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Actualité Monde - Page 110

  • Société • Les nouveaux curés ... Hors de l’Eglise politiquement correcte, point de salut !

     

    par Mathieu Bock-Côté

    Nous avons souvent pointé, dans Lafautearousseau, les prétentions exorbitantes de la nouvelle cléricature, multiforme et totalitaire, qui régente nos sociétés. Mathieu Bock-Côté le fait ici avec tout son talent. Nous lui laissons la parole d'autant plus volontiers que c'est en grande partie grâce aux jeunes intellectuels de sa génération que le pouvoir de la dite cléricature est largement en train de s'effriter.   LFAR

     

    3222752275.jpgOfficiellement, il y a à peu près 50 ans, la société québécoise s’est débarrassée de ses curés. On leur reprochait de chercher à contrôler notre vie. Ils nous culpabilisaient en nous accusant de commettre des péchés. Ils voulaient gouverner nos consciences. Les gens en avaient marre.

    Autant la religion est respectable dans son propre domaine, autant elle peut être exaspérante lorsqu’elle domine nos vies. Dès lors, nous nous croyons libres. Chacun fait ce qu’il veut de sa vie. Mais en sommes-nous vraiment certains ?

    Se pourrait-il que de nouveaux curés aient pris la place des anciens ? On sent bien, aujourd’hui, peser sur nous une nouvelle morale qui ne dit pas son nom.

    On reconnaît les nouveaux curés à leur manière de vouloir régenter chaque parcelle de notre existence, et de nous présenter comme des individus mauvais si nous résistons à leurs ordres.

    Au nom de la santé, ils veulent aseptiser la vie. Ils l’abordent en sarrau, avec un masque hygiénique. Viandes, charcuteries, alcools, boissons sucrées, sexe, tabac, friandises : dans leur monde idéal, ils pourraient tout interdire. Les nouveaux curés ne comprennent pas que les excès participent aussi au bonheur de la vie.

    Mais au-delà de la vie quotidienne, les nouveaux curés règnent aussi.

    Vous trouvez que vous payez trop d’impôts et que les services publics sont souvent misérables ? On vous traitera d’égoïste.

    On vous interdira aussi de penser librement. En la matière, il y a un nouveau catéchisme auquel il faut croire et dont il faut réciter les articles.

    Le monde doit être sans frontières. Les peuples doivent se diluer au nom de l’ouverture. Il doit y avoir toujours plus d’immigration et c’est à la société d’accueil de s’adapter aux immigrés. D’ailleurs, si l’intégration fonctionne mal, c’est la faute de la société d’accueil.

     

    Vous devez penser du bien de toutes les religions et ne jamais vous questionner sur l’une d’entre elles en particulier.

    Ah oui, n’oubliez pas que les sexes n’existent pas. Hommes et femmes sont des constructions imaginaires qu’il faudra déconstruire.

    Mais vous doutez de cela ? Et vous confessez vos doutes ? Vous commettez un péché idéologique. On vous fustigera, on vous excommuniera. Raciste ! Xénophobe ! Islamophobe ! Sexiste ! On vous collera ces étiquettes pour vous transformer en monstre.

    Hors de l’Eglise politiquement correcte, point de salut ! Vous devez avoir honte de vous-mêmes. Normal, vous avez des pensées honteuses !

    Ces nouveaux curés dominent les médias, les réseaux sociaux et l’éducation. Dans leurs rêves les plus fous, eux seuls décideraient qui aurait le droit de parler publiquement ou non.

    Il y a bien des manières de lutter contre les nouveaux curés. La meilleure, c’est de se ficher de leurs commandements et de leur faire comprendre qu’on ne se soumettra plus à leurs interdits.

    Quand le commun des mortels ne croit plus à une religion, ses grands prêtres misent sur la peur. Ils nous insultent ? On doit leur rire au visage pour reprendre notre liberté. 

    Mathieu Bock-Côté

    est sociologue, auteur du "Multiculturalisme comme religion politique" (Cerf Ed., 2016).

    Article initialement publié dans Le Journal de Montréal

  • Face au terrorisme islamiste, savoir ce que nous voulons défendre

     Aux sources de notre civilisation, le Trésor des Athéniens à Delphes

     

    Par Mathieu Bock-Côté

    Les Européens ne donneront le meilleur d'eux-mêmes contre la menace djihadiste qu'en étant fiers de leur héritage, expose ici Mathieu Bock-Côté*. [Figarovox, 8.08]. Ainsi poursuit-il sa réflexion, à laquelle Lafautearousseau fait régulièrement écho parce qu'elle s'inscrit nettement en opposition à la société postmoderne, antinationale, antihistorique, que la pensée dominante et le Système tentent encore d'imposer à la France, à l'Europe et au monde, malgré la montée universelle des résistances. En vérité, ce n'est pas tant des djihadistes que nous devons nous sauver que de nos propres abandons et reniements. Du moins est-ce ce que nous disons ici jour après jour.  LFAR   

     

    3222752275.jpgIl faut défendre notre civilisation contre ses ennemis. Alain Finkielkraut le disait récemment dans Le Figaro Magazine. Mais la formule est bien plus ambiguë qu'on ne le croit.

    Qui sont ses ennemis ? Sous prétexte de ne pas faire d'amalgame, on s'obstine à ne pas les nommer et à présenter le terrorisme islamiste comme une force désincarnée. La volonté de certains médias de ne plus dévoiler l'identité des djihadistes, sous prétexte de ne pas leur faire de publicité, contribuera aussi à la déréalisation des attentats. Il faudrait pourtant penser ensemble les massacres soigneusement planifiés tels Charlie Hebdo et le Bataclan, les tueries organisées comme à Nice et les actes plus ou moins spontanés comme en Allemagne quand un réfugié pakistanais a commis des agressions à la hache dans un train. Prendre en compte les agressions sexuelles massives comme celles de Cologne le 31 décembre est aussi une nécessité.

    De façon plus générale, on redécouvre que les peuples ne sont pas des populations interchangeables et indéfinies qu'on pourrait se contenter de réguler en multipliant les incantations républicaines. L'immigration massive a créé en Europe des territoires « dénationalisés » que les islamistes rêvent de maîtriser, en les poussant à la sécession culturelle ou à la guerre civile.

    Une fois le terrorisme islamiste nommé comme notre ennemi, au nom de quoi le combattre ? Que voulons-nous défendre ? L'Occident ne sait plus ce qui le caractérise. Depuis quarante ans, il s'est livré aux délices de l'expiation pénitentielle et à l'inversion généralisée des valeurs. De la théorie du genre au multiculturalisme, en passant par la sociologie victimaire et la consommation frénétique, il semble aujourd'hui se définir en adhérant à ce qui le nie. On ne voit plus au nom de quoi les hommes transformés en individus hors-sol consentiraient aujourd'hui au sacrifice.

    La question des limites de l'État de droit est aussi éclairante. Tous s'enorgueillissent, avec raison, des libertés fondamentales garanties par nos démocraties. Mais un certain fondamentalisme droit-de-l'hommiste en est venu à paralyser l'État, qui ne dispose plus des moyens politiques nécessaires pour conserver son peuple et protéger sa population. On se demande encore comment Adel Kermiche, un des deux terroristes de Saint-Étienne-du-Rouvray, qui avait cherché à rejoindre la Syrie et était fiché, pouvait être en liberté. Combien sont-ils dans la même situation que lui ? Si les attentats indignent toujours autant, ils surprennent de moins en moins.

    Ce n'est pas trahir la démocratie que de lui donner les moyens de se défendre contre ceux qui instrumentalisent les droits de l'homme pour faire la promotion de l'islamisme. Réduite à la seule figure d'un État de droit autoréférentiel, la civilisation occidentale se condamne à l'impuissance et à l'autodestruction. La démocratie se réduit au néant en se définissant seulement comme un système de règles abstraites déconnectées de ses racines identitaires, historiques et spirituelles.

    Ce n'est pas à cet Occident pénitent que songent ceux qui veulent se porter à sa défense. Le patriotisme occidental se réfère à une civilisation plus profonde, délivrée de ses complexes culpabilisants. Encore faut-il la redécouvrir en dissipant le brouillard idéologique qui l'a rendue invisible. L'attentat contre l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray a marqué une nouvelle étape dans l'horreur et peut, étrangement, servir de révélateur.

    L'égorgement du prêtre Jacques Hamel pendant sa messe avait quelque chose d'un sacrifice rituel. La France était frappée dans son identité la plus intime, celle qui vient du fond des âges, pour emprunter la formule du général de Gaulle. Cette vieille nation de marque chrétienne se voyait paradoxalement rappelée à une part d'elle-même dont elle ne sait plus trop quoi faire. Pourtant, la France de la première moitié du XXe siècle avait beau être laïque, elle s'est néanmoins libérée en brandissant la croix de Lorraine. Le gaullisme assumait toute l'histoire de la France et sacralisait la nation, à la manière d'un être historique doté d'un génie propre.

    C'est à travers la nation que les démocraties occidentales font l'expérience de la liberté démocratique et de la part sacrée du politique. Et c'est dans ce qu'on pourrait appeler leur identité civilisationnelle que les nations occidentales sont aujourd'hui attaquées. Une civilisation se définit tout autant par ses mœurs, son architecture, ses institutions politiques et son sens de la transcendance, qui irrigue toutela vie collective. En renouant avec une certaine idée de leur héritage, ces nations retrouveront le désir de se défendre. 

    * Sociologue, chargé de cours à HEC Montréal, il est chroniqueur au « Journal de Montréal ». Collaborateur régulier du site FigaroVox, il a récemment publié « Le Multiculturalisme comme religion politique » (Éditions du Cerf, 2016, 368 p., 24 €).

    Mathieu Bock-Côté           

  • Erdogan à Saint-Pétersbourg : « Poutine pousse son avantage »

     

    Par Alexis Feertchak           

    ENTRETIEN - Jean-François Colosimo - essayiste, théologien et éditeur - décrypte ici avec sa science et son réalisme coutumiers - les enjeux de la rencontre de Saint-Pétersbourg entre les présidents russe et turc [LE FIGARO, 9.08]. Peut-être a-t-il tendance à évaluer avec quelque optimisme la supériorité de la position russe. La Turquie, grand Etat héritier d'un empire, ne manque pas d'atouts dans ce nouveau et fragile partenariat. Jean-François Colosimo esquisse en fin d'entretien ce que pourrait être - et ne sera sans-doute pas - la politique de la France. Il rejoint sur l'essentiel l'article de Mathieu Slama que nous avons publié le 11.08, lorsque - élargissant son propos - il écrit excellemment : « l'actuel conflit planétaire est d'abord culturel en ce qu'il porte sur l'historicité de la condition humaine ».  LFAR

      

    XVM395dab50-54b8-11e6-91e4-fb78b463148e.jpgAprès un an de glaciation entre Moscou et Ankara, Vladimir Poutine et Recep Erdogan se rencontrent ce mardi à Saint-Pétersbourg. Quels sont les grands enjeux de cette détente ?

