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Idées, débats... - Page 430

  • Olivier Dard à Libération : « Maurras est représentatif de notre histoire »

    Charles Maurras (1868-1952), écrivain, journaliste et homme politique français reçoit son épée d'académicien. Photo «Excelsior». Roger-Viollet

     

    Libération a publié le 2 février l'entretien qui suit, avec Oliver Dard. La présentation qui en est faite, la terminologie employée, les questions posées, sont naturellement  dans l'esprit de ce quotidien. LFAR 

     

    602px-Libération.jpgProfesseur à Paris-Sorbonne, Olivier Dard est spécialiste de l’entre-deux-guerres. Auteur de Charles Maurras : le maître et l’action (Armand Colin, 2013), c’est lui qui a rédigé la notice sur le théoricien de l’Action française, antirépublicain et antisémite, dans le Livre des commémorations nationales 2018. Olivier Dard prévoit également à terme de rééditer Notre avant-guerre, de Brasillach, fusillé à la Libération. 

    Pensez-vous que la République devait officiellement célébrer Maurras ?

    Le Haut Comité des commémorations nationales m’a demandé de rédiger une notice il y a un an. Je pensais qu’il s’agissait d’admettre que Maurras était un personnage important et représentatif de l’histoire française - ce qui est une certitude. Je pense en historien, et quand on est historien, on ne peut rien s’interdire : n’étudier que les gens «acceptables» ce serait s’interdire de comprendre la complexité.

    Rien n’empêche de faire de Maurras un objet de recherche, il s’agit cette fois de le commémorer officiellement…

    Sans doute faudrait-il mieux préciser le sens que le Haut Comité et l’Etat donnent à la notion de «commémoration». Car dans le dictionnaire, le mot renvoie aussi bien à célébrer qu’à rappeler et remémorer. Nous avons en France une mémoire fracturée. Ces fractures ne sont pas nouvelles et se sont aggravées depuis le second conflit mondial si on y ajoute la décolonisation et la fin de la guerre d’Algérie. Ce qui est sûr, c’est que le Haut Comité a décidé d’ajouter le nom de Maurras à la liste des commémorations nationales de 2018 et que la ministre de la Culture a validé ce choix il y a plusieurs mois [avant de se rétracter, ndlr].Maurras n’est pas entré par effraction dans le Livre des commémorations.

    De nombreuses œuvres du théoricien de l’Action française vont être rééditées en avril, et vous-même travaillez sur une republication commentée de Notre avant-guerre, de Brasillach. Quel intérêt ?

    Maurras ne se limite pas à l’antisémitisme, même si son antisémitisme est précoce, profond et constant. C’est un homme de plume très engagé, avant d’être un homme politique. Il a marqué son temps par ses textes esthétiques comme par ses articles polémiques. Je trouve très utile que mes étudiants aient bientôt accès à ses œuvres dans la collection Bouquins (Robert Laffont). Ces quinze dernières années, les archives Maurras ont été versées aux Archives nationales, le Vatican a ouvert les siennes… l’historiographie en a été renouvelée. Quant à Notre avant-guerre de Robert Brasillach, c’est un témoignage qui fait revivre la vie intellectuelle, politique et culturelle de l’époque. C’est à mon sens une source incontournable pour comprendre les années 30. Ce texte a été édité jusque dans les années 80 aux éditions Poche. Il faut le rendre à nouveau disponible, à deux conditions : l’accompagner d’une introduction très fournie et en proposer une édition critique, remettre ce livre en perspective par rapport aux autres écrits de l’auteur dont certains sont beaucoup plus violents et polémiques. Il faut permettre au lecteur de comprendre l’ouvrage. Pour cela, il faut lui faire comprendre la période.

    Il y a tout de même une responsabilité à publier aujourd’hui des œuvres d’auteurs d’extrême droite, qui ont collaboré avec Vichy ou le nazisme…

    La responsabilité éditoriale existe, évidemment, mais le débat est sous-tendu par l’idée, discutable, que la France d’aujourd’hui ressemblerait beaucoup à celle des années 30. Vous ne dissuaderez pas l’antisémite d’aujourd’hui d’être antisémite avec des notes en bas de page. De toute façon, celui-là n’achètera pas ces éditions avec appareillage critique. En revanche, elles peuvent permettre aux personnes désireuses de mieux comprendre ceux qui ont fait cette période de l’histoire. Lire les Décombres de Rebatet, par exemple, est la meilleure manière de se mettre dans la tête d’un collabo. Censurer ces œuvres risque au contraire d’avaliser les thèses complotistes. Ce qui compte c’est la pédagogie et le décryptage. Arrêtons de penser que le public n’est pas mûr.  

    Libération

  • Thorez était-il antisémite ? Stalinien, sûrement ! Déserteur, aussi ! Il a été « commémoré » en 2014 ... 

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau,

    regarder la vidéo où il est question de Maurice Thorez et Léon Blum ... 

    Le Figaro : Pourquoi Charles Maurras ne sera pas « commémoré »

     

  • Société • L’affaire Nutella

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [27.01] Mathieu Bock-Côté pointe non seulement la pauvreté qui s'accroît dans nos sociétés riches, et le mépris que, souvent, elle rencontre; mais aussi le processus de décivilisation qui emporte nos sociétés vers l'ensauvagement et la violence. Maurras appelait cela l'âge de fer et Jean-François Mattéi la barbarie intérieure ... ou collective.   LFAR  

     

    501680460.5.jpg

    La scène se passe en France, dans plusieurs épiceries.

    Il y avait, il y a quelques jours, un gros rabais annoncé sur le Nutella. La nouvelle s’est vite répandue. Au matin, à l’ouverture des portes, il y avait une file de consommateurs prêts à se ruer sur le produit. Une fois les portes ouvertes, ils se sont jetés dans les commerces. À ce qu’on peut lire, il y a eu des scènes pouvant faire penser au Black Friday à l’américaine. Les témoignages sont affligeants. Pour sauver quelques euros, on se pilera dessus, et on se permettra même d’en venir aux coups. La police a dû intervenir. Je rappelle qu’on parle de pots de Nutella soldés.

    Il y a bien des manières de voir ça.

