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Du 15 mars au 30 juin 2018, le cabinet des Livres du château de Chantilly accueillera l’exposition « America ! La Maison d’Orléans et les États-Unis (1778-1895) ».
Cette exposition documentera les liens très forts qui ont existé, sur quatre générations, entre l’une des principales dynasties européennes et la patrie de Washington depuis la guerre d’indépendance jusqu’aux lendemains de la guerre de Sécession.
Parmi les documents exposés, en provenance de Chantilly, de Cornell University, du musée de Blérancourt, de la Fondation de Chambrun/La Fayette (La Grange), et de la Fondation Saint Louis/Archives nationales, on trouvera notamment : deux pamphlets contre le duc de Chartres minimisant et ridiculisant son rôle dans le combat d’Ouessant (1778), les carnets de voyage aux États-Unis du jeune Louis-Philippe, ainsi que son portrait par un de ses frères, réalisé à Philadelphie en 1797, une carte des États-Unis offerte en 1807 par Louis-Philippe, duc d’Orléans, à son futur aide-de-camp Rohan-Chabot, qui l’annota lors de son séjour dans la région de Grands lacs, une lettre du duc d’Aumale (mars 1848) dans laquelle il déclare « Je serai probablement citoyen américain… je défricherai et vivrai de mon travail », son exemplaire de « La Case de l’oncle Tom » (by the little woman who started the great war, selon la phrase de Lincoln), les aquarelles du prince de Joinville et les photographies du comte de Paris relatives à la guerre civile américaine (1861-1865), divers documents relatifs à l’édition américaine de l’ouvrage du comte de Paris « The History of the Civil War in America » et une photographie du comte de Paris à Gettysburg, prise en 1890 et illustrant l’avènement du « tourisme de champ de bataille ». •(Source : Domaine de Chantilly)
Le Lion est mort ce soir,une comédie dramatique française de Nobuhiro Suwa, avec Jean-Pierre Léaud et Pauline Etienne.
Quoniam nominor Leo.
Certes il s'appelle Léaud , mais seulement Jean dans le film ; certes, il y a la dernière image ; il n'en reste pas moins que le Lion et la chanson, dans le scénario et dans le titre, apparaissent comme tirés par la crinière, et Dominique Bourcier a bien raison dans Présent de dire l’ « allure de cabotin » de l'acteur.
« et la raison,
C’est que je m'appelle lion :
À cela l’on n'a rien à dire ».
Alors, où se situe l'intérêt du film ?
Dans le décor, et ce fut une surprise, quasi « divine », venant de ce réalisateur japonais !
Au bout de quelques minutes, nous voilà dans le port de La Ciotat avec son ancienne mairie, son quai, ses bateaux...
Tandis qu’il y a quelques mois L’Atelier a fait sa pub sur la ville que l’on ne voyait pourtant que furtivement, ce long-métrage nous y promène, dans la rue des Poilus où Jean fait ses courses chez notre marchand habituel (5 fruits et légumes par jour), devant la fontaine de la place Sadi Carnot, et encore dans de nombreuses autres petites rues comme Fougasse ou Gueymard,..
Le clou du spectacle enfin, la Villa d’Arcy où se joue le principal de l’action, et dans laquelle nous avons des souvenirs pour être allé enfant, adolescent et même il y a quelques années. Elle a d’ailleurs déjà été mise en scène, mais beaucoup plus brièvement, pour un téléfilm de 1990, Trahie.
Michel Simon, en son temps, avait aussi une villa à La Ciotat, et je me rappelle, petit, l’avoir vu en ville… Il avait, comme Jean-Pierre Léaud, le physique de l’emploi, et je l’imagine très bien dans ce film en tenir le rôle… mais ce Lion-là est bien mort… Est-ce pour cela que La Ciotat fait partie des soixante communes en France dont un maire, stupide, a signé un arrêté interdisant les représentations de cirque avec des animaux sauvages ?
Curieux qu’il ait autorisé le tournage de ce film ! •
Fabrice Hadjadj publie un recueil de chroniques où il mêle des réflexions inspirées de la vie quotidienne sur le sexe, la religion, la technique et le travail. Entre Houellebecq et Chesterton, il nous livre une profonde critique de l'époque ... Ces réflexions sont importantes et ne sont pas à prendre à la légère. Elle traitent de l'essentiel, de l'avenir de notre société et des personnes qui lui appartiennent par la naissance et par la tradition. Nous publions ces réponses de Fabrice Hadjadj à Eugénie Bastié [Figarovox, 21.12.2017] comme une suite, en plusieurs journées. Lafautearousseau
Vous terminez votre recueil par un «conte de Noël». À l'heure où la consommation a pris le pas sur le rite, quel sens peut encore avoir cette fête chrétienne ?
Nous en arrivons à la consommation des siècles. Notre système est très fragile. La collapsologie est devenue une science très en vogue. La dinde aux marrons peut grossir jusqu'à nous boucher la vue, le fait est là : la pie-grièche à ventre rose disparaît du territoire français. Nous n'en sommes qu'au début de la disparition des espèces et des énormes flux migratoires consécutifs au réchauffement climatique.
Le black-out n'est pas loin qui éteindra toutes les illuminations des artères commerciales : heureux ceux qui auront encore des bougies ! Quant aux cyborgs, qu'on nous présente comme des immortels, ils ne trouveront plus à recharger leurs prothèses ou à changer leurs pièces, et ils tomberont en panne.
