Cultivé Trudeau ? Il n'a pas du lire Claude Lévi-Strauss... Macron non plus. Nous leur conseillons ce qui suit !

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Ce visuel a pour seul objet de marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance. LFAR |
Jusqu’il y a peu, on appelait « prétendant » celui qui aspirait à la main d’une femme – et « soupirant » celui qui en était amoureux. En politique, prétendre à la couronne de France suppose un grand amour pour elle, tant la belle semble lointaine. Semble seulement, car la duègne républicaine qui la tient en tutelle est, aux dires éplorés de ses partisans eux-mêmes, assez mal en point.
N’empêche, la situation de prétendant est aléatoire, incommode, compliquée. Il nous a paru utile, et instructif, de nous pencher sur ses principales caractéristiques, ses inconvénients et avantages tant psychologiques que sociaux, ses chances, ses probabilités, et ses sortes de réussite.
Être prétendant, c’est assumer un fait de naissance qui vous désigne roi virtuel d’un pays, d’un peuple et, de toutes façons, continuateur réel d’une lignée éminente. La virtualité est plus ou moins virtuelle selon le degré de probabilité de la résurgence de la royauté, mais pas seulement. La renommée de la lignée, principal héritage social, donne matière, plus ou moins dense, à cette virtualité. La densité exceptionnelle de l’histoire de la royauté en France, exceptionnelle au point que la désinformation systématique, scolaire et médiatique, n’est pas parvenue à la réduire complètement, confère à l’héritage virtuel un poids réel. Ainsi donc, lorsqu’elle est fondée sur l’impressionnante histoire d’une dynastie millénaire et – phénomène plus exceptionnel encore – continûment nationale, lorsqu’elle est peu ou prou soutenue par un inconscient collectif encore vivace, la prétendance est une fonction fort singulière certes, mais inéluctable, inépuisable, qui coule de source.
Comment la définir ? D’abord par ce qu’elle n’est pas. Elle n’est ni un métier, ni un emploi professionnel reconnu. Ce serait plutôt une activité libérale, non rémunérée, de représentation patrimoniale et de communication politique non institutionnelle, assurée par une sorte de droit coutumier. C’est une fonction de représentation patrimoniale en ce que son détenteur incarne la richesse d’un immense passé et une part de l’imaginaire français. À l’heure du devoir de mémoire et de la quête fervente des ascendants familiaux, c’est une fonction généalogique et invocatrice. Le piège serait de la confiner à celle de gardien de musée, alors que son objectif est de rendre ce passé présent, vivant, attractif et porteur d’avenir. Concrètement, cette fonction consiste, entre autres, à participer à des cérémonies, à honorer des manifestations internationales, nationales, régionales. C’est aussi une fonction de communication politique, originale de par la position de celui qui l’exerce, à la fois à l’écart des jeux politiciens et intimement concerné par la vie et le destin d’un pays auquel peu de dirigeants peuvent s’identifier autant que lui.
Les marges de manœuvre d’un prétendant sont à la fois considérables et très restreintes. Considérables puisque la fonction n’est définie par aucune constitution, réglementation, obligation stricte de résultats. Restreintes parce que la charge d’un legs historique sacralisé – en tout cas vécu comme très précieux -, embarrasse l’initiative. En outre ses partisans comme ses adversaires attendent de l’homme qu’il soit à la hauteur du mythe qu’il incarne ! Ce qui n’est pas une mince affaire…
Même vis-à-vis des royalistes et royalisants, le prince ne détient qu’un certain pouvoir symbolique – et passablement énigmatique – d’influence. Sans eux, il ne peut guère agir ; avec eux seuls, il ne peut réussir. Entre ceux qui, au fond aimeraient l’enfermer dans une sorte de reliquaire et ceux qui le pressent de foncer à tout-va, sa position n’est pas aisée. Mais on n’est pas prétendant pour ses aises ! Fonction, oh combien ingrate et captivante ! Captivante en un double sens : elle tient captif tout en étant passionnante. Captivité due à un fait de naissance auquel le dynaste ne peut (presque) rien, à part se dérober avec lucidité ou embarras. Passion due au fait d’une identité incorrigible, d’une raison d’être sublime, trop peut-être, d’une image de marque exigeante, d’une position sociale bien particulière, à vrai dire tout à fait unique.