    La première, la plus simple, c’est de constater que nous sommes toujours au seuil de la sauvagerie, même dans une société civilisée. Et c’est vrai. La civilisation est une mince pellicule posée sur notre nature, comme le disait le philosophe. Il suffit de peu de chose pour qu’elle se déchire. L’homme n’étouffe jamais complètement la bête humaine. Et cette dernière est la même dans toutes les classes sociales. Riches et pauvres confondus sont capables de se montrer mesquins en plus de piétiner sans mauvaise conscience le voisin.

    Je note que certains se croiront alors justifiés de rire des pauvres qui se donneraient ainsi en spectacle. Ils oublient qu’on peut aussi se déchirer brutalement au sommet de la société, même si cela peut se faire sous des allures plus « sophistiquées ». Ils animalisent les gens de peu et les présentent comme des bêtes dont on doit s’inquiéter. Dans leur esprit, il faut moins soutenir les catégories populaires que s’en protéger, comme si nous nous trouvions toujours devant des classes dangereuses, une vision de la société qui est dominante lorsque vient le temps d’analyser leurs comportements politiques.

    Mais on peut y voir aussi, ce qui n’est pas contradictoire avec les précédentes observations, un révélateur de la misère sociale et psychologique de grands pans de la population qui sont aujourd’hui prêts à se déchirer à la moindre occasion, tellement le lien social est relâché et la tentation de la guerre de tous contre tous remonte à la surface. Si les hommes sont aujourd’hui prêts à se tabasser ou presque pour un pot de Nutella à rabais, imaginons ce qu’ils feront dans un contexte de vraie pénurie ou de tensions civiles réelles quand chacun aurait l’impression de devoir se battre pour sa survie. 

    Nous croyons depuis quelques décennies que la paix civile va de soi. La violence est toujours pensée comme extérieure à la société, comme si elle représentait un stade dépassé dans l’histoire de notre évolution : elle vient d’éléments agressifs qui perturbent consciemment ou inconsciemment la stabilité sociale. On oublie qu’elle peut surgir du fond de la société, à la manière d’une poussée de fièvre collective ou comme la conséquence d’un processus de décivilisation qu’on a longtemps refusé de prendre au sérieux mais qui aujourd’hui révèle ses effets ravageurs.

    Chose certaine, des faits divers comme ceux-là ne sont pas que des faits divers : ce sont des révélateurs sociaux, qui annoncent la société qui vient, qui montrent aussi que la possibilité de la violence a remonté à la surface du social et qu’elle pourrait bien demain prendre la forme d’une violence anarchique, nihiliste, où le désespoir et l’avidité se conjugueraient pour créer une société dangereuse et déshumanisée.    

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Cinéma • Patients

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Patients, un drame réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, avec Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Moussa Mansaly et Nailia Harzoune ; adapté du roman autobiographique éponyme de Grand Corps Malade.

    Vis-je ou vivés-je (comment dit-on ?) sur une autre planète ?  Je n'avais jamais entendu parler de Grand Corps Malade, alias Fabien Marsaud, avant cette séance de cinéma.

    Comme dans Le Grand Jeu, c'est l'histoire d'un sportif qui aurait pu être de haut niveau, dont le tracé professionnel est arrêté brutalement - c'est le terme - par un accident très grave.

    Un bon film, plein d'humour, mais un documentaire épouvantable sur le handicap lourd (paralysie, tétraplégie, etc.)  dans un centre de rééducation.

    On y voit la gentillesse du personnel soignant mais aussi l’infantilisme de certains -  « comment il va, Ben, aujourd’hui ? » ; on ressent surtout l'humiliation de la dépendance pour tous les besoins et les gestes de la vie courante. On s'interroge enfin sur la responsabilité des médecins qui doivent mettre leurs patients en face de leurs réalités, et sur la difficulté que peut avoir le handicapé à accepter, et « adapter  ses espoirs » à sa situation.

    Est-ce un relent de lutte des classes lorsque l’un des protagonistes n’aperçoit, autour de lui, aucun Pierre-Antoine, habitant le XVIe arrondissement ?

    C’est sans doute pour cela, en tout cas, que la langue, en VO, est celle des banlieues et non pas celle des bobos qui cul-de-poulent sur les « personnes en situation de handicap ».

    Oui vraiment , cette fois-ci, j’approuve Télérama d’avoir sélectionné Patients parmi les 16 meilleurs long-métrages 2017.  

    PS : En guise d’étrennes 2018, je vous propose mon blog  Je ciné mate avec déjà une quarantaine de films. Vous pouvez vous y abonner (en bas à droite) pour recevoir automatiquement les mises à jour et surtout y retrouver d’anciennes notices grâce au bouton Recherche (je continuerai de le compléter progressivement, à votre demande, de mes « critiques » 2016 et 2017)Merci, outre vos commentaires éventuels, de m’indiquer les difficultés que vous rencontrez, les corrections nécessaires ou les améliorations à apporter à ce blog.   https://jecinemat.wordpress.com

  • Hommage opportun de Jacques Bainville à Charles Maurras

     

    XVM6ccf6ac0-0414-11e8-b81b-18ee966ba3e1.jpgTimon de Phlionte disait de son maître Pyrrhon : « Je l'ai vu simple et sans morgue, affranchi de ces inquiétudes avouées ou secrètes dont la multitude des hommes se laisse accabler en tout lieu par l'opinion et par les lois instituées au hasard.»

    Tel nous voyons chaque jour Charles Maurras et ceux qui auront eu le privilège d'être de ses amis auront connu son coeur intrépide.

    Ils auront connu encore la lumière de son esprit. Comme Cicéron le disait de Carnéade : « Jamais il ne soutint une thèse sans la faire triompher. Jamais il n'attaqua une doctrine sans la détruire. » Ainsi Maurras aura paru pour enseigner son siècle. Ainsi de ses flèches rapides, il aura percé les « nuées ».

    Dur aux erreurs, ce dialecticien invincible est indulgent aux hommes. A tous, son génie prête quelque chose de ses richesses. Leibniz ne méprisait presque rien. Maurras ne méprise personne. Le plus humble s'en va, comme le plus orgueilleux, pénétré de son intelligence et de sa bonté, parce qu'il sait, chez tous, faire jaillir l'étincelle divine. Et par là, il est encore un très grand poète. 

    Quand j'aurai ajouté que nul moins que lui ne tient aux honneurs et aux biens de ce monde et qu'il ne place rien au-dessus des idées, on saura que nous avons parmi nous un sage de la Grèce.  

