraciner dans la raison cet amour.

    Le paradoxe est là. Il faut redonner confiance aux Français dans leur avenir. Et pour que "vive la France", il y a une priorité, leur redonner quelque chose à aimer : "aimer la France".

     

  • Mathieu Bock-Côté : « Macron, c'est la globalisation et le gauchisme culturel »

     

    Par Mathieu Bock-Côté 

    Figarovox résume ainsi cette chronique [22.02] : « Le macronisme est une synthèse de tout ce dont la France veut s'extirper, estime Mathieu Bock-Côté. Pour le sociologue, "  le mondialisme à outrance et le gauchisme culturel sont en contradiction avec les aspirations qui viennent des profondeurs du pays "». Il y a plus de deux ans qu'article après article, lus dans Le Figaro, Causeur, ou les médias québécois auxquels il collabore,  nous avons mesuré et signalé la proximité des analyses de Mathieu Bock-Côté, de sa pensée profonde, avec les nôtres, celles de notre tradition, de notre école. Et ce tant dans leur fond - le corpus doctrinal qui les sous-tend, que dans leur appréciation des faits d'actualité, de la situation française et européenne en tant que telles, dont Mathieu Bock-Côté a une parfaite connaissance.  Cette analyse du phénomène Macron dit ici, en profondeur, tout l'essentiel.   Lafautearousseau      

     

    1985674552.3.jpgLa victoire de Benoît Hamon a d'ailleurs confirmé la validité des caricatures les plus sévères du Parti socialiste, comme si ce dernier, à défaut de se maintenir au pouvoir, se repliait sur sa base la plus étroite, en contemplant dans l'entre-soi militant une utopie régressive. On s'imaginait donc Macron s'imposer au premier tour en laissant de côté une gauche folklorique et en recevant l'appui de cette frange de la droite étrangère au conservatisme, déçue de l'échec d'Alain Juppé. Ce néo-giscardisme annonçant une France enfin heureuse dans la mondialisation car libérée du souvenir de sa gloire perdue n'était pourtant pas étranger au fameux programme de Terra-Nova, prétendant rassembler en une même coalition la France prospère des métropoles et celle des banlieues.

    Se présentant avec culot comme un candidat antisystème alors qu'il était adoubé par les grands médias, et promettant une révolution sans prendre la peine de donner le programme l'accompagnant, Emmanuel Macron s'est revendiqué d'une pensée complexe, faisant éclater les clivages, alors qu'il ne fait qu'assumer une forme de mondialisme correspondant aux nouveaux clivages engendrés par notre époque. Ses appels répétés à l'innovation, son style à la fois prophétique et managérial, son usage revendiqué de l'anglais pour s'adresser aux Européens, reflète bien la psychologie des élites mondialisées qui réduisent la politique à un exercice d'adaptation à un monde en mutation. On assistait à la grande revanche des élites mondialisées ! On aurait tort, pourtant, de ne pas voir son flirt de plus en plus poussé avec la gauche idéologique.

    Le fondateur d'En marche, on le sait, a d'abord décrété l'inexistence de la culture française. Mais ce qui peut sembler une aberration effrayante aux yeux du commun des mortels est conforme à la vulgate universitaire qui au nom du pluralisme identitaire, fait éclater toute référence possible à la nation. Il n'y a plus d'identité culturelle partagée et d'œuvres exemplaires témoignant du génie d'une civilisation : il n'y a plus qu'un no man's land juridique. L'histoire de France ne raconte plus l'histoire d'une nation mais celle d'une population qu'on ne saurait unifier sans faire violence à sa diversité. À quoi intégrer les immigrés, si la France n'est plus qu'un grand vide ? Qu'est-ce que les voyageurs du monde entier viennent chercher en France, si elle n'existe pas ?

    Macron s'est aussi permis de nazifier implicitement l'histoire de la colonisation, en l'associant à un crime contre l'humanité. Rares sont ceux qui aujourd'hui, entretiennent une mémoire heureuse de la colonisation, ce qui se comprend. La fameuse pensée complexe est rarement revendiquée en la matière. Mais si plusieurs intellectuels s'étaient déjà permis cette simplification grossière de l'histoire coloniale, aucun homme politique ne s'était permis une formule aussi brutale, qui heurte non seulement de grands pans de la population mais aussi le simple bon sens historique, comme si chaque expérience négative devait être rabattue sur celle des grands crimes du vingtième siècle.

