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Actualité Monde - Page 106

  • OTAN, Merkel, Brexit : les boulets rouges de Donald ...

    Ne nous y trompons pas : ce sera sa politique. Exit le mondialisme. America first !

     

    Mur-bleu gds.jpgIl n'est pas encore entré en fonction que Donald Trump a déjà fait donner l'artillerie lourde. Et, devant un journaliste anglais et un allemand (aucun français, merci le Système qui nous rend si absents, parce que inconsistants, sur la scène internationale !), on peut dire qu'il a flingué dur, le Donald, et tous azimuts ! Un vrai régal ...

    1. L'OTAN « obsolète » : propos qu'il avait déjà tenu, et que nous avions salué, mais qu'il redit, avec plus de force encore ; elle a été conçue il y a très longtemps, pour une menace qui n'existe plus (la toujours redoutée invasion soviétique de l'Europe de l'Ouest par les chars du Pacte de Varsovie) alors qu'elle est totalement inadaptée au terrorisme islamiste actuel. 

    2. La politique Merkel « absolument catastrophique » : « Je pense qu'elle a commis une erreur absolument catastrophique, à savoir accepter tous ces illégaux... Et personne ne sait même d'où ils viennent. Aussi, je pense qu'elle a fait une erreur catastrophique, une très grave erreur »

    Mais Donald Trump a aussi accusé l'Allemagne - à juste titre - de dominer l'Union européenne : « Vous regardez l'Union européenne... c'est en gros un instrument pour l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle je pense que le Royaume-Uni a eu bien raison d'en sortir... »

    3. Le Brexit : un succès : car les peuples, dit le nouveau président, ont besoin de protection, d'identité, de frontières. Si la Grande-Bretagne n'avait pas été tenue d'accueillir tant d'étrangers, explique-t-il, le rejet de l'immigration massive n'aurait pas fait « passer » le Brexit. Et d'autres pays suivront, annonce-t-il...

    Ces propos, d'une fermeté nouvelle et bienvenue, appelleront seulement deux commentaires de notre part :

    La seule pauvre, très pauvre réponse d'Angela Merkel et de François Hollande - l'un et l'autre terriblement vexés... - a été d'en appeler à « l’union » à l’unité » des Européens ! Mais, justement, ils ne sont d'accord sur quasiment rien, les Européens, ils sont même plus divisés que jamais, et empêtrés dans des institutions paralysantes qui les empêchent de toute façon d’avancer ; et puis, d'avancer vers où ? vers quoi ?... Vers l'adhésion de la Turquie, par exemple ? 

    Mais, surtout, et en ce qui concerne la France, Donald a d'un seul coup fait de nombreux orphelins : que vont devenir nos atlantistes et américanolâtres ? Ils ont bonne mine, maintenant, eux qui aimaient tant se cacher derrière « le parapluie américain » pour oublier le devoir qui est le leur d'assumer et de prolonger l'héritage reçu des siècles ! Aussi douillettement que lâchement - c'est si confortable le renoncement... - ils avaient délégué aux USA leur avenir collectif et, pensaient-ils, sa protection. Plus besoin de vrai budget militaire, on pouvait dépenser l'argent ailleurs !... Dans leurs têtes, ils n'étaient plus Français, ils ne « pensaient plus Français ». Que vont-ils faire, que vont-ils dire, maintenant ? Au moins, cette inconscience-là, elle est morte, et bien morte : qui s'en plaindra ? Certainement pas nous !...

    Atlantistes de tous les pays, américanolâtres de partout, faites provisions de mouchoirs en papier et sortez-les, il ne vous reste que vos yeux pour pleurer... ! 

  • La déglobalisation, un nouveau paradigme

     

    par Ludovic Greiling

     

    506226741.2.jpgPerçu comme une catastrophe par les milieux bancaires, le retour du protectionnisme et du contrôle des capitaux pourrait procurer un sursaut inespéré aux pays développés. Les agents économiques commencent à s’y préparer.

    En l’espace de six mois, la « déglobalisation » est devenue un mot à la mode dans les milieux bancaires. La victoire des partisans d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, puis celle de Donald Trump aux États-Unis, avec un programme censément protectionniste, ont soulevé énormément de questions. Longtemps, les économistes de banques ont rivalisé en prévisions très négatives en cas de vote contraire aux intérêts financiers. Leur crainte ? Celle du précédent.

    « Il faudra trouver et définir une dynamique commune pour éviter que le référendum britannique ne soit pris comme un précédent. Car très rapidement, on doit s’attendre à de multiples demandes de référendums partout en Europe », écrivait ainsi l’économiste en chef de Natixis l’été dernier, résumant le sentiment répandu dans la plupart des grandes banques occidentales. Que craignent les établissements financiers ?

    Qu’une rétractation globale en Europe mette fin aux projets visant à créer une dette fédérale sur le continent : celle-ci (gérée par la Commission européenne qui se financerait directement par émission de dette) pourrait grimper à terme à 15 000 milliards d’euros selon certaines estimations, au plus grand bénéfice des créanciers.

    Au contraire, des mesures protectionnistes peuvent ouvrir la voie à des contrôles de capitaux spéculatifs, à l’image de ce qu’a fait l’Islande pour sortir de sa faillite à partir de 2010. « La question est de savoir si la libre-circulation des marchandises et des capitaux va continuer ou pas. Cela pourrait s’arrêter, si ce n’est pas déjà le cas… », lançait en septembre dernier Abdallah Nauphal, l’un des gérants de fonds de la Bank of New York Mellon.

    La catastrophe n’a pas eu lieu

    La déglobalisation sera-t-elle catastrophique pour l’économie et les populations ? La réponse est loin d’être évidente. Ainsi, alors même que la Grande-Bretagne a vu la sortie massive de capitaux spéculatifs depuis le référendum sur le Brexit, son économie se porte plutôt bien : hausse de la production industrielle sur six mois, baisse légère du chômage. Aux États-Unis, les bourses d’actions ont atteint un nouveau record historique après la victoire de Donald Trump.

    Les messages très anxiogènes lancés par les banquiers avant le référendum italien du 4 décembre ont également été contredits par les faits : la victoire du « non » suivie de la démission du Premier ministre transalpin n’a pas suscité de panique. « Les marchés absorbent de plus en plus rapidement les événements politiques. Il leur a fallu deux semaines pour le Brexit, deux heures pour l’élection de Donald Trump et là, quelques minutes pour le référendum italien », soulignait un stratégiste obligataire de la BNP Paribas devant l’AFP.

    C’est que, à rebours des anticipations, la déglobalisation pourrait relancer les économies les plus avancées, et soulager par là même les difficultés du système bancaire. « Est-ce qu’on révise nos projections de croissance pour les États-Unis et la Grande-Bretagne ? Oui, car des mesures annoncées dans leurs programmes seront appliquées. On peut s’attendre à une hausse supplémentaire du PIB de 0,2 à 0,4 points », affirme Christian Parisot du cabinet Aurel BGC.

    Relocalisation, inflation, croissance

    Outre-Atlantique, le programme protectionniste de Donald Trump et sa volonté de réorienter les financements vers les grands travaux d’infrastructure devraient tirer la croissance et générer de l’inflation. En Grande-Bretagne, la baisse de 15 % de la livre sterling face aux autres grandes monnaies favorise le dynamisme local.

    En effet, cette baisse du taux de change abaisse le prix des produits britanniques et augmente celui des produits achetés à l’étranger ; elle facilite donc les exportations et incite les entreprises locales à produire davantage chez elles.

    Davantage de croissance, davantage d’inflation : le diptyque magique pourrait fournir un répit bienvenu aux grandes banques. En leur absence, les établissements financiers ne voyaient en effet plus comment rééquilibrer leurs bilans remplis de créances irrécouvrables. La déglobalisation pourrait-elle constituer un modèle gagnant pour tout le monde ? C’est ce que suggère l’économiste Christian Parisot :  » La déglobalisation pourrait inciter les entreprises des pays avancés à relocaliser des usines chez eux « .

    Dans les économies émergentes, comme la Chine, elle pourrait inciter les acteurs locaux à faire reposer davantage l’activité sur la demande intérieure pour être moins dépendant des exportations. Tout ceci commence à être pris en compte par les agents économiques. Mais il existe des incertitudes car pour l’instant rien n’a encore été fait ». 

    Politique magazine - 01.2017

  • Donald et « le Bon Dieu » ...

     

    Ne sont pas - encore - prises en compte ici les déclarations révolutionnaires de Donald Trump, le weekend dernier, sur le Brexit, la politique catastrophique d'Angela Merkel en matière de migrants, de surcroît les responsabilités économiques de l'Allemagne dans l'échec prévisible de l'Union Européenne, sur l'OTAN, obsolète et trop coûteux ... Etc.  

     

    Mur-bleu gds.jpgAvez-vous écouté la première Conférence de presse du « président élu » ? Si oui, vous l'avez entendu, si non, on vous le dit ici : au cours de cette longue mais jamais ennuyeuse prestation, celui qui n'est pas encore Président des Etats-Unis a évoqué deux fois Dieu. Et, lors de son installation officielle à la Maison Blanche, le 2O janvier prochain (date de la prise de fonction effective du Président des USA depuis 1937) il lancera son premier - et surement pas dernier - « God bless America » officiel, « Que Dieu bénisse l'Amérique... ». Rituel immuable...

    En 2009, lorsque Barack Obama fut élu, il appela également la bénédiction de Dieu sur lui-même et sur l'Amérique. Il se trouva que, à Moscou, au même moment (le premier février 2009 pour être précis, soit douze jours plus tard), le nouveau Patriarche Kyrill était intronisé. Et, pour l'occasion, Poutine et Medvedev côte à côte, avec leurs épouses et l'ensemble du gouvernement, se signèrent respectueusement, et prièrent eux aussi, à l'unisson de l'assemblée.

    A l'époque, nous n'avions pas manqué de relever ces deux faits, et d'opposer l'orgueilleuse nouvelle religion républicaine de notre Système - avec son laïcisme agressif déguisé en laïcité, qui interdit de parler de Dieu, se prenant lui-même pour Dieu - à ce qui se fait partout, dans le monde. Notre quotidien n'avait que deux ans (il fut fondé en 2007, le 28 février), il en aura dix dans un peu plus d'un mois. On pourra lire la courte note que nous avions consacrée à l'événement : y-a-t-il quelque chose à changer ? A ajouter ?

    Note à lire dans Lafautearousseau ...

    Il y a ceux qui se reconnaissent une autorité supérieure, et il y a l'orgueilleuse « République française » ...

  • Sciences & Société • French tech et politique

     

    Par Ph. Delelis

    Une chronique qui, surtout, pose les bonnes questions. LFAR 

    Le Consumer Electronics Show (CES) – le plus grand salon mondial consacré à l’électronique grand public – s’est achevé dimanche à Las Vegas.

    Sans avoir de penchant geek particulièrement affirmé, on ne peut manquer d’être fasciné par les fonctionnalités des nouveaux objets connectés présentés lors de cette manifestation.