    Ils sont à la fois partagés et inégaux. Tous deux ont en commun la volonté de rompre leur isolement, de limiter leurs fronts extérieurs, de stabiliser leurs difficultés intérieures. Ils entendent aussi mieux diluer, ensemble, les pressions occidentales qui s'exercent sur chacun d'eux. Mais cela, c'est l'écume. Car il y a un gagnant et un perdant. Erdogan, un moment enclin à l'anti-russisme pour complaire à Washington, se rend à Canossa pour troquer son rêve défunt de puissance régionale contre un contrat incertain d'assurance-vie au Proche-Orient. La stratégie offensive de Moscou a bouleversé la donne là où les manœuvres déguisées d'Ankara ont échoué. Poutine pousse son avantage en ambitionnant de neutraliser l'ancestral rival turc dans ces marches indispensables au désenclavement de la Russie : la Crimée pour les voies maritimes du commerce ; le Caucase pour les routes terrestres de l'énergie ; le Levant pour l'accès à la Méditerranée et à l'océan Indien ; l'Asie centrale pour les liens avec l'Iran, l'Inde, la Chine. Rien de bien neuf depuis la première confrontation entre les empires tsariste et ottoman au XVIe siècle.

    La Russie, qui compte une importante minorité musulmane, est aussi touchée par l'islamisme. Poutine joue-t-il ici avec le feu ou fait-il preuve de réalisme ?

    L'islam russe, endogène historiquement et encadré institutionnellement, professe un loyalisme pragmatique à l'égard de l'État. Il en va autrement en Ciscaucasie (Ingouchie, Tchétchénie, Daghestan) et dans les républiques turcophones (Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan et Kazakhstan), vecteurs de l'expansion de l'islamisme auprès des Ouïghours de Chine. Mais là compte la convergence active entre Moscou et Pékin.

    En Syrie, Moscou soutient l'axe chiite et Ankara l'axe sunnite. Qu'est-ce qui a changé pour que ce différend n'affecte plus de façon rédhibitoire les relations russo-turques ?

    C'est tôt, dès sa réémergence à la fin des années 1970, que le Kremlin a su voir dans l'arc chiite une force évolutive au sein du monde musulman. Ce qui n'empêche pas Poutine de soutenir activement, dans le conflit qui agite aujourd'hui le pouvoir saoudien, le camp de la normalisation désireux de réfréner la dérive wahhabite et de réformer le sunnisme. Le tout sans porter atteinte à la relation privilégiée que Moscou entretient avec Israël à la faveur de l'importante immigration russophone. Face à ce dispositif complexe, le projet d'Erdogan de s'imposer comme le calife d'une internationale des frères musulmans ressort aussi pauvre que vain. Il est surtout caduc depuis que l'apprenti-sorcier doit faire face au retournement de Daech, affaibli par les bombardements des Sukhoï.

    Depuis le coup d'État manqué, les relations entre la Turquie et les États-Unis sont tendues. Sa rencontre avec Erdogan est-elle pour Poutine un moyen d'endiguer l'Otan ?

    La guerre froide légitimait l'existence de l'Alliance atlantique et l'intégration en son sein de la Turquie kémaliste et de ses 500 km de frontières avec l'URSS. Ce théâtre et ses acteurs ayant disparu, l'Otan se perpétue en reconduisant obstinément les amis et les ennemis d'hier, quitte à confondre aujourd'hui les uns et les autres. Pourquoi Poutine, attentif aux seuls rapports de force, manquerait-il une telle occasion de semer la discorde dans ce bloc qui se manifeste toujours plus adverse et se dévoile toujours plus fissuré ?

    En décembre 2014, les deux dirigeants s'étaient rencontrés pour sceller une grande alliance. Cette volonté qui refait surface n'est-elle pas contradictoire avec des siècles de confrontation entre les Empires russe et ottoman ?

    Entre 1568 et 1918, on peut dénombrer jusqu'à quinze guerres russo-turques, suivies d'autant de traités de paix. L'héritage disputé de Byzance explique cette récurrence. Le seul résultat probant de ce dernier rapprochement devrait interdire à Erdogan de refaire de Sainte-Sophie une mosquée comme il s'y apprêtait. Un gain symbolique ? Oui, et donc en rien anecdotique car l'actuel conflit planétaire est d'abord culturel en ce qu'il porte sur l'historicité de la condition humaine.

    Comment l'Europe pourrait-elle se positionner face aux deux «démocraties autoritaires» qui forment les marches géopolitiques du continent ?

    Bruxelles qui se plaisait naguère à dénoncer la démence tyrannique de Poutine et à louer la modération démocratique d'Erdogan criera demain à la coalition des dictatures. L'impuissance européenne est terminale. Seule la France, forte de son expérience de ce double Orient que constituent les Est slave et arabe, pourrait initier un salutaire contournement tactique. Mais elle ne le fera pas. Avec le repli de Washington qu'actera probablement la prochaine présidentielle américaine, il nous faut nous préparer à payer le prix fort d'une diplomatie de vassalité irréaliste et irresponsable. 

    * Dernier ouvrage paru : « Les hommes en trop : la malédiction des chrétiens d'Orient » (Fayard, 2014). 

    Alexis Feertchak           

    A lire aussi dans Lafautearousseau

    POUTINE ET ERDOGAN A SAINT-PETERSBOURG ou la revanche de Carl Schmitt

  • Et si l’Islam était « insoluble » ?

     

    Par Louis-Joseph Delanglade

    Publié le 29.06.2015 - Réactualisé le 16.08.2016

    L'annonce, clairement provocatrice, d'une journée « burkini » finalement annulée, près de Marseille, les violents incidents qui viennent de se produire en Corse, sont le signe évident de tensions communautaristes devenues extrêmes du fait même de la présence toujours plus virulente et ostentatoire de l'islam. L'idée que le Pouvoir pourrait, dans l'affolement, « organiser » autoritairement l'islam de France est en l'air, dans les cercles gouvernementaux et médiatiques. Jean-Pierre Chevènement serait même pressenti pour cette mission. Mais mission impossible ? Très probablement.   

     

    M. Valls souhaite, après tant d’autres, avoir un interlocuteur représentant de « l’islam de France », de façon à pouvoir organiser les rapports que l’Etat doit entretenir avec ce dernier. Mais ce n’est pas si simple. Certains évoquent à ce sujet deux précédents : celui de Napoléon qui, en 1806, a pu établir, grâce à la création du Consistoire, un nouveau modus vivendi avec le judaïsme ; et celui, plus connu, de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de M. Briand, un siècle plus tard. Mais l’islam, en France, n’est pas le judaïsme, religion très minoritaire et présente depuis toujours dans diverses provinces. Il est encore moins le christianisme dont il n’a pas la légitimité historique et culturelle.  

    Une « instance de dialogue avec l’islam de France » réunit donc, sous la houlette de M. Cazeneuve, les prétendus représentants des cinq millions (?) de membres de la « deuxième communauté confessionnelle » du pays. On y parle de tout ce qui peut caresser ladite communauté dans le sens du poil - comme la construction projetée de trois cents (!) mosquées. Et pour se garder de toute « stigmatisation », on ne parle pas, surtout pas, de ce qui pourrait la fâcher (radicalisation, provocations, attentats…). Interrogé à ce sujet, le ministère répond benoîtement : « Nous avons estimé que ce serait un mauvais message adressé aux Français et à la communauté musulmane ».   

    A celle-ci, peut-être ; à ceux-là, certainement pas. En effet, que MM. Valls et tous les politiciens et idéologues de ce pays le veuillent ou pas, l’islam est ressenti par une majorité de « Gaulois » comme un corps étranger, inquiétant et dangereux - son émergence massive sur le territoire métropolitain étant trop récente, trop brutale, trop liée à des problèmes de désordre, d’insécurité, de terrorisme.   

    Mais la faute de M. Valls est d’abord de partir d’un a priori idéologique : la France laïque doit porter le « message » en Europe et dans le monde d'un islam « compatible avec la démocratie et la République ». Quelle naïveté ! il est douteux que l’islam se renie au point d’accepter que la religion, en l’occurrence musulmane, ne soit considérée que comme une simple affaire individuelle de conscience.   

    M. Godard, haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur jusqu’en 2014, montre, dans La question musulmane en France, que l'islam est devenu « un régulateur social sur notre territoire ». M. de Montbrial dénonce, preuves à l’appui, dans Le sursaut ou le chaos « l’état de communautarisation avancé de notre société » qui fragilise la cohésion nationale, la radicalisation de milliers de jeunes Français partis ou en partance pour le jihad et, surtout, le « risque réel » de guerre civile dont nous menacent ces ennemis de leur propre pays.  

    Ce sont moins les individus qui sont en cause que la revendication de l’appartenance à une communauté dont les « valeurs » et les finalités ne sont pas tout à fait compatibles avec celles de la France.  

  • Société • Burgers Five Guys : le coup de gueule de Xavier Denamur contre la (Oba)malbouffe

     

    Par Xavier Denamur           

    HUMEUR - La chaîne de burgers préférée de Barack Obama arrive à Paris. Xavier Denamur - restaurateur et militant contre la malbouffe - est allé tester Five Guys. Verdict : si vous aimez les frites molles, le steak haché hypercuit, la salade en plastique et les champignons en conserve, courrez-y [Figarovox, 11.08]. Quant à nous, nous avons une forte propension à croire qu'il a raison.  LFAR

    Il paraît que les Français mangeront bientôt plus de hamburgers que de Paris beurre. On me dit qu'à part quelques rares résistants qui finiront par succomber au charme grassouillet de ce mets sucré-salé, la moindre gargote que compte la Gaule présente fièrement sur sa carte au moins un hamburger. Certains de mes collègues se vantent même d'en réaliser des versions gastronomiques, allant jusqu'à y introduire du foie gras. Personnellement, depuis que Jacques Borel m'a expliqué dans République de la Malbouffe que le hamburger était un sous-produit du travail des femmes, j'ai décidé de ne jamais inscrire ce plat à la carte de mes bistrots.

    La France terre de prédilection et d'expérimentation de la bonne bouffe aurait donc définitivement succombé à la mauvaise bouffe et serait même en passe de devenir la plus belle terre d'accueil de tous les géants du fast-food. Hors USA, c'est en France que McDonald's réalise son plus gros chiffre d'affaires. Five Guys, le petit poucet du secteur avec seulement 1350 restaurants ne pouvait pas passer à côté de l'eldorado tricolore. Depuis le 1er août, l'enseigne favorite de Barack Obama a pignon sur rue à Bercy Village. Je m'y suis donc rendu, curieux de découvrir ce que l'homme le plus puissant du monde trouve d'extraordinaire aux hamburgers Five Guys.