    Plusieurs se sont demandés s'il s'agissait simplement d'une stratégie pour gagner le vote des banlieues. L'immigration massive a constitué dans les banlieues une population qui se sent étrangère à la France et qui répond favorablement à ceux qui entretiennent cette identité victimaire, d'autant qu'elle est cultivée par une mouvance islamiste qui s'oppose à toute forme d'assimilation. Macron avait déjà invité la France à assumer sa part de responsabilité après les attentats de novembre 2015, comme si elle était finalement coupable des crimes dont elle était victime. Chose certaine, il adhère sans état d'âme au multiculturalisme. On peut croire aussi que Macron, au-delà de tout calcul, a témoigné de l'état d'esprit d'une jeunesse qui ne comprend tout simplement plus l'histoire occidentale autrement que dans le langage de la repentance.

    Macron a aussi embrassé les grandes revendications sociétales qui sont aujourd'hui jugées comme des symboles de progrès pour les différentes minorités dans lesquelles la gauche croit trouver les nouvelles catégories sociales à émanciper. C'est une forme de libéralisme sociétal décomplexé qui prétend toujours étendre les droits de l'individu en le détachant de tout ancrage anthropologique. On chante la souveraineté de l'individu : à terme, il devrait pouvoir circuler librement à travers le monde en connaissant autant de mues identitaires qu'il le voudra, comme s'il n'était rien d'autre qu'un nomade flottant dans un monde sans le moindre point fixe. Le libéralisme sociétal et le gauchisme culturel, lorsqu'ils s'accouplent, dynamitent toute forme d'appartenance héritée.

    On ne saurait jouer au devin et annoncer qui remportera la présidentielle de 2017. Mais une chose semble à peu près certaine : c'est une forte poussée conservatrice qui s'est fait sentir en France depuis près de cinq ans, et pour peu qu'on s'intéresse à ses origines intellectuelles et politiques, on constatera qu'elle s'enracine dans un malaise par rapport à l'hypermodernité qui s'est déployé sur près de deux décennies. Le macronisme semble être une synthèse de tout ce dont la France veut s'extirper. Le mondialisme à outrance et le gauchisme culturel sont en contradiction avec les aspirations qui semblent venir des profondeurs du pays. Pour cela, certains voient déjà la candidature de Macron se désintégrer. Ce n'est pas inimaginable. Il serait étrange que la France reconnaisse un sauveur dans un homme qui finalement, semble la dédaigner.  

    « Le libéralisme sociétal et le gauchisme culturel, lorsqu'ils s'accouplent, dynamitent toute forme d'appartenance héritée. »

    Mathieu Bock-Côté

    4047151000.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Mathieu Bock-Côté : ce que révèle le discours de Macron à Marseille

     

    Par Mathieu Bock-Côté           

    Mathieu Bock-Côté expose ici [Figarovox, 4.04] comment, en égrenant l'origine des citoyens venus à son meeting, Emmanuel Macron a dévoilé sa vision idéologique multiculturaliste. Macron est toutefois donné favori à l'élection présidentielle et de ce seul fait, bien qu'il ne soit pas dans notre rôle de donner quelque consigne de vote que ce soit, chacun de nos lecteurs étant assez grand pour en décider, s'opposer à Emmanuel Macron au titre de notre patriotisme, de notre identité menacée et de notre héritage, nous paraît aller de soi, constituer une sorte d'impératif.   Lafautearousseau

     

    1985674552.3.jpgC'est la grande prouesse d'Emmanuel Macron depuis le début de cette campagne présidentielle: il arrive à se faire passer pour un candidat post-idéologique, réconciliant les contraires et faisant éclater les vieux clivages qui étoufferaient la vie politique française. Loin des passions idéologiques, il délivrerait un pays otage des extrêmes et de leurs fantasmes. Il se veut de gauche et de droite, sans être ni à gauche ni à droite. Il confesse par coquetterie une nostalgie monarchiste tout en se voulant le chantre de la modernité la plus radicale. Il applique cette logique à presque tous les enjeux, au point où sa candidature devient l'objet de récurrentes moqueries, comme si le macronisme n'était qu'un hollandisme revampé et relooké, carburant essentiellement à l'art de la synthèse bancale, au point de rassembler sur sa barque bien des éclopés de la politique française des dernières décennies, qu'ils soient communistes, ultralibéraux ou chiraquiens.

    Il y a pourtant un noyau idéologique du macronisme, à tout le moins lorsqu'émerge la question identitaire, dont on ne saurait contester l'importance vitale pour notre temps. Et il s'agit du multiculturalisme, que le candidat fait semblant de dénoncer alors qu'il en embrasse la logique. Ce n'est pas surprenant: l'adhésion à l'idéal diversitaire est la marque distinctive du progressisme contemporain. On le sait depuis quelques semaines déjà, il n'y a pas pour Emmanuel Macron de culture française. L'art français ne semble pas lui dire grand-chose non plus. En fait, la culture française ne serait qu'un communautarisme parmi d'autres dans un univers soumis à la loi du multiple. Et on ne voit pas pourquoi ce communautarisme surplomberait les autres et se poserait comme culture de convergence. La déclaration est tellement grosse qu'elle colle à sa candidature depuis. Comment ne pas y voir une représentation presque caricaturale de l'hostilité profonde des élites mondialisées aux nations ?

