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Actualité Monde - Page 105

  • Printemps à Baden

    G20 à Baden-Baden - Lichtentaler Allee

     

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

     

    Moins de trente ans après la disparition de l’empire soviétique, ce qui reste du bloc occidental est peut-être en train d’imploser. Il aura suffi que M. Trump, par l’entremise de son représentant au dernier G20 réuni à Baden-Baden, s’oppose à ce que soient réitérées conjointement l’opposition à « toute forme de protectionnisme » et la sacro-sainte profession de foi libre-échangiste et multilatéraliste. M. Sapin, croyant peut-être faire un bon mot mais surtout assuré de ne pas participer au prochain G20, a parlé de « désaccords […] entre un pays et tous les autres » - feignant ainsi d’oublier que le « pays » en question reste quand même la première puissance mondiale, tout à fait capable d’imposer la plupart de ses vues. M. Sapin eût donc  été mieux inspiré de profiter de l’occasion pour en appeler à un commerce plus « juste », en l’occurrence un commerce dont les règles ne joueraient pas à sens unique en faveur de certains dont nous ne sommes pas.

     

    P170316-06-770x470.jpgSon pays non plus pour M. Trump qui rappelle que « les échanges internationaux sont un jeu à somme nulle dont les Etats-Unis ont été les grands perdants ». Le grand gagnant en Europe est l’Allemagne, les autres pays de l’Union étant bien incapables de faire autrement que de suivre, y compris à leur détriment. M. Perri, ancien journaliste devenu chef d’entreprise, répète volontiers que, tout étant affaire de bonne gestion, il est bien naturel que les excédents allemands ne cessent de s’accroître. Raisonnement d’économiste pour qui le facteur humain reste secondaire.

     

    Rappelons à M. Perri que la France n’est pas l’Allemagne et que les Français ne sont pas des Allemands : à chacun son tempérament et ses atouts. Il serait plus vrai de dire que l’U.E., parce qu’elle est historiquement et essentiellement fondée sur l’économie, le commerce, la monnaie, profite à une Allemagne laborieuse, tirée du néant après 1945 par les Etats-Unis qui en ont fait, notamment avec le dogme du libre-échange, leur plus fervent soutien et leur allié inconditionnel. On comprend bien, dès lors, pourquoi Mme Merkel affichait une mine si déconfite lors de son entretien à Washington avec M. Trump,  rencontre qualifiée de « glaciale » entre la femme de foi et l’entrepreneur pragmatique.

     

    Dans l’intérêt de la France, ni libre-échangisme ni protectionnisme ne devraient constituer une position de principe. C’est affaire de nécessité, d’opportunité et de choix politique. En l’état actuel, nul besoin d’être un grand spécialiste pour se convaincre que des pans entiers de notre tissu industriel et agricole ont été victimes d’une mondialisation sauvage dont il est impératif de nous protéger pour simplement continuer d’exister. Il n’est sans doute pas trop tard pour revitaliser les grands secteurs de notre économie, au prix bien évidemment de mesures protectrices susceptibles d’entraîner, pour un temps difficile à évaluer, une diminution conjuguée de nos importations et de nos exportations. Ce serait en tout cas profiter au mieux de la nouvelle donne économique voulue par les Etats-Unis de M. Trump. 

     

  • Google, ou la révolution transhumaniste via le Big Data

     

    Par Eric Delbecque           

    A l'occasion de la sortie du livre de Christine Kerdellant Dans la Google du loup, Éric Delbecque décrypte dans cette tribune [Figarovox, 13.03], le projet de « fusion » entre le vivant et le digital porté par le géant de l'informatique américain. Ne nous y trompons pas : l'entreprise est - volens nolens - une révolution anthropologique menée par ce qu'Eric Delbecque nomme à juste titre un capitalisme sauvage darwinien et froid qui pourrait se révéler terriblement destructeur.  LFAR 

    Christine Kerdellant a relevé un beau défi Dans la Google du loup (Plon)! Elle met le doigt là où Google pose véritablement problème, à savoir sur la révolution anthropologique du transhumanisme… Pour ce qui concerne sa participation à la société de surveillance globale que fabriquent un certain nombre d'acteurs publics et privés, l'affaire est entendue depuis des années… Sous l'administration Obama, les dirigeants de Google se rendirent à la Maison-Blanche 230 fois! Ils confirmèrent en 2013 que les agences gouvernementales de l'Oncle Sam les sollicitaient annuellement - dans le cadre du Patriot Act - pour surveiller 1000 à 2000 comptes. En janvier 2015, la firme vedette du Web a reconnu avoir fourni au Ministère de la Justice américain l'intégralité des comptes Google de trois membres de Wikileaks.

    Il paraît dès lors compliqué de penser qu'une idéologie sécuritaire explique à elle seule l'extension de l'ombre de Big Brother sur le monde. Les géants du numérique du secteur privé (les GAFA : Google, Amazon, Facebook, Apple) participent largement à la manœuvre, plus ou moins volontairement (pas pour des raisons politiques, mais économiques). Nous assistons à l'émergence d'une société de surveillance de masse dont l'État n'est pas le centre mais l'un des maillons. Sa stratégie en matière de renseignement doit se lire comme un fragment d'un système cybernétique (au sens de science du contrôle) beaucoup plus vaste, où le capitalisme financier californien et numérique occupe une place décisive. Séparer ce dernier du complexe militaro-sécuritaro-industriel de l'Oncle Sam devient de plus en plus difficile, voire hasardeux.

    L'intérêt plus décisif du livre de Christine Kerdellant est ailleurs. Il explore de manière très accessible et percutante le cœur du projet Google, ou plutôt sa signification philosophique profonde. Derrière les joyeux Geeks de la Silicon Valley s'exprime la volonté de réifier l'humanité, de l'enchaîner à une raison calculante. Cette dernière va nous émanciper nous répète-t-on, nous libérer - via le Big Data - des limites de notre condition, nous délivrer de la mort et transformer notre existence en un jardin de fleurs. Mais lorsqu'on choisit d'examiner de plus près les conséquences des propositions de Google, on découvre une perspective d'avenir moins réjouissante.

    En réalité, c'est l'infiltration du capitalisme sauvage, darwinien et froid comme l'acier qui se laisse apercevoir dans le dessein clairement transhumaniste de Google. Derrière le slogan de « l'homme augmenté », on discerne une posthumanité clivée entre une hyperclasse, capable de se payer l'immortalité (la filiale du géant de Mountain View, Calico, veut « tuer la mort ») et la « surhumanité », et le reste de la population mondiale, qualifiable de « chimpanzés du futur » pour reprendre la formule du cybernéticien britannique Kevin Warwick.

    Tout cela est alimenté par le storytelling sur la « singularité » technologique (ou simplement la singularité). Ce dernier est un concept se définissant de la manière suivante : à partir d'un certain point de son évolution, la civilisation humaine pourrait franchir un seuil conduisant à une accélération inédite de la dynamique technologique. De nombreux spécialistes pensent que ce bond est lié à l'intelligence artificielle. Une fois cette étape franchie, le progrès sera l'œuvre d'intelligences artificielles en constante progression autonome. Un film a matérialisé cette abstraction : Transcendance, de Wally Pfister (2014), avec Johnny Depp. Ce dernier y incarne un scientifique génial spécialisé sur l'intelligence artificielle. Mais une organisation extrémiste, le RIFT (groupe révolutionnaire d'indépendance vis-à-vis de la technologie), tire sur lui avec une balle radioactive, qui ne lui laisse pas plus d'un mois à vivre. Pour survivre, il choisit de télécharger sa conscience dans un ordinateur.

    La singularité induirait des changements tels sur la société que l'individu humain d'avant la singularité pourrait difficilement les appréhender ou les anticiper. Les hommes risqueraient alors de perdre la maîtrise de leur destin (on rejoint là des scénarii mille fois envisagés par la science-fiction). En 2008, Ray Kurzweil (embauché depuis par Google) a fondé aux États-Unis l'université de la Singularité (dans la Silicon Valley). Le concept trouve ses sources dans les travaux sur la cybernétique de John von Neumann. La singularité acquit une certaine popularité dans les années 1990 grâce à Vernor Vinge. La possibilité même et la date de cet événement hypothétique soulèvent des débats. Plusieurs futurologues et transhumanistes l'attendent pour la troisième décennie du XXIe siècle. Mais ces hypothèses sont régulièrement critiquées pour leur manque de solidité scientifique. On comprend bien en revanche pourquoi Google et quelques autres ont tout intérêt à promouvoir ce thème ! Il fait signe vers nos rêves de puissance et d'éternité, matérialisés par le cyborg.

    Le cyborg est une fusion de l'homme et de la machine, et l'intelligence artificielle une tentative de reproduction du fonctionnement du cerveau humain à l'intérieur d'un ordinateur. Dans ces deux cas, il s'agit d'une véritable intrusion de l'univers mécanique et numérique à l'intérieur de la chair et de l'esprit. Ils représentent une menace sur la nature même de l'humanité dans la mesure où ils pourraient modifier notre rapport aux autres et au monde. Nos perceptions, nos sentiments, notre expérience charnelle de la réalité à travers nos sens seraient susceptibles d'être profondément transformés, voire annihilés. Si cet interfaçage homme/machine semble enthousiasmer les partisans les plus radicaux de l'ère digitale, il suscite l'appréhension d'une très grande part de nos contemporains.

    Au bout du compte, Christine Kerdellant fournit un dossier bien documenté permettant de se construire une opinion. Elle explique clairement qu'îl ne s'agit pas de formaliser une quelconque technophobie, mais de lire derrière le storytelling avantageux de Google une application au monde du vivant en général, et à l'être humain en particulier, d'une conception agressivement marchande du monde et de l'esprit. Cette dernière menace d'élaborer lentement une Big Mother au sourire figé et numérique qui ne rendra pas présent le rêve émancipateur prométhéen des Lumières mais risque de nous faire perdre le sens de l'humanité.   

