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« Ahora, me dirijo a todos los Españoles » Felipe VI d'Espagne
L'hubris féministe a sans-doute passé les bornes et cela ne lui a pas réussi.
Le lobby des enragées du féminisme le plus discutable a franchi les limites non seulement de la sottise et de la loufoquerie mais encore tout bêtement du praticable, en tentant de faire passer en force l'écriture dite inclusive.
Ce fut organisé comme on tente un coup. En l'occurrence un coup de main linguistique, un coup sur l'écriture d'un peuple, sur une langue écrite,à défaut de pouvoir l'accomplir sur la parole ... Car l'écriture inclusive n'a pas d'effet sur la langue parlée. Elle ne se dit pas autrement que ne se dit l'écriture ordinaire.
Louis-Joseph Delanglade a écrit ici-même que le sort de l'écriture inclusive est scellé. Et cela nous semble l'évidence simplement à cause, si l'on peut s'exprimer ainsi, de son impraticabilité. Le Monde - qui a pris fait et cause pour elle - est-il prêt à paraître en écriture inclusive ? Ce serait une excellente chose, s'est amusé à dire Alain Finkielkraut en posant la question, car il y perdrait tous ses lecteurs.
Alors, le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Education Nationale, l'Académie française et une kyrielle d'autorités diverses, ont condamné le projet. Peut-être, d'ailleurs, était-il condamné en quelque sorte de par sa propre nature. Il est mort-né proprio motu.
Mais les manies prétendument féminisantes du discours public continuent de faire rage. Par exemple les ridicules « celles et ceux », « toutes celles et tous ceux », « chacune et chacun » mille fois répétés, mécaniques et stupides. A commencer par le pauvre Macron dont le verbe en est dramatiquement surchargé, encombré, plombé. Et à sa suite, tous les autres.
Nous nous rappelons avoir envié les Espagnols lorsque nous avons écouté le discours du roi Felipe VI, en pleine crise catalane, le 3 octobre dernier. Nous nous sommes dit qu'ils étaient peut-être devenus moins stupides que nous ne le sommes désormais. Au début de sa conclusion, le roi déclare : « Ahora, me dirijo a todos los Españoles », « maintenant, je m'adresse à tous les Espagnols ». Il y avait sans-doute peu de risque qu'il se trouve plus d'une poignée de sottes gens dans son pays pour s'aviser que le roi ne s'adressait pas aux Espagnoles ...•
A ceux qui croient au Ciel comme à ceux qui n'y croient pas, les obsèques catholiques de Johnny Halliday sont apparues conformes à la tradition religieuse majoritaire des Français. LFAR
Luc Le Vaillant a écrit dansLibérationun étonnant billet sur la cérémonie de l’église de la Madeleine, soulignant que « l’enterrement de Johnny Hallyday raconte les retrouvailles impromptues de l’État français et de l’Église catholique ».
Au milieu d’un certain nombre de rosseries à l’adresse de l’Église comme à celle du défunt, le journaliste fait cette concession, qui, sans doute, lui a un peu coûté mais dont l’évidence n’est pas douteuse : « Le plus intéressant dans cette cérémonie est qu’elle témoigne de la difficulté de la République à imaginer des codes et des rituels en matière funéraire. La mort reste la chasse gardée de la religion, même si on applaudit désormais la sortie du cercueil et si chacun joue sa partition éplorée au-delà des cantiques référencés. Face au jansénisme protestant, au silence judaïque et à la prudence d’un islam controversé, le catholicisme sait faire valoir ses atouts historiques pour emporter la mise au sein de la société du spectacle. Il peut compter sur son patrimoine chamarré, sur ses tenues d’une excentricité gender comme sur ses objets du culte dorés sur tranche. »
Cette citation réclamerait un long commentaire. On pourrait notamment s’interroger sur cette étrange attente d’un rituel de la mort de la part de la République. Comme si ladite République avait la capacité de se substituer à tout ce que sous-entend le concept de religion. La confusion est constante en France lorsqu’on parle de laïcité : s’agit-il de la séparation du spirituel et du temporel, ou s’agit-il de la création d’un substitut de religion ? Auguste Comte avait inventé sa religion de l’humanité, et lorsqu’on parle de baptême laïc, on se situe dans le même registre mimétique, mais on bafoue ipso facto la séparation des ordres, en conférant à l’État laïque ce qu’il ne saurait revendiquer, sauf à n’être plus laïque.
Mais ce n’est pas l’essentiel. La véritable objection que l’on pourrait faire au papier de Luc Le Vaillant c’est d’éviter l’essentiel de la cérémonie religieuse de la Madeleine, en passant complètement sous silence l’extraordinaire homélie de Mgr de Sinéty, prononcée dans la suite des textes de l’Écriture sainte. On comprend qu’il n’ait pas osé, parce que ses sarcasmes auraient paru dérisoires face à la force éclatante du message évangélique qui, dans ces circonstances, atteignait l’immense foule dans l’intimité d’un chacun, au-delà de tout le décorum : « Comme Jean-Philippe devenu Johnny Hallyday, nous sommes tous appelés à laisser percer en nous cette lumière divine qui fait de nous des icônes de l’Amour de Dieu plutôt que des idoles dont la vie s’épuise. » •
A l'occasion de la parution du Dictionnaire du conservatisme, qui regroupe plus d'une centaine de spécialistes de la question, Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin ont accordé un entretien au Figarovox. Ils explorent la renaissance d'un courant politique et culturel souvent trop méconnu et caricaturé en France. Alors, conservatisme, pourquoi pas ? Mais pour conserver quoi ? Des éléments de réponse substantiels sont apportés ici. LFAR
« Le conservatisme est à la mode », écrivez-vous dans votre introduction. Comment expliquer le renouveau des idées conservatrices, et le succès des essais en librairie ?
Nous faisons effectivement le constat de la multiplication, dans les deux dernières années, d'ouvrages traitant du conservatisme, ou mettant en valeur des thématiques conservatrices. Mais le terme de « mode » est peut-être ambigu, en ce qu'il évoque quelque chose de manipulé, de secondaire et de passager. Or notre hypothèse est que ce retour du conservatisme, dont nous constatons la vigueur, correspond à une demande profonde des populations concernées, porte sur des valeurs et des éléments essentiels de leurs sociétés, et qu'il est donc certainement destiné à s'ancrer dans la durée. Derrière la diversité que peut recouvrir le terme de conservatisme, une diversité que notre Dictionnaire entend d'ailleurs traduire, on voit en effet se dessiner des lignes de force qui sont autant de réponses à des inquiétudes très profondément et largement ressenties. Tant que ces dernières persisteront, c'est-à-dire, tant que le problème de l'insécurité culturelle et identitaire ne sera pas résolu, il y aura une demande de réaffirmation d'un socle conservateur.