    On est également frappé par l’écart qui va croissant entre, d’une part, l’évolution des technologies – qui semblent continuer à vérifier l’idée de progrès – et, d’autre part, la stagnation, la régression, la dispersion (selon les points de vue) du débat politique. Le clivage gauche / droite, le système bipartite, les alliances traditionnelles, une laïcité consensuelle… tout cela a disparu ou est en voie de redéfinition drastique. Résultat, les sondeurs perdent le Nord, leurs boussoles s’affolent, les matrices dévissent…

    On n’en finirait pas de rechercher les raisons de cette dernière situation mais, à supposer qu’on les trouve (ce qui n’est pas si compliqué d’ailleurs), il n’est pas certain que cela changerait quelque chose. Dès lors, pourquoi ne pas aider la politique à retrouver sa rationalité perdue en lui insufflant un peu de technologie ? D’autant que, au CES, les entreprises françaises ont brillé en nombre et en qualité : il ne faut pas chercher très loin les idées géniales qui pourraient redonner du lustre à la politique hexagonale.

    Il en va ainsi, par exemple, de cette montre pour diabétique qui donne instantanément le taux de sucre dans le sang : utile pour tout candidat se promenant dans les comices agricoles mais plus encore dans les inaugurations de caves et autres fêtes de la Saint-Vincent. En effet, comment expliquer certaines déclarations à l’emporte pièce sinon par quelques abus bachiques ?

    Autre innovation : une magnifique station de sauvegarde automatique des données; plus de trous de mémoire, plus d’oublis de déclarations précédentes, la cohérence retrouvée ! Comment s’en passer dans ce monde où tout va si vite ? Mais ce n’est pas tout : voilà un feu arrière connecté qui se fixe derrière le casque du motard ! Chacun sait maintenant que ce moyen de locomotion est particulièrement adapté aux responsables politiques à l’agenda complexe.

    Cet accessoire essentiel garantira leur sécurité (et leur géolocalisation mais l’option est désactivable). Autre objet indispensable : ce petit robot de 40 centimètres qui se déplace en silence et qui sait jouer à cache-cache avec les enfants. Mais pourquoi pas les électeurs ?

    Après tout, ce sont de grands farceurs également. Et enfin, un stick que l’on peut faire sonner à distance avec son téléphone portable pour retrouver ses objets perdus ! L’entreprise ne dit pas si ça peut servir pour les idées égarées, les programmes communs, les doctrines oubliées mais why not ?   

    Politique magazine - 01.2017

  • Comment les Etats-Unis imposent leur loi

     

    par Ludovic Greiling

     

    506226741.2.jpgEmbargos, lois bancaires, lois anti-corruption… En dix ans, les États-Unis ont imposé de fait leur droit national à nombre de nations européennes. Pour le moment, les pays alliés suivent les procédures, et le payent très cher. 

    « Je trouve très difficilement des banques pour faire commerce avec l’Iran. Pas pour des raisons juridiques, qui ont en partie disparu suite à l’accord sur le nucléaire, mais parce qu’elles ont peur des incertitudes. Il faut que l’Europe trouve un moyen de faire contrepoint à l’hégémonie de la juridiction américaine quant à la régulation du dollar » , déclarait récemment le directeur financier de Peugeot lors d’un colloque organisé à la Banque de France. L’amende de 8,9 milliards de dollars appliquée à la BNP Paribas en 2014 est dans toutes les têtes. Comment une juridiction américaine a-t-elle pu infliger une punition à une banque française pour des opérations survenues au Moyen-Orient ?

    C’est le sujet d’un rapport d’enquête parlementaire publié en octobre dernier sur l’extraterritorialité de la loi américaine. En trente ans, les États-Unis ont monté une juridiction nationale visant à imposer leurs décisions économiques et géopolitiques aux autres nations du monde. Certaines lois sont le fruit d’une volonté locale, comme les lois anti-corruption, d’autres ont un caractère géopolitique défini, tels les embargos décrétés contre des puissances régionales mettant en cause la domination des États-Unis.

    Toutes sont désormais au service des intérêts de l’empire. « Un cercle assez étroit de diplomates, hauts fonctionnaires, universitaires et think-tankers est parfaitement conscient (beaucoup plus qu’en Europe et en France en particulier) que le droit a une portée internationale, qu’il peut être un instrument de la diplomatie et de la politique économique internationale, qu’il concourt au soft power. Les intéressés assument l’utilisation du droit extraterritorial comme élément de la puissance américaine » , indique le rapport. Pour ce faire, ils utilisent les zones grises du droit national et international et profitent souvent du monopole financier que leur a procuré l’après-Seconde Guerre mondiale.

    Une offensive économique et diplomatique

    Ainsi, parce qu’elle utilise 10% de matériel américain, la compagnie Airbus ne peut vendre ses avions à l’Iran, au risque de perdre ses entrées aux États-Unis. Dans le système financier, la situation est plus préoccupante : un transfert en dollars entre une banque française et une banque liée à un pays sous embargo américain entraînant une opération de compensation à Wall Street, toute entité effectuant ce type d’opérations peut subir les foudres de Washington.

    Ainsi de la BNP Paribas, laquelle risquait de se voir interdire l’accès aux circuits financiers en dollars en cas de non paiement de son amende. Une éventualité impossible à envisager pour un établissement mondial. Les différentes lois américaines étant très pointues sur la question (FCPA, FATCA, Patriot Act, etc.), toute entreprise étrangère ayant effectué de près ou de loin une transaction avec une entité violant la loi américaine peut être touchée.

    C’est particulièrement vrai des sanctions économiques, que le rapport parlementaire décrit comme un « outil alternatif » aux interventions militaires. Une armée de plus de 1000 agents spécialisés y veille, bénéficiant de l’entraide des différents services du renseignement américain. Depuis 2009, année d’une forte accélération des procédures, les entreprises européennes ont versé plus de 40 milliards de dollars de pénalités diverses aux administrations américaines en charge du droit extraterritorial. 

    Politique magazine

  • Troisième front majeur en Syrie : Raqqa

     

    Par Antoine de Lacoste 

    Cette note - en quelque sorte une note d'information et de réflexion - fait suite à deux premiers article déjà publiés dans Lafautearousseau : « Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants et tout d’abord Alep » et : « Deuxième front majeur en Syrie : la Province d'Idlib ». On s'y rapportera avec profit.  LFAR 

    Après Alep (qui se termine) et Idlib (qui pourrait commencer bientôt), le troisième front majeur en Syrie est celui de Raqqa, la capitale de l'Etat islamique.

    Pour bien comprendre les enjeux de la guerre en Syrie et les stratégies militaires qui en résultent, il faut avoir bien présent à l'esprit que l'Etat islamique règne aujourd'hui sur un territoire assez restreint et bien loin de ce que l'on appelle la Syrie utile. Il ne s'étend finalement que le long de l'Euphrate, depuis le nord de Raqqa jusqu'à Deir er Zor vers l'est et la frontière iraquienne.

    Les Russes ont, depuis le début de leur intervention, négligé de s'attaquer à ce territoire dépourvu d'intérêt stratégique. Cela leur a été beaucoup reproché mais l'urgence n'était pas là. Il fallait dans un premier temps bloquer la progression des milices islamistes dans la province d'Idlib (cf. notre article précédent) puis chasser des grandes villes les insurgés. Ce fut fait à Homs, Damas (même si la campagne proche à l'ouest est toujours occupée) et Alep maintenant.

    Il y a fort à parier que l'armée russe ne va toujours pas organiser d'offensive contre Raqqa. Il semble en effet plus important de sécuriser d'autres zones : l'est d'Alep, l'ouest de Damas (la fameuse Ghouta où le Roi Louis VII perdit une partie de son armée lors de la désastreuse deuxième croisade) et Idlib bien sûr.

    La force de l'Etat islamique a longtemps résidé dans le fait que la frontière turque lui était ouverte, ce qui permettait l'acheminement incessant d'armes et de volontaires venus du monde entier. Mais il a fini par se heurter à la volonté des kurdes de saisir l'occasion de cette guerre pour, enfin, se tailler un territoire dans le nord de la Syrie. Ils sont en effet majoritaires dans de nombreuses petites villes de cette région et si une neutralité réciproque avait été trouvée avec l'armée syrienne, la présence de l'Etat islamique dans cette région a permis aux kurdes de bénéficier de l'aide américaine pour l'en expulser.

    Cette offensive s'est traduite par la fameuse bataille de Kobané qui, après des bombardements massifs de l'aviation américaine, a permis aux Kurdes de chasser l'Etat islamique de cette ville en janvier 2015 et de le couper de la frontière turque.

    On se doute qu'Erdogan n'a pas assisté au dénouement de cette bataille avec beaucoup d'allégresse. Une enclave kurde sur sa frontière syrienne est pour lui inacceptable mais la présence des Américains sur le théâtre d'opérations lui interdisait évidemment toute initiative.

    L'intervention russe va tout changer.

    Dans un premier temps tout va mal entre Poutine et Erdogan. Ce dernier n'avait en effet qu'une obsession : la chute de Bachar pour d'une part créer l'arc sunnite avec ses amis Saoudiens et Qataris et d'autre part devenir le nouveau sultan de la région. Son ambition démesurée était telle qu'il en a perdu le sens commun. En donnant l'ordre d'abattre un bombardier russe il s'attaquait en réalité à plus fort que lui.

    La réconciliation ayant eu lieu aux conditions dictées par Poutine, la Turquie a reçu l'aval russe pour franchir la frontière syrienne, et avec l'aide de milices plus ou moins islamistes armées par elle, de s'attaquer concomitamment aux Kurdes et à l'Etat islamique.

    Faire faire le travail par d'autres est vieux comme le monde, mais Poutine a, une fois de plus, apporté la démonstration de sa supériorité stratégique. Dans cette affaire il a surtout convaincu Erdogan de ne plus faire de la chute de Bachar une priorité absolue. En échange, il le laissait intervenir contre les Kurdes, obsession de la Turquie et enjeu mineur pour la Russie. Bien sûr, il y a ces milices armées par la Turquie qui finiront pas poser problème, mais ce n'est pas le plus important pour le moment.

    Bachar ne voit pas d'un très bon œil cette situation. Il craint évidemment que les Turcs ne se retirent plus et ne veut pas avaliser le fait qu'il ne pourra jamais reconquérir l'ensemble du territoire syrien.

    C'est une vraie divergence avec Moscou, la seule importante pour le moment. Les Russes ne croient pas l'armée syrienne capable de tenir l'ensemble du territoire, même avec l'aide des Iraniens et du Hezbollah libanais. Tenir la Syrie utile serait déjà un beau retournement de situation alors qu'en 2013 Hollande voulait bombarder Damas et qu'en 2015 Lattaquié risquait d'être sous le feu des canons islamistes.

    En tout état de cause c'est Poutine qui décide et Bachar ne peut guère se permettre de le contredire. 

