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Littérature • Léon Bloy vu par Leonardo Castellani

 

par Gérard Leclerc

 

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Le 3 novembre 1917, il y a donc cent ans, mourait Léon Bloy, cet immense écrivain, que l’on ne pouvait mieux définir que comme « pèlerin de l’absolu ».

Parmi ses lecteurs d’aujourd’hui, le pape François lui-même, qui le cita dans sa première homélie. Pourtant est-il personnage plus décalé pour l’époque que celui-là, qui l’était déjà totalement pour la sienne ? Si Léon Bloy écrivait aujourd’hui, il y a toute chance pour que sa prose soit considérée avec effroi, tant il serait capable de violence. Une violence qui lui vaudrait probablement d’être convoqué à la dix-septième chambre, où sont jugés les délits de presse. Mais celle violence bloyenne n’était pas inspirée par la méchanceté, en dépit d’un ton polémique qui paraîtrait inouï à nos contemporains. Elle était destinée à réveiller le lecteur, l’interlocuteur pour qu’il fasse retour sur lui-même et se pose sérieusement la question du sens de sa vie.

C’est vrai qu’il peut faire peur celui que son collègue Huysmans appelait aussi « le mendiant ingrat ». Ses imprécations continuelles, ses insultes aussi, même à l’égard de sa patrie : « La France, naguère fille aînée de l’Église, est aujourd’hui l’immondice du monde. » Et il avait autant d’amabilités à l’égard du monde littéraire. Personne n’en a fait un tableau d’une telle cruauté. Mais tout cela serait vain, insupportable, s’il n’y avait en son cœur une foi immense, inextinguible.

Le dernier texte sur Bloy que j’ai lu émane d’un personnage aussi étonnant que lui, un prêtre argentin, Léonardo Castellani*. S’il m’arrivait de rencontrer le pape François, je lui demanderais illico s’il connaît ce compatriote. En tout cas, Castellani a bien lu Bloy, et il ne peut s’empêcher de le rapprocher de tous ceux qui ont connu « la nuit obscure du sens » celle qui est propre aux mystiques : « Certains passent toute leur vie dans une nuit obscure. Pourquoi ? … Dieu seul le sait… », dit Jean de la Croix. Et Castellani d’interroger l’énigme : « Et si c’était parce que le monde actuel se précipite vers la nuit et que Dieu entend l’anticiper de cette manière » avec des prophètes comme le mendiant ingrat ? On trouvera que c’est difficile à avaler… Lisons Léon Bloy pour percer cette nuit.  (A suivre demain : Bloy et Bernanos)

* Leonardo Castellani, Le verbe dans le sang (présenté et annoté par Erick Audouard), Éditions Pierre-Guillaume de Roux.

Gérard Leclerc

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 novembre 2017

Commentaires

  • Il faut lire le texte de Paul Bourget dans lequel il raconte comment, après avoir reçu un appel désespéré de Léon Bloy le suppliant (et l'injuriant en même temps selon son habitude) de lui "prêter" 500 francs, Paul Bourget se rend dans une maison sordide d'une banlieue lépreuse et y trouve une femme saoûle et dépoitraillée, alors que Bloy sommeille affalé sur une table crasseuse, ivre-mort. Bourget essaie de le réveiller en lui montrant l'enveloppe qui contient les billets, mais la femme essaie de les lui prendre, et Bloy se réveille alors en hurlant, s'empare des billets et se couche dessus, avant de se rendormir. Bloy était sans doute un écrivain mystique, mais pas dans le genre de Dante Alighieri. Chaque époque a les imprécateurs à sa mesure.

  • Paul Bourget dit "l'eunuque"
    Votre commentaire sorti d'une période difficile du mendiant ingrat n'est pas représentatif

  • Représentatif de quoi? N'a-t-on pas le droit d'être allergique à Léon Bloy? Dans le genre je préfère Chesterton. Je n'aime pas non plus le style de Péguy que je trouve détestable, comme celui de Céline d'ailleurs. Et quant à Bernanos, ses choix politiques, comme ceux de Bloy, sont inconséquents et irresponsables. Je ne vois pas au nom de quoi on s'extasie sur la critique politique de Chateaubriand par Maurras (justifiée d'ailleurs) et on resterait béat devant ces auteurs qui ont soumis leur engagement versatile au message qu'ils croyaient avoir reçu de Dieu le Père. Même si Paul Bourget n'était qu'un artisan de la littérature, ses engagements furent au moins constants.

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