En fait, je ne suis ni décliniste ni progressiste. Je suis très simplement apocalyptique. Nous sommes les premières générations à être assurées non seulement que « les civilisations sont mortelles », comme disait Valéry, mais que l'espèce humaine est vouée à l'extinction - à plus ou moins long terme.
Quel est le sens de cette certitude ? Et pourquoi continuer, dès lors, avec l'aventure humaine ? Il faudra bien, une fois que les écrans ne s'allumeront plus, que l'on se pose pour de bon la question. Alors on apercevra peut-être l'étoile au-dessus de l'étable de Bethléem: ce bébé juif qui paraît au milieu de la nuit, entre sa mère, son père, le bœuf et l'âne, l'adoration des bergers et des rois, c'est l'Éternel qui nous dit qu'il est bon d'être humain, d'avoir un corps, de travailler de ses mains, de parler du ciel à travers les simples choses de la terre, et que même si le monde devait disparaître demain - la figure de ce monde passe, dit saint Paul - il faudrait encore tenir notre poste, planter des arbres, élever des enfants, leur transmettre la poésie de la louange et de la supplication. Ce mystère de l'Incarnation sera le dernier rempart contre le transhumanisme, l'islamisme, l'animalisme, le spiritualisme et toutes les autres formes contemporaines de la désespérance. • Suite et fin.
Directeur de l'université Philantropos. Il publie « Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi)», Taillandier, 352 p., 18,90 €.
Fabrice Hadjadj publie un recueil de chroniques où il mêle des réflexions inspirées de la vie quotidienne sur le sexe, la religion, la technique et le travail. Entre Houellebecq et Chesterton, il nous livre une profonde critique de l'époque ... Ces réflexions sont importantes et ne sont pas à prendre à la légère. Elle traitent de l'essentiel, de l'avenir de notre société et des personnes qui lui appartiennent par la naissance et par la tradition. Nous publions ces réponses de Fabrice Hadjadj à Eugénie Bastié [Figarovox, 21.12.2017] comme une suite, en plusieurs journées. Lafautearousseau
Vous êtes un grand défenseur de la différence des sexes. À l'heure où le désir est soit criminalisé par un féminisme puritain soit caricaturé par l'univers marchand, quel regard portez-vous sur les relations hommes-femmes ?
Là encore, je ne suis pas un défenseur des sexes, je remarque simplement que j'en ai un, assez capricieux, d'ailleurs, et qui n'est pas l'autre. Si seulement nous étions encore dans la guerre des sexes, genre Lysistrata ! Mais non, ce qui se joue à cette heure c'est la concurrence victimaire et le contentieux contractuel. Je m'explique. Nous devons dénoncer le harcèlement, le viol et rendre justice, mais le mode de dénonciation qui est en cours a des soubassements néo-libéraux, qui n'ont rien à voir avec les sexes. On veut dénier l'obscurité du désir, on prétend que toutes les relations devraient se dérouler comme le contrat passé entre deux agents rationnels dont les intentions sont parfaitement transparentes. Pour éviter toute accusation éventuelle, les maris auront la prudence d'obtenir un consentement signé de leur épouse, et éventuellement de la payer pour son « travail émotionnel ». Mais ça ne marche pas comme ça. Et même ça ne marche jamais. La polarité sexuelle ne pourra jamais être réduite à un marché passé entre deux contractants. Emmanuel Lévinas disait qu'elle contenait toujours une part d'adoration et de profanation. Il faut donc lutter - d'abord en soi-même - contre la violence faite aux femmes, mais il faut aussi admettre que le désir qui pousse un homme vers une femme - et réciproquement - n'a rien à voir avec la fiction de l'agent rationnel telle que l'invente la théorie économique moderne.
Dans l'une de vos chroniques, vous faites un lien entre terrorisme et technocapitalisme… Selon vous, la propagation de l'idéologie djihadiste trouve un terreau favorable dans la mondialisation spectaculaire et marchande ?
L'affrontement entre consumérisme et islamisme n'est que superficiel: c'est la même forma mentis ; dans les deux cas, il s'agit d'atteindre le paradis en appuyant sur des boutons. Daech n'a rien d'un retour des prétendues ténèbres médiévales. C'est un mouvement postmoderne, constitué par des individus déracinés, qui se recrutent par Internet, qui font des selfies avec kalachnikov et des vidéos d'égorgement dans des mises en scène de série télévisée, enfin qui subsistent grâce aux pétrodollars. Leur « Dieu » ne s'est pas fait chair. Il n'est ni charpentier ni talmudiste - ce qui leur aurait donné, avec le sens du concret, un certain sens de l'humour. Le djihadisme est peut-être une réaction au vide occidental, à son absence de sens ou de transcendance, mais c'est aussi une extension de ce vide, une perte radicale de la terre, de la culture et de l'histoire. • A suivre ...
Directeur de l'université Philantropos. Il publie « Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi)», Taillandier, 352 p., 18,90 €.
Avec son récent opus sur les chrétiens orientaux, notre consoeur de la presse catholique, Annie Laurent, nous donne une clé à la fois historique et contemporaine pour embrasser l'ensemble de la question de la Chrétienté orientale, à un moment où, sauf en Egypte, avec le bloc de 10 millions de Coptes, se pose tragiquement la question de l'avenir sur place, surtout en Syrie et en Irak.
Déjà en Turquie, la Chrétienté, naguère diverse et consistante, ne comporte plus qu'une poignée de fidèles, après tueries, expulsions, prévarications et autres exactions. Au mépris de tous ses engagements, Ankara, à ce jour, interdit toujours la ré-ouverture du séminaire grec-orthodoxe de l'archipel stambouliote des Princes.
