UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Idées, débats... - Page 433

  • La juste question d'Éric Zemmour : « Mais qui en veut au mâle blanc, occidental et hétérosexuel ? »

    Tex, le présentateur de l'émission de France 2 « Les Z'amours »

     

    Par Eric Zemmour

    On pourrait accuser Internet de tous les maux, mais on refuserait de voir la stratégie délibérée des groupuscules féministes, gays, antiracistes qui sont tous alliés contre leur ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel. Dans cette chronique [Figaro magazine, 22.12] Eric Zemmour précise quel est l'objectif : « effacer toute expression culturelle de l'Occident ». Il a raison !  LFAR

     

    XVMb1a9203c-e669-11e7-8efd-6e29e193fc07.jpgAvis aux éternels potaches. Aux rois de la blague de mauvais goût. Aux empereurs du jeu de mots débile. Ils sont sous surveillance. Leur vie est en danger. Leur destin peut basculer pour une parole de trop. C'est ce qui est arrivé au présentateur de l'émission de France 2 « Les Z'amours » : Tex. Depuis dix-sept ans, il avait eu souvent l'occasion de déployer son humour lourdingue, un peu niais, jamais subtil.

    Et puis, soudain, la vanne de trop. Qui frappe là où il ne faut pas: « Que dit-on à une femme qui a deux yeux au beurre noir ? Rien. On lui a déjà dit. » À ces mots, les réseaux sociaux s'agitent. La secrétaire d'État à l'Égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, alerte le CSA. La délation d'État est à l'œuvre dans la foulée de « #balancetonporc ». Tex finit par être renvoyé par la chaîne publique ! On pourrait multiplier à loisir les anecdotes similaires qui attestent de cette ambiance de « chasse aux sorcières » : le footballeur Antoine Griezmann qui doit s'excuser parce qu'il s'est grimé en Noir pour imiter un joueur de basket américain. Ou une Miss France insultée et traitée de raciste parce qu'elle ose parler de la « crinière de lionne » d'une autre Miss France, venue de Guadeloupe.

    On pourrait considérer tous ces micro-événements avec dédain et mépris. On pourrait accuser internet de tous les maux. On passerait à côté de l'essentiel. On refuserait de voir en face une stratégie délibérée, longuement mûrie, et qui arrive à maturité aujourd'hui. Des groupuscules féministes, gays, antiracistes, chacun suivant ses objectifs propres, mais qui sont tous alliés contre leur ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel. Qui ont une inspiration philosophique commune venue de la fameuse « French Theory », théorie de la déconstruction passée par les campus américains depuis les années 1960 et transformée là-bas en « politiquement correct » médiatique et judiciaire.

    Ils jouent aux faibles mais sont les vrais puissants. L'État est de leur côté. La machine judiciaire est à leur service. Les médias de gauche les soutiennent. Au nom du droit des minorités et du respect des éternelles victimes - femmes, homosexuels, minorités « racisées » -, ces militants veulent effacer toute expression culturelle de l'Occident. Leurs méthodes peuvent changer, leur objectif reste le même. Ils transforment les femmes savantes de Molière en un brûlot féministe. Ils accusent Michel Audiard d'avoir été collabo. Ils auraient censuré les chansons de Brassens ou de Brel (pour homophobie ou misogynie). Ils accusent la grammaire d'entretenir les inégalités entre hommes et femmes. Ils ne laissent rien passer, pas la moindre petite blague, pas la moindre expression. Ils ont fait leur une vulgate marxienne mâtinée de gramscisme : la culture est, pour eux, le reflet des rapports de force dans la société. La culture de l'homme blanc hétérosexuel, même dans son humour le plus anodin, est oppressive par essence ; elle doit donc être délégitimée, ostracisée, diabolisée. Pour être éradiquée. Avant d'être remplacée. « On ne détruit réellement que ce qu'on remplace », disait Danton.  

    Eric Zemmour

  • Politique & Religion • L’anticatholicisme n’est-il aujourd'hui qu’un antioccidentalisme ?

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [25.12] Mathieu Bock-Côté invite les sociétés occidentales à « assumer ce qu’on pourrait appeler les marqueurs identitaires les plus profonds de notre civilisation », notamment le christianisme et particulièrement l'héritage catholique. L'Eglise catholique elle-même ne nous y invite plus avec autant de netteté. Volens nolens, cet héritage demeure pourtant un marqueur fondamental de notre identité.  LFAR  

     

    501680460.5.jpg

    Dans un monde menacé par un islam politique particulièrement militant, certains esprits anachroniques sentent encore le besoin de sonner la charge contre le catholicisme, comme s’il fallait enfin en finir avec lui. C’est le cas d’une Femen qui s’est jetée sur la crèche du Vatican lundi matin pour s’emparer de la statue de l’Enfant Jésus en dénonçant le travers sexiste du catholicisme. Le procès est entendu : l’Église catholique est encore assignée au mauvais rôle, et les médias, globalement, aiment l’y maintenir, comme si elle représentait une survivance anachronique dans le monde moderne. Il faut lutter contre le catholicisme comme s’il demeurait le principal obstacle avant l’avènement d’un nouveau monde pour de bon délivré de la tradition. Chaque fois qu’on l’humiliera, on applaudira, d’autant plus que l’orthodoxie diversitaire aime mettre toutes « les religions » dans le même sac dès qu’il est question de l’émancipation féminine, ce qui permet de ne pas réfléchir à la question bien particulière de l’islam.

    Il est difficile de ne pas mettre en relation cette intervention des Femen avec l’absurde censure d’un film de Noël dans une école française quand les enseignants ont compris qu’il n’était pas sans lien avec les origines de cette fête et se sont empressés de l’arrêter en plein milieu. Pour reprendre l’explication loufoque rapportée par les journalistes qui ont rendu publique cette histoire, « il ne s'agit pas d'un film sur une légende de Noël mais sur l'histoire de la nativité ». On se demandera si celui qui a dit ça est complètement bête ou simplement de mauvaise foi. La scène est quand même d’une invraisemblable stupidité. On veut bien croire que la fête de Noël est aujourd’hui déchristianisée, au point même d’être neutralisée dans de plus vastes « fêtes de fin d’année », mais il n’en demeure pas moins que si l’histoire a ses droits, on conviendra au moins de ses origines chrétiennes. Faut-il désormais censurer toute mention des racines chrétiennes de l’Occident pour ne pas froisser les tenants de l’orthodoxie diversitaire et les représentants les plus intransigeants des religions non-chrétiennes ? Les Américains, sans se tromper, parlent depuis des années d’une guerre contre Noël.