    J'ai lu beaucoup d'études sur Maurras. Aucune ne m'a satisfait complètement. J'indiquerai seulement aux chercheurs qu'ils n'entendront sa pensée, qu'ils ne la cerneront et ne la pénétreront que s'ils remontent jusqu'à Dante.

    Je ris beaucoup quand je vois traiter Maurras comme un monsieur ordinaire... On est prié de ne pas s'adresser au concierge mais à l'altissime

    Qu'on se rappelle aussi que le désintéressement de Maurras est absolu. C'est une de ses forces. Il ne recherche pas l'argent, pas même la gloire littéraire. Il aurait pu s'assurer une existence tranquille et agréable, et il ne craint pas de s'exposer à la prison. Quand on est un gouvernement, il est incommode d'avoir un homme pareil contre soi. Maurras ne vit que pour ses idées et on n'a aucune prise sur lui; Henri Vaugeois appelait Mauras le noûs, l'esprit pur. C'est sa définition la plus vraie.  

     

    Préface de l'ouvrage collectif Charles Maurras : Études, portraits, documents, biographies. Editions de la revue Le Capitole, Paris, 1925

  • Le peuple français acceptera volontiers un Roi-conscience de la Nation ...

     

    Par Pierre Renucci 

    C'est une réflexion particulièrement intéressante - ce que pourrait être une monarchie pour la France d'aujourd'hui - que nous propose ici Pierre Renucci. Certes nous ignorons tout des circonstances dans lesquelles la nécessité de la monarchie pourrait apparaître aux Français ; nous ne savons pas à quelles nécessités, à quels besoins du moment, elle aurait à répondre, ni pour quelles urgences elle serait appelée et donc quelles formes elle pourrait prendre. Mais, fût-ce en se fondant sur les réalités d'aujourd'hui, politiques, sociales et institutionnelles, l'idée monarchique prend corps et crédibilité si l'on tente d'en définir les contours et si l'on expose quel pourrait être le fonctionnement d'une monarchie pour notre temps. C'est ce que fait ici Pierre Renucci suscitant notre réflexion et peut-être le débat. Sa conviction est que, pour peu qu'on lui en expose les réels avantages, le peuple français acceptera volontiers un roi conscience du pays.  LFAR 

     

    IMG_20180129_195658 (002).jpgQuand, au détour d’une conversation avec une personne raisonnablement ouverte d’esprit, je m’aventure à évoquer l’hypothèse du retour du Roi, la réaction immédiate se traduit invariablement par cette question : « Le Roi ? Mais que ferait-il ? » Question qui ne révèle pas d’hostilité de principe, mais un scepticisme non dénué de bon sens. Il faut bien comprendre que le Français a deux images du Roi. L’une, contemporaine, que lui renvoient les monarchies constitutionnelles européennes. L’autre, historique, celle de nos rois absolus de droit divin. Or aucune ne lui convient vraiment. La première lui paraît sympathique, esthétique, utile comme symbole national, voire non dépourvue de quelque influence sur le pouvoir. Mais au Roi-symbole, il préfère son Président-monarque détenteur du pouvoir. La seconde, quoique toute française, ne lui paraît plus adaptée à son époque. Au Roi-monarque héréditaire, il préfère son Président-monarque élu. Bref le Français n’est pas royaliste, il est monarchiste et veut choisir son monarque. Alors, utopie que le retour de la Couronne ? Non point. Sans parler de circonstances gravissimes qui en feraient l’ultime recours, le Roi remplirait une fonction en toute période. Une fonction bien supérieure à la simple représentation symbolique de la Nation, bien supérieure aussi à celui de gouverner. Je le vois comme une conscience active, c’est-à-dire à la fois un modérateur lorsqu’il s’agit de dénoncer un danger et un incitateur lorsqu’il s’agit de provoquer un bienfait. Il serait celui qui introduirait dans la constitution la mixité qui lui manque. Mais précisément, avant de déterminer comment lui donner ce rôle de conscience, il faut expliquer ce qu’est une constitution mixte. Ce préalable est hélas indispensable puisque nos régimes occidentaux n’en connaissent plus, et que l’idée même s’est effacée de nos cerveaux.

    Le concept remonte à l’Antiquité grecque. Aristote l’utilisait déjà, par exemple pour vanter la réforme de Solon qui avait aboli à Athènes la toute-puissance oligarchique « en pratiquant un mélange [‘‘mixanta’’ en grec] constitutionnel heureux ». La mixité consistait ici en ce que l’Aréopage était oligarchique, l’élection des magistrats aristocratique et l’organisation des tribunaux démocratique. Hélas, continue Aristote, Éphialte et Périclès bouleversèrent l’équilibre, notamment en « mutilant les pouvoirs de l’Aréopage » au profit de l’assemblée populaire. Alors on passa de la « démocratie de nos pères », cette démocratie équilibrée par la mixité, à la « démocratie actuelle », celle qui « flatte le peuple comme un tyran ». Retenons donc qu’une constitution mixte mélange des éléments de nature différente afin de ne donner l’omnipotence à aucun. Bien sûr la chimie s’effectue différemment selon le lieu et l’époque, mais toujours avec un élément dominant, qui peut être monarchique, aristocratique, démocratique, oligarchique. L’essentiel est que l’élément dominant –la démocratie dans l’exemple d’Aristote- accepte le garde-fou de la mixité.

    Le plus bel exemple de constitution mixte offert par l’Antiquité reste la république romaine du III° siècle av. J.-C. L’historien grec Polybe écrira au siècle suivant que « personne […] n’aurait pu dire avec certitude si l’ensemble du régime était aristocratique, démocratique ou monarchique […] Car lorsqu’on regardait le pouvoir des consuls, le régime paraissait parfaitement monarchique ; mais d’après le pouvoir du Sénat, c’était cette fois une aristocratie ; et si maintenant on considérait le pouvoir du peuple, cela semblait nettement une démocratie ». Cette mixité permit un équilibre entre les éléments interdépendants. : impossible pour aucun de prédominer à l’excès, car sa tentative serait « contrebalancée et entravée par les autres […]. Tous restent en l’état, réfrénés dans leur élan ou craignant dès le début l’opposition du voisin ».