    « C'est l'infiltration du capitalisme sauvage, darwinien et froid comme l'acier qui se laisse apercevoir dans le dessein clairement transhumaniste de Google. » 

    Eric Delbecque 

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    Éric Delbecque est président de l'ACSE et Directeur du département intelligence stratégique de SIFARIS, auteur de: Le bluff sécuritaire. Essai sur l'impuissance française (Éditions du Cerf, 2017)

  • « Boutef », du beau gosse à la momie…

    « Boutef » jadis avec des Algériennes

     

    Par Péroncel-Hugoz 

    Notre confrère puise une fois de plus dans ses carnets d’Alger, quand il y était correspondant du journal Le Monde, sous la dictature du colonel Boumediène, pour relier le président actuel en fauteuil roulant à ses « glorieuses années » passées…

     

    peroncel-hugoz 2.jpgLes observateurs qui s’interrogent sur la façon dont l’Algérie peut être gouvernée par un homme que paralyse la maladie, ignorent ou feignent d’ignorer que, de toutes façons, depuis le coup d’Etat de 1965, ce pays est régi par une camarilla de quelques militaires quasi invisibles et une police politique omniprésente. Dans ce système, le chef de l’Etat et le gouvernement ne sont qu’une façade et ne font qu’appliquer ce que décident une poignée d’officiers vétérans et les patrons des services secrets. Seul l’éphémère président Ahmed Boudiaf, en 1992, peut-être influencé par ses 28 ans d’exil au Maroc, après l’indépendance algérienne, tenta de secouer le joug kaki mais il fut presque aussitôt abattu par un… militaire. 

    Un natif d’Oujda

    Sous le régime du colonel Boumediène, Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères fut, quoique civil, le n°2 de facto du système algérien. Ce furent les belles années du natif d’Oujda, resté volontairement célibataire. Chaque fin de semaine ou presque les Algérois informés, voyant des avions filer vers Nice ou Genève, murmuraient: «C’est Boutef qui va rejoindre ses bonnes amies!». Liens de cœur ou aventures tarifées ; ou un peu des deux, peu importe, le jeune dirigeant séduisait avec sa moustache conquérante et faisait oublier sa petite taille grâce à d’épais talons. Des espions occidentaux enregistraient méthodiquement ses escapades coquines…

    Cependant ses cheveux donnaient déjà du souci au ministre séducteur qui faisait mentir le proverbe méditerranéen selon lequel : « un vrai homme n’a pas honte de sa calvitie ! ». Un demi-siècle plus tard, de pathétiques photos du président immobilisé et hagard, avec ses derniers cheveux collés sur le crâne, font terriblement penser à la momie du pharaon Ramsès II dont les embaumeurs durent batailler avec les ultimes mèches du monarque antique comme tel coiffeur algérois avec celles du président algérien…

    L’ex « beau gosse » des chancelleries et des palaces, pour lequel d’irrespectueux gamins d’Alger forgèrent jadis le verbe « beaugosser » est à présent un mort-vivant auquel des docteurs-miracle de France ou de Suisse (cruelle ironie de l’histoire, les territoires des exploits masculins passés d’Abdelaziz Bouteflika) permettent de se dire encore de ce monde. D’où le sinistre canular récurrent, ces dernières années, sur la Toile, de l’annonce du décès du président algérien, suivie de réactions lapidaires d’intervenants du type : « mais il est déjà mort depuis belle lurette…». Il paraît que même une branche des agences d’espionnage américaines a apporté de l’eau à ce moulin de mauvais goût, pour tester le régime d’Alger…   

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 17.03.2017

  • Langue française • La Tunisie réaffirme son choix du français

     

    Par Ilyes Zouari

    Secrétaire général adjoint de la revue Population & Avenir [

    Le gouvernement tunisien a réaffirmé son attachement au statut privilégié de la langue française, porteuse de valeurs et passerelle vers la vaste Afrique francophone. Cette décision répond aux intérêts supérieurs du pays, tant géopolitiques qu’économiques.

     

    zouari_ilyes.jpgSuite à la polémique déclenchée en octobre dernier par le ministre tunisien de l’Éducation, M. Néji Jalloul, qui proposait de faire de l’anglais la seconde langue du pays, le gouvernement a réaffirmé le statut privilégié du français en Tunisie, quelques jours plus tard.

    Dans ce pays arabo-francophone, celui-ci est appris au plus tard à partir de la troisième année du primaire, constitue la langue d’enseignement des matières scientifiques et économiques à partir du second cycle du secondaire, et représente, au même niveau que l’arabe, la langue de l’administration, des affaires et des médias. Chose qui peut surprendre bon nombre de francophones du Nord, tant furent nombreux les articles affirmant que le français y était en régression. Et ce, au plus grand étonnement des Tunisiens eux-mêmes, qui n’ont jamais été aussi nombreux à le parler et à le maîtriser.

    Le français, valeurs et géopolitique  

    Comme d’autres langues, mais probablement davantage, le français, langue des Lumières, est connu pour être porteur de valeurs humanistes, telles que l’égalité, le partage ou encore le rejet de toute forme d’extrémisme. Ainsi, ce n’est pas un hasard si les seuls pays et territoires à avoir interdit le port du niqab sont francophones ou francophiles. En Europe, la France et la Belgique ont été rejointes par le canton suisse italophone du Tessin (où le français a le statut de première langue étrangère enseignée) et, partiellement, par les Pays-Bas qui l’ont interdit dans certains lieux publics (et où la majorité des élèves apprennent le français au premier cycle du secondaire). En Afrique, le Tchad, le Congo et le Sénégal ont également proscrit le niqab, suivis par le Cameroun et le Niger pour les parties de leur territoire voisines du Nigeria.

    Pour sa part, le Maroc vient d’interdire, en janvier dernier, toute commercialisation de la burqa "afghane" (qui dissimule également les yeux). Avancée modeste, certes, mais qui constitue toutefois une première dans les pays arabes. Du moins depuis la révolution tunisienne, avant laquelle la burqa et le niqab étaient formellement interdits en Tunisie, pays qui demeure toutefois largement en avance en matière d’égalité hommes-femmes. Au passage, il convient de noter que le Maroc avait décidé, début 2016, de réintroduire l’enseignement du français à partir de la première année du primaire, et de refranciser l’enseignement des matières scientifiques dès le primaire également.

    Un passage à l’anglais éloignerait ainsi la Tunisie du monde francophone et des valeurs qui sont les siennes, et conduirait à une érosion très progressive des relations diplomatiques privilégiées et amicales liant historiquement la Tunisie aux autres pays ayant le français en partage. De même, cela l’éloignerait, lentement mais sûrement, du reste du Maghreb, dont la langue française est un des piliers de l’identité linguistique, avec l’arabe et le berbère. Ce qui, in fine, rapprocherait la Tunisie des pays "anglophones" du Moyen-Orient, de leurs codes culturels, et, à terme, de leurs orientations géopolitiques.  

    Le français, ou l’accès à un vaste marché francophone émergent

    Mais le français peut également permettre à la Tunisie d’avoir des relations économiques privilégiées avec les autres et nombreux pays francophones. Faisant partie de ces pays, la France demeure le premier partenaire de la Tunisie (21,2 % de son commerce extérieur de biens en 2014), devançant assez largement l’Italie (16,5 %) et l’Allemagne (8,3 %). Cette forte présence s’explique par ce lien linguistique, sans lequel les entreprises hexagonales s’orienteraient plutôt vers les pays d’Europe de l’Est, plus proches et aux coûts de production souvent comparables.

    De plus, la Tunisie commence également à prendre conscience de l’émergence démographique et économique de l’Afrique subsaharienne francophone, désormais un des principaux relais de la croissance mondiale. Cet ensemble de 22 pays, regroupant 290 millions d’habitants et vaste comme 2,4 fois l’Union européenne (Royaume-Uni inclus), constitue la partie la plus dynamique du continent avec une croissance globale de 3,7 % en 2016 (0,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne). Concentrant, cette même année, 9 des 13 pays africains ayant enregistré une croissance supérieure ou égale à 5 %, cet espace a réalisé les meilleures performances pour la troisième année consécutive et pour la quatrième fois en cinq ans, notamment grâce à la meilleure résistance de la majorité des pays francophones pétroliers et miniers à la chute des cours. En 2016, la croissance s’est ainsi établie à 5,6 % au Cameroun et à 3,2 % au Gabon (ou encore à 3,6 % en Algérie, plus au nord), tandis qu’elle était quasi nulle en Afrique du Sud et en Angola (0,4 %) et négative au Nigeria (-1,7 %). Performance qui s’explique par les avancées en matière de diversification, mais aussi en matière de bonne gouvernance, comme en témoigne le succès de l’ITIE (Initiative pour la transparence des industries extractives), norme internationale déjà adoptée, fin 2016, par 68 % des pays subsahariens francophones, hors petits États insulaires (et par 38 % des autres pays subsahariens).

    La Tunisie a donc tout intérêt à s’inspirer de l’Algérie, qui vient d’organiser son premier "Forum africain d’investissements et d’affaires", en décembre 2016, et qui aimerait bien rattraper le Maroc, bien plus en avance en la matière. Deuxième investisseur africain sur le continent, derrière l’Afrique du Sud, et premier investisseur étranger en Côte d’Ivoire en 2015 (devant la France), celui-ci peut même s’appuyer, en Afrique de l’Ouest francophone, sur un réseau d’agences bancaires marocaines désormais plus de deux fois plus étoffé que celui de l’ensemble des banques françaises présentes. Cet intérêt marocain pour cette partie du continent vient à nouveau de se manifester, fin février, par le dépôt d’une demande officielle d’adhésion à l’espace CEDEAO.