Citoyen ordinaire en République, mais pas complètement car tenu à l’œil l’air de rien – et individu extra-ordinaire dans l’imaginaire de ses concitoyens, soient-ils hostiles ou sympathisants, le prétendant pâtit et jouit de cette ambivalence. Car, présentement, la fonction ne comporte pas que des inconvénients. Les bénéfices secondaires, psychologiques et sociaux, ne sont pas minces. Être entouré de fidélités sincères et d’animosités constantes, recevoir quantité de signes de reconnaissances positifs et négatifs, voilà qui est royal ! Son état lui ferme des portes, mais lui en ouvre d’autres, et sans doute davantage. Il est à même, pour peu qu’il le veuille, grâce à ses relations et aux connivences les plus inattendues de la part de gens en principe opposés, de visiter et connaître son pays de fond en comble, ses entreprises, ses laboratoires, ses associations, ses institutions, ses écoles et académies, ses armées…
Quant aux ouvertures sur l’Europe et le grand large, elles sont, pour un capétien, à portée de main. Dans tous les pays où la France, par son histoire, a marqué le destin d’un peuple, ou d’une élite, ou d’une minorité, le prétendant ressent de mystérieuses et troublantes accointances, qui sont le plus souvent parfaitement perçues par les interlocuteurs qu’il y rencontre. Enfin l’identification à une lignée et à une nation riches de drames, de réalisations, de gloires, de mémoires douloureuses ou consolantes, si elle peut être écrasante, est aussi parfaitement exaltante, transcendante. Toute promue qu’elle soit par des actifs historiques, sa fonction s’exerce en pleine actualité. Elle adresse un joyeux pied-de-nez à sa suffisance la modernité. Il faut vivre avec son temps, dit le perroquet. Nous sommes avec le temps, dit le prince. ■
Bernard Lhôte,
« La Prétendance », aux éditions « Compagnie d’Artagnan et Planchet »
Par Pierre Builly
L’esquive d’Abdellatif Kechiche (2004)
Je n'avais pas détesté La graine et le mulet, et l'idée de voir Marivaux en banlieue me semblait être une idée singulière mais admissible. Après tout, pourquoi pas ? Mon âge me donne tout le temps de regarder n'importe quoi, y compris les choses les plus incongrues.
Passé l'agacement de ne pas comprendre une phrase sur deux, phrase hachée, mâchée, grognée, hurlée, aboyée par des gamins qui n'ont avec ma propre manière de s'exprimer qu'une parenté lointaine, je me suis pris au jeu. Je n'ai pas détesté, je n'ai pas méprisé, j'ai même compati devant ces pauvres gamins à qui notre décadence n'offre aucune échappatoire que le football ou le gangsta-rap (sélection autrement plus rigoureuse, au demeurant, que celle des concours des meilleures grandes écoles).
Pauvres petits enfants perdus de nos banlieues, si lointaines et si proches, à qui des professeurs fous furieux et magnifiques essayent d'inculquer un peu de ce bagage qui n'a cessé de s'éparpiller depuis cinquante ou soixante ans sur les routes de l'exploitation mondialiste et de la destruction des identités... Elle est parfaite, cette prof' de Lettres qui croit encore à une sorte de mission sacrée et qui, alors que la barbarie est à la porte essaye de replonger ses chers et pauvres sauvageons dans le raffinement de siècles qui leur sont étrangers... Sauvageons touchants, émouvants, pathétiques même lorsqu'ils ne s'expriment que dans la rage de leur pauvre vocabulaire, même lorsqu'ils ne parlent que de niquer la race de l'autre et que se battre les couilles (même et surtout pour les filles) leur semble être l'ultima ratio de la désinvolture.
Je ne sais pas trop ce qu'il faut faire, là-bas, de l'autre côté du Périphérique : envoyer les gosses se mesurer à Marivaux, dans le raffinement superbe de la fin d'un monde civilisé ou se mettre au niveau de leur sous-culture, leur enseigner les textes de Nique ta mère et de Grand corps malade... Je ne sais pas. Je trouve beau qu'on essaye de leur faire toucher du doigt l'élégance, la sophistication, la perversité subtile, la finesse des grands textes décadents. Beau et désespérant.