    À Marseille, Macron en a rajouté. L'homme qui confond manifestement la vocifération avec l'éloquence a terminé son discours en égrenant l'origine des citoyens présents dans la salle, comme s'il avait le souci de n'en oublier aucune. Maliens, Sénégalais, Ivoiriens, Marocains, Tunisiens et bien d'autres: tous étaient convoqués, dans une étonnante célébration d'une république renvoyant chacun à ses origines, ce qui est radicalement contradictoire avec le principe assimilationniste qui invitait chacun à se fondre dans la nation. La nation selon Macron se définit plutôt comme un rassemblement de communautés cohabitant grâce à la magie sémantique du « vivre-ensemble ». On se demandera quelle est la place, dans cette mosaïque, des Français que faute de mieux, on dira « d'origine française » - à moins que ce terme aussi ne fasse scandale. De quelle histoire sont-ils les héritiers et quelle origine peuvent-ils revendiquer ?

    On retrouvait là le dogme fondamental de l'orthodoxie multiculturaliste : nous sommes tous des immigrants. La trame fondamentale d'un pays serait d'abord celle des vagues d'immigration l'ayant constitué. Faut-il arracher la France à son histoire pour la rendre inclusive ? Ne risque-t-on pas ainsi de radicaliser le sentiment de dépossession de bien des Français qui craignent de devenir étrangers chez eux et qui ne voient pas trop pourquoi ils devraient s'en réjouir ? L'angoisse identitaire n'est pas un fantasme régressif, à moins qu'on ne considère que le besoin d'enracinement et de continuité historique relève des pathologies politiques à combattre au nom de l'émancipation. L'histoire du monde serait celle d'une perpétuelle migration et la fixation de certaines populations sur certains territoires serait à la fois arbitraire et provisoire. Un peuple n'aurait pas le droit de vouloir se sentir chez lui: ce sentiment relèverait de l'extrême-droite.

    Poursuivons le décryptage de la logique macronienne : Marseille serait une ville modèle parce qu'elle serait une ville-monde, dont l'histoire serait finalement étrangère, ou du moins distincte, de celle de la nation française. D'ailleurs, dans la philosophie multiculturaliste, la métropole est appelée à se substituer à l'État-nation, une tendance qu'encourage aussi la mondialisation avec laquelle Emmanuel Macron entretient un rapport quasi-euphorique. La philosophie du candidat Macron converge à bien des égards avec celle qui traverse l'Histoire mondiale de la France pilotée par Patrick Boucheron. À tout le moins, la grande ville mondialisée serait un meilleur cadre pour chanter la diversité heureuse que la nation, otage souvent de populations ancrées dans des schèmes culturels dépassés - c'est la fameuse France périphérique qui se reconnaît bien peu dans le candidat Macron, alors qu'il est célébré dans la France mondialisée. Cette grande ville célébrant la diversité serait appelée à s'extraire du cadre national - on a vu cette tentation s'exprimer à Londres et à Paris au moment du Brexit.

    Macron suscite le même enthousiasme médiatique qu'Alain Juppé du temps où ce dernier était célébré par les rédactions au nom de sa philosophie de l'identité heureuse, même si nous sommes passés de la célébration du père rassembleur à celle du jeune leader dynamique. Il s'agit chaque fois d'expliquer aux peuples en général et aux Français en particulier qu'ils ont tort de s'inquiéter de la dissolution de leur patrie et de leur civilisation et qu'il leur suffit de s'adapter à la nouvelle époque de bonne foi pour voir leurs craintes se dissiper. Il n'est pas certain que si cette élection se transformait en référendum sur l'avenir de la nation française, la philosophie d'Emmanuel Macron serait majoritaire dans les urnes. De là l'importance pour le système médiatique de centrer pour encore quelques semaines son attention sur les «affaires», pour détourner l'élection des véritables enjeux qui devraient mobiliser la population.  

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • A lire ? Antigone, Mauriac ou Edouard Louis : qu'est-ce qu'un rebelle ? L'analyse d'Eugénie Bastié pour Figarovox*

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    Une anthologie publiée au CNRS regroupe les textes des « rebelles » qui ont fait l'histoire. Eugénie Bastié l'a lue et rappelle que la subversion n'est pas toujours où l'on croit.