    Un niveau en anglais déjà assez bon

    Une remise en cause du statut du français serait d’autant plus injustifiée que les jeunes Tunisiens ont déjà, globalement, un niveau assez bon en anglais, appris obligatoirement et en tant que deuxième langue étrangère (depuis l’indépendance). Le pays s’est ainsi placé à la 52e place mondiale en la matière dans la dernière édition de l’EF English Proficiency Index, faisant ainsi mieux que sept anciennes colonies britanniques, comme l’Égypte, la Jordanie et le Qatar. Dans ce classement très médiatisé, la Tunisie n’est donc pas loin de faire aussi bien que le Maroc (44e), ou encore que la France, classée 29e et faisant mieux que dix anciennes colonies britanniques ayant toutes l’anglais comme langue co-officielle, de jure ou de facto (dont Hong Kong et les Émirats arabes unis).

    Être francophone n’est donc pas incompatible avec l’acquisition d’un bon niveau d’anglais. Par contre, l’expérience démontre bien que l’inverse est très improbable, vu la relative complexité de la langue française (plus facile que les langues slaves ou germaniques) et le manque de motivation qui résulterait chez les élèves du sentiment contreproductif d’avoir fait le plus important en ayant déjà appris l’anglais.

    Par ailleurs, un renoncement au français ne permettrait nullement de développer massivement et suffisamment les investissements et échanges de toutes sortes (entreprises, société civile…) en provenance de pays anglo-saxons, afin de compenser la baisse, lente, mais certaine, de ceux en provenance des pays francophones. Et ce, du fait de l’éloignement géographique des premiers, qui peuvent déjà, au passage, compter sur de nombreux pays anglophones ou anglophiles attractifs. À cela s’ajoute le fait qu’il serait plus difficile de maintenir des liens étroits avec une diaspora de près d’un million de personnes vivant dans des pays de langue française, selon les autorités tunisiennes.

    Le gouvernement tunisien a donc conscience de l’importance stratégique du français pour le pays, dont les difficultés économiques actuelles ne résultent que du manque de stabilité politique et des problèmes sécuritaires qui ont suivi la révolution de 2011. L’année précédente, le Forum économique mondial de Davos venait d’ailleurs de classer à nouveau ce pays arabo-francophone à la première place continentale en matière de compétitivité (32e place mondiale), largement devant l’Afrique du Sud (54e) et Maurice (55e, et autre pays francophone). 

    Ilyes Zouari

    @i_Zouari
  • Monde & Culture • Profil d’un penseur tunisien « incorrect »…

    Mezri Haddad avec Moncef Marzouki, quand ils étaient amis

     

    Par Péroncel-Hugoz 

    En mars 2015, notre confrère avait dressé un inquiétant tableau de la situation intérieure tunisienne, que les faits hélas ne démentirent pas. A présent, il récidive mais en contrepoint il met en lumière la pensée d’un fils du pays qui peut rendre optimiste pour l’avenir. La situation au Maghreb est évidemment de celles qui intéressent les royalistes et patriotes français. Pour qui, d'ailleurs, Mezri Haddad est loin d'être un inconnu. Il avait débattu avec Jacques Trémolet de Villers, il y a quelques années, à Marseille, pour la Fédération Royaliste Provençale...

     

    peroncel-hugoz 2.jpgAyant connu la Tunisie de la douceur de vivre, de la sécurité quasi assurée, des succès touristiques et des chauds encouragements du Fonds monétaire international, ce n’est pas de gaité de cœur qu’en 2015, sur la foi de témoignages concordants, j’avais ici même brossé un tableau d’une Tunisie « apocalyptique ». Cela me fut reproché par certains de ces intellos « parisiens » qui pratiquent volontiers le déni de réalité… 

    Je ne suis pas retourné récemment au pays du Jasmin mais j’ai recueilli derechef des témoignages dignes de foi sur l’actualité tunisienne présente qui m’ont malheureusement ramené deux ans en arrière : le vaillant président nonagénaire Beji Caïd Esselin, obligé en janvier, d’interrompre une tournée en province à cause de violentes manifs ; un rapport parlementaire français, révélé par Jeune Afrique, soulignant  « l’extrême fragilité » du régime et la « très grande tension sociale ».

    Diplomate et théologien

    Heureusement sur ce fond peu encourageant, j’ai découvert les réflexions, émises sans tambour ni trompette, depuis l’an 2000, sur son pays, par Mezri Haddad. Né en 1961, ce fils d’un syndicaliste, fut ambassadeur de Tunisie près l’Unesco et le premier musulman à être reconnu par l’Université française comme maître de conférence en théologie catholique. 

    Il fut proche de feu le penseur algérien Mohamed Arkoun et un temps de l’opposant et futur chef d’Etat tunisien Moncef Marzouki (avec lequel il se brouilla ensuite). Mezri Haddad a développé solitairement une pensée originale, lucide, indépendante, opposée au « politiquement correct », une pensée pleinement séculière mais prenant néanmoins en compte la force de la foi et de la religiosité. Quand le moment de la reconstruction politique et intellectuelle de la Tunisie viendra, les réflexions, les jugements, les angles d’attaque de Mezri Haddad seront peut-être très utiles.

    Amis suiveurs, jugez par vous-mêmes à travers ce choix de citations ! 

    Quelques jugements « osés » de Mezri Haddad 

    « Le président Ben Ali, en janvier 2011, n’a pas fui la Tunisie. Il en a été cordialement expulsé par des factieux au sein de l’armée à qui certains services étrangers avaient fait miroiter le trône de César poignardé. Deux jours avant l’expédition de Ben Ali à Djeddah, Hillary Clinton déclarait à Doha (Qatar): il faut aider Ben Ali à partir ! » 

    «Au peuple tunisien on a servi une soupe démocratique, des « droits subjectifs » à défaut de pain, logement et travail, principales revendications de la révolte sociale. Les gauchistes ont vite oublié les « droits objectifs » (économiques et sociaux), chers à leur prophète Marx. » 

    « En dépit ou plutôt en raison du despotisme éclairé de Bourguiba et de l’autoritarisme de Ben Ali, la Tunisie fut un pays sécularisé, sécurisé, tolérant, socialement policé et économiquement prospère. [Aujourd’hui], il est tchadorisé, fragilisé sur le plan sécuritaire et économiquement ruiné. » 

    « L’influence des islamistes [en Tunisie] n’a jamais été aussi grande. Ils ont partiellement quitté le gouvernement mais pas le pouvoir. » 

    « En 2011, des intellectuels, des journalistes, des droits-de-l’hommistes et autres « printologues* » bénissaient ces révoltes et annonçaient la naissance d’un homo-arabicus démocrate et civilisé. Par un caprice de l’Histoire, c’est un homo-islamicus qui est né, y compris en France. » 

    * Néologisme ironique forgé par Mezri Haddad pour qualifier les « spécialistes » auto-proclamés, notamment occidentaux, d’un « Printemps arabe » ayant tourné en plusieurs endroits à la « glaciation djihadiste ». 

    Quelques ouvrages à consulter 

    Président Béji Caïd Essebsi, Tunisie, la démocratie en terre d’Islam, Plon, Paris, 2016.

    Président Moncef Marzouki, Arabes, si vous parliez…, Africorient, Casablanca, 2012, (1ere édition : Lieu commun, Paris, 1987). 

    Sous la plume de Mezri Haddad 

    La face cachée de la Révolution tunisienne, Arabesques, Tunis, 2011.

    Islam et athéisme, dans Rétrospective, Eska, Montréal, Canada, 2000.Le fascisme vert, Le Monde, 25 avril 2009, Paris.

    Articles

    Le politique est coupable, pas le religieux, dans L’islam est-il rebelle à la libre critique?, Corlet-Marianne, Paris, 2001.

    Le wahabisme, négation de l’Islam, Libération, 21 avril 2008, Paris.

    Le marchand de tapis et la striptiseuse, Libération, 31 décembre 2004, Paris.

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 3.03.2017

  • Le conseiller de Trump, Steve Bannon, lecteur du roman apocalyptique Le camp des saints

     

    Par Eugénie Bastié

     

    2944728943.jpgUn décryptage qui met en lumière le rayonnement du Camp des Saints de Jean Raspail jusque dans les plus hautes sphères gouvernementales de ce qui est - pour l'instant - la première puissance du monde [Le Figaro, 9.03]. Ce roman était surtout comme une vision - une pré vision - de ce qui allait advenir en Europe - l'invasion migratoire -, sous une forme en partie différente, mais conduisant à des résultats très comparables et tout aussi tragiques. On peut vouloir en limiter l'audience aux milieux qu'il est convenu, dans l'ère vacillante de la doxa et du politiquement correct, de nommer l'extrême droite. Cet article démontre le contraire même s'il sacrifie au vocabulaire à la mode. On s'apercevra plus tard que la dite extrême droite recouvrait surtout et même très au delà une large frange de Français, sans-doute majoritaires, attachés à la Tradition et à leur identité. Tel était bien le cas lorsque, dans les années où parut Le Camp des Saints, Jean Raspail s'adressait aux royalistes français, au rassemblement des Baux de Provence [Illustration ci-dessus, à gauche].  Lafautearousseau              

     

    picture-2563491-61xply87.jpgC'est le Huffington Post qui a mis en exergue cette information: Steve Bannon, le conseiller de l'ombre de Trump, devenu l'homme fort de la Maison-Blanche, cite régulièrement Le Camp des Saints, un roman de l'écrivain français Jean Raspail. «L'Europe centrale et de l'Est a quasiment subi une invasion du type Camp des Saints» dit-il par exemple en octobre 2015, en pleine crise migratoire, sur son site Breitbart News . Puis, en janvier 2016, «le problème de l'Europe, c'est l'immigration. C'est aujourd'hui un problème mondial, un ‘Camp des Saints' généralisé». Ou encore, en avril: «Quand on a commencé à en parler il y a environ un an, on a appelé ça ‘Le Camp des Saints'. Nous sommes en plein dedans, vous ne trouvez pas?»

    Connu pour ses positions nationalistes tranchées, et réputé être l'architecte du décret anti-immigration de Donald Trump, Steve Bannon est souvent décrit comme le «Raspoutine» du président américain, le nourrissant idéologiquement grâce à ses lectures variées. Un conseiller le décrivait sur le site Politico comme «la personne la plus cultivée de Washington».