Dans une des scènes les plus fortes du film, le professeur (Carole Franck) aborde vraiment le sujet : la détermination sociale. Dans la pièce (et toujours chez Marivaux), les valets ont beau se déguiser en maîtres et les maîtres en valets, ce jeu artificiel d'échange et de surprise ne va pas bien loin : à la fin de la pièce, chacun retrouve son milieu, son territoire, sa race. Dommage que Kechiche, peut-être effaré par la désolation de ce qu'il va dire, s'arrête au bord du précipice, recule à l'idée de désespérer les Francs-Moisins... Et là c’est lui qui esquive. Je songe que Belvaux dans Pas son genre a eu davantage de courage (de rage ?) en montrant la résignation de Jennifer la coiffeuse (Émilie Dequenne) qui n'a pas pu malgré tous ses efforts et son enthousiasme amoureux, marcher au même pas que son Clément le professeur de philosophie (Loïc Corbery) : il y a des choses qui ne se rattrapent pas...
Qu'est-ce qui va se passer après que les gamins auront joué devant les familles assemblées les entrelacs compliqués de l'écriture classique ? Peut-être si Lydia (Sara Forestier) qui semble avoir en elle la rage et la volonté d'aller plus loin, pourra traverser le périph'... Mais les autres resteront confinés dans leur relégation, entre trafics, petits et grands, chômage endémique, puis confinement à la maison, pour les filles, avec trop de mômes à torcher et petits boulots de rien du tout pour les garçons, avec trop de crédits à rembourser...
Et là, Marivaux !... ■
DVD disponible autour de 8 € .
Mercredi soir, Nicolas Dupont-Aignan était l’invité de l’émission « C à vous », sur France 5. Il a reproché au journaliste Patrick Cohen d’être « un cireur de pompes du pouvoir ». Le ton est alors monté et l’animatrice de l’émission a demandé au président de Debout la France de quitter le plateau.
Nicolas Dupont-Aignan s’en est expliqué au micro de Boulevard Voltaire. ■
4 minutes
Cette Europe, c'est l'Europe des Nations, des Traditions, des Cultures : toutes différentes, mais issues de fondamentaux commun, jaillissant d'un même tronc solide et puissant, comme les multiples branches d'un arbre vigoureux qui élance ses branches haut vers le ciel, parce qu'il pousse ses racines profondément dans la Terre...
Vive l'Europe des peuples, non à la semble-Europe de la commission de Bruxelles...
Passez donc 6*31** époustouflantes avec eux ! :
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D’une doctrine mal connue, et plus complexe que son résumé hâtif, beaucoup tirent des admirations et des détestations excessives. Et si l’affirmation que certains biberonneraient à l’antisémitisme dans « les territoires perdus » est polémique en France, c’est une réalité constante du Proche-Orient. Je connais même des généraux libanais qui parlent hébreu et n’ont pas de mots assez durs pour le monde juif. Mais c’est une autre histoire.
Le livre de Jean Pierre Filiu sur Benjamin Netanyahou, Main basse sur Israël, se lit donc en restant sur ses gardes. « L’Orient compliqué » n’a pas gagné en simplicité avec la création de l’État d’Israël et son évolution implique l’intégralité des états voisins. Des implications souvent cachées pour continuer à attirer les plus de 3000 juifs Français qui émigrent vers Israël chaque année.
Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain. Il est peu de dire que nous ne partageons pas la même expérience de la région et que nos vues divergèrent largement sur le sort de la Syrie. Il n’en reste pas moins intéressé de longue date à l’histoire d’Israël et de la Palestine, au point de s’étrangler quand il entendit Benjamin Netanyahou affirmer, le 20 octobre 2015, que la Solution Finale fut susurrée à Hitler des lèvres du Grand Mufti de Palestine [Photo]. S’il y vit les excès électoralistes d’un homme politique roué, il en profita pour disséquer de manière très intéressante les débats à l’œuvre en Israël et auprès de la diaspora juive du monde entier.