Emmanuel Macron a installé pendant la présidentielle l'idée d'un nouveau clivage entre conservateurs et progressistes. Ce clivage vous paraît-il plus pertinent que le clivage gauche/droite ?
Rappelons le contexte : Emmanuel Macron fait cette distinction dans le but de créer un vaste parti centriste qui évacuerait sur ses extrêmes droite et gauche des partis ou des groupes stigmatisés par le soi-disant « repli », repli sur une identité fantasmée à droite, repli sur des privilèges dépassés à gauche, tous incapables de déceler dans la marche en avant mondialiste l'unique futur sérieux de l'humanité. Mais cette manœuvre politicienne, dont nul ne niera l'efficacité spectaculaire, n'a que peu de réalité au regard de l'histoire des idées. L'extrême-gauche a en effet toujours communié dans le culte du Progrès, et ce n'est pas sa crispation sur quelques privilèges exorbitants accordés à son ultime potentiel électoral, les fonctionnaires et assimilés, qui la métamorphose miraculeusement en force conservatrice.
En ce sens, le clivage gauche/droite perdure bien derrière la distinction conservateurs/progressistes, avec simplement une gauche qui retrouve une part d'elle-même qui s'était égarée à droite, c'est-à-dire un centre libéral et libertaire. Ce dernier, qui avait été décalé à droite par l'apparition de mouvements collectivistes à gauche, s'était imposé dans une alliance contre-nature avec la droite conservatrice dans des « rassemblements » supposés permettre une bipolarisation, mais qui ont en fait conduit à un terrible appauvrissement idéologique. Il retourne maintenant à sa vraie famille. D'où l'urgence, par contrecoup, d'une redéfinition du conservatisme.
Y a-t-il une unité de la doctrine conservatrice ? ou bien le conservatisme est-il plutôt un tempérament qu'une doctrine ?
Parler de doctrine est toujours délicat : on attend un corpus intangible bannissant toute voix dissidente. Or, la diversité de notre Dictionnaire le montre, dans ses collaborateurs comme dans ses entrées, on peut être un conservateur plus ou moins traditionaliste ou plus ou moins libéral. Pour autant, cette diversité n'est pas un éclatement, car sur bien des points tous se retrouvent spontanément. Ce qui renvoie à la seconde partie de votre question : que serait une doctrine sans un tempérament ? Les choix politiques relèvent-ils de la raison pure, ou n'y aurait-il pas toujours une part instinctive, et existentielle ? Notre hypothèse est que le conservatisme est avant tout une doctrine du réalisme politique, prenant en compte le monde et l'homme tels qu'ils sont, avec leurs qualités et leurs faiblesses, une doctrine qui écarte toute reconstruction d'un monde et d'un homme idéaux sur la base de théories supposant de faire au préalable table rase de cette réalité. C'est cette unité, autant de tempérament que de doctrine, qui fournit aux conservateurs la cohérence de leurs réflexes et de leurs réponses.
Vous consacrez un article au « conservatisme de gauche ». A-t-il toujours existé ou bien est-il une réaction à la modernité technicienne ?
La pensée de gauche, volontiers démiurgique, a toujours souhaité non pas faire évoluer mais transformer l'homme ou la société, pour qu'ils ressemblent enfin à des idéaux parfaits. C'est dire que le conservatisme de gauche - hormis le sens péjoratif macronien déjà évoqué - semble absent de l'histoire des idées. Par contre, on peut effectivement constater qu'autour des interrogations actuelles sur la croissance, sur le machinisme hier, sur le transhumanisme demain, et, de tout temps, sur les débordements du capitalisme, bref, autour de certaines inquiétudes face au Progrès, certains intellectuels de gauche se posent les mêmes questions que ceux de la droite conservatrice.
Cela ne veut pas dire qu'ils aboutissent aux mêmes conclusions, mais ce débat ne peut qu'être fécond. La problématique de l'écologie et de l'environnement est ici un exemple significatif. Mais on remarquera qu'il s'agit plus d'un ralliement de certains intellectuels de gauche au réalisme conservateur que l'inverse. Seule en effet une droite libérale/libertaire, aux antipodes des valeurs conservatrices, entend permettre aux hommes de jouir sans entraves. La droite conservatrice, elle, a toujours plaidé pour l'existence des limites.
Quel rôle a joué la Réforme dans la naissance de mouvements conservateurs ?
Autant le rôle direct de la Réforme en la matière semble avoir été à peu près nul, autant son rôle indirect paraît immense. Sur un plan direct, la Réforme, qui elle-même se veut d'ailleurs un retour aux origines, ne suscite aucun conservatisme spécifique, ni dans la société, nous sommes en pleine Renaissance, ni dans l'Église, qui, loin de se crisper sur des positions acquises, va lancer la Contre-Réforme, un mouvement presque aussi novateur que celui auquel il répond. En revanche, sur un plan indirect, les conséquences de la Réforme sur l'émergence d'un sentiment conservateur s'avèrent considérables. Notamment dans la mesure où cette rupture démontre que les choses apparemment les mieux acquises, sont en réalité fragiles et menacées, et qu'il importe donc de réfléchir et de pourvoir à leur conservation. À ce propos, la manière dont Bossuet, à la fin du XVIIe siècle, va tenter de recoller les morceaux, en discutant avec les protestants puis avec Leibnitz, paraît marquée par ce souci proprement conservateur. À l'inverse, au début de la Révolution française, certains acteurs de premier plan, comme Brissot, affirment qu'il existe une liaison nécessaire avec la Réforme, et que ceux qui ont fait la « révolution religieuse » ne sauraient être hostiles à la « révolution politique ». Un thème que reprendront en sens inverse les grands penseurs conservateurs français du XIXe et du premier XXe siècle, estimant que les principes mêmes du protestantisme et du calvinisme, s'ils coïncident à beaucoup d'égards avec ceux du capitalisme libéral, se situent aux antipodes des valeurs conservatrices.
La France a-t-elle une tradition conservatrice marquée ? Quel rôle a joué la Révolution française dans l'émergence de la pensée conservatrice ?
En ce qui concerne le conservatisme, la tradition française paraît complexe, précisément en raison du poids de la Révolution. S'il existe bien des « proto conservatismes » avant celle-ci, c'est incontestablement la rupture radicale qu'elle représente, qui va entraîner l'émergence d'un courant conservateur. On l'a déjà noté, c'est lorsque l'on s'aperçoit que certaines choses, certaines valeurs, certaines habitudes, certaines coutumes essentielles sont menacées, que l'on prend conscience de leur fragilité, et donc de la nécessité de les protéger. La « table rase » que la Révolution entend réaliser, notamment à partir de l'avènement de la République, et la violence extrême avec laquelle elle y procède, vont faire émerger par contrecoup une pensée qui jusqu'alors était demeurée embryonnaire. Et qui s'appuie, dès 1790, sur le génial essai de l'anglais Edmund Burke, les Réflexions sur la révolution de France - qui demeure jusqu'à nos jours l'un des catéchismes du conservatisme. En ce sens, de même qu'elle a fondé la France moderne, la Révolution a fondé par contrecoup la pensée conservatrice.