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants et tout d’abord Alep

    Deuxième front majeur en Syrie : la Province d'Idlib

    [Merci de ses transmissions à Philippe Lallement]

  • Bilan d’étape

    Les « Spetsnaz », les forces spéciales russes  

     

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

     

    La libération d’Alep ne signifie sans doute pas que la guerre qui ensanglante la Syrie est terminée : des forces « rebelles », c’est-à-dire islamistes, contrôlent encore des poches importantes au sud-est et au nord-est; les Kurdes tiennent la quasi totalité du nord. Ce qui est certain, en revanche, c’est que M. Assad est en bonne position, grâce à ses alliés, et singulièrement à la Russie. Et là n’est pas le moindre des paradoxes. Il faut lire ce qu’écrivent, écouter ce que disent sur la Russie, depuis des mois et des mois, les analystes de la bien-pensance médiatique et politique en France (et ailleurs, bien entendu). De dépit, tous, comme le note M. Zemmour, « soulignent à l’envi [ses] échecs économiques » (RTL, 3 janvier). La palme, on s’en doutait, revient à France Inter, « le Vatican de la moraline » (la formule est de M. Onfray) quand M. Guetta, n’en pouvant mais, crache son argument ultime contre la Russie qualifiée avec mépris de « puissance pauvre » (5 janvier).

     

    C’est donner le bâton pour se faire battre. En effet, et si les chiffres avancés sont exacts (et sans doute le sont-ils), comment se fait-il qu’une si moyenne puissance - dont le PIB serait celui de l’Italie, voire de l’Espagne, et le budget militaire celui de la France - parvienne à de tels résultats au Proche-Orient ? Il faut bien que la Russie possède certaines « qualités ». Vilipendée, ridiculisée, insultée… elle semble pourtant bel et bien maîtriser la situation dans cette région que les deux interventions étatsuniennes de 1990 et 2003 ont plongée dans le chaos. Un premier élément de réponse semble évident : il existe à Moscou un véritable pouvoir politique qui poursuit, en fonction de ce qu’il pense être l’intérêt de la Russie, un objectif régional. Ce pouvoir politique joue gagnant jusqu’à présent parce qu’il utilise au mieux les échecs et la faiblesse de ses partenaires-adversaires sur le plan international : faiblesse des Américains occupés par leur campagne présidentielle, faiblesse des Européens tétanisés par la religion droit(s)-de-l’hommiste; échec des deux dans leur tentative de faire tomber M. Assad en soutenant sur les plans moral et matériel une opposition stupidement qualifiée de « printanière ».

     

    En second lieu, force est de constater que la Russie joue vite et bien sur le plan militaire. Non seulement elle ne se contente pas de simples menaces verbales mais elle engage les moyens nécessaires pour emporter la décision. Mieux, et n’en déplaise à nos stratèges de studio, elle dispose elle aussi et quoique « pauvre », de forces spéciales au remarquable savoir-faire, « des professionnels de haute technologie » (l’expression est de M. Vasilescu), les « Spetsnaz », dont l’infiltration dans les quartiers de l’est d’Alep a été déterminante. Enfin, il paraît évident que la chose est tactiquement pensée et que les annonces concernant cessez-le-feu et négociations visent à maîtriser le temps car il faut « sécuriser les espaces conquis » et « préparer la prochaine offensive majeure », peut-être directement contre l’Etat islamique cette fois (Le Figaro, 2 janvier).

     

    Depuis la disparition de l’empire ottoman en 1923, une sorte de malédiction pèse sur un Proche-Orient prétendument libéré. Grande est la responsabilité des puissances occidentales, coupables d’avoir presque toujours agi dans la région selon leurs critères idéologiques, avec l’idée fausse et ethnocentrée d’exporter et d’imposer leurs « valeurs » démocratiques et humanistes. Dernier avatar de cette politique, le chaos syrien. Fort heureusement pour la re-stabilisation de la région, et grâce à l’appui de ses alliés, le pouvoir légitime de Damas semble bien avoir repris la main. La leçon est cinglante pour nous. Sachons au moins l’admettre et considérer que, jusqu’à preuve du contraire, la Russie est désormais « incontournable » - pour finir sur un de ces mots qu’affectionne particulièrement nos chers médias. 

     

  • Monde • ... Meilleurs voeux du Japon

     

    par danglard 

    Le Japon vient de commencer non pas l’année 2017, mais la 29eme année de l’ère Heisei (accomplissement de la paix) c’est à dire du règne de l’empereur Akihito. Celui ci, âgé de 83 ans, a fait savoir à partir du mois de juillet 2016 qu’il souhaitait abdiquer en raison de son état de santé.

    En tout état de cause, l’abdication d’un empereur n’est pas prévue par la Constitution de 1947, ce qui a obligé le gouvernement à mettre en place une commission d’experts pour étudier la question. Six mois après, elle n’a pas encore rendu ses conclusions : abdication et intronisation du nouvel empereur (son fils ainé) ou nomination d’un régent ou laisser le temps faire son œuvre… Comme quoi, au Japon, société traditionnelle très structurée, tout doit être prévu à l’avance… à part les tremblements de terre (mais les mesures préventives sont bien en place).

    Ces belles journées ensoleillées de l’hiver japonais (sans pic de pollution) sont propices à quelques réflexions sur l’état de ce pays par rapport à notre monde occidental rempli de tensions et de révoltes populaires contre les élites dirigeantes.

    Shinzo Abe est premier ministre depuis 4 ans et garde un taux de popularité très élevé bien qu’il n’ait pas vraiment réussi à stopper la déflation et à relancer l’économie. Le chômage est à 4% de la population active, le pays est calme, homogène et sûr (pas d’agression et aucune voiture brulée pendant les festivités du nouvel an…). Le Japon est beaucoup plus indépendant que la France.

    Il a sa propre monnaie, contrôle strictement ses frontières (très peu d’émigrés clandestins), applique le droit du sang et compte moins de 2% d’étrangers dans sa population. Bien sûr, il a ses propres problèmes qui sont le vieillissement de la population, la gestion de l’après Fukushima, le voisinage de la Corée du nord, les relations difficiles avec une Chine expansionniste, mais comparé à l’état de notre pays, le Japon me paraît être dans une situation beaucoup plus saine.

    japon3-225x300.jpgJe terminerai sous forme de clin d’œil avec les photos illustrant ce article de bonnes traditions de notre pays qui ont été encore respectées récemment à Tokyo :

    – une crèche de Noël provençale dans le grand salon de l’ambassade de France (sans protestation que je sache)

    – les jeunes du lycée à la cérémonie du 11 novembre avec le drapeau d’une association d’anciens combattants de Rhin et Danube dissoute.

    Meilleurs vœux du Japon en cette année du Coq (zodiaque chinois). 

      [Politique  magazine]

  • Caroline Galactéros : Daech, Erdogan, Poutine et « l'Occident », le dessous des cartes

     

    Par Alexis Feertchak

    Alors que la Turquie est la cible de Daech, Caroline Galactéros analyse ici pour Le Figaro [2.01] le rapprochement des présidents russe et turc, qui jouent, suivant son avis, tout en finesse et réalisme, un jeu à la fois habile et prudent. Deux qualités que l'Occident ignore, en effet. Peut-on espérer que, nonobstant le messianisme et la volonté de puissance universelle inhérents jusqu'à présent à la politique mondiale des Etats-Unis, l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche permettra d'établir avec Moscou un axe occidental destiné à combattre efficacement l'offensive islamiste ? Un axe où la France et l'Europe joueraient pleinement leur rôle ? Caroline Galactéros semble ici caresser cet espoir, dont on peut pourtant avoir quelques raisons de douter. La France, quoiqu'il en soit, ne comptera que si elle rétablit son Etat, retrouve une volonté politique et entame un processus de rétablissement des éléments de sa puissance. Bien des choses changent aujourd'hui, il est vrai. Mais nous sommes encore loin de réunir ces conditions.   Lafautearouseau    

     

    962925475.jpgL'État islamique a revendiqué l'attaque commise contre une discothèque d'Istanbul pendant la nuit du nouvel An. Sur fond de réconciliation avec la Russie, la Turquie est-elle devenue une cible prioritaire de l'État islamique ?

    Prioritaire peut-être pas, mais il est certain que la convergence russo-turque et la prise en main du jeu politique syrien et du processus diplomatique par le trio russo-turco-iranien rebattent les cartes de façon inquiétante pour l'État islamique qui peut chercher à « punir » son ancien allié ou à lui faire infléchir sa nouvelle ligne. En effet, le rapprochement entre Moscou et Ankara surplombe et menace la marge de manœuvre politique et militaire et la capacité de nuisance, mais aussi le statut « à part » dans l'échelle de l'horreur (et donc dans la capacité d'attraction et recrutement) de l'État islamique. De facto, en remettant en cause leur collusion ancienne avec Ankara qui l'a longtemps avantagé par sa complaisance voire son soutien, ce rapprochement tactique le ravale au rang d'une organisation terroriste presque comme une autre, notamment comme Al-Qaïda, proche mais rival cousin...

    Quelle peut être la réaction du président Erdogan ?

    L'analyse de la situation et les priorités du pouvoir turc ont bougé. Il s'agit désormais pour le président Erdogan de s'asseoir à la table des vainqueurs (ce que ne lui garantissait pas - et certainement moins encore aujourd'hui - Washington) et de retirer les fruits concrets d'un axe militaro-diplomatique avec Moscou en matière d'influence et d'emprise politique et territoriale sur le théâtre syrien (mais aussi en Irak, selon l'évolution de la situation et dans le cadre d'un partage des rôles entre Washington et Moscou une fois le président Trump aux affaires). On ne peut exclure qu'Ankara n'ait pour ambition de rassembler progressivement sous sa tutelle les divers groupes islamistes sunnites prêts à une négociation avec Moscou et le régime Syrien, afin de s'assurer à travers eux une influence importante dans la Syrie future qui pourrait mêler une structure d'État unitaire et une décentralisation interne forte selon des lignes confessionnelles et territoriales.

    L'accroissement du terrorisme djihadiste en Turquie peut-il changer la position d'Ankara vis-à-vis des Kurdes ?

    Les Kurdes restent la cible politique interne première du pouvoir turc. Il devient d'ailleurs de plus en plus probable qu'ils fassent ultimement les frais de la gestion croissante du conflit par les grandes puissances régionales ou globales. Aucune n'a véritablement intérêt à céder à leurs revendications nationales et les Kurdes demeurent handicapés par leurs propres rivalités internes. Ils sont donc utilisés par les uns et les autres comme force d'appoint ou d'avant-garde au gré des nécessités militaires d'affrontements localisés. De leur point de vue, ils ont tout intérêt à conserver ou développer leur capacité de nuisance ou d'interférence résiduelle dans le jeu régional comme sur le sol turc, et plus encore à faire en sorte que Moscou n'en arrive pas à vouloir ou devoir les sacrifier totalement à son rapprochement tactique avec Ankara. Ce qui n'est pas exclu.

    Cette stratégie russophile de la Turquie vous paraît-elle habile et crédible ?