    En août dernier, Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie annulaient avec fracas dans les colonnes de Libération leur venue aux rendez-vous de l'histoire de Blois qui avaient pour thème «Les rebelles», au motif de la présence du «réactionnaire» Marcel Gauchet. Ils expliquaient ainsi leur acte de résistance dans une interview aux Inrocks: «Un rebelle est forcément progressiste, il met en question un ordre donné pour plus de désordre et plus de liberté.», ce qui n'était pas le cas de Marcel Gauchet qui avait osé contester la remise en cause de la filiation induite par le «mariage pour tous».

    Cette vision de la rébellion comme une brise qui rejoint le souffle de l'histoire aurait fait le bonheur de Philippe Muray. Lui qui écrivait: «Le nouveau rebelle est très facile à identifier: c'est celui qui dit oui. Oui à Delanoë. Oui aux initiatives qui vont dans le bon sens, aux marchés bio, au tramway nommé désert, aux haltes-garderies, au camp du progrès, aux quartiers qui avancent. Oui à tout.»

    Si les rebellocrates sont faciles à identifier, les rebelles authentiques le sont moins. C'est pourtant le pari qu'a relevé l'anthologie éditée au CNRS sous la direction de Jean-Noël Jeanneney et Grégoire Kauffman intitulée Les rebelles.

    Qu'est-ce qu'un rebelle? C'est, nous dit Jeanneney, celui qui parvient à «secouer la conviction de l'inéluctable et à restituer la plein intensité d'une liberté en face de tous les conservatismes et de toutes les oppressions». De Jean-Jaurès au marquis de Sade, de Voltaire à Bernanos, en passant par Proudhon et Chateaubriand, cette anthologie nous fait voyager de textes en manifestes, de poètes en historiens, dans le pays de la révolte, dont on s'aperçoit -chose étrange- que la gauche n'a pas toujours eu le monopole.

    Ici trônent les grands classiques, les rebelles officiels qui peuplent les manuels d'histoire et les discours de commémoration. Leurs dépouilles reposent sagement sous les dalles froides du Panthéon et leurs exploits sont enseignés dans les écoles: Hugo qui se bat contre l'esclavage ; Voltaire prônant la tolérance lors de l'affaire Calas: Sartre qui fustige la torture en Algérie.

    Moins connus sont les rebelles radicaux. Les purs, les révolutionnaires, les jusque-boutistes. Ceux qui «posent les questions jusqu'au bout». Les nihilistes qui proclament «ni Dieu ni maitre», Louise-Michel qui crie «Vive la commune!» et Proudhon qui écrit «A bas l'autorité!». Brulante rage de l'anarchisme, révolte pure, garantie sans conservatismes, qui a pour elle le mérite de la cohérence, et qui assume les conséquences de son «non» irréductible dans le sang des baïonnettes.

    Les rebelles réactionnaires

    Et puis il y a carrément les rebelles réactionnaires. Ils n'ont pas les cheveux gras de Benjamin Biolay, ni l'insolence périmée de Canal plus. Mais ils ont l'intransigeance, et ce goût suranné pour l'antique morale qui leur fait refuser la modernité et son cortège de totalitarismes. Parmi eux, on trouve les solitaires de Port- Royal, ces Jansénistes qui défendent les droits de la conscience individuelle contre la raison d'Etat, mais aussi les contre-révolutionnaires (De Maistre, Bonald, Maurras) qui se dressent contre l'irréversibilité de l'histoire, ou encore les résistants qui refusent la fatalité de la défaite.

    Dans cette procession, marche, surprenante, la silhouette de François Mauriac. Oui Mauriac, le prélat du Figaro, le bourgeois de province, la grenouille de bénitier, l'académicien! On entend déjà les cris de nos rebelles appointés: Aymeric Caron s'étouffe de rage et Edwy Plenel ricane dans sa moustache. Pourtant, si la culture conservatrice de l'écrivain n'avait rien de révolutionnaire, elle fut le terreau de sa dénonciation de l'argent criminel, des «requins», et sa promotion des valeurs du père de famille contre les valeurs de la spéculation. Mauriac, qui fait l'éloge critique de la bourgeoisie enracinée et met en garde contre l'aveuglement révolutionnaire: «Nous croyons en l'homme ; nous croyons avec tous nos moralistes que l'homme peut être convaincu et persuadé: même ces bourgeois qui enfouissent des cassettes dans leurs massifs de bégonias» écrit-il dans un des Cahiers noirs.

    «Je ne suis nullement un révolté» disait Bernanos: en ces temps d'hesselisation des esprits, où l'indignation permanente a remplacé l'ancien sens de l'honneur, où la rébellion institutionnelle envahit les plateaux télés, l'auteur des «Grands cimetières sous la lune» nous donne la clef de la rébellion authentique, celle qui ne tombe pas dans le romantisme à la petite semaine des insolents médiatiques.

