Rire ou sourire un peu ... même s'il n'y a pas vraiment de quoi

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Par Pierre Builly
Une dizaine de garçons et de filles (deux filles, en fait seulement), un peu plus ou un peu moins de vingt ans, venus de milieux sociaux évidemment très différents et d'origines ethniques diverses (euphémisme pour dire qu'il y a des Français de souche et d'autres issus de l'émigration) ravagent Paris dans le même instant : quatre attentats terroristes, l'assassinat d'un grand patron. Ils se retrouvent, la nuit venue, dans l'immensité d'un grand magasin. Ils attendent le matin. Ils sont repérés, abattus sans aucune pitié par les forces spéciales. Le film a été tourné à l'été 2015, c'est-à-dire quelques mois après les tueries de Charlie-Hebdo et de l’hyper casher, mais avant les massacres du Bataclan et des rues adjacentes. Y a-t-il un rapport ? Non ! Le film a été écrit en 2011 et ne fait naturellement pas référence à une revendication islamique.
À qui fait-il penser, alors ? À Action directe, par l'effusion de sang gratuite, les meurtres sans états d'âme de gens qui sont, certes, des cibles politiquement identifiées, mais aussi des quidams qui avaient le simple malheur de se trouver là où qui, par leur métier, sont des symboles sociaux insupportables à l'Ultragauche (des vigiles, forcément chiens de garde du Capital). En fait, regardant le film, j'ai songé à deux sectes : l'une, bouffonne, farfelue et fantasmagorique, c'est la cohorte des Yams (Y'en a marre !) dans l'assez médiocre film La vengeance d'une blonde de Jeannot Szwarc ; l'autre beaucoup plus sérieux, inquiétant et ancré dans la réalité, le groupe de Tarnac, accusé d'avoir saboté des caténaires de chemins de fer. Son fondateur et gourou, Julien Coupat est issu d'une famille très bourgeoise et diplômé de grandes écoles mais il a développé une sorte d'utopie alternative anticapitaliste, nihiliste, anarchisante dans un phalanstère corrézien.
Quelles sont les cibles, au fait, détruites à peu près simultanément par la remarquable organisation de nos jeunes terroristes assassins ? Une aile du Ministère de l'Intérieur (normal : c'est le ministère de la police, donc de l'oppression) ; un étage d'une tour, à La Défense qui abrite la multinationale Global - peut-être est-ce Total ? - (normal : c'est une grande entreprise, donc une organisatrice de l'oppression) ; quatre voitures garées aux alentours de la Bourse (normal : c'est le symbole de la finance anonyme sans cœur) ; et enfin la statue de Jeanne d'Arc, place des Pyramides (normal : Jeanne d'Arc est un symbole identitaire de la France ; et puis c'est là que l'extrême-droite aime se recueillir). Si on donnait les clés de la ville aux Blacks-Blocks, aux No Borders, aux triomphateurs de Notre-Dame des Landes, c'est assurément ce qu'ils détruiraient en premier (le château de Versailles est un peu trop grand pour eux).
Donc un ramassis de petites crapules idéalistes, après avoir fait de drôles de coups, se retranche dans l'étrange structure d'un grand magasin ; c'est, en fait, la carcasse de La Samaritaine, sur les quais de Seine qui est en train d'être réhabilitée pour devenir hôtel et centre commercial de luxe (pauvres enfants, vous n'avez pas deviné, donc, que c'est toujours l'argent qui gagne ?). On se demande à la fois pourquoi l'idée farfelue est venue aux anarchistes de se réfugier là et surtout comment ils ont pu si vite être repérés par la police (ou alors ils faut métaphoriser un maximum et conclure que la Révolte est toujours acculée aux dernières limites par la Réaction, quoi qu'elle fasse).
Toujours est-il que dans le temple consumériste à la fois détesté et adulé par nos jeunes gens (excellent moment où l'un des terroristes, forcément révolté, se retrouve face à face avec un mannequin exactement habillé comme lui, Nike, Docker et Adidas : on n'échappe pas à la connerie de son époque, finalement).
Dans le capharnaüm du fric, les pauvres petits tueurs retrouvent peu à peu leurs réflexes d'enfants du Siècle : ils bâfrent, boivent, pillent les rayons, jouent des musiques sauvages, font l'amour. Jusqu'au moment où la réalité, au matin, arrive avec les Robocops de la police qui vont faire de jolis cartons.
Deux heures presque un quart pour montrer ça ? Pourquoi Pas ? Bertrand Bonnello n'est pas tout à fait un cinéaste manchot et il sait très honnêtement monter un film assez prenant, tout au moins au début : ainsi le cheminement des terroristes qui, dans le métro, dans les rues, se croisent, se frôlent, se retrouvent et se séparent pour placer leurs engins de mort est-il extrêmement bien filmé ; et le silence sur leurs absurdes criminelles motivations est aussi bien venu : comment, à dire vrai, expliquer la folie anarchiste ? Mais une fois les bombes posées, les attentats commis, le réalisateur reste un peu coi et tire à la ligne...