    Il ne s'agit pas de russophilie - ni de russophobie d'ailleurs -, mais d'une évaluation qu'il faut bien reconnaître « créative » et habile, par le président Erdogan, des intérêts politiques nationaux turcs et des siens plus personnels sans doute. La Turquie a simplement fini par devoir admettre qu'elle pèserait plus, y compris vis-à-vis de Washington, dans une alliance avec la Russie - qui s'est imposée comme principal décideur du futur syrien - que contre elle. Face à ce réalisme froid, nous restons malheureusement intellectuellement sidérés et sans rebond. Nous avons manifestement le plus grand mal à comprendre l'ampleur du bouleversement stratégique en cours. Un bouleversement mondial dont le Moyen-Orient n'est que l'un des théâtres d'expression.

    D'où pourrait venir cette erreur occidentale de jugement ?

    Les lignes bougent et bousculent sans ménagement nos schémas de pensée confortables. On incrimine la faiblesse américaine pour expliquer la prise d'ascendant russe ; certains analystes vont même désormais jusqu'à dire que l'Amérique ne se serait pas vraiment impliquée dans le conflit syrien (sic !) alors qu'elle s'est bel et bien engagée dans la déstabilisation de l'État syrien via des groupes rebelles et selon son nouveau mantra du « commandement de l’arrière » (leadership from behind). Simplement, cette entreprise de régime change violent, à laquelle des puissances européennes ont activement participé, a clairement échoué. Dont acte ? Même pas ! Car le plus grave de mon point de vue n'est pas là. Ce qui me semble très dommageable et dangereux, c'est qu'alors que l'on proclame chaque jour après chaque attentat notre volonté de combattre la terreur islamiste qui cible avec constance nos propres sociétés, l'on refuse obstinément de saisir l'opportunité stratégique que constituerait un front commun occidentalo-russe dans cette lutte.

    Quel serait l'intérêt d'un tel rapprochement avec Moscou ?

    Encore une fois, il ne s'agit ni d'entrer en fusion amoureuse avec Moscou ni de mésestimer les calculs et arrière-pensées russes (nous avons les nôtres), mais de faire un pari hors normes et à très fort rapport pour chacune des parties : celui du sens d'une convergence de fond vigilante mais authentique, inédite mais salutaire entre les deux piliers de l'Occident. Cela demande évidemment un peu d'envergure, d'audace et d'ambition. Alors, devant l'effort requis par une telle métamorphose, nos élites déphasées préfèrent l'enlisement dans un combat d'arrière-garde. Alors que nous sommes entrés, qu'on le veuille ou non, dans une phase d'innovation géopolitique majeure - certes à l'initiative de Moscou - qui balaie l'ordre ancien, une grande partie de l'establishment américain autour de l'Administration sortante s'y accroche désespérément.

    Vous pensez à l'affaire des hackers russes qui auraient influencé l'élection de Donald Trump...

    C'en est effectivement la manifestation pathétique. Cette guéguerre américano-américaine, dont le nouveau président américain est en fait la cible première et Vladimir Poutine l'instrument, démontre tristement combien le sort du Moyen-Orient et de ses populations sacrifiées est secondaire pour un appareil dirigeant américain (OTAN incluse) qui voit vaciller ses intérêts et ses rentes de situation et ne s'y résout pas. Alors, on s'arc-boute, ici comme là-bas, autour de nos vieux totems grimaçants, on s'accroche aux vieilles lignes de fracture, on préfère une bonne vieille Guerre froide ranimée à un axe occidental Moscou-Washington novateur qui serait pourtant un moteur fabuleux pour une renaissance de notre civilisation empêtrée dans ses contradictions et son cynisme mis à nu. Washington, où l'équipe sortante fait tout pour enfermer le nouveau président américain dans un piège qui l'empêcherait de mener à bien son projet de reset avec Moscou. Il s'agit de l'acculer à l'inaction stratégique et de lui faire craindre, s'il persiste, d'être accusé par une opinion publique brainwashée méthodiquement, de trahir rien moins que les intérêts nationaux en voulant dialoguer enfin intelligemment avec la Russie. On nage en plein délire, et il ne serait pas étonnant que l'on entende bientôt parler de possible « intelligence avec l’ennemi » pour discréditer plus encore le nouveau président et mettre à mal ses projets.

    Comment jugez-vous la réaction de Vladimir Poutine et Donald Trump à ce « délire » ?

    Donald Trump ne s'y est pas trompé, et Vladimir Poutine non plus, qui a refusé de céder à l'escalade des représailles diplomatiques via l'expulsion d'espions américains en miroir aux « représailles » américaines. Le président russe est trop habile et préfère avoir le triomphe modeste quand Barack Obama et Hillary Clinton se fourvoient dans une défaite infantile et bruyante. Le président-élu mesure sans doute parfaitement le champ de mines que le président sortant est en train de poser à Washington, et plus concrètement en Syrie, avec la possible reprise des livraisons de Manpads (missiles portatifs) aux groupes rebelles qui ne sont pas encore rentrés dans le rang, claire menace pour les avions et hélicoptères russes. Il s'agit de faire capoter le cessez-le-feu et le processus diplomatique que Moscou, Téhéran et Ankara tentent de faire tenir dans la perspective de la prochaine Conférence d'Astana qui doit dessiner les contours d'un accord politique viable.

    Bref, « l’ancien monde » a la vie dure. Le cadavre bouge encore. La question est donc : est-on capable d'exploiter la fenêtre d'opportunité extraordinaire qui nous est donnée de « faire du neuf », du conséquent, de l'efficace et plus encore, de restaurer la crédibilité occidentale si abîmée depuis 15 ans par le cynisme structurel de nos interventions soi-disant « morales » ? Va-t-on enfin partir du réel et des opportunités qu'il ouvre pour mener une lutte existentielle contre une menace qui ne faiblira pas tant que l'on ne fera pas front commun contre elle ? Ou bien préfèrera-t-on persister à s'aveugler en maugréant contre ce monde qui ne nous obéit plus au doigt et à l'œil, à se réfugier dans un manichéisme dépassé qui fait le jeu de l'adversaire, à s'enkyster dans des schémas de pensée rétrogrades qui ne fonctionnent plus et nous rendent vulnérables ? Pour la France et pour l'Europe, ce dilemme est crucial.   

    « Il ne s'agit ni d'entrer en fusion amoureuse avec Moscou ni de mésestimer les calculs et arrière-pensées russes. » 

    Docteur en Science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros dirige le cabinet d'intelligence stratégique « Planeting ». Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a publié Manières du monde. Manières de guerre (Nuvis, 2013) et Guerre, Technologie et société (Nuvis, 2014).          

    Alexis Feertchak

  • Retour aux sources pour Barroso

     

    par

    Un « outrage moral » susceptible de provoquer des « conflits d’intérêts ». C’est ainsi que le spécialiste du Lobbying Corporate Europe Observatory a qualifié l’accord du comité d’éthique de la Commission européenne à l’embauche de José Manuel Barroso par la banque Goldman Sachs.

    Celui qui a piloté la législation européenne entre 2004 et 2014 va ainsi devenir président non exécutif des activités internationales de ce géant bancaire très proche de Washington. étonnant ? Pas vraiment. L’événement marque un retour aux sources pour celui qui fut très tôt mêlé aux intérêts de l’empire américain. C’est au milieu des années 70 que José Manuel Barroso est approché pour la première fois.

    Alors que le Portugal est susceptible d’entamer un virage plus favorable à l’Union soviétique, les états-Unis dépêchent à leur ambassade de Lisbonne un agent de la CIA, Frank Carlucci. Pour contrer l’influence du parti communiste portugais, le nouvel ambassadeur finance un mouvement d’opposants maoïstes, le MRPP, dont José Manuel Barroso est l’un des principaux animateurs. Le MRPP sapera l’influence soviétique et appuiera l’entrée du Portugal dans l’Union européenne en 1977.

    Dans la décennie suivante, Barroso rejoindra le parti social-démocrate. Il intégrera très jeune le ministère de l’Intérieur et dirigera ensuite les Affaires étrangères. En 1995, il part aux États-Unis pour suivre plusieurs formations (sur lesquelles l’homme est toujours resté discret), puis revient au Portugal où il prend la présidence du parti social-démocrate.

    Premier ministre de 2002 à 2004, Barroso s’engage sans réserve aux côtés de Washington dans l’invasion de l’Irak et il privatise la société nationale de pétrole portugaise au profit du fonds Carlyle, développé par… Franck Carlucci. En 2004, sur insistance du Premier ministre britannique Tony Blair, il est désigné président de la Commission européenne.

    Politique magazine, 3.01

  • Barak Obama : un mauvais perdant qui mène un mauvais combat contre la Russie...

     

    1903076588.10.jpgLe très bientôt ex-président des Etats-Unis et son épouse ont participé - comme on l'a vu avec étonnement... - d'une façon surprenante à la campagne d'Hillary Clinton, la remplaçant carrément dans ses réunions publiques, organisant même une sorte de concert géant devant 45.000 spectateurs. Ils croyaient rendre service à la candidate de leur coeur, mais ce fut l’échec que l'on connaît. Le couple Obama n'aura ainsi réussi qu'à sortir diminué de son mandat, puisque, vu leur engagement, l'échec d'Hillary fut aussi le leur.

    Mais, dira-t-on avec justesse, au fond cela ne nous concerne pas. Et c'est vrai.

    Pourtant, il y a un point qui nous concerne, nous les Français et nous les Européens : dans leur hargne frénétique pour faire élire « leur » candidate, les époux Obama sont allés trop loin. Ils ont fini par faire de ce qui n'était qu'une affaire personnelle (leur préférence - après tout normale.. - pour la candidate de leur parti et leur engagement à ses côtés) une affaire qui tourne au vinaigre : avec la Russie.

    Là encore, que les USA se fâchent avec Moscou, après tout, cela nous est bien égal et ne nous concerne pas non plus. Sauf si, et c'est le cas, Barak Obama, mauvais joueur et mauvais perdant cherche à faire pression sur ses « alliés » (en clair : l'Europe et nous, la France, puisque la présidence française a commis l'erreur d'accepter le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN) pour l'appuyer dans ses sanctions contre la Russie.

    C'est là qu'Obama perd tout sens des réalités. Poutine a eu une réaction intelligente à l'expulsion de 35 diplomates russes, et a traité ce coup d'épée dans l'eau par l'ironie, mettant même les rieurs de son côté - ce qui est toujours « bien joué », comme dirait... Donald ! - en s'offrant le luxe d'inviter au Kremlin les enfants des diplomates états-uniens pour fêter Noël et le Nouvel AN ! Alors qu'Obama n'a fait qu'offrir l'affligeant spectacle d'un président désemparé, lui qui aura été sans doute le plus mauvais président des Etats-Unis, et qui, à la fin de ses deux mandats, entame une guerre qu'il ne pourra ni gagner ni même mener, et dans laquelle il veut nous embarquer, contre une puissance dont nous avons besoin et que la simple observation des réalités nous désigne comme une alliée naturelle : la Russie.

    Oui, nous sommes les alliés de la Russie, et réciproquement, dans la lutte planétaire contre le terrorisme islamique.