    Une correction à cette excellente description de Polybe : ce régime était de dominante aristocratique, ce que chacun savait avec certitude et acceptait. La devise même de la République l’atteste : Senatus Populusque Romanus (S.P.Q.R.). Le Sénat aristocratique est nommé avant le Peuple au sens institutionnel (c.-à-d. les assemblées populaires).

    Précision très importante pour ce qui va suivre. Le Sénat ne votait pas les lois, n’élisait pas non plus les magistrats. Il rendait des avis appelés senatus consulta qui ne liaient pas les assemblées populaires en droit ; toutefois leur autorité était suffisamment forte pour qu’un magistrat ne pût leur proposer une loi ou un candidat contraires au souhait des sénateurs. En langage juridique moderne on dirait que le magistrat était lié à l’avis conforme du Sénat. Retenons cela : il n’est pas nécessaire d’avoir le pouvoir pour détenir du pouvoir.

    Avec l’éphémère cité solonienne et la magnifique république romaine, la monarchie française reste le modèle le mieux accompli de la mixité constitutionnelle, celle-là même à laquelle Érasme pensait lorsqu’il écrivait dans son Institution du prince chrétien, « Le prince préfèrera que sa monarchie soit adoucie par des emprunts à l’aristocratie et à la démocratie, afin de ne pas tomber dans la tyrannie ».

    À la même époque, Claude de Seyssel, analysant le régime français dans sa Grant monarchie française discerne trois retenails (freins) à l’absolutisme royal : d’abord la religion qui, si le Roi se fait tyran, permet à « tout prélat […] et à un simple prêcheur de le reprendre et arguer publiquement et en sa barbe » ; ensuite les parlements dont il « n’est en la puissance des roys les déposer sinon par forfaicture » ; enfin la police (c.-à-d. les lois fondamentales), si solide « que les princes n’entreprennent pas d’y déroger, et quand le vouldroient faire, l’on n’obéit point à leurs commandements ». Ces lois ne sont pas seulement ce qu’on nommerait aujourd’hui constitution, elles sont aussi dans l’esprit de Seyssel, celles qui garantissent les libertés des corps intermédiaires (provinces, villes, corporations…) et des individus.

    Laissons le juriste Charles Dumoulin résumer, à la manière d’Aristote et Polybe, la formule politique française : « Royaume de France, c’est monarchie avec un assaisonnement, composition et température d’aristocratie et démocratie des estats ». Telle était le système français bien équilibré que Bossuet rappellera avec force. Il durera jusqu’à Louis XV.

    Aucun des trois systèmes évoqués ne serait viable aujourd’hui. La démocratie solonienne, l’aristocratie républicaine romaine, la monarchie française étaient belles parce qu’en harmonie avec leurs temps. Mais leurs temps sont révolus et leur retour serait anachronique. Ainsi, ne rêvons pas au Roi-monarque : aujourd’hui le pouvoir use trop vite son détenteur pour être viager. En revanche, aurait toute sa place un Roi qui, sans détenir le pouvoir, aurait l’autorité pour le canaliser, le modérer et plus encore, l’orienter et l’inspirer. Mutatis mutandis, un Roi qui jouerait le rôle du Sénat romain…

    Nous en avons grand besoin. Sous le nom de démocratie, ce que nous connaissons aujourd’hui n’est qu’une oligarchie élective. Cette « partitocratie », assise sur une classe politico-médiatique qui se reproduit en vase clos, gouverne sans qu’aucun frein ne la retienne, même quand elle se vend à la ploutocratie mondialisée. Quant à la votation, elle s’y réduit à la légitimation rituelle de l’alternance d’équipes semblables.

    Seul un roi héréditaire, libre de sa parole et disposant d’une autorité garantie par la constitution aurait les moyens de policer cette classe dirigeante. Certes il ne gouvernerait ni ne légiférerait mais, si je puis me permettre cette image, sans avoir la main sur le timon, il aurait l’œil sur le timonier. Pas seulement pour le sermonner, mais pour le conseiller, l’inciter et lui montrer les limites à ne pas dépasser.

    Sur le plan institutionnel, l’idée est simple. La pratique constitutionnelle actuelle est celle d’un régime parlementaire dualiste c.-à-d. un parlementarisme dans lequel le Gouvernement est responsable devant la chambre basse et devant le chef de l’État. Je dis la pratique, parce que la lettre est, elle, moniste : rien en effet dans la constitution n’autorise le Président à démettre le Premier ministre et rien ne l’autorise à gouverner à sa place. Au contraire, d’une part l’art. 20 dispose que le « Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et qu’« il est responsable devant le Parlement » ; d’autre part l’art. 21 précise que le « Premier ministre dirige l’action du Gouvernement ». Ce n’est qu’en période de cohabitation que la lettre moniste s’appliquait.

    Partant, l’avènement d’un Roi qui ne soit ni un Roi-monarque, ni un Roi-symbole, mais un Roi-conscience, nécessite qu’il s’inscrive dans un parlementarisme qui ne soit ni moniste, ni dualiste. Ni moniste, parce que ce serait en faire un Roi-symbole, ni dualiste parce que ce serait en faire un Roi-monarque. Ce nouveau parlementarisme, appelons-le parlementarisme mixte. Comme le moniste, il donnerait le pouvoir au Premier ministre, et au Parlement seul le droit d’accorder ou non la confiance au Gouvernement. Comme le dualiste, il donnerait au chef de l’État des prérogatives qui en ferait un acteur incontournable.

    Peu d’articles de la constitution de la V° République seraient à modifier pour réaliser ce bouleversement :

    - Art. 18 : L’actuel droit de message du chef de l’État au Parlement doit permettre un authentique discours du Trône annuel. Entendons une déclaration de politique générale dans laquelle le Roi exprime en toute liberté sa vision de l’état de la France et indique les réformes dont il souhaite que le Gouvernement se saisisse. Hormis le discours du Trône, le Roi pourrait adresser ponctuellement des messages sur les sujets de son choix. Bien sûr ce droit de message resterait un pouvoir propre, c.-à-d. non soumis à contreseing.

    - Art. 44 : Le droit d’amendement qui appartient aujourd’hui au Gouvernement et au Parlement sera élargi au Roi. Il pourrait ainsi intervenir dans l’élaboration de la loi en proposant des modifications aux projets ou propositions déposés.