Restent de jeunes acteurs qui sont tous brillants et intéressants ; une mention spéciale pour André, le jeune bourgeois qui dit préparer l'ENA (Martin Petit-Guyot), Sabrina (Manal Issa) et le couple David (Finnegan Oldfield)/Sarah (Laure Valentinelli) ; certains, paraît-il, ont été rencontrés dans des lycées autogérés, des manifestations d'ultragauche. C'est bien ça qui fait frémir. Ces jeunes gens sont fous. L'avenir s'annonce tragique et sanglant. ■
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Si donc Nietzsche ne peut pas être à proprement parler rangé dans la catégorie des philosophes modernistes, il a été néanmoins abusé par les mensonges des Lumières. À deux reprises – pages 78-9 et 182-3 – notre auteur, à partir des réflexions de Nietzsche, écrit : « Prisonnier dʼun espace ethnique et dʼune chronologie mythologique qui bornaient étroitement son regard, lʼhomme des sociétés traditionnelles, même sʼil bénéficiait grâce à ces frontières dʼune force et dʼune unité de style, ne pouvait quʼêtre un animal grégaire, et pouvait difficilement éviter de chercher en dehors ou au-dessus du monde sensible lʼéternité dont il avait soif. »
René Guénon contestait cette vision des choses chère aux modernes dans Le Règne de la Quantité. Il y affirme en effet : « alors quʼon vente la rapidité et la facilité croissantes des communications entre les pays les plus éloignés, grâce aux inventions de lʼindustrie moderne, on apporte en même temps tous les obstacles possibles à la liberté de ces communications, si bien quʼil est souvent pratiquement impossible de passer dʼun pays à lʼautre, et quʼen tout cas cela est devenu beaucoup plus difficile quʼau temps où il nʼexistait aucun moyen mécanique de transport. »[1] Les élites sacerdotales, les dynasties princières et certains ordres de compagnonnage étaient, si lʼon nous permet ce terme hypermoderne, « multiculturels ».
La modernité, en dépit de lʼeffort quʼelle poursuit pour obtenir lʼunité par la force des opinions et des faits, tend au morcellement, à la diversité, comme le fit observer Charles Maurras dans son éditorial de LʼAction Française du 2 août 1914 : « Lʼhistoire mieux interrogée aurait dû prévenir M. Jaurès (Photo) et les socialistes qui le subissaient tous quʼils tournaient le dos à leur siècle. Lʼévolution, comme ils disent, ne va pas à lʼunité, mais bien à la diversité. […] Cette diversification croissante emporte des risques de guerre croissants. »
Il y a entre ce dernier et Granarolo, outre leurs liens très forts avec le sud de la France, un point commun : une absence de foi teintée de catholicité, un agnosticisme méthodologique qui se laisse imprégner par un attachement à la culture primordiale, celle de leur milieu dʼorigine.
En atteste le point suivant : après avoir distingué deux christianismes, celui de la faute et celui de lʼenfant, notre auteur reconnaît quʼil se sent lié à ce second christianisme. Son athéisme nietzschéen ne lʼempêche pas dʼexprimer une forme dʼadhésion à un certain christianisme. Celui de Jeanne dʼArc plutôt que celui des clercs qui ont approuvé la mise à mort de la « Pucelle ».
Cette dichotomie renvoie à celle dʼHonoré de Balzac, qui dit : « Politiquement, je suis de la religion catholique, je suis du côté de Bossuet et je ne dévierai jamais. Devant Dieu, je suis de la religion de saint Jean, de lʼÉglise mystique, la seule qui ait conservé la vraie doctrine. »[2]
Nous constatons ainsi quʼil y a chez notre auteur une tension entre une rationalité cartésienne imposée par lʼaxiome « le surnaturel ne relève pas du pensable », et une inclination à aborder des thèmes typiquement religieux, comme lʼapocalypse, ou à avoir recours à des connotations au contenu implicitement religieux.
Le cas le plus emblématique est celui où lʼanthropologie héritée de Darwin, qui assimile lʼhomme à cette masse dʼatomes que sont les végétaux et les animaux, est dʼun coup jetée aux orties, sans ménagement aucun : commentant le livre IV de Physique dʼAristote, Granarolo admet quʼ « il ne peut y avoir du temps sans lʼâme » et surtout que « lʼhomme possède en lui une part dʼéternité » (p. 122). Mais plutôt que de voir en ceci lʼeffet de lʼexistence de Dieu, il en fait la cause du malheur de lʼhumanité – de sa conscience malheureuse pour reprendre Hegel – lorsquʼil affirme que « cette part est la cause de notre détresse. » (p. 222)
Ce pessimisme fondamental de lʼauteur, qui considère page 223 la puissance de lʼhomme comme une pure négativité, devrait être tempéré par la thèse du maître de la scolastique saint Thomas dʼAquin selon laquelle lʼhomme, sʼil transforme cette puissance en faculté créatrice, peut atteindre le bonheur. Lʼart est pour lʼhomme le moyen du bonheur dans lʼici-bas, dans la mesure où il sʼinscrit dans une démarche appelée Imago Dei – imitation du Créateur –, lequel est lʼartiste par excellence, en tant que créateur de toute la beauté du monde.
Lʼart est une vertu opérative qui consiste en la production du Beau, entendu comme le modèle dʼun ordre reconquis. Lʼordre, explique Thomas dʼAquin dans Commentaire aux Noms divins, est avec la proportion qualité de la beauté du cosmos.
Le Cosmos a, lʼon dit, pour créateur le divin ouvrier, Dieu ; il est donc ouvrage du Créateur, monumentale symphonie de la beauté, laquelle est une propriété transcendantale de lʼÊtre.