    Mardi 2 août à 15h , il y a encore une heure d'attente devant l'unique point de vente de la marque qui ouvrira début 2017 les portes de son navire amiral sur les Champs Élysées, avec 1500 mètres carrés, ce Five Guys sera le plus grand du monde, cocorico ! La communication bien huilée du groupe, reprise en boucle sur la plupart des médias fonctionne à plein tube. Les aficionados du « vrai burger », les déçus du Big Mac et les « je me fous de ce que je mange pourvu que ça soit bon » sont là.

    Passé l'attente où on vous fait remplir une fiche avec votre commande que la personne à la caisse balancera à la poubelle, vous pénétrez enfin dans le temple du « vrai hamburger américain ». A peine le seuil passé, vous tombez nez à nez avec une montagne de sacs de pommes de terre Innovator de la marque Terroir d'origine en provenance de Hollande. Ayant entendu que ce nouvel acteur de la restauration rapide se fournissait localement, je suis tout de suite rassuré en me rappelant que vu des USA, acheter local signifie se fournir en Europe.

    Une chose est certaine si le personnel est sympa, normal me direz vous, il vient de commercer, le résultat dans le sac en papier kraft et le gobelet est gras, salé et surtout sucré, loin d'être à la hauteur de la communication maison où tout serait réalisé sur place avec des produits frais.

    Ayant prétexté une allergie à certains stabilisants, conservateurs et autres joyeusetés industrielles qui inondent la malbouffe, on m'a amené le « guide des ingrédients » Five Guys que vous pourrez consulter sur le PDF ci-dessous. Et bien alors que la personne à la caisse m'a garanti mon « milkshake fait maison », à 6€50 on pouvait l'espérer, le responsable du site va venir gentiment me le rembourser. Il est vrai que l'agent de conservation E 202 de la vanille ou l'émulsifiant mono- et diglycérides d'acide gras (E 471) ou l'agent de propulsion oxyde nitreux E492 de la crème fouettée faisaient plus usine que « fait maison » et risquaient de me faire mourir d'un hypothétique œdème de Quincke.

    Alors que les médias rapportaient le 1er août, jour du lancement en grande pompe de la marque dans l'Hexagone, sans vérification, la belle communication maison des hamburgers Five Guys premium réalisés avec des produits frais, mes champignons de « Paris » grillés sortaient d'une boite.

    Si les frites sont visiblement fraîches puisque les sacs de pommes de terre trônent à l'entrée avec des cacahouètes hyper salées en libre service, elles sont surtout hyper grasses, plutôt molles et cerise sur bide, elles sont plongées dans de l'huile de friture d'arachide raffinée avec fameux anti-moussant E900 ou diméthypolysiloxanne, un additif classé possiblement cancérigène par l'Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse (ARTAC).

    Quand le manager m'a appris que la viande hachée « premier choix » fraîche venait d'Irlande, j'aurais souhaité qu'il me communique le pourcentage de matières grasses, m'explique comment elle est conditionnée afin de pouvoir l'utiliser à plus 24h sans être sous atmosphère contrôlée et pourquoi on ne peut pas obtenir saignant son steak. Quand il m'a dit que c'était comme cela que la viande était la meilleure, que c'était la politique de la maison, je me suis souvenu de la séquence du film Fast food nation où Bruce Willis explique pourquoi il faut bien cuire la viande (Bruce Willis « Shit in the meat , Just Cook It » à partir de 8'33).

    Après une bonne dizaine de minutes à essayer de me convaincre de la qualité premium de ses produits, le manager a fini par me renvoyer vers la directrice de clientèle chez Le Public Système PR en charge de la communication du groupe. Cette dernière encore moins au parfum de la réalité des arrière-cuisines de Five Guys m'a servi au téléphone le discours prémâché régurgité sans état d'âme par la plupart des médias. Quand elle m'a raconté que tous les légumes étaient découpés dans la cuisine chaque matin et que les champignons frais étaient livrés par un fournisseur de Rungis, ayant le « guide des ingrédients » Five Guys sous les yeux, elle a failli me faire tomber de ma chaise. Après avoir raccroché, je me suis dit que la vérité était une éventualité plutôt rare de la communication.

    Bref on est très loin du « fait maison » et ce n'est pas demain la veille, contrairement à l'affirmation de la directrice de la communication, que l'on verra affiché le logo officiel (une petite casserole coiffée d'un toit de maison) à l'entrée de cette chaîne de fast-food.

    Résultat des courses :

    Pour 19€ , après une heure d'attente évitée, on m'a servi en 5 minutes dans un sac en papier kraft: une portion de frites molles, un hamburger au pain mou composé de 2 steaks hachés de 65 g environ chacun hyper cuits et pas juteux du tout, d'une tranche de tomate insipide, de 5 feuillettes de salade iceberg, de quelques lamelles de champignons en boîte et d'une sauce sucrée-salée Heinz blindée de sirop de maïs et un milkshake assemblé sur place que l'on me remboursera.

    Verdict : à ce prix, on trouve dans Paris des bistrots qui servent un menu (entrée-plat ou plat-dessert) avec des produits frais qui ont du goût sans ajout de sucre, de sel et de matières grasses traficotées.

    Conseil : pour votre santé et votre porte-monnaie, ce genre d'endroit est autant à éviter que Burger King, Quick, McDo and co. Si vous souhaitez manger un bon hamburger saignant, demandez, si le restaurateur ne l'affiche pas, à voir l'étiquette du lot dont le morceau de viande est issu et si la viande est bien hachée à la commande comme chez votre boucher. Si ce dernier refuse, changez de crémerie et mangez un bon plat du jour dans un bistrot qui affichera le logo « fait maison ».

    Pour la santé des Américains, je recommande à Michelle Obama de dire à son mec d'arrêter de faire de la pub pour cette marque de fast-food qui participe autant que les autres à la dégradation de la santé des consommateurs et de l'environnement. 

    Xavier Denamur          

    a publié Et si on se mettait enfin à table ? (éd. Calmann-Lévy).  

  • POUTINE ET ERDOGAN A SAINT-PETERSBOURG ou la revanche de Carl Schmitt

     

    Par Mathieu Slama Publié le 09/08/2016 à 18h20

    Vladimir Poutine et Recep Erdogan viennent de confirmer avec éclat le rapprochement de leurs deux pays. Mathieu Slama, explique ici en lisant Carl Schmitt comment ces deux figures autoritaires sont une réponse à la dépolitisation du monde libéral [Figarovox, 9.08]. Qu'on veuille bien lire cet entretien et l'on comprendra pourquoi nous avons écrit le 27 mai dernier, à propos de son premier livre : « Nous prévenons les lecteurs de Lafautearousseau ; ces réflexions sont importantes. Il faudra être attentifs désormais aux publications de Mathieu Slama ! ». Nous confirmons. LFAR 

     

    205055832.jpgIl y a quelque chose de très peu surprenant, finalement, dans le rapprochement à l'œuvre entre le président russe Vladimir Poutine et le président turc Recep Erdogan. A y regarder de plus près, et en mettant de côté la relation historique entre la Turquie et les Etats-Unis, la Turquie d'Erdogan a infiniment plus de points communs avec la Russie de Poutine qu'avec l'Occident. Le rapport au sacré et à la tradition religieuse de leurs pays (orthodoxie pour Poutine, islam pour Erdogan), la dimension verticale (voire autoritaire) de l'exercice du pouvoir, le soutien massif (et visible) d'une population mobilisée: ces éléments rapprochent les deux hommes beaucoup plus qu'ils ne les séparent.

    On le sait, Poutine a engagé depuis plusieurs années un combat quasi-métaphysique contre la vision du monde occidentale libérale et universaliste. Il estime, non sans quelques arguments valables, que cette vision du monde méconnaît voire méprise ce qui constitue le cœur du politique, c'est-à-dire l'existence de communautés particulières inscrites dans des trajectoires historiques qui leur sont propres.

    Il y a dans ce discours, mais aussi plus généralement dans les attitudes de Poutine et Erdogan, des éléments qui font fortement écho aux thèses du grand juriste allemand Carl Schmitt (1888 - 1985), auteur d'un des livres de théorie politique les plus décisifs du XXème siècle, La notion de politique (1932 pour sa dernière version). Précisons, avant de poursuivre, que Schmitt s'est compromis de façon dramatique avec le nazisme, après avoir pourtant défendu la République de Weimar contre Hitler, et ce de façon incontestable au moins jusqu'en 1936.

    Que dit Schmitt ? Que le monde libéral méconnaît ce qui est au cœur de l'existence politique : la distinction ami - ennemi, c'est-à-dire la potentialité d'un conflit qui met en jeu l'existence même d'un peuple et d'une communauté. Pour Schmitt, l'individualisme libéral tel qu'il s'est développé en Occident est une négation de la politique car il introduit une « praxis politique de défiance à l'égard de toutes les puissances politiques et tous les régimes imaginables », « une opposition polémique visant les restrictions de la liberté individuelle par l'Etat ». Schmitt en conclut qu'il n'y a pas de politique libérale, seulement une « critique libérale de la politique ». Le système libéral, poursuit Schmitt, exige « que l'individu demeure terminus a quo et terminus ad quem » ; « toute menace envers la liberté individuelle en principe illimitée, envers la propriété privée et la libre concurrence se nomme violence et est de ce fait un mal ». « Le peuple », dans la conception libérale, « sera d'une part un public avec ses besoins culturels et d'autre part tantôt un ensemble de travailleurs et d'employés, tantôt une masse de consommateurs ». Dans cette perspective, « la souveraineté et la puissance publique deviendront propagande et suggestion des foules », c'est-à-dire qu'elles seront décrédibilisées. Avec le libéralisme démarre ce que Schmitt appelle « l'ère des neutralisations et des dépolitisations ». Il n'est pas non plus inutile de rappeler la première phrase célèbre d'un autre ouvrage de Schmitt, Théologie politique (1922) : « Est souverain celui qui décide de la situation d'exception ». Une conception de la décision politique fort éloignée, il va sans dire, de la conception de l'Etat de droit issue des théories libérales européennes.

    On comprend bien, à la lecture de cette critique très puissante du libéralisme, combien ces thèses résonnent fortement aujourd'hui. Le monde occidental s'est lentement mais sûrement dépolitisé, refusant de se confronter aux décisions fondamentales par peur de remettre en cause les libertés individuelles (il y a certes des raisons très profondes à cela, notamment les traumatismes liés aux expériences totalitaires du XXème siècle). La souveraineté politique, c'est-à-dire la capacité d'un peuple de décider de son destin historique et de s'opposer le cas échéant à d'autres peuples, a disparu pour laisser place à une conception universaliste du monde dans laquelle chaque individu appartient au genre humain avant d'appartenir à des communautés particulières. Mais, prévient Schmitt, « qui dit Humanité veut tromper ». « Le monde politique », ajoute-t-il, « n'est pas un universum mais un pluriversum » ; le cas contraire signifierait la disparition de l'Etat et du politique - et la domination d'une puissance sur toutes les autres. C'est là tout le cœur du problème de l'universalisme : l'Occident se prétend seul juge de ce qu'il faut faire et de ce qu'il ne faut pas faire, selon ses propres critères. Il suffit de constater la manière dont les Occidentaux réagissent à l'attitude d'Erdogan après le putsch raté - et la manière dont ils jugent, avec une constance métronomique, les penchants autoritaires de Poutine.