Le conservatisme est une valeur assumée dans le monde anglo-saxon, pourquoi est-il autant diabolisé en France ?
C'est précisément en raison de sa naissance, qui contrairement à ce qui se passe en Angleterre, aux États-Unis ou en Allemagne, va s'effectuer en réaction à l'événement fondateur qu'est la Révolution française. Ce qui, comme on finira par s'en apercevoir à la fin du XIXe siècle, place le conservatisme en porte-à-faux avec les principales orientations découlant de cette crise majeure, que ce soit sur un plan institutionnel, politique, culturel ou religieux.
En fait, sous la Seconde république puis au début de la Troisième, certains républicains osent se déclarer conservateurs ; mais ce n'est plus le cas à partir des années 1890, dans le cadre d'une radicalisation, d'une « gauchisation » de la république et d'une explosion de l'anticléricalisme : à partir de là, tout conservateur est réputé ennemi de la Révolution, donc antirépublicain, antidémocrate, réactionnaire, bref, intouchable et infréquentable. À la Chambre, les députés élus sous l'étiquette conservatrice vont jusqu'à changer de nom, pour se faire appeler « progressistes » ! Enfin, au XXe siècle, le mot conservateur, exclu du jeu politique, est souvent associé à une tare morale, synonyme d'immobilisme, d'inaction, de repli sur soi, etc.
Qui sont les grands penseurs du conservatisme français ?
Question redoutable, car à part Chateaubriand il y a au fond assez peu de penseurs majeurs qui, en France, se soient réclamés expressément du conservatisme. Ceux qui en relèvent d'une manière ou d'une autre, soit écrivaient avant l'invention du terme (Montaigne, Montesquieu, peut-être Voltaire), soit n'ont pas entendu s'en prévaloir (Balzac, Taine ou Flaubert), soit sont même allés jusqu'à le récuser, à l'instar de Charles Maurras, de Thierry Maulnier… ou du général De Gaulle.
François Fillon a été défini comme étant libéral-conservateur pendant la campagne présidentielle, ces deux doctrines sont-elles complémentaires ? Ou peut-on penser, comme Jean-Claude Michéa, que conservatisme et libéralisme sont incompatibles ?
Derrière la question s'en pose une autre : quel libéralisme? La question du libéralisme tourne en fait - et un auteur comme Benjamin Constant l'a bien montré - autour de la place accordée à l'individu. Il y a un libéralisme qui demande que l'individu puisse devenir ce qu'il est, et, pour cela, qu'il ne soit pas ligoté par un monde figé de castes et de codes dont il ne puisse s'affranchir. Qui irait à l'encontre de cette liberté ? Pour autant, une société a besoin de structures, famille, commune, région ou nation pour assurer sa survie, des structures dont l'individu qui s'en voudrait totalement émancipé ne doit jamais perdre de vue que, sans elles, il n'aurait aucune chance de survivre. Un libéralisme équilibré, respectant à la fois les légitimes aspirations des personnes et la nécessaire défense des structures sociales, peut parfaitement être conservateur. Par contre, un libéralisme qui impose les désirs d'un homme à toute une société, qui fait éclater pour satisfaire les bien piètres désirs de quelques-uns les cadres pérennes qui protégeaient les autres, ce libéralisme de la jouissance narcissique où tout se réduit aux quelques années d'une vie humaine, est radicalement incompatible avec tout conservatisme. •
Le dictionnaire du conservatisme, sous la direction de Frédéric Rouvillois, d'Olivier Dard et de Christophe Boutin, publié aux éditions du Cerf.
Cette tribune roborative et jubilatoire de Mathieu Bock-Côté sur son blogue du Journal de Montréal traite d'un nouveau fanatisme. Oui, Mathieu Bock-Côté a raison d'avoir envie - et nous avec lui - de crier : « Bande de fanatiques ! » LFAR
Ville de Québec, automne 2017. Au théâtre du Trident, on joue une pièce. Dans cette pièce, un personnage fume. Et puisqu’il doit fumer, il s’allume une cigarette. Normal, non ?
Non ! Pas aux yeux des maniaques qui sont en croisade contre la cigarette et veulent l’éradiquer non seulement de nos vies, mais même de la fiction.
Cigarette
Un spectateur a dénoncé la cigarette maudite aux autorités gouvernementales qui ne se sont pas fait prier pour envoyer une contravention au théâtre. Ce dernier l’a payée, pour éviter les problèmes, on le devine.
Quels termes utiliser pour parler de cet épisode ? Loufoque ? Grotesque ? Débile ? Autoritaire ? Je propose : toutes ces réponses.
Nous sommes devant une manifestation de puritanisme qui donne froid dans le dos. C’est le triomphe de la société hygiénique, propre propre propre, aseptisée, ennuyante à en mourir.
Quelle sera la prochaine étape ? Devra-t-on proscrire sur scène les banquets où on mange trop ? Pourra-t-on y manger du saucisson ? Et des frites ? Et que faire des gros buveurs ? Faudra-t-il même censurer les personnages d’alcooliques ? Cette contravention n’a rien d’anecdotique.
Elle est symptomatique d’une tentation hygiénique qui veut purifier la culture pour la soumettre à l’idéologie. On veut mettre la vie dans un bocal.
Censure
Allons plus loin.
Faut-il soumettre l’art aux bonnes mœurs ? Mais qui décidera des bonnes mœurs et des mauvaises ? Devrons-nous revenir sur les grandes œuvres du cinéma pour les conformer à ce nouveau catéchisme qui se réclame de la santé publique ?
Faudra-t-il se soumettre aux exigences idéologiques du nationalisme, du fédéralisme, du féminisme ou du multiculturalisme, selon l’idéologie à la mode du moment ?
Il faut dire que c’est déjà le cas. Pour éviter la polémique, bien des créateurs font le choix de l’autocensure. Ils intériorisent les nouveaux interdits.