    - Art. 10, al.2 : Ce texte autorise le Président à demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette sorte de véto suspensif est toutefois soumise à contreseing. Il conviendra d’en faire un pouvoir propre du Roi, lequel pourra ainsi relancer le débat sur un sujet dont il estime qu’il n’a pas été convenablement traité par le Parlement et le Gouvernement.

    - Art. 11 : Le référendum législatif est aujourd’hui proposé par le Gouvernement ou les deux assemblées au Président, lequel accepte ou refuse (laissons de côté l’initiative populaire qui ne nous intéresse pas directement ici, et reste inutilisée pour l’heure). Dans les faits, la proposition gouvernementale est purement formelle : tous les référendums furent lancés à l’initiative du Président. Afin que le Roi conserve cette liberté, l’article 11 devra mentionner expressément son droit propre d’appeler le peuple à référendum. Ainsi il pourra non seulement proposer directement au peuple une loi qu’il estime nécessaire, mais aussi lui demander de trancher sur un projet de loi, à son avis mauvais, que le Parlement s’apprête à voter.

    - Art. 9 : Le Président préside le conseil des ministres. Cela n’apparaît pas anormal puisqu’il est le véritable chef de la majorité parlementaire et donc le principal décideur politique. Ce n’est que lors des cohabitations, que sa présidence du conseil devenait nominale face au Premier ministre. Le Roi n’aura aucun besoin de cette présidence qui serait, elle, toujours nominale, puisque le nouveau chef de la majorité parlementaire et principal décideur politique sera désormais le Premier ministre. En revanche, le Roi devra assister de droit aux conseils des ministres et participer aux délibérations pour exercer son autorité modératrice et inspiratrice.

    - Art. 12 : La dissolution de l’Assemblée nationale est un pouvoir propre du Président qui l’exerce après simple consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées. Dans un régime parlementaire moniste, la dissolution de la Chambre par le Gouvernement est le pendant du renversement du Gouvernement par la Chambre. L’initiative de la dissolution revient donc normalement au Premier ministre, le prononcé de la dissolution par le chef de l’État n’étant que formel. Sous la V° République il n’y eut que cinq dissolutions, dont deux avaient simplement pour but de mettre l’Assemblée en adéquation avec le Président Mitterrand nouvellement élu (1981 & 1988). Les trois autres furent plus typiquement parlementaires et effectuées en accord avec le Premier ministre.

    Pas plus qu’il n’a le droit de renvoyer le Gouvernement, le Roi n’aurait celui de dissoudre la chambre basse. Cela relèvera du seul Premier ministre. En revanche, le Roi pourra le lui proposer officiellement, si les circonstances lui semblent exiger que le Peuple se prononce.

    - Art. 16 : En cas de péril grave, le Président peut décider d’exercer les pleins-pouvoirs, entendons la dictature au sens romain du terme. Cette possibilité doit-elle passer au Roi ? La question est délicate. Un roi-conscience qui ne gouverne pas en période normale, devrait-il gouverner en dictator en période anormale ? D’un point de vue strictement logique, non. Mais n’est-ce pas justement, parce qu’un péril grave voire mortel menace le pays, que le roi-conscience, chef d’État parfaitement libre, sera le mieux à même de le conjurer ? On a envie de répondre oui ; mais le risque serait grand pour le Roi. Le péril grave nécessite des réactions brutales voire sanglantes, qui engageraient sa responsabilité tôt ou tard. Or, le Roi étant constitutionnellement irresponsable, la crise pourrait s’achever avec sa chute.

    Mieux vaudrait alors que le Premier ministre exerce la dictature provisoire, mais avec autorisation expresse du Roi.

    La question du feu nucléaire est en partie liée à l’article 16, puisque c’est à la menace de guerre nucléaire que les constituants songeaient en l’écrivant. Certes le déclenchement nucléaire ne nécessite pas les pleins-pouvoirs. Toutefois on n’imagine mal deux attributaires différents : si le Premier ministre peut faire usage de l’article 16, il doit aussi être détenteur du feu nucléaire. Or aujourd’hui, ce n’est pas la constitution mais un décret qui confie au Président l’usage de la force nucléaire. Il conviendra donc de le modifier pour l’attribuer au Premier ministre. Est-il souhaitable de lui associer le Roi, autrement dit d’instaurer une « double clef » qui nécessiterait l’accord conjoint des deux têtes de l’Exécutif ? Ce serait peut-être la meilleure solution…

    Les autres droits du Président passeraient au Roi, notamment la nomination aux emplois supérieurs de l’État (art. 13, al.2) et la signature des décrets délibérés en conseils des ministres (13, al. 1). Ces deux attributs du chef de l’État sont soumis à contreseing, en sorte que ces nominations et décrets nécessitent l’accord du Premier ministre. Le Roi aura donc dans ces deux domaines essentiels un poids important, puisque le Gouvernement ne pourra rien décider sans lui. La sagesse commandera bien sûr de trouver de bons ajustements avec le Premier ministre qui reste le détenteur du pouvoir réglementaire de droit commun.

    « Les formules politiques, disait Maurras, ne sont pas des gaufriers, et si les lois des nations, comme celles du monde et de l’Hommes, sont immuables, il faut voir que toutes les situations de l’histoire et de la géographie sont originales. Elles ont quelque chose d’unique qui doit être traité comme tel. »

    Les Français aiment être gouvernés par un monarque élu ? Respectons ce choix. Il est une étape de leur histoire. Ce monarque peut ne plus être le Président, mais le Premier ministre d’un régime parlementaire. Le Premier anglais, le Kanzler allemand ont-ils moins de pouvoir que le Président de la V° République ? Non, ils ont comme lui le pouvoir. Cela pour la raison que le parlementarisme n’est rien d’autre que le transfert du pouvoir des mains du Roi à celles du Premier ministre. Le fait que la pratique constitutionnelle de la V° République ait permis au Président de capter ce qui appartient au Chef du Gouvernement ne change fondamentalement rien à cette vérité.

