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Idées, débats... - Page 437

  • C’est reparti comme en 1400... Démondialisation et réveil des nations : retour vers le futur

     

    Publié le 29.10.2016 - Réactualisé le 3.11.2017 

    Par Thomas Flichy de la Neuville

    Un remarquable article - presque une fable - dont la morale tient justement de la manière des fabulistes et concerne éminemment notre époque prétendument postnationale et vouée au Marché. [Causeur, 26.10.2016] Mais l'Histoire nous enseigne que cette situation n'est ni nouvelle ni irréversible. Et nous vient à la mémoire que deux siècles après les faits qui sont rappelés ici, d'autres décrets d'importance majeure furent pris, non plus en Italie, mais cette fois-ci en Espagne, par ses Rois, non plus pour réduire l'emprise des financiers, mais en la circonstance celle de l'Islam. Autre récit, autre morale, aussi, pour notre temps. Dédié aux gens qui croient que les choses vont toujours dans le même sens ...   Lafautearousseau

     

    photo_7.jpgNous avons tellement cru en la fable d’un monde pacifié par une mondialisation heureuse que la résurgence des identités – désormais au cœur du débat politique – nous semble aller contre la marche du temps. En réalité,  la transition 2010-2030  rappelle fortement celle que connaît l’Europe entre 1340 et 1400. Au début du XIIIe siècle, les banquiers vénitiens font tout pour éviter l’émergence de gouvernements nationaux forts, comme celui d’Edouard III d’Angleterre. Pour ces banquiers, le modèle politique à abattre est celui de Frédéric II Hohenstaufen, saint empereur romain germanique de la seconde moitié du XIIIe siècle.

    Le rôle des banquiers florentins

    Pour éviter l’émergence d’Etats forts, les banquiers florentins ne se contentent pas de prêter de l’argent aux rois, ils s’assurent en retour d’avantages en nature. En 1325, les Peruzzi possèdent tous les revenus du Royaume de Naples, soit la moitié sud de l’Italie. Ceci leur permet de recruter l’armée de Robert de Naples, de nommer les membres de son gouvernement et de vendre à sa place ses productions céréalières.

    Dans ce contexte, il ne sert à rien pour Dante Alighieri de vanter le modèle de Frédéric II dans De Monarchia. Venise force Dante à quitter Florence et fait la promotion d’une contre-littérature. Il s’agit des ouvrages de Bartolomée de Lucca ou de Marsile de Padoue. Les banquiers vénitiens finissent par ligoter financièrement des embryons d’Etat comme l’Angleterre, la France et l’Espagne. Puis, la banque vénitienne génère une gigantesque bulle financière qui paralyse la production et vient éclater en 1345. Télécommandées par Venise, les familles Bardi et Peruzzi de Florence déclenchent un crash financier au cours duquel tout crédit s’évanouit. S’enclenche alors une période de grave instabilité, caractérisée par la résurgence de la famine et des épidémies.

    La politique domestique la finance

    Mais après 1400, les forces politiques se retournent contre les méthodes des banquiers italiens. En 1401, le roi Martin Ier d’Aragon les expulse d’Espagne, en 1403, Henri IV d’Angleterre limite fortement leur activité. En 1409, la Flandre emprisonne les banquiers génois. En 1410, les banquiers italiens sont expulsés de Paris. La résurgence des identités nationales a alors mis en échec les projets de la finance internationale. L’histoire se répétera-t-elle ?  

    Thomas Flichy de la Neuville

    enseigne à Saint-Cyr. Dernier livre : Les grandes migrations ne détruisent que les cités mortes (L’Aube, 2016). Du même auteur : Syrie : Poutine sur les traces de Pharaon

  • La croix du Panthéon

     

    par Gérard Leclerc

     

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    L’affaire de la croix de Ploërmel, au dessus de la statue de Jean-Paul II, n’a pas fini de faire des vagues, parce qu’elle pose quelques questions élémentaires que les rigoureux partisans de la laïcité sont bien en peine d’esquiver. Sans doute, l’arrêt du Conseil d’État est conforme à une certaine logique, qui peut se réclamer formellement de la loi de séparation de 1905. Mais d’innombrables protestataires ont déjà objecté et continuent à objecter que des croix, il y en a partout dans l’espace public. Il y en a jusqu’au centre des plus humbles de nos hameaux. Faudrait-il donc toutes les éradiquer, comme cela se déroula d’ailleurs au moment de la révolution culturelle de l’an II, où l’on procéda à une radicale sécularisation de l’espace public. Cela se passait, il est vrai, en pleine Terreur, et cela anticipait la fameuse révolution culturelle chinoise qui voulut aussi arracher violemment l’ancien empire du Milieu à sa civilisation traditionnelle.

    On a fait remarquer aussi que le monument de Paris qui symbolise le plus la laïcité républicaine, le Panthéon, restait surmonté d’une croix. Le temple laïque n’a pu être totalement arraché à sa destination première d’église dédiée à sainte Geneviève, patronne de Paris. Mais c’est une histoire assez époustouflante. Dans le projet primitif, ce n’était pas une croix qui était prévue au sommet du dôme, mais une grande statue de Geneviève. Une première croix avait provisoirement remplacé la statue en projet. Mais avec la transformation de l’église en mausolée, une autre statue de neuf mètres de hauteur représentant une femme embouchant une trompette avait été installée, avant que, sous la Restauration, on y replace une croix en bronze doré.

    Mais il faut abréger. Je croyais que cette croix avait été retirée pour les obsèques de Victor Hugo en 1885, sur la foi du cher Philippe Muray. Mais c’est inexact, Muray a peut-être confondu avec la fin de l’usage liturgique de l’édifice. Que conclure de tout cela ? Peut-être que nous ne nous sommes toujours pas au bout de nos difficultés, pour ne pas associer une saine laïcité de l’État à la furie éradicatrice d’une mémoire, qui est beaucoup plus qu’une mémoire, et qui tient aux fibres les plus secrètes et les plus persistantes de notre être profond. 

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 novembre 2017

  • Merveilleux Maurras ! Que disait-il de la Mosquée de Paris, que craignait-il lorsqu'elle fut construite ?

     

    Publié le 20 décembre 2016 - Actualisé le 1er novembre 2017

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgOn sait que la décision de construire la Mosquée de Paris, première mosquée construite en France métropolitaine, fut prise après la Première Guerre mondiale pour rendre hommage aux dizaines de milliers de morts de confession musulmane ayant combattu pour la France. Et manifester aux survivants la reconnaissance de leur sacrifice par le pays.

    Qu'en a dit Charles Maurras le 13 juillet 1926, lors de son inauguration ? Pas un mot contre l'idée même de rendre un hommage mérité, aux combattants musulmans de la Grande Guerre. A leur propos il parle des « nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ». Il n'y a pas chez Maurras de haine raciale. Ni de haine religieuse : il ne juge pas de l'Islam en soi. Mais il sait l'antagonisme des religions et des civilisations. Et sa culture historique autant que son jugement et son intuition politique l'amènent à pressentir et signaler un danger pour la France. Presque nul, alors. Présent et menaçant aujourd'hui sur notre sol même. Maurras ne dénonce pas l'hommage rendu aux combattants, ne critique même pas le fait de construire une mosquée à Paris. Avec mesure il écrit : « Nous venons de commettre le crime d’excès ». Son texte explicite en quoi consiste cet excès. Suit le pressentiment d'une menace : la crainte que nous ayons à payer un jour notre imprudence, en ce sens criminelle ; le souhait (Fasse le Ciel !) que les musulmans bénéficiaires de notre générosité « ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. » Et nous y sommes.   LFAR         

     

    capture-d_c3a9cran-2015-08-11-c3a0-21-12-31.png« Mais s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on puisse en douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où tous les plus grands docteurs de la chrétienté enseignèrent contre l’Islam représente plus qu’une offense à notre passé : une menace pour notre avenir... Nous venons de commettre le crime d’excès. Fasse le ciel que nous n’ayons pas à le payer avant peu et que les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse. »  

    Charles Maurras le 13 juillet 1926

  • Histoire • La Régence d'Alger : « La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée »

     

    1417414836 - Copie.jpgPar Altifashi

    Cette rétrospective historique très documentée reçue dans les   commentaires  de  Lafautearousseau nous a beaucoup intéressés.  Il s'agit d'une réaction à un article publié ici : « La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée ». Et ce commentaire nous apprend ou nous rappelle beaucoup de choses peu connues ou oubliées. Bonne lecture et s'il y a lieu les historiens débattront. En tout cas, merci à l'auteur.  LFAR   

    Connaitre l'histoire de la Régence d'Alger de sa fondation en 1515 jusqu'au débarquement de 1830 est absolument indispensable pour comprendre tout ce qui se passe après ! Les pieds noirs eux mêmes (dont je fais partie avec toute ma famille) ont tendance à penser que l'histoire de l'Algérie commence avec leur histoire ; c'est faux Il est important aujourdhui de revenir sur la raison qui a motivé Charles X à prendre Alger qui était toute simple : faire chuter le régime tyrannique du Dey d'Alger qui faisait peser depuis trois siècles un joug humiliant sur les nations chrétiennes.