    Plusieurs l’ont noté, le remplacement du traditionnel Joyeux Noël par Joyeuses Fêtes s’inscrit, consciemment ou inconsciemment, dans ce processus de déchristianisation de la culture. En 2009, les commerçants du Plateau Mont-Royal, à Montréal, avaient cru trouver la formule la plus inclusive qui soit pour ne vexer personne en souhaitant « Joyeux Décembre ». La formule était incroyablement ridicule mais montrait jusqu’où peut aller la censure du réel pour ne pas heurter les sensibilités minoritaires exacerbées qui hurlent à la discrimination dès qu’on redécouvre que toutes les religions n’ont pas laissé la même empreinte sur notre civilisation. Il y a dans le monde occidental un zèle déconstructeur qui pousse à vouloir éradiquer toutes les traces du christianisme, comme si on espérait un jour le chasser du décor et l’effacer de la vie publique : la diversité pourrait alors s’exprimer et le christianisme serait privé de ses derniers privilèges. On a pu le constater il y a quelques semaines encore avec l’affaire de la croix de Ploërmel, qu’on a prétendu condamner au nom de la laïcité alors qu’il s’agissait surtout de pousser plus loin la neutralisation de l’identité historique de la France. Un jour pour ne plus heurter personne, faudra-t-il changer de calendrier ?

    Sommes-nous encore dans un monde au moins partiellement chrétien ? Telle est la question. Il ne s’agit pas de savoir si nous croyons personnellement à la religion catholique, mais si nous assumons ce que Pierre Manent appelle la « marque chrétienne » de notre civilisation – c’est-à-dire que le catholicisme a servi de matrice civilisationnelle au monde occidental et qu’on ne peut nous y arracher complètement sans mutiler notre propre identité. On oublie aussi qu’on peut parfaitement assumer cette marque chrétienne et l’idée de laïcité, aussi fondamentale que nécessaire – les deux ne sont contradictoires que pour ceux qui peinent à réconcilier les différentes facettes d’une même civilisation. Il faut une certaine excentricité intellectuelle, en fait, aujourd’hui, pour croire que c’est le catholicisme qui menace la laïcité et qui cherche à occuper de nombreuses manières l’espace public en y faisant sentir de manière de plus en plus agressive sa présence.

    Une question essentielle surgit : comment maintenir vivant un patrimoine de civilisation marqué par le christianisme quand la foi qui l’alimentait est morte, ou du moins, complètement déculturée et pratiquée sérieusement seulement dans les marges ? Il faut, pour cela, amener la philosophie politique à réfléchir aux conditions mêmes de possibilité de notre civilisation. Il ne s’agit plus seulement de réfléchir au régime politique de la cité mais à la conception de l’homme sur laquelle elle repose – sur son anthropologie, pour le dire autrement. Cela implique aussi de dégager notre compréhension du politique d’un présentisme asséchant en renouant avec une conception historique de la communauté politique, qui fasse droit à la part sacrée de l’appartenance à la cité. En d’autres mots, on peut ressaisir le christianisme à travers un patriotisme de civilisation qui n’impose à personne quelque foi que ce soit mais qui réinscrit le politique dans l’histoire en se tenant loin de la tentation de la table-rase. L’art politique a davantage à voir avec l’histoire qu’avec la gestion.

    On y revient alors : ce n’est pas en déconstruisant elles-mêmes leur propre socle de civilisation que les sociétés occidentales sauront vraiment se montrer à la hauteur des exigences de l’hospitalité. Au contraire, plus elles se renient et moins ceux qui les rejoignent peuvent vraiment les aimer. La haine de soi ne fait rêver personne, le nihilisme non plus. Il ne s’agit pas de fantasmer sur je ne sais quelle reconfessionnalisation de l’État ou d’idéaliser de quelque manière que ce soit la parole du Pape ou d’autres officiels du monde catholique mais simplement d’assumer ce qu’on pourrait appeler les marqueurs identitaires les plus profonds de notre civilisation : la cité ne saurait être une simple structure juridique sans épaisseur historique et culturelle. Elle plonge ses racines dans le cœur de l’homme et ne saurait se fermer aux besoins fondamentaux de l’âme humaine. Mais pour plusieurs, aujourd’hui, cette simple évidence passe étrangement pour un scandale.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • BD • Honoré d'Estienne d'Orves en bande dessinée

     

    Honore-d-Estienne-d-Orves.jpgRencontre en images avec un officier de Marine pionnier de la Résistance.

    Issu d'une famille royaliste, Honoré d'Estienne d'Orves (1901-1941) fut un pionnier de la Résistance. « Libre dans ses idées, il refuse de se soumettre face à la défaite, à contre-courant de l'opinion dominante », souligne son petits-fils, Augustin, en introduction d'une bande dessinée qui lui est consacrée. Au fil des pages, le lecteur est ballotté d'une période à l'autre, au risque, parfois, de s'y perdre un peu. Le héros nous livre lui-même ses souvenirs, accompagnant des images souvent sans dialogue.

    ÉDUQUÉ DANS LA FOI

    « Je reçois une éducation qui fait la part belle à la famille, à la France, à la foi, mais aussi aux arts et à la curiosité intellectuelle », raconte-t-il notamment. Formé à l'école Polytechnique, il entre dans la Marine en 1923. Quand sonne le glas de l'armistice, tandis qu'il sert en Égypte, la flotte n'est-elle pas intacte ? Du moins l'était-elle jusqu'au drame de Mers el-Kebir… « Après ce massacre, je ne pouvais plus accepter de rallier l'armée anglaise », explique-t-il. Quelques mois plus tard, cependant, il est accueilli à Londres par l'amiral Muselier, chef des Forces navales françaises libres. En décembre 1940, il revient en France, où il installe une liaison radio. Trahi, il est arrêté et condamné à mort, suscitant le respect de ses juges. Le 29 août 1941, à l'heure de son exécution, il donne l'accolade à un officier allemand :« nous avons fait tous les deux notre devoir », lui dit-il devant des soldats ébahis.

    NÉCESSAIRE PÉDAGOGIE ?

    Le dessin n'est pas des plus détaillé. Quant à la police utilisée, elle n'est pas particulièrement lisible. Par ailleurs, était-il bien nécessaire de préciser dans une note de bas de page ce que furent la Grande Guerre ou la bataille d'Angleterre ? Peut-être cette BD est-elle destinée aux plus jeunes… On regrettera que l'amiral Darlan y soit présenté comme le chef d'un gouvernement « collaborationniste » ; la plupart des historiens ne parlent-ils pas plutôt de « collaboration » ? Ces réserves mises à part, la publication de cette BD relève d'une heureuse initiative.  

  • Cinéma • L’Échange des princesses

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    L’Échange des princesses, un film de Marc Dugain, avec Lambert Wilson, Olivier Gourmet, Andréa Ferréol, Anamaria Vartolomei, Juliane Lepoureau et Catherine Mouchet, d’après le roman éponyme de Chantal Dumas (éd. du Seuil, 2013). 

    Sans doute, je regrette de n’avoir pas lu le roman dont a été tiré le film, mais ce très bon long-métrage me rappelle l’excellent Marie-Caroline, reine de Naples, publié en 2014 par Amable de Fournoux (ed. Pygmalion), qui retrace aussi l’importance de ces mariages princiers dans le gouvernement des monarchies.

    Dans un décor majestueux, on ouvre une page d’Histoire peu glorifiante sur ces petites filles qu’on gère comme des marchandises – certes très précieuses, mais marchandises quand même - dont l’unique raison d’être – là encore très précieuse – est de garantir une descendance au Roi et d’assurer ainsi la continuité de l’État.