COMPASSION SANS PASSION
Forte de son expérience de terrain au Levant, auteur déjà de plusieurs ouvrages sur le lancinant face-à-face Islam/Occident, Annie Laurent nous conduit avec compassion mais sans passion à la découverte du drame politico-humain qui se joue à nos portes. Les Français férus d'Histoire constateront avec nostalgie que les promesses de protection délivrée au cours des siècles aux Catholiques d'Orient par Saint-Louis, Anne d'Autriche, Napoléon III et de Gaulle ne sont plus tenues, sauf au niveau « individuel » par des associations comme SOS Chrétiens d'Orient.
Impossible, en refermant le fort volume d'Annie Laurent, de ne pas regretter que n'ait pas été appliqué le vieux projet français du XIXème siècle de transporter vers nous (à l'époque on pensait surtout à l'Algérie française) quelques millions de chrétiens orientaux, notamment des catholiques comme les Maronites du Liban. Au lieu de cet appel à nos co-religionnaires, nous avons préféré laisser entrer à tout-va, chez nous, des millions de musulmans, notamment des Algériens qui venaient de refuser de rester français...
Il y a aujourd'hui dix ou douze millions de mahométans dans l'Hexagone, soit autant que de chrétiens, toutes variétés confondues, dans tout l'Orient arabe... •
Annie Laurent, Les chrétiens d'Orient vont-ils disparaître ? Une vocation pour toujours, Salvator, 2017, 22 €
* Péroncel-Hugoz est notamment l'auteur d'Une croix sur le Liban, 1984, Gallimard Folio-Actuel.
Pourquoi recommander la lecture d'un essai sur la démocratie : la piraterie dans l'âme de J.P/ Curnier (Edition Lignes, 2017) ?
C'est pour procéder à un bel exercice d'hygiène mentale afin d'échapper au formatage officiel de la pensée.
En effet le chapitre d'ouverture qui s'intitule : « ce que nous appelons la démocratie » comporte d'emblée une succession de questions pertinentes générées par le malaise ressenti face à l'écart considérable entre l'idéal qui sous-tend le mot « démocratie » et les différentes formes de réalité politique :
- A quoi attribuer l'inexistence d'interrogations sur la forme d'organisation que suppose la démocratie ?
- A quoi sert réellement la démocratie ? alors qu'elle ne s'est jamais présentée comme une réponse pratique aux problèmes qui se posent à l'humanité et que l'efficacité n'est pas ce qui la caractérise le plus.
Un début de réponse apparait si l'on considère que la démocratisation correspond à un ensemble de concessions destinées au maintien d'un minimum de paix sociale afin de ne pas entraver l'entretien d'une domination de quelques-uns. L'accord semble unanime sur l'inspiration morale de la démocratie,et cependant rien n'empêche de vouloir l'imposer par les armes. Pour s'autoriser à parler de démocratie,il suffit de constater l'existence de 3 facteurs fondamentaux :
- disposer de médias dits « libres » (la question de leurs propriétaires et de leurs intérêts propres est toujours soigneusement occultée),
- entretenir une totale liberté de choix et de facilités financières pour permettre une consommation débridée (les systèmes de crédit si préjudiciables à la pensée),
- mettre en place des élections intronisant des"professionnels de l'administration d'un état inchangé des choses (miroir aux alouettes du suffrage universel).
La cohésion sociale, autrement dit la réduction de la fracture sociale, tient à la nécessité de produire toujours plus de richesses pour asseoir l'illusion de liberté et d'égalité proclamées.
La pression économique habille la démocratie et l'obligation de croissance est son talon d'Achille.
Une donnée importante est généralement passée sous silence : Il s'agit du profond hiatus entre la vie politique « démocratique » et les règles antidémocratiques de la vie au travail.
Un chapitre est consacré à la démocratie athénienne pour montrer qu'elle n'est qu'un mythe moderne En réalité c'était une forme d'oligarchie composée d'élites dont le fonctionnement s'appuyait sur l'esclavage et la prédation.
Alors pas de démocratie parfaite ?
Si, la piraterie du XVIIe au XVIIIe. J.P. Curnier établit, citations à l'appui, que les codes, les règles, le fonctionnement des compagnies de pirates en font une société légaliste et égalitaire,où la démocratie repose sur l'égalité dans le travail ainsi que sur « l'autorité de la compétence ».
La démocratie aurait-elle la piraterie dans l'âme ?
Difficile de me livrer à cet exercice de distinguer trois films parmi les 111 que j’ai vus en 2017 !
Tout choix est un renoncement, et les critères diffèrent qui font discriminer telle ou telle réalisation.
La capacité de choisir le bien étant l’essence même de la liberté, mes Césars personnels iront aux suivants :
1. Silence, de Martin Scorcèse, sur l’évangélisation du Japon au XVIIe siècle, qui pose précisément le problème de la liberté de celui que l’on torture par victimes interposées ;
2. Le Procès du siècle, de Mick Jackson, sur le procès d’un révisionniste, qui après Katyn, brise le tabou des vérités imposées par le Procès de Nuremberg ;*
3. La Passion Van Gogh, de Dorota Kobiela et Hugh Welchman, pour l’originalité de l’animation qui met en scène les peintures de l’artiste.