    Depuis leur arrivée en Afrique du nord, les arabes ont très vite pratiqué la piraterie, commerce facile et juteux qui s'est développé considérablement en 1519 avec son annexion à l'empire ottoman par Kheir-ed-din Barberousse. Le sultan ottoman Selim 1er le nomme beyglierbey (gouverneur général) et lui envoie une puissante armée de plusieurs milliers de janissaires. Les navires de la « Régence d'Alger » armés par les corsaires de Barberousse, aidés par les puissants janissaires turcs (Odjeac) vont « allègrement » piller les navires chrétiens sans défenses.

    Pendant plus de trois siècles, la Régence d’Alger va devenir le fléau de la chrétienté, attaquant sans pitié les navires marchands chrétiens s’enrichissant de leurs dépouilles. Elle vit ruisseler sur ses marchés l’or du Mexique, l’argent du Pérou, les diamants des Indes, les soies et les brocards du levant : les marchandises du monde entier ! Chaque jour des galères pavoisées rentraient dans le port traînant des navires lourdement chargés de vivres, de richesses et surtout d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards qui alimentaient cet immense marché aux esclaves : le Batistan ! C’est ainsi que s’emplissait le trésor de l’Etat et que tous, depuis le plus audacieux des corsaires jusqu’au plus modeste paysan, s’enrichissait sans peine de façon crapuleuse. Les coteaux voisins se couvraient de villas et de jardins décorés des marbres ravis aux palais et aux églises d’Italie et de Sicile. La ville elle-même où l’or si facilement gagné se dépensait plus vite encore, offrait aux aventuriers l’attrait d’une fête perpétuelle et l’appât des plaisirs faciles…

    Mais lorsque François 1er signe une alliance avec l'empire ottoman pour se protéger de l'ambition de Charles Quint, des accords sont conclus entre la Régence et la France. Ils seront violés régulièrement par les corsaires barbaresques jusqu'à Napoléon qui menaça en 1802 le dey Mustapha de débarquer 80 000 hommes et de détruire la Régence s'il ne restituait pas les navires battant pavillon français !

    Quant au consul Pierre Deval, ses détracteurs l'ont toujours présenté comme un personnage ambigu. Son père était drogman du levant à Constantinople, il fut donc élevé dans un milieu oriental dont il garda les manières. Un turc aux manières orientales ne choquait personne, alors qu’un français oui ! Lorsqu'il vient rendre visite au Dey Hussein le 30 avril 1827 pour lui présenter ses hommages à l'issue du jeûne du Ramadan, il en profite pour lui demander la restitution de plusieurs navires couverts du pavillon blanc et de la protection de la France, injustement capturés ! De très méchante humeur à cause de l'aide que portait l'Europe à la Grèce révoltée contre la Turquie, Hussein reproche à Deval de favoriser les intrigues des juifs Bacri et Busnach au sujet de la dette contractée par le directoire à son prédécesseur le Dey Hassan. Le dialogue devint très vite animé et à la suite d'une réponse un peu vive du consul, le Dey le poussa avec l'extrémité de son chasse mouche et le menaça de prison ! Il est vrai que ce coup de chasse mouche fit à Paris un effet papillon, et que le Roi de France Charles X avait du mal à assoir son autorité face au parti des ultras qui voulait la guerre et à l'opposition libérale qui la redoutait.

    Pour affirmer sa souveraineté il prend une demi-mesure en ordonnant le blocus de la Régence. Le Dey reste sur ses positions et ne veut ni restituer les navires, ni présenter d'excuses, il se contente de rappeler la créance Bacri- Busnach.

    Alors, cette créance qu'en est-il ? En bref voici les faits : au début des années 1790, la France voit presque toute l’Europe se dresser contre elle. Les anglais en particulier intriguent auprès du Dey Hassan pour empêcher la livraison d’énormes fournitures de grain, de viande salée de cuir et d'autres denrées alimentaires destinées à l'alimentation du midi et surtout à la subsistance des armées napoléoniennes. Le Dey résista aux instances des anglais et se montra fort chevaleresque en prêtant au Directoire une somme d’un million sans demander d'intérêt. Mais plutôt que de traiter l'affaire lui-même il passa par l'intermédiaire des deux fameux négociants qui géraient la fortune du Dey et avaient la main mise sur toutes les transactions de la Régence : Bacri et Busnach.

    C'est alors qu'ils imposèrent leurs conditions au Directoire : les mesures de blé étaient revendues à prix d'or, sans que le Dey n’en sache rien ! En 1797 Bacri fait monter la dette à 7 943 000 francs ! Le Directoire autorise le versement d'un acompte de 4 500 000 francs, mais le Dey ignore tout des sommes versées à son mandataire... En 1819 Bacri réclame un arriéré de 24 millions, le gouvernement de la Restauration reconnait la dette et décide que la somme de 7 millions sera payée par le trésor public.

    Duval reçut alors la délicate mission d'expliquer au Dey que la somme due avait été réglée au seul créancier officiel : Bacri. Dans cette affaire tout le monde fut dupé par ce Jacob Bacri, et le Dey en particulier qui ne verra jamais son argent !

    Le 30 juillet 1829, le navire « La Provence », mouille en rade d'Alger sous pavillon parlementaire. Le commandant De la Bretonnière propose alors au Dey une réconciliation sous condition, mais le Dey sait que s'il présente des excuses une révolution suit et sa tête tombe inévitablement, il pense aussi que l'Angleterre le protègera. En quittant le port d'Alger le vaisseau parlementaire est bombardé lamentablement par les canons des batteries du port qui le touchent onze fois. Le commandant, fier de son pavillon parlementaire, ne riposte pas ! Le gouvernement ne peut tolérer l'insulte faite au drapeau français. On prie le Sultan de Constantinople à contraindre le Dey à des réparations qui échouent. On propose au pacha d'Egypte, Mehmet Ali 28 millions, et 4 vaisseaux de ligne pour faire tomber le Dey, également de rendre la Régence à la Grande Porte : mais la Turquie ne voulait plus s'embarrasser d'un vassal ingérable !

    Charles X n'avait aucune velléité de conquête, mais il n’avait plus le choix : il ordonna l'expédition d'Alger pour laver un affront fondamental, et que l’humanité n’ait plus à gémir de la tyrannie des barbaresques, ni le commerce à souffrir de ses déprédations.

    Quant au livre de Pierre Péan, il est basé sur une rumeur qui courait dès septembre 1830 dans les rangs de l’opposition : l'armée française a pillé le trésor personnel du Dey ainsi que le trésor de la casbah !  Quand on est contre tout ce que fait le gouvernement, que les protagonistes de la prise d’Alger ne sont plus là pour répondre, et que l’action s’est déroulée de l’autre côté de la Méditerranée, il est facile d’affirmer de tels mensonges !

    Que s’est-il passé vraiment ? D’abord, dès la reddition du Dey, des pillards juifs et maures se sont introduits dans la Casbah pour dérober des objets sans grande valeur abandonnés de part et d’autre par la famille du Dey. Ses réclamations et celles de son gendre porteront uniquement sur quelques sommes d’argent : c’est ça, le pillage de la Casbah !

    Mais la rumeur sera prise très au sérieux par le gouvernement de Louis- Philippe, et le Moniteur du 21 octobre 1830 publie le résultat des enquêtes sur le trésor de la Casbah : « La prise d’Alger et de son trésor a été pendant longtemps le sujet des rapports les plus propres à flétrir la réputation d’hommes honorables employés à l’armée d’Afrique…une commission d’enquête a été nommée …tous les fruits de soustraction et d’infidélité...sont autant de fables dénuées de fondement... » .

    Le général en chef Clauzel, successeur de Bourmont, signe le 22 octobre un ordre du jour afin d’apaiser la grogne des 30 000 soldats de l’armée d’Afrique : « …La déclaration expresse de la commission est que rien n’a été détourné du trésor de la casbah et qu’il a bien été, après inventaire, envoyé à Paris pour intégrer les caisses de l’état ».