Embourbé dans les polémiques contemporaines, le lecteur oublierait vite que cette histoire fut aussi faite de dissensions juives. Les rapports avec la puissance mandataire anglaise des divers partis sionistes furent diamétralement opposés, entre ceux qui collaborèrent avec la Grande-Bretagne et les forces comme l’Irgoun, qui multiplia les attentats en 1938, ou d’autres équipées extrémistes qui allèrent jusqu’à assassiner le ministre résident britannique au Caire en novembre 1944. Pour Jean-Pierre Filiu, la famille Netanyahou s’inscrit clairement dans l’héritage des camps les plus fanatiques, notamment sous la houlette d’un pur et dur, Zeev Jabotinsky. Ce dernier, inventeur d’un courant dit révisionniste, fut très actif auprès de la communauté juive polonaise, dont il était originaire, et milita en faveur de la colonisation de la Transjordanie.
Pour Filiu, « Bibi » Netanyahou est « un alliage de perversité et de médiocrité » qui a utilisé ses années de diplomate aux États-Unis pour forger un réseau international. Pendant les années Reagan, il aurait tourné le dos aux progressistes et transformé l’AIPAC, le lobby américain de la diaspora juive, en organe fanatique. Élu en 1988 à la Knesset, Netanyahou ne reculera devant aucune bassesse et aurait quasiment provoqué l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Il sera élu Premier ministre en mai 1996 pour trois ans avant de revenir à la tête du gouvernement de mars 2009 à aujourd’hui. Jean-Pierre Filiu écrit : « au-delà de la défaite de Pérès, c’est bel et bien le symbole de Rabin et son héritage politique que Netanyahou terrasse en prenant la tête du gouvernement ». Dès lors, Netanyahou appliqua une politique extrémiste. Il négligea ostensiblement un cinquième des habitants d’Israël : les Arabes restés depuis 1948, qu’il décrirait encore comme un ennemi de l’intérieur, une menace existentielle inassimilable car non juive.
Là où Jean-Pierre Filiu n’est plus crédible, c’est quand il crée une manière de nouvel orientalisme, dont le référent ne serait plus une civilisation française arrogante mais les fantasmes de la gauche. En somme, le professeur forge un Israël à la mesure de ses idées comme les Orientalistes fabriquèrent une question d’Orient à la sauce bourguignonne. Ce n’est plus l’exotisme des ruines et des coutumes qui fascine, mais un hypothétique mouvement en faveur des droits de l’homme. La paix d’Israël ? Elle sera rétablie au sortir d’une ouverture à « l’Autre palestinien ». Les liens du Premier ministre avec Viktor Orban et Steve Bannon ? Une tolérance pour les antisémites. Les excuses télévisées de Netanyahou pour son infidélité envers sa femme Sarah ? Une manipulation obscène. La lutte contre l’OLP ? « Une diabolisation incendiaire ». La haine de Netanyahou pour Damas et Téhéran ? Une simple manipulation. Si la politique des Nations orientales souffre de bien des maux, elle est encore épargnée par les interdits du gauchisme français. Pour la plus grande tristesse de Jean-Pierre Filiu. ■
Jean-Pierre Filiu, Main basse sur Israël, Netanyahou et la fin du rêve sioniste, La Découverte, 2019, 215 p., 16 €.
Les intermédiaires humains sont mis en cause, mais les pratiques le sont également, dans une forme de religiosité qui met en avant l’authenticité de la personne et la quête du sens, et renvoie toute ritualité, y compris l’usage de l’arabe coranique pour le projet Simorgh, à l’orthopraxie qu’il réfute.
Dans ce cas, l’allusion (incohérente et inexacte littéralement) du projet Fatima au mutazilisme vise à les protéger de toute accusation d’innovation égarée ou néfaste (bidaa) qui risque de les faire condamner aux yeux des musulmans qui ne relèvent pas de leur clientèle particulière.
Imam canadienne.
La proposition de mosquée islamique est donc un objet complexe qui fait sens dans le cadre global des nouvelles religiosités ou spiritualités.