    Le rebelle n'est pas celui qui dit «oui à tout» et fait avancer la marche du Progrès. Mais celui qui dit non, «les dents serrées, le regard lointain». C'est Kaliayev qui refuse dans Les justes de lancer sa bombe car il y a des enfants dans la voiture du Grand duc. C'est Antigone, qui gratte de ses petits poings la terre pour recouvrir le cadavre de son frère, envers et contre toutes les lois des hommes.  u

    Sous la direction de Jean-Noël Jeanneney et Grégoire Kauffmann, Les rebelles, CNRS éditions, 608 pages, 29€ 

     

    * FIGARO VOX Vox Societe  Par Eugénie Bastié   

    Eugénie Bastié est journaliste au Figaro. Elle écrit aussi pour le magazine Causeur.

     

  • Le cinéma, quel roman ! Deux romans de la rentrée explorent les coulisses, par Frédéric Rouvillois*

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    « À la fin, les noctambules se retrouvent sur la plage. Les pêcheurs hissent un filet où ne se débat déjà presque plus le monstre marin qu’ils viennent d’attraper. Après avoir longuement contemplé l’oeil glauque de la bête, Marcello entend la voix d’une jeune fille qui l’appelle. Il la connaît, elle incarne l’innocence, la pureté. Séparé d’elle par l’embouchure d’une petite rivière, il feint de ne pas comprendre et rejoint le groupe de fêtards qui l’attend ». La dernière scène de la Dolce Vita laisserait-elle entrevoir le sens véritable du cinéma qui, comme métaphore de la vie moderne, ne serait pas une quête, mais un renoncement -renoncement mélancolique mais sans appel à la pureté et à l’innocence ? C’est ce que suggèrent ces jours-ci deux beaux romans au titre plus jovial que leur contenu, Pas ce soir, Joséphine, d’Éric Alter, et Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, de Christophe Donner.

    Ce dernier s’attaque, sur le mode décidément efficace de la non fiction, à un célébrissime inconnu, Jean-Pierre Rassam, étoile montante puis filante de la production cinématographique française, retrouvé mort à 43 ans au domicile de sa compagne Carole Bouquet. Le voyage au bout de la nuit américaine commence par un suicide – le 31 décembre 1966, celui d’un autre producteur mythique, Raoul Lévy, le découvreur de Brigitte Bardot, qui se tue d’un coup de fusil dans le bas-ventre à la porte, close, de sa maîtresse. Et le voyage se poursuit autour de Rassam, dilettante génial qui, un peu par hasard, parce que sa sœur adorée devient la femme de Claude Berri dont la sœur adorée est devenue la maîtresse de Maurice Pialat, va se lancer dans la production sans trop savoir pourquoi, fort de son goût de la fête, de sa prodigieuse énergie vitale, de son charisme et de l’immense fortune paternelle. « Produire, produire, il adore le mot produire ». Mais il lit à peine les scénarios des films qu’il lance, en condottiere mésopotamien, à la face d’une France qui s’ennuie. Pialat et Nous ne vieillirons pas ensemble, Jean Yanne, dont il produit Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (énorme succès) puis Les Chinois à Paris (énorme four), ou Marco Ferreri et sa Grande bouffe, qui fleure bon la révolution – mais celle du nihilisme. Et puis Godard, Bresson, Polanski. Pourtant, que faire après ça, alors que dans l’hexagone, ce sont les Charlots qui remplissent  les salles obscures ? Joueur compulsif, drogué jusqu’à l’os, Rassam se voit en Napoléon des toiles. Il n’a que trente-trois lorsqu’il tente – pourquoi pas, au fond ?- de mettre la main sur la Gaumont, mais il se fait rafler la mise par son associé, et sombre définitivement. Dans le tunnel de l’échec, de l’ombre et des substances illicites, jusqu’à son suicide un jour de janvier 1985.