Pour alimenter votre « best of », je vous communique aussi ci-dessous les choix de trois critiques de Perles de culture sur TV Liberté :
En numéro 3 : Blade runner 2049 ou Get out (que je n’ai pas vus) et The Square
En numéro 2 : La Promesse de l’aube, Dunkerque et L’École buissonnière
En numéro 1 : unanimité sur Au revoir là-haut
Anne Brassié rappelle enfin les films à voir en famille, de production ou distribution SAJE :
Little boy
Dieu n’est pas mort
Saint Ignace
La Rébellion cachée (docu film de Daniel Rabourdin sur le « génocide vendéen »)
Je n’ai vu aucun de ces quatre films, mais j’y ajoute L’Étoile de Noël
Je termine en indiquant que personnellement, je ne considère pas 2017 comme un mauvais millésime avec près d’1/3 des films dont j’ai pu dire qu’il aurait été « dommage de ne pas le voir », ou « une excellente soirée » ou un « très bon film ».
Espérons qu’il en sera de même en 2018, qui commence déjà bien.
En vous rappelant le blog Je ciné mate que je viens de créer, et en remerciant ceux qui m’envoient parfois des commentaires, que je lis toujours avec beaucoup d’intérêt, ou des recommandations de films à voir ou à éviter, je vous souhaite bien évidemment une bonne année cinématographique. •
Fabrice Hadjadj publie un recueil de chroniques où il mêle des réflexions inspirées de la vie quotidienne sur le sexe, la religion, la technique et le travail. Entre Houellebecq et Chesterton, il nous livre une profonde critique de l'époque ... Ces réflexions sont importantes et ne sont pas à prendre à la légère. Elle traitent de l'essentiel, de l'avenir de notre société et des personnes qui lui appartiennent par la naissance et par la tradition. Nous publions ces réponses de Fabrice Hadjadj à Eugénie Bastié [Figarovox, 21.12.2017] comme une suite, en plusieurs journées. Lafautearousseau
Vous prônez le retour à une vie simple, le goût du foyer et de la décroissance. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de vouloir retourner à la bougie ou de vivre comme un amish ?
J'aime bien les amish, je l'avoue. J'ai la naïveté de penser que cultiver la terre, se déplacer à cheval et lire la Bible en famille est tout de même mieux que de faire du trading haute fréquence, prendre le RER et consommer du . Cependant, je ne prône aucun « retour ». Je ne veux pas déserter mon poste. Si la providence m'a fait naître à cette époque, c'est pour faire avec. Marx a très bien montré que les « robinsonnades » étaient complices de la logique capitaliste : on prétend retourner à la nature, refaire le monde avec quelques vieux outils sur une île déserte, mais par là on ignore que l'homme est par nature l'héritier d'une histoire, et l'on renforce le fantasme du self-made-man.
Alors la vie simple, oui, bien sûr, qui ne voudrait d'une vie simple, au fond ? Mais on n'y arrive pas sans drame. Ni sans composition - sans modus vivendi. Mon ton est d'ailleurs moins prescriptif que descriptif. Je ne crie pas : « Vive la décroissance ! »
J'observe seulement que la consommation des marchandises nous a fait perdre la pratique des choses. S'il fallait me rapprocher de certains courants politiques, j'évoquerais le mouvement Arts and Crafts de William Morris, et plus encore le distributisme de Chesterton (tous deux admirés par Houellebecq, du reste). À égale distance du socialisme et du capitalisme, et de leurs monopoles d'État ou de multinationale, ils préconisaient non pas une meilleure répartition des revenus (laquelle ne conteste pas la suprématie monétaire et marchande), mais une juste distribution des moyens de production, dans un éloge de la petite propriété familiale.
À vrai dire, c'est une vieille histoire. Elle se trouve déjà dans la Genèse. Quand Laban propose à Jacob un meilleur salaire, celui-ci lui répond : « Et moi, maintenant, quand vais-je travailler pour ma maison ? » (Gn, XXX, 30). • A suivre ...
Directeur de l'université Philantropos. Il publie « Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi)», Taillandier, 352 p., 18,90 €.
Fabrice Hadjadj publie un recueil de chroniques où il mêle des réflexions inspirées de la vie quotidienne sur le sexe, la religion, la technique et le travail. Entre Houellebecq et Chesterton, il nous livre une profonde critique de l'époque ... Ces réflexions sont importantes et ne sont pas à prendre à la légère. Elle traitent de l'essentiel, de l'avenir de notre société et des personnes qui lui appartiennent par la naissance et par la tradition. Nous publierons ces réponses de Fabrice Hadjadj à Eugénie Bastié [Figarovox, 21.12.2017] comme une suite, en plusieurs journées. Lafautearousseau
Dans votre livre, Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi), vous chroniquez le devenir de notre humanité, menacée par l'emprise grandissante de la technique. Seriez-vous technophobe, ou pire « décliniste » ?
En vérité, je suis absolument technophile. L'enjeu, à mes yeux, est même de sauver la technique. Car la technique n'a jamais été autant en recul qu'aujourd'hui.
Un personnage de Houellebecq dans Les Particules élémentaires en fait l'aveu : « Mes compétences techniques sont largement inférieures à celle d'un homme de Neandertal.» Jusqu'à une époque récente, l'homme a eu des mains, organes très spirituels, de réceptivité plus que de préhension, sortes de fleurs animées capables de faire fleurir le monde, d'étoiles de chair pouvant saluer, bâtir, offrir, rayonner sur les choses. Mais l'organisation technologico-marchande a fait de nous des manchots. Le progrès technologique est le plus souvent une régression technique.