L’idée qu’il faut nettoyer la source de la foi (ici le Coran) des scories patriarcales se retrouve, sous d’autres formes, dans le New Age. Dans mon terrain péruvien (Sylvie Taussig), je rencontre des « chamans » non natifs qui discréditent les sages locaux au titre que leur savoir est transmis de génération en génération (il est donc devenu l’équivalent de la « lettre » et un savoir mort), tandis qu’ils tirent eux-mêmes leur savoir d’une transmission directe, par la plante (en l’occurrence l’ayahuasca) qui les inspire sans intermédiaire.
Ibn Arabi qui domine le soufisme contemporain, à la place de Roumi qui prévalait il y a trente ans, revendique la même chose lorsqu’il reproche aux oulémas (savants) l’usage d’un savoir détenu de « personnes mortes », alors que lui détient le sien directement d’Allah l’Éternel Vivant.
Objet complexe car, si le projet d’imamat féminin ne peut prétendre s’appuyer sur les écoles juridiques ou théologiques, il ne paraît pas non plus vouloir développer une nouvelle école juridique, ce qui pourrait faire sens dans le contexte occidental mais demanderait un effort doctrinal intense.
Pour l’instant, il ne décrit pas suffisamment ce que serait cet imamat féminin (par exemple, s’il est une nouvelle catégorie ?) ; il ne dit pas non plus ce que fait cet imam femme au moment de ses menstruations, ni ne décrit l’étendue de ses prérogatives – par exemple l’imame du Danemark célèbre les mariages (l’équivalent d’un acte civil en islam), mais ne prononce pas la prière mortuaire (où le ministère d’un imam est requis, dans les mêmes conditions que la prière prescrite, si ce n’est qu’elle s’effectue debout).
RFI, reportage sur une imame au Danemark.
Le projet se présente comme une rupture par rapport à l’islam actuel mais une continuité par rapport à l’islam profond dont la connaissance est obtenue de façon presque charismatique. Il sous le coup d’une inspiration personnelle quoiqu’elle se défende de tout prophétisme, et se comprend mieux dans le contexte de la société actuelle.
En effet, il passe fortement par les médias et les réseaux, et émane de personnalités connues par ces moyens plus que par une inscription dans les milieux musulmans, ou qui arrivent à être connues par lesdits milieux du fait de leur maîtrise des techniques de communication et des médias. Le modèle est ici la célèbre rabbin Delphine Horvilleur (Mouvement juif libéral de France).
En outre, on constate un certain adoubement par l’État – Monsinay et Bahloul sont des personnalités indépendantes convoquées aux assises de l’islam de 2018- qui cherche, depuis que l’islam est devenu une question publique, ce que serait le « bon islam » et tend à mettre en avant les personnes qui sont le plus en phase avec sa politique culturelle – ici le thème de l’inclusivité.
Brut, Delphine Horvilleur.
Le projet de mosquée inclusive, qui paraît une solution commode pour un certain nombre de croyants gênés notamment par le statut de la femme dans l’islam traditionnel, présente cependant des risques.
D’abord, il tend à enfermer l’islam dans l’islam des mosquées, autrement dit, elle tend à représenter l’islam comme une religion qui se pratique à la mosquée au mépris de ses formes variées (et sur la question des femmes, leur présence à la mosquée n’est pas recommandée). Par ailleurs, il se focalise aussi sur des figures charismatiques qui visent peut-être une gratification directe et immédiate, sous les auspices de la Sainte Ignorance décrite par Olivier Roy.
Une mosquée inclusive ressemble à un selfie – et il devrait être possible de l’envisager sous des catégories sociologiques extérieures au champ religieux sans être soupçonné de machisme. Elle présente aussi de nombreux traits New Age ; et l’analyser sous cet angle, ainsi que dans le cadre des religions comparées comme nous l’avons ébauché, permettrait de sortir l’islam de son exception analytique. ■ [Série, suite et fin].
Une intime conviction… Au vu de la bande-annonce, dans le prétoire, avec Olivier Gourmet, j’étais en effet persuadé d’un très bon film, et les deux seules scènes du témoignage de la baby-sitter ou de la plaidoirie de Me Dupont-Moretti (est-ce véritablement la reprise de sa plaidoirie ?) valaient la peine de me rendre à ce tribunal.