    Une dystopie sur l'invasion migratoire

    La citation de Raspail n'a rien d'anodine. Son roman est devenu culte dans les milieux d'extrême droite identitaire et autres tenants du «Grand remplacement» depuis sa sortie en 1973. Marine Le Pen elle-même recommande sa lecture. «Aujourd'hui, c'est une submersion migratoire. J'invite les Français à lire ou relire Le Camp des Saints.» , disait-elle sur RMC en septembre 2015.

    Le roman raconte l'invasion de la France par une multitude de migrants venus d'Inde, fuyant la misère. Ils sont un million à débarquer sur les côtes du sud de la France, à bord d'une armada de fortune. Jean Raspail résume ainsi les enjeux de l'intrigue: «Ils sont l'Autre, c'est-à-dire multitude, l'avant-garde de la multitude. Et maintenant qu'ils sont là, va-t-on les recevoir chez nous, en France, «terre d'asile et d'accueil», au risque d'encourager le départ d'autres flottes de malheureux qui, là-bas, se préparent? C'est l'Occident, en son entier, qui se découvre menacé. Alors que faire? Les renvoyer chez eux, mais comment? Les enfermer dans des camps, derrière des barbelés? Pas très joli, et ensuite? User de la force contre la faiblesse? Envoyer contre eux nos marins, nos soldats? Tirer? Tirer dans le tas? Qui obéirait à de tels ordres? À tous les niveaux, conscience universelle, gouvernements, équilibre des civilisations, et surtout chacun en soi-même, on se pose ces questions, mais trop tard...» À la fin du roman, le pays est envahi, et il ne reste qu'une poignée d'irréductibles dans le sud qui tirent sur tout ce qui bouge. Le gouvernement prend finalement la décision de supprimer la loi du 9 juin 1973 qui interdit la discrimination. En arrière-plan de cette fresque cauchemardesque, des élites politiques médiatiques et religieuses qui, elles, plaident pour l'accueil des migrants. On trouve même un pape latino-américain progressiste… Il n'en faut pas plus pour que certains voient dans ce brûlot une dimension prophétique, comme le journaliste André Bercoff qui écrivait en septembre 2015 dans Le Figaro que «Le Camp des Saints [était] devenu chronique d'actualité».

    «Parabole» prophétique ou «morceau de névrose raciale»?

    Les médias américains parlent d'un «obscur roman», «étonnamment raciste». Pourtant, Le Camp des Saints a eu son petit succès, et Jean Raspail est un écrivain reconnu, qui a gagné le Grand prix du roman de l'Académie française en 1981 pour son roman Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie. À sa sortie en 1973, Le Camp des Saints reçut un accueil mitigé dans la presse et les ventes furent moyennes: environ 15.000 exemplaires. Mais deux ans plus tard, il est publié aux États-Unis par la prestigieuse maison d'éditions Scribner. Le magazine Kirkus Reviews le compare alors à Mein Kampf. Mais, selon Jean Raspail, le président américain Ronald Reagan et le théoricien du choc des civilisations Samuel Huntington l'ont lu et apprécié. Jeffrey Hart, professeur à Priceton, écrit dans National Review : «Raspail n'écrit pas à propos de race, mais de civilisation».

    Sa réédition en 2011 par Robert Laffont avait fait polémique. Le roman avait été qualifié d' «odieusement raciste» par Daniel Schneiderman dans Libération, et d' «authentique morceau de névrose raciale» par Aude Lancelin dans le Nouvel Obs. «Aujourd'hui, Le Camp des Saints pourrait être poursuivi en justice pour 87 motifs», convenait alors Jean Raspail dans une interview au Figaro . L'auteur se défend pourtant d'être raciste. Il affirme que le sujet du roman est d'abord celui de la mauvaise conscience occidentale face à l'autre. «Le Camp des Saints est une parabole où se condense le choc de toute conscience de Français de souche face à l'installation de la diversité», expliquait alors Raspail.   

    Eugénie Bastié     

    Journaliste et essayiste

    Ses idées

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    Son dernier livre Adieu Mademoiselle [19 €] 

          

  • Qatar-Russie : une lune de miel énergétique à l’ombre de la crise syrienne

    L'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, et Vladimir Poutine.

     

    Une analyse de Caroline Galactéros

    parue dans Causeur et sur le blog de Caroline Galectéros [3.03] : un éclairage comme toujours réaliste et solidement documenté. Et un sujet où les intérêts de la France sont évidemment en jeu.  

     

    2286962327.jpgL’idylle naissante entre la Russie et le Qatar est de nature d’abord énergétique, mais pourrait toucher demain l’industrie et la coopération militaires. A première vue, tout donne l’impression que la Russie sépare de manière étanche sa politique économique de sa politique étrangère, dans la mesure où le Qatar et la Russie sont officiellement opposés sur le dossier syrien. Or, il n’y a pas de réel hiatus entre la politique économique et la politique étrangère de Moscou mais une manœuvre stratégique fort habile, qui voit et vise loin.
     
     
    Quelques points de chronologie d’abord. Le 20 février, l’ambassadeur de Russie au Qatar, Nurmakhmad Kholov, a annoncé à l’agence russe Tass que « le Qatar investissait près de 2 milliards de dollars dans les activités de l’entreprise russe Novatek, plus important producteur indépendant de gaz de Russie ». Kholov a précisé que « la Russie et le Qatar ont réussi ces trois dernières années à obtenir de bons résultats en matière d’économie et d’échanges commerciaux grâce au travail conjoint de la commission intergouvernementale pour le commerce, l’économie, la science et la coopération technique » entre les deux pays. Avant de conclure : « Le Qatar exprime un grand intérêt pour les produits agricoles russes ainsi que pour les projets russes en matière de pétrochimie et de sources énergétiques, autant que dans le domaine de la construction ».

    Un embryon de coopération militaire

    Ceci est dans la droite ligne de la privatisation du géant public russe du pétrole, Rosneft, qui a eu lieu au début du mois de décembre dernier. L’Etat russe qui possédait 50% de Rosneft, première entreprise pétrolière mondiale, en a cédé 19,5% du capital au fonds d’investissement Glencore ainsi qu’au fonds souverain du Qatar (dans une proportion que l’on ignore) pour un montant de 10,5 milliards de dollars, qui doivent servir au renflouement du budget russe via l’entreprise publique Rosneftegaz. Précisons que le Qatar est lui-même majoritaire au sein du fonds Glencore.

    Précisions enfin, pour illustrer cette « lune de miel » qu’au delà de l’énergie, un embryon de coopération militaire existe entre les deux pays. Le 6 septembre 2016, Moscou et Doha ont en effet signé un accord militaire après une visite du ministre qatari de la Défense, Khalid bin Mohammad Al Attiyah à son homologue russe Sergueï Choïgou, lors du Forum international militaire et technique de Moscou « ARMÉE-2016 ». Cet accord faisait suite à la rencontre, en mai de la même année, du vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov avec l’émir Tamim ben Hamad al-Thanin. « Nous avons signé un accord de coopération militaire avec la Russie, mais il ne comprend pas l’achat d’armes », a indiqué Saoud Bin Abdallah al-Mahmoud, Ambassadeur du Qatar à Moscou. Comme l’explique le site Opex360, « s’agissant d’éventuels contrats d’armement, rien n’est fermé du côté de Doha, le diplomate ayant assuré que son gouvernement examinerait cette ‘possibilité’ ». Dans ce nouveau contexte marqué par les progrès en matière de coopération énergétique, il n’est pas à exclure que des armes russes soient vendues au Qatar dans les deux ans, d’autant plus qu’elles ont, au grand dam de Doha, démontré toute leur efficacité en Syrie et que Moscou engrange déjà de précieux contrats d’armement dans la région (nous ferons un point d’ici peu sur ces contrats tous azimuts).

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  • Civilisation • Laurent Dandrieu : « l'Église doit défendre l'identité »

     

    ENTRETIEN. Quel est le rôle du pape dans le suicide de la civilisation européenne ? Rédacteur en chef des pages culture de Valeurs actuelles et spécialiste des questions religieuses, Laurent Dandrieu signe un livre choc sur la politique de l'Église face à l'immigration.

     

    dandrieu-2.jpgPROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËL DE GISLAIN

    Vous montrez que les migrations sont devenues pour l'Église le moyen de faire advenir « l'unité de la famille humaine ». La crise des migrants ne fait-elle que révéler ne posture idéologique de l'Église plus ancienne ?

    Le discours de l'Église sur les migrations est né très récemment et s'est inventé sans véritable ancrage dans la Tradition. Il se développe notamment dans les années 196o, où l'Église est marquée par un état d'esprit favorable à la mondialisation, qu'elle voit comme une réalisation avant l'heure de la « cité sans frontières de Dieu ». Dès lors, la migration est perçue comme un moyen de manifester « l'unité de la famille humaine » défendue par Jean XXIII dans Pacem in terris (1963).

    Aussi ne faut-il pas s'étonner si le droit de migrer, qui était encore soumis sous Pie XII à une exigence de nécessité vitale, devient sous Jean XXIII un « droit inhérent à la personne humaine » défini comme « la faculté de se rendre en tel pays où on espère trouver des conditions de vie plus convenables », et dès lors le droit des États à réguler les migrations devient secondaire par rapport à une migration qui, pour Jean-Paul II, symbolise le plan de rédemption de Dieu pour l'homme, et « contribue à cultiver le "rêve" d'un avenir de paix pour l'humanité tout entière. »

    Contrairement à l'image qu'il donne de lui, le pape François est-il un pape politique ?