Au lieu de jouer d'un instrument de musique, on clique sur une playlist. Au lieu de faire des choses, on les achète, grâce au salaire gagné à gérer des tableaux Excel et des présentations PowerPoint. L'innovation n'a pas besoin de moi pour être critiquée : elle suppose l'obsolescence de ses merveilles ; pour mieux nous tenir en haleine dans l'oubli de nos mains, elle ne cesse de se détruire d'elle-même.
Supposez que j'adhère pleinement à l'idée que l'iPhone X est vraiment le gadget ultime, avec son application Face ID, qui permet de convertir votre visage en moyen de paiement: Apple m'interdira de le faire, parce qu'il y aura l'iPhone XI puis le XII, et que je dois mettre une croix sur le X. Bref, un marteau a plus d'avenir que n'importe quel smartphone. J'ai d'ailleurs un marteau et une guitare qui appartenaient à mon père (il ne m'a pas légué son Blackberry 5790). C'est donc l'hégémonie technologique qui tend à favoriser le déclin de l'humain.
Rien n'est plus décliniste même que les espoirs du transhumanisme : son projet n'est-il pas de nous désincarner, de remplacer le logos par le logiciel, et les savoir-faire par l'imprimante 3D ? Il s'agit donc moins de tracer une limite entre bonne et mauvaise technologie que de comprendre que la technologie n'est bonne que si elle se met au service de la technique. Il est bon, par exemple, de regarder une vidéo YouTube pour redécouvrir la cuisine de grand-mère, faire un potager, coudre un vêtement ou menuiser un meuble… • A suivre ...
Directeur de l'université Philantropos. Il publie « Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi)», Taillandier, 352 p., 18,90 €.
Dans cette tribune du Journal de Montréal [6.01] Mathieu Bock-Côté pointe la pure et simple folie à quoi conduit le politiquement correct. En l'espèce, en s'en prenant aux oeuvres d'art. Faudra-t-il brûler les livres comme aux pires époques, dénaturer les oeuvres de l'esprit les plus pures, pour satisfaire stupidement à l'air du temps ? Allons ! Mathieu Bock-Côté a raison. LFAR
Annonce
Le politiquement correct fait des ravages partout en Occident. Il nous pousse à la folie collective. Et ces jours-ci, c’est à Florence, en Italie, qu’il vient de frapper. Leo Muscato, chargé de mettre en scène l’opéra Carmen, trouvait insupportable sa scène finale, quand Carmen est assassinée par un homme fou de jalousie.
Folie
L’argument mis de l’avant : on ne saurait, dans un monde comme le nôtre, banaliser la violence faite aux femmes. Alors maintenant, si on comprend bien, c’est elle qui tue son agresseur en se défendant contre lui. Ouf ! Immense soulagement ! C’est ce qu’on appelle réécrire un chef-d’œuvre de l’histoire de l’opéra.
Comment ne pas être fasciné par tant de bêtise et de rectitude politique ? Faut-il désormais comprendre que nous pourrons non seulement réinterpréter, mais même réécrire les opéras, les pièces de théâtre, les romans ou les films dont la finale nous heurte aujourd’hui ?
Est-ce que je peux réécrire la fin de Madame Bovary ? Est-ce que je peux réécrire la conclusion des pièces de Molière ? Est-ce que je peux même changer La Guerre des tuques ?
Sommes-nous désormais autorisés à mutiler les œuvres en fonction de nos obsessions idéologiques ? Faut-il soumettre l’art à un nouveau catéchisme moralisateur et interdire la représentation de ce qui entre en contradiction avec lui ? Combien de livres devrons-nous censurer ?
Catéchisme féministe
On le sait, certains militants antiracistes et féministes le demandent explicitement. Ils signent des tribunes dans les journaux pour dire que la culture doit se soumettre aux bonnes valeurs : les leurs. Au Québec, ils sont de plus en plus présents.
Une œuvre artistique peut-elle encore représenter la réalité humaine, ses désirs avouables et inavouables, ses beautés, mais aussi sa part horrible ? Ou devrons-nous, comme au temps des curés, passer devant un comité d’idéologues qui nous soumettra la création à sa conception de la vertu ? •
Parce qu'il édicta le Code noir qui légalisa l'esclavage, certains voudraient brûler aujourd'hui le grand ministre de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert.
Par Jean Sévillia
Au mois de septembre dernier, Louis-Georges Tin, le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), et le philosophe Louis Sala-Molins publiaient dans Le Monde une tribune dans laquelle, faisant suite au débat lancé aux Etats-Unis par le démontage des statues du général Lee, ils appelaient à débaptiser en France les collèges et lycées portant le nom de Colbert, au motif que le ministre de Louis XIV serait coupable de crime contre l'humanité pour avoir légalisé l'esclavage en édictant le fameux Code noir. En l'espèce, les deux hommes poursuivaient un combat militant qu'ils mènent depuis longtemps.
Outre ce qu'il y a d'absurde à réduire l'oeuvre immense de Jean-Baptiste Colbert à l'ordonnance de mars 1685 « sur les esclaves des îles de l'Amérique », texte que ses services ont préparé, mais qui a été mis au point après sa mort, en 1683, par son fils et successeur au secrétariat d'Etat à la Marine, le marquis de Seignelay, considérer le Code noir, expression qui désigne cette ordonnance à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec les yeux d'aujourd'hui est un pur anachronisme. Vu en 2017, ce « recueil des règlements rendus concernant le gouvernement, l'administration de la justice , la police, la discipline et le commerce des nègres dans les colonies » est profondément choquant, puisqu'il inscrit l'esclavage dans le droit français. Vu dans son époque, il prend une autre valeur. Le Code noir est conçu alors que l'esclavage est pratiqué outre-mer par toutes les nations maritimes européennes, et au sein même de la société, en Afrique et dans le monde arabo-musulman. Dans ce contexte, l'intervention de l'Etat français présente un mérite relatif : des règles sont posées afin d'adoucir le sort des esclaves, esclaves dont la condition servile a précédé le Code noir.