    Notre propos ici n'est pas de défendre Poutine et Erdogan. Néanmoins, chacun à leur manière (et avec des excès évidents qu'il ne s'agit pas de nier), ils incarnent une vision encore politique de l'histoire humaine. Ils refusent le modèle libéral occidental et assument un certain décisionnisme qui peut entrer en contradiction avec la protection de certaines libertés individuelles. Ils défendent la souveraineté nationale face aux ambitions universalistes occidentales. Erdogan a eu ce mot très symbolique après le putsch raté qui le visait : « La souveraineté appartient à la nation ». Et Poutine avait rappelé il y a quelques années que la souveraineté nationale était une condition de vie ou de mort pour les Russes. Les deux hommes d'Etat construisent une mythologie nationale fondée sur la potentialité du conflit et sur l'irréductibilité des communautés humaines (même si Erdogan, notons-le, retourne habilement contre l'Occident ses propres valeurs démocratiques, comme cette semaine dans un entretien étonnant dans le journal Le Monde).

    Schmitt avait cette formule frappante qu'il empruntait à un poète allemand : « L'ennemi est la figure de notre propre question ». Il n'est pas interdit, en effet, d'apercevoir dans Poutine ou Erdogan deux figures-miroirs qui nous confrontent à un immense et terrible renoncement : celui de la politique. 

    Mathieu Slama

    Essayiste
     
    Né en 1986, Mathieu Slama intervient de façon régulière dans les médias, notamment dans le FigaroVox sur les questions de politique internationale. Un des premiers en France à avoir décrypté la propagande de l'Etat islamique, il a publié plusieurs articles sur la stratégie de Poutine vis-à-vis de l'Europe et de l'Occident. Son premier livre, La guerre des mondes, réflexion sur la croisade de Poutine contre l'Ocident vient de sortir aux éditions de Fallois.
    Lire aussi dans Lafautearousseau ...
  • François Lenglet : Avec Trump et le Brexit, c'est la mondialisation du protectionnisme !

     

    Par Alexandre Devecchio

    Le libre-échange tous azimuts est le vestige d'un ancien monde, explique ici François Lenglet [Figarovox, 29.07]. Dans les économies d'après la crise de 2008, le protectionnisme soutenu par les « populistes » l'emporte, selon lui, partout, notamment dans le monde anglo-saxon. Nous étions très critiqués jusqu'à récemment - sans-doute le serons-nous encore - lorsque nous disions que le libre-échange, favorable à certains pays, à certaines époques, défavorable à d'autres ou aux mêmes en d'autres époques, ne pouvait être ni considéré ni imposé comme idéologie ou religion ayant valeur universelle. C'est ce que François Lenglet déclare et démontre dans ce très remarquable entretien. Comme il nous est déjà arrivé, nous le dédions à ceux qui croient que les choses vont toujours dans le même sens.  Nous en aurons d'ailleurs de nouveau l'occasion dès demain à propos d'un semblable entretien sur la nouvelle politique de réindustrialisation du Royaume-Uni que Theresa May vient d'annoncer ... On nous excusera d'y insister mais ce qui est souligné dans ces entretiens, ce sont des évolutions ou révolutions d'une grande importance que notre Ecole de pensée active ne peut ni ne doit ignorer. Elles comportent leur dose d'incertitudes mais surtout d'espoir. Ce n'est pas si courant.   Lafautearousseau

     

    Donald Trump multiplie les prises de position protectionnistes, que cela vous inspire t-il ?

    Il témoigne bien de l'esprit des temps qui est à l'oeuvre. Derrière l'outrance et la caricature, c'est une puissante montée du protectionnisme qui est à l'oeuvre. Je note qu'Hillary Clinton elle-même a pris ses distances avec le libre-échange et la négociation de grands accords commerciaux. Quant à Theresa May, le nouveau Premier ministre britannique, elle pointe elle aussi la nécessité de protéger l'industrie nationale, alors que c'est une conservatrice en principe héritière de Thatcher! C'est une révolution idéologique considérable qui se produit dans le monde anglo-saxon, un changement de logiciel qui rompt avec le libéralisme et le libre-échange. Trump, c'est l'anti-Reagan, et May semble devoir être l'anti-Thatcher. Le besoin de protection s'est substitué au désir de liberté, et encore une fois, le monde anglo-saxon est à la pointe de la mode idéologique. Exactement comme le libéralisme dans les années 1980, le protectionnisme est en train de se mondialiser.

    Qu'est-ce qui explique ce retournement ?

    La crise financière, qui a donné le sentiment que les règles de l'économie mondialisée n'étaient pas les mêmes pour les petits et les gros. Le besoin de frontières, après une longue période de forte mondialisation, qui a exacerbé les particularismes, qui a accru les inégalités entre ceux qui profitent de l'ouverture, les plus qualifiés et les plus mobiles, et les autres, qui en ont subi les conséquences en terme de revenu et d'emploi; la critique des élites et de tout ce à quoi ils croient. Et enfin un tout bête effet de balancier, qui fait qu'on brûle les valeurs de l'ancien monde, celle de l'ancienne génération, les baby-boomers, au profit de nouvelle valeurs, celle de la génération montante.

    Ce sont alors les populistes qui vont profiter de cette révolution idéologique ?

    Ce sont toujours les populistes qui repèrent les premiers ces changements dans la demande politique, avant les partis traditionnels. C'était le cas dans les années 1930, et dans les années qui ont suivi le krach de 1873, dans la période dite de «Grande stagnation», consécutive elle aussi à un long cycle libéral, et elle aussi marquée par la réapparition des frontières. Mais en général, les partis traditionnels finissent par comprendre le messages des électeurs, et ils se réapproprient le thème de la protection, avec leurs valeurs humanistes. C'est exactement ce qui se passe au Royaume-Uni, avec la nouvelle orientation des Conservateurs, depuis le Brexit. Ce n'est pas encore le cas en Europe continentale, où la droite et les sociaux-démocrates restent sur leurs options libérales et hostiles aux frontières. C'est pour cela que le populisme continue à marquer des points dans nos pays. Et ce n'est pas fini, en Allemagne particulièrement, où il a une forte marge de progression après les attentats récents.

    Les différents traités de libre-échange comme le TAFTA, qui sont en cours de négociation, ont-ils une chance d'aboutir ?

    Absolument aucune. Tout cela est mort, ce sont les vestiges de l'ancien monde, comme une ville engloutie. A supposer même que le traité soit signé, il faudrait le faire ratifier dans tous les pays concernés, c'est impensable. L'OMC ne parvient plus à conclure ses grands cycles, et même les accords régionaux sont devenus problématiques: l'âge d'or du commerce mondial est derrière nous. J'observe que la part des échanges dans le PIB mondial n'augmente plus, elle diminue même légèrement. Et la Chine, qui était une machine à mondialiser, va être contrainte de recentrer son économie. Cet âge d'or reviendra sans aucun doute un jour, dans 20 ou 30 ans. Il réapparaît à intervalles réguliers depuis la première mondialisation, lors des Grandes Découvertes du 15ème siècle. Et à chaque fois il est éclipsé, à cause des inégalités et des désordres qu'il provoque.

    Sur le fond, le libre-échange est-il meilleur pour l'économie que le protectionnisme ?

    C'est très difficile à dire, chaque situation est particulière, tout comme chaque époque l'est. Lorsque les Britanniques abolissent les Corn Laws, en 1846, qui protégeaient le secteur agricole ce n'est ni par philanthropie ni par amour du libéralisme, c'est par pur intérêt: ils choisissent le libre-échange parce qu'il maximise leurs profits, et ils ont raison. A l'inverse, la Chine moderne s'est développée dans un cadre protectionniste à l'extrême, protégeant son marché intérieur. Elle aussi a choisi le système qui maximisait son avantage, qui était très différent de celui des Britanniques au même stade de développement, parce que le monde n'était pas le même qu'au 19ème. En économie, pour parodier une formule britannique célèbre, il n'y a pas de loi éternelle, mais rien que des intérêts éternels. Et des rapports de forces entre les groupes sociaux et lobbys, plus ou moins bien arbitrés par le politique. Chaque option, protectionnisme ou libre échange, a ses victimes et ses rentiers, aucun n'obtient de victoire définitive.   

    François Lenglet est éditorialiste économique. Le 1er septembre 2016, il publiera Tant pis, nos enfants paieront ! chez Albin Michel.

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

          

  • Jeux olympiques : « Charles Maurras avait raison ... Le sport divise plus souvent qu'il unit ! »

     

    Par Alexis Feertchak           

    Pour l'ouverture des Jeux olympiques de Rio, l'historien du sport Pierre Arnaud a accordé un long - et intéressant - entretien au FigaroVox [5.08]. Loin de l'esprit de Coubertin, l'olympisme est selon lui gangréné par la corruption et les luttes politiques. Il s'y déclare d'accord avec Charles Maurras sur un point capital. Il n'est que de lire ... D'autant que les analyses techniques intéresseront les sportifs.   LFAR

     

    Lors des premiers Jeux olympiques, à Athènes en 1896, Charles Maurras écrivait : « Cet internationalisme-là ne tuera pas les patries, mais les fortifiera ». Son constat résiste-t-il au temps ?

    3972855348.jpgPierre ARNAUD. - Pierre de Coubertin écrivait en 1920 (soit 25 ans plus tard que Charles Maurras!) : « [l'olympisme doit] créer de la force nationale par l'entraînement sportif et de l'harmonie internationale par la concurrence sportive ». Une fois encore le « visionnaire » confondait ses désirs et la réalité. En conséquence et pour vous répondre précisément: Charles Maurras avait raison, ce qui ne saurait réjouir le démocrate que je suis.

    Le Comité international olympique a pris la décision de confier aux fédérations internationales la responsabilité d'exclure des sportifs russes alors que nombre d'entre eux sont convaincus de dopage. Comment analysez-vous cette décision ?

    Cette question est délicate. La réponse peut susciter bien des controverses. Sans doute conviendrait-il, avant de répondre, de consulter la Charte Olympique. Mais parle-t-elle d'ailleurs de ce cas précis ? Je vais tenter d'apporter une réponse de bon sens. Le CIO désigne parmi les villes candidates, celle qui sera officiellement chargée d'organiser les Jeux Olympiques. De ce fait, si le CIO choisit et élit une ville parmi les candidates, il ne choisit pas les athlètes qui vont concourir dans les différentes épreuves. Cela ne me semble pas de son ressort. Encore que... S'il y a infraction aux règles et aux codes de l'éthique sportive et olympique, chacun peut imaginer et accepter que le CIO joue le rôle d'un gendarme en excluant les contrevenants. Cependant, c'est bien en amont qu'il faudrait endiguer, contrôler et sanctionner les pays et les athlètes ainsi que les équipes médicales qui sont chargées de leur contrôle et de leur suivi... Il est donc clairement de la responsabilité des Fédérations sportives internationales et nationales de sélectionner les athlètes qui sont jugés dignes (du point de vue de leur performance - minima olympiques - et de l'éthique sportive) de représenter leur pays. Quant aux responsabilités politiques des Etats... il conviendrait aussi de les sanctionner lorsqu'elle est démontrée !