    Ce fameux trésor, butin de l’infamie barbaresque, a constitué le butin de guerre qui servira à rembourser les frais d’expédition. Il n’y a pas eu de pillage. 

    Sources

    Henri Delmas de Grammont » Histoire d'Alger sous la domination turque » (1887 éditions Bouchène)

    Daniel Panzac « Les corsaires barbaresques, la fin d'une épopée » (1999)

    Alfred Nettement « Histoire de la conquête d’Alger » (1867)

    Léon Godard « Soirée algériennes, corsaires esclaves et martyres de Barbarie « (1857)

    Georges Fleury « Comment l'Algérie devint française : 1830-1848 » (Perrin 2004)

    Aristide Michel Perrot « La conquête d'Alger ou relation de la campagne d’Afrique » (1830)

    Augustin Bernard « Histoire des colonies françaises, tome II » (1930)

    Pierre Serval « La ténébreuse histoire de la prise d'Alger » (La table ronde 1943)

    Ce livre existe aussi avec le même texte sous le titre « Alger fut à lui « édité par Calmann-Lévy en 1965.

    Lire l'article et les autres commentaires ...

     La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée »

  • Livres • Un essai entre théologie et lieux communs

     
     
    Par Axel Tisserand
     
     
    1964667714.jpgQuel rôle les catholiques sont-ils appelés à jouer dans la cité  ? Telle est la question posée par Jean-Luc Marion dans un essai publié au printemps dernier.

    Un livre du philosophe catholique Jean-Luc Marion est toujours à prendre au sérieux. Surtout lorsque cet intellectuel, réputé difficile, publie un ouvrage court, exigeant certes, mais à l’intention sinon du grand public, du moins d’un public cultivé sans être spécialiste. Signe des temps, assurément, les ouvrages, certes inégaux, se succèdent depuis la fin 2015 et l’excellent, bien que problématique, Situation de la France de Pierre Manent, sur le rôle des catholiques aujourd’hui dans la cité.

    Différentes strates de lecture

    Tel est également le sujet de celui de Jean-Luc Marion, qui se lit à différentes strates, puisque, de la situation des catholiques en France aujourd’hui, il s’oriente vers une réflexion théologique sur la nature même de l’engagement civique des catholiques  : quel rapport le peuple de la communion universelle au corps du Christ peut-il avoir avec la communauté de naissance et le bien commun temporel  ? Certes, nous n’échappons pas à la (désormais) trop célèbre lettre À Diognète, épître anonyme de la fin du IIe siècle très en vogue aujourd’hui, sur le rapport nécessairement paradoxal des chrétiens au monde, auquel ils n’appartiennent pas fondamentalement. Le blogueur Le Morhedec l’avait déjà exploitée dans son brûlot du début de l’année. L’analyse de Marion est évidemment d’une grande tenue. «  Les chrétiens font exception, qu’on le veuille ou non.  » Pourquoi  ? Parce que, comme le dit le martyr Justin, les chrétiens (christianoi) sont les citoyens les plus utiles (chrestatoi) en raison même de leur désintéressement. Et ils le seront «  parce qu’ils identifieront le danger  » et montreront ce qui sauve du nihilisme contemporain, alors qu’ «  il est plus tard que nous le pensons  ».

    Le christianisme et l’islam

    Jean-Luc Marion est d’une grande lucidité  : «  Quand le pouvoir politique apparaît comme une imposture impuissante et qu’il ne peut que faire la leçon au peuple en lui faisant payer le prix, toujours plus grand, de sa faillite, alors il ne s’agit plus d’une crise, mais d’une décadence.  » En ce sens, il aggrave le diagnostic de Pierre Manent. Il va jusqu’à se demander, mais Manent le fait aussi, en quel sens on peut qualifier semblablement de religion le christianisme et l’islam. Ce terme ne serait-il pas un piège dissimulant la spécificité (et donc le rôle dans nos sociétés) du christianisme tout autant que celle de l’islam  ? Faut-il pour autant préférer, au terme de laïcité – appartenant à l’univers religieux puisque le laïque distingue, au sein même de la communauté chrétienne, le non-consacré du consacré –, celui de séparation  ? Les chrétiens formeraient-ils le peuple de la séparation du politique et du religieux  ? Nous ne le pensons pas.

    Le champ de la distinction

    Entre la confusion musulmane et une séparation stricte, il y a le champ de la distinction que le sacre des rois de France exprimait, incarnant le paradoxe fondamental de la relation du chrétien à la cité, la «  modification chrétienne du pouvoir  » (Pierre Boutang). Mais, malheureusement, le philosophe partage avec le blogueur – fondés sur une même répugnance de l’impureté du politique et du temporel  ? – les mêmes lieux communs et contre-sens sur les relations historiques du politique et du religieux depuis Constantin, une «  France fille aînée de l’Église  » que Jean-Paul II méprisait assurément moins, ou sur le «  politique d’abord  » et le prétendu «  athéisme théorique  » de l’Action française… En la matière, on attendait mieux de Jean-Luc Marion.   

  • Histoire • 27 octobre 1873 : L’espoir d'un retour du roi s'effondre

     

    Par Georges Michel
     
    Un article intéressant et écrit dans une belle langue, ce qui devient rare. [Boulevard Voltaire, 27.10]. Des événements historiques qu'il est bon de rappeler, notamment aux royalistes. Une seule observation sur la formule finale : l'Histoire - surtout celle des occasions ratées - se ramène parfois à une loterie mais ne peut y être réduite. Sinon, ce ne serait même pas la peine de la méditer.  LFAR 

     

    865f954cd878d7db6568a7a2f493cb71.jpegRefaire l’Histoire, c’est un peu comme imaginer ce qu’on ferait si, un beau matin, on gagnait au Loto. Et l’Histoire, on le sait depuis Cléopâtre jusqu’aux ailes du papillon, tient parfois à pas grand-chose. Tenez, si le comte de Chambord, en ce 27 octobre 1873, n’avait pas signé cette lettre dans laquelle il rappelait qu’il faisait du drapeau blanc un principe non négociable – sa ligne rouge, comme on dit aujourd’hui -, qu’en serait-il devenu de la France, de l’Europe ?

    La monarchie traditionnelle aurait-elle été rétablie ? Une monarchie traditionnelle mais en même temps revisitée, pour parler moderne, si l’on en juge le manifeste que le petit-fils de Charles X publia le 5 juillet 1871, au sortir de cette guerre contre la Prusse qui avait conduit notre pays au désastre. « Dieu aidant, nous fonderons et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays. Nous donnerons pour garanties à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel, honnêtement pratiqué, et le contrôle des deux chambres, et nous reprendrons en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du dernier siècle. »

    Et l’Europe – et nous en resterons là – aurait-elle été précipitée dans le carnage de 14-18, l’Empire austro-hongrois aurait-il été anéanti sous les coups des idéologues ? 

    Ainsi donc, en ce 27 octobre 1873, il y a 144 ans, Henri, comte de Chambord, aîné de la maison de France, alors qu’il se trouve à Salzbourg, met les choses au clair, définitivement, en écrivant une lettre à Charles Chesnelong, député d’Orthez et l’un des chefs du parti légitimiste. Une lettre publiée dans le journal L’Union qui achèvera l’espoir d’un rétablissement de la monarchie, alors même que l’Assemblée nationale était royaliste, qu’elle avait renversé Thiers au mois de mai, lequel avait déclaré « La monarchie est impossible », et alors qu’en ce mois d’octobre les chefs du parti royaliste s’affairaient pour préparer le retour du prince. 

    Le duc d’Audiffret-Pasquier, notamment, qui fut l’un des négociateurs principaux entre les différents partis royalistes, avait préparé une résolution dont l’article 3 précisait que « le drapeau tricolore est maintenu ; il ne pourra être modifié que par l’accord du roi et de la représentation nationale ». Cet article était, comme l’expliqua le duc de Castries dans son magistral ouvrage Le Grand Refus du comte de Chambord (Hachette, 1970), une solution provisoire pour assurer la rentrée du roi en France. Il ne restait à courir que le risque d’un désaccord postérieur…

    Mais dans cette lettre, le comte de Chambord réitère son refus de devenir le « roi légitime de la Révolution ». Il ne peut « consentir à inaugurer un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse ». Et rappelle, dans une phrase qui est restée célèbre : « Ma personne n’est rien, mon principe est tout. »

    L’Assemblée nationale comptait alors 396 royalistes sur 644 députés. Quatre ans après, ils n’étaient plus que 55 sur 521 députés. Ceux qui pensent, aujourd’hui, que la droite ne peut pas disparaître devraient méditer l’Histoire qui n’est pas qu’une loterie…  •

    Le Grand Refus du comte de Chambord

    Colonel à la retraite
  • Cinéma • Le Sens de la fête

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Le Sens de la fête, une comédie d’Éric Tolédano et Olivier Nakache,  avec Jean-Pierre Bacri, Gilles Lellouche, Eye Haidara, Hélène Vincent, Jean-Paul Rouve et Vincent Macaigne 

    « Il faut s’adapter »… peut-être… aux mœurs et au langage de notre époque, néanmoins, « au jour d’aujourd’hui », comme ils sont nombreux à « pléonasmer », les comédies sont trop souvent vulgaires, au-dessous de la ceinture et je crains toujours « la tête (que fera) » mon épouse !