Il nʼest aucunement à cet égard incohérent de définir Dieu à la fois comme unité au-delà de lʼêtre, suivant les enseignements de Plotin, et comme cause exemplaire et plénitude de lʼêtre, à la suite de Thomas dʼAquin. Dans les deux cas, en raison de lʼidentité du vrai, du beau et du bien, Dieu est forcément supersubstantiale pulchrum, ou « Beau suprasubstantiel », ce qui signifie quʼil est primordialement, on lʼa vu, créateur de beauté dans le monde. (À suivre) ■
[1] Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Paris, Gallimard, 1945, p. 143.
[2] Cité par Paul Le Cour, LʼÉvangile ésotérique de saint Jean, Paris, Dervy, 2002, p. 161. À ce propos, il y a un travail dʼanalyse littéraire à mener : le choix de Guy de Maupassant de donner aux deux frères rivaux de son roman Pierre et Jean le nom des deux Églises distinguées par le chef de la littérature française de son époque résulte-t-il de lʼinfluence de ce dernier et de la connaissance de sa dichotomie ?
A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...
Ce visuel a pour seul objet de marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance. LFAR |
Les Princes sont en visite en Provence le samedi 22 et le dimanche 23 juin 2002 : le Prince Jean, duc de Vendôme alors Dauphin de France, son frère le Prince Eudes, duc d'Angoulême, accompagné de son épouse, la Princesse Marie-Liesse d'Orléans et leur fille, la toute jeune Princesse Thérèse.
Le samedi 22 juin 2002, les Princes visitent les mairies d'Arles, Maillane et Les Baux de Provence.
En Arles, ils sont reçus dans la matinée à l'Hôtel de Ville par le Maire, Hervé Schiavetti (PCF) lequel est interviewé à la sortie de l'entretien en mairie; il conduit ensuite la visite des Princes à travers la ville, les présente à de nombreux Arlésiens, et leur fait parcourir - et découvrir - le marché d'Arles, l'un des plus grands d'Europe.
A Maillane une réception a également lieu à la marie, en début d'après-midi, puis une visite de la maison de Frédéric Mistral et autres lieux mistraliens sous la conduite érudite de René et Henri Moucadel, royalistes de toujours.
Vers 16 heures, les Princes sont aux Baux de Provence où la municipalité a organisé pour eux et les personnalités présentes une réception dont on verra ici quelques moments forts : visite guidée du village et du château, musiques et Coupo Santo dans la cour de la Marie, discours de bienvenue du maire des Baux, Gérard Jouve, dans son bureau et réponse du Prince. Après le dîner, la Mairie fait conduire les Princes en calèche à travers les rues du village, de nuit, jusqu'au château où est présenté un impressionnant spectacle son et lumières pour célébrer la Saint Jean, avant que ne s'allument, sur l'esplanade du château, les feux traditionnels.
Le dimanche 23 juin commence par une messe - en provençal - à l'église Saint-Vincent, tout en haut du village. Les Princes et la nombreuse assistance de la messe, y compris des gardians venus de Camargue, se rendent ensuite, à pieds, dans le Val d'Enfer sur le terrain où, depuis 30 ans, se tient chaque année le rassemblement royaliste des Baux de Provence. Les Princes y sont accueillis par les responsables de l'organisation du rassemblement, puis par un discours de Marcel Jullian, ancien président de Plon et d'Antenne 2. Suit l'intervention du Prince Jean, puis celles de Jean Sévillia, Gérard Leclerc, Jacques Trémolet de Villers et Jean-Marc Varaut. C'est le discours du Prince Eudes, qui conclut cette série d'interventions. Le Prince Jean saluera, au cours du déjeuner, un grand nombre de participants, s'entretiendra avec beaucoup d'entre eux. Vient ensuite le moment des interviews des Princes Jean et Eudes. Cette journée - exceptionnelle dans l'histoire du royalisme français - s'achève par une rencontre où le Prince Jean dialogue avec les jeunes du service d'accueil.
La vidéo présentée ici retrace le déroulement de ces deux jours marquées par la rencontre historique des Princes avec les royalistes, aux Baux, tels que nous venons de le rappeler. Lafautearousseau
Il est toujours amusant de surprendre Monsieur le curé au bordel. Toujours réjouissant de révéler au grand jour l'hypocrisie de Tartuffe. Alors, quand on attrape la main dans le sac, ou plutôt la main dans le réseau, toute une bande de journalistes de Libération, des Inrocks, de Télérama, ou encore de Slate, et que l'on révèle leurs turpitudes sur le net au sein d'une stupide «Ligue du LOL» qui accumulait grivoiseries, blagues salaces, montages pornographiques, insultes, on ne peut s'empêcher d'en rire. Se moquer de ces donneurs de leçons de morale, de ceux qui hier encore dénonçaient sans se lasser les «dérapages» des méchants et des «porteurs de haine», des «réacs», des «homophobes», des «islamophobes», des «phallocrates», ou encore de «ceux qui faisaient le jeu du Front national». Ils avaient donc deux visages, nos censeurs, qui étaient aussi des adolescents vulgaires et paillards.
Philippe Muray avait dit en parlant d'eux qu'ils ne dérapaient jamais puisqu'ils étaient la glace. La glace a fondu et les a engloutis. On se souvient de Mehdi Meklat, du Bondy Blog , encensé par tous les bien-pensants de France Inter avant qu'on découvre les réflexions antisémites qu'il proférait sous un pseudonyme. L'élu Vert Denis Baupin s'affichait, lui, avec du rouge à lèvres au nom du féminisme avant d'être dénoncé par ses collègues de parti pour « harcèlement sexuel ».