    Historiquement, quel sens donner aux divers boycotts ? Erodent-ils le mythe pacificateur du sport cher à Pierre de Coubertin ?

    Les boycotts sont toujours politiques ! Qu'il s'agisse de Championnats ou de Coupes du Monde ou de Jeux Olympiques... Le sens à donner me semble toujours le même : le manquement aux valeurs universelles des droits de l'Homme par des régimes politiques qui revendiquent l'organisation de compétitions doit susciter la réprobation voire leur marginalisation et leur exclusion. Encore une fois il s'agit d'éthique. Des Jeux doivent être propres non seulement du point de vue du dopage et du point de vue médical (et des contrôles les concernant) mais aussi du point de vue politique (et on pourrait ajouter, social et économique). Le moment n'est pas venu ici de faire l'inventaire des différentes tentatives de boycottage qui ont eu lieu au XX° siècle. De nombreux ouvrages et articles leur ont été consacrés en particulier par les fondateurs de la Théorie critique du sport, de la Revue Quel Corps ? (1975-1997) puis Quel Sport ? (depuis 2007) animés par Jean-Marie Brohm et Fabien Ollier. Ceux-ci ont d'ailleurs été à l'initiative de nombreuses campagnes significatives de boycott des Coupes du monde de football et des JO pour la simple et bonne raison qu'ils servaient à légitimer et à renforcer des régimes totalitaires, dictatoriaux ou militaro-policiers (notons par exemple le boycott du Mondial de la junte de Videla en Argentine, en 1978, avec le COBA ; le boycott des Jeux de la stratocratie brejnevienne à Moscou en 1980, avec le COBOM ; le boycott des Jeux liberticides de Pékin en 2008, avec le COBOP ; le boycott des Jeux du national-soviétisme de Poutine à Sotchi en 2014, avec le COBOSO).

    Quant au rôle pacificateur du sport... Permettez-moi d'être sceptique. Le sport divise plus souvent qu'il unit ! L'affrontement n'est possible que si l'on a un « terrain » d'entente c'est-à-dire des règles. Sinon... c'est la chienlit ! Mais par définition le sport c'est l'opposition, le combat, l'affrontement... dans le respect du fair-play et de la règle ! C'est bien là que règne toute l'ambiguïté passionnément cultivée par Pierre de Coubertin. On en revient alors à votre première question! Pour ce qui me concerne, je n'ai jamais eu beaucoup de sympathie encore moins d'admiration pour Pierre de Coubertin dont beaucoup pensent qu'il fut un avant-gardiste, un visionnaire. C'était en fait un doux rêveur, un utopiste dont l'acharnement à réaliser « son rêve olympique » au nom des valeurs du pacifisme et de l'entente entre les peuples révèle son immense orgueil et son aveuglement, tout comme d'ailleurs la plupart des dirigeants ou notables de son époque. Il était un homme de son temps... Et non d'un autre temps ! Un conservateur et non un précurseur, ce qui peut se vérifier dans nombre de ses interventions...

    A Pékin en 2008 pour les Jeux olympiques d'été ou à Sotchi pour ceux d'Hiver en 2014, l'olympisme a été l'occasion d'une démonstration de force pour les pays organisateurs, mais aussi de coûteuses dépenses, comme pour la Grèce en 2004 ou pour le Brésil aujourd'hui. L'esprit de concurrence entre les pays organisateurs a-t-il dépassé les limites du raisonnable ?

    De la part des pays organisateurs (qui ont été choisis par les membres du CIO rappelons-le) il ne s'agit pas seulement d'une démonstration de force mais de la volonté d'acquérir un prestige et une reconnaissance mondiale. Les J.O. sont la vitrine non seulement économique, mais aussi sociale, politique, culturelle, etc. d'un pays. Comme toutes les vitrines des magasins, la vitrine sportive annonce plus de rêves qu'elle n'en peut offrir réellement! Elle masque bien souvent la misère politique et sociale effective derrière les fastes des installations, des cérémonies et des performances. On le constate encore une fois avec Rio en ce moment. C'est un miroir aux alouettes ou une grande armoire aux illusions! Et cela conduit inévitablement à la surenchère et donc à des dépenses très excessives et souvent inutiles comme je le rappellerai probablement plus tard. Il suffit de lire les articles et commentaires de Wladimir Andreff, professeur d'économie du sport, pour se persuader que l'organisation et le déroulement des J.O. sont une gabegie financière qui a pour principale cause le mensonge: mensonge sur les coûts estimés qui ne sont jamais respectés. Normal: le CIO se vend à l'encan, c'est à dire au plus offrant ! D'où l'explosion des coûts et l'affairisme qui entourent les marchés juteux de la « fête olympique » ! Vous n'avez pas lu W. Andreff ? Alors je reprends quelques-uns de ses chiffres. Quels ont été les « coûts de dépassement » des J.O. depuis 1984? Une seule ville a tenu ses engagements et n'a pas eu de déficit : Los Angeles en 1984 (elle n'avait, soulignons-le, aucun concurrent dans la course aux enchères). Par la suite ce ne sont que dépassements ahurissants : Barcelone en 1992 : 32 % ; Sydney en 2000 : 93 % ; Athènes en 2004 : 109% et surtout Londres en 2012 : 127 % et Pékin en 2008 : 1130 %!!! (1).

    Et Paris en 2024 … si jamais d'aventure le CIO avait la mauvaise intention de sanctionner Paris en ponctionnant sa population déjà écrasée par les dettes ? Mais il est vrai que, en matière d'Olympisme comme en d'autres domaines, les conseilleurs ne sont pas les payeurs ! François Hollande accompagné par ses deux égéries Anne Hidalgo et Valérie Pécresse sont aujourd'hui à Rio ; voilà un voyage politique s'il en est pour défendre (discrètement paraît-il) la candidature de Paris en 2024. Et ne parlons pas de Tony Estanguet et de Teddy Riner grassement payés et entretenus pour jouer les VRP ...

    Que pensez-vous justement de la candidature de Paris pour les prochains Jeux olympiques ?

    Je ne suis pas seul à être franchement et carrément hostile au maintien de cette candidature. Les appels que nous avons lancés le 23 juin 2015 et le 12 janvier 2016, parus dans le Huffington Post et dans la Revue Quel Sport?, ont reçu quelques échos (bien faibles disons-le tout net) dans la presse et les médias. En résumé qu'écrivions-nous? Pourquoi Paris ne doit pas poser sa candidature, et si elle est quand même posée, pourquoi le CIO ne doit pas la retenir? Compte tenu de l'augmentation massive du chômage en France et des mesures d'austérité qui frappent tous les secteurs de la vie publique, nous estimons qu'il y a d'autres priorités qu'une candidature dispendieuse aux JO de 2024. Nous pensons en somme que le « rêve des Jeux » ne doit pas faire diversion.

    Parmi tous les arguments présentés il y a d'abord le coût (évoqué ci-dessus). Entre 60 et 100 millions d'euros risquent d'être engloutis en pure perte dans les frais de candidature. L'État a déjà débloqué un abondement exceptionnel de 10 millions d'euros pour assurer le bon fonctionnement du Groupement d'intérêt public «Paris 2024». 3 milliards de fonds publics seraient ainsi engagés sur un budget prévisionnel global de 6,2 milliards d'euros. Or, pour quasiment tous les Jeux, les budgets prévisionnels explosent (Athènes: 11,1 milliards ; Pékin: 32 milliards ; Londres: 11 milliards ; Rio: 12 milliards). Tandis que le CIO est exonéré d'impôts et que les retombées économiques ne bénéficient qu'au secteur privé, les populations sont obligées de supporter le poids de la dette pendant plusieurs années. L'hôpital public, le logement social, les transports en commun, l'éducation, la recherche scientifique ne doivent pas être affectés par l'opération de prestige de la parade olympique. «L'aventure olympique» ainsi désignée par Anne Hidalgo - dont je rappelle qu'elle était initialement hostile à cette candidature, mais çà c'était avant son élection à la mairie de Paris ! - se construit sur la base de contre-vérités qui vont rapidement devenir un mensonge d'État! Des J.O. low-coast à Paris? Mais vous n'y pensez pas! Nous disposons paraît-il des infrastructures: stades, piscines, gymnases, etc. Mais c'est oublier les appétits des grandes multinationales qui auront vite fait de dépasser les coûts en construisant des temples sportifs et commerciaux pharaoniques et donc surdimensionnés et qui n'auront, comme en Grèce après 2004, aucune utilité une fois les jeux terminés. Sans parler des transports, des logements «facilement reconvertibles» en logements sociaux. C'est comme si on demandait à l'abbé Pierre de construire le village olympique. N'y a-t-il pas mieux à faire avec l'argent des Français compte tenu de l'état piteux dans lequel se trouve notre pays? En clair, je pense que le redressement économique et social de la France ne passe pas par l'organisation de Jeux qui ne profiteront qu'aux nantis et ne satisferont que l'ego d'un spécialiste des commémorations à l'occasion du Centième anniversaire des J.O. de Paris (en 1924) !!!

    Second argument qu'il convient de méditer (et non des moindres) : la sécurité et les frais colossaux qui seront engagés pour protéger et garantir le déroulement des épreuves, où que ce soit, avec la mobilisation (c'en est une!) de milliers de policiers, gendarmes, militaires, de « forces » dites de « l'ordre ». Certes nous ne sommes pas en 2024 et l'on peut espérer ne plus avoir à se protéger du terrorisme et des djihadistes. Mais faudrait-il qu'au nom de la « fête olympique » nous acceptions, sans réfléchir aux conséquences sur les principes démocratiques, le quadrillage militaro-policier de l'espace public, la surveillance électronique généralisée, la restriction des libertés fondamentales ?

    Et pour terminer troisième argument: et la démocratie? Qui a décidé de poser la candidature de Paris pour les J.O. De 2024? A-t-on demandé l'avis aux parisiens et plus largement aux Français (ce sont eux tous qui payent!) ? Pourquoi ne pas faire une « votation » comme ce fut le cas en Suisse, ou un référendum national ? J'estime que des décisions aussi importantes ne doivent pas être confisquées par une multinationale olympique opaque et non démocratique qui abrite en son sein des fédérations et des athlètes plusieurs fois impliqués dans des affaires de corruption, de matchs truqués et de dopage (FIFA, UCI, IAAF, etc.).