    Oui, nous devrions être les alliés de la Russie, et réciproquement, pour faire contrepoids aux super puissances que sont la Chine, dès aujourd'hui, et l'Inde, dès demain;

    Oui, nous sommes les alliés de la Russie, et réciproquement, pour l'immense appui que l'orthodoxie russe - en plein renouveau, même si elle est encore très marquée par la persécution bolchevique - peut apporter à un Occident bien affaibli spirituellement : le réarmement de la France et de  l'Europe doit être matériel, certes, en ce qui concerne les crédits militaires (nous demandons assez souvent, dans ce quotidien, l'augmentation du budget de la Défense...) mais il doit être surtout et avant tout moral et spirituel, intellectuel et mental. Et, là, la Russie de Poutine peut nous aider considérablement...

    On sait qu'Obama mène un combat d'arrière-garde, puisque Donald Trump a déjà choisi Moscou. On sait aussi que le prochain Chef de l'Etat français - François Fillon ou Marine Le Pen - mènera une politique de rapprochement et de réconciliation avec Moscou, qui permettra - entre autres - de tourner la fâcheuse page des Mistral, d'en finir avec ces stupides sanctions soi-disant économiques contre la Russie, qui ne pénalisent que notre économie à nous, et d'avoir de  nouveau des relations stables, saines et positives avec les Russes.

    Et notamment dans le domaine devenu essentiel du terrorisme islamiste.

    Ouf...  

  • Mathieu Bock-Côté : « L’année 2016 a commencé à Cologne et s'est terminée à Istanbul »

     

    Par Alexandre Devecchio

    Dans un long entretien avec Alexandre Devecchio, Mathieu Bock-Côté retrace [pour FigaroVox - 30.12] l'année 2016. Pour lui, le Brexit, l'élection de Trump et « le renouveau conservateur de la pensée politique française » ont marqué « une brèche dans le système idéologique dominant ». Nous ne sommes pas sûrs à vrai dire que conservateur soit le terme le plus indiqué pour nommer ce renouveau et marquer son dynamisme ni pour répondre aux urgences et à la gravité de la situation des nations européennes. En tout cas, les analyses et réflexions que Mathieu Bock-Côté développe ici nous paraissent, comme il est habituel, justes et profondes. De nature à élargir la brèche ...  LFAR 

     

    Quels évènements vous ont marqué en 2016 ? Que retenez-vous sur le plan politique ?

    Le Brexit et l'élection de Donald Trump, sans aucun doute. Les deux événements ont bouleversé les élites médiatiques et politiques, qui cherchent encore à comprendre ce qui s'est passé. C'est qu'ils étaient intraduisibles dans la logique du progressisme, sauf à les présenter comme une forme de « retour en arrière », ce qui justifie les mises en garde contre la tentation réactionnaire. La tâche d'en finir avec le vieux monde ne serait jamais vraiment terminée et il faudrait être vigilant contre ses héritiers décomplexés. Au secours, la nation est de retour !

    Par ailleurs, le Brexit comme la victoire de Trump ont été de formidables révélateurs du préjugé antidémocratique d'une certaine gauche, qui ne se gênent plus pour remettre en question ouvertement le suffrage universel. Parce qu'il ne votait pas comme on lui demandait de voter, on s'est demandé si on devait le consulter sur les grandes décisions de notre temps. Il était fascinant d'écouter les commentateurs décrire le peuple comme une collection de bouseux en haillons, incapables de comprendre quoi que ce soit aux enjeux du monde, commandée par des passions grossières et minables et excitée par des démagogues cyniques et pervers. Salauds de pauvres ! La formule semblait au bord des lèvres de bien des analystes dégoûtés et fiers d'afficher leur dédain pour les gens de peu. Faudrait-il établir des permis de voter, pour que le résultat des élections ne soit plus troublé par la colère du commun des mortels ?

    Permettez-moi d'approfondir un peu cette idée : on avait demandé au peuple son avis parce qu'on était persuadé qu'il s'exprimerait dans le sens souhaité par les élites européistes. Une fois qu'il a mal voté, on s'est questionné ouvertement sur la valeur du suffrage universel. On en a profité aussi encore une fois pour faire le procès du référendum, qu'on accable de tous les maux et de tous les travers. Le peuple prend en main l'avenir du pays ? Gardez-nous d'une telle horreur ! D'ailleurs, certains vont au bout de leur raisonnement : le peuple, selon eux, est une fiction homogénéisante à démystifier. Il n'existe pas. Il n'a même jamais existé. Je note toutefois l'incroyable résistance d'une bonne part des élites britanniques au Brexit, qui se demande de toutes les manières possibles comment renverser ou neutraliser l'expression de la souveraineté populaire.

    Qu'est-ce qu'un mois sans attentat ? Une anomalie. Au fond d'eux-mêmes, bien des Occidentaux ont accepté la normalité des attentats les plus sordides. À la liste des grands événements politiques de 2016, on me permettra d'ajouter la multiplication et la banalisation des attentats islamistes - on pourrait parler aussi plus largement de l'agression contre la civilisation européenne. L'année 2016 a commencé à Cologne et s'est terminée à Istanbul. Les agressions sexuelles massives de Cologne nous ont rappelé qu'il existe une telle chose qu'un choc des cultures et l'asservissement des femmes représente une forme archaïque de prise de possession d'un territoire par une bande qui se sent animée par un esprit conquérant. Il y a eu autour de ces agressions un effrayant déni : on a tout fait pour en nier la signification politique. Certaines féministes, souvent occupées à traquer l'intention la plus malveillante qui soit dans un compliment masculin un peu insistant ou maladroit, ont décidé de détourner le regard. De peur de stigmatiser les réfugiés ou les musulmans, elles ont fait semblant de ne rien voir. Elles se sont déshonorées.

    Mais je le disais, les attentats se sont multipliés et banalisés cette année. Nice, Bruxelles, Saint-Étienne-du-Rouvray, Orlando, Berlin. Chaque fois, c'est un carnage, mais c'est un carnage auquel nous nous habituons. Qu'est-ce qu'un mois sans attentat ? Une anomalie. Au fond d'eux-mêmes, bien des Occidentaux ont accepté la normalité des attentats les plus sordides. Nous avons intériorisé la présence dans nos vies de la violence islamiste, même si nous ne savons toujours pas quelles conséquences en tirer. Nous ne savons pas non plus ce que voudrait dire gagner cette guerre contre l'islam radical. Alors nous la menons dans la confusion : on parle avec raison d'une nouvelle époque, mais les repères nous manquent pour nous y orienter. Cela prend du temps, prendre pied dans un nouveau monde.

    Et sur le plan intellectuel et culturel ?

    Un événement intellectuel, me demandez-vous ? Je vous parlerais alors franchement, et avec admiration, du renouveau conservateur de la pensée politique française. Je suis impressionné par la qualité des ouvrages qui d'une manière ou d'une autre, la construisent, la déploient ou la rendent possible : ils ne se réclament pas tous de la même vision des choses mais ils témoignent pour la plupart d'une commune sensibilité par rapport à l'époque. Et ces ouvrages viennent à la fois d'intellectuels bien installés dans la vie publique et de nouvelles figures qui impressionnent par leur vigueur et leur intelligence. J'en nomme quelques-uns, tous parus en 2016: Un quinquennat pour rien, d'Éric Zemmour, L'âme française, de Denis Tillinac, La cause du peuple, de Patrick Buisson, Les cloches sonneront-elles encore demain ?, de Philippe de Villiers, Écrits historiques de combat, de Jean Sévillia, Malaise dans la démocratie, de Jean-Pierre Le Goff, La haine du monde, de Chantal Delsol, Le retour du peuple, de Vincent Coussedière, La compagnie des ombres, de Michel de Jaeghere, Chrétien et moderne, de Philippe d'Iribarne, Vous avez dit conservateur, de Laetitia Strauch-Bonart, Éloge de la pensée de droite, de Marc Crapez, La guerre à droite aura bien lieu, de Guillaume Bernard, Bienvenue dans le pire des mondes, de Natacha Polony et du Comité Orwell, Adieu mademoiselle, d'Eugénie Bastié, sans oublier votre excellent ouvrage Les nouveaux enfants du siècle, cher Alexandre Devecchio ! Et j'attends avec impatience le livre à venir de Guillaume Perrault sur le conservatisme français ! Il ne s'agit pas de mettre tous ces ouvrages dans le même sac, loin de là, mais chacun à sa manière décrypte l'idéologie dominante et contribue à la réhabilitation d'une anthropologie de la finitude et d'une philosophie politique plus classique. J'étudie depuis plusieurs année le conservatisme dans ses différents visages en Occident, et ce renouveau conservateur français me semble d'une formidable fécondité philosophique. J'aurai l'occasion d'y revenir plus tôt que tard.

    Le Brexit puis l'élection de Donald Trump marquent-ils un changement d'ère politique ? Est-ce le grand retour des nations que vous appelez de vos vœux ? Peut-on parler de « moment souverainiste » ?

    Oui et non. Manifestement, il y a une brèche dans le système idéologique dominant. Quel intellectuel sérieux écrirait encore aujourd'hui un éloge de la mondialisation heureuse ? Les révoltes dans la mondialisation se multiplient. Rares sont ceux qui s'enthousiasment pour le grand fantasme de l'interchangeabilité des peuples. Les nations ne se laissent pas déconstruire facilement : elles sont ancrées dans l'histoire, elles traduisent aussi culturellement et politiquement certains invariants anthropologiques, comme le désir d'appartenance.

    L'homme a besoin de racines et de frontières, non pas pour s'enfermer dans un bocal, mais pour avoir un ancrage dans le monde. Dans Hérétiques, Chesterton a une très belle formule : « le véritable Ulysse ne désire pas du tout errer, il désire regagner sa demeure ». Sauf pour quelques individus avec une vocation bien singulière, le nomadisme n'est pas la vocation naturelle de l'homme, qui souhaite surtout être bien chez lui et maître chez lui. Retour des nations ? Mais ont-elles déjà vraiment disparu ? De la philosophie politique dominante, certainement qui ne parvient plus à les apercevoir - on pourrait dire la même chose des sciences sociales. Mais dans la réalité, elles résistaient de bien des manières à leur dissolution. On ne peut pas toujours écraser le réel : il finit par resurgir. Certains besoins humains fondamentaux doivent être investis dans la cité. On pense les arracher du cœur de l'homme, ils repoussent, car il existe une telle chose qu'une nature humaine, appelée à s'accomplir au moins partiellement dans une cité à laquelle on se sent appartenir. Toutefois, il semble que cette résistance soit passée de la jacquerie à la contre-offensive. S'il y a un moment souverainiste, il est là : on ne parvient pas à s'arracher aux nations sans les voir resurgir. On ajoutera que le retour de la nation, c'est le retour d'un principe de légitimité disqualifié par les élites mondialisées des années 1990, et dont on redécouvre aujourd'hui le caractère indispensable à la vie démocratique. Comment peut-il y avoir une délibération sur le bien commun s'il n'y a pas de monde commun ? Et un monde commun, c'est une histoire partagée et une culture qui s'inscrit dans la continuité historique.