On a envie de crier aux minables petits flics officiels et volontaires de la brigade puritaine 2017 : bande de fanatiques. •
BILLET - La mort de Jean d'Ormesson a précédé de quelques heures celle de Johnny Hallyday. Deux monstres sacrés de notre époque dont le décès concomitant en rappelle d'autres. Ce sont, en octobre 1963, ceux de Piaf et de Cocteau (dans l'ordre) que Lafautearousseau avait aussi rapprochés, quelques heures plus tôt, de l'événement que tous les médias célèbrent en ce moment. A l'envi. Comme toujours, quelques mots brefs et lucides, suffisent à Eric Zemmour [RTL 7.12] pour caractériser les illustres disparus, leur époque et les évolutions intervenues au fil des cinquante et quelques dernières années ... LFAR
Résumé RTL par Éric Zemmouret Loïc Farge
L'Histoire bégaie. Il y a plus de cinquante ans, le 11 octobre 1963, Jean Cocteau et Edith Piaf mouraient à quelques heures d'intervalle. Le poète et la chanteuse, l'homme des salons et la femme des rues, le créateur mondain et l'artiste populaire. C'était la France des années 40 et 50 (...) qui disparaissait avec eux. Tout recommence avec les décès de Jean d'Ormesson et de Johnny Hallyday. L'écrivain et le chanteur, le fils de la haute et celui des faubourgs, l'homme qui murmurait à l'oreille des présidents et celui qui beuglait dans des stades.
C'est la France des années 60-70 qui faisait des heures sup'. Ceux qui n'avaient pas fait la guerre et ceux qui étaient nés pendant la guerre. D'Ormesson, c'était Françoise Sagan au masculin ; Johnny, c'était Elvis Presley en tricolore.
Les deux hommes étaient des inventions de la télévision. S’ils étaient de magnifiques têtes de gondole médiatiques, c'est qu'ils appartenaient à une époque où les êtres n'avaient pas encore été entièrement façonnés par l'écran-roi : le livre pour d'Ormesson, la salle de concert pour Johnny. Mais Johnny n'avait plus envie d'avoir envie. Tandis qu'on croit entendre la voix fluette de « Jean d'O s'égosiller » : « Mourir en même temps que Johnny, mais c'est épatant ! » •
On peut ne pas apprécier les spectacles dits Comédies Musicales, les prouesses des vidéos sur toile de fond ou tulle en avant-scène et illuminations hollywoodiennes, on peut aussi ne pas être séduit par les vocalises modernes chantées par le biais de micros et amplificateurs bruyants, enfin on peut rester dubitatif sur ce type de spectacle où la technique audio-visuelle prend le pas sur l’authenticité du théâtre dans son art pur. Et pourtant si ces différents artifices sont traités avec discernement, goût et au service de la plus belle Histoire du Monde, on pourra se rendre au Palais des Sports pour assister à la Fresque Musicale de JESUS de Nazareth à Jérusalem.
Certes la vulgarisation des textes sacrés pour les rendre accessibles peut être sujet à caution, mais le respect de l’essence du message y est intact. Aucune inexactitude si ce n’est le parallèle entre la trahison de Juda et de Saint Pierre, et une tendance à confondre l’amour charnel et la rédemption de Marie-Madeleine. Afin d’éviter l’outrance et la représentation de la cruauté la plus absolue, le tableau de la crucifixion est illustré en plan fixe. La résurrection, elle, est évoquée par le récit des disciples.
L’ensemble de ce spectacle est fort honorable, avec en point d’orgue, l’évocation du Chemin de Croix qui s’effectue au milieu du public. Un acte de foi profane certes, mais animé par une mise en scène et un Livret de Christophe Barratier, qui au cinéma, nous avait livré l’émouvant film des Choristes et soutenu par une musique de Pascal Obispo toute en intensité.
Ce spectacle est remarquablement interprété par des artistes aux talents multiples avec entre autres la voix d’Anne Sila, bouleversante dans le rôle de Marie, qui souligne sa féminité au travers de sa maternité miraculeuse, la personnalité et la présence de Solal dans celui de l’ambigu Ponce Pilate. Quant à Marie-Madeleine, incarnée par Crys Nammour, et Mike Messy (Michael El Massih) transfiguré en Jésus Christ, au-delà de leur immense talent, il est à rappeler qu’ils sont tous deux Libanais. La tragédie du Pays du Cèdre rejoint l’histoire Christique.
A la fin de la représentation, c’est l’ovation d’un public debout. Public de familles, de très nombreux jeunes, de frères humains qui viennent d’Afrique et des Antilles, d’handicapés accompagnés par des Bonnes Sœurs, de croyants et d’athées qui soudainement voient poindre la lumière.
L’universalité en Jésus. •
Le Dôme de Paris – Palais des Sports. Porte de Versailles dans le 15ᵉ arrondissement de Paris.
Tous les rêves du monde, un film de Laurence Ferreira Barbosa, avec Pamela Constantion-Ramos
Non on ne rêve pas en contemplant Pamela. C’est plutôt Claudia qui retient davantage mon attention.
Je m'interroge à vrai dire sur ces rêves, sauf à imaginer un endormissement bien légitime des spectateurs dans la salle. Pour une fois ce ne fut pas mon cas, même si mon épouse aurait pu « ne pas voir » ce film. Personnellement j'ai éprouvé un certain plaisir devant ce joli documentaire sur l'immigration portugaise en France. Joli par cette famille bien assimilée, devenue française de cœur tout en restant attachée à ses racines dans lesquelles elle va se ressourcer au moins une fois l'an. Joli aussi par ces paysages arides du Portugal et cette vie bucolique qui n'existe plus ici. Joli enfin par cette fête patronale au village et sa procession religieuse à faire hurler La Libre Pensée et autres laïcistes qui veulent en France interdire les crèches, démolir les croix, supprimer les saints du calendrier, paganiser les jours fériés et faire taire les cloches.
Deux tributs ont été payés à la police de la pensée à savoir l'IVG d'une jeune fille, et aussi, modestement, une pique contre Salazar dont le nom est cité brièvement, un « minimum syndical » que peu de spectateurs ont dû remarquer, et que j’ai prise au vol parce que j’attendais depuis le début une charge contre ce « dictateur maurrassien et catholique »… Cela n’a même pas été dit... Tout se perd ! •
Cette intéressante réflexion est parue sur le site de l'excellente revue Limite - revue de combat culturel et politique, d’inspiration chrétienne - que nous ne voudrions pas manquer de signaler aux lecteurs de Lafautearousseau. Cette revue nous paraît contribuer utilement au combat politique et culturel en cours parmi les intellectuels français, dans une direction qui est, au sens noble, celle de la Tradition. En outre la revue indique qu'« en sa qualité de lycéen, Elie est le cadet de [ses] contributeurs... mais n'en est pas moins talentueux. » On le lira avec d'autant plus d'empathie. LFAR
Le libéralisme qui avait promis de libérer l’individu semble, en fait, ne rien faire d’autre que de le soumettre toujours davantage à la logique du marché. Cette promesse mensongère tout comme son ambition de créer un homme nouveau, adapté à ses exigences, soulignent sa proximité avec la logique totalitaire.