C’est vrai que j’aime les beaux discours, les belles plaidoiries ; je suis très sensible aux voix, à l’intonation, au rythme, à la musique de l’éloquence, et j’avais bien aimé sur ce sujet, en 2017, Le Brio d’Yvan Attal avec Daniel Auteuil.
J’avoue n’avoir aucun souvenir de ce « fait divers » de l’an 2000, et le nom de Viguier ne m’évoque rien. Cette affaire n’a pas été élucidée, et le scénario reste sur un point d’interrogation, même s’il me parait à charge contre Olivier Durandet ; toutes les hypothèses restent cependant ouvertes jusqu’à la « dernière déclaration » de « l’accusé » qui demande qu’on lui rende « sa dignité » sans pour autant redire qu’il est « innocent ».
A vrai dire, les véritables coupables dénoncés par Me Dupont-Moretti, de cette très longue procédure judiciaire et de cette disparition qui reste inexpliquée, semblent être à la fois la Police et le juge d’instruction, qui n’auraient pas pris la peine d’écouter les enregistrements téléphoniques tellement ils auraient eu l’intime conviction de la culpabilité de Jacques Viguier.
Finalement, ce long-métrage ne fait-il pas le procès de l’intime conviction ? ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
Il y a des mots, dans une période déterminée et dans des circonstances particulières, qui connaissent une fortune inopinée, une vogue dont ils n'avaient guère joui jusqu'alors. Du moins à ce degré. Nous voulons dire qu'on les emploie soudain à tort et â travers. À tout bout de champ. Au point que, pour qui réfléchit un tant soit peu, leur utilisation politique hors norme devient suspecte. Suspecte d'hypocrisie et de tactique. Les deux, comme il se doit...
En l'occurrence le mot dont nous parlons est un verbe. Le verbe entendre, lequel a de multiples sens qui s'étendent et glissent de l'un vers l'autre. Le premier sens tient simplement de l'ouïe, le second de la compréhension, le troisième, à la forme pronominale, de l'entente et même de l'accord. « Je vous entends » : en premier lieu avec mes oreilles, en second lieu avec mon intelligence, ce qui revient à dire « je vous comprends ». « Ils se sont bien entendus » signifie convergence et bonne intelligence ; mais au-delà, « ils se sont entendus » veut dire « ils se sont mis d'accord ». De même que celui qui dirait à quelqu'un d'autre « je vous ai écouté » peut très bien vouloir lui signifier qu'il a suivi ses conseils. De l'ouïe initiale, pure et simple, la langue passe ainsi à l'intelligence, la compréhension, le conseil, l'accord.
Avez-vous remarqué que le verbe entendre n'a jamais été aussi prononcé que dans les trois ou quatre mois que nous venons de vivre ? Le président de la République « entendait » la révolte des Gilets jaunes qui, au moins dans leurs commencements, disaient à grand fracas et parfois à haut risque, la colère des Français. Mais le Premier ministre aussi a fini par les « entendre » lui aussi, malgré qu'il en ait très certainement, et les ministres, les porte-parole, les parlementaires et même les journalistes, trop heureux que le tohu-bohu de la rue leur rapporte cet audimat si nécessaire ... tout ce beau monde détesté des Gilets jaunes et de nombre de Français entendait. De façon répétitive et mécanique. Comme lorsqu'on a un tic. Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire qui ne fût pas du vent ?
L'entendement du Pouvoir, c'est à dire d'Emmanuel Macron, se résolut à débloquer 10 milliards pour calmer l'émeute après les samedis où Paris avait vécu des heures de guerre civile, où l'on craignit pour la sécurité du Président à l'Elysée, où un ministre dut être discrètement exfiltré de son ministère en compagnie de ses collaborateurs ébahis, où l'effigie du Chef de l'État avait été promenée dans la ville, suspendue à des guillotines virtuelles. Etc. En haut lieu, on répétait incessamment que l'on « entendait ».