Tartuffe est éternel. Tartuffe est plus que jamais notre contemporain. Les Tartuffe, au temps de Molière, se servaient des préceptes de la religion pour imposer leur pouvoir et assouvir leurs désirs. Raymond Aron nous a appris qu'il pouvait y avoir des religions séculières qui, tel le communisme, avaient la même logique et répondaient aux mêmes besoins psychologiques. Les anciens marxistes désillusionnés sont devenus antiracistes, féministes, adeptes sourcilleux de la théorie du genre. Une autre religion séculière, qui répond aux mêmes logiques totalitaires pour «changer l'homme» et l'imposer par la force.
Mais l'homme ne peut pas changer. L'homme a une face sombre et une face lumineuse. La virilité se construit par l'opposition au féminin, à la mère, et cette construction n'est pas toujours très distinguée. Il faut canaliser cette face sombre, la civiliser, l'encadrer. Mais si on veut l'éradiquer, elle explose ailleurs, avec d'autant plus de violence qu'elle a été niée. Au temps du communisme, en URSS, les Soviétiques se réunissaient à la cuisine, seul endroit où il n'y avait pas de micro, pour dire tout le mal qu'ils pensaient du régime. L'anonymat sur le net est la cuisine de notre régime totalitaire féministe et antiraciste. Les jeunes hommes peuvent retrouver une solidarité virile qui leur a été interdite dans leur adolescence, diabolisée qu'elle est par une société où règne la terreur féministe.
Déjà, les milices LGBT se ruent sur les malfaisants de la «Ligue du LOL». Mis à pied par leurs journaux, ils sont vilipendés et cloués au pilori. Comme dans les procès de Moscou, les coupables s'accusent et battent leur coulpe, au nom des grands principes qu'ils ont bafoués. Les procureurs d'hier sont devenus des victimes. La révolution mange toujours ses enfants. ■
Mais le film, en VO, est américain avec un réalisateur britannique !
Un train peut en cacher un autre et, après La Favorite, les héroïnes se suivent et se ressemblent… Vraiment le sujet n’est plus tabou… le lobby étale sa puissance qui nous pousse à demander qui ne l’est pas ?
Moi qui ai fait une longue partie de ma carrière dans l’ancienne propriété et à côté du château construit au XVIIIe siècle par le Marquis de Belbeuf… J’ignorais l’existence de cette Missy !
Je l’ai déjà écrit, j’aime les biopics qui vous font connaître plus intimement – si, en l’occurrence, je peux me permettre ce mot – des personnages dont on connaît seulement le nom et – plus ou moins - l’œuvre.
Pour moi, Colette, c’était un auteur de dictées… de longues phrases avec un vocabulaire choisi pour faire transpirer le blé en herbe dans les collèges. J’ai d’ailleurs aimé revoir dans le film ces cahiers d’écoliers et ces belles pages d’écriture avec des pleins et des déliés… (que je n’ai, personnellement, jamais su reproduire).
Mon épouse se rappelle n’avoir trouvé aucun intérêt à la lecture d’un Claudine, et j’ai appris par elle que à l’école ou à Paris, celle-ci n’était pas un petit livre pour jeunes enfants, ni un personnage du Club des Cinq d’Enid Blyton. Le scénario porte précisément, et seulement, sur la petite quinzaine d’années où c’est son mari (le premier de 1893 à 1906), Henry Gauthier-Villars dit Willy, qui les signe… Comme quoi l’on peut être bisexuelle et femme soumise…
Un film intéressant pour un personnage qui l’est peut-être un peu moins. ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
Nietzsche se montre de surcroît lucide en écartant dʼun revers de main le mythe du progrès.
La science peut aussi bien être « lʼennemie de la vie » (p. 201), comme lʼaffirment ceux qui tiennent le discours apocalyptique suivant lequel lʼamélioration des connaissances scientifiques et de la technique qui en découle amènera à la destruction de lʼhumanité par elle-même. Lʼexistence de la bombe atomique rend ces personnes-là plus que crédibles. Dans Aurore (fragment posthume), Nietzsche sʼécrie : « Un âge de barbarie commence, les sciences se mettront à son service ! » (cité p. 201)
Deux voies sʼouvrent pour lʼhumanité du temps de Nietzsche, qui se trouve donc à la croisée des chemins. Ce temps est marqué par le primat du scientisme, le règne de la science. Soit la voie de la culture, soit la voie de la barbarie, comme il le souligne dans Considérations inactuelles : « Dʼoù vient, où va, à quoi sert la science si elle nʼaboutit pas à la culture ? Serait-ce à la barbarie ? » (cité p. 178)
À la différence des modernes stricto sensu, Nietzsche ne croit pas que lʼhistoire est écrite dʼavance. Le paradis terrestre quʼils annoncent est pour lui de lʼordre du possible mais pas du certain. Nietzsche « ne cesse de rappeler que lʼavenir nʼest pas joué et quʼil appartient à lʼhomme de donner un sens à un processus historique qui en soi nʼen a aucun » (p. 211), explique Granarolo. Dʼaprès son maître, lʼavènement dʼun âge de la barbarie correspondrait à la régression de lʼhomme, qui redeviendrait un singe évoluant dans un monde comparable à une jungle, cʼest-à-dire sauvage et impitoyable.
Or dans Humain, trop humain il envisage cette funeste fin pour mieux lʼéviter, quand il écrit que « cʼest justement parce que nous pouvons envisager cette perspective que nous serons peut-être en état de parer à un tel aboutissement de lʼavenir » (cité pp. 211-2).