    Les nations ont une trajectoire propre, elles ne se laissent pas réduire au rôle que le système de la mondialisation leur avait réservé : le cas de la Russie est ici fascinant. Ce n'est pas faire preuve de poutinolâtrie que de constater qu'elle n'avait pas vocation à devenir la province la plus orientale de l'empire occidental et qu'elle serait de nouveau un jour tentée par une politique de puissance. Il y a dans le monde une diversité profonde des civilisations, des religions, des peuples et des nations et on ne parviendra pas à l'abolir dans le fantasme d'une communauté politique mondialisée. Il y aura conséquemment une diversité de régimes et chaque peuple est appelé à se développer en accord avec ce qu'on pourrait appeler son caractère profond. La souveraineté, pour un peuple, est une exigence vitale, et il ne saurait s'en déposséder volontairement sans se condamner à l'insignifiance historique et à l'inexistence politique.

    Avec le Brexit, les Britanniques ont cherché à restaurer leur souveraineté nationale. Il faut dire que les Britanniques entretiennent depuis toujours un rapport particulier avec l’Europe : ils en sont sans en être. Ils y sont liés tout en se projetant surtout dans le monde atlantique ou plus largement, dans la civilisation anglo-saxonne. Une chose est certaine : ils ont voulu restaurer leur souveraineté nationale, reprendre en main leurs destinées. Maintenant, les autres nations d'Europe se demandent aussi comment restaurer leur souveraineté sans jeter tout simplement aux poubelles un cadre politique commun à la civilisation européenne. Reste à voir qui pourra porter cela politiquement. Cela ne va pas de soi, et les candidats ne sont pas si nombreux.

    Dans le cas de Trump, nous avons surtout assisté à un grand référendum antisystème. Le désespoir de grandes catégories de l'électorat depuis un bon moment aliénées de la vie politique s'est converti en une colère féroce. Trump était grossier, malappris, violent, brutal. Il l'est encore. Il représentait, en quelque sorte, une caricature de l'anti-politiquement correct. Ce n'était pas seulement un candidat transgressif, mais un candidat balourd. Mais paradoxalement, cela a servi Trump : le discrédit à l'endroit des élites est tel aux États-Unis que plus on rejetait Trump, plus il canalisait vers lui la sympathie de ceux qui se sentent méprisés par le système et que Clinton, dans un mélange de candeur et de mesquinerie, a surnommé « les déplorables ».

    Mais le vote pour Trump était aussi un vote politique : sa candidature se serait épuisée si elle n'avait aucune dimension programmatique. Même s'il ne l'a pas dit ainsi, il s'est emparé de grands pans du vieux programme paléoconservateur de Pat Buchanan. Il tenait en deux points : nationalisme culturel et nationalisme économique. Autrement dit, critique de l'immigration et protectionnisme économique. L'enjeu de l'immigration qui lui a permis de décoller dans les sondages. Le protectionnisme économique lui a permis de mobiliser un vote ouvrier et populaire que l'on considérait généralement acquis aux démocrates. Sur le fond des choses, l'Amérique est un empire qui doute et qui se redécouvre sous les traits d'une nation historique. Avec Trump, l'Amérique renonce pour un temps au messianisme démocratique. Elle veut moins s'étendre que se défendre. Du moins, c'est la vieille Amérique qui est traversée par de telles angoisses.

    Selon l'époque dans laquelle on vit, le politique change de vocation. Marguerite Yourcenar, dans les Mémoires d'Hadrien, fait dire à l’empereur : « Et je remerciais les dieux, puisqu'ils m'avaient accordé de vivre à une époque où la tâche qui m'était échue consistait à réorganiser prudemment un monde, et non à extraire du chaos une matière encore informe, ou à se coucher sur un cadavre pour essayer de le ressusciter ». Convenons que nos dirigeants n'ont pas la chance d'Hadrien. Il faut aujourd'hui revitaliser la souveraineté et redonner du pouvoir au pouvoir, qui s'est laissé depuis trop longtemps corseter par les juges, l'administration, les conventions internationales et le politiquement correct. Il faut redonner de la substance à la nation, à la communauté politique. Il s'agit aussi de restaurer les cadres politiques et anthropologiques permettant aux mœurs de reprendre leurs droits, à la culture nationale de redevenir la norme assimilatrice qu'elle doit être, au patrimoine de civilisation qui est le nôtre d'être transmis.

    On devine qu'on n'y parviendra pas avec des hommes politiques ordinaires, se construisant un programme en multipliant les sondages et les conseils de communicants. On comprend dès lors le succès de ceux qui, devant le sentiment d'impuissance générale, parviennent à incarner le volontarisme, la détermination ou la résolution. L'histoire ne s'écrit pas avec en arrière-fond une musique d'ascenseur et avec des hommes au caractère tiède. Il fallait probablement un caractère aussi ubuesque et démesuré que Trump pour être capable de faire face à l'agressivité extrême dont peut faire preuve le système lorsqu'il se sent menacé. Il fallait un homme aussi fantasque que Nigel Farage pour porter pendant des années, sous les moqueries générales, le projet d'un référendum britannique sur l'Europe. Un homme qui désire demeurer respectable auprès de ceux qu'il conteste est condamné à ne plus les contester ou à se contenter d'une contestation de façade. Il participera à la comédie des faux-débats qu'on nous présente souvent comme l'expression sophistiquée de la démocratie.

    La question de l'immigration a été centrale dans le débat autour du Brexit. Aux Etats-Unis, la défaite d'Hillary Clinton sonne comme celle de l'échec de la politique des minorités. Est-ce également la fin du « multiculturalisme comme religion politique » ?

    Non. Le multiculturalisme, quoi qu'on en pense, demeure une philosophie politique à la fois dominante dans les médias, dans l'université dans l'école et dans plusieurs institutions publiques déterminantes : autrement dit, le multiculturalisme contrôle encore le récit public, même si sa puissance d'intimidation auprès du commun des mortels est bien moins grande qu'il y a vingt ans. J'ajoute que les multiculturalistes, devant la contestation de leur modèle de société, ont tendance, comme on dit, à se « radicaliser ». Ils diabolisent comme jamais leurs adversaires. Il faut s'y faire : je ne sais pas si le multiculturalisme est en train de tomber, mais je sais qu'à peu près aucun régime ne tombe en se laissant faire et sans se défendre.

    Cela dit, ce n'est pas la fin de la politique des minorités, tout simplement parce que la mutation démographique des sociétés occidentales est déjà tellement avancée qu'elle ne saurait rester sans conséquences politiques. L'immigration massive des dernières décennies transformera et transforme déjà en profondeur nos sociétés, et il faut une bonne part de naïveté ou d'aveuglement idéologique pour croire que c'est pour le mieux. Les métropoles, dans certains cas, se désaffilient mentalement de la nation. On assiste aussi à la multiplication des communautarismes qui justifient leurs revendications au nom des droits de l'homme. L'assimilationnisme, ou si on préfère, une intégration substantielle à la nation demeure nécessaire : cela exigera toutefois une forme de déprise du multiculturalisme car en ce moment, au nom d'une conception dénaturée de la « lutte contre les discriminations », on brise les mécanismes qui permettaient traditionnellement d'intégrer à la nation.

    Par ailleurs, la conjugaison des revendications minoritaires dans une perspective de déconstruction des nations occidentales demeure le cœur du programme idéologique de la gauche multiculturaliste, et on l'imagine mal en changer. Il faut défendre les droits de toutes les minorités, quelles qu'elles soient, contre le règne fantasmé du mâle blanc hétérosexuel. Dans les années à venir, la gauche diversitaire continuera à déconstruire les normes historiques et anthropologiques qu'on croyait constitutives de notre civilisation. Et contrairement à ce que croient d'étranges optimistes, qui s'imaginent que nous avons touché le fond, il reste encore beaucoup à déconstruire. Elle est engagée dans une logique d’éradication : le vieux monde doit mourir pour que le monde rêvé naisse. Sa guerre contre les « phobies », qui mélange fanatisme et nihilisme, envoie un signal clair : ce que nous pourrions vouloir conserver du « monde d’hier » est empoisonné par la haine, les stéréotypes et les préjugés. Il faut donc repartir à zéro. Le progressisme demeure accroché au fantasme de la table rase.

    J'ajoute que le multiculturalisme demeure l'idéologie officielle de la droite financière comme de la gauche mondaine. Cette dernière est fragilisée : elle dispose encore, et pour longtemps, d'une vraie capacité d'intimidation idéologique. Quiconque doit passer devant le tribunal médiatique de temps à autre sait quel genre de questions on lui posera : le discours médiatique dominant, qui délimite plus souvent qu'autrement les contours du possible et du pensable, demeure formaté par le politiquement correct. Nous ne sommes pas à la veille de voir des journalistes et des présentateurs « ordinaires » poser des questions implicitement conservatrices masquées derrière le souci de l'objectivité critique. Le traitement systématique de la question des migrants à travers le prisme humanitariste nous permet de comprendre à quel point nous sommes loin, quoi qu'on en dise, d'un renversement d'hégémonie idéologico-médiatique.

    La France a été une nouvelle fois endeuillée par des attentats des terroristes. Que cela vous inspire-t-il ? L'amoureux de la France que vous êtes, continue-t-il de voir notre pays comme un modèle ?

    Une première chose doit être dite : devant l'agression islamiste, ils sont nombreux à refuser de nommer les choses telles qu'elles sont. Le système médiatique déréalise les attentats, il les vide souvent de leur signification politique : à chaque fois ou presque, il cherche à imposer la thématique du loup solitaire, de l'assassin déréglé, ou maintenant, de camion fou. Certains médias envisagent même ouvertement de ne plus donner le nom des terroristes, ou de ne plus dévoiler leur origine, de peur d'encourager les amalgames et la stigmatisation. On parle de radicalisation sans viser l'islamisme en particulier. À ce que j'en sais, au moment de commettre un attentat, les terroristes disent bien Allahu Akbar et non pas « Sainte-Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs » ! On dénonce toutes les religions comme si elles se confondaient dans une même pathologie globale. Le discours médiatique déforme le réel et nous empêche de le penser. On classe parmi les faits divers des agressions qui, si elles étaient correctement interprétées, donneraient un portrait autrement plus cruel de l'insécurité qui frappe les sociétés européennes. Le commun des mortels ne croit plus les médias.

    C'est un fait, la France est aujourd'hui le champ de bataille principale de la conquête de l'Europe par l'islamisme et il semble bien qu'elle le demeurera. Vue la multiplication des Molenbeek dans le pays, vu la multiplication des territoires perdus de la nation, vue l'agressivité de l'islam radical qui cherche partout à se rendre visible et à définir à ses propres conditions son inscription dans la cité, on peut croire que la France demeurera au cœur de la grande bataille de notre temps. Il faut dire qu'avec l'Amérique, c'est la nation occidentale qui a par excellence une vocation universaliste. On cherche à la culpabiliser en expliquant la chose par son passé colonial. Toujours, le monde occidental doit être coupable, même du mal qu'on lui fait. Et pourtant, le commun des mortels, dans nos pays, ressent, je crois, une solidarité intime avec la France. Tous prennent personnellement les agressions qu'elle subit.