    Je n'ai évidemment pas épuisé les arguments et les explications. C'est pour vous inviter à de nouvelles lectures...

    L'olympisme a survécu à deux guerres mondiales et à la Guerre froide. Dans un monde contemporain où réapparaît le vocabulaire de la guerre et des conflits, quel avenir voyez-vous pour les Jeux olympiques dans les prochaines décennies ?

    Le vocabulaire de la guerre, les conflits ne mettront pas fin à l'Olympisme et aux Jeux olympiques. Ils seront suspendus, le temps que revienne difficilement l'apaisement: comme ce fut le cas en 1919 (Jeux Inter-alliés) puis 1920 (Jeux d'Anvers pour récompenser la petite Belgique). Comme ce fut le cas encore en 1948 à Londres (pour les mêmes raisons) (2). La Guerre froide n'a jamais interrompu les Jeux: elle en a seulement accentué le caractère nationaliste et chauvin! À mon avis, ce n'est pas la politique ou plus largement les «relations internationales» (au sens diplomatique du terme) qui peuvent mettre un terme ou compromettre l'avenir des Jeux. Pour anéantir non seulement les Jeux Olympiques mais l'idéal olympique déjà bien fragilisé, il faudrait mettre un terme à la mainmise de l'argent et à l'imaginaire inégalitaire de la « surdimensionalisation »  de l'homme. Citius, Altius, Fortius... là est hélas le ver qui ronge le fruit. Parce qu'on confond l'esprit de compétition, la performance, le dépassement de soi-même avec le record ce qui induit déviations, perversités et transgressions diverses dont le professionnalisme, l'appât du gain et le dopage ne sont que les symptômes les plus apparents...

    Mais que dis-je ? Après avoir critiqué Pierre de Coubertin, voilà que je deviens aussi un doux rêveur aux utopies enchanteresses...

    (1). Pour une argumentation complète sur ces données et bien d'autres, voir la Revue Quel Sport ?, en particulier le n° 27.
    (2) ARNAUD Pierre et RIORDAN James, Sport et relations internationales (1900-1941), éd. L'Harmattan, collection Espaces et temps du Sport, 1998.

    Portait ci-dessus :  Charles Maurras à 25 ans, autour de 1895

    Pierre Arnaud est un professeur d'éducation physique et historien du sport né en 1942. Professeur émérite de l'Université Lyon-1, il est le fondateur des « Carrefours d'histoire du sport » et du Centre de recherche et d'innovation sur le sport (CRIS).

    Alexis Feertchak    

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Maurras : « Non, les patries n'étaient pas dissociées ; la guerre non plus n'était pas morte. »       

  • Rémi Brague : Le Pape ne peut pas renvoyer dos à dos islam et christianisme

     

    Par Rémi Brague    

    Le pape a déclaré que s' « il devait parler de violence islamique, alors il devait (aussi) parler de violence catholique ». Le philosophe Rémi Brague rappelle que les textes sacrés des deux religions ne justifient pas la violence de la même manière. FigaroVox a publié cette tribune de Rémi Brague le 24 mai dernier. Philosophe, professeur émérite à la Sorbonne, Rémi Brague était alors « perplexe » quand le pape relevait une similitude dans l'esprit de conquête de l'islam et du christianisme. Une perplexité qui se confirme après les propos tenus ce dimanche par le pape Français sur violence islamique et violence catholique. Figarovox a donc repris cette intéressante tribune le 3.08. On y décèle inquiétude et réprobation des récentes déclarations du Pape François sur Islam et Christianisme. On sait cette réprobation partagée par nombre d'intellectuels catholiques, spécialistes de l'Islam et / ou des Chrétiens d'Orient.  LFAR 

     

    Les déclarations publiques du pape François suscitent toujours l'intérêt. L'entretien accordé par le Souverain Pontife à deux journalistes de La Croix, publié dans ledit quotidien le 17 mai, contient ainsi une quantité de choses excellentes, et même réjouissantes. Par exemple, sa conception du rôle que le christianisme pourrait et devrait jouer envers les cultures, dont l'européenne, ou encore ses réflexions sur les causes de la crise migratoire et son traitement possible, enfin son amusante dénonciation du cléricalisme. Il y a là-dedans de quoi provoquer une réflexion approfondie, et l'on souhaite que nos décideurs en prennent de la graine.

    D'autres points sont affaire de goût, et le mien ne coïncide pas toujours avec celui du Pape. Ainsi, nommer sur le même plan Maurice Blondel et Jean Guitton, et plus encore les deux jésuites Henri de Lubac et Michel de Certeau, me fait personnellement un peu sourire. Mais rien ne prouve que ce soit mon goût qui soit le bon…

    En revanche, un passage suscite en moi une perplexité certaine, et c'est celui sur l'islam. Là aussi, il contient d'ailleurs de très bonnes choses, par exemple sur l'imprudence arrogante avec laquelle l'Occident a essayé d'imposer son régime politique à des régions mal préparées. Il est juste aussi de dire que la coexistence entre chrétiens et musulmans est possible, même si les exemples de l'Argentine, avec son 1,5% de musulmans, et surtout du Liban, doivent être pris avec prudence. Tant qu'il s'agit de faire vivre ensemble des personnes, qu'il est déjà maladroit de réduire à leur seule affiliation religieuse, on a le droit d'espérer et le devoir d'agir en ce sens.

    L'entreprise devient plus difficile là où l'on compare non plus des personnes, mais des systèmes religieux considérés dans leurs documents normatifs. De ce point de vue, un passage des propos du pape François attire l'œil : « L'idée de conquête est inhérente à l'âme de l'islam, il est vrai. Mais on pourrait interpréter avec la même idée de conquête la fin de l'Évangile de Matthieu, où Jésus envoie ses disciples dans toutes les nations ». Voici le passage évoqué : « Allez donc, faites des disciples (“mathèteuein”, en grec) de toutes les nations, baptisant les gens (…), leur enseignant (“didaskein”) à observer tout ce que je vous ai commandé (Matthieu, 28, 19) ».

    On peut appeler « conquête » la tâche de prêcher, d'enseigner et de baptiser. Il s'agit bien d'une mission universelle, proposant la foi à tout homme, à la différence de religions nationales comme le shintô. Le christianisme ressemble par là à l'islam, dont le prophète a été envoyé « aux rouges comme aux noirs ». Mais son but est la conversion des cœurs, par enseignement, non la prise du pouvoir. Les tentatives d'imposer la foi par la force, comme Charlemagne avec les Saxons, sont de monstrueuses perversions, moins interprétation que pur et simple contresens.

    Le Coran ne contient pas d'équivalent de l'envoi en mission des disciples. Il se peut que les exhortations à tuer qu'on y lit n'aient qu'une portée circonstancielle, et l'on ignore les causes de l'expansion arabe du VIIe siècle. Reste que le mot de conquête n'est plus alors une métaphore et prend un sens plus concret, carrément militaire. Les deux recueils les plus autorisés (sahīh) attribuent à Mahomet cette déclaration (hadith), constamment citée depuis : « J'ai reçu l'ordre de combattre (qātala) les gens (nās) jusqu'à ce qu'ils attestent “Il n'y a de dieu qu'Allah et Muhammad est l'envoyé d'Allah”, accomplissent la prière et versent l'aumône (zakāt). S'ils le font, leur sang et leurs biens sont à l'abri de moi, sauf selon le droit de l'islam (bi-haqqi 'l-islām), et leur compte revient à Allah (hisābu-hum ‘alā ‘Llah) (Bukhari, Foi, 17 (25) ; Muslim, Foi, 8, [124] 32-[129] 36) ». J'ai reproduit l'arabe de passages obscurs. Pour le dernier, la récente traduction de Harkat Ahmed explique : «Quant à leur for intérieur, leur compte n'incombera qu'à Dieu (p. 62) ».

    Indication précieuse : il s'agit d'obtenir la confession verbale, les gestes de la prière et le versement de l'impôt. Non pas une conversion des cœurs, mais une soumission, sens du mot « islam » dans bien des récits sur la vie de Mahomet. L'adhésion sincère pourra et devra venir, mais elle n'est pas première. Nul ne peut la forcer, car « il n'y a pas de contrainte en religion (Coran, II, 256) ». Elle viendra quand la loi islamique sera en vigueur. Il sera alors dans l'intérêt des conquis de passer à la religion des conquérants. On voit que le mot « conquête » a un tout autre sens que pour le verset de Matthieu.

    Pourquoi insister sur ces différences ? Un vaste examen de conscience est à l'œuvre chez bien des musulmans, en réaction aux horreurs de l'État islamique. Ce n'est pas en entretenant la confusion intellectuelle qu'on les aidera à se mettre au clair sur les sources textuelles et les origines historiques de leur religion. 

    Rémi Brague          

    Rémi Brague est un philosophe français, spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive. Membre de l'Institut de France, il est professeur émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne. Auteur de nombreux ouvrages, notamment Europe, la voie romaine (éd. Criterion, 1992, rééd. NRF, 1999), il a dernièrement publié Le Règne de l'homme: Genèse et échec du projet moderne (éd. Gallimard, 2015) et Où va l'histoire? Entretiens avec Giulio Brotti (éd. Salvator, 2016).  

  • Général Pinatel : contre l'islamisme, s'allier à la Russie et faire disparaître l'OTAN

     

    Par Alexis Feertchak

    Après le coup d'Etat manqué en Turquie, Erdogan se rapproche de Poutine tandis que Moscou et Washington semblent avoir trouvé un équilibre en Syrie. Le général Pinatel considère [Entretien sur Figarovox le 29.07] que les Etats européens devraient tenir compte de cette nouvelle donne et, contre l'islamisme, s'allier à la Russie et faire disparaître l'OTAN. Une politique qui devrait être, selon nous, celle de la France. Quant à être aussi celle des Européens, voire de l'Europe [?], comme s'il s'agissait d'un bloc unitaire, cela nous paraît être une autre histoire, beaucoup plus improbable et fort aléatoire.  LFAR 

     

    maxresdefault.jpgRecep Erdogan devrait rencontrer Vladimir Poutine en août dans la capitale russe. La Turquie est historiquement la base avancée du Sud de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure la nouvelle alliance entre Moscou et Ankara pourrait perturber l'OTAN ?

    L'OTAN est une organisation issue de la Guerre froide entre l'URSS et l'Occident démocratique. Son maintien et son extension aux anciens pays de la CEI procède de la volonté des Etats-Unis de conserver ouvert le fossé entre l'Europe et la Russie. En effet si l'Europe et la Russie étaient alliées, elles leur contesteraient la primauté mondiale qu'ils ont acquise en 1990 à l'effondrement de l'URSS et qu'ils veulent conserver à tout prix. Mais la menace islamique a changé la donne. Cette menace, présente en Russie depuis les années 1990, s'est étendue à l'Europe en juin 2014 avec la proclamation du Califat par l'irakien Al Bagghadi puis récemment en Turquie quand Erdogan a dû fermer sa frontière à Daech après les attentats commis en France et les pressions que les américains ont du faire sur Ankara pour ne pas perdre le soutien de l'opinion européenne.