Probablement y a-t-il plusieurs types de libéralisme. Par exemple, Jean-Claude Michéa, philosophe et historien des idées, établit un développement de la pensée libérale en trois étapes, trois « vagues », correspondant à trois expériences historiques douloureuses sur lesquelles se sont interrogés les philosophes libéraux : les guerres de religion pour les premiers libéraux, la Révolution française pour Constant et Tocqueville, les totalitarismes nazi et communiste pour Hayek et Friedman. Il est alors intéressant de constater que ce développement historique est surtout un déploiement idéologique : les penseurs successifs tirent progressivement les conclusions des axiomes des précédents et approfondissent la logique de départ. Étudier le libéralisme tel qu’il est aujourd’hui, c’est donc essentiellement se reporter aux derniers développements de cette logique, en l’occurrence ceux du philosophe autrichien Friedrich Hayek (1899-1992). Le libéralisme tel que l’a conçu Hayek, non ex nihilo mais en héritant d’une longue tradition, n’est sans doute pas le seul possible, mais il est celui qui a le plus influencé notre époque.
L’exemple le plus significatif de cette influence est l’étude de sa pensée qu’a menée Michel Foucault à partir de la fin des années 1970, alors que le libéralisme économique connaissait un regain d’intérêt intellectuel. Foucault pense une rupture entre le libéralisme classique et le néolibéralisme, rupture qui semble en réalité plus un déploiement logique et une radicalisation du libéralisme classique qu’une refondation théorique complète. Le plus petit dénominateur commun des deux libéralismes est la volonté de réduire l’État. Mais, alors que le libéralisme d’un Locke combattait l’État, institué, au nom d’un ordre antépolitique et naturel et d’une loi divine, le libéralisme de Hayek oppose à l’État l’ordre du marché et la loi économique. Le néolibéralisme pose que le marché est la seule instance régulatrice de la société ou que, dit avec les termes de Hayek dans Droit, législation et liberté, « c’est l’ordre du marché qui rend possible la conciliation pacifique des projets divergents ». Ainsi le néolibéralisme prétend-t-il résoudre le problème politique… par sa dilution.
Foucault remarque que l’ennemi principal du néolibéralisme est la philosophie politique traditionnelle en tant qu’elle cherche le commun. Mais les néolibéraux refusent justement la recherche de commun et se refusent à ce qui leur paraît « limiter la multiplicité des modes d’existence pour produire de l’ordre, de l’unité, du collectif », ainsi que l’écrit le philosophe foulcadien, Geoffroy de Lagasnerie dans La dernière leçon de Michel Foucault. Ce dernier met en évidence une opposition centrale dans la pensée hayekienne, celle entre conservatisme et néolibéralisme : le premier se caractérise par une « prédilection pour l’autorité » et une « hantise du spontané », quand le second prône le désordre, l’immanence, le pluralisme et l’hétérogénéité. « Le néolibéralisme impose l’image d’un monde par essence désorganisé, d’un monde sans centre, sans unité, sans cohérence, sans sens », affirme Lagasnerie dans son explicitation de la pensée de Foucault. Radicalisant le slogan plaintif des libéraux « On gouverne toujours trop », Foucault demande malicieusement : « Pourquoi gouverner ? ». Il n’est dès lors pas étonnant qu’il voit dans le néolibéralisme de Hayek l’instrument d’une critique, en tant qu’il est « l’art de n’être pas tellement gouverné ». L’intérêt de Foucault pour ce système de pensée nouveau doit se comprendre dans la rupture qu’il induit avec la philosophie politique, en ce sens qu’il crée « des instruments critiques extrêmement puissants, permettant de disqualifier le modèle du droit, de la Loi, du Contrat, de la Volonté générale ». Foucault étudie ensuite les théories de l’homo oeconomicus, « être ingouvernable », en remplacement du sujet de droit, de l’homo juridicus, lequel est « un homme qui accepte la négativité, la transcendance, la limitation, l’obéissance ». En somme, Foucault trouve dans le néolibéralisme, qu’il comprend comme une théorie de la pluralité, un outil redoutable contre le politique.
Il apparaît que le néolibéralisme peut en fin de compte être assimilé à un anarchisme, si on entend par ce terme un refus – et un combat – de tout pouvoir politique. Mais il n’est pas un refus de toute norme, une littérale an-archie, en ce qu’il est soumission au marché. On peut même aller jusqu’à affirmer, avec le philosophe contemporain Jean Vioulac, que le libéralisme est un totalitarisme.
Il est vrai qu’historiquement, comme nous le soulignons en début d’article, le libéralisme hayekien est apparu comme alternative aux totalitarisme nazi, fasciste et communiste. Le fascisme italien revendiqua même ce terme de totalitarisme et le théoricien fasciste Giovani Gentile pouvait souligner l’écart entre libéralisme et totalitarisme : « Le libéralisme met l’État au service de l’individu ; le fascisme réaffirme l’État comme la véritable réalité de l’individu. […] Dans ce sens, le fascisme est totalitaire. » Mais une telle acception de la notion de totalitarisme semble trop étriquée et ne permet pas de rendre compte de la diversité de ses formes. Tâchons avec Jean Vioulac, auteur de La Logique totalitaire, de penser l’essence du totalitarisme.
Philosophiquement, le concept de totalitarisme désigne « le pouvoir de la Totalité ». « Il y a totalitarisme quand une Idée à prétention universelle dispose d’une puissance totale lui permettant de se produire elle-même par l’intégration en elle de toute particularité », écrit le philosophe. Le libéralisme est-il une idéologie totalisante capable de s’auto-réaliser ? Pour Hayek, le marché est un ordre certes non-naturel, mais auto-généré, autonome, dit « spontané », « résultat de l’action d’hommes nombreux mais pas le résultat d’un dessein humain ». Même s’il n’est pas élaboré par la raison, le marché est rationnel, mais d’une rationalité immanente, résultat d’une évolution, d’une sélection des pratiques efficientes et rationnelles, c’est-à-dire de la concurrence. Vioulac peut écrire : « la doctrine du marché procède d’une conception de l’évolution humaine comme avènement du marché universel, par le biais d’un processus inconscient et involontaire de la part des individus ». Alors que la philosophie de l’Histoire hégélienne se basait sur une théorie de la ruse de la raison historique, celle de Hayek pense l’Histoire comme avènement du marché, fondé sur une « ruse de la raison économique ». Mais alors, il n’y a plus de liberté individuelle, mais seulement une apparence de liberté. L’individu se croit libre mais n’est qu’indépendant des autres, parce déterminé et soumis aux mécanismes du marché. Le libéralisme est une idéologie de la soumission, non de la liberté. D’ailleurs, Hayek note effectivement dans La Route de la servitude : « C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui, dans le passé, a rendu possible le développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par cette soumission quotidienne que nous contribuons à construire quelque chose qui est plus grand que nous pouvons le comprendre. » Ce système est « un totalitarisme volontaire, un totalitarisme autogéré, où chacun se soumet à la Totalité avec d’autant plus d’enthousiasme qu’il est persuadé de ne servir que ses propres intérêts ».