Cet avenir radieux qui lʼenchante, cet âge de la culture fort désirable, ressemble beaucoup à lʼunivers imaginé par Thomas More dans Utopia (1516), lequel inspira lʼEldorado, où des fontaines sourd un délicieux sirop et où le sol regorge dʼor et de moult autres pierres précieuses. Ce pays du luxe et de lʼabondance a été imaginé par Voltaire dans Candide (1759).
Nietzsche était justement un grand admirateur de Voltaire, à qui il dédia Humain, trop humain. Cet extrait dʼAurore (fragment posthume) est une profession de foi nietzschéenne en faveur de la pensée progressiste, que Voltaire découvrit durant ses années dʼexil en Angleterre, auprès des Henri Bolingbroke, John Locke (Photo), Alexander Pope et Jonathan Swift, et quʼil exprima dans Le Mondain (1736) :
« Au cours du prochain siècle, lʼhumanité accumulera peut-être par la domination de la nature plus de force quʼelle nʼen peut consommer, et il y aura alors chez les hommes une nuance de luxe dont nous ne pouvons avoir aucune idée aujourdʼhui. » (cité p. 178) Mais cela ne signifie pas que Nietzsche se serait rallié au courant dominant du progressisme, pour qui le nouvel Éden ne saurait quʼêtre intrinsèquement cosmopolitique, autrement dit sans frontières. Granarolo précise que Nietzsche nʼaurait pas soutenu le globalisme, sʼappuyant sur des passages où son maître « met en évidence que lʼunification technologique et commerciale de la planète pourrait prendre la forme dʼune effrayante uniformisation » (p. 178).
Un art nietzschéen
Lʼœuvre multiforme et polycéphale de Nietzsche a pu ainsi être aisément récupérée par les modernistes (ou progressistes), qui ne se sont pas embarrassés des subtilités de sa pensée. Elle a également été une très féconde source dʼinspiration pour les praticiens dʼarts typiquement modernes.
Quand le rappeur MHD claironne dans La puissance quʼil nʼa « jamais connu la défaite de son existence », il est quelque peu nietzschéen sans le savoir. Outre le rap, le cinéma, qui a célébré sa pensée par le truchement de lʼun de ses géants, Stanley Kubrick, dont les 2001, lʼOdysée de lʼespace et Eyes Wide Shot sont des films éminemment nietzschéens. Et en France, le film Lʼéternel retour de Jean Delannoy (1943), qui est une adaptation du mythe de Tristan et Iseult, sʼinspire de lʼœuvre de Nietzche, comme lʼa admis Jean Cocteau. Enfin, dans le domaine littéraire, la science-fiction : les grands auteurs du genre font lʼobjet dʼun formidable name dropping de la part de Granarolo, qui donne à son lecteur une profusion dʼidées de romans à dévorer.
Peut-être manque-t-il à sa pléthorique liste le pionnier Cyrano de Bergerac, qui rédigea entre 1657 et 1662 lʼouvrage LʼAutre Monde ou Histoire comique des États et Empires du Soleil, ainsi que Louis Sébastien Mercier dont le livre LʼAn 2440 ou rêve sʼil en fut jamais (1786) imagine le monde du IIIème millénaire. Mais mentionner ces auteurs aurait atténué lʼidée dʼun Nietzsche pionnier du genre. À noter aussi Pierre Boulle, dont le célèbre La Planète des Singes nʼest pas sans rappeler certains passages dʼHumain, trop humain. (À suivre) ■
A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...
Les uns attendent, toujours beaucoup trop, ils ont voté pour « Untel », sous condition, ils attendent les bénéfices de leur engagement. L’attente est marchande, vénale, l’élu a promis, il est redevable, il doit ! C’est le cas de le dire on l’attend au tournant ! Avec lui, tout ira mieux, il va tondre les moutons gras et nous aurons la laine moelleuse. Il excite les jalousies et promet la lune… Ne tombons pas dans ce piège, et disons-le clairement à notre nouveau Comte de Paris :
L’attente se fait toujours contre-partie, l’attente est légitimée par des « Droits » ! L’Espérance est divine, elle est accessible à tous et ne procède que de la « Grâce ». Monseigneur, vous êtes notre espérance et nous avons la grâce de vous avoir.
Mais bien sûr ce n’est pas si simple, ni facile. Vous aussi, avez l’extraordinaire grâce de représenter notre beau Royaume de France, et c’est une chance inouïe qui ne vous offre que des… Devoirs. Suivez votre chemin à votre guise, vous êtes notre Providence ! J’avais une très grande affection pour Monseigneur votre père, et je suis déjà comblé puisque vous êtes là !