    Difficile de distinguer dans ce récit la part de la vérité et celle de la fiction, la part de l’Histoire et celle du roman. J’ai ressenti par moment un certain féminisme qui pourrait paraitre justifié dans notre société de l’enfant-roi… ces petites princesses sont peut-être appelées à être Reines dans différents pays, mais elles ne sont pas reines dans leurs familles !

    Contre ces « mariages forcés » - qu’on le veuille ou non, même si j’ai du mal à l’écrire, c’en sont - le réalisateur fait la part belle aux mœurs du « mariage pour tous » et, à tort ou à raison, donne une très mauvaise image du duc Louis IV Henri de Bourbon-Condé.

    Bref un film à voir, très intéressant, mais peu amène pour ces familles royales, à l’exception de la charmante petite infante d’Espagne et aussi de la Princesse Palatine, mère du Régent.   

  • Une puissante leçon sur « la vraie Europe » lancée par des philosophes européens

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgL'Observatoire de l'Europe [23.12] nous a fait connaître cette « Déclaration de Paris » que, malgré sa longueur, nous publions in extenso en raison de son importance. Elle rejoint notre propre souci d'une vraie Europe que notre opposition aux actuelles institutions européennes et à leur idéologie, ne saurait faire passer au second plan. Certes, nous aurions à discuter bien des points de cette déclaration, nombre de formulations vagues ou imprécises. Le débat est ouvert. Son inspiration d'ensemble mérite toute notre attention et sous de nombreux aspects notre approbation.  Lafautearousseau 

    « Une Europe en laquelle nous pouvons croire » : la vibrante déclaration de Paris signée par des universitaires, penseurs et intellectuels de réunis à Paris veut rompre avec la double imposture de la « fausse Europe » : le supranationalisme et le multiculturalisme. Les signataires ont pris acte de la faillite idéologique de l'UE actuelle et du risque pour l'Europe, en minant ses nations à laisser s'évanouir sa grande civilisation. Mais plutôt que de se torturer d'angoisses stériles et d'ajouter encore un autre volume à la littérature abondante sur « le déclin de l'Occident «, ces penseurs européens ont préféré exprimer positivement et solennellement leur attachement à ce qu'ils dénomment « la vraie Europe «, cachée sous les abstractions à la mode et l'idéologie de notre époque. Cette Déclaration de Paris est un appel retentissant pour une compréhension renouvelée et une appréciation du véritable génie de l'Europe. C'est une invitation aux peuples d'Europe à retrouver activement ce qu'il y a de meilleur dans notre héritage commun et à construire ensemble un avenir de paix, d'espoir et de dignité.

    La Déclaration de Paris

    1. L’Europe nous appartient et nous appartenons à l’EuropeCes terres constituent notre maison, nous n’en avons aucune autre. Les raisons pour lesquelles nous chérissons l’Europe dépassent notre capacité à expliquer ou justifier cette fidélité. C’est une affaire d’histoires communes, d’espérances et d’amours. C’est une affaire de coutumes, de périodes de joie et de douleur. C’est une affaire d’expériences enthousiasmantes de réconciliation, et de promesses d’un avenir partagé. Les paysages et les événements de l’Europe nous renvoient des significations propres, qui n’appartiennent pas aux autres. Notre maison est un lieu où les objets nous sont familiers et dans laquelle nous nous reconnaissons, quelle que soit la distance qui nous en éloigne. L’Europe est notre civilisation, pour nous précieuse et irremplaçable.  

    Notre maison.

    2. L’Europe, dans sa richesse et grandeur, est menacée par une vision fausse qu’elle entretient d’elle-même. Cette fausse Europe se voit comme l’aboutissement de notre civilisation, mais, en réalité, elle s’apprête à confisquer les patries. Elle cautionne une lecture caricaturale de notre histoire, et porte préjudice au passé. Les porte-étendards de cette fausse Europe sont des orphelins volontaires, qui conçoivent leur situation d’apatrides comme une noble prouesse. La fausse Europe se targue d’être le précurseur d’une communauté universelle, qui n’est ni une communauté, ni universelle.  

    Une fausse Europe nous menace.

    3. Les partisans de cette fausse Europe sont envoûtés par les superstitions d’un progrès inévitable. Ils croient que l’Histoire est de leur côté, et cette foi les rend hautains et dédaigneux, incapables de reconnaître les défauts du monde post-national et post-culturel qu’ils sont en train de construire. Dès lors, ils sont ignorants des vraies sources de la décence humaine. Ils ignorent et même répudient les racines chrétiennes de l’Europe. Simultanément, ils prennent bien soin de ne pas froisser les musulmans, censés adopter joyeusement leur perspective laïque et multiculturelle. Noyée dans ses superstitions et son ignorance, aveuglée par des visions utopiques et prétentieuses, cette fausse Europe étouffe toute dissidence – au nom, bien sûr, de la liberté et de la tolérance.  

    La fausse Europe est utopique et tyrannique

    4. Nous entrons dans une voie sans issue. La plus grande menace pour l’avenir de l’Europe n’est ni l’aventurisme de la Russie ni l’immigration musulmane. L’Europe véritable est menacée par l’étau suffocant dont cette fausse Europe nous écrase. Nos nations, et notre culture partagée, se laissent exténuer par des illusions et des aveuglements à propos de ce qu’est l’Europe et ce qu’elle devrait être. Nous prenons l’engagement de résister à cette menace pour notre avenir. Nous défendrons, soutiendrons et nous nous ferons les champions de cette Europe véritable, cette Europe à laquelle en vérité nous appartenons tous.  

    Nous devons protéger l’Europe véritable. 

    5. L’Europe véritable attend et encourage la participation active dans le projet commun de vie politique et culturelle. L’idéal européen est un idéal de solidarité fondé sur le consentement à un corps juridique appliqué à tous, mais limité dans ses exigences. Ce consentement n’a pas toujours pris la forme d’une démocratie représentative. Cependant, nos traditions de fidélité civique, quelles qu’en soient les formes, reflètent un assentiment fondamental à nos fondements culturels. Par le passé, les Européens se sont battus pour rendre nos systèmes politiques plus ouverts à la participation collective, et nous sommes humblement fiers de cette histoire. En dépit des modalités qu’ils ont utilisées, parfois à travers la rébellion générale, ils ont affirmé haut et fort qu’en dépit de leurs injustices et de leurs échecs, les traditions des peuples de ce continent sont les nôtres. Notre vocation réformatrice fait de l’Europe un séjour où l’on recherche toujours plus de justice. Notre esprit de progrès prend racine dans notre amour pour notre terre natale et notre fidélité à son égard.  

    La solidarité et la loyauté civique encouragent la participation active.  

    6. Un esprit européen d’unité nous incite à nous faire confiance dans l’espace public, même quand nous ne nous connaissons pas. Les parcs publics, les places et les larges avenues des villes et métropoles européennes racontent l’esprit politique européen : nous partageons notre vie commune et la res publica. Nous partons du principe qu’il est de notre devoir d’être responsables pour l’avenir de nos sociétés. Nous ne sommes pas des sujets passifs, sous la domination de pouvoirs despotiques, qu’ils soient religieux ou laïques. Nous ne sommes pas non plus couchés devant d’implacables forces de l’Histoire. Etre européen signifie posséder un pouvoir politique et historique. Nous sommes les auteurs de notre destin partagé.  