Il est logique que le néolibéralisme s’attaque au pouvoir politique, lequel ne peut qu’entraver les mécanismes marchands. Mais il n’est pas un laissez-faire passif pour autant : il est d’abord un transfert de souveraineté de l’État au marché, en cours de réalisation sous la forme des politiques de privatisation et de libéralisation. Plus profondément et dès 1938, Walter Lippmann écrit que le libéralisme est « une logique de réajustement social rendue nécessaire par la révolution industrielle ». Le but ultime de l’action néolibérale est ici explicite : créer un homme nouveau, un homo œconomicus, parfaitement adapté au marché. Pour ce faire, et Vioulac l’expose méthodiquement, les instruments sont nombreux, de la publicité au « pouvoir de la Norme » (Michel Foucault) en passant par la libération des pulsions sexuelles, savamment étudiée par Dany-Robert Dufour dans La Cité perverse. Le néolibéralisme « soumet chaque individu à la discipline managériale qui lui impose l’entreprise comme modèle de réalisation d’un soi préalablement défini comme producteur-consommateur », continue Vioulac. « Il contribue ainsi à l’institution du marché comme Totalité et s’emploie à détruire tout ce qui viendrait entraver sa puissance de totalisation ».
On finira sur un fragment posthume de 1880 de Nietzsche que Vioulac met en exergue au début de son chapitre sur le totalitarisme capitaliste qui résume ce nouveau type d’aliénation, dénoncé sans relâche, dans des styles différents, par des Pasolini ou des Michéa : « La grande tâche de l’esprit mercantile est d’enraciner chez les gens incapables d’élévation une passion qui leur offre de vastes buts et un emploi rationnel de leur journée, mais qui les épuise en même temps, si bien qu’elle nivelle toutes les différences individuelles et protège de l’esprit comme d’un dérèglement. Il façonne une nouvelle espèce d’hommes qui ont la même signification que les esclaves de l’Antiquité. » •
On pense ce que l'on veut de Jean d'Ormesson et de Johnny Halliday, l'un grand aristocrate accompagnateur lucide mais complaisant de nos décadences, l'autre chantant avec force et talent, sur des rythmes américains avec l'accent de Memphis.
Les deux disparaissent en même temps, comme jadis Edith Piaf et Jean Coteau, morts à quelques heures de distance. En octobre 1963.
Leur double disparition avait soulevé en France la même émotion et la même tempête médiatique que celle, aujourd'hui, de Jean d'Ormesson et de Johnny Halliday.
A la mort de Piaf, qui avait débuté chanteuse de ruesavant de devenir immensément populaire, Cocteau, vieil académicien très sage et très érudit, depuis longtemps revenu de ses folies du Bœuf sur le toit, avait trouvé le temps de célébrer son amie disparue, de vanter cette « haute vague de velours noir » qui surgissait de son corps fragile lorsqu’elle chantait ; puis, il était mort, poète élitiste s'il en fut, qui parlait comme on écrit les livres, d'une voix d'or et d'argent.
En la circonstance, le vieil académicien aristocrate a précédé dans la mort le chanteur populaire. Il n'en prononcera pas l'éloge. Mais leur départ soulève une grande émotion nationale.
Il est étonnant et peut-être symptomatique que Jean d'Ormesson étant ce qu'il était, aristocrate, mondain, qui avait comme il le disait « toujours vécu en première classe », ait été l'une des personnalités préférées des Français. La popularité de Johnny ne soulève pas d'interrogation de cet ordre, même si sa destinée semble, elle aussi, avoir parfois quelque chose de magique.
Pour comprendre l'émotion qui étreignit les Français à la mort de Piaf et de Cocteau comme elle les étreint ces jours-ci après celle de d'Ormesson et d'Halliday, peut-être faut-il se rappeler que nous sommes un peuple littéraire et où l'on dit que tout finit par des chansons.
S'il y a encore des gens qui aient entendu Maurras dire des vers de Lucrèce, en tout cas pour ceux qui ont écouté Thibon réciter des poèmes de Maurras, de Goethe, de Mistral ou de Lorca et d'autres, il est clair que la poésie, qui est le cœur vivant de la littérature, ne se dit pas, elle se chante. Malgré leur distance, la poésie et le chant sont jumeaux.
Si l'on retient que l'Allemagne a produit de grands philosophes, l'Italie de merveilleux artistes et l'Espagne, comme le croyait Unamuno, de grands spirituels, il faudrait sans-doute se souvenir que, nonobstant l'inculture présente, les Français ont toujours aimé, pratiqué, admiré la littérature ; ils sont un peuple littéraire. La France est une nation littéraire. •
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Avec Jean d'Ormesson disparaît cette génération de grands aristocrates libéraux qui a accompagné de son élégance et de son esprit, de son détachement et de ses passions, de sa culture et de ses talents, le déclin de la civilisation franco-européenne.
Tout a été ou sera dit sur Jean d'Ormesson et Aristide Leucate en a donné hier matin sur Boulevard Voltaire une évocation juste, ni trop ni pas assez élogieuse, qui mérite d'être lue. Nous la reprenons ici.
Notre contribution sera plus personnalisée et plus exclusive ; elle appartiendra à notre mémoire de royalistes membres de l'Action Française. Lorsque il y a autour de quarante ans les plus anciens de l'équipe qui réalise aujourd'hui Lafautearousseau publiaient le mensuel Je Suis Français, Pierre Builly et François Davin avaient rencontré Jean d'Ormesson ; il avait accepté le principe d'un entretien pour Je Suis Français et le rendez-vous se tint dans le bureau que Jean d'Ormesson occupait alors à l'UNESCO. La réception fut cordiale, l'entretien intéressant et fort long ; notre royalisme n'était ni un mystère ni un obstacle pour l'auteur d'Au plaisir de Dieu. L'entretien parut aussitôt après dans Je Suis Français.
Le temps de le retranscrire, Lafautearousseau le mettra en ligne sous quelques jours. Ce sera un document d'archives digne de l'intérêt de nos lecteurs et notre façon à nous de saluer la mémoire de Jean d'Ormesson. • Lafautearousseau
Louons, une fois n’est pas coutume, l’ex-Président François Hollande pour cette clairvoyance, sans doute la seule – rapidement ensevelie sous les pelletées innombrables d’une presse aussi prolifique que rapidement périmée – de son quinquennat.