    L'immigration est au coeur de son pontificat... Elle l'est par la force des choses, puisque ce pontificat coïncide avec la crise des migrants et l'explosion du terrorisme islamique en Europe. Mais alors qu'on aurait pu attendre que cela le pousse à davantage de prudence, on a assisté à une sorte de fuite en avant, avec un discours dévalorisant les frontières, dénonçant les politiques restrictives, et prêchant un accueil inconditionnel. C'est un discours qui ne cesse de se présenter comme exclusivement dicté par l'Évangile, mais qui est en réalité éminemment politique, comme lorsque le pape ramène . de Lesbos des migrants soigneusement choisis parmi les familles musulmanes. Quand le pape dit que, même s'il y a un risque d'infiltration terroriste, il faut accueillir car c'est un commandement de la Bible, ce primat de l'accueil sur la sécurité est en soi une position politique. En réalité, sur ces questions, tous les papes ont fait de la politique, prônant le regroupement familial ou condamnant les politiques d'assimilation. Et concrètement, les évêques occidentaux n'ont jamais cessé de condamner les politiques restrictives comme contraires aux droits humains. Le secrétaire général de la conférence épiscopale italienne, Mgr Galantino, nommé à ce poste par François, a même déclaré que l'accueil des migrants était une compensation que nous leur devions pour avoir pillé leurs pays durant la colonisation...

    On est frappé par la concomitance des paroles du pape François à Lampedusa ou à Lesbos et la décision d'Angela Merkel de laisser entrer un million de migrants... L'humanitarisme à l'excès met-il l'Église sur la voie d'une forme de libéralisme ?

    Je ne sais pas si c'est l'humanitarisme ou le libéralisme qui a primé dans la position de Mme Merkel. Ce qui est certain c'est que, depuis des décennies, les milieux libéraux et patronaux poussent à la roue de l'immigration de masse, en raison de la formidable pression à la baisse qu'elle exerce sur les salaires. L'archevêque hongrois Gyula Mârfi y a même vu une forme moderne d'esclavagisme. Il est donc d'autant plus désolant de voir l'Église prêter la main à ce phénomène.

    L'islamophilie à laquelle s'abandonne l'Église, particulièrement sous le pontificat actuel, se fait-elle au mépris de la nature véritable de l'islam ?

    Ce qui est certain c'est que le dialogue interreligieux engagé avec l'islam depuis les années 196o a poussé à mettre de côté certains sujets qui fâchent, notamment la question de la violence, mais aussi celle de l'incompatibilité de l'islam avec nombre de valeurs occidentales. Seul Benoît XVI a tenté d'aborder la question de la violence, retournant la violence islamique contre lui, mais aussi poussant nombre d'intellectuels musulmans à entreprendre une salutaire réflexion. François, lui, a décidé de revenir à l'angélisme, soutenant que le terrorisme islamique n'a rien à voir avec l'islam, « parce que le véritable islam et une adéquate interprétation du Coran s'opposent à toute violence » (Evangelii Gaudium, 2013). Ce faisant, il ne rend service ni aux musulmans, qu'il conforte dans leur déni, ni aux Européens, dont ce discours émollient affaiblit l'esprit de résistance.

    Alors qu'on assiste au retour des peuples en Europe, l'Église n'est-elle pas en décalage en refusant aux nations le droit légitime de se protéger ?

    En matière politique, l'Église a souvent un train de retard... Traditionnellement, elle avait pourtant toujours su miraculeusement tenir les deux bouts de la chaîne, comme dit Bossuet, entre l'universalisme qui fait partie de son ADN et la bénédiction des identités particulières qui sont le cadre concret de son évangélisation et le canal par lequel l'homme prend conscience de cette universalité. C'est pourquoi Pie XII écrivait, dans Summi Pontificatus (1939), qu' « il n'est pas à craindre que la conscience de la fraternité universelle, inculquée par la doctrine chrétienne, et le sentiment qu'elle inspire, soient en opposition avec l'amour que chacun porte aux traditions et aux gloires de sa propre patrie, et empêchent d'en promouvoir la prospérité et les intérêts légitimes ; car cette même doctrine enseigne que dans l'exercice de la charité il existe un ordre établi par Dieu, selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l'on est uni par des liens spéciaux ». Il est urgent que l'Église retrouve cet équilibre et permette aux peuples d'Europe de protéger leur identité nationale des menaces que fait peser sur eux l'immigration de masse, faute de quoi l'universalisme qu'elle prône ne sera qu'un vain mot et le cache-nez de l'anarchie et du chaos.

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    À LIRE : ÉGLISE ET IMMIGRATION, de Laurent Dandrieu, presses de la Renaissance, 18 euros.

    Politique magazine, février 2017  -  Consulter ... S'abonner ...

  • L'affligeante, inconsciente et dangereuse « indignée », maire dont Barcelone est affligée...

     

    Mur-bleu gds.jpgAda Colau, « indignée » et maire de Barcelone, a tenu des propos enflammés sur l'immigration en général, et, en particulier, sur ceux qu'elle et la gauche caviar/bobo appelle des « migrants », alors qu'ils ne sont que des envahisseurs déguisés. « Vous êtes chez vous, chez nous ! » a-t-elle lancé, à un moment où chez elle, manifestement, le lyrisme (?) l'emportait sur la raison et, pour parler net, l'hystérie sur la réflexion et le simple bon sens.

    Cette « indignée » et maire de gauche, soutenue par l'extrême gauche, a proposé, lors de la même envolée qu'elle a voulue lyrique - alors qu'elle n'est que du « grand n'importe quoi » - la création d'un réseau de « villes-refuges » européennes pour les « venus d’Afrique » : « C'est un souhait, c'est une intention, c'est un appel à d'autres villes », a -t-elle déclaré, le samedi 18 février. 

    3959960461.jpgCette pasionaria aux propos déments s'inscrit donc dans les pas du démago Mitterrand, qui, dans sa campagne électorale de 81, avait lui aussi, cédé à l'incantation : « Venez à nous, nous travaillons pour vous ! » avait-il déclaré à l'adresse des immigrés, à qui il disait, lui aussi, « vous êtes chez vous, chez nous ». On voit le résultat. Si les banlieues votent bien à gauche à 92/93%, on voit aussi des quartiers entiers sans femmes dans les rues, parce que les femmes ne sortent pas ; où, lorsqu'elles sortent, beaucoup le font voilées de la tête au pied, en contradiction flagrante avec la loi ; où, sur les parkings des cités et banlieues, les belles voitures abondent, alors qu'on y est au chômage à plus de 60%, et qu'on y touche en masse le RSA, quand le trafic de drogue génère un revenu quotidien de 90.000 euros, et les morts qui vont avec : dernier épisode, le rocambolesque rodéo/western de l'A55, à Marseille, où deux voitures ont pris en chasse, à 150 km/h, un troisième véhicule, tuant son occupant en lui tirant dessus, à travers - si l'on peut dire - les passants qui rentraient tranquillement chez eux !

    Ada Colau semble atteinte du syndrome de Munich, où de naïfs Bavarois étaient venus à la gare avec des panneaux « Willkommen » pour accueillir des réfugiés syriens, auxquels s'étaient mêlés, bien sûr, des gens de Daech. On ne devait s'en rendre compte qu'après, à Cologne, pour le réveillon du Nouvel An, ou à Berlin, sur le marché de Noël, et dans deux ou trois autres endroits. Depuis - comme c'est curieux !... - on ne voit plus d'Allemands se balader avec les même panneaux « Willkommen » ; et l'adhésion à la coalition CDU/CSU de l'inconsciente Angela Merkel est passée sous la barre des 30% ! Vous avez dit bizarre ?

    Tournons nos yeux vers le Royaume-Uni : on a vu, lors des JT du soir (TF1 et France 2) ces quartiers entiers où des tribunaux islamiques rendent la loi... islamique ! La Charia, si vous préférez...

    Tournons-les maintenant vers l'Irak : les Assyriens, ou Chaldéens, premiers habitants et propriétaires du pays, héritiers des antiques Ninive et Babylone, vivaient sur leur terre depuis plus de 3.000 ans. Devenus chrétiens, ils avaient été envahis par l'Islam, mais restaient malgré tout largement plus d'un million, voire un million et demi, sous Saddam Hussein. Sont-ils encore 300.000 aujourd'hui ? Ou, même, seulement 200.000 ? Les autochtones, les indigènes, ont dû fuir l'Islam, totalitaire, persécuteur et intolérant, et partir pour le Canada, la France, les Etats-Unis...

    Ada Colau sait-elle tout cela ? A moins qu'elle n'ait pas la télé ou la radio, chez elle ? A moins qu'elle ne sache pas lire ?

    Est-ce tout cela que veut, pour sa ville, cette pauvre inconsciente d'Ada Colau ?

    Qui sait : si son rêve se réalise, « à la Merkel », et que Barcelone et la Catalogne se remplissent de gentils petits bisounours immigrés qui, tôt ou tard, tomberont le masque - eux qui sont très majoritairement musulmans - alors, peut-être que, dans quelques siècles, les descendants des Catalans et Barcelonais d'aujourd'hui se retrouveront à Vancouver, Vladivostok ou Johannesburg, leur ville et pays d'origine étant devenu une république islamique. 

  • « La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée »

     

    Par Xavier Scott 

    « On l’oublie souvent mais l’identité algérienne n’existait pas avant 1830. » Cette utile et intéressante mise au point a été publiée dans Boulevard Voltaire [18.02].

     

    images.jpgCes mots ne viennent pas d’un nostalgique de l’Algérie  française  mais de Ferhat Abbas, ex-leader FLN et président de la  République algérienne du temps du GPRA.

    On l’oublie souvent mais l’identité algérienne n’existait pas avant 1830. Jusqu’au VIIIe siècle, les populations qui y vivaient étaient d’origine phénicienne, berbère, romaine et de religion majoritairement chrétienne. Ce sont les Arabes, peuple nomade venant du Moyen-Orient, qui ont envahi toute l’Afrique du Nord et converti de force toutes ces populations. Ainsi, et après quelques siècles de domination arabo-islamique, il ne restait plus rien de l’ère punico-romaine.

    Plus tard, au XVIe siècle, en profitant du chaos répandu par les Espagnols, mais aussi en soufflant habilement sur les nombreuses divisions existant entre les différentes tribus de la région, les Ottomans en prirent le contrôle avec Alger pour capitale.

    C’est alors que se développa, pendant près de 300 ans, la piraterie barbaresque, arraisonnant tous les navires de commerce en Méditerranée, permettant, outre le butin, un trafic d’esclaves chrétiens, hommes, femmes et enfants. 