    Vous me demandez si la France demeure un modèle. Tout dépend de ce qu'on appelle modèle : je ne prétends pas que la France soit la réponse à chacun de nos problèmes, évidemment ! Mais la France est une nation qui a le sens du politique et qui n'accepte manifestement pas de se laisser dissoudre dans la logique du multiculturalisme. Dans le monde occidental, elle incarne une force de résistance. La querelle du burkini, qu'on a vite oubliée, n'avait rien d'anecdotique, et en quelque sorte, elle ne pouvait avoir lieu qu'en France … et au Québec ! Il s'agissait de critiquer l'empiètement de l'islam dans l'espace public, à travers une stratégie de visibilité maximale que j'assimile quant à moi à de l'exhibitionnisme identitaire. Mais pour mener cette critique, il ne faut pas se contenter d'une vision procédurale et juridique du monde commun. Il faut habiter le monde comme un peuple et réclamer son droit à la continuité historique, pour reprendre la formule de Bérénice Levet. La question du burkini a aussi permis de poser la question de la part des mœurs dans l'identité d'une nation, qui ne saurait se définir exclusivement dans les paramètres juridiques du contractualisme. La France n'oppose pas seulement des grands principes à l'islamisme ou au postmodernisme le plus agressif : elle oppose une civilisation, un art de vivre, une manière d'habiter le monde. C'est ce qui fait sa grandeur, et elle nous donne ici un bel exemple. Ce ne sont pas seulement des principes abstraits qu'on oppose au totalitarisme, mais une patrie, une civilisation, un pays.

    Le renoncement de François Hollande marque-t-il un changement d'époque en France également ?

    En fait, celui qui est un peu devenu président par accident a mis fin de lui-même à ce quinquennat un peu médiocre. Comme s'il comprenait, au dernier moment, que la mauvaise farce avait assez duré. François Hollande, l'homme des petites combines politiciennes, n'était pas taillé pour les institutions de la cinquième république, et encore moins pour des temps tragiques. Personnellement, je n'ai pas vu une grande noblesse dans son discours de départ : il faisait un peu pitié, en vérité. L'homme avait une conception gestionnaire du pouvoir : il ne semblait tout simplement pas prendre les cultures au sérieux. Pourquoi voulait-il devenir président ? On ne l'a jamais su ni compris exactement. Paradoxalement, François Hollande avait des yeux pour voir, et il voyait, comme on l'a constaté avec les entretiens rapportés par Davet et Lhomme, la France se fractionner, se briser, se partitionner, se décomposer. Mais il n'en tirait aucune conséquence politique, comme s'il s'agissait d'une fatalité sur laquelle le pouvoir n'avait aucune emprise. « Je suis président donc je ne peux pas » : c'est avec cette triste formule que je résumerais une présidence en décalage complet avec les exigences de notre temps.

    Comme analysez-vous le déroulement et le résultat de la primaire à droite ? La victoire de François Fillon traduit-elle une percée conservatrice ou un grand soir libéral ?

    Dans le texte qu'il consacre à la mort de Caton dans Le treizième César, Montherlant écrit une phrase terrible : « Il regarde à droite, il regarde à gauche, il regarde en haut, il regarde en bas, et il ne trouve que l'horrible. C'est quelquefois la tragédie d'un peuple, à un moment donné : il n'y a personne ». J'ai l'impression que le peuple de droite a d'abord abordé ainsi la primaire et cela à un moment où il espérait secrètement l'homme providentiel ! Juppé et Sarkozy représentaient les deux visages d'une classe politique déconsidérée. D'un côté, avec Alain Juppé, on avait la « droite de gauche », toujours occupée à donner des gages au progressisme médiatique et mondain. Alain Juppé n'était pas un homme sans valeur, il avait une rigueur intellectuelle admirable, mais ce n'était manifestement pas le candidat d'un peuple de droite décomplexé et résolu à affirmer ses valeurs politiques - d'un peuple de droite qui ne tolère plus que ses leaders aient honte de lui, en quelque sorte. Nicolas Sarkozy, quant à lui, était un homme absolument énergique, mais il n'était tout simplement plus cru. C'était, vous me pardonnerez la formule, la figure par excellence de la politique histrionique. Il aura trop déçu pour incarner une véritable espérance. Certains se diront probablement, avec un grand regret en pensant à ce qu'il aurait pu être : quel gaspillage !

    François Fillon s'est alors imposé comme le candidat d'une droite décomplexée mais tranquille. C'était l'antipopuliste, si on veut, même si la gauche a hystérisé le débat en le talibanisant. Si son programme libéral n'a pas été désavoué, ce n'est pas lui qui l'a propulsé au premier rang : on peut voir dans son élection une révolte de la décence commune. L'homme de droite ordinaire en avait assez de voir la fonction présidentielle complètement désacralisée. La France demeure quand même à sa manière un vieux pays monarchique ! On a parlé d'un vote catholique. La formule me semble exagérée : il ne s'agit pas d'un vote confessionnel, mais plutôt, d'un vote culturellement conservateur. C'est aussi un vote pour une certaine permanence française, pour un pays qui habite son histoire et qui veut aussi la poursuivre et persévérer dans son être historique.

    Reste à voir quelles espérances sont investies en Fillon. Pour certains, la déliquescence de la présidence depuis 2007 est telle qu'un peu de décence suffira pour donner l'impression de la grandeur et de la noblesse retrouvée de la fonction. On se doute bien que Fillon ne se lancera pas dans de nouvelles innovations sociétales à la Taubira, mais suffit-il de ralentir la catastrophe ou de prendre une pause dans la marche vers le paradis postmoderne pour devenir le héraut des conservateurs ? Une bonne partie de la droite a finalement des espérances assez limitées : elle veut accueillir les innovations sociétales à son rythme, sans qu'on la brusque, mais ne s'imagine pas renverser le sens de l'histoire. Est-ce qu'il y a chez François Fillon quelque chose comme un programme de reconquête culturelle ? Dans quelle mesure croit-il pouvoir regagner du terrain sur la gauche, sur les grandes questions sociétales ou identitaires ? Quel avenir pour la droite conservatrice avec Fillon ? Sera-t-il celui qui traduira politiquement ses idées ou sera-t-il plutôt celui qui emploiera la rhétorique conservatrice sans jamais aller au-delà des mots ?

    Que vous inspire le « phénomène » Macron. Est-ce le Trudeau français ?

    Macron est le candidat des élites mondialisées qui se sont affranchies du vieux monde et n'ont même pas l'idée d'entretenir une certaine tendresse pour son souvenir : il croit, ou du moins, il veut croire à la mondialisation heureuse. C'est le contraire de la France périphérique, ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas le souci des déclassés et des désœuvrés, mais pour l'essentiel, il porte un diagnostic libéral et libertaire : la France serait bloquée parce qu'elle serait crispée. C'est en la délivrant d'une culture pensée à la manière d'une entrave historique qu'elle pourra de nouveau donner sa chance à des millions de Français. Il lui manque toutefois une chose : l'homme a beau être cultivé, et faire ce qu'il faut pour entretenir cette image, il semble plutôt imperméable à ce qu'on pourrait appeler la part existentielle du politique. Les enjeux identitaires le laissent plutôt froid : du moins, ils ne semblent pas éveiller ses passions. Est-ce tenable à notre époque ?

    Mais on évitera les comparaisons trop faciles avec le golden boy de la politique mondialisée qu'est Justin Trudeau. Ce dernier, d'abord et avant tout, disposait d'un privilège dynastique. Sans son nom de famille, jamais il ne serait devenu premier ministre du Canada : il n'avait ni la compétence, ni le bagage pour briguer une aussi haute fonction. Trudeau était aussi à la tête du Parti libéral du Canada, qui est, comme on dit chez nous, le parti naturel de gouvernement à Ottawa. Enfin, au Canada, le multiculturalisme est une doctrine d'État, inscrite dans la constitution, et qui est défendue dans sa forme la plus extrême par les élites politiques et médiatiques.

    Cela dit, il se peut, et c'est même probable, que les deux hommes soient d'une même famille de pensée, d'une même famille d’esprit : ce sont des modernes fiers de l'être, heureux de l'être.

    L'année 2017 sera une année d'élection présidentielle en France. Quels en seront les enjeux ?

    La question identitaire sera présente, on n'y échappera pas, car c'est à travers elle que l'époque pose celle des nations. Elle se décline autour de nombreux thèmes : immigration, frontières, Europe, laïcité, place de l'islam, assimilation. Comment y échapper ? On s'entête, dans certains milieux qui semblent incapables de sortir d'un matérialisme à courte vue, à ne pas prendre au sérieux la question identitaire, qui serait secondaire par rapport aux enjeux économiques. Pourtant, à travers elle, l'individu redevient un animal politique. Il ne s'agit plus, aujourd'hui, de gérer raisonnablement une société qui ne va pas trop mal, mais de défendre l'existence même de la nation française et de la civilisation française. Par temps calmes, la politique gère des intérêts potentiellement réconciliables et consensuels : dans les temps tragiques, elle canalise aussi les passions et des visions du monde.

    La question de la réforme libérale du modèle social français se posera aussi, quoi qu'on en pense. Car François Fillon a beau ne pas avoir été élu à cause de son programme libéral, il ne l'a pas empêché de gagner la primaire non plus. Peut-être est-ce qu'une partie de la France croit aux vertus d'une thérapie de choc libérale ? Chose certaine, ce morceau de programme pourrait contribuer à reconstituer, au moins partiellement, le temps de l'élection, le clivage gauche-droite dans sa forme la plus classique : la gauche présentera Fillon comme le candidat de l'argent et des privilégiés, et se présentera comme la seule capable de défendre les droits sociaux. Ce sera du théâtre, mais rien ne dit que cette pièce ne s'imposera pas aux Français. Mais la gauche est tellement éclatée qu'on ne sait trop qui, finalement, parviendra à porter ce programme. À l'heure où on se parle, on ne sait pas trop qui portera on étendard, au-delà de la seule question des primaires de la gauche.

    Cela nous conduit à la question du FN, qui voudrait bien occuper le créneau du national-républicanisme, contre le libéral-conservatisme présumé de Fillon. En gros, le FN aimerait représenter la gauche national-chevènementiste contre la droite balladurienne. Le programme du FN mariniste ressemble de temps en temps à celui du défunt CERES auquel on ajouterait la lutte contre l'immigration. Le FN fait un souhait : que l'avenir de la gauche nationale soit la droite populiste. On verra d'ici quelques mois si ce pari était tenable. On sait qu'il n'est pas sans créer des tensions dans ses rangs.

    Après le Brexit et l'élection de Donald Trump, la France doit-elle s'attendre à un séisme politique comparable ?

    Il faut marquer une différence profonde entre la présidentielle américaine et la présidentielle française : Trump, un candidat antisystème, s'est emparé d'un des deux grands partis du système. C'est un peu comme si Marine Le Pen devenait la candidate des Républicains. Ce qui n'est pas exactement le cas, vous en conviendrez. La configuration politique n'est donc pas la même. La révolte populiste ne s'est pas emparée d'un des deux pôles de la vie politique française : elle demeure la figure exclue contre laquelle se constituent les courants politiques qui se reconnaissent mutuellement légitimes dans la conquête du pouvoir.