    Dans ce contexte d'actes terroristes meurtriers, la déstabilisation du régime syrien et son remplacement par un régime plus favorable aux intérêts américains, européens, saoudiens et qataris passe au second plan face à l'urgence de maîtriser ce nouveau Califat qui menace la stabilité du Moyen-Orient et favorise la montée en puissance des partis nationalistes anti-atlantistes en Europe. Par ailleurs, l'intervention massive et victorieuse de la Russie en septembre 2015 pour soutenir son allié syrien contraste avec les hésitations ou le double jeu des Etats-Unis qui essaient de ménager tout le monde. Ils se condamnent ainsi à une faible efficacité opérationnelle qui, finalement, inquiète leurs alliés traditionnels et les poussent à ménager la Russie. Enfin les liens et les enjeux économiques entre la Russie et la Turquie sont très importants malgré une opposition géopolitique historique .

    Plus que le rapprochement entre Moscou et Ankara, ce qui fragilise cette organisation, ce sont ces récents événements. Ils font la démonstration éclatante aux yeux des Français et des Européens que l'OTAN ne sert à rien face à la menace islamique. En revanche, la guerre efficace que même la Russie contre l'Etat islamique fait penser à de plus en plus de Français et d'hommes politiques que la Russie est notre meilleur allié. Et cette évidence, acquise dans la douleur de nos 234 morts et de nos 671 blessés depuis 2012, devrait non seulement perturber l'Otan mais conduire à sa disparition ou à son européanisation complète car son maintien en l'état ne sert que des intérêts qui ne sont pas ceux de la France.

    Que se passe-t-il aujourd'hui en Syrie ? Russes et Américains semblent se rapprocher ou à tout le moins se coordonner davantage, notamment sur la question du Front Al-Nosra, très présent près d'Alep. Un nouvel équilibre dans la région est-il en train de se constituer ?

    Dès leur intervention en septembre 2015 sur le théâtre syrien, les Russes ont proposé aux Américains de coordonner leurs frappes contre Daech et Al Nostra. Mais les Américains ont refusé car au niveau politique, Obama voulait maintenir la fiction qu'il existait encore un potentiel de forces modérées sur le territoire syrien qui n'avaient pas été absorbées ou qui ne s'étaient pas alliées à Al-Nostra et qui ainsi pourraient prétendre, un jour, à être partie prenante à la table de négociation. C'est clairement une fiction contestée non seulement par la Russie, mais par d'autres voix y compris aux Etats-Unis. Ces experts affirment que les unités qui existent encore en Syrie servent d'interface avec Al Nostra à qui elles revendent les armes qu'elles reçoivent via la CIA. C'est le bombardement d'une de ces bases en Syrie par la Russie, qui a eu l'habileté de prévenir les américains à l'avance pour qu'ils puissent retirer en urgence les agents de la CIA présents, qui a permis ce rapprochement opérationnel. Il est clair qu'un nouvel équilibre est en voie de se constituer au Moyen-Orient. La Russie qui y a été historiquement présente est de retour en force. La Chine, et c'est une nouveauté, y pointe plus que son nez et la France qui y avait une position privilégiée de médiation, l'a perdue par suivisme des Etats-Unis.

    Quelle pourrait être la place de l'Europe dans les relations avec ces deux grands pays que sont la Russie et la Turquie ? Peut-on imaginer un nouvel équilibre sécuritaire aux marches de l'Europe ?

    C'est vrai, nos portes orientales sont verrouillées par la Russie et la Turquie.

    Avec la Russie nos intérêts économiques et stratégiques sont totalement complémentaires. La France a une longue histoire d'amitié avec la Russie que symbolise à Paris le pont Alexandre III et plus récemment l'épopée de l'escadrille Normandie Niemen que le Général de Gaulle avait tenu à envoyer en Russie pour matérialiser notre alliance contre le nazisme. Je rappelle aussi que c'est parce que l'armée allemande était épuisée par trois ans de guerre contre la Russie et la mort de 13 millions de soldats russes et de 5 millions d'allemands que le débarquement de juin 1944 a pu avoir lieu. Ce rappel ne veut en aucun cas minimiser le rôle des Etats-Unis et le sacrifice des 185 924 soldats américains morts sur le sol européen. Mais la volonté des Etats-Unis de restaurer un climat de Guerre froide en Europe qui se développe notamment au travers de l'OTAN ne sert que leurs intérêts et ceux des dirigeants européens qui sont soit des corrompus soit des incapables.

    Avec la Turquie, c'est l'Allemagne qui a des relations historiques comparables aux nôtres avec la Russie. La Turquie et l'Allemagne étaient des alliés au cours des deux guerres mondiales car les Allemands espéraient avec leur aide couper la route du pétrole aux alliés. Les Turcs de leur côté espéraient ainsi récupérer le contrôle du Moyen-Orient et notamment celui de l'Irak et de la Syrie.

    Ce rappel historique met en évidence l'importance du couple franco-allemand pour définir une politique européenne commune face à ces deux puissances et éviter de revenir à des jeux du passé comme a semblé le faire récemment Angela Merkel avec l'affaire des réfugiés en négociant directement avec Erdogan sans se concerter avec ses partenaires européens. 

    Le général (2S) Jean-Bernard Pinatel est expert en géostratégie et en intelligence économique. Il tient le blog Géopolitique - Géostratégie. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages, dont Carnets de guerres et de crises aux Éditions Lavauzelle en 2014.

    Alexis Feertchak           

  • Tant d’amour et de paix, ça laisse muet… Mon antiprofession de foi

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    Le talent de Brighelli, sa plume, son esprit, son sens des formules et son intelligence lui font souvent rédiger de petits chefs d'œuvres. Nous ne partageons pas toutes ses idées, mais nous aimons ses chroniques. En voici une avec laquelle nous sommes d'accord; sur un sujet grave, traité avec humour. LFAR 

     

    2918084506.jpgJe ne parlerai pas des martyrs de Charlie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne disserterai pas sur les massacres du Bataclan et d’ailleurs. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je n’évoquerai pas les tueries de Boko Haram, de l’AQMI, d’Al-Qaïda, d’Al-Nosra et d’une foule d’autres groupes d’assassins organisés, en Syrie et ailleurs, au nom du Prophète, sur lui la paix et la lumière. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne dirai rien des près de 300 morts tués dans un attentat à Bagdad le 3 juillet, ni des 15 autres tués dans la même ville le 25, ni… Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Et j’ai eu tort de parler ici-même des infidèles tués au musée du Bardo l’année dernière. Car j’ai pris le risque de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne rappellerai pas, pas même pour mémoire, les centaines de viols perpétrés à Cologne, entre autres, au dernier jour de l’An — bonne année ! Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne gloserai pas sur les attentats commis en Arabie saoudite, au Yemen, en Syrie, en Irak, en Turquie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Ni même ne comptabiliserai-je les 80 morts de Kaboul de samedi dernier — les derniers dans une très longue liste. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

     

    Ne comptez pas sur moi pour condamner les attentats à la hache, à la machette, et autres procédés ingénieux perpétrés en Allemagne ces derniers jours. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    De même ne commenterai-je pas l’utilisation d’acide au Pakistan pour défigurer les jeunes filles « impudiques » — la dernière a été étranglée par son frère. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne dirai rien, oh non, sur le prêtre octogénaire égorgé ce mardi 26 juillet dans une église normande pendant la messe par deux courageux « soldats » de Daech — tout comme d’autres valeureux combattants de Daech avaient fixé au sommet d’une colonne romaine le corps décapité du conservateur octogénaire de Palmyre — ce sont des hommes qui aiment les vieillards, et ils ont prouvé à Nice qu’ils aiment aussi les enfants. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    (Parenthèse. Si un vieil imam avait été tué dans une mosquée par deux connards — ce qui serait difficile vu que les mosquées sont le plus souvent protégées, comme les synagogues, le président de la République et le Premier ministre, si prompts à condamner et à combattre le terrorisme, appelleraient déjà à une manifestation monstre contre la montée des périls d’extrême droite, et envisageraient peut-être de dissoudre tel ou tel groupuscule. Et sans doute auraient-ils raison. Mais ils n’envisagent pas, semble-t-il, de dissoudre l’islam, ni de prendre de vraies mesures contre les milliers de terroristes islamistes potentiels français — ou qui se sont invités en France. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. Fin de parenthèse)

    Et je ne citerai pas les sourates qui appellent au meurtre des infidèles, par le fer et par le feu. Car l’islam est une religion de paix et d’amour, et seules de méchantes langues propagent ce genre d’information.

    Et si jamais demain je me fais égorger par un illuminé, mes amis, ne mettez pas en cause l’islam. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. 

    Jean-Paul Brighelli
    anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur.

  • Et revoilà la guerre froide !

     

    par Gilles Varange

    Les Américains viennent de terminer la construction d’une première base à Deveslu, en Roumanie, la seconde devant être achevée en Pologne d’ici à 2018 : le climat de tension avec la Russie entretenu par Washington place les Européens en première ligne.

     

    2867209962.jpgLes 2 et 3 décembre 1989, trois semaines après la chute du mur de Berlin, les présidents George Herbert Bush (le père) et Mikhaïl Gorbatchev, accompagnés de leurs ministres des Affaires étrangères, se rencontraient au large de l’île de Malte, à bord du croiseur soviétique Maxim Gorki. Durant ces deux journées historiques, les dirigeants des deux superpuissances de l’époque allaient s’efforcer d’éviter que le profond ébranlement subi par le bloc soviétique ne se transforme en une situation incontrôlable susceptible de déboucher sur un conflit planétaire. Le chef du Kremlin, hanté par la menace d’un naufrage économique et déjà résigné à la perte de son glacis est-européen, n’avait plus que deux objectifs en tête : sauver ce qu’il restait de l’Empire et arracher la promesse d’une aide financière massive des pays occidentaux.

    Aussi fit-il d’emblée une concession que son homologue américain n’avait peut-être jamais espérée : il se dit disposé à rapatrier les centaines de milliers d’hommes de l’Armée rouge stationnés chez les satellites européens de l’URSS, quelles qu’en fussent les conséquences politiques, à une unique mais impérative condition. Il exigea du président américain la promesse solennelle que les états-Unis ne mettraient à aucun moment ce retrait à profit pour avancer leurs propres troupes en direction des frontières soviétiques ou pour accepter l’entrée d’anciens pays membres du pacte de Varsovie dans l’OTAN.