    Ainsi, dans l’Alger des corsaires du XVIe siècle, il y avait plus de 30.000 esclaves enchaînés. 

    Plusieurs tentatives de destruction de ces bases furent alors entreprises. D´abord par Charles Quint, à l’action duquel succédèrent les bombardements anglais, puis ceux des Néerlandais et même ceux de la jeune nation américaine également victime de ces perfidies…

    Toutefois, seul le débarquement des troupes françaises en 1830 mit fin définitivement à trois siècles d’atrocités. 

    Par la suite, et à l’inverse des autres puissances  colonisatrices, comme les  Américains avec les Indiens ou les Britanniques avec les Aborigènes ou encore les Turcs avec les Arméniens, la France ne massacra pas les peuples qu’elle venait de conquérir. Au contraire, la France soigna, grâce à ses médecins, toute la population, amenant cette dernière de moins d’un million en 1830 à dix millions en 1962. De plus, la France draina, assécha, fertilisa des sols à l’abandon depuis des siècles, transformant une agriculture moyenâgeuse en une agriculture riche, prospère et exportatrice.

    La France respecta aussi la langue arabe, l’imposant même au détriment du berbère, et respecta la religion musulmane.

    Bien entendu, la France ne faisait pas dans la philanthropie, mais cela n’enlève rien au fait qu’elle a réussi à désarmer les différentes tribus et mis en place une infrastructure durable (encore utilisée aujourd’hui), qui a été  capitale  pour  l’État  naissant de l’Algérie. Par ailleurs, le nom même du pays a été donné par la France en 1839 : jusqu´alors, il était officiellement appelée « le pays de Barbarie ».

    In fine, renier l’œuvre de la France, c’est logiquement renier l’Algérie en tant qu´État unifié et souverain.   

  • Histoire & Actualité • Macron en Algérie : un crime contre la vérité En Marche pour caresser un certain électorat

    Emmanuel Macron accueilli par le chef de la diplomatie algérienne. Sipa 

     

    Par Bernard Domeyne.

    En visite en Algérie, Emmanuel Macron a qualifié la présence française dans le pays (1830-1962) de « crime contre l'humanité ». Une ficelle électoraliste aussi grosse que honteuse. La critique qui en est faite ici [Causeur, 16.02] est, en elle-même, pleinement justifiée. Elle confirme les analyses déjà publiées sur ce triste sujet dans Lafautearousseau. S'il en est un pour qui patriotes et royalistes ne voteront pas à la présidentielle, c'est bien, en toute certitude, Emmanuel Macron.  LFAR

     

    « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes »

    Voici ce qu’a affirmé, en Algérie, Emmanuel Macron, candidat autoproclamé à la Présidence de la République Française, lors d’une interview au média local Echorouk News.

    Lyautey et Goering, même combat !

    Crime contre l’humanité. Si les mots ont un sens, cela veut dire que l’on met sur le même plan qu’Adolf Hitler, Joachim von Ribbentropp, Hermann Göring, Ernst Kaltenbrunner, Wilhelm Keitel, Alfred Rosenberg, les Français Jacques Cartier, Joseph-François Dupleix, Louis Antoine de Bougainville, Thomas Robert Bugeaud, et les maréchaux Joseph Simon Gallieni et Hubert Lyautey entre autres. Et bien entendu les penseurs de ce crime contre l’humanité, Colbert, Duplex, Jules Ferry et tant d’autres…

    Il conviendra donc, si l’on suit ce bel esprit, de débaptiser toutes les rues, tous les lycées Jules Ferry, les places Lyautey, les avenues Gallieni…

    Avec ces propos dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont navrants, on voit bien où le candidat autoproclamé veut en venir : au vote des musulmans des banlieues, bien sûr. Un électorat à caresser dans le sens du poil.

    Ces propos révèlent qui est Emmanuel Macron, que beaucoup fantasment comme un homme providentiel, au-dessus des querelles partisanes… C’est clairement un héritier de François Hollande, un socialiste qui a inspiré le quinquennat, et il sera prêt, lui aussi, à crier, « reviens, Léonarda ! » et à faire dans la contrition pour s’attirer les bonnes grâces des indigènes de la république, qui, c’est sûr, veulent beaucoup de bien à la France…

    Des crimes de guerre largement partagés

    Puisqu’il s’agit de l’Algérie, il convient toutefois de rappeler quelques vérités historiques. Que jusqu’en 1818, l’un des repaires des pirates barbaresques qui infestaient la Méditerranée depuis trois siècles, était précisément le port d’Alger, célèbre pour son marché aux esclaves, et que deux pays occidentaux, avant la France, avaient fait la guerre au Dey d’Alger pour faire cesser – outre la piraterie – ce qui était, précisément, un crime contre l’humanité, l’esclavage subi par les chrétiens et les chrétiennes. Les États-Unis, on le sait peu, ont fait la guerre aux barbaresques de 1801 à 1805, puis à nouveau en 1815 ; les Anglais en 1818, toujours pour libérer les esclaves chrétiens.

     

    J’ai grandi sous la présidence du Général de Gaulle. J’ai 59 ans. Je ne suis pas d’origine pied-noir. Alors que les armateurs nantais et bordelais s’enrichissaient dans le commerce triangulaire, mes aïeux crevaient de faim dans les Hautes-Alpes. Je ne me sens, contrairement à Emmanuel Macron, en tant que Français, coupable de rien, de rien du tout, et je n’ai d’excuses à faire à personne.

    Jacques Cartier, Bougainville, Lyautey… Le père Bugeaud et sa casquette… Tous ces héros ont peuplé mon enfance. Car jamais personne ne pourra me faire avaler – car il s’agit bien de cela – que ces héros, dont certains, je pense à Gallieni et Lyautey, ont sauvé la France et son empire durant la Guerre de 1914-18, sont des criminels contre l’humanité. Jamais leur image ne pourra être associée aux bouchers des camps d’Auschwitz et de Treblinka.

    Une ambition pour la France ?

    Je ne suis pas en train de dire que la France n’a rien à se reprocher. Notre pays n’a pas su mener la décolonisation, celle de l’Indochine, celle de l’Algérie. Des crimes de guerre ont été commis. Mais ces crimes de guerre ont été largement partagés : le Viet-Minh et le FLN aussi ont du sang sur les mains, du sang français, comme l’armée française a sur les siennes du sang vietnamien et algérien.

    C’était il y a longtemps. Les sujets, les enjeux, désormais, sont ailleurs. Il serait peut-être temps d’en parler.

    Il paraît que M. Macron serait un philosophe. Qu’il serait un littéraire. En tout cas, ce n’est sûrement pas un historien.

    Pour qu’Emmanuel Macron devienne Président de la République, il faudrait qu’à côté de l’ambition et du sens des affaires qu’on apprend à l’École Nationale d’Administration, il ait aussi de l’ambition pour la France ; une vision.  Cela s’appelle le sens de l’histoire. 

    Bernard Domeyne
    docteur en histoire.

  • Sa Majesté Kim III, roi communiste de Corée du Nord, lance la foudre

     

    Mur-bleu gds.jpgKim Jong Un, le troisième représentant de la dynastie marxiste-léniniste de cette pauvre Corée du Nord, s'appelle - cela ne s'invente pas ! - « Nuage vertueux ». Il a succédé à son père Kim II (dit Kim Jong Il, ou « Cher dirigeant », ou « Dirigeant Bien Aimé), lequel succédait à son père, Kim 1er, fondateur de la dynastie : de son vrai nom Kim Il Sung, appelé rien moins que « Grand Leader », « Président éternel » ou encore - allons-y gaiment ! - « Professeur de l'humanité toute entière ». Rien que ça ! Modestes s'abstenir...

    Il y a aussi Castro, qui a « passé » le pouvoir à son frère ; Loukachenko, en Biélorussie, qui prépare son fils à lui succéder (Gorbatchev l'annonçait déjà en 2011 : en public, il « tient Kolia (son fils) par la main, il se prépare un successeur sans le cacher, comme si c'était le Royaume de Biélorussie » ...

    Ces trois régimes marxistes-léninistes instaurant, curieusement, une monarchie, cela nous avait déjà interpellé quelque part, comme disent les précieux ridicules pédagogistes-bobos, et dès 2010*

    Voir, en effet, des héritiers de Karl Marx - ou prétendus tels - rejoindre Franco, qui a, lui aussi, réinstauré la royauté en Espagne, avouez que cela a de quoi laisser pantois ! On aimerait demander son avis à Olivier Besancenot, lui qui disait que « ce qu'il nous fallait c'était une bonne vieille révolution » : une révolution, mais qui, si ça se trouve, nous remettrait un roi ? Pourvu qu'il  ne ne soit pas du même type qu'en Corée, qu'à Cuba ou qu'en Biélorussie, on aurait envie de lui répondre : chiche !

    Allons, revenons aux choses sérieuses, et observons ce qui se passe du côté de la monarchie marxiste etc.… de Corée du Nord.

    D'abord, « Nuage vertueux » a fait tirer un missile balistique samedi dernier (le 11 février, à 23h55, heure française, pour qui aime la précision). Tiré de la base aérienne de Banghyon (ouest de la Corée du Nord) l'engin a parcouru environ 500 kilomètres avant de tomber en mer du Japon...

    Ensuite, le même « nuage », toujours « vertueux », a fait exécuter, tout simplement, son demi-frère, à l'aéroport de Kuala Lumpur, en Malaisie : Kim Jong-Nam, 45 ans, fils aîné du dirigeant défunt Kim Jong-Il, vivait depuis des années en exil. Il a vraisemblablement été empoisonné par deux femmes qui auraient pris la fuite en taxi ; certains médias ont évoqué des aiguilles empoisonnées, d'autres parlent d'un liquide lancé au visage de la victime. 