Sans-doute entendait-on surtout au sens de l'ouïe. Beaucoup moins au sens de la compréhension et pas du tout au sens de l'entente ou de l'accord.
Du haut de l'appareil d'État, à vrai dire, l'on avait eu peur, ce qui ne s'était plus vu depuis mai 68 et au-delà depuis mai 58. La crainte avait conduit à entendre à hauteur des 10 milliards de décembre. Mais de compréhension, entente ou empathie, point du tout.
Cela est si vrai qu'après avoir reconnu compréhensible et même légitime la colère des Gilets jaunes, l'on redevint critique sitôt que leur mouvement eut commencé à faiblir et le soutien des Français à s'effriter. Pour le discréditer, les casseurs, Blacks Blocs et Antifas, les racailles de banlieue, les pillards des cités avaient été laissés libres d'agresser, de casser et de piller. Les Gilets jaunes en porteraient la responsabilité... Les porte-parole et les médias - ce qui revient un peu au même - s'en sont chargés. Le ministre de l'Intérieur - si soucieux d'éviter tout amalgame aux musulmans vivant en France – n’a pas eu ce genre de délicatesse envers les Gilets jaunes. Il a usé contre eux de mauvais stratagèmes. Nécessité fait loi.
Qu'est-ce que tout cela signifie ? Sans-doute que lorsque les hautes autorités gouvernementales du régime qui est le nôtre commencent à nous répéter en boucle qu'ils nous entendent, il y a toutes raisons de penser qu'ils se moquent de nous sans vergogne. L’usage intensif et commode de ce verbe polysémique est fait pour tromper, enfumer, mentir. Ce n'est pas d'hier, mais il est décidément bien difficile à un Chef d’Etat élu de ne pas mentir à ses concitoyens. ■
C’est imparable. On peut d’ailleurs étendre cette considération au delà des ministres, aux députés, sénateurs, même aux hommes politiques de moindre envergure, à la plupart des maires des communes de plus d’un millier d’habitants et parfois même à quelques maires de bleds moins peuplés, qui n’en possèdent pas moins une belle ambition.
Le Champignacien, poursuivant son droit chemin, tourne délibérément ses pas vers l’avenir, car il sait qu’agriculture, commerce et tourisme sont les deux mamelles qui sèment le pain dont il abreuve ses enfants !
Maintenant, ces gens-là, ministres, députés, etc., ont cependant pas mal de qualités. Ils sont capables de serrer beaucoup de mains en un temps court, surtout en période électorale. J’en ai connu un qui, en l’espace d’un petit quart d’heure m’a serré la paluche cinq fois, chaque fois sans me reconnaître. Ils ont du bagou, ils parlent, sans notes, avec une terrible facilité, commettant par-ci par-là quelques fautes de français, mais ils ont une telle facilité et un tel aplomb qu’à moins d’être puriste sourcilleux, on ne les entend pas. Ils ont donc de l’aplomb, de l’assurance et, montons l’éloge encore d’un cran, du culot, ils n’ont peur de rien, ils sortent des platitudes, des balivernes, des phrases creuses, des clichés, des expressions tartignoles et prudhommesques, des bourdes superdimensionnées avec l’air le plus heureux, le plus confiant, le plus convaincu du monde. Quelquefois, ils ont lu deux, trois pages d’un livre épais et réputé sérieux, ils les répètent en les déformant à peine, ils les aboient comme des perroquets, leurs auditeurs en sont estomaqués et ravis. Il leur arrive aussi de jouer aux petits Malraux, ils se lancent alors dans la phrase obscure, ténébreuse, censée consécutivement profonde, qui traite généralement des arts, de la spiritualité ou de l’avenir de la civilisation et de l’univers. Pour ce faire, ils ont un peu baissé la voix pour faire croire qu’ils chuchotent un secret, qu’ils révèlent un mystère, qu’ils frémissent de sensibilité choisie et citoyenne, après quoi ils tonitruent quelques mots définitifs. Ils ne voient avec jubilation que leurs électeurs groupés et en extase et ne s’aperçoivent pas que dans les coins il y a tout de même deux ou trois types qui rigolent sous le couvert de leur main en paravent devant leur bouche. Si l’un, près de la porte, rit plus ouvertement, le regard féroce qu’ils lui lancent en sortant ! ■
Le projet d’imamat de femme oblige à réfléchir à ce qu’est une religion et comment elle s’organise.