    Le secrétaire d’Etat américain et homme de confiance de Bush, James Baker, se serait exclamé alors sur le ton de la plus parfaite sincérité : « Soyez-en certain, nous n’avancerons jamais d’un pouce. Pas d’un pouce ! » De l’aide financière attendue, le pauvre Gorbatchev ne vit jamais un seul dollar. Mais les concessions faites sur le Maxim Gorki, rapidement connues des organes de sécurité soviétiques, lui valurent la défection immédiate des derniers éléments de l’armée et du KGB qui lui étaient restés fidèles. C’est à ce moment-là que le dernier président de l’Union Soviétique signa son arrêt de mort politique.

    Agitation militaire

    Un demi-siècle plus tard, tous les anciens pays membres du Pacte de Varsovie ont adhéré à l’OTAN et – choix hautement symbolique ! – c’est dans cette dernière capitale que Barak Obama a décidé de rassembler l’ensemble de ses féaux européens à l’occasion du sommet annuel de l’Alliance atlantique qui s’ouvrira le 8 juillet. Objectif principal de cette réunion selon le chef de la diplomatie polonaise, Witold Waszczykowski : convaincre les principaux partenaires des états-Unis de la nécessité d’augmenter sensiblement leurs budgets de la Défense de manière à faire face « à la menace croissante d’une invasion russe ». Rien n’a d’ailleurs été négligé, depuis quelques mois, pour accréditer la thèse d’une offensive russe imminente : exercice Cold Response en Norvège du 19 février au 22 mars, avec la participation de 15 000 soldats et d’un énorme matériel.

    Manœuvres communes des armées américaine et finlandaise en mars. Enfin, au début de juin, sur les territoires de la Pologne et des trois états baltes, ex-Républiques soviétiques, organisation des manœuvres dites Anaconda, les plus spectaculaires menées par l’Otan depuis 1989 : 30 000 hommes des unités d’élite de 18 pays, 3000 véhicules, 105 avions et 15 navires patrouillant dans les eaux de la Baltique. Tout ce remue-ménage pour être en mesure de déclarer « opérationnelle », à l’ouverture du sommet de Varsovie, la nouvelle force Fer de Lance à haute réactivité, tournée exclusivement vers l’Est, dont la création avait été annoncée en 2014, au plus fort de la crise ukrainienne.

    Barak Obama avait donné le ton, dès sa rencontre du 25 avril dernier à Hanovre avec les principaux dirigeants européens, en appelant Angela Merkel – traitée tout au long de l’entrevue avec la considération due au chef naturel de l’Europe – à déployer une partie de l’armée allemande en Pologne et dans les pays Baltes ! Il se murmure d’ailleurs que François Hollande a été profondément humilié lors de ces entretiens par l’attitude condescendante affichée à son endroit par le chef de la Maison-Blanche dont il s’est pourtant employé à satisfaire toutes les exigences depuis son accession à l’Elysée.

    Dans une quasi-clandestinité, n’est-il pas allé jusqu’à faire adopter par le Conseil des ministres du 4 janvier 2016, puis par les quelques députés présents dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, le 7 avril suivant, un projet de loi permettant la ré-adhésion de la France au protocole de 1952 fixant « le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux de l’OTAN et de leurs personnels » ? En fait, ce texte rend à nouveau possible à l’avenir la réinstallation de bases américaines sur le territoire français.

    Dangereuse stratégie

    Cette soumission des Européens à la stratégie de la tension avec la Russie voulue par Washington sera illustrée de manière encore plus éclatante, lors du sommet de Varsovie, par l’annonce du passage sous responsabilité de l’OTAN du « bouclier antimissile » dont les Américains viennent de terminer la construction de la première base à Deveslu, en Roumanie, la seconde devant être achevée en Pologne d’ici à 2018. Le Wall Street Journal a révélé, il y a quelques semaines, combien le transfert des états-Unis à l’OTAN de ce prétendu système antimissile – en lequel Vladimir Poutine voit une menace directe pour la sécurité de son pays – provoquait l’inquiétude de nombreux hauts fonctionnaires français de la Défense qui ont multiplié les avertissements en direction de l’élysée. Pour ces derniers, il ne fait aucun doute que le contrôle effectif de ce « bouclier » de l’OTAN restera exclusivement entre les mains des hommes du Pentagone.

    Les états-Unis œuvrent-ils alors sciemment au déclenchement d’une guerre avec la Russie sur le continent européen que, selon la quasi-totalité des experts, les forces de l’OTAN seraient assurées de perdre en moins de quarante-huit heures ? L’hypothèse apparaît tellement folle que chacun cherche des motifs cachés aux propos bellicistes de Washington : volonté de ressusciter l’ancienne menace soviétique pour restaurer la cohésion d’une Alliance atlantique n’ayant plus vraiment de raisons d’être ?

    Désir de s’assurer le maintien de la servilité des principaux dirigeants européens ? Ou piège tendu au Kremlin pour l’amener à se lancer dans une nouvelle course aux armements au détriment d’une économie russe déjà gravement touchée par les sanctions occidentales et par la chute des prix du pétrole ? En attendant, force est de constater les ravages provoqués par une politique américaine aveugle et sourde aux réalités du monde : tandis qu’un climat de guerre froide se répand à nouveau en Europe, Moscou et Pékin se rapprochent de plus en plus étroitement dans une alliance de fait contre Washington. On a connu des diplomaties plus habiles… 

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  • Défense d'Erdogan

    Erdogan posant dans son nouveau palais d'Ankara

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Moins par esprit de contradiction que par goût de la logique, notre confrère risque un petit coup de dent contre les détracteurs systématiques du président Erdogan de Turquie. Cette position peut surprendre ou agacer, mais elle a sa logique. La détestation d'Erdogan par les Systèmes politico-médiatiques bien-pensants occidentaux ne tiendrait-elle pas simplement au fait que son régime est autoritaire, nationaliste et identitaire ? Après tout, sa politique intérieure est son affaire, pas la nôtre. L'analyser suffit à démontrer que la Turquie n'a pas sa place en Europe. Mais avons-nous à la morigéner parce qu'elle entend suivre sa voie propre souverainement ? LFAR     

     

    peroncel-hugoz 2.jpgOutre Daech, ennemi bien réel, l’Occident s’est trouvé deux autres adversaires de taille, peu ou prou fantasmés, eux : le « tsar » Poutine et le « sultan » Erdogan. Laissons le premier, que nous avons déjà défendu ici et attardons-nous quelques instants sur le second particulièrement, criblé de balles médiatiques depuis la tentative de putsch turque de mi-juillet. 
     
    Nombre de mes confrères euro-américains croient insulter Erdogan en le traitant de « sultan » ou en l’accusant d’« ottomanisme », ce en quoi ils tombent à plat chaque fois car le Sultanat ottoman (XVIe-XXe siècles) a été et reste le plus grand moment de gloire, civilisation et rayonnement de l’Histoire turque. Et il est patent que l’immense majorité des Turcs, y compris les républicains, majoritaires depuis Ataturk (au pouvoir à Ankara de 1922 à 1938), sont fiers des siècles ottomans que les écoliers turcs ne sont pas incités à dénigrer, tout au contraire. 
     
    Quant à l’époque actuelle, le régime établi par le parti politique légal d’Erdogan, est régulier par rapport aux impératifs démocratiques. Oui, vous diront des tas d’Occidentaux, mais Erdogan est « autoritaire » … Oh ! le vilain mot ! Faudrait-il que la démocratie turque, que le président Erdogan, soient « mous » ou « faibles » pour plaire aux commentateurs de Bruxelles, Washington, Londres ou Paris ? …  
     
    Même l’opposant intellectuel Nedim Gürsel, dont les romans en français sont lus à travers la Francophonie, a volontiers reconnu sur France-Inter, au lendemain du récent putsch raté, que la grande majorité des Turcs soutenaient  le président Erdogan, y compris son projet de rétablir éventuellement la peine capitale, abolie en 2004, par une décision souveraine d’Ankara. Et la patronne de la diplomatie bruxelloise, la signora Mogherini, a beau tempêter contre ce projet, la Turquie est pleinement souveraine et elle fera ce que décideront son président, son gouvernement et son parlement.  Les 27 Etats-membres de l’Union européenne n’ont plus, eux, cette liberté depuis qu’ils ont abdiqué une bonne part de leurs droits souverains entre les mains de l’obscure, non-élue et toute-puissante « Commission européenne » … 
     
    Ajoutons à ce tableau que la Turquie en est à 6% de croissance annuelle, que ses exportations ne cessent d’augmenter, que son armée est une des meilleures du monde, etc, etc. J’y ajouterai encore l’aura dont jouit la Turquie erdoganienne à travers nombre de pays d’Islam. Chaque fois que je suis pris pour un Turc à Rabat ou Casa, dans un train, un taxi ou un café, avant même que j’ai eu le temps de démentir, je suis couvert d’éloges et de félicitations pour Erdogan et sa politique de dragée haute à l’endroit des Etats-Unis d’Amérique, d’Israël ou de l’Union européenne. Les nombreux Marocains visitant ces temps-ci la Turquie, qui ne leur demande pas de visa, reviennent en général éblouis par la civilisation ottomane, et aussi frappés par l’ambiance de travail, de sérieux, de dignité, de sérénité émanant du peuple turc. Tout cela ne date pas d’Erdogan bien sûr, mais cet homme d’Etat volontariste et nationaliste, a su s’appuyer sur ces qualités populaires pour installer son pouvoir. « Les chiens aboient, la caravane passe … » Ce proverbe est aussi turc. 

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 29.07.2016

  • Guerre totale

     

    par Louis-Joseph Delanglade

    Publié le 14.03.2016, après l'attaque surprise des combattants de l’Etat islamique contre la petite ville tunisienne de Ben Guerdane, dont ils prirent, pour un temps, le contrôle. Repris le 28.07.2016 [Extraits]

    Ce qui s’est passé à Ben Guerdane pourrait bien se produire (en France) directement. Des gens connaissant les lieux, des armes de guerre, des individus « radicalisés », des complicités jusque dans l’armée et la police (où, si l’on en croit certaines notes pourtant étiquetées « confidentielles », le fondamentalisme progresse) : il n’est peut-être pas si lointain le jour où le drapeau noir flottera, même pour quelques heures, sur une « cité » ou un « quartier ». Ce jour-là on regrettera peut-être le traitement socio-psychologique que les bonnes âmes « humanistes » appliquent à l’engagement islamiste. Déradicaliser, même en jouant sur les mots, n’est pas éradiquer : il faudra bien finir par admettre que tout(e) « Français(e) » (quels que soient son âge et son « origine ») qui, de près ou de loin, collabore ou cherche à collaborer avec l’ennemi est un ennemi et le traiter en conséquence, c’est-à-dire d’abord l’empêcher de nuire (…). 

    Ne comptons pas pour cela sur l’Union européenne. Schengen est un fiasco et Mme Merkel, son accord avec le « Grand Turc » le prouve, ne cherche qu’à sous-traiter au prix fort un mode de fonctionnement plus « convenable » dans la gestion de la migration-invasion qui accable et islamise l’Europe.  

    Encore et toujours, le salut sera d’abord national. 

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    Guerre totale