    L’essentiel est que le mode de scrutin permette de dégager une majorité indiscutable, afin qu’en votant pour un député, l’électeur choisisse par transparence le Premier ministre de son choix, autrement dit son monarque. Pourquoi même ne pas imaginer une élection au suffrage universel direct du Premier ministre comme aujourd’hui le Président, suivie d’élections législatives ? Ce serait reproduire le schéma actuel qui assure au Président une Assemblée de sa couleur. Quoi qu’il en soit, si le Peuple français conserve sa prérogative élective, il acceptera volontiers un Roi-conscience. La désaffection – sinon le dégoût - qu’il ressent pour la classe politique et pour le système en général, lui feront comprendre l’avantage de flanquer son Premier ministre-monarque d’un Roi qui ne doit rien à personne et qui n’obéit à aucun autre intérêt que celui de la Nation.

    Encore faut-il le lui expliquer. Mais cela est aussi et surtout affaire de prince…  •

    Pierre Renucci

    Historien du droit, des institutions et des faits sociaux

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  • Affaire Maurras • Philippe Bilger : Plaidoyer en faveur de Madame Nyssen, ministre de la Censure

     

    Par  

     

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    Je suis vraiment fier d’être un citoyen français.

    Beaucoup de pays ne peuvent pas se vanter d’avoir un ministre de la Censure comme le nôtre et je les plains.

    Il faut tout de même avoir le courage de faire partir au pilon tous les exemplaires du Livre des commémorations nationales 2018 parce qu’il convenait de supprimer les pages 154, 155 et 156 consacrées à Charles Maurras – « figure emblématique et controversée » – et rédigées par un historien froid et objectif, Olivier Dard.

    Je ne peux qu’admirer l’audace d’un tel ministre qui, après avoir pris acte sans réagir de la substance de ce livre et rédigé même un avant-propos enthousiaste sur l’intérêt de cette Histoire de France comportant une centaine de personnages avec leur chronologie, n’a pas hésité à se rétracter. Parce que des associations de lutte contre le racisme et le délégué interministériel à la lutte contre le racisme le lui ont demandé et que leur appréciation si nuancée – « auteur antisémite d’extrême droite » – justifie évidemment qu’on leur fasse toute confiance sur les plans historique, philosophique et littéraire.

    J’adore un ministre qui, même avec retard, sait trancher dans le vif et, loin d’être gêné par la complexité des pensées, des choix et des destinées, de leurs ombres et de leurs lumières, gère avec maestria l’ambiguïté d’une partie en abolissant la transparence du tout.

    J’éprouve une vive estime pour un ministre capable de donner toute leur chance aux partisans friands d’interdiction et un tantinet simplistes au détriment de ceux qui avaient le tort de connaître Charles Maurras, sa trajectoire, ses œuvres et son influence décisive à une certaine époque sur plusieurs grands esprits honorables, des politiques comme par exemple Charles de Gaulle ou de grands écrivains tel Marcel Proust. 

    Je ne peux me déprendre d’une sympathie sincère pour un ministre capable de se raviser et de contester, sous emprise, le choix opéré par le Haut Comité pour les commémorations nationales qui, il est vrai, n’était présidé que par l’académicienne Danièle Sallenave entourée de quelques membres aussi peu représentatifs que Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory, Évelyne Lever, Gilles Cantagrel ou l’académicienne Catherine Bréchignac (Le Figaro). 

    Je rends hommage à un ministre qui, ancienne éditrice réputée et très appréciée dans les milieux de la gauche intellectuelle et politique, n’a pas répugné à se sous-estimer en feignant de confondre la commémoration avec la célébration, dont la distinction était pourtant, pour elle, éclatante (Le Monde).

    Je suis infiniment sensible à la volonté d’éradication d’un ministre qui va engager une tâche colossale en cherchant à supprimer de notre histoire ses pages sombres pour que le citoyen ne soit ébloui que par ses moments lumineux. Démarche d’autant plus intrépide que beaucoup de ses soutiens progressistes ne cessent de reprocher à l’Histoire officielle son occultation des séquences noires qui ont également fait et défait la France.

    Je suis heureusement stupéfait par ce ministre qui, dans le gouvernement d’un Premier ministre passionné par la lecture, la littérature et l’ouverture d’esprit, et sous l’égide d’un président de la République dont la culture est le fort, fait preuve d’une telle indépendance et autarcie qu’elle contredit l’un et l’autre, étrangement silencieux pourtant.

    Je mesure l’immense et louable indifférence qu’il convient d’avoir à l’égard de la vérité historique et intellectuelle pour supporter des absurdités telles que constituer Charles Maurras comme directement responsable de l’Holocauste.

    Je ne suis pas à court d’éloges pour ce ministre qu’on nous envie et qui ne nous fait pas regretter une seconde l’absence d’un ministre de la Culture qui risquerait de nous autoriser des débordements de liberté et de pluralisme.

    Je suis vraiment fier d’être un citoyen français à qui on ne laisse pas penser, dire, écrire ou lire n’importe quoi !   

    XVMe46fa484-a8dc-11e7-8c3b-0492b00cca53-77x120.jpgMagistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, Philippe Bilger a été plus de vingt ans avocat général à la Cour d'Assises de Paris. Auteur de très nombreux ouvrages, il tient le blog Justice au singulier et a dernièrement publié Moi, Emmanuel Macron, je me dis... (éd. du Cerf, 2017).

    Justice au Singulier

  • Marcel Proust : Maurras, une cure d'altitude mentale ...

    Portrait par Jacques-Emile Blanche

     

    « Ne pouvant plus lire qu'un journal, je lis, au lieu de ceux d'autrefois, L'Action française. Je peux dire qu'en cela je ne suis pas sans mérite. La pensée de ce qu'un homme pouvait souffrir m'ayant jadis rendu dreyfusard, on peut imaginer que la lecture d'une "feuille" infiniment plus cruelle que Le Figaro ou Les Débats, desquels je me contentais jadis, me donne souvent comme les premières atteintes d'une maladie de cœur.

    Mais dans quel autre journal le portique est-il décoré à fresque par Saint-Simon lui-même, j'entends par Léon Daudet ?

    Plus loin, verticale, unique en son cristal infrangible, me conduit infailliblement à travers le désert de la politique extérieure, la colonne lumineuse de Bainville.