    A moins que ce ne soit moi qui m’emportes, devant un film de propagande qui nous assène le « vivre ensemble », et précisément ces Tolédano et Nakache nous ont déjà servi l’intouchable « Intouchables ». 

    Reconnaissons-le, non seulement aucun de ces deux reproches ne peut être fait à ce nouvel opus, mais même Bacri ne fait pas du Bacri !

    Certes, comme dans toutes les comédies, la fin traîne en longueur et l’on sent que les réalisateurs ne savent pas comment terminer la fête, mais on rigole de bon cœur pendant toute la préparation de ce banquet de noces.

    On applaudirait presque en entendant le nouveau marié préciser au DJ qu’il ne veut pas de serviettes tournoyant au-dessus des têtes, comme l’américanisation de notre société l’impose maintenant dans tous les mariages, même les plus chics.

    Il y a aussi une pique bienvenue contre les discours interminables, même si le film a le tort de l’imputer au marié alors que c’est surtout ceux des amis, qui ne font rire qu’eux-mêmes, que nous devons subir, dans la réalité, en même temps qu’on nous projette sur grand écran des photos des tourtereaux à tous les âges.

    Bref, une bonne satire pour tous publics.  

  • « Balancer » pour « balancer » visons les bonnes personnes !

    Patrick Cohen - Sandra Muller 

     

    En deux mots.jpgL'immense campagne « Balance ton porc », vulgaire, avilissante, dégradante pour un peuple de vieille civilisation comme le nôtre où les femmes et les hommes s'honorent et se respectent mutuellement depuis toujours, semble nous être venue d'Amérique. 

    Mais elle a été frénétiquement - ce n'est pas trop dire - reprise par les médias et l'ensemble de ce qu'il est encore convenu de désigner sous le nom d'élites. Quel genre d'élites d'ailleurs pour assumer de telles grossièretés ? Elles sont à plaindre autant qu'à blâmer. Elles ne méritent que rejet et mépris. A leur égard, l'irrespect s'impose.

    Elles y ont droit de fait car l'inconvenance du slogan et la frénésie une fois de plus unanime de tout ce qui, en France, a voix au chapitre et capacité à conditionner l'opinion, a assez rapidement soulevé un tollé d'une rare ampleur. Nous en avons lu des manifestations de toutes parts et de toutes tendances. Une réprobation, une exaspération et un dégoût largement partagés. Preuve qu'il reste en France des traces sans doute ineffaçables de bon goût. Et que la bassesse y est assez spontanément rejetée.

    Pourquoi a-t-on soudainement orchestré de part et d'autre de l'Atlantique une campagne à la fois si intense, si vaine, et si ridicule ? Ce n'est pas d'aujourd'hui en effet qu'il se trouve dans nos sociétés déchues non pas des porcs à balancer, car ces animaux se comportent rarement aussi mal que certains humains, mais des hommes - et d'ailleurs aussi des femmes - dont les actes dans la vie courante ne sont plus gouvernés par la juste raison, la normalité, les convenances, la politesse ou la pudeur, mais par ce qui les meut au-dessous de la ceinture, comme le dit le pape François ...

    Retour en force du féminisme, des Gender Studies, des tenants de toutes les formes de décomposition sociétale ? Peut-être celles justement qui se préparent chez nous, qu'il faut à toute force faire avancer ? Offensive contre la part encore masculine, dite machiste, de nos sociétés ?

    Ou bien encore, volonté de faire passer au second plan des sujets plus graves, français et / ou internationaux ?

    Les lecteurs de Lafautearousseau exerceront s'ils le veulent leur sagacité, pour rechercher ce qui se cache derrière ces lubies médiatiques et dans la cervelle de nos prétendues élites.

    On a passé bien du temps l'autre dimanche au soir, au palais de l'Elysée, à disserter sur le fait que le président de la République ait fustigé ceux (celles et ceux ?) « Qui foutent le bordel », comme s'il n'y avait rien de plus sérieux à lui reprocher... Que pour une fois Emmanuel Macron ait parlé comme tout le monde choquait parait-il les journalistes et quelques bobos germanopratins.

    De qui se moquait-on ? Dans les médias, la parole est-elle si prude, le propos toujours élégant et châtié, le discours d'une grande élévation ? « Rions, rions » eût dit Montherlant. La grossièreté et pis, la vulgarité, sont au contraire monnaie courante à la radio comme à la télévision., Par exemple sur France Inter où Charline Vanhoenacker, Alex Vizorek et leur bande nauséabonde, s'y adonnent soir et matin, et même la nuit, sous prétexte d'humour ... Humour tarifé le plus souvent très sot, très sale, scabreux même, très orienté... Et très prétentieux. Qui nous dira ce que gagnent ces gens-là, que nous payons de nos deniers pour dégoiser justement leurs ... cochonneries ?

    « Balance ton porc » est bien dans leur manière : ordinaire, vulgaire, sale. Ce devrait être leur devise, leur marque de fabrique. Et au fond, les braves gens, les Français quelconques, les gens normaux pourraient bien la leur appliquer. 

    « Balance ton porc » ? Balance tous ces gens-là ? En Français trivial, on dirait chiche !  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Commémorer Mai 68 ?

     

    par Gérard Leclerc

     

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    Ainsi le Président de la République entend commémorer Mai 68 ! Étrange idée, car si l’on garde à l’esprit que Mai 68 consista en un gigantesque happening il n’y a pas de meilleure façon de le tuer que d’en faire une commémoration officielle. Je sais bien qu’Emmanuel Macron n’ira pas déposer une gerbe de fleurs rue Gay Lussac, en souvenir des célèbres barricades qui s’y dressèrent. On n’assistera pas non plus à un défilé, drapeau rouge ou drapeau noir en tête, des glorieuses brigades de lanceurs de pavés sur les Champs Élysées. On ne songera sûrement pas à embraser symboliquement la place de la Bourse pour rappeler la tentative d’incendie opérée par quelques enragés. Alors que fera-t-on ? Je lis qu’à l’Élysée, on aurait des intentions plus subtiles, puisqu’il s’agirait de « réfléchir sur ce moment et en tirer les leçons qui ne soient pas “anti” ou “pro” mais tiennent compte de ces événements dans les mentalités actuelles. Car, ajoute-t-on, 68 fut le temps des utopies et des désillusions, et nous n’avons plus vraiment d’utopies et avons vécu trop de désillusions. »

    En ces termes, il y a peut-être quelque chose à envisager, mais cela nous renvoie plutôt à un vaste colloque à la Sorbonne, un peu prédestinée à un tel usage, puisqu’elle fut le lieu d’une étonnante effervescence en Mai 68, avant d’être reprise par les forces de l’ordre. Mais je vois mal un tel projet réalisé ailleurs. À l’Élysée ? Ce serait une première ! Mais un peu de patience pour en savoir un peu plus…

    Reste, quand même, le problème de fond. Mai 68 divise, la perspective d’une commémoration produit déjà des protestations véhémentes. Henri Guaino, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, y voit « la matrice du nihilisme, de la permissivité, de l’individualisme, qui sont au pouvoir aujourd’hui ». On pourrait lui rétorquer qu’il a trop raison, mais parce que ce sont les idéaux de Mai qui ont été trahis. Les soixante-huitards exaltés sont devenus, par la suite, pour l’essentiel, les meilleurs gérants de l’ordre ou du désordre établi. L’analyse peut se développer en bien des directions, comme celle de l’ami Jean-Pierre Le Goff, auteur du meilleur livre sur le sujet, et qui parle d’un « héritage impossible ». Attention, M. Macron, vous vous lancez dans une entreprise hasardeuse…  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 octobre 2017.