À l’un des plus célèbres pensionnaires du Quai Conti auquel il remettait, le 26 novembre 2014, la grand-croix de la Légion d’honneur, le Président du dixième étiage s’interrogeait à haute voix sur « ce don de Dieu […] si sélectif » qui avait touché l’académicien pendant le cours de sa longue vie. « Ceux qui racontent l’Histoire ont plus de chance d’être aimés que ceux qui font l’Histoire », conclut platement le locataire de l’Élysée, « mondialement connu en Corrèze », selon un d’Ormesson caustique.
Esprit acéré, mais d’une suprême élégance qui se reflétait tant dans son regard bleu vif que dans ses manières d’aristocrate de vieille souche, Jean d’Ormesson était le dernier vestige littéraire de l’esprit français. Né Jean Bruno Wladimir François-de-Paule Lefèvre d’Ormesson en 1925, l’auteur, entre autres, de L’Histoire du Juif errant et d’une intéressante (sans être originale) Histoire de la littérature française aura traversé son temps comme un précieux que le ridicule n’a jamais atteint.
Celui qui avait coutume de dire « Les honneurs, je les méprise, mais je ne déteste pas forcément ce que je méprise » résumait finalement assez bien ce qu’il a toujours été. Mondain et charmeur, nonchalant et spirituel, équanime et dilettante. Un homme de cour, ni fade adulateur, ni parleur trop sincère, sachant quelquefois répondre en normand. Habilement opportuniste pour savoir s’attirer les faveurs de quelques puissants.
Normalien laborieux (il échoua d’abord à son bac et s’y reprit à deux fois pour obtenir son agrégation), il sera directeur général du Figaro de 1974 jusqu’à sa démission en 1977 (avant d’en réintégrer les pages du Figaro Magazine en 1983), après avoir fréquenté les cabinets ministériels ou pigé pour Paris Match et quelques quotidiens régionaux.
Sa plus belle œuvre sera, à presque quarante ans, son mariage avec Françoise Béghin, benjamine du magnat de la presse Ferdinand Béghin (il fut administrateur du Figaro) et PDG de la célèbre société sucrière Béghin-Say.
Sur le plan littéraire, « Jean d’O », comme l’appelait affectueusement le Paris germanopratin, est le Monsieur 10/20 des Lettres françaises, ce, nonobstant, son statut d’honorable sociétaire de la Coupole. Il est un peu l’élève moyen à qui l’on dit « peut mieux faire », le cancre suffisamment intelligent pour ne pas se mettre au fond de la classe. Son style si peu amphigourique n’en est pas moins traînant, digressif, langoureux, à la frontière de l’ennui. Sans aspérités, mais pas désagréable. Son genre ? Comme il le dit lui-même, « écrire presque rien sur presque tout », mais, il est vrai, dans une langue classique c’est-à-dire pleinement française.
Difficile, en effet, de ne pas aimer, en passant, cet homme frêle, à la voix délicieusement pointue, ce vain subtil aux arômes faussement modestes. Discrètement à droite. Heureusement, pas au point de froisser la susceptibilité de la pensée dominante.
Il s’en est allé avec une exquise discrétion, refermant ainsi les portes d’une non moins suprême élégance française. •
« Je ne veux pas que l'autre soit le même, je veux que l'autre soit autre. C'est à Babel qu'était la confusion, dit Dieu, cette fois que l'homme voulut faire le malin »
La laïcité, distinction entre le spirituel et le temporel, est une notion saine, inventée par le christianisme et définie par le Christ lui-même : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu». La Nouvelle Religion Républicaine, au pouvoir, dévoie et dénature la laïcité en laïcisme haineux, destiné uniquement à détruire nos racines chrétiennes, celles de la France et celles de l'Europe, et à usage exclusif de l'anti-catholicisme : on souhaite un bon ramadan aux musulmans, mais on ne veut pas de nos crèches traditionnelles dans les espaces publics ! On ne veut même plus dire «Joyeux Noël ! », on dit « Joyeuses Fêtes ! »
A Lafautearousseau nous n'avons pas de ces pudeurs de gazelle, comme dirait qui vous savez. Nous savons qui nous sommes, d'où nous venons, de qui et de quoi nous sommes les héritiers; nous savons où nous voulons aller, et où nous ne voulons pas aller. Voilà pourquoi, à l'approche de Noël, nous vous souhaitons à tous, sans complexe(s), un JOYEUX NOEL, en vous proposant une modeste crèche familiale, dont Morgane, la fée photographe, a su capter la poésie et la simple authenticité.
Faisons vivre nos racines, qui, en retour, nous font vivre : les arbres qui s'élancent le plus haut vers le ciel sont ceux qui poussent leurs racines le plus profondément dans la terre (Gustave Thibon, paraphrasant Frédéric Mistral). •
Consacré à islam — conçu à la fois comme religion, civilisation et donnée politique et sociale — et portant un sous-titre qui annonce son objet Pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), le livre d'Annie Laurent, spécialiste du Proche-Orient, des chrétiens d'Orient et de leurs relations avec les musulmans, est un chef-d'oeuvre de pédagogie.
Du Coran aux différentes familles de cette confession (sunnisme, chiisme, alaouitisme...), du djihad à la conception islamique de l'Etat, du statut de la femme en islam aux rapports des musulmans avec les autres religions, l'auteur décrypte tout dans un langage très clair.
Un guide très sûr pour aborder un sujet brûlant en mariant lucidité sur la réalité et respect pour les personnes. •
Une réflexion étonnante et originale, une sorte d'exégèse érudite des textes bibliques - dans le détail desquels nous ne nous aventurerons pas - mais un cheminement intéressant qui conduit à une critique de fond de la Babel européomondialiste comme des sociétés postmodernes liquides et hors sol. On lira ce texte avec intérêt en ce dimanche religieux ... Sans négliger son aspect politique et social [Causeur, 30.11]. LFAR
Babel. Mon étonnement devant la puissance de ce verbe croît de jour en jour.
Récemment sur les ondes, deux hommes politiques français qualifiaient – admiratifs – l’institution européenne de Bruxelles de « Babel moderne », carrefour de langues multiples et rencontre de cultures diverses… Ecoutant peu les médias, je donne à cette redondance valeur significative.
« Dieu n’existe pas mais notre projet reste de le défier »
Premier étonnement d’entendre des « leaders » politiques « progressistes » utiliser, pour qualifier le projet européen, ce terme biblique d’un âge où le religieux conduisait les hommes.