Le Navire Amiral France est un magnifique vaisseau, et si son équipage reste talentueux malgré quelques mutins insoumis, il reste mal barré par un capitaine qui ne fait pas la maille, il faut le dire. Les passagers réguliers ne sont pas toujours faciles et c’est sans compter les clandestins…
Vous êtes un phare Monseigneur, une lumière que l’on ne doit pas mettre sous le boisseau, il faut continuer de luire et d’éclairer la nuit en rassemblant autour de vous quelques solides soutiens qui seront là pour le pire et le meilleur. Demain peut-être vous serez un recours, et comme dit la formule consacrée dans nos armées… Pour le plus grand succès des armes de la France ! ■
La réforme des retraites va bientôt être discutée et le gouvernement prépare ses arguments et sa stratégie, attendant juste que le mouvement des Gilets jaunes, désormais accusé de tous les maux du pays, se soit dissipé comme un mauvais rêve, ce qui n’est pas, à l’heure actuelle, totalement assuré…
Néanmoins, les Français commencent à s’interroger, parfois à s’inquiéter des projets gouvernementaux qui semblent obéir à une logique comptable imposée par Bruxelles plutôt qu’à un juste traitement de la question épineuse de « l’après-travail ». Ainsi, la question est parfois évoquée dans les réunions du Grand débat national, mais aussi dans les colonnes des Courriers de lecteurs, comme dans La Croix du lundi 11 février qui publie une lettre courte mais de bon sens qui mérite d’être reproduite et commentée.
« Le choix de la France d’avoir un système de retraite basé essentiellement sur la répartition est judicieux. C’est le système le plus sûr, le moins risqué. Les évolutions démographiques sont prévisibles sur le long terme, alors que les évolutions de la Bourse sont imprévisibles, même à très court terme. » Aussi imparfait qu’il puisse être, il est vrai que le système de retraite par répartition dépend très largement des dynamiques démographiques nationales, et non des jeux financiers et d’intérêts d’actionnaires souvent peu concernés par les notions et sentiments de justice sociale. Les données et perspectives démographiques, évolutives, sont aussi largement influencées par la politique familiale que l’Etat soutient ou promeut, et cela permet une certaine visibilité sur les décennies suivantes, même si cela implique également une attention soutenue de l’Etat et des pouvoirs publics (et éventuellement des partenaires sociaux) à l’égard des mouvements démographiques et une stratégie forcément et fortement enracinée dans la durée.
« La France est un des rares pays européens à avoir un solde démographique naturel positif, ce qui rend le système par répartition viable. ». Certes, notre situation démographique est meilleure que la très grande majorité des pays européens, mais les dernières années sont beaucoup moins convaincantes avec un taux de fécondité qui, en la moitié d’une décennie, est passé de 2,03 enfants par femme en âge de procréer à 1,87 l’an dernier, cela alors que, pour assurer un renouvellement convenable et « instantané » de la population française, il faudrait un taux de 2,1. Cette baisse inquiétante est la conséquence des politiques (si peu) familiales des gouvernements Fillon et Ayrault-Valls qui, là encore pour des raisons purement comptables (et idéologiques ?) ont, pour l’un, supprimé des avantages concédés jadis aux mères de trois enfants et plus, et pour les autres, rompu l’égalité des familles devant le quotient familial, en la nuançant par des considérations de revenus au détriment des classes moyennes aisées. Or, toucher à la politique familiale en oubliant les particularités de celle-ci qui en font une dentelle complexe et éminemment réactive à ces « détricotages » gouvernementaux, c’est fragiliser, en vain d’ailleurs pour les finances de l’Etat, les équilibres démographiques et risquer d’entamer, non le désir d’enfants (qui est de 2,3 en France selon les principales études sur le sujet), mais la réalisation concrète de ce désir. Il ne suffira d’ailleurs pas non plus de revenir en arrière, le mal étant fait, mais de refonder une stratégie démographique et nataliste pour le long terme, stratégie qui ne devra pas s’empêcher de réfléchir à une forme de « salaire maternel » ou « familial », selon des modalités à discuter et suivant les particularités des couples et de leurs évolutions possibles. Mais la République, qui raisonne selon un calendrier électoral qui n’est pas « le temps des générations », peut-elle engager vraiment cette nécessaire politique de long terme ? Personnellement, je continue d’en douter, et les valses-hésitations des derniers quinquennats ont tendance à légitimer et renforcer mon doute…
Mais la politique démographique n’est pas la seule condition d’une bonne gestion du système des retraites sur la durée, comme le souligne le lecteur de La Croix : « Le problème du déficit des régimes de retraite ne vient pas de ce choix de la répartition, mais du chômage. C’est ce problème aigu qu’il faut résoudre, et pas seulement à la marge comme maintenant ! » Voilà des lignes d’un grand bon sens économique (car moins de chômeurs signifie des cotisants en plus) mais qui semblent bien loin des préoccupations des gouvernements qui se succèdent depuis une quarantaine d’années que le chômage est passé du statut de « conjoncturel » à celui de « structurel » ! Et pourtant ! Là aussi, des solutions existent et attendent qu’un Etat digne de ce nom, un Etat qui soit capable de penser au-delà de la prochaine échéance électorale mais aussi au-delà de la seule mondialisation et des principes du libéralisme économique, un Etat qui cesse de penser par rapport à l’économie financière ou en fonction des seuls intérêts actionnaires, que cet Etat advienne, non dans le cadre d’une alternance mais comme une véritable alternative politique.
« La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », affirmait haut et fort le général de Gaulle qui signifiait ainsi que l’Etat n’avait rien à devoir au monde de l’Argent et à ses « valeurs ». Une véritable stratégie d’Etat contre le chômage doit repenser le rapport de notre société à la mondialisation, à l’environnement, à l’économie : il ne s’agit pas de nier ce qui est, mais d’orienter différemment l’économie, en particulier par un aménagement du territoire fondé sur le « redéploiement rural » ; par une meilleure préservation de l’outil industriel et par une valorisation intelligente de nos patrimoines historique, littéraire, gastronomique ; par une formation mieux organisée et plus enracinée dans le tissu socio-professionnel local ; par un soutien plus affirmé aux modes d’agriculture et de pisciculture respectueux des équilibres naturels et de la qualité alimentaire, modes de production nécessitant une main-d’œuvre plus nombreuse et l’organisation de circuits courts de distribution ; etc.