Jean-François Niort, un universitaire qui enseigne à la Guadeloupe, a publié .en 2015, sur cette ordonnance royale, un livre (1) qui lui vaudra d'être accusé de négationnisme parce qu'il contredisait Louis Sala-Molins qui, dans un ouvrage paru il y a trente ans (2), affirmait que le Code noir se fondait sur la négation de l'humanité de l'esclave. Niort montre au contraire que plusieurs prescriptions de ce texte, notamment en matière religieuse, supposaient que le travailleur servile soit considéré comme un homme, et non comme une chose ou un animal (les propriétaires d'esclaves étaient ainsi tenus de les faire baptiser). Jean-François Niort souligne par ailleurs que l'intervention de l'Etat royal, posant des bornes au pouvoir arbitraire des.propriétaires, créait les conditions d'une possible évolution de la législation en faveur des esclaves. Il reste que ces derniers étaient apparentés à des biens meubles, un statut indigne, que l'évolution des esprits, en Occident, conduira enfin à condamner et à abolir au cours du premier tiers du XIXe siècle. Le Code noir n'avait certes rien d'idyllique, mais il faut le replacer dans son époque. •
(I) Le Code noir, de Jean-François Niort (Le Cavalier Bleu, 2015). (2) Le Code noir ou le Calvaire de Canaan, de Louis Sala-Molins (PUF, 987).
Une chronique, une information, une réflexion à propos de Michel Onfray qui pourront intéresser ceux qui croient au Ciel comme ceux qui n'y croient pas. LFAR
Michel Onfray surprendra toujours. Sa dernière initiative ? Un séjour à l’abbaye de la Trappe, située dans le département de l’Orne, dans cette Normandie si chère au cœur du philosophe. Imaginer l’auteur du Traité d’athéologie, une sorte de bréviaire de l’athéisme, dans une abbaye, non pas en simple touriste passager, mais comme une sorte de retraitant accueilli par les moines dans leur hôtellerie et participant aux offices, c’est un choc. Attention, il ne s’agit nullement d’une conversion : « Je n’ai pas la foi et ne la demande pas, je ne suis pas en quête d’une grâce ou d’une révélation ; je n’attends pas une conversion comme Claudel derrière son pilier, je ne suis pas en demande de visitation ; je ne crois pas que fréquenter le lieu où d’aucuns prient Dieu le fasse apparaître. » Néanmoins, la vie monastique l’a toujours intéressé.
Situation singulière pourtant. L’athée proclamé peut-il faire le signe de croix ? Oui, il le fera au réfectoire et à l’église. La foi lui manque, il n’éprouve pas le désir de la trouver, mais ce qu’on appelle les racines judéo-chrétiennes de la France ne lui sont nullement indifférentes. Les nier, dit-il, c’est impossible. Il s’en explique au moyen d’une curieuse image : un gland pourrait-il récriminer contre le chêne en prétendant qu’il n’a rien à voir avec lui ? Donc il se signe, avec le sentiment qu’il dessine la croix sur son corps : « Je la faisais entrer dans ma chair. Symboliquement, se signer c’est se saigner. »
Et puis l’homme de culture qu’est Michel Onfray ne saurait échapper à l’histoire littéraire de sa Normandie. C’est ici, à la Grande-Trappe, que le fameux abbé de Rancé est venu au Grand Siècle rétablir la stricte observance de la règle de saint Bernard, au lendemain d’une conversion qui a transformé l’abbé libertin qu’il était en terrible ascète, digne des Pères du désert. Chateaubriand a raconté sa vie dans un dernier livre, et le philosophe a voulu lire ce livre dans les lieux mêmes où Rancé a passé trente-sept ans ! Mais du coup, c’est un torrent de mémoire qui s’abat sur lui, avec toutes les querelles sur la grâce qui ont occupé le dix-septième siècle. Et puis il y eut aussi la fameuse querelle entre ces deux géants que furent Rancé et Mabillon à propos de la nécessité ou non de l’étude dans l’Église. Là où Rancé ne voit que curiosité, dissipation, contestation, Mabillon affirme l’impérieuse intelligence de la foi. Michel Onfray se passionne pour cette querelle. Et ce faisant, il nous montre qu’un athée n’échappe pas à cette culture qui nous définit et continue à nous nourrir. •
Dans cette chronique parue sur Figarovox [5.01] Mathieu Bock-Côté ne s'en prend pas tant à la figure de Che Guevara mort il y a cinquante ans qu'à la complaisance persistante des sociétés occidentales et de leurs élites envers l'héritage communiste, ce qui est significatif de la survivance bien actuelle de l'idéologie progressiste et de sa tendance naturelle, historique, au totalitarisme. A l'ère moderne, nous n'oublierons pas ici que, comme Patrick Buisson l'a rappelé récemment, ce totalitarisme d'Etat prend sa source dans la Révolution de 1789 et les crimes de la Terreur ... LFAR
La scène est fréquente sur les campus nord-américains, surtout dans les départements d'humanités ou de sciences sociales : un professeur entre dans sa classe et constate que certains étudiants portent un tee-shirt en hommage à Che Guevara. Il se peut même qu'il ne le constate même plus, tellement la chose est banale. À moins qu'il ne s'en réjouisse discrètement ? S'il se risque à demander à ceux qui se réclament ainsi du Che comment ils peuvent célébrer un homme qui a poussé très loin la compromission avec une des idéologies totalitaires du XXe siècle, il passera assurément pour un provocateur de droite malveillant. Le Che ne représente-t-il pas l'héroïsme rebelle ? Le professeur moqueur sera au mieux en droit d'ironiser sur le fait que le capitalisme a récupéré une figure révolutionnaire, à condition d'ensuite maudire l'empire marchand.