    Rien de nouveau sous le soleil - le « soleil rouge drapé de deuil » comme l'a si justement écrit Jacques Julliard : Trotsky, poursuivi par les sbires de Staline jusqu'au Mexique où il s'était réfugié, et où il pensait lui avoir échappé, fut, lui, massacré en 1940, d'un coup de piolet à l'arrière du crâne. Finalement, sur l'échelle de l'horreur, on dira ce qu'on voudra, mais « Nuage vertueux » est un tout petit peu moins sauvage que Staline, non ? Il y aurait comme une légère évolution, oh, très légère, dans les moeurs !

    Bon, d'accord, le résultat ne change pas, mais tout de même...  

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  • Le mystère de l’élection

     

    par Ph. Delelis

     

    REGIME DES PARIS - HUMOUR  Une élection très importante a eu lieu le week-end dernier, en prélude à d’autres qui se succèderont cette année. C’est l’occasion de s’arrêter un instant sur ce phénomène assez singulier qui consiste, pour un ensemble d’êtres conscients, à désigner l’un d’entre eux pour l’investir d’une mission particulière, quelquefois surhumaine.

    Le sacre démocratique de l’élection n’est pas moins mystérieux que l’investiture divine des anciens monarques. Qu’est-ce qui fait que tel ou tel candidat se distingue ? Qu’est-ce qui fait qu’il est « choisi », au sens premier du terme (electio : le choix) ? Il y a bien sûr ce qu’il dit, mais les plus grands orateurs ne sont pas nécessairement élus.

    Il y a ce qu’il pense, mais les philosophes les plus lucides sont souvent éliminés. Il y a surtout ce qu’il est : le charisme – ou même, au-delà du charisme, un certain pouvoir de séduction – peuvent être déterminants. Les candidats charismatiques peuvent compenser leurs possibles défauts par leur rayonnement personnel, leur capacité à faire se lever les foules, à provoquer une adhésion spontanée et enthousiaste…

    Mais ce phénomène est aussi celui qui se produit dans les stades où des milliers de personnes – plus ou moins imbibées, ce qui les distinguent peut-être des électeurs – peuvent avoir la même réaction, non pas à l’annonce d’un programme ou d’une pensée profonde sur l’avenir du monde, mais à un simple ballon entrant à bonne vitesse dans un filet. Conscients de ce risque de l’irrationnel, les révolutionnaires de 1789 se méfiaient de l’élection et considéraient le tirage au sort comme bien plus démocratique.

    Hélas ! Ils l’instaurèrent trop tard… Si, plutôt que Maximilien Robespierre, élu député du Tiers Etat, on avait tiré au sort son voisin de la rue de la Gouvernance à Arras, Marcel Pinard, cabaretier de son état, la révolution eut sans doute été moins sanglante voire franchement plus festive. Les communistes se méfient également de l’élection et lui préfèrent le parti unique dont les vertus ont été célébrées par moult intellectuels français (dont, à ce jour, peu de repentis et aucun jugé pour complicité de crimes contre l’humanité).

    Si on ajoute les autres dictatures, les organisations étatiques tribales ou familiales, les théocraties, etc., on s’aperçoit que l’élection n’est pas le mode de désignation des responsables le plus répandu au monde : le mystère de l’élection continue à susciter une certaine réticence. Il faut donc se réjouir lorsque le processus électif se déroule normalement et aboutit de surcroît à un résultat remarquable. C’était le cas le weekend dernier : Iris Mittenaere a été élue Miss Univers.  

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  • Mathieu Bock-Côté : « Un certain catholicisme se mue en utopie multiculturaliste »

    Mathieu Bock-Côté (à gauche) le dernier essai de Laurent Dandrieu (au centre) l'auteur (à droite) 

     

    Par Mathieu Bock-Côté   

    LECTURE - Mathieu Bock-Côté a lu l'essai Eglise et immigration : le grand malaise [Figarovox, 23.01]. Selon lui, loin des polémiques, Laurent Dandrieu « ajoute sa voix au renouveau intellectuel du conservatisme français ». La question des rapports du politique et du religieux, de l'Eglise et de l'Etat, s'est posée de tous temps : à la monarchie française, aux régimes qui l'ont remplacée ou cru le faire, aux royalistes, à l'Action française, aux catholiques en général. Maurras, en son temps, y a consacré plusieurs gros volumes. Le sujet est toujours délicat, complexe, notamment aujourd'hui où la ligne publique de l'Eglise en matière d'immigration, et à l'égard des chrétientés européennes ou orientales pose problème. Nous partageons ici l'esprit et le détail de la réflexion de Mathieu Bock-Côté. Il s'agit d'un texte et d'une matière importants. Quelle serait, selon nous, la politique religieuse d'une royauté ? Ceci est remarquablement exposé dans une vidéo d'Hilaire de Crémiers dont nous recommandons l'écoute en fin d'article.   Lafautearousseau 

     

    le-pape-francois-celebre-paques-sur-fond-de-violence.jpgJournaliste à Valeurs actuelles et auteur de nombreux ouvrages consacrés à l'histoire de la peinture ou du cinéma, Laurent Dandrieu a incontestablement marqué le début de l'année 2017 avec un livre inattendu, qui a fait éclater un malaise profond chez les catholiques français. Avec Église et immigration : le grand malaise, il se penche sur la doctrine catholique concernant l'immigration. Dans quelle mesure le catholicisme est-il capable de penser les grandes migrations au-delà d'un discours moralisateur et désincarné sur l'ouverture, qui nous est généralement administré et dont le pape François semble s'être fait une spécialité médiatique ? Mais si ce livre frappe fort, il n'a rien d'un brûlot. On n'y trouve aucune facilité polémique, aucune formule gratuite lancée pour le simple plaisir de choquer. Il est non seulement bien mené, mais remarquablement documenté et c'est une pensée forte et articulée qui s'y exprime. On sent que l'auteur méditait son ouvrage depuis très longtemps, comme il le dit clairement dès ses premières pages. Ce livre, à sa manière, est une méditation subtile et éclairante sur le destin de notre civilisation.

    Le problème de base peut être aisément posé : il existe une telle chose qu'un devoir d'hospitalité et d'aide aux personnes en détresse. L'Église le pense à travers la parabole du Bon Samaritain. Mais c'est une chose d'accueillir une personne, c'en est une autre d'en accueillir des millions, comme c'est le cas, aujourd'hui, avec l'immigration massive qui se jette en nombreuses vagues sur le continent européen, au point que certains parlent même d'une immigration de peuplement. D'autant qu'on ne saurait assimiler systématiquement la figure de l'immigré à celle du réfugié en détresse, fuyant la guerre et la faim. Est-ce qu'une nation est en droit de défendre ses frontières ? Depuis un bon moment déjà, l'Église semble penser que non. Mais Laurent Dandrieu lui rappelle qu'elle a déjà pensé le contraire et qu'elle a déjà reconnu le droit des nations : la transformation du catholicisme en utopie multiculturaliste n'était pas inscrite dans son ADN. L'histoire des idées, quand on la maîtrise, éclaire la vie de la cité. D'ailleurs, certains papes récents comme Jean-Paul II et Benoit XVI conjuguaient paradoxalement une défense résolue du droit des peuples à leur personnalité collective et un immigrationnisme sans nuances, comme s'ils ne voyaient pas la contradiction entre les deux.

    Il y a dans la religion chrétienne un souffle messianique. En lisant Dandrieu, on comprend que l'Église catholique, et plus encore le pape François, voient dans les grandes migrations un puissant élan qui brasse les peuples et pourrait les pousser à former une humanité nouvelle, enfin unifiée, comme si la division du monde en peuples et en civilisations était une fracture historique qu'il était enfin possible de réparer. L'humanité pourrait de nouveau faire l'expérience de son unité : la cité cosmopolitique serait une rédemption. Naturellement, ceux qui ne s'enthousiasment pas pour cette dissolution programmée des nations ont le mauvais rôle : on les accuse, selon la formule rituelle, de repli identitaire. Ils ne sauraient pas célébrer le métissage mondial. Comme le note Dandrieu, l'Église est assez étrangère à la question des « grands équilibres » culturels des pays occidentaux, même si elle peut se montrer très zélée lorsque vient le temps de défendre l'identité culturelle de ceux qu'on appelle peuples premiers. Un peuple n'est pas qu'une construction juridique : c'est aussi une réalité historique et culturelle, avec une personnalité propre. Mais le patriotisme devient vite un péché lorsqu'il est revendiqué par les Européens. Ils auraient fait tant de mal dans l'histoire qu'ils devraient faire pénitence en s'effaçant des siècles à venir. Mais l'Église n'est pas seule coupable : c'est la pente naturelle de la modernité de se condamner à ne pas comprendre les particularismes historiques, dans lesquels elle ne voit que des résidus folkloriques empêchant l'unification de l'humanité..

    Dandrieu explore les rapports entre le catholicisme et l'islam. Cela va de soi, pourrait-on dire, dans la mesure où l'immigration massive correspond à l'implantation de populations musulmanes en Europe, qui généralement, ne s'y intègrent, parce qu'elles n'y parviennent pas, peut-être, parce qu'elles ne le désirent pas, peut-être aussi. Dandrieu amène toutefois la discussion sur le plan théologique, loin des poncifs répétés par des chroniqueurs incultes qui parlent souvent de religion en faisant la promotion d'un exaspérant irénisme diversitaire. Les deux religions n'en font elles presque une seule, comme semblent le suggérer aujourd'hui de nombreuses autorités catholiques ? Ces dernières ne poussent-elles pas le dialogue inter-religieux jusqu'à perdre de vue la singularité de leur propre religion ? L'étrange discours sur les religions qui domine l'esprit public nous pousserait à croire qu'elles sont toutes interchangeables, ce que Dandrieu ne croit pas, en donnant l'exemple du rapport à la violence. Le terrorisme d'aujourd'hui n'est pas sans étendard. Dandrieu, ici, écrit à la manière d'un catholique dubitatif qui se sent abandonné par les autorités de son Église, comme si ces dernières ne savaient plus quoi faire de la religion dont ils ont la responsabilité. Il faut dire qu'ils sont nombreux, depuis quelques décennies, à entretenir un tel rapport avec Rome. La crise de conscience de la civilisation occidentale a aussi frappé son cœur spirituel qui semble s'être fissuré.