Ce ne sont pas les idées et les propositions pour faire reculer le chômage qui manquent, mais bien la volonté politique et l’Etat capable d’assumer cette politique et de la valoriser, y compris par rapport à la mondialisation et à la concurrence inéquitable des grands réseaux multinationaux de production et de distribution : mais si, depuis quarante ans, la République ne veut pas sortir de son modèle économique, sans doute faut-il, alors, se résoudre à changer de régime. Une Monarchie royale inscrivant son être et son devenir dans le temps long et la suite des générations peut, par essence et par statut, mieux répondre aux lourdes questions sociales (et cela sans négliger les enjeux économiques) qu’une République trop dépendante des jeux d’argent et de la météorologie électorale. Elle peut aussi mieux tirer profit des énergies partisanes et parlementaires en les circonscrivant aux activités de débat et de proposition législatives, et en les détournant de la compétition pour la magistrature suprême de l’Etat, cette dernière étant dévolue, hors des concurrences électorales, à une dynastie chargée d’incarner le pays et de diriger la Grande politique, dans son domaine régalien. Un partage des tâches et des responsabilités qui, en somme, est moins risqué et incertain que celui aujourd’hui (mal) assuré par une République d’abord macronienne avant que d’être celle de tous les Français… ■
La laïcité, religion de la sortie du christianisme, reposant sur un certain nominalisme (au sens quʼHenri Poincaré (Photo) donne à ce vocable dans La Science et lʼhypothèse), elle sʼaccomode voire requiert des prêtres laïcs dʼécoles de pensée diverses pour donner lʼillusion de la liberté dʼexpression, principe qui lui est constitutif, dans la mesure où ce principe est la sécularisation de celui de libre-examen.
Et, sous la plume de notre auteur, Nietzsche de devenir un « humaniste » (p. 68), un instrument de lʼ « interminable laïcisation du christianisme » (p. 68), un énième avatar de ces « ombres de Dieu » (p. 68) qui pullulent depuis lʼirruption de la modernité afin de brouiller le sens exact de la Bonne Nouvelle[1].
Page 88 notre auteur pose cette étrange question : « Quʼest la religion de lʼesprit libre sinon le mythe du Surhomme donnant sens à la Terre et reliant à nouveau lʼindividu savant au cosmos ? » Pour lui ce concept relevant du mythos de Surhomme est une « image religieuse qui échappera inévitablement à son créateur, image qui engendrera une piété » (p. 88). Le champ lexical est résolument numineux ; lʼhomo religiosus Granarolo dévoile la subtile nature de la laïcité : non un processus de désacralisation en général, car Dieu est désacralisé – parce quʼanéanti – au profit de lʼhomme. Au théisme se substitue lʼhumanisme : Homo Deus voici venu ton âge !
Granarolo ne peut sʼempêcher dʼériger son maître en figure religieuse : « Nietzsche est aussi prophète », écrit-il page 107. Nous aurions dit, nous, Nietzsche est aussi poète. Un poète à rapprocher du courant des symbolistes, à propos desquels Maurice Barrès écrivit :
« Gardons-nous peut-être de les saluer trop vite chrétiens, ces poètes. La liturgie, les anges, les satans, tout le pieux appareil, ne sont quʼune mise en scène pour lʼartiste qui juge que le pittoresque vaut bien une messe. Leur religion nʼa pas surgi soudain par la grâce dʼun élan de foi, cʼest la tristesse qui développa dans lʼintimité de leur âme des germes pieux héréditaires. »[2]
Nietzsche prophète donc ? Or selon Granarolo lʼune des vertus du nietzschéisme est son absence de finalisme. Comment dès lors admettre quʼil disposait de la faculté de savoir annoncer le futur, si ce futur est par nature indéterminé, le produit de la contingence la plus fortuite ? La notion de prophète ne présuppose-t-elle pas nécessairement un certain providentialisme ?
À cet égard nous sommes convaincus que toutes les idéologies modernes ont en commun de prophétiser un paradis terrestre. Marc-Alain Ouaknine note que le mouvement vers Olam haba (le monde futur, à venir) « est le ʽʽpoint messianiqueʼʼ de lʼhomme »[3].
En ce qui concerne le lien entre temporalité et modernité, Granarolo avance que « le manque de sens historique » (p. 111) est un trait distinctif de toute « idéologie moderne » (p. 111) à partir de la lʼétude dʼHumain, trop humain. Ce qui est faux sʼagissant du futur, comme nous venons de le voir. Les idéologies (religions profanes, sécularisées) portent la promesse des lendemains qui chantent. En revanche cʼest juste pour ce qui est du passé : elles tendent à nous couper du « lien qui nous unit inconsciemment au passé immémorial de nos ancêtres, et au-delà des humains qui nous ont précédés, à la totalité de lʼaventure de la vie terrestre » (p. 111).
Lʼattitude proprement moderne, Jean-Claude Michéa lʼa exprimée par la métaphore du complexe dʼŒdipe, à qui il est interdit de se retourner, de regarder derrière lui. La modernité nous intime in fine de devoir « haïr le passé » (p. 127). Sur ce point la critique nietzschéenne de la modernité est précieuse. De même quʼest précieuse son étude de la science, domaine qui sʼest substitué depuis lʼâge moderne à la religion en tant que source légitime de la connaissance, que vecteur conduisant à la Vérité.