    Fillon, quant à lui, n'incarne pas une candidature antisystème. Il n'en a ni le style, ni le tempérament, ni le programme. Il ne joue pas le rôle non plus de la droite domestiquée. Depuis des années, on entendait les meilleurs analystes se désoler du fait que la droite en acceptant la tutelle idéologique du progressisme, ouvrait un boulevard au Front national. Est-ce qu'une droite décomplexée, délivrée des mythes culpabilisants qui la poussaient finalement à toujours quêter un certificat de respectabilité chez le camp d'avance, pourra répondre en profondeur aux angoisses à l'origine du développement du populisme en France et ailleurs ?

    Les conservateurs français, comme ceux de partout en Occident, devront accepter une réalité pénible : la reconstruction du monde ne prendra pas qu'un mandat présidentiel, ni deux, ni même trois. C'est une tâche qui dépasse l'horizon politique à court et moyen terme. Ce qui ne nous dispense pas d'y œuvrer. Chaque génération doit savoir qu'elle n'est qu'un maillon dans la longue histoire d'un peuple, même si elle doit jouer chaque fois son rôle comme si l'avenir du pays dépendait d'elle. Car les conservateurs travaillent, pour emprunter les mots du poète québécois Pierre Perrault, pour la suite du monde.   

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf. 

     

    Alexandre Devecchio

    @AlexDevecchio

  • Muslims contre muslims... et doux prénoms de notre « douce France » ...

    Le Reina emblématique discothèque d'Istanbul, située à Ortaköy, sur la rive européenne de la ville  - Photo AFP

     

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    Trois remarques amusées, malgré la gravité du sujet, après l'acte de terrorisme d'Istanbul, maintenant qu'on est sûr qu'il vient de Daech, qui l'a revendiqué :

    1. Ainsi donc, pour Daech, la Turquie est l'alliée des « croisés », et c'est pour cela que, dorénavant, elle sera frappée comme nous tous, les Européens.

    Bon, libre à Daech de dire n'importe quoi, mais tout de même, ranger dans le clan des « croisés » (!) un pays, la Turquie, qui a réussi une quasi parfaite purification religieuse, culturelle et ethnique en supprimant de la carte et de la surface de la terre les chrétiens, qui peuplaient à 100% Constantinople et tout le pays lors de la conquête turque de 1453, cela reste, malgré tout, un peu fort...

    Mais, prenant les choses du bon côté, n'est-il pas, au fond, réjouissant de voir que, pour Daech, un Vincent Peillon, un Jean-Luc Mélenchon, un François Baroin et tant d’autres sont des « croisés » ? Non, soyez prudents, ne le leur dites pas : ils risqueraient de nous faire un infarctus !

    2. Imperturbable, sérieux comme un pape, et ne se rendant absolument pas compte de l'énormité de son propos, le journaliste de BFM-TV annonce, sans ciller, durant le reportage sur l'évènement :« Deux Français se trouvaient dans la Reina (la boîte de nuit où a eu lieu le carnage) : Yunus TÜRK (cela ne s'invente pas !) et son cousin Yussuf KODAT étaient sur place ; les deux Alsaciens racontent ... » ; un peu plus tard, après la prestation des deux Alsaciens (!) le même journaliste aggrave son cas, mais toujours sans se rendre compte du ridicule de ses propos : « Fatih ALTINTAS, lui, est de Montluçon » ...

    Mais soyons honnêtes, il nous a tellement fait rigoler, le journaleux, avec ses deux Alsaciens et son Auvergnat montluçonnais, qu'il faut tout lui pardonner : grâce à lui on a commencé l'année en pleurant de rire, et cela n'a pas de prix. Merci, BFM !

    3. Enfin, cerise sur le gâteau, dans le reportage de BFM, juste après Istanbul, on parle de Hollande, en visite en Irak, fortuitement, deux jours après. « Moi, président » a prophétisé « une victoire contre le terrorisme en 2017 ». Pauvres de nous ! S'il est aussi bon dans sa prévision sur le terrorisme que pour l'inversion de la courbe du chômage en France, on est mal barrés ! Mais, vraiment, très mal barrés... 

  • Joyeux Noël !

    Budapest à Noël

     

    Superbe ! 

    Marché de Noël filmé à Budapest.  

    Pour celles et ceux qui, croyant au Ciel ou n'y croyant pas, aiment les gens de cœur. Et aiment les chœurs  … 

    Ce flash-mob* à été filmé à Budapest … plus exactement devant la basilique Saint-Etienne de Pest.

    À l’initiative des Franciscains, des centaines d’instrumentistes et de chanteurs se sont réunis… pour attirer l’attention sur les chrétiens persécutés dans le monde et chanter leur foi.

    Le résultat est émouvant et les sous-titres sont en français.   

    * Flash mob [Wikipédia] 

     

    4' 30'' Et c'est magnifique !

    Cliquez pour regarder en plein écran !

  • Deuxième front majeur en Syrie : la Province d'Idlib

     

    Par Antoine de Lacoste 

    Cette note - en quelque sorte une note d'information et de réflexion - fait suite à un premier article déjà publié dans Lafautearousseau : « Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants et tout d’abord Alep ». On s'y rapportera avec profit.  LFAR

     

    Ce deuxième front (qui fait donc suite à celui d'Alep) est nettement moins médiatique que le précédent.

    C'est pourtant là que pourrait se jouer une prochaine bataille majeure et c'est à cause de sa prise par les islamistes que Poutine a décidé l'intervention des forces russes en Syrie en septembre 2015.

    La province d'Idlib se situe au nord-ouest du pays. Elle est limitrophe de la Turquie au nord, et est bordée par la province d'Alep à l'est et celle de Lattaquié à l'ouest, symbole emblématique du pays alaouite (du nom de la religion à laquelle appartient la famille Assad).

    Une forte minorité turkmène y habite : elle est sunnite et très influencée par l'islamisme. Elle a donc bien évidemment rejoint les rangs de la rébellion dès 2012 et bénéficie depuis d'une base arrière idéale avec le voisin turc, dont elle est si proche religieusement et ethniquement. Le reste de la population est essentiellement sunnite mais quelques villages chrétiens existent encore.

    La province est assez vite tombée aux mains des islamistes, où le Front al Nosra (devenu Fatah al Cham) joue un rôle majeur, et seule la capitale Idlib restait aux mains des loyalistes.

    Tout a changé au printemps 2015 : une offensive conjointe de plusieurs groupes islamistes a isolé la ville qui est tombée après quelques jours de combats acharnés, malgré des raids massifs de l'aviation syrienne, trop imprécise. Les effectifs engagés n'étaient pas considérables des deux côtés mais l'essentiel était ailleurs : la chute d'Idlib ouvrait la voie vers la province de Lattaquié (appelée aussi la vallée alaouite) et, un peu plus au sud, vers la base navale russe de Tartous.

    La progression lente mais régulière des factions islamistes était suivie de très près par les observateurs militaires russes qui ont, au cours de l'été, acquis la conviction que l'armée syrienne ne tiendrait plus longtemps. Or la chute de Lattaquié aurait sonné le glas du régime. De plus, les Russes ne pouvaient tolérer que leur unique base navale méditerranéenne soit menacée.

    En septembre, Poutine ordonne donc l'inéluctable intervention russe, à laquelle l'armée se préparait d'ailleurs depuis quelques temps.

    Fort logiquement, c'est donc dans la province d'Idlib qu'a porté l'essentiel de l'effort russe dans les semaines qui ont suivi. Il fallait à tout pris desserrer l'étau qui menaçait Lattaquié.

    Bien sûr, comme Daech n'était pas présent dans le secteur, la grande entreprise de désinformation pouvait commencer: les Russes s'attaquaient à la rébellion modérée (le Front al Nosra !) et ne s'intéressait pas au seul ennemi identifié par nos journalistes incultes : l'Etat islamique.

    Quelques semaines plus tard, alors que le front s'est enfin stabilisé, l'impensable se produit : un chasseur turc abat un bombardier russe qui aurait violé l'espace aérien de la Turquie. Les deux pilotes s'éjectent : l'un, blessé, est capturé et massacré par des islamistes turkmènes. On découvre à cette occasion qu'un civil commandait ce groupe de quelques centaines d'hommes : un militant nationaliste turc, membre des Loups gris, présent sur ordre des services secrets turcs. L'idée est en effet d'annexer à terme la province, une fois la chute de Bachar accomplie; la forte minorité turkmène en serait le prétexte. L'intervention russe, évidemment, risquait de mettre un terme à cet ambitieux projet qui aurait prolongé l'annexion du Sandjak d'Alexandrette en 1939, réalisée à cause de la lâcheté de la France (nous y reviendrons dans un article ultérieur).

    Quant au deuxième pilote, il est exfiltré, non sans mal, grâce à une intervention éclair des forces spéciales russes.

    La réaction de Poutine sera très énergique et Erdogan devra faire de plates excuses quelques mois plus tard, marquant ainsi l'échec de sa tentative d'intimidation. On notera aussi que quelques hélicoptères turcs seront peu après abattus par des insurgés kurdes du PKK au moyen de missiles russes récemment livrés....

    La grande nouveauté c'est que depuis quelques semaines, l'activité militaire a repris dans la province d'Idlib, notamment depuis que la chute d'Alep est inéluctable. L'aviation russe a lancé de nombreux raids comme pour préparer le front suivant. Des chars syriens commencent à faire mouvement et une nouvelle bataille, difficile, pourrait prochainement commencer.

    Comme toujours, ce sont les Russes qui sont maîtres du calendrier et qui décideront du moment de l'attaque.

    Les Saoudiens, de leur côté, observent avec inquiétude, l'éventualité de ce nouveau champ de bataille. Car rien ne va plus pour leurs alliés : Daraya, dans la banlieue de Damas, est tombée cet été et Alep va bientôt suivre. Les alentours de Homs et de Hama sont progressivement nettoyés. La chute d'Idlib dans ce contexte serait une catastrophe.

    Alors les grands moyens vont être employés et la CIA est à la manoeuvre pour aider les amis de son fidèle allié. Son patron lui-même, John Brennan, s'est déplacé à Ryad en octobre dernier pour mettre au point la livraison aux islamistes de 500 lance-missiles antichars. Les Russes sont bien sûr au courant et équipent actuellement les chars syriens d'appareils électroniques de brouillage.

    Personne ne sait si le Département d'Etat américain approuve ces initiatives de la CIA mais celle-ci a acquis une autonomie d'action et de décision particulièrement inquiétante. Aux Etats-Unis aussi les conflits de pouvoir sont complexes.

    En tout état de cause, la bataille d'Idlib semble inéluctable et son issue victorieuse libérerait presque totalement l'ouest de la Syrie.

    Après ce sera Raqqua, capitale de l'Etat islamique... 

     

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants et tout d’abord Alep

    [Merci de ses transmissions à Philippe Lallement]