De fait, les religions, gestionnaires du sacré, ont toujours mis en place des pare-feu pour éviter ses potentialités violentes ou contraires à toute institution sociale, et conjurer le mysticisme et ses risques destructifs – encore plus dans l’islam où il n’y a pas d’autorité religieuse centrale et pas d’intermédiaire entre le croyant et Dieu.
La religion, avec l’ensemble des savoirs qu’elle développe, entend limiter les risques (sociaux et politiques) d’implosion – d’où la constitution d’un savoir théologique qui, longuement accumulé, permet de canaliser ces énergies et d’inscrire l’institution dans la durée.
Cela est pour l’islam traditionnel des quatre écoles juridiques (et plus encore dans le chiisme), mais la conjuration des effets délétères du mysticisme est également prise en charge dans les tariqas soufies (tariqa, littéralement voie, désigne une confrérie religieuse) avec le contrôle exercé par le cheikh sur l’anéantissement de l’ego de l’adepte.
En un mot, les religions mettent en place un corpus interprétatif complexe qui permet de limiter les risques proprement religieux, d’emportement et de contagion généralisée (violence et sacré), en imposant une initiation non pas immédiate, mais régie par la patience d’un apprentissage intellectuel. La religion a un pôle mystique, mais également un pôle sapientiel (fondé sur la sagesse) qui relève de la prudence. C’est cette prudence qui vole en éclat quand les interprétations humaines tendent à voir sous leurs yeux les signes de l’apocalypse et sont ardents pour l’accélérer, ce dont Daesh est l’exemple le plus contemporain.
Pour éviter cette exaltation prophétique qui peut venir d’une religiosité principalement fondée sur l’intuition, voyant dans les traditions souvent des sédiments ou des obstacles à la puissance transformative de Dieu, les personnes qui proposent ce projet de mosquée inclusive s’attachent à l’enraciner dans une tradition dépoussiérée.
En effet, comme dans le féminisme islamique, ils jugent que l’exclusion des femmes de l’imamat est le résultat de siècles de domination patriarcale, qui se donne le bon nom de consensus.
Pour eux, rien dans le Coran n’implique que l’imam serait un homme. Ils revendiquent également un courant de l’islam, le mutazilisme, qui est globalement connu pour deux traits : son libéralisme intellectuel assumé et sa prise de position sur le Coran créé à savoir qu’il n’est pas la parole même et directe de dieu, divine, éternelle et incréée mais que la lettre coranique est le véhicule de transmission d’un message.
Femme imam au Kerala en Inde, menacée de mort.
Or, le fondement tant doctrinal que juridique, sur lequel cherche à se baser ce projet pose problème.
Que dit le droit ?
Ni le mutazilisme ni les différentes écoles juridiques existantes n’accordent à la femme le droit d’être imam. À quoi Fader Korchane fait-il donc, théologiquement parlant, référence ? Le droit à l’interprétation pourrait lui reconnaître cette prétention, au regard notamment des circonstances contemporaines où l’égalité entre hommes et femmes est affirmée et réalisée. Mais cela reste, religieusement parlant, insuffisant.
Le mutazilisme est certes l’école de pensée la plus libérale et la plus raisonnée qui soit, mais pour autant, elle ne peut concéder aux néo-mutazilites, le droit de s’affranchir de ses préceptes fondamentaux.
Juridiquement et théologiquement parlant, c’est l’impasse. Reste la voie coraniste qui offre davantage de possibilités en termes d’interprétation, mais, là non plus, il n’est pas certain que les coranistes l’entendent de cette oreille.
Selon les entretiens que nous avons menés, pour Kahina Bahloul, outre l’expérience de l’Algérie pendant les années noires, il y a un fort engagement dans le dialogue interreligieux et le désir de constituer l’unité des trois religions abrahamiques, sous l’inspiration de la pensée soufie inclusive d’Ibn Arabi. ■ [Série suite et fin demain].