Certes il y a un Nietzsche scientiste, rationaliste, celui de la période dite du « positivisme » (p. 182) – terme que notre auteur préfère à celui dʼAufklarüng, choisi par Eugen Fink –, qui veut poursuivre « la libération de lʼesprit entamée par la philosophie française du XVIIIème siècle » (p. 183), qui dédie son Humain, trop humain à Voltaire (Photo) et enfin qui écrit ceci : « Je sais si peu de choses des résultats de la science. Et pourtant ce peu me semble déjà dʼune richesse inépuisable pour éclairer ce qui est obscur et pour éliminer les anciennes façons de penser et dʼagir. » (Aurore, fragment posthume, cité p. 182)
Mais cet éloge de la tabula rasa permise par la science est à confronter avec dʼautres textes. Le jeune Nietzsche la qualifie de « barbare » (p. 108). Granarolo indique en outre que Nietzsche voyait dans la science un facteur du nihilisme et soulignait « lʼillusion du jugement objectif » (p. 122), thèse que lʼon trouve notamment dans Par delà bien et mal, où les systèmes philosophiques (prétendument scientifiques, ce qui vise en particulier le marxisme) sont réduits à de pures subjectivités, à des auto-portraits de leur auteurs. (À suivre) ■
A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...
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Et aussi dans ce numéro… 54 pages d’actualité et de culture
Le mouvement des Gilets jaunes s’inscrit dans l’histoire de notre pays parce qu’il est, sous la Ve République finissante, le premier mouvement de protestation populaire issu directement du pays réel.
D’où la trouille des élites politiques, médiatiques et intellectuelles, qui n’y répondent que par une criminalisation de ses acteurs du mouvement, une répression d’une violence inouïe sur le plan policier et d’une sévérité jamais vue sur le plan judiciaire, et un silence complice, sur cette répression, des journalistes d’État ou de l’oligarchie, qui insistent lourdement, en revanche, sur les dérapages de quelques vrais - ou supposés - Gilets jaunes. Après quoi ils s’étonnent de l’animosité qu’ils suscitent ! Sans compter ces intellectuels versaillais, certains anciens soixante-huitards, qui déversent sur le mouvement des tombereaux d’insultes, l’un d’entre eux appelant même à l’usage de leurs armes létales par la police ou la « quatrième armée du monde ». Il est vrai que Luc Ferry, cet ancien ministre de l’éducation nationale, chroniqueur mondain au Figaro et philosophe de gare, s’était déjà signalé, dans sa jeunesse, en pétitionnant, aux côtés d’autres miliciens de la pensée, contre l’élection de Boutang à la Sorbonne.
On comprend leur tentative, à travers un faux grand débat national octroyé par le Grand Mamamouchi, de neutraliser la parole du pays réel. Au contraire de la monarchie qui, dès le XIVe siècle, avait organisé des cahiers de doléances permettant au peuple de faire remonter au roi ses demandes, via ses représentants, mais sans qu’elles soient filtrées par une élite déconnectée.
D’ailleurs, comme nous en avons émis immédiatement l’idée, de nombreuses mairies et des groupes de Gilets jaunes ont spontanément repris cette pratique ancrée dans notre tradition politique, à laquelle la République a mis fin par peur du peuple. Or ce grand débat truqué, dont le cabinet du Premier ministre s’affaire à rédiger les conclusions avant même qu’il ne soit achevé, a précisément pour objet d’interdire au pays réel de faire parvenir ses doléances à l’échelon régalien, dans l’espoir que cette parole encadrée, surveillée et neutralisée se substituera légalement, sinon légitimement, à la libre parole des citoyens. C’est pourquoi la lettre de Macron aux Français liste les seules trente questions que les Français ont le droit de se poser. Qu’il s’agisse de fiscalité, d’organisation de l’État, de transition écologique ou de citoyenneté, ils ne sont autorisés qu’à proposer des aménagements cosmétiques. Interdiction, en revanche, de parler de politique économique, d’Europe ou d’immigration, sauf sous la forme du sempiternel serpent de mer des quotas.
Cette neutralisation de la parole civique n’est-elle pas également voulue par tous les partis ? Ils font profil bas car ils se savent eux aussi atteints dans leur légitimité par cette révolte populaire. Le dégagisme, pour certains, a même commencé dès 2017. « Le gouvernement d’Emmanuel Macron fait face ici à une opposition structurée, cohérente, disciplinée, réactive, courageuse et particulièrement motivée dont il ne peut que tenir compte », a excellemment déclaré Christophe Boutin. « Tenir compte », en l’occurrence, signifie non pas écouter mais circonscrire - ou tenter de le faire, sans quoi, c’est le consentement à l’État lui-même qui sera atteint, surtout si les forces du désordre républicain, par leurs exactions, et la justice, par ses excès, persuadent le pays réel que le régalien, aux mains de l’oligarchie, use de tous les moyens, même les plus répugnants, pour le faire taire.
Le sociologue maurrassien Pierre Debray, dont nous commémorons cette année le vingtième anniversaire de la mort, avait très tôt théorisé comment le changement serait provoqué « par un groupe tout entier [...] menacé dans son statut social ». Nous y sommes. L’espoir est désormais du côté du pays réel contre les forces de mort du mondialisme. Sachons en convaincre nos compatriotes. ■