    Acteur de seconde zone mais observateur désabusé, le destin de Norman, le narrateur de Pas ce soir Joséphine, n’est pas beaucoup plus guilleret. C’est d’ailleurs lui qui racontait la scène finale de la Dolce Vita, comme un précipité de la sienne. Celle d’un comédien qui attend, dans une grande ville de la Côte d’Azur, le retour de la vedette qui s’est cassé  une dent avant de venir en glissant sur une marche de piscine. Celle d’un type qui tourne en rond -autre façon de voyager au bout de la nuit-, d’une manière qui rappelle irrésistiblement Houellebecq, incontournable prophète de notre époque. Le film où Norman doit jouer est un remake de Certains l’aiment chaud, et  lui-même n’y a qu’un rôle modeste : les filles qu’il rencontre sur le tournage et qui se déshabillent dans sa chambre déclarent qu’il est « un peu célèbre », ce qui achève de le déprimer. «  Si ça continue, je vais devenir un acteur fantôme. Au générique, personne ne saura qui je suis (…). Mon nom fera fureur dans les jeux concours. La question qui me concernera vaudra au moins 1 million d’euros ». Du moins y a-t-il des filles qui se déshabillent dans sa loge : il est juste assez célèbre pour cela. Mais en fait, non, même pas. Et ces amours furtives, si jeunes et jolies soient-elles, ne sont pas grand-chose d’autre qu’un remake : pas étonnant que la plus désirable de ses maîtresses rappelle à un amour de collège, et qu’elle écrive un mémoire de fin d’études sur les fantômes au cinéma. Le miroir aux alouettes n’est pas une promesse de bonheur, ça se saurait, et en fin de compte, chacun repart de son côte essayer de réaliser son propre petit rêve. Comme le Marcello de la Dolce vita, regardant avec un sourire gêné celle qui lui offrait la rédemption avant de hocher la tête, de feindre l’incompréhension, et de tourner les talons pour rejoindre sa bande, vers la nuit.  ♦ 

    Eric Alter, Pas ce soir, Joséphine, Pierre-Guillaume de Roux, 2014

    Christophe Donner, Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, Grasset, 2014 

    * Source : Causeur.fr/le-cinema-quel-roman  

    L'auteur 

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    Frédéric Rouvillois est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

  • A DROITE TOUTE ?

    Pourquoi les jeunes sont passés à droite (une analyse du Figaro)

     

    Par François Marcilhac 

     

    500021990.jpgLe Reich pour mille ans, la société communiste universelle réalisant l’histoire, le village mondial l’abolissant — mais réaliser ou abolir l’histoire n’est-ce pas la même chose, puisque c’est refuser dans l’un et l’autre cas sa dimension tragique ? : les utopies sont destinées à mourir. 

    La première a disparu dans la catastrophe mondiale qu’elle avait engendrée ; la deuxième, qui ne tenait plus que par la rouille de sa propre corruption et de son propre mensonge, s’est effondrée sur elle-même, et déjà, celle qui se vante de lui avoir succédé, se fissure de toutes parts. Le XXIe siècle sera bien celui du retour de l’histoire, ou plus exactement, car elle ne s’est évidemment jamais absentée, celui du retour de la conscience pleine et entière que l’humanité ne peut pas échapper à l’histoire. L’ « Occident » avait inventé l’utopie, qui lui servit de prétexte pour apporter les Lumières à l’humanité et l’y asservir sous prétexte de l’émanciper : le reste du monde, tant qu’il ne put échapper à sa domination matérielle, fit semblant d’y croire. Avec, d’un côté, le reflux colonial, et, de l’autre, la disparition de l’enfer soviétique, le message occidental, dont le matérialisme millénariste s’était substitué à l’eschatologie chrétienne, s’est dissous : les nations ont partout repris leur droit. Les nations européennes sont évidemment les dernières à recouvrer le chemin de l’histoire, sclérosées qu’elle sont encore par cet ersatz d’utopie qu’est l’Union européenne. Mais le défi migratoire, la confrontation avec un islam bien concret, alors que les peuples européens avaient cru pouvoir réduire la religion à l’état d’ectoplasme, ou encore le retour des logiques nationales, dont la Russie donne un solide exemple, tout, aujourd’hui, concourt à ouvrir les yeux des Européens, notamment des Français.

    Dans Le Figaro du 25 septembre dernier, Natacha Polony se demande pourquoi Libé ou Le Monde s’en prennent avec une telle violence à des intellectuels pourtant de gauche qui constatent le retour du refoulé et en prennent acte, sans nécessairement s’en réjouir. Et de juger que « le crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou de quelques autres intellectuels cloués au pilori porte un nom : le souverainisme ». Elle a raison de pointer cette haine du « peuple souverain » de la part d’une France oligarchique de gauche — « le libéralisme est de gauche » a récemment rappelé Emmanuel Macron — qui a toujours méprisé un peuple que le projet européen a l’immense avantage de neutraliser, englué qu’il serait dans ce que la philosophe Chantal Delsol caractérise comme une « idiotie » impardonnable aux yeux des cosmopolites : le désir d’enracinement. Mais il faut comprendre que le mythe du « peuple souverain » n’a été, lui-même, depuis la Révolution, que le mensonge derrière lequel l’oligarchie s’est dissimulée pour priver le pays réel de ses droits réels, le premier de ces droits — et le dernier visé — étant précisément celui de vivre dans une pays libre et souverain, c’est-à-dire indépendant. Il est amusant, à ce titre, que Natacha Polony écrive dans le journal qui n’est que le pendant « de droite » de Libé et du Monde : que je sache, Le Figaro, s’agissant notamment du « non » des Français au traité constitutionnel, a témoigné du même mépris que ses confrères « de gauche » pour le « peuple souverain », un mépris que nous avons le droit de qualifier de classe, les intérêts de l’oligarchie ignorant les frontières tant politiques que nationales.