  • Zemmour : « Macron est un moderne. Il ne sait pas que l'Histoire est tragique »

     

    BILLET -  Dimanche 15 octobre au soir, Eric Zemmour a vu du Giscard dans Emmanuel Macron : efficace et technique. [RTL 17.10]

    Ce n'est pas de bon augure. Le septennat délétère de VGE n'est ni pour Zemmour ni pour nous une référence. Nous nous souvenons que lors de son élection à la présidence de la République en 1974, contre le soulagement droitier de l'époque provoqué par la défaite de François Mitterrand, nous avions titré quant à nous à peu près ceci [dans Je Suis Français] : « A compter du 27 mai, l'ennemi s'appelle Giscard ».  C'était à la veille du deuxième rassemblement royaliste des Baux de Provence. Nous n'avons été compris et approuvés que quelques temps après ...   LFAR 

     

     

     Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge

    Le président Macron répondait dimanche 15 octobre pour la première fois aux questions de journalistes sur TF1. « C'était clair et net. De l'excellent travail. Sans notes et sans bavures. Tout dans la tête et rien dans les mains », analyse Éric Zemmour. « Pendant une heure, on comprenait mieux pourquoi Emmanuel Macron avait tant séduit nos élites, de Jacques Attali à François Hollande. À la fois rapide et limpide. Une Ferrari de l'intelligence à la française », raille-t-il.

    « Il rappelait irrésistiblement aux plus vieux Giscard », constate Zemmour . Il note que « si Macron a les qualités de Giscard, il en a aussi les défauts et les lacunes ». Ainsi « au bout de 50 minutes consacrées à l'économie, on en avait assez d'être à Bercy en compagnie du directeur du Budget ».

    « Comme Giscard, Macron est un moderne, c'est-à-dire qu'il pense que nous sommes dans un âge de l'Humanité où tout se règle par l'économie et le droit. La négociation et le deal », ajoute Éric Zemmour : « On songeait encore à Giscard et à la fameuse sentence de Raymond Aron sur l'ancien président : il ne sait pas que l'Histoire est tragique », conclut-il.  

    Éric Zemmour

  • Médias & Société • Le porc et l’hystérique : l’échec de la révolution sexuelle soixante-huitarde est consommé

     

    Par Véronique Hervouët

    Cette chronique est une fine analyse des phénomènes médiatiques et sociétaux dont nous sommes en ce moment assommés avec le très vulgaire et dégradant slogan dont il est question ici [Boulevard Voltaire, 21.10].  Précisons que les « mœurs archaïques des sociétés traditionnelles » évoquées dans cet article ne se rapportent sûrement pas aux nôtres, dans lesquels les rapports hommes-femmes ont - en France - pour usage la galanterie et se fondent , plus anciennement, sur l'amour courtois.   LFAR

     

    8fe6f36f4b35b99c55433011fb3e483c.jpegL’affaire Weinstein c’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Ce qui est nouveau, c’est que les prétendues élites, dans les alcôves desquelles se passent ces petites affaires, jouent les vierges effarouchées et que les médias qui s’en font les porte-parole posent en modèles de haute vertu scandalisés… Une vaste hypocrisie au regard de la corruption notoire des mœurs dans les milieux où se cotoient le show-biz, les arts officiels et le pouvoir. Mais pas seulement. À des degrés et dans des styles divers, tous les milieux sont concernés. Hier, dans la presse, une universitaire a parfaitement épinglé l’ordinaire de ces pratiques dans son milieu professionnel, non sans pointer avec beaucoup de justesse certaine duplicité féminine et même l’adhésion de nombre de femmes à ce « dispositif promotionnel ».

    
Une histoire vieille comme le monde, que la promotion canapé… Aussi indigne soit-elle, on peut se douter que la vertu n’est pour rien dans cette dénonciation subite, tonitruante. Plutôt y verra-t-on une cristallisation de symptômes qui signent la fin ultime de la fameuse « libération sexuelle » soixante-huitarde. Sous l’influence du désenchantement, issu de son échec, pointe la lassitude d’être soi, l’envie de devenir autre… d’inverser les dominations !

    Les frustrations des « femmes d’en haut » (terminologie employée par Nathalie Saint-Cricq lors de « L’Émission politique » du jeudi 19 octobre) s’engouffrent dans la brèche pour imposer leur loi aux « mâles blancs dominants » qui s’empressent de se battre la coulpe et de déclarer forfait. 

    Ceci au moment même où la virilité et la combativité des hommes seraient vitales pour s’opposer à la régression vertigineuse du statut féminin, celui des « femmes d’en bas » (pour commencer…) qui subissent les violences des mœurs archaïques des sociétés traditionnelles, se multipliant de façon exponentielle au gré de la submersion migratoire. 

    Weinstein, qui n’est ni le seul ni le dernier des gros boss à pratiquer sans scrupule la promotion canapé, n’est qu’un bouc émissaire de haut vol et le détonateur ad hoc pour changer de paradigme. Il a suffi d’une dénonciation d’actrice pour entraîner les suivantes et entamer la procédure sacrificielle. Les starlettes (jusqu’alors promptes à se précipiter à demi nues devant les murs promotionnels et autres escaliers de festivals), les journalistes et les femmes politiques se bousculent soudain, avec des trémolos de patronnesses, au tourniquet victimaire, nouveau faire-valoir médiatique de leur puissance, de leur séduction…  

    Anticipant de quelques semaines ce retour tonitruant de la vertu, une jeune blogueuse avait fait parler d’elle en diffusant des selfies aux côtés de ses « harceleurs de rue », nouvelle modalité de l’hystérique, pour parader, se faire voir en objet inaccessible du désir.

    Il en est de même de cette bobo qui avait dénoncé publiquement un malheureux dépanneur de chez Orange qui avait osé lui déclarer par texto son admiration. Comme quoi même un timide hommage masculin peut être instrumentalisé, dénoncé comme du harcèlement sexuel, par une destinataire désireuse de mettre en valeur son pouvoir de séduction sur les réseaux sociaux.

    Chassez le duo classique du pervers et de l’hystérique et il revient au galop sous la forme d’une injonction au succès fulgurant : « Balance ton gros porc ». 

    Autrement dit : rien de nouveau dans la relation femme/homme (et inversement). L’échec de la révolution sexuelle soixante-huitarde est consommé. Les revendications du « genre », ses annexes reproductives (PMA, GPA) et les luttes souterraines pour légaliser les derniers interdits (pédophilie, inceste, meurtre) ne sont que les dernier feux de ce credo. C’est sur la base de cet échec final, d’un regain de combativité et d’un renouveau culturel occidental qui se profilent que la relation homme femme pourra se redessiner.  

    Psychanalyste et essayiste
  • Livres • Au service de Sa Gracieuse Majesté

     

    Par Péroncel-Hugoz

     

    enclave - Copie 6.jpgLe duc d'Édimbourg, époux de la reine Elizabeth II ? On pense en général à une vie bordée d'honneurs et de déplacements mais plutôt « plate ».

    Eh ! bien on se trompe, et Philippe Delorme, cet historien des dynasties mises à la portée du grand public cultivé, nous le démontre, dans cette première biographie française d'un des hommes les plus connus au monde. Connu peut-être mais superficiellement et méconnu pour l'essentiel.

    Né en 1921 à Corfou, au sein de cette lignée danoise qui régna un siècle sur la Grèce, Philippe compte plus de « quartiers » royaux dans sa généalogie qu'Elizabeth d'Angleterre qu'il épousera en 1947, après avoir correspondu avec elle depuis 1939, et qui est sa cousine, Philippe étant né d'Alice de Battenberg, descendante de la reine Victoria et épouse d'un prince grec. Éduqué en France, Allemagne et Grande-Bretagne, notamment par un Allemand juif, Philippe parlera toujours mieux les langues de ces pays que le grec moderne. Une des parties les moins connues du cursus de ce prince est sans doute son rôle militaire plus qu'exemplaire durant le second conflit mondial, de la Cyrénaïque au Péloponnèse via la capitulation du Japon. C'est lors de cette période guerrière que le jeune homme achèvera de former cette virilité qui sera l'une des caractéristiques de son comportement, à une époque où, en Occident, on cherche plutôt à mettre en valeur « la part féminine » des garçons... Pas le genre du tout de Philippe qui, néanmoins, ne sera pas roi consort, ni même, officiellement « prince consort », mais régnera toujours en souverain maître, dans son ménage, avec le plein accord de son épouse, la reine régnante.