    Nous ne sommes pas des sujets passifs.  

    7. L’Europe véritable est une communauté de nations. Nous avons nos propres langues, traditions et frontières. Néanmoins, nous avons toujours reconnu une affinité des uns pour les autres, même quand nous étions en désaccords, voire même en guerre. Cette unité-dans-la-diversité nous parait naturelle. Cette affinité est remarquable et précieuse, car elle ne va pas de soi. La forme la plus commune d’unité-dans-la-diversité est l’empire, que les rois guerriers européens ont tenté de recréer après la chute de l’Empire romain. L’attrait d’une forme impériale a perduré, bien que le modèle de l’Etat-nation ait pris le dessus : cette forme politique lie le peuple à la souveraineté. L’Etat-nation dès lors est devenu la caractéristique principale de la civilisation européenne.  

    L’Etat-nation est la marque de fabrique de l’Europe.  

    8. Une communauté nationale s’enorgueillit toujours d’elle-même, a tendance à se vanter de ses prouesses nationales dans tous les domaines, et entre en compétition avec les autres nations, parfois sur le champ de bataille. Les concurrences nationales ont blessé l’Europe, parfois gravement, mais n’ont jamais compromis notre unité culturelle. On peut même constater le contraire. A mesure que les Etats européens s’établissaient distinctement, une identité commune européenne se renforçait. De la terrible boucherie des deux guerres mondiales du XX° siècle, nous sommes sortis encore plus résolus à honorer notre héritage commun. C’est là le témoignage d’une civilisation profondément cosmopolite : nous ne cherchons une unité d’empire forcée ou imposée. Au contraire, le cosmopolitisme européen reconnaît que l’amour patriotique et la loyauté civique débouchent sur un horizon plus large.  

    Nous ne soutenons pas une unité imposée et forcée. 

    9. L’Europe véritable a été façonnée par le Christianisme. L’empire universel spirituel de l’Eglise a conféré une unité culturelle à l’Europe, sans passer par un empire politique. Cela a permis le déploiement de fidélités civiques au sein d’une culture européenne partagée. L’autonomie de ce que nous appelons la société civile est devenue une caractéristique fondamentale de la vie européenne. De plus, l’Evangile chrétien ne nous apporte pas un système de lois d’origine divine. Aussi la diversité des lois séculaires des nations peut-elle être proclamée et honorée sans remettre en cause l’unité européenne. Ce n’est pas un hasard si le déclin de la foi chrétienne en Europe a correspondu aux efforts renouvelés pour étblir une unité politique, un empire de la finance et un empire de normes, arguant de sentiments pseudo-religieux universels, en passe d’être construite par l’Union Européenne. 

    Lire la suite

  • Livres & Voyages • Un regard implacable sur l'Orient, préface de Péroncel-Hugoz à « Terres saintes et profanes » de Jean Raspail

    L'image de la « Fuite en Égypte » est toujours actuelle chez les bédouins de Jordanie.

     

    Par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz

    Notre confrère nous a signalé cette préface qu'il a écrite pour la réédition de Terres saintes et profanes, un très ancien ouvrage de Jean Raspail, afin que les lecteurs de Lafautearousseau aient le privilège de la lire. Mille mercis ! Ce texte est superbe, fourmille de remarques érudites et sages. A l'approche de Noël, cette pérégrination en Terre Sainte et alentours est comme un cadeau de fête.  LFAR   

     

    enclave - Copie 6.jpgEn 1959, jeune moustachu déjà un peu entré dans la force de l'âge, Jean Raspail, écrivain itinérant et sportif, visita au rythme du cheval, en tout cas à l'allure civilisée des voyages d'antan, à la Montaigne, les quatre principales entités formant le Levant, cet Orient asiatique, proche de nous si ce n'est toujours par l'esprit, du moins par la géographie : Liban, Jordanie, Palestine, Israël.

    Le récit issu de cet itinéraire d'apparence classique, destiné d'abord aux auditeurs de Connaissance du Monde, parut en 1960 sous le titre Terres saintes et profa­nes et fut bien accueilli, notamment parmi les amateurs de la « touche Raspail », à la fois virile et littéraire, touche qui avait commencé à se former autour de 1950, lors d’une expédition en canoë, assez risquée, de Québec à la Nouvelle-Orléans, bref 5 000 km aquatiques sur les traces oubliées des explorateurs français de l'Amérindie intérieure.

    La décennie 1950 vit encore cette plume juvénile aller s'aguerrir un peu plus tout au long de la périlleuse liaison automobile Alaska-Patagonie, cette Terre-de-Feu où l'auteur ressusciterait plus tard la chevaleresque figure d'un Français du Périgord qui, vers 1850, voulut être roi des Araucans et des Patagons, pour les sauver d'un géno­cide ; puis Raspail se lança sur les vieilles pistes impériales des Incas, jusqu'au lac Titicaca, à 4 000 mètres d'alti­tude, avant d'aller passer un an, moins aventureusement, encore que..., au sein de la pudique société japonaise, vaincue par les Yanquis mais résistant sourdement, autour du Mikado, par miracle sauvegardé, à une dessé­chante américanisation.

    Druzes contre maronites

    C'est fort de ce joli bagage accumulé loin des sentiers faciles que Jean Raspail aborda ensuite, pour la première fois de sa vie, aux rivages levantins, une terre familière aux Français depuis les Croisades et alors fraîchement marquée par un débarquement états-unien venu, en 1958, pendant que la France était accaparée en Algérie, mettre un terme, hélas ! provisoire, aux tueries de chré­tiens par des musulmans sur les mêmes pentes bi-confessionnelles du Mont-Liban, où Napoléon III, en 1860, avait dépêché ses soldats pour y soustraire déjà aux poignards druzes les maronites survivants, nos alliés sans faille depuis le séjour in situ de Saint Louis. Et après, on nous dira que « l'Histoire ne se répète pas... »

    D'emblée, en Terre sainte, au rocailleux pays natal de Jésus, Jean Raspail ne nous cache pas que, du moins à cette époque de sa vie, sa religion est « tiède », un adjectif qui va loin quand on sait le peu de bien que le Messie pensa des « tièdes », justement... Au moins, nous sommes prévenus : pas de lyrisme mystique mais du parler direct, parfois cru. Ainsi, parmi les Arabes palestiniens qui vivent en 1959 dans une Jérusalem alors d'obédience jordanienne, mais qui passera en 1967 sous une occupa­tion israélienne qui dure encore un demi-siècle plus tard, notre pèlerin laïque pressent « une foule qui nous hait », expression que le futur président Trump reprendra à sa façon en 2016 pour l'ensemble des musulmans face aux Occidentaux...

    L'écrivain voyageur de 1959 n'en ménage pas pour autant ses propres coreligionnaires de diverses Églises qui, sans vergogne, se chamaillent, parfois violemment, sur le site même du Saint-Sépulcre, où Jean Raspail voue carrément aux gémonies les rapaces gardiens franciscains, qu'il va jusqu'à souhaiter voir remplacés par des « portil­lons automatiques », comme en disposait alors le métro parisien...