    Le vrai crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou encore de Christophe Guilluy se penchant sur la France périphérique, est précisément de commencer à s’apercevoir, contre leur propre tradition idéologique, à la faveur notamment, mais pas uniquement, d’une réalité migratoire qu’ils se mettent à interroger, que derrière un peuple souverain conceptuel, hors-sol, existe un peuple de chair, qui s’interroge, qui souffre, voire qui refuse sa disparition programmée. Et qui le traduit dans les urnes. D’autant que, contredisant les fausses niaiseries cosmopolites et renforçant la problématique liée à l’identité française, « l’attitude des migrants est d’autant plus troublante que ceux-ci semblent refuser l’intégration, et même manifester un certain mépris pour la population autochtone », remarque Vincent Tournier, politologue, dans Le Figaro du 24 septembre, commentant un récent sondage (Elabe pour Atlantico) selon lequel 35% des 18-24 ans se positionnent à droite et 17% seulement à gauche. En 2012, les jeunes s’étaient surtout portés sur François Hollande, qui, durant sa campagne, avait fait de la jeunesse la «  priorité  » numéro un de son quinquennat. Il est vrai que, une fois président, il en a été de son amitié pour la jeunesse comme de son inimitié pour la finance : trois ans après son élection, la finance est toujours au pouvoir et la jeunesse toujours au chômage. « Dans le même temps, les crispations sont très fortes au sujet de la place de l’Islam en France et ce n’est pas sans conséquences sur l’attachement aux racines ou à l’héritage judéo-chrétien de la France, davantage revendiqué qu’il y a quelques années », commente pour sa part le politologue Yves-Marie Cann (Atlantico, 23 septembre). Et ce au moment où d’autres intellectuels de l’établissement, comme Pierre Manent, dénoncent l’inanité de la laïcité et des valeurs républicaines pour répondre au défi existentiel auquel nous sommes confrontés.

    Ainsi cette droitisation de la France, voire cette droitisation de la droite, qui touche principalement la jeunesse, doit être analysée comme une lame de fond de la société, destinée à renverser les réflexes pavloviens que l’élite politique, intellectuelle et médiatique croyait définitivement ancrés chez les Français, notamment chez les jeunes qu’on avait pensés, par paresse intellectuelle, surtout depuis 1968, nécessairement de gauche et béatement « ouverts sur le monde » et à toutes les révolutions sociétales — ce qu’a contredit la jeunesse de La Manif pour tous. Parmi les politiciens, Sarkozy a été le premier à le comprendre mais également à trahir l’espérance d’un changement non seulement de discours mais aussi de politique. Car la « droite » n’a plus à offrir que des décennies de trahison morale et intellectuelle au profit d’une gauche conquérante qui l’avait à ses propres yeux ringardisée.

    A nous de révéler la contre-révolution spontanée que le mot maladroit de « droitisation » révèle derrière son masque politicien. Et de la répandre dans toutes les sphères de la société.

    François Marcilhac - L’Action Française 2000

     

  • JEUNESSE • Le camp Maxime Real del Sarte 2015

     

    Par la plume de Charles Horace, les jeunes participants à ce camp en ont donné le compte-rendu qui suit. 

    Du 16 au 23 août derniers s’est déroulée l’édition 2015 du camp Maxime Real del Sarte. Pendant cette semaine intense se sont succédé conférences magistrales, cercles d’études, ateliers pratiques et séances de sport. En conformité avec l’esprit et la doctrine d’Action française, l’accent a été mis sur la formation des militants. Fidèle au mot d’ordre « Politique d’abord ! », elle fut premièrement doctrinale, puisqu’« il n’y a aucune possibilité de restauration de la chose publique sans doctrine » (Charles Maurras). 

    Au cours de plusieurs cercles quotidiens, les jeunes militants, armés de leur livret de camp, ont pu s’initier aux grands thèmes de la doctrine d’Action française (nationalisme intégral, empirisme organisateur, politique naturelle). Doctrine qui, bien entendu, ne pouvait aller sans une initiation aux grands thèmes éclairant l’actualité. Les thèmes abordées furent variés : de la question de l’enseignement (école, syndicalisme étudiant) à celle de la nature de l’homme et de sa place dans le monde (anthropologie maurrassienne, transhumanisme), en passant par des réflexions institutionnelles (démocratie, Union européenne, monarchie marocaine). Autant de sujets permettant à chacun de disposer d’une base pour comprendre les grandes questions de notre temps.