    Delorme démontre très bien cela, à l'encontre, il est vrai, des tendances actuelles. L'union de ces deux altesses royales est inoxydable et constitue l'une des plus belles et des plus pudiques histoires d'amour des XXe et XXIe siècles. Cet attachement à sa femme, et aussi à son pays d'adoption, explique largement le dévouement inlassable du duc d'Édimbourg au service du Commonwealth, y accomplissant nombre de missions en dehors des voyages officiels. Heureusement la monarchie de Londres a été débarrassée par les démocrates britanniques des oeuvres politiciennes, souvent basses par nature et le prince a préféré travailler, parmi les peuples anglophones, « au cocon de tendresse inlassablement filé autour du globe par une famille royale itinérante » (Régis Debray, La Puissance et la Gloire, 1983), alors que la France républicaine se montrait incapable de créer un tel cocon avec les peuples francophones.

    La biographie du duc d'Édimbourg vient confirmer ce que l'on avait appris de la puissance secrète de la royauté britannique avec le film Sa Majesté la Reine (2006) (The Queen) de Stephen Frears. On apprend des choses à chaque page de ce livre, qui n'oublie pas non plus de s'étendre sur l'humour « incorrect » du duc.... 

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    Philippe Delorme, Philippe d'Édimbourg. Une vie au service de Sa Majesté, Tallandier, 300 p.,avec 24 photos, 20,90 €

     

    PÉRONCEL-HUGOZ - Correspondant du Monde au Caire à l'époque de Sadate, notre chroniqueur a souvent écrit sur le sort des chrétiens d'Orient, dont les coptes d'Égypte, en ses articles, notamment dans La NRH depuis 2003, ainsi que dans l'un de ses premiers essais : Le Radeau de Mahomet (1983).

    Repris de la NRH - Septembre-octobre 2017

  • Cinéma • Faute d’amour, d'un film l'autre

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Faute d’amour, un film russe d’Andreï Zviaguintsev 

    Après  Mon garçon, de Christian Carion avec Guillaume Canet, un autre long-métrage sur les enfants du divorce !

    Deux histoires qui débutent de façon identique mais traitées très différemment.

    Ai-je le droit de me citer, mais comment ne pas reprendre ce que je disais de ce premier film :   « chacun, du mari et de la femme, a « retrouvé quelqu’un », chacun « refait sa vie »… Et l’enfant dans tout ça ?

    A une époque où, au moindre accident, on met en place une « cellule psychologique », quelle cellule psychologique pour l’enfant dont la cellule familiale ne dure pas plus qu’un CDD ? » 

    Dans les deux scénarios on constate « l’absence » de la police. C’est d’une part l’investissement individuel, personnel, du père de Mon garçon, d’autre part le déploiement collectif du Groupe de Recherche des Enfants Disparus (GRED), qui portent ces drames. Mais si, dans une réalisation pudique, Guillaume Canet prend très violemment conscience de sa paternité, le réalisateur russe, quant à lui, dénonce le Faute d’amour en mettant en scènes très scabreuses, dans toute leurs nudités, la recherche de jouissance et l’égoïsme des parents d’Aliocha. A leur chacun pour soi, avec une vulgarité soulignée par un vocabulaire ordurier, s’oppose la solidarité active et gratuite des membres du GRED, dont je me demande s’il est un héritage, heureux, du collectivisme soviétique !   

    Bref, une œuvre finalement très noire, très pessimiste, le contraire d’un conte de fées, oppressante, mais néanmoins excellente.  

  • Livres • Au service de Sa Gracieuse Majesté

     

    Par Péroncel-Hugoz

     

    enclave - Copie 6.jpgLe duc d'Édimbourg, époux de la reine Elizabeth II ? On pense en général à une vie bordée d'honneurs et de déplacements mais plutôt « plate ». Eh ! bien on se trompe, et Philippe Delorme, cet historien des dynasties mises à la portée du grand public cultivé, nous le démontre, dans cette première biographie française d'un des hommes les plus connus au monde. Connu peut-être mais superficiellement et méconnu pour l'essentiel.

    Né en 1921 à Corfou, au sein de cette lignée danoise qui régna un siècle sur la Grèce, Philippe compte plus de « quartiers » royaux dans sa généalogie qu'Elizabeth d'Angleterre qu'il épousera en 1947, après avoir correspondu avec elle depuis 1939, et qui est sa cousine, Philippe étant né d'Alice de Battenberg, descendante de la reine Victoria et épouse d'un prince grec. Éduqué en France, Allemagne et Grande-Bretagne, notamment par un Allemand juif, Philippe parlera toujours mieux les langues de ces pays que le grec moderne. Une des parties les moins connues du cursus de ce prince est sans doute son rôle militaire plus qu'exemplaire durant le second conflit mondial, de la Cyrénaïque au Péloponnèse via la capitulation du Japon. C'est lors de cette période guerrière que le jeune homme achèvera de former cette virilité qui sera l'une des caractéristiques de son comportement, à une époque où, en Occident, on cherche plutôt à mettre en valeur « la part féminine » des garçons... Pas le genre du tout de Philippe qui, néanmoins, ne sera pas roi consort, ni même, officiellement « prince consort », mais régnera toujours en souverain maître, dans son ménage, avec le plein accord de son épouse, la reine régnante.

    Delorme démontre très bien cela, à l'encontre, il est vrai, des tendances actuelles. L'union de ces deux altesses royales est inoxydable et constitue l'une des plus belles et des plus pudiques histoires d'amour des XXe et XXIe siècles. Cet attachement à sa femme, et aussi à son pays d'adoption, explique largement le dévouement inlassable du duc d'Édimbourg au service du Commonwealth, y accomplissant nombre de missions en dehors des voyages officiels. Heureusement la monarchie de Londres a été débarrassée par les démocrates britanniques des oeuvres politiciennes, souvent basses par nature et le prince a préféré travailler, parmi les peuples anglophones, « au cocon de tendresse inlassablement filé autour du globe par une famille royale itinérante » (Régis Debray, La Puissance et la Gloire, 1983), alors que la France républicaine se montrait incapable de créer un tel cocon avec les peuples francophones.

    La biographie du duc d'Édimbourg vient confirmer ce que l'on avait appris de la puissance secrète de la royauté britannique avec le film Sa Majesté la Reine (2006) (The Queen) de Stephen Frears. On apprend des choses à chaque page de ce livre, qui n'oublie pas non plus de s'étendre sur l'humour « incorrect » du duc....  

    Philippe Delorme, Philippe d'Édimbourg. Une vie au service de Sa MajestéTallandier, 300 p., avec 24 photos, 20,90 €

  • L’Espagne à la croisée des chemins. Espagne, où vas-tu ?

     

    par Pascual Albert *

     Publié le 13 novembre 2012 - Actualisé le 20 octobre 2017

    20170814_161658 - Copie.jpgEn moins de deux mois, des élections régionales se seront tenues en Galice, au Pays Basque et en Catalogne, les trois Communautés qui, les premières, ont obtenu l’autonomie et qui ont le plus de compétences, dans leurs Statuts d’Autonomie.

    Si les élections au Pays Basque et en Galice étaient prévues et ont eu lieu parce que c’était le moment qu’elles se tiennent, les élections catalanes seront anticipées, le président Mas (1) ayant dissous le parlement, par une manœuvre opportuniste, résultat de la manifestation indépendantiste massive du 11 septembre, à Barcelone. Il prétend élargir sa majorité – jusqu’à la rendre absolue, si c’est possible – pour ne pas dépendre de l’appui parlementaire du Parti Populaire.

    Dans les trois Communautés Autonomes (2), les partis d’implantation nationale sont présents : Parti Populaire ; socialistes et communistes ; ainsi que, bien sûr, tous les groupes nationalistes anti-espagnols de tous poils : Bloc Nationaliste de Galice, Parti Nationaliste Basque, Convergencia i Unio, Bildu, ERC, etc.

    Les positions politiques des uns et des autres, quant au sens de la nation et quant aux structures de l’Etat, sont clairement différentes.

    Le Parti Populaire (Droite « homologuée »), actuellement au pouvoir, en charge du gouvernement national, comme dans la plus grande partie des Communautés Autonomes et des Municipalités, défend catégoriquement la structure et les institutions actuelles, se refusant, dans les circonstances présentes, à faire des réformes qui, nécessairement, incluraient celle de la Loi Fondamentale : la Constitution. La priorité absolue du Parti Populaire est de tenter de surmonter la crise économique, en suivant les recommandations des institutions européennes et mondialistes. Malgré ses efforts, et la rigueur des mesures prises, malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

    Le Parti Socialiste apparaît beaucoup plus ambigu et confus ; l’un de ses courants aurait une position assez proche du Parti Populaire, l’autre a commencé à demander la transformation de l’Espagne en un Etat fédéral. Cette ambiguïté fait qu’il lui est difficile de pouvoir profiter de l’importante usure gouvernementale dont la situation (crise, mesures sociales, corruption) fait supporter la conséquence à ses rivaux du Parti Populaire.