    L'ombre de Benoist-Méchin

    Dans le « petit désert qui entoure la mer Morte », en­tre Jérusalem et Amman, notre visiteur peu dévot re­trouve sa sérénité, étant subjugué par « ces sables bibliques où on se sent écrasé d'un poids qu'aucun désert au monde ne pourra jamais peser ». Un autre visiteur laïc de choc, Benoist-Méchin, avait éprouvé en ces lieux une similaire impression. Chez Raspail, c'est déjà presque, parfois, les évocations empreintes de mysticisme et de mystère dont il imprégnera ce qui sera plus tard sans doute son récit le plus profondément « religieux », L'Anneau du Pêcheur (1995), sur la succession clandestine supposée, poursui­vie jusqu'au XXe siècle, des papes d'Avignon...

    À l'étape suivante, le Liban (dans la Syrie voisine, ap­partenant alors à l'agressive « République arabe unie » du dictateur égyptien Nasser, Raspail, après un essai, renon­ça à séjourner sous ce régime « xénophobe et franco­phobe », et il élimina donc Damas de son carnet de voyages), notre homme retrouve sa dent dure pour décrire « le caractère souple et fuyant du Libanais que tant d'occupations étrangères ont modelé ». La compas­sion qui reste au fond du cœur malgré tout chrétien du voyageur, refait son apparition dans la Qadicha, gorge profonde de la montagne où vécurent cachés pendant des siècles les chrétiens maronites persécutés par des musulmans.

    Au palais des Mille et une nuits de Beïteddine, dans le massif du Chouf surplombant Beyrouth, l'architecture et l'art de vivre arabes touchent notre Occidental de pas­sage, « malgré les portraits de Nasser qui offensent les façades... » Raspail sait voir et faire voir. Au gigantesque temple antique de Baalbek, dans l'intérieur du Liban, il rappelle ce fait du XIXe siècle, occulté, et pour cause, par la suite, et qui consista en la destruction, heureusement inachevée, à coups d'explosifs de ce monument insigne, à l'initiative de « certains émirs arabes », par pure détestation de ces vestiges du paganisme, exactement comme, à notre époque, certains autres émirs ou chefs de bande mahométans détruisirent les Bouddhas de Banyan en Afghanistan ou les colonnades de Palmyre, en Syrie, redressées durant le Mandat français vers 1930... Bis repetita non placent..

    Amman ci-devant Philadelphie

    Même si Jean Raspail, arrivant au Royaume haché­mite de Jordanie, commence par poser que cet État « n'existe pas » (depuis lors, la fragile monarchie installée par les Anglais s'est imposée à son environnement géographique), c'est pourtant sur cette terre antique glorieuse (Amman s'appela d'abord Philadelphie), déchiquetée ensuite par l'Histoire, que notre auteur écrit ses pages sans doute les plus bienveillantes sur le Proche-Orient. Et cela, en partie grâce à l'accueil plus que courtois que lui réserve le « petit roi » local, Husseïn I", authentique gentilhomme arabe, descendant de Mahomet, frotté d’esprit militaire anglo-saxon (Glubb-Pacha, mythique clef britannique de l'héroïque Légion arabe n'est pas encore très loin), authentique protecteur de ses sujets chrétiens [1], et toujours amical également pour les Français.

    Parmi les documents photographiques de l'ouvrage, il convient de mentionner les clichés dus à Madame Jean Raspail, qui accompagnait son époux durant ce périple oriental ; les portraits, par exemple de Sa Majesté hachémite, en uniforme ou en civil. La plupart des autres illustrations de l'ouvrage ont, après cinq ou six décen­nies, comme les textes, acquis également une valeur, une épaisseur historiques que, par définition, elles ne pou­vaient avoir lors de leur réalisation en 1959. Entre autres photos devenues de véritables documents, on citera les vertigineuses ravines conduisant au château croisé de Beaufort, au Liban sud ; les gros plans sur Capharnaüm ou Baalbek ; le champ des Trente-Deniers de Judas ; les villages des premiers colons israélites édifiés à la place des bourgs palestiniens détruits, etc.

    Cet itinéraire raspailien se termine donc en Israël, en­core dans ses frontières de 1948, bientôt dilatées par les prises de guerre du conflit de Six-Jours, en 1967. Dans l'État hébreu, Raspail commence par noter que les Israé­liens sont « peu enclins à l'humour » (sauf sans doute à l’« humour juif» mais il est généralement à usage in­terne...), peut-être à cause de la précarité de leur cons­truction étatique qui « n'est qu'une tête de pont sur le rivage arabe ».

    Constat qui rend notre impitoyable observateur un peu devin et lui fait prévoir « une prochaine et prévisible guerre israélo-arabe ». Une et même deux : la guerre de Six-Jours, en 1967 ; la guerre du Kippour (ou d'Octobre) en 1973.

    Le dernier mot de Terres saintes et profanes sonne un peu comme un glas, car nous dit Jean Raspail, « il n'y a plus de place en ce monde pour une deuxième Terre promise ». Donc les conflits inutiles vont continuer, ce que la plupart des diplomates et militaires occidentaux savent, mais n'avoueraient à aucun prix, le « déni de réalité » étant devenu la conduite ordinaire de l'ex « Monde libre ». On est en somme déjà là dans le ton du Camp des Saints, livre à venir, en 1973, et où les anten­nes propres à l'écrivain atteindront le niveau d'une pro­phétie à l'échelle du Vieux Continent. Une Europe fatiguée, brocardée, s'autodénigrant et à tous égards incapable de se défendre, démographiquement et militai­rement, contre une vague migratoire sans cesse renouve­lée et rien moins que pacifique...

    Il n'y a pas de contradiction d'un bout à l'autre de l'œuvre de Jean Raspail. Tout s'y relie, tout s'y tient.  

    [1]  Cette heureuse et rare tradition au Proche-Orient perdure sous l'actuel roi Abdallah II de Jordanie, fils et successeur d'Hussein Ier, et elle contraste avec les persécutions dont les chrétiens restent victimes en Égypte, Irak, Syrie, etc.

    IMG 1.jpg

    Terres saintes et profanes de Jean Raspail, préface de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Via romana, 2017, 141 pages, 19 €

  • Société • La meilleure manière de devenir fou ... Nous assistons au triomphe de l’insignifiance

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Dans cette tribune du Journal de Montréal [7.12] Mathieu Bock-Côté admet que notre époque l'exaspère. Nous aussi. Il commence par nuancer cet aveu un rien incorrect. Puis il donne ses raisons. Et ce sont des raisons de fond. Lisez !  LFAR  

     

    501680460.5.jpg

    Si vous me lisez à l’occasion, vous le savez, notre époque m’exaspère.

    Non pas que je rejette en bloc ce qu’elle nous offre. Comme tout le monde, je me réjouis des progrès de la médecine, des transports et des communications.