Mais la gauche post-adolescente nord-américaine n'est apparemment pas la seule à se vautrer dans le culte du Che. On apprenait récemment qu'Anne Hidalgo s'y est elle-même pliée, dans le cadre d'une exposition en son hommage organisée à l'Hôtel de Ville de Paris, en qualifiant le révolutionnaire d'« icône militante et romantique ». Les plus indulgents y verront un signe de paresse intellectuelle chez une femme obsédée par l'idée d'incarner l'avenir de la gauche et qui, pour cela, s'approprie à peu de frais des symboles révolutionnaires. Mais il faut aller plus loin. Ce dont témoigne cette déclaration de la maire de Paris, c'est de la complaisance généralisée d'une bonne partie des élites intellectuelles et politiques pour la mémoire du communisme au XXème siècle.
Officiellement, la gauche a fait son devoir de mémoire et convient des ravages du communisme. Elle ne résiste plus vraiment quand vient le temps de condamner ses crimes, même si on se souvient du tollé ayant suivi en 1997 la publication du Livre noir du communisme. On peut néanmoins croire sa conversion sincère, mais inachevée, car intellectuellement incomplète. Aujourd'hui, on conteste moins les crimes du communisme qu'on ne veut les relativiser en évoquant en même temps ceux du capitalisme ou du colonialisme. Mais surtout, on limite la mémoire négative du communisme à celle de l'URSS, de la Chine maoïste et du génocide cambodgien. Dès qu'il se place sous la bannière du tiers-mondisme, on se croit en mesure d'en sauver la meilleure part, comme s'il trouvait là des circonstances atténuantes.
C'est ainsi qu'en novembre 2016 le premier ministre Justin Trudeau, qui ne se lasse jamais de faire la morale à tout le monde au nom des droits de l'homme, a confessé sa « profonde tristesse » devant la mort de Castro, avant d'avouer péniblement qu'il était aussi un dictateur. Il ressemblait en cela à son père, Pierre Trudeau, qui avait confessé en son temps son amitié pour Castro et son admiration pour Mao. En d'autres mots, le bilan du communisme ou de la complaisance devant lui demeure bien partiel, et il suffit de peu de chose pour l'excuser. Il n'est pas rare, d'ailleurs, qu'on fasse encore aujourd'hui porter à Staline la responsabilité principale et même exclusive des crimes du communisme, une légende que Stéphane Courtois vient de démonter à son tour dans une biographie consacrée à Lénine. L'historien démontre qu'il fut bien l'inventeur du totalitarisme en Russie soviétique.
Cette mémoire trouble du communisme est particulièrement vivante en France, où un maoïste comme Alain Badiou passe étrangement pour un philosophe sérieux. Une frange importante de l'intelligentsia a cédé aux charmes du communisme et veut encore croire qu'elle s'est trompée pour de bonnes raisons. On chante encore de temps en temps ses idéaux pour relativiser l'expérience totalitaire, comme si elle était accidentellement criminelle. D'ailleurs, de nombreux réflexes idéologiques datant de cette époque ont survécu, notamment l'habitude de désigner comme réactionnaires les faits désagréables qui entrent en contradiction avec l'utopie progressiste du moment. Le multiculturalisme et les autres idéologies antioccidentales bénéficient aujourd'hui de la même clémence que le communisme hier.
Il n'en demeure pas moins qu'Ernesto Guevara s'est complu dans les exécutions révolutionnaires, comme en témoigne son passage à la forteresse de la Cabana, et n'hésitait pas à les justifier au nom d'une lutte à mort contre le système. Mais il faut en convenir, ce n'est pas comme tortionnaire qu'il est passé à l'histoire, et la conscience collective semble réfractaire à le définir par son œuvre. Pour ses admirateurs, le Che semble incarner la part irréductiblement romantique de l'engagement communiste au XXe siècle, pour qui la révolution ne doit jamais s'arrêter et toujours allumer de nouveaux feux.
Plus de cinquante ans après sa mort, il personnifie encore l'incandescence révolutionnaire et le consentement au sacrifice ultime, ce qui peut faire rêver dans une société portée au refroidissement des passions politiques. Ainsi, on ne sera pas surpris que le Che se soit trouvé des admirateurs même chez ses ennemis. Le sacrifice révolutionnaire exalte les fanatiques qui érotisent la possibilité de la mort violente. On oublie étrangement que le courage a trouvé d'autres visages moins portés sur le carnage.
Ce fantasme romantique bute sur une réalité : commémorer positivement le communisme consiste à ne pas comprendre son caractère intrinsèquement totalitaire. Chanter la gloire du Che, c'est avouer malgré soi ne rien comprendre à ce qui s'est passé au XXème siècle. C'est le procès de l'utopisme comme tendance totalitaire de la modernité que nous tardons à faire.