Puis surprise du contresens : Babel était au contraire la réitération d’un langage circulaire -« briquetons des briques… » – jugé par Dieu Lui-même comme une impasse. L’institution européenne serait-elle dans cette même fièvre écholalique, derrière la multiplicité des langages ?
Cette invocation se référerait peut-être au sens couramment donné à cet épisode de « défi à Dieu » ? Étonnante persévérance : ce projet politique explicitement laïc, effaçant toute référence religieuse, serait donc de fait implicitement : « Dieu n’existe pas mais notre projet reste de le défier ».
Le texte fondateur de notre civilisation judéo-chrétienne semble inconnu ou incompris d’une partie de nos élites dirigeantes. Il est très étonnant de croire pouvoir conduire les hommes vers l’a(d)venir en effaçant les étapes précédentes du chemin. Il est vrai que l’héritage oblige. Pour se libérer de toute dette envers ceux qui nous ont précédés, il suffit d’offenser leur mémoire au nom des violences passées, en oubliant de célébrer ceux qui, graduellement, ont construit ce monde de droit que nous avons reçu, par exemple en abolissant l’ignoble pratique de l’esclavage, contre tout intérêt et pratiques en vigueur, au nom de ce principe d’équivalence humaine hérité du monothéisme. Libre enfin des empêchements du passé, l’homme se rêve alors au centre d’un monde soumis à son emprise, et peut alors laisser cours à la tyrannie égotique de son cerveau reptilien. Les plus dénués de scrupules prennent alors les rênes du pouvoir sur un peuple indigné de son histoire. Mais où ces Tartuffes nous conduisent-ils ? L’étonnement se fait inquiétude.
« Sur toute la terre, une seule lèvre, des paroles unies… »
Pour qui persiste à penser ce monde et notre place dedans, il reste d’interroger ce texte, d’autant plus s’il se veut affranchi des rites, des chapelles et de dogmes, car notre culture s’est construite sur ce texte fondateur, et notre pensée s’est constituée par lui. Alors, même si nous nous pensons « sortis du religieux », cette très particulière désacralisation du monde où il nous a conduits doit-être pensée à partir de lui.
Que nous dit le récit biblique ? : « sur toute la terre, une seule lèvre, des paroles unies… » (..) « dans cette faille en terre de Shin’ar » où l’homme s’est installé, ils répètent en boucle, « briquetons des briques », et cette synergie de tous décuple la capacité de faire, d’agir sur le monde, sans aucune limite.
Le Dieu créateur du monothéisme disperse alors les hommes « sur les faces de toute la terre », de peur que sinon « rien n’empêche pour eux tout ce qu’ils préméditeront de faire ». Cette puissance synergique conférée par le langage mimétique est menaçante. Nullement pour Dieu Lui-même : quand on a créé le monde par son seul verbe, une tour hélicoïdale de quelques dizaines de mètres érigée par les hommes ne peut être une menace 1 !
Si la solution « thérapeutique » a consisté en la dispersion de l’humanité « sur les faces de toute la terre », en « mêlant leur lèvre afin que l’homme n’entende plus la lèvre de son compagnon », c’est bien dans le langage que doit résider le problème. L’appropriation du langage par l’homme pourrait se fourvoyer dans des impasses. L’ « écholalie » mimétique en serait une. En quoi trahirait-elle le projet que le langage porte ?
L’homme redescend les degrés de son hominescence
Le langage est donné dans la « Genèse » comme puissance créatrice première de ce monde (« Dieu dit… » , « et la lumière fut… »). Cet exemple fondateur propose par cela à l’Homme un chemin d’être au monde. D‘abord celui-ci « crie » le nom des animaux, en connexion sans doute avec ses émotions primaires (faim pour le choux et la gazelle ?, peur pour le lion ?…), puis il nomme, dans le registre affectif décrivant l’absence : « Celle ci est Isha, car de Ish a été prise… ». Le langage désigne « en creux » ce qui manque, et devient symbolique. Une fois l’inventaire de ce qui l’entoure fait, et l’instance psychique affective préconsciente élaborée, la fonction cognitive lui permettra une description du monde décentrée de lui-même. Le langage scientifique tentera ensuite de décrire l’intime du réel, et d’approcher ce verbe créateur primordial que postule notre cosmogonie. Le langage est chemin d’être au monde pour l’homme, et sa dimension collective donne place à l’élaboration individuelle, créatrice de sens dans une re-présentation du monde qui s’élabore graduellement.
Cette répétition mimétique est à la fois renoncement à cette tâche difficile d’élever son verbe au niveau du Verbe créateur, et disparition de la possible rencontre avec l’autre : l’individualité, comme l’altérité disparaissent, au profit d’un faire qui ne connaît plus de limites. L’Homme choisit alors la puissance sur les choses, mais renonce au travail sur lui même. Le langage n’est plus « être au monde » ni création. Devenu l’instrument du faire, l’homme ne se construit plus, et ses instances psychiques affectives comme cognitives sont balayées au profit d’une pulsion d’emprise « reptilienne », plus petit dénominateur commun du psychisme humain. L’homme redescend alors les degrés de son hominescence, vers l’animalité sur laquelle il s’est construit, comme dans une spirale descendante symétrique de celle, montante, érigée de ses mains.
Quels « sommets » visons-nous?
Le siècle passé, avec ses « ismes » destructeurs – fascisme, communisme, nazisme – nous donne exemples de ce verbe circulaire mobilisant les foules, et détruisant par leur puissance de faire hommes et cultures.
Sommes-nous à nouveau dans ce même mouvement collectif mimétique destructeur, où l’homme pourra tout, mais ne sera plus rien ? Allons-nous vers de nouveaux massacres, ou les influences de la « Davocratie » nous préparent-ils la diminution de l’homme décrite par Nietzsche dans son Zarathoustra ?
Cette mondialisation liberto-libérale qui s’impose aujourd’hui, réduisant le monde à sa dimension monétaire et faisant chemin de déconstruire ce qui nous a construit, en serait-il le dernier avatar, avec le psittacisme circulaire des médias et réseaux sociaux ? Sous l’affirmation individuelle auto-centrée de son cerveau reptilien, chacun usera-t-il de l’autre comme un objet au service de ses désirs, de l’assaut sexuel « Sofitelesque » à l’euthanasie de « ceux qui ne sont rien » (fétus, malades, vieux dépendants…), en passant par la location des ventres dans la GPA, « même chose que louer ses bras » ?
« Lorsque le fascisme reviendra, il s’appellera lui-même antifascisme », a-t-on fait dire – à tort – à Churchill.
Surprise majeure alors que de recevoir réponse à cette angoissante question de la bouche même des acteurs de cette « révolution » en cours. Ils tentent de nommer cela même qu’ils font, et choisissent justement ce terme qui définit et condamne leur projet… BABEL ! •