    Que Maurras, qui semble détenir aujourd'hui le record de la hauteur, donne sur Lamartine une indication géniale, et c'est pour nous mieux qu'une promenade en avion, une cure d'altitude mentale. »

     

    Marcel Proust, Notes, 1920

  • Le Figaro : Pourquoi Charles Maurras ne sera pas « commémoré »

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgÀ la suite de la polémique née de la décision du ministère de la Culture de retirer de la liste des commémorations nationales la figure intellectuelle de Maurras, Le Figaro a publié mardi les commentaires et le débat vidéo qui suivent. On sait que les membres du comité avaient ferraillé sur l'opportunité de le retenir.  LFAR

    sans-titre.pngExit Charles Maurras ! Sur décision de Françoise Nyssen, tous les exemplaires du Livre des commémorations nationales 2018 sont partis au pilon. Les pages 154, 155 et 156 vont être supprimées, afin que l'écrivain et polémiste sorte de la liste de la centaine de personnages et de dates. La notice sur Maurras, signée Olivier Dard, professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne, prenait soin de signaler qu'il était une « figure emblématique et controversée ». Ces derniers jours, les associations de lutte contre le racisme et le délégué interministériel à la lutte contre le racisme (DILCRAH) s'élevaient contre cet hommage rendu à un « auteur antisémite d'extrême-droite ». 

     

    C'est Maurice Druon, ministre des Affaires culturelles, qui lança en 1974 l'Association française pour les célébrations nationales, afin « de veiller à la commémoration des événements importants de l'histoire nationale ». En 1998, l'Association se transforme en Haut comité des célébrations nationales, puis en Haut comité pour les commémorations nationales, en 2011, à la suite d'une autre polémique qui concernait, cette fois, Céline.

    Les douze membres du comité sont nommés tous les trois ans par le ministre de la Culture. Présidé par l'académicienne Danièle Sallenave, il est composé entre autres de l'ancien ministre et ancien président de la BNF, Jean-Noël Jeanneney, des historiens Pascal Ory et Evelyne Lever, mais aussi du musicologue Gilles Cantagrel, ou de l'académicienne Catherine Bréchignac. Chaque année, ils établissent la liste des anniversaires à venir commentés par une centaine de spécialistes. « Pour 2018, il nous était apparu impossible de ne pas parler de Maurras l'année des 150 ans de sa naissance (il est né le 20 avril 1868) », souligne la présidente du Haut comité aux commémorations nationales, Danièle Sallenave, en son nom personnel. Même si les discussions ont été vives, les membres du comité ont pris acte que l'écrivain et directeur de L'Action française, soutien du régime de Vichy, condamné pour intelligence avec l'ennemi à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale, a eu une grande influence sur la vie intellectuelle et littéraire française.

    « Connotation positive »

    « C'est certainement le mot commémoration qui pose problème, il y a une connotation proche de l'hommage, positive », explique Danièle Sallenave. Et d'ajouter, comme elle le fera devant la ministre de la Culture qui la reçoit ce mardi après-midi: « Nous devons mener une réflexion sur notre rôle et sur le sens des commémorations. Il est indispensable de trouver un moyen de transmettre, notamment aux jeunes générations, une vision complexe de l'Histoire de France, avec ses hauts faits, sa grandeur, mais aussi ses zones sombres.»

    Déjà dans l'introduction du livre pilonné, l'historien Claude Gauvard, insistait : « Le passé est là, tragique et lourd, aussi bien qu'heureux, voire léger. » Pour 2018, le comité avait retenu entre autres la diffusion du premier épisode des Shadoks, l'attribution du Nobel de la paix à René Cassin ou l'Armistice de 1918.  •

    Lire encore dans Lafautearousseau ...  

    Maurras, une influence telle qu'on ne l'effacera pas

    Yann Moix rappelle le rayonnement de Maurras [Vidéo]

    Eric Naulleau : Disparu... Maurras des commémorations. Comme jadis les bannis sur les photos soviétiques

    Stéphane Blanchonnet : « Il est triste que le ministre de la Culture envoie au pilon des livres validés par une commission d’historiens »

    Vive Maurras !

    Stéphane Blanchonnet : Commémorons Maurras avec Mme Nyssen ou sans elle !

  • Maurras, une influence telle qu'on ne l'effacera pas

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgLa double décision d'inscription puis de retrait du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Charles Maurras [1868-1952] au programme des commémorations du ministère de la Culture pour 2018 a donc produit les importants remous que l'on sait.

    Ce fut d'abord à l'initiative pressante des organisations dites antiracistes, de gauche et d'extrême-gauche pour obtenir le retrait. La reculade du ministère ne s'est pas fait attendre. 

    Mais ce qui se développe aujourd'hui à l'inverse, c'est une réaction critique de multiples personnalités désapprouvant la décision de retrait de la commémoration Maurras.

    Certaines inattendues comme celle de Yann Moix, lundi matin sur France Culture,  exposant « l'influence phénoménale » de Charles Maurras au siècle dernier. [voir vidéo ci-après]. Ou encore celle des historiens Jean-Noël Jeanneney, ancien président de la Mission du bicentenaire de la Révolution, et Pascal Ory, professeur émérite à Paris-Panthéon-Sorbonne, tous deux membres du Haut Comité des commémorations nationales, qui ont publié lundi dans Le Monde une tribune allant dans le même sens. Sans compter le tweet d'Eric Naulleau qu'on lira plus loin.

    Les injonctions de la pensée dominante ne vont plus aujourd'hui sans réactions, sans oppositions. Et sans-doute celles que nous signalons ici seront-elles suivies de beaucoup d'autres. 

    Cette affaire est assez importante et nous touche assez directement pour que nous y consacrions nos publications de ce jour.  

    Lire encore dans Lafautearousseau ...  

    Vive Maurras !

    Stéphane Blanchonnet : Commémorons Maurras avec Mme Nyssen ou sans elle !

  • Yann Moix rappelle le rayonnement de Maurras [Vidéo]

     

    « Si vous enlevez Charles Maurras de la compréhension d'une époque, vous enlevez l'influence qu'il a eue sur Marcel Proust, Apollinaire, André Gide, Jacques Lacan. Maurras, qu'on le veuille ou non, fait partie de l'histoire des idées en France ». 

    Yann Moix  

     

     

  • Eric Naulleau : Disparu... Maurras des commémorations. Comme jadis les bannis sur les photos soviétiques

     

    Eric Naulleau‏Compte certifié @EricNaulleau 29 janv.