Celui qui croit avoir eu la révélation de la société parfaite et qui la pense validée scientifiquement se croira tout permis pour la faire advenir. Il transforme ses adversaires en ennemis de l'humanité : les forces vives du monde nouveau ne doivent en rien épargner le bois mort de l'humanité qui rappelle le monde d'hier. C'est l'histoire du communisme, qui est derrière nous, mais c'est encore aujourd'hui l'histoire du progressisme. Elle se poursuit sous de nouveaux habits idéologiques, qui, encore une fois, font perdre la raison à trop d'intellectuels. •
Il n'est pas d'Européens et, surtout, d'Européennes qui n'aient rêvé de Sissi ! Livres, films, innombrables articles. Car Sissi, impératrice d'Autriche, reine de Hongrie, est en elle-même une sorte de rêve. Il fallait Jean des Cars, l'historien reconnu et talentueux des dynasties européennes, pour mettre une consistance, une existence vraie sous tant d'apparences, souvent trompeuses. Son livre est d'abord une vie de Sissi, mais il la lie si intimement à celle de son époux François-Joseph que le livre est intitulé très justement François-Joseph et Sissi et sous-titré Le devoir et la rébellion, ce qui est une manière de dire ce que fut la vie de ce couple étonnant.
L'Europe du XIXe siècle défile sous nos yeux en une succession de tableaux, vivants, précis, complets, dont l'écriture limpide clarifie la complexité des situations. Jean des Cars domine son sujet qu'il connaît parfaitement et dans ses moindres détails, y ayant déjà longuement travaillé et ayant profité d'une documentation exceptionnelle. De Munich à Vienne, de Vienne à Budapest, la petite duchesse en Bavière, de branche cadette, s'est trouvée hissée au sommet de l'Europe, comme impératrice-reine d'une double monarchie à l'histoire millénaire, tout cela à cause d'un coup de foudre non prévu de ce François-Joseph de Habsbourg, devenu empereur plus jeune que prévu, à la suite de la renonciation de son père.
Lui, fut amoureux tout de suite et toujours, mais, en même temps, terriblement pris par ses devoirs où il dut affronter toutes les difficultés des mutations révolutionnaires de l'Europe ! Ce fut une lutte continuelle tout au long d'un long règne où les revers s'accumulèrent.
Elle, c'est une Wittelsbach. L'hérédité la tient. Elle est charmante, ravissante, mais instable. Elle ne supporte pas la vie de cour ; elle supporte encore moins son autoritaire belle-mère. Elle aime, mais elle est fantasque et elle se met à courir le monde à pied, à cheval, en vapeur, de Madère à Corfou, d'Irlande à la Provence, de plus en plus souvent « ailleurs », compliquant la vie de son mari qui doit accepter et arranger sa solitude. Elle lui donne des enfants mais rêve de cet « ailleurs » qui n'existe nulle part. Cependant elle a des idées politiques dont certaines auraient pu être heureuses ; elle a contribué à la réconciliation de la Hongrie et des Habsbourg. Mais le malheur rôde autour du couple qui se cherche et se retrouve ; et puis la mort frappe, de plus en plus proche, jusqu'au drame de Mayerling où c'est Rodolphe, le fils prodigue mais aimé, qui est retrouvé « tué ». Jean des Cars sait tout sur le sujet et il le dit avec la finesse qui convient. Le sort de Sissi ne pouvait être que tragique ; elle meurt assassinée, presque par hasard, par un anarchiste italien qui ne savait pas trop ce qu'il faisait, à l'étranger , loin de chez elle, à Genève, au cours de sa dernière escapade pour sortir du monde conventionnel qu'elle fuyait. En fait, pour sortir d'elle-même. Mais comment ne pas l'aimer ? Et comment ne pas regretter que ce couple qui fascine encore aujourd'hui les imaginations, n'ait pas réussi à faire mieux ? La dynastie en eût été sauvée. L'Europe aussi. Jean des Cars le suggère à toutes les pages. D'abondantes iconographies et illustrations enrichissent ce livre très soigné dans sa présentation. Un livre à offrir. ■
FRANÇOIS-JOSEPH ET SISSI, LE DEVOIR ET LA RÉBELLION Jean des Cars, Editions Perrin, 534 p, 25 €.
Tout l’argent du monde, un thriller, américain, de Ridley Scott, avec Romain Duris, Christopher Plummer, Michelle Williams, Mark Wahlberg et Charlie Plummer.
On le sait, l'argent ne fait pas le bonheur, mais on sait aussi qu'il contribue grandement au bien-être matériel. Je peux donc, pour cette nouvelle année 2018, vous souhaiter, après le Paradis à la fin de vos jours, en monnaies sonnantes et trébuchantes, Tout l'argent du monde.
Ce thriller, quant à lui, ne vaut certes pas tout l'argent du monde, mais n'en est pas moins un bon long-métrage qui retient notre haleine pendant plus de 2 heures. Je n'ai franchement pas de souvenirs de cette affaire Getty en 1973. Elle pose, avec une scène très violente (je me suis caché la tête sous mon manteau), la question grave de la résistance au chantage. Faut-il payer la rançon ? Et se soumettre ainsi à la loi du plus fort ? En mettant son doigt dans un engrenage qui peut ne pas finir et au contraire s'amplifier ?
Mutatis mutandis, je pense au Silence de Martin Scorcese : dois-je céder au chantage, et financer des « terroristes » politiques et/ou mafieux, pour tenter de délivrer mon petit-fils de leurs tortures ? Dois-je apostasier devant les autorités japonaises pour tenter de délivrer des chrétiens de leurs tortures ?
Pour ma part, je « condamne » davantage J.Paul Getty pour son chantage subsidiaire que pour son refus initial de céder au chantage. •