    Je suis aussi fasciné par la révolution technologique permanente, qui façonne nos existences même si elle s’accompagne d’un reconditionnement sans précédent de nos comportements sociaux qui ressemble à de l’esclavage. 

    Au terme de notre vie, nous aurons passé l’essentiel de notre temps à regarder notre téléphone comme des zombies.

    Instagram

    Mais ne chignons pas : la révolution technologique améliore nos vies. On peut lui dire merci.

    Non, ce qui m’exaspère relève d’un autre registre : c’est la conception de la réussite sociale qui domine les esprits.

    Il y a quelques semaines, j’écoutais Tout le monde en parle. Parmi les invités, trois vedettes Instagram, un garçon et deux filles, qui doivent une bonne partie de leur réussite à leur maîtrise des médias sociaux.

    L’entrevue était réussie. Mais ce qu’elle révélait indirectement de notre société était effrayant.

    On m’a expliqué à plusieurs reprises ces derniers mois le principe d’Instagram. J’ai fini par comprendre. En gros, il s’agit de se mettre en scène de façon permanente, pour exciter la jalousie de ceux qui scrutent notre existence. Instagram pousse à une concurrence sauvage dans la société de l’image.

    Une de mes amies résume cela méchamment : il s’agit de se mettre en scène avantageusement pour que ceux qui nous suivent se sentent minables.

    On glamourise sa vie, on se prend pour la vedette d’un documentaire hollywoodien et on espère faire baver le grand nombre.

    Cette valorisation conjuguée du voyeurisme et de l’exhibitionnisme est dégradante pour l’être humain.

    À toujours se photographier, à toujours prendre la pose, à se soumettre ainsi à la tyrannie de la photo léchée, c’est la possibilité d’habiter le monde intimement, sans toujours se croire sur une scène à jouer son rôle de vedette fière de l’être qu’on sacrifie. C’est à la vie intérieure qu’on renonce.

    Et ce qui m’a bouleversé, c’est lorsqu’on m’a expliqué à quel point la jeune génération est socialisée à travers cet univers mental.

    Camelote

    Comment croire qu’on ne déstructure pas intimement la psychologie des jeunes hommes et des jeunes femmes quand on les soumet à la pression psychologique permanente du vedettariat instantané. On les pousse à la détresse.

    Dans ce monde, il est bien facile de sentir qu’on ne vaut rien.

    On ne sait plus qui admirer. Les grands héros politiques ? Les grands écrivains ? Les grands philosophes ? Les grands scientifiques ?

    On nous offre plutôt de la camelote, du toc, du préfabriqué, de l’insignifiance, du nihilisme.

    Comment se surprendre que, dans ce vide existentiel, les masses soient poussées à se jeter dans les soldes du Vendredi fou et autres niaiseries inventées pour nous convertir à la consommation intégrale ? Ce monde est peut-être luisant. Il n’en est pas moins barbare.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Livres • Des hommes d'ordres

     

    Par Rémi Soulié

     

    R. Soulié.jpgPlusieurs siècles après leur fondation et malgré la sécularisation en cours, ces grands ordres religieux chrétiens que sont les Franciscains, les Dominicains et les Jésuites sont toujours présents.

    Jérôme Cordelier retrace la vie de leurs fondateurs, « mystiques, bâtisseurs et visionnaires » - saint François d'Assise, saint Dominique de Guzmàn, saint Ignace de Loyola (photo) - et relate l'histoire de ces « rocs de la chrétienté », y compris leurs conflits et rivalités politiques ou théologiques.

    Mais il le fait d'une manière inédite, escorté notamment par les écrivains qui, de Bernanos à Sureau en passant par Chesterton et Delteil, ont nourri leur imaginaire et leur pensée de leurs enseignements spirituels.

    Tout autant, le rédacteur en chef du Point mène une « enquête » auprès des hommes qui, aujourd'hui, suivent le Christ dans ces « mouvements », tel le frère franciscain Battite qui, dans sa paroisse marseillaise de La Palud, retrouve Isaïe chaque matin et, avec lui, les « paroles fortes qui incarnent l'espérance chrétienne pour laquelle se battent les fils de François, Dominique et Ignace ». Un ouvrage précieux.  

    AU NOM DE DIEU ET DES HOMMES, de Jérôme Cordelier, Fayard, 380 p., 19 €.

    Rémi Soulié est essayiste et critique littéraire.

    Lire aussi ...

    Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages, 21€ 

    Figaro magazine du 8.12.2017

  • Histoire & Actualité • Etonnant ! « La rébellion cachée », un film sur le génocide vendéen diffusé à l’Assemblée nationale

     

    Qui aurait pu imaginer un seul instant ce qui s’est passé, jeudi 14 décembre 2017 dans un bâtiment de l’Assemblée nationale ?  On le verra en regardant, en diffusant même, cette vidéo.

    Incroyable ! « La rébellion cachée », un film sur le génocide vendéen diffusé à l’Assemblée nationale from Reinformation.tv on Vimeo. 

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgReconnaissance des crimes de la Révolution, du génocide commis en Vendée par la Convention, des horreurs vécues par nos ancêtres sous la Terreur, récompense du travail des historiens, réparation d'une ou plusieurs injustices, tout cela est bien. Tout cela est surtout significatif de cet effort de reconquête intellectuelle et culturelle accompli par nombre d'auteurs et de penseurs ces dernières années au sein de notre famille d'esprit. Que la République se soit fondée en inventant, comme le montre Patrick Buisson, un terrorisme d'Etat nous renseigne surtout sur notre aujourd'hui, où s'exerce dans la même ligne, sous des formes certes moins violentes mais tout aussi destructrices, tout aussi efficaces et, en un sens, tout aussi totalitaires, est ce qui nous importe le plus de savoir. Prendre conscience de cette filiation entre hier et aujourd'hui, la révéler à nos concitoyens c'est cela qui est fécond et qui est important. La Révolution matrice des totalitarismes modernes, c'est ce dont nous aurons à nous souvenir le 21 janvier en commémorant l'exécution du roi Louis XVI.   Lafautearousseau

     

    Reportage à l’Assemblée nationale d’Armel Joubert des Ouches

    Qui aurait pu imaginer un seul instant ce qui s’est passé, jeudi 14 décembre 2017 dans un bâtiment de l’Assemblée nationale ? Certainement pas les écrivains, les historiens, les amoureux de la vérité qui, depuis des décennies, cherchent à faire reconnaître publiquement les crimes commis par l’Etat lors de la révolution dite « française » de 1789, Reynald Secher en tête. Jeudi dernier, c’est donc « La rébellion cachée », le film-documentaire du réalisateur franco-américain Daniel Rabourdin qui a été diffusé à l’Assemblée. Une projection devant une petite quarantaine de personnes. Dans l’assistance, Guillaume de Thieulloy, le directeur du Salon beige, les assistants parlementaires des députés Marie-France Lorho et Emmanuelle Ménard, Philippine Rambaud et Charles de Meyer, des amis. Et c’est sous l’impulsion de ses deux députés que la chose a été rendue possible.

    L’Etat va-t-il enfin reconnaître ses crimes ?