    Disparus les pamphlets de Céline du catalogue Gallimard, Maurras des commémorations, Kevin Spacey de son dernier film et qui sait le prochain Woody Allen du studio Amazon. Comme jadis les bannis sur les photos soviétiques, comme si escamoter l'objet du débat mettait fin au débat.  

  • Stéphane Blanchonnet : « Il est triste que le ministre de la Culture envoie au pilon des livres validés par une commission d’historiens »

    Maison de Charles Maurras à Martigues

     

    648211564.jpgCharles Maurras (1868-1952) vient d’être retiré de la liste des commémorations du ministère de la Culture pour 2018. Stéphane Blanchonnet, président du comité directeur de l’Action française, réagit au micro de Boulevard Voltaire. 

    Professeur agrégé de lettres modernes
    Président du Comité directeur de l'Action française 

     

  • Vive Maurras !

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    La milice de la pensée aura donc eu rapidement gain de cause : Mme Nyssen, ministre de la culture, n’écoutant que son courage, a retiré Maurras du Livre des commémorations nationales de 2018 à peine la polémique a-t-elle commencé à gonfler. 

    La France ne célébrera donc pas officiellement un de ses plus grands écrivains et philosophes politiques. Ne lui en déplaise, Mme Nyssen vient au moins de confirmer une thèse de Maurras : l’incapacité du pays légal à se réformer en sortant de ses ornières. Par cette mesure, il cherche simplement à priver le pays réel de la redécouverte d’un penseur et d’un acteur majeurs de la France du XXe siècle, que toute l’intelligence de l’époque a célébré : Proust, Apollinaire, Cocteau, Kessel, Malraux, De Gaulle ou même Lacan.

    Mais Mme Nyssen a préféré écouter les voix du politiquement correct, de l’antiracisme subventionné et de la libre pensée plutôt que celle de la pensée libre. De l’ancien Premier ministre Manuel Valls, allié pour ce mauvais coup au député de la France I’ “islamo-gauchiste” Alexis Corbière, aux inévitables chiens de garde de SOS Racisme et de la LICRA ou à Frédéric Potier, Délégué interministériel à la Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les haines anti-LGBT (cela ne s’invente pas), le chœur des pleureuses a obtenu du Gouvernement une censure qui n’a qu’un objectif : mutiler la mémoire nationale de celui qui voyait dans le racisme son “plus vieil ennemi intellectuel” ou déclarait en 1934 : « Je le répète : il n’y a pas de plus grand danger national que l’hitlérisme et le soviétisme. À égalité ! Et ces égaux-là sont faits pour s’entendre. La carte le confirme. L’avenir le vérifiera. »

    Parce qu’en macronie on ne fait pas les choses à moitié, Mme Nyssen a également convoqué, comme un magistrat des primo-délinquants pour un rappel à la loi, les membres du Haut-comité qui a présidé au Livre des commémorations, parmi lesquels l’académicienne Danièle Sallenave et les historiens Jean-Noël Jeanneney et Pascal Ory. Iront-ils à repentance ?

    Qu’importe, au fond. Grâce aux censeurs, l’année Maurras est désormais lancée. Et l’Action française peut d’ores et déjà annoncer qu’entre rééditions chez de grands éditeurs, publications et colloques, elle sera riche.  

    Communiqué du Centre Royaliste d'Action Française

  • À suivre – Stéphane Blanchonnet : Commémorons Maurras avec Mme Nyssen ou sans elle !

     

    Par Stéphane Blanchonnet

    En donnant cette tribune à Boulevard Voltaire - où elle a été publiée hier dimanche - Stéphane Blanchonnet dit fort bien ce qu'il faut penser du tollé que soulève dans une frange d'ailleurs déclinante de l'opinion intellectuelle, l’inscription du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Maurras [1868], au programme des Commémorations du ministère de la culture pour 2018. Voilà bien confirmation du double statut de Maurras : l'officiel, parfois exprimé dans la formule M. le Maudit, que tente d'imposer la pensée encore dominante, l'officieux ou pour mieux dire le réel qui est celui de contemporain capital, selon la formule du professeur Olivier Dard. Les deux statuts se combinent d'ailleurs ici significativement car, retirée ou non, la commémoration des 150 ans de la naissance de Maurras, nonobstant toutes rétractations et polémiques ultérieures, a bien été inscrite au programme du ministère de la culture pour l'année en cours.  A suivre, certainement.  LFAR

     

    648211564.jpgL’annonce récente de l’inscription de Maurras, - qui aurait eu 150 ans cette année -, au programme des Commémorations du ministère de la culture pour 2018, provoque une de ces polémiques quasi quotidiennes qui agitent les réseaux sociaux… Tous les censeurs professionnels sont à la manœuvre  : Corbière, la LICRA, Valls etc, et le ministre de la culture lui-même, Mme Nyssen, se voit contrainte, face à ce déchaînement de raccourcis et de caricatures, de rappeler cette évidence que commémorer un personnage important de l’histoire et des lettres françaises ne signifie pas adhésion totale à sa personne et à ses écrits !

    La vérité est que cette polémique est emblématique de la situation paradoxale de Maurras. Tout le monde, même parmi les demi-habiles et les demi-cultivés qui font la pluie et le beau temps dans le peu qu’il reste de vie intellectuelle française, connaît le nom du maître de l’Action française (plus, éventuellement, quelques citations polémiques et sorties de leur contexte) mais personne ou presque n’a lu une seule œuvre de ce géant de notre littérature, auteur de centaines d’ouvrages et de milliers de pages, qui firent les délices et l’admiration de Proust, Apollinaire, Cocteau, Kessel, Malraux, De Gaulle ou même Lacan. 

    Au fond, que Maurras soit ou non maintenu (il a semble-t-il été retiré depuis la rédaction de cet article) à la place qui est légitimement la sienne dans cette liste d’événements ou d’auteurs à commémorer dans le cadre officiel importe peu. Les censeurs pressés et incultes qui se sont manifestés lui ont finalement rendu le meilleur des services en attirant l’attention sur lui au moment ou la réédition d’une partie de son œuvre littéraire, politique et critique, est annoncée pour avril prochain chez un grand éditeur. 

    Le vrai public cultivé ira aux œuvres et jugera sur pièces !  

    Professeur agrégé de lettres modernes
    Président du Comité directeur de l'Action française