    Dandrieu se demande aussi ce que gagne l'Église à dédaigner les peuples qui historiquement, se sont confiés à elle. À se vouloir absolument universel, le catholicisme aurait-il oublié le lien intime et même irremplaçable qu'il a noué avec la civilisation européenne ? On est en droit de redouter la déchristianisation de l'Europe. Mais on peut aussi redouter la déseuropéanisation du christianisme. Comme le note Dandrieu, le pape François, qui a décidé que l'avenir du catholicisme se trouvait dans les marges, ne semble pas trop s'intéresser aux marges de la civilisation européenne, soit ces millions de Français déchristianisés, qui portent pourtant encore en eux non pas la nostalgie d'un monde chrétien, mais celle d'un monde où la croix voulait encore dire quelque chose. Les seules périphéries qui vaillent sont-elles exotiques ? Une civilisation ne peut pas boucher son accès à la transcendance sans s'assécher. D'ailleurs, les spiritualités compensatoires associées au New-Age fleurissent sur la décomposition du catholicisme. Il n'est pas certain, toutefois, qu'en passant du Christ aux cristaux, il n'y ait pas une perte terrible de substance. L'islam peut alors croître sur ces ruines et convertir des âmes errantes à la recherche d'une religion moins flageolante : d'une certaine manière, c'était, il y a deux ans, le thème de Soumission, de Houellebecq.

    L'attachement du commun des mortels à une forme de catholicisme culturel suscite souvent le mépris de bien des chrétiens, qui n'y voient une religion souillée par de basses passions. Le procès du catholicisme « identitaire » a aussi marqué le début de l'année 2017. Ils n'y voient qu'un catholicisme instrumentalisé au service d'une conception de la nation qui serait étrangère, finalement, à l'universalisme chrétien. C'est ici que Dandrieu pousse la réflexion le plus loin, et de la meilleure manière. L'homme porte en lui une aspiration à l'universel, naturellement, que le catholicisme cultive, heureusement, mais il n'est pas immédiatement universel. Autrement dit, il participe au monde à travers la médiation d'une langue, d'une culture, d'une histoire, de mœurs, de traditions : ces réalités ne sont pas secondaires ou méprisables. Faut-il comprendre, à la manière de ceux qui fustigent le mot identitaire, que l'attachement à sa patrie n'a pas vraiment d'importance ou alors, qu'on devrait la relativiser pour être bon chrétien ? N'est-il pas légitime, dès lors, de défendre les intérêts et l'identité de son pays, sans avoir l'impression de nier la dignité du genre humain ? Un peuple est en droit de ne pas se soumettre à la logique de l'immigration massive. Absolutiser l'autre jusqu'à s'oublier soi-même n'est pas un signe de grandeur morale mais de bêtise politique.

    Allons plus loin, toujours en suivant Dandrieu. Et si certains individus retrouvent le chemin de la foi chrétienne en suivant la piste de l'identité nationale, est-ce un drame ? Est-ce un crime ? N'y a-t-il, du point de vue des chrétiens officiels, qu'une seule manière de renouer avec la foi ou se partir à sa recherche ? Ceux qui, en fouillant au fond de leur culture, retrouvent ses racines chrétiennes oubliées et les embrassent, méritent-ils le dédain de certains croyants qui auraient finalement une foi sans impureté, une foi nettoyée, leur donnant le droit de surplomber le commun des mortels au nom de leur spiritualité souveraine ? Sur le sujet, Dandrieu signe en conclusion des pages lumineuses : « Plutôt que de spéculer sur la plus ou moins grande pureté des intentions de ceux qui montrent leur attachement à ce signe, l'Église serait mieux inspirée de voir que cet attachement constitue un appel, et aussi signe d'un autre ordre, plein d'espérance - le signe très encourageant que l'âme chrétienne ne se résout pas tout à fait à mourir au sein des populations les plus déchristianisées ». En d'autres mots, ceux qui voudraient évangéliser à nouveau l'Europe devraient voir dans le catholicisme patrimonial des uns et des autres un point de départ inspirant, et non pas une marque honteuse.

    Quoi qu'il en soit, Laurent Dandrieu signe ici un livre essentiel, qui dépasse largement, les seules querelles internes à cette grande famille désassemblée que semblent être les catholiques français. Il nous invite réfléchir à la nature de la communauté politique, à celle de la civilisation où elle s'inscrit, et aux rapports complexes entre l'aspiration à l'universel et la nécessaire inscription de la personne dans un monde de sens particulier, sans lequel elle serait condamnée à se déshumaniser. En d'autres mots, Dandrieu ajoute une contribution remarquable dans la grande entreprise de reconstruction d'une philosophie de l'enracinement, sans laquelle la démocratie elle-même s'asséchera, car elle n'est pas appelée à durer si on la condamne à la lévitation. Il vient d'ajouter sa voix au renouveau intellectuel du conservatisme français, qui redonne une immense vigueur à une société trop longtemps soumise au politiquement correct, et espoir à ceux qui souhaitent rebâtir leur pays. 

    « Et si certains individus retrouvent le chemin de la foi chrétienne en suivant la piste de l'identité nationale, est-ce un drame ? Est-ce un crime ? »  

    Église et immigration : le grand malaise 

    Mathieu Bock-Côté 

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf. 

     

    A lire - et regarder - dans Lafautearousseau [Vidéo] ...

    Les religions en royauté

  • Tristes nouvelles d'Algérie

    Alger: une armée au pouvoir depuis 1965. 

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Marseille, où vient de passer notre confrère, est une véritable caisse de résonance de ce qui se passe Outre-Méditerranée, et on chercherait en vain une bonne nouvelle parmi celles que répandent sur leur pays, les Algériens du grand port provençal…

     

    peroncel-hugoz 2.jpgQue n’entend-on pas dans les « cafés maures » (ou pas maures) de Marseille, entre le cours Belsunce et le boulevard d’Athènes ! Bourgs du bled en état de dissidence ; soldats ou gendarmes déserteurs ; résidences balnéaires ou climatiques de notables, cambriolées jusqu’à l’os ; concussion et trafics à grande échelle, etc. etc. Certains vont même jusqu’à rappeler que le « président-momie »,  dit « Boutef », n’aurait jamais été mis au pouvoir, en 1999, par les hauts gradés de l’armée, si la justice avait pu connaître une affaire de détournement de fonds publics, dénoncée au début de la décennie 1980 et par le président Chadli Bendjedid et par le parti unique et par la Cour des Comptes… L’intéressé préféra aller commercer dans le Golfe arabo-persique ou bien y donner des consultations diplomatiques payantes jusqu’en 1987… 

    Propos de « café du commerce » ? 

    Mais, m’objecterez-vous, tous les exilés exagèrent, voient tout en noir, l’Algérie n’est pas le paradis mais elle n’est pas non plus l’enfer, n’écoutons plus ce qu’on appelle en France des « propos de café du commerce ». Soit ! Tendons alors l’oreille vers un expert très pointu en affaires algériennes, notre confrère Frédéric Pons qui n’est pas que journaliste mais aussi colonel des troupes de marine, ancien Casque bleu de l’ONU et professeur à l’Ecole militaire française de Saint-Cyr. En 2013, Pons a publié Algérie : le vrai état des lieux (Calmann-Lévy), qui passa pour « indulgent » mais n’en était pas moins démoralisant pour ceux qui ont conservé de la sympathie pour le pauvre peuple algérien. Or, que nous dit à présent ce spécialiste qui travaille toujours sur des faits (et « les faits sont têtus », disait Lénine lui-même…) et non pas en fonction de choix idéologiques ? 

    Industrie et agriculture en ruines

    Il nous dit que « résignés, les Algériens observent le naufrage [du président Bouteflika], parallèle à celui de l’Algérie, qui avait tout pour être l'un des géants de la Méditerranée ». Et Pons poursuit : « Le peuple sait tout du marasme économique, malgré la rente pétrolière et gazière. Il constate la ruine de l’industrie et de l’agriculture et la dépendance à l’égard des circuits d’importation qui alimentent la corruption ambiante. Les Algériens s’interrogent aussi sur l’utilisation par le pouvoir des 784 milliards de dollars rapportés depuis 1999, à 95% en provenance des hydrocarbures ».* 

    Un sujet de rigolade…

    Au-delà de ces informations tragiques pour un régime qui, jadis, se promettait de « montrer la route de la libération et du développement au Tiers-Monde », revenons un instant aux « cafés maures » marseillais où l’un des sujets favoris de rigolade est le « futur successeur » de « Boutef », son frère cadet Saïd, « l’homme à la perruque châtain »… A en croire les bavards, buveurs de thé ou de café, « Petit Frère » serait soutenu par le général Ahmed-Gaïd Salah, chef d’état-major et par les ministres ou ex-ministres les plus anti-français: Ahmed Ouyahia, Abdelmadjid Téboune, Chakib Khalil, etc. 

    Dépenses sociales

    En attendant, pour conjurer le sort, le gouvernement d’Alger a fait savoir qu’en 2017, il consacrera 15 milliards de dollars, soit près d’un quart du budget national total, aux « dépenses sociales ». En 2016, le revenu gazo-pétrolier est descendu à 25 milliards de dollars. Il faut donc puiser encore dans les réserves en devises, tombées à 110 milliards de dollars… 

    Le plus haut minaret africain…

    Bref, plus que jamais, tout tient à un fil dans la « riche Algérie », « démocratique et populaire »… Cependant, la main-d’oeuvre locale (plutôt chinoise) s’active sur le gigantesque chantier de « la plus grande mosquée d’Afrique », avec un « minaret dépassant largement celui de la mosquée Hassan II à Casablanca »… Toutefois, l’inauguration de cet énorme sanctuaire a été repoussée à 2020, Inchallah !   


    * Voir notamment le n°12, janvier-février-mars 2017 de la revue française de géopolitique «Conflits» / www.revueconflits.com

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 20.01.2017