    L’extrême-gauche communiste, qui est, par surcroît, écolo-pacifiste et « genderiste », recueille, en général, les désenchantés du socialisme et correspond, et même davantage, à la devise qu’elle porte, dans son âme, écrite en lettres de feu : « tout ce qui est anti-espagnol est nôtre ».

    Les nationalistes de différentes tendances : bourgeois, prolétaires, modérés, radicaux, etc. ont fini par donner du lustre à leurs positionnements maximalistes et demandent des référendums d’autodétermination et autres processus qui puissent les conduire vers leur eldorado indépendantiste.

    Les résultats électoraux sont conformes aux prévisions des enquêtes : en Galice, où, heureusement, le nationalisme ne parvient pas à se développer, le Parti Populaire, comme il était très probable, a validé sa majorité absolue, bien qu’il ait perdu un certain nombre de voix. Le Parti Socialiste a subi, comme prévu, une déroute complète.

    Le Pays Basque, c’est une autre histoire et - quoique l’information distillée par les médias, tant nationaux qu’internationaux, se soit surtout concentrée sur la Catalogne, comme conséquence des derniers événements : le virage stratégique brutal de ce que l’on appelle le « nationalisme catalan modéré », et sa suite, la manifestation « indépendantiste » de Barcelone - il est certain que le plus grand problème institutionnel et politique que l’Espagne a connu ces dernières années a été le terrorisme de l’E.T.A. avec son sanglant cortège de morts, de blessés et de souffrances.

    BILDU, parti ou coalition clairement inspirée et certainement dirigée par l’E.T.A., s’est présenté aux élections régionales dans le nouveau contexte quasi pacifique, l’E.T.A ayant annoncé, il y a déjà quelque temps, qu’elle renonçait à la « lutte armée », sans, pour autant, qu’elle se soit dissoute.

    Lors des élections précédentes – sous différents noms – les radicaux se présentaient aux élections au milieu des bombes et des coups de feu. Déjà, lors des dernières élections municipales et « forales » – tenues dans ce contexte d’armistice ( ?) – ils avaient obtenu des résultats très inquiétants, remportant, entre autres, la mairie de Saint-Sébastien et la présidence forale du Guipúzcoa – avec la complicité du Parti Nationaliste Basque qui n’avait pas accepté l’offre, des partis constitutionnalistes, d’un pacte pour l’empêcher.

    Quant aux dernières élections, les sondages prévoyaient ce qui s’est réalisé : une consolidation de l’espace nationaliste – modéré et radical – et une chute des partis espagnols (nationaux) ; le Parti Socialiste, qui gouvernait la Communauté Autonome Basque, avec l’appui parlementaire du Parti Populaire, a subi, ainsi que ce dernier, de fortes pertes en voix et en sièges.

    Enfin, en Catalogne, le processus étant très en retard – en raison de son caractère imprévu et soudain – il n’y a pas encore une perception très nette du contexte électoral à venir. Ce qui, toutefois, est certain, c’est que si le président nationaliste Arturo Mas a franchi le pas qu’il a franchi (convocation d’élections anticipées), c’est parce qu’il espère renouveler et conforter sa majorité ; l’ampleur indéniable de la manifestation indépendantiste de Barcelone rend assez prévisible que la situation électorale soit plus ou moins similaire à celle du Pays Basque.

    Que s’est-il passé pour qu’en un si court espace de temps, moins de dix ans, le label de l’Espagne, laquelle apparaissait tellement consolidée, avec ses réussites économiques, politiques, sociales, sportives, etc., au point d’être montrée comme un exemple à suivre, dans le même temps qu’ apparaissaient dans le monde des situations nouvelles « compliquées » : par exemple, la chute de l’empire soviétique, les Balkans, etc.

    Naturellement, de nombreux éléments se sont conjugués, parmi lesquels, sans aucun doute, les facteurs de crise économique brutale et la perte de prestige accélérée de la caste politique ne sont pas les moins importants. Mais se conjuguent, aussi, d’autres causes, de différents ordres, qui rendaient prévisible que cette situation se produise, un jour ou l’autre.

    Je vais tenter de les expliquer le plus brièvement possible :

    I. Des raisons qui sont profondément liées au processus historique de formation de la nation Espagne 

    Le processus de formation de l’Espagne est très différent de celui de la France (où, à partir de la « centralité » d’une dynastie, les Capétiens, se construit, peu à peu, empiriquement, une nation, à travers des conquêtes et/ou des alliances, à la recherche des frontières du « pré-carré »).

    231339459.jpgL’invasion arabe et le processus  de reconquête chrétienne qui l’a suivie, font naître et se développer une série de royaumes et principautés, qui confluent, finalement, vers deux grandes couronnes : la Castille et l’Aragon, accompagnées d’un Portugal qui, progressivement, s’auto-affirmera et fera son chemin séparément, et d’un royaume de Navarre qui, quoique avec une beaucoup plus grande assise territoriale et incidence historique initiale dans la péninsule ibérique, sera porté, par les avatars de l’Histoire, à n’être qu’un appendice de la France. La Castille et l’Aragon s’unissent, en la personne de leurs rois, Ferdinand et Isabelle. Les Rois Catholiques conquièrent Grenade – le dernier bastion musulman ; avec eux commence la découverte et la colonisation de l’Amérique et, en s’immisçant dans les querelles internes de la Navarre, ils annexent la partie ibérique de ce royaume, et, en quelque manière, ils atteignent leurs frontières naturelles. Mais cette union se réalise à travers la personne des Rois Catholiques et chacun de ces peuples conserve ses lois, usages, coutumes et sa langue : en conclusion, ses « Fueros » (3). Les langues parlées sont : le galicien portugais, le catalan et le castillan, d’origine latine et la langue basque préromane. 

    La modernité a rogné progressivement ces « Fueros » et libertés : la vision « régalienne » de Charles premier d’Autriche en a presque fini avec les libertés castillanes et le « centralisme » du premier Bourbon, Philippe V, abroge les fueros d’Aragon, de Catalogne, de Valence et des Iles Baléares (couronne d’Aragon). Par parenthèse, il serait peut-être intéressant d’approfondir, un jour, le thème de la guerre de succession d’Espagne, origine des mythes les plus enracinés du nationalisme catalan et du pan-catalanisme.

    Mais tout cela – quoique grave – est sans aucune comparaison avec l’authentique agression centraliste et, plus encore, uniformisatrice  (dont, vous, les Français, êtes paradoxalement, à la fois, les « coupables », les victimes et le modèle paradigmatique) que les « fils des Lumières » et leurs héritiers, les Jacobins enragés, ont impulsé avec le libéralisme. Mais, en Espagne, cela ne leur fut pas facile et, en l’espace de cinquante ans (1830-1880), ils se sont retrouvés face à un peuple en armes, pour défendre jusqu’à la mort ses traditions.

    On a appelé cela les guerres carlistes et – quoique perdues – celles-ci ont rendu possible qu’au moins les Basques et les Navarrais conservent de nombreuses particularités « forales » dans leurs Statuts, parmi lesquelles la « Concertation Economique » qui consiste en ce qu’ils perçoivent l’impôt et, ensuite, payent à l’Etat le montant « pacté » (qui, naturellement, est toujours inférieur en pourcentage à la contribution directe des autres régions).

    En conclusion, nous pourrions dire qu’en Espagne le changement de l’ « Ancien Régime » au nouveau n’a pas été bien achevé. De fait, l’actuelle fièvre catalane a pour excuse le refus du gouvernement central de négocier une « Concertation Economique ». D’un autre côté, il faut dire que le gouvernement ne peut faire autre chose, parce que la Constitution ne le permet pas. Auparavant, il faut la réformer. 

    2. Des raisons qui sont liées à la structuration de l’Espagne actuelle et à sa Constitution

    Ici, nous pourrions commencer par la fin. Ce qui a été la première tentative de résoudre les problèmes signalés au point précédent, à partir de positions pacifiques et en recherchant des accords entre les forces politiques, n’a pas donné de résultat ; le modèle semble épuisé. Les causes sont nombreuses ; on va le voir ci-après.

    Dans les années dites de la Transition (1970-1990), il y avait un sentiment de « différence » et une mobilisation pour cette différence, en Catalogne, à Valence,  aux Baléares,  au Pays Basque et en Navarre, et, dans une bien moindre mesure, en Galice.

    Ce sentiment que j’appellerai « différentialiste » se centrait fondamentalement sur les questions culturelles et linguistiques, sans que l’on méconnaisse d’autres aspects de la revendication : politiques, économiques, administratifs.

