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Idées, débats... - Page 438

  • « Balancer » pour « balancer » visons les bonnes personnes !

    Patrick Cohen - Sandra Muller 

     

    En deux mots.jpgL'immense campagne « Balance ton porc », vulgaire, avilissante, dégradante pour un peuple de vieille civilisation comme le nôtre où les femmes et les hommes s'honorent et se respectent mutuellement depuis toujours, semble nous être venue d'Amérique. 

    Mais elle a été frénétiquement - ce n'est pas trop dire - reprise par les médias et l'ensemble de ce qu'il est encore convenu de désigner sous le nom d'élites. Quel genre d'élites d'ailleurs pour assumer de telles grossièretés ? Elles sont à plaindre autant qu'à blâmer. Elles ne méritent que rejet et mépris. A leur égard, l'irrespect s'impose.

    Elles y ont droit de fait car l'inconvenance du slogan et la frénésie une fois de plus unanime de tout ce qui, en France, a voix au chapitre et capacité à conditionner l'opinion, a assez rapidement soulevé un tollé d'une rare ampleur. Nous en avons lu des manifestations de toutes parts et de toutes tendances. Une réprobation, une exaspération et un dégoût largement partagés. Preuve qu'il reste en France des traces sans doute ineffaçables de bon goût. Et que la bassesse y est assez spontanément rejetée.

    Pourquoi a-t-on soudainement orchestré de part et d'autre de l'Atlantique une campagne à la fois si intense, si vaine, et si ridicule ? Ce n'est pas d'aujourd'hui en effet qu'il se trouve dans nos sociétés déchues non pas des porcs à balancer, car ces animaux se comportent rarement aussi mal que certains humains, mais des hommes - et d'ailleurs aussi des femmes - dont les actes dans la vie courante ne sont plus gouvernés par la juste raison, la normalité, les convenances, la politesse ou la pudeur, mais par ce qui les meut au-dessous de la ceinture, comme le dit le pape François ...

    Retour en force du féminisme, des Gender Studies, des tenants de toutes les formes de décomposition sociétale ? Peut-être celles justement qui se préparent chez nous, qu'il faut à toute force faire avancer ? Offensive contre la part encore masculine, dite machiste, de nos sociétés ?

    Ou bien encore, volonté de faire passer au second plan des sujets plus graves, français et / ou internationaux ?

    Les lecteurs de Lafautearousseau exerceront s'ils le veulent leur sagacité, pour rechercher ce qui se cache derrière ces lubies médiatiques et dans la cervelle de nos prétendues élites.

    On a passé bien du temps l'autre dimanche au soir, au palais de l'Elysée, à disserter sur le fait que le président de la République ait fustigé ceux (celles et ceux ?) « Qui foutent le bordel », comme s'il n'y avait rien de plus sérieux à lui reprocher... Que pour une fois Emmanuel Macron ait parlé comme tout le monde choquait parait-il les journalistes et quelques bobos germanopratins.

    De qui se moquait-on ? Dans les médias, la parole est-elle si prude, le propos toujours élégant et châtié, le discours d'une grande élévation ? « Rions, rions » eût dit Montherlant. La grossièreté et pis, la vulgarité, sont au contraire monnaie courante à la radio comme à la télévision., Par exemple sur France Inter où Charline Vanhoenacker, Alex Vizorek et leur bande nauséabonde, s'y adonnent soir et matin, et même la nuit, sous prétexte d'humour ... Humour tarifé le plus souvent très sot, très sale, scabreux même, très orienté... Et très prétentieux. Qui nous dira ce que gagnent ces gens-là, que nous payons de nos deniers pour dégoiser justement leurs ... cochonneries ?