    Intellectuels et violents

    Aux ateliers théoriques s’ajoutaient des ateliers pratiques, destinés à inculquer techniques et réflexes militants : sécurité de l’information, dialectique, répression, réalisation d’un tract ou d’un visuel, composition d’une banderole, animation et direction de section, être un émetteur crédible sur les réseaux sociaux. De même, suivant la célèbre formule de Charles Maurras, « nous devons être intellectuels et violents », chaque jour, après une journée chargée en conférences, ateliers et cercles de doctrine, une séance de sport (préparation physique et sports collectifs) permettait aux participants de renforcer leur cohésion et de se préparer physiquement à une année qui, n’en doutons pas, sera chargée !

    Un entraînement à l’action

    Les conférences dispensées au cours de cette semaine, et lors de l’université d’été, peuvent, quant à elles, être réparties en trois axes, celui de notre histoire en premier lieu. En effet, comme le remarquait en son temps l’historien grec Polybe, « l’étude de l’histoire constitue l’éducation politique la plus efficace et le meilleur entraînement à l’action ». Stéphane Blanchonnet aborda tout d’abord la question du roman national, afin d’exposer ce que doit être une juste conception de notre histoire, entre le respect de mythes fondateurs et l’analyse positive des faits. Cette histoire, celle de la constitution de la France sous l’impulsion séculaire de la famille capétienne, cette « longue patience » (Régine Pernoud), fut présentée par François Marcillhac, qui en profita pour rappeler les deux constantes de l’oeuvre capétienne : la défense de l’indépendance de la souveraineté française, à l’intérieur comme à l’extérieur. Bernard Lugan s’appuya sur les leçons de l’histoire coloniale de la France afin d’expliquer les problèmes contemporains posés par le multiculturalisme, et l’inconséquence du modèle universaliste. Jean-Louis Harouel a déterminé, quant à lui, les codes génétiques intellectuels de la gauche et de la droite, la première prenant ses origines dans la gnose et le millénarisme, la seconde dans le catholicisme. Le second axe de cette série de conférences se rapportait à l’application pratique, passée et potentielle, de principes défendus par l’Action française. Le protectionnisme fut abordé par Stéphane Blanchonnet à partir de l’étude du colbertisme, mettant l’économie au service du politique. Michel Corcelles aborda quant à lui la question de la décentralisation, et de sa possible utilité stratégique pour le combat royaliste. La question du corporatisme a également été abordée, notamment dans l’optique des nouveaux défis posés par les nouvelles technologies, lors d’une présentation de Philippe Mesnard. Une table ronde, composée de Frédéric Rouvillois, Gérard Leclerc et François Marcillhac, aborda la question de la place de l’État, et de la nécessité de la sacralisation des domaines régaliens, afin que l’État, « fonctionnaire de la nation » (Maurras), puisse servir au bien commun. Une autre table ronde, elle composée de Stéphane Blanchonnet et de Philippe Mesnard, posa la question de la subsidiarité et de la place des corps intermédiaires dans une société décentralisée.

    L’écologie et le royalisme

    Enfin, une part importante des interventions abordèrent les relations entre écologie et royalisme. Ces deux thématiques ont en commun de poser la question du bien commun et de ses implications, ce qu’a démontré Philippe Mesnard, lors de sa conférence sur Napoléon III et l’aménagement du territoire. S’il n’existe pas un seul mode de gestion des ressources ou une solution valable unique à la question écologique, comment, dès lors, concilier protection de la maison commune et bien public ? À nationalisme intégral, écologie intégrale ! Frédéric Rouvillois, dans sa conférence sur ce dernier thème, analysant l’encyclique Laudato si du pape François, arrive à la conclusion de la nécessité d’un arbitre, le roi, afin d’imposer les mesures de long terme qu’imposent ces colossaux enjeux. En effet, lors d’une ultime table ronde, Frédéric Rouvillois et Michel Collin ont souligné que le roi, rattaché au bien commun par sa famille, était plus à même de se sentir membre d’un tout organique, et à le défendre face au rouleau compresseur libéral et productiviste. En somme, passée la dernière conférence présidée par François Bel-Ker, dans laquelle a été présentée la stratégie d’Action française, chacun des participants a pu rentrer dans sa section formé et motivé pour affronter l’année militante qui vient, prêt à royaliser la France comme elle se doit de l’être, chaque jour un peu plus… afin de pouvoir mesurer le chemin accompli lors de l’édition 2016.  Charles Horace