    Il est logique que ce soient les territoires signalés qui aient été les plus motivés, parce qu’y survivaient, avec une plus ou moins grande intensité, une langue et une culture propres, partageant l’espace, de manière inégale avec le castillan, langue de la culture officielle ; elles étaient généralement maltraitées. Mais ces langues étaient très vivantes (rien à voir avec la situation des langues régionales en France) et utilisées habituellement par des millions de personnes.

    Il faut dire que, dans ces années-là, l’immense majorité des gens mobilisés le faisaient par AMOUR de ce qui était leur ; il y en avait très peu qui le faisait en HAINE de l’Espagne et de ce qui est espagnol. Cette situation a changé ; maintenant, énormément de jeunes de ces régions – surtout basques et catalans – s’activent par HAINE de l’Espagne. Ils l’ont apprise par une gigantesque opération de lavage de cerveau qui a duré trente ans, dans les écoles, instituts, universités et moyens de communication.

    Dans un premier temps, on aurait pu donner une suite à ces véritables aspirations d’autonomie, d’une part en les centrant sur ce qui est fondamental, en ne livrant pas, avec armes et bagages, tout le pouvoir médiatique, culturel et éducatif, aux partis nationalistes, ou en maintenant des programmes éducatifs et d’enseignement cohérents et unitaires – bien qu’à Barcelone on les enseigne en catalan et à Séville en castillan – d’autre part en faisant appliquer les lois - aussi bien nationales que régionales - relatives à l’enseignement et à l’usage des langues co-officielles, et en n’acceptant pas les injustices, comme les difficultés de beaucoup de familles en Catalogne et au Pays Basque – aussi bien qu’en Galice – pour pouvoir faire donner à leurs enfants un enseignement en castillan, ou les amendes infligées aux entreprises et commerces qui ne rédigent pas en catalan, etc.

    Cependant, les politiciens de bonne foi, peut-être pour banaliser la chose, ont décidé d’étendre l’état d’autonomie à toutes les régions, y compris lorsque certaines d’entre elles n’en avaient pas besoin et ne le demandaient même pas. Depuis lors, ce qui a fait fureur, c’est la surenchère comparative, le « Moi je veux plus », etc., des partis nationalistes au Pays Basque et en Catalogne, parce que eux « ne peuvent pas être » égaux au reste des Espagnols. Ce qui a commencé par être une revendication de leur légitime « différence », est, maintenant, une exigence d’être « PLUS », c'est-à-dire d’être indépendants.

    Dans ce contexte, il est difficile que le nouveau positionnement du Parti Socialiste - avancer vers un Etat véritablement fédéraliste - puisse être une solution. Un Etat fédéral serait nécessairement égalitaire, s’agissant des compétences de toutes ses composantes, et, cela, c’est justement ce que les séparatistes ne peuvent supporter.

    A cet ensemble de causes s’en ajoutent d’autres, peut-être plus futiles, mais qui deviennent de plus en plus significatives.

    Parmi celles-ci, il y a le brusque virage stratégique de Convergencia i Unio, représentante théorique du nationalisme « modéré » : ainsi, Convergencia i Unio, que ne tardera pas à suivre le Parti Nationaliste Basque. Et, bien que quelques analystes croient qu’il ne s’agit que d’une question d’argent, d’autres – dont nous - ne le voient pas ainsi.

    Il est certain que la Catalogne est littéralement en faillite, comme, d’ailleurs, toutes les Communautés Autonomes, à l’exception du Pays Basque et de la Navarre, et que ses gouvernants (« Tripartito » (4) et nationalistes) ont fait des ravages par leurs gaspillages et actes de corruption – comme les autres.

    Mais, même si le Gouvernement Central leur avait concédé des finances propres – ce qu’il a refusé, refus qui a été le détonateur de la crise catalane, parce qu’il n’y a pas d’argent et parce que cela ne peut pas se faire sans préalablement réformer la Constitution - cela aurait signifié seulement retarder la crise.

    Le cas des Basques est très clair, puisque, alors qu’ils disposent de leurs finances propres et des compétences en matières éducative, culturelle et linguistique, leur nationalisme « modéré » pousse toujours plus vers l’indépendance. 

    Que penser ? Que faire ?

    Dans ce contexte et, sans aucun doute, à moyen ou long terme, que reste-t-il à l’Espagne ?

    Premièrement, réaffirmons bien haut et bien fort que l’Espagne n’est ni la Tchécoslovaquie, ni la Yougoslavie ; plus de cinq cents ans d’une conscience et d’une vie communes  laissent des traces.

     En second lieu, malgré trop d’années de manipulation par les médias, d’intoxication par l’éducation et d’immersion linguistique, nous avons ici les sondages : aussi bien en Catalogne qu’au Pays Basque, la somme de ceux qui se sentent Espagnols ET Basques ou Catalans, ou seulement Espagnols, dépasse clairement le nombre de ceux qui ne se sentent que Basques ou Catalans ; et si, au Pays Basque, plus de 70% utilisent, comme langue habituelle, le castillan, en Catalogne 50% en font autant. Même s’il est sûr que, pour diverses raisons, ces populations apparaissent comme peu mobilisées, il est très possible que cela commence à changer.

     Il ne faut pas oublier, non plus, s’agissant de ces deux Communautés Autonomes, si intimement reliées au reste de l’Espagne, que plus de 70% de leur économie dépend d’elle et qu’elles souffriraient énormément d’une rupture.

     Rappelons aussi que les lois espagnoles elles-mêmes font qu’il appartiendrait au peuple espagnol, pris dans son ensemble, d’accepter, par référendum, cette rupture.

     Quant aux institutions européennes, que les séparatistes invoquent, argumentant qu’il n’y aura pas de problème, qu’ils vont rester dans l’Europe et dans la zone euro, cela est-il bien ainsi ? Que vont dire la France, avec l’irrédentisme basque et catalan, à ses frontières ? l’Italie, avec les Ligues du Nord et du Sud ? la Belgique, avec les Flamands et les Wallons ? etc.  Il me semble que seule l’Allemagne serait favorable, parce qu’il est clair qu’elle préfère de petites nationalités, plus ou moins ethnolinguistiques, aux grandes nations historiques.

     Alors que la logique et le sens commun le plus élémentaire nous font conclure que la priorité, aujourd’hui, est d’arriver à sortir du chaos économique dans lequel nous sommes immergés – en cela le gouvernement central a raison, pour autant qu’il en coûte aux démagogues séparatistes qui, dans ces circonstances, ont déclenché cet orage, démontrant ce qu’ils sont, c'est-à-dire égoïstes, non-solidaires et opportunistes - c’est maintenant le moment de prendre le taureau par les cornes et de fermer – bien et pour toujours – ce débat.

    Bien que les circonstances actuelles ne semblent pas être les meilleures pour la Monarchie (affaires de la chasse à l’éléphant du Roi et le reste… ; incroyable histoire du duc de Palma inculpé dans une vilaine affaire de trafic d’influences et d’évasion de capitaux), encore qu’heureusement il semble que ces affaires soient en train de s’éloigner, la Couronne devrait jouer dans cette situation un rôle important.

    Il n’y a pas de doute que la Couronne doit user de tous les pouvoirs que la Constitution lui donne pour exercer sa médiation et redresser la situation.

    Mais, en même temps, il faut être capable de procéder aux réformes nécessaires pour rendre possible l’Espagne réelle.

    Du plus profond de la tradition espagnole, il faudrait reprendre l’esprit des « Fueros », pour être en adéquation avec notre réalité politique, en donnant à chaque région ce dont elle a besoin, mais dans les limites d’un authentique sentiment de loyauté envers les Espagnes, c’est-à-dire l’Espagne de tous.

    La dynastie régnante, à qui personne ne peut contester la légitimité de son origine, par rapport à la dynastie carliste qui a soutenu ces principes, a devant elle un grand défi. Un défi comparable à la tentative de coup d’Etat du 23 février 1981. Dieu veuille qu’elle soit à la hauteur de l’Histoire. L’Espagne en a besoin.  

     

    * Ami de longue date et grand connaisseur de notre cause, habitant Valence, en Espagne, d'où cet article nous est parvenu.

    1. Arturo Mas : président de Catalogne (2010); a lancé le processus indépendantiste.

    2. l'Espagne est aujourd'hui divisée en 17 communautés autonomes.

    3. Fueros : privilèges et libertés des grandes régions historiques d'Espagne.

    4. Tripartito: coalition de gauche catalane (PSC, Gauche Républicaine, communistes..).