    « La rébellion cachée », le film courageux et très touchant de Daniel Rabourdin, révèle, en une heure et quart, l’histoire d’un massacre de grande dimension. Le massacre de plus de 150.000 Français, en 1794, de paysans, d’ouvriers, de prêtres, de religieuses, des amoureux de la monarchie. Ils étaient Vendéens mais aussi Bretons. Mais les massacres ne se sont pas cantonnés à la seule région ouest de la France. Les républicains commirent des atrocités dans les régions de Lyon, Marseille et Paris. C’est donc ce film, ignoré des grands médias et de la classe politique dans sa presque totalité, qui fut diffusé dans une des salles de l’Assemblée nationale. Incroyable quand on sait que c’est la Convention, l’ancêtre de l’Assemblée nationale, qui décida de l’extermination des Vendéens parce qu’ils se battaient pour défendre leur Roi mais aussi leur foi ! Les preuves matérielles existent. Il suffit juste de les reconnaître…

    Une injustice considérable

    Si ce serait un miracle que l’actuelle législature reconnaisse enfin les crimes commis par ceux-là mêmes qui ont voté l’extermination sur cette terre chrétienne qu’était la Vendée, la diffusion d’un film sur le génocide pourrait être un premier pas. Car depuis plus de 220 ans, l’injustice envers les victimes défuntes et ceux qui ont contribué à l’exhumation de cette page de l’histoire de France est considérable. Reynald Secher est l’une d’elles. L’historien et écrivain breton – il est docteur d'État ès lettres et sciences humaines – est le spécialiste français des guerres de Vendée. Auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, il fut aussi victime d’un complot manifeste visant à le discréditer et surtout à le priver de sa chaire à l’université. Son combat très courageux qui a démarré il y a plus de 25 ans contre un déni d’Etat, sera peut-être un jour enfin récompensé.   

  • Spectacle • Gaspard Proust, un moderne antimoderne

     

    Par Jean-Christophe Buisson

     

    3658649930.jpgQuel artiste, en 20I7 peut se targuer de remplir tous les soirs une salle de 800 places en se contentant, pour toute promotion, de quelques affiches aussi sobres que rares ?

    Un seul : Gaspard Proust. Sur son seul nom (et prénom), cet homme au mauvais esprit revendiqué affiche quasi complet au Théâtre Antoine jusqu'à la fin de l'année.

    On se presse pour venir entendre, supporter et applaudir ses saillies contre les bien-pensants, les commentateurs politiques gonflés d'orgueil, les féministes hystériques, les savants fous et leurs thuriféraires, les progressistes sourds et aveugles, les complices objectifs de Daech, les obsédés de la modernité, Anne Hidalgo... Dans son Nouveau Spectacle, il a ôté beaucoup de politique (merci la vague dégagiste du printemps dernier) au profit heureux d'une véritable réflexion philosophique et anthropologique sur notre société.

    Entre deux rafales de formules drôles, cruelles, hilarantes, embarrassantes, il développe une vision du monde aussi noire que son humour. Héritier incontestable de Desproges et de Muray, il se montre de plus en plus houellebecquien (de belles dents et une énergie comique en plus). Est-il un faux pessimiste ? Un décadentiste joyeux ? Un nihiliste conservateur ? Bref, un oxymore sur jambes ? Seule certitude : il est le plus cultivé, le plus littéraire et sans doute le plus intelligent de ceux qui font office de divertir. La preuve : il ne parle pas aux journalistes.  

    Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l'émission hebdomadaire Historiquement show4 et l'émission bimestrielle L'Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d'une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l'émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l'année qui a changé le monde, vient de paraître aux éditions Perrin.

    XVMe6d08b2a-67e2-11e7-a217-4e3a6d45d0e7-200x240.jpg

    1917, l'année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d'illustrations, 24,90 €.

  • Cinéma • Le Musée des Merveilles

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Le Musée des Merveilles, un drame américain de Todd Haynes, avec Oakes Fegley et Millicent Simmonds 

    « Vous devriez savoir qu’il est extrêmement dangereux de téléphoner pendant un orage… »

    Malheureusement pour lui, Ben ne connaît sans doute pas le Capitaine Haddock et ne l’a pas vu suspendu dans son lustre en cristal au début de L’Affaire Tournesol !

    C’est en effet le monde du silence, du cinéma muet dans lequel s’agitent les populations (oh combien changées !) de New-York en 1927 et 1977, sans que parviennent à nos oreilles les rumeurs et le bruit de la ville. Mais ce film n’est pas pour autant merveilleux, et je déplore de devoir « bémoliser » ainsi les critiques louangeuses lues et entendues, même s’il vaut mieux les entendre que d’être sourd.

    A mon grand regret, l’Alice que j’étais en entrant dans la salle n’a pas été émerveillée et est ressortie déçue, considérant le titre presque mensonger. L’histoire est relativement absurde - on peut même dire précisément qu’elle dépasse l’entendement -  et surtout elle est compliquée à telle enseigne que le réalisateur est  tenu de l’expliquer dans une scène finale en faisant lire un papier par l’une des protagonistes. Quant au musée, il est sans doute très beau mais sa visite est rapide.

    j’ai lu que ce film  est « à voir en famille dès 7, 8 ans ». Révérence gardée, je pense que ce film de 2 heures est trop long pour des enfants, et incompréhensible à  « 7, 8 ans » ; en outre il ne faudrait pas donner l’impression de cautionner les fugues. J’engagerais, pour ma part, les parents à commencer par voir ce film eux-mêmes avant d’y envoyer leurs enfants. A bon entendeur, salut.  

  • Fondamentaux d'Action Française • L’économisme

     

    par Stéphane BLANCHONNET

    Un article de Stéphane BLANCHONNET paru dans à-rebours.fr et dans L'AF2000. Et un article parmi plusieurs autres qui rappellent utilement les fondamentaux de la politique d'Action française.  LFAR

     

    808380602.jpg

    Dans la pensée antique, la distinction entre l'ordre de la politique (de polis, la cité) et l'ordre de l'économie (de oikos, la maison) est très nette, ainsi que la subordination de celui-ci à celui-là.

    C'est que, selon la formule d'Aristote, la politique est non seulement architectonique par rapport à l'éthique (sans la cité pour protéger les personnes, pas de vie morale) mais également par rapport à l'économie (pas de production et d'échanges sans ordre, sans paix et sans loi).

    À l'époque moderne, les valeurs semblent s'être inversées : les premiers économistes libéraux comme leurs premiers contradicteurs socialistes (Marx notamment) ont accordé la première place à l'économie ; la politique n'étant à leurs yeux qu'une superstructure exprimant sous une forme différente des rapports foncièrement économiques. Les crises régulières du capitalisme (crises financières, crises de surproduction, guerres, accroissement inédit des inégalités, même dans l'abondance) et l'échec patent du communisme du côté du socialisme, n'ont hélas pas mis un terme à cette croyance dans notre post-modernité. La "gouvernance" des taux (de croissance, de chômage etc) dont le modèle est la gestion d'entreprise a en effet pris le pas sur le gouvernement des hommes.

    On reproche parfois aux royalistes de ne pas avoir de programme économique. C'est un mauvais procès. Ils n'ont tout simplement pas de dogmes en la matière ! À l'égard des thèses libérales ou socialistes ils sont agnostiques et font leur miel de tout. S'il leur fallait choisir un maître en la matière, ce ne serait pas un théoricien de l'économie mais un praticien. Plutôt que d'adhérer au credo de Smith, de Ricardo ou de Marx, ils regardent du côté de Colbert, dont l'action a consisté à soutenir, protéger, faciliter, le travail des acteurs économiques sans se substituer à eux systématiquement et dans un but très simple et pas du tout idéologique : enrichir l'État par la prospérité économique et lui permettre de mener à bien ses fins propres, qui sont extra ou meta économiques.  

    Repris de A Rebours et de lAF2000

    Voir aussi ...

    La monarchie  -  Le nationalisme intégral  -  Le Quadrilatère maurrassien  -  La Monarchie que nous voulons  -  Le « coup de force »  -  La civilisation  -  L'AF et l'Eglise  -  Politique d'abord !

    A lire dans Lafautearousseau ...

    Pas de dogmatisme en matière économique ! Plus de relâchement en matière de Défense et de souveraineté !

  • Famille de France • Prince Jean : Recommandation de lecture à l'approche de Noël ... et un beau symbole !

    Chênes de la forêt du Nouvion  

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpg« L’homme qui plantait des arbres »

    Il y a quelques semaines, le magazine « Le Point » sortait un dossier « Les surprenants bienfaits des arbres : vertus médicales de la sylvothérapie, intelligence des forêts, action décisive sur l’environnement ; les scientifiques font chaque jour de formidables découvertes sur ces amis qui nous veulent du bien ».
     
    Dans le même registre, Peter Wohllenben publiait récemment un livre « La vie secrète des arbres : ce qu’ils ressentent, comment ils communiquent, un monde inconnu s’ouvre à nous ». 
     
    À Boulogne Billancourt, était organisé le 12 décembre dernier « Le Sommet Une Planète » (en français dans le texte). Il réunissait pays, organisations, industries, financiers. Le président de la République, à l’initiative de ce sommet, s’exprimait à propos du réchauffement et du changement climatique : « on est en train de perdre une bataille, on ne va pas assez vite et c’est ça le drame ». Outre que ce sommet avait lieu autour de Paris, une ville avec une pollution au plus haut depuis 10 ans (un taux causé par une mauvaise météo et une utilisation trop importante des voitures) et qu’il a causé des embouteillages records (en plus de la grève du RER) avec près de 550 kilomètres de bouchons, la déclaration du président de la République m’a semblé décalée, car par principe le climat est changeant et notre planète à déjà connu des réchauffements.
     
    Cela dit, il est important de nous discipliner autant que possible dans nos actes pour respecter la création (pour moi qui suis chrétien) tout en mettant en place des règles de vie communes. Cela commence par un certain bon sens, censé être « la chose du monde la mieux partagée » (Descartes). On est loin de l’idéologie qui anime souvent ces sommets planétaires. La forêt fait justement partie de ce bon sens, restant une des sources principales d’enrichissement de l’atmosphère en oxygène, condition indispensable à toute vie sur la terre, et d’absorption de gaz carbonique.
     
    Je ne peux donc que vous recommander de lire ce petit livre de Jean Giono L’homme qui plantait des arbres. Ce peut être un joli cadeau de Noël ; il existe une belle édition chez Gallimard et il n’est pas très épais. En plus d’être un grand auteur de la nature humaine, Jean Giono vous fera aimer les arbres.    

     

    Jean de France, duc de Vendôme
    Domaine Royal de Dreux le 15 décembre 2017

    Le site officiel du Prince Jean de France

    1-Un-Guisard-chêne-5-fois-centenaire-de-la-forêt-du-Nouvion-225x300.jpg

    Un Guisard, chêne 5 fois centenaire de la forêt du Nouvion

  • Société • Le consumérisme qui dégrade tout

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Cette tribune de Mathieu Bock-Côté sur son blogue du Journal de Montréal [14.12] est émouvante parce qu'elle pointe la dégradation de Noël en fête consumériste que l'argent vient souiller. LFAR  

     

    501680460.5.jpg

    Noël s’en vient. Dans dix jours, on se préparera pour le réveillon.

    C’est une belle fête, peut-être la plus belle qui soit, qui nous connecte aux origines de notre civilisation. Elles nous sont rappelées par des chants populaires racontant l’histoire de l’humanité sauvée à partir d’une étable à Bethléem.

    C’est aussi la fête de douce mélancolie, quand on avance en âge, à la fois parce qu’on a le souvenir de l’enfance émerveillée, mais aussi parce qu’on voit disparaître peu à peu ceux qui, depuis toujours, étaient associés aux réjouissances familiales. 

    Noël

    Et pourtant, cette belle fête s’accompagne chaque année d’un certain malaise devant son recyclage consumériste. 

    La publicité massive, qui est une forme d’agression psychologique à temps plein contre ceux qui la subissent, en est le symptôme.

    Son message est simple à décoder : Noël ne doit pas être qu’un banquet, mais une orgie consommatrice. C’est ainsi, apparemment, que l’on comblera nos proches, qu’on leur démontrera notre amour.

    On nous dira que ce malaise est désormais convenu. Que c’est même la posture que se donnent les moralisateurs d’aujourd’hui pour faire la leçon à ceux qui savent jouir de la vie.

    N’y a-t-il pas grand bonheur à donner et recevoir ? Cela va de soi et personne n’est vraiment nostalgique des bas de Noël où on trouvait une orange et un soldat de bois.

    L’abondance n’est pas une malédiction et on ne gâchera pas son bonheur de voir le regard émerveillé d’un être aimé à qui on parvient vraiment à faire plaisir.

    Mais l’enjeu n’est pas là. Il se trouve plutôt dans la réduction du bonheur à la consommation compulsive qui nous pousse comme des automates dans les magasins comme si nous étions condamnés à nous y retrouver en troupeau.

    Souvent, on cherche moins le cadeau qui touchera le cœur qu’on décide de les accumuler, de peur de décevoir s’ils ne sont pas assez nombreux, de peur de passer soi-même pour insuffisamment généreux.

    C’est à ce moment qu’on comprend à quel point le capitalisme domine nos consciences.

    Une civilisation digne de ce nom, loin de se soumettre à l’injonction publicitaire, nous apprend à y résister.

    Voyons plus largement. Combien sont-ils à chercher à remplir leur vide existentiel en se soumettant au principe de l’achat à répétition ? Combien en sont venus à se jeter dans la consommation en espérant trouver là le sens qui manque à leur vie ?

    Donner

    Il nous faudrait réapprendre à vivre autrement. Les plaisirs de la table, de la balade, de la lecture, du silence, de la musique, du sport ne sont certainement pas gratuits : ils sont néanmoins d’une autre nature que la consommation programmée.

    Les fêtes de Noël nous ouvrent à la part la plus noble et lumineuse de l’âme humaine : le plaisir de donner, de semer le bonheur autour de soi. Il serait bien que cette part ne soit pas dénaturée par l’argent qui, mal utilisé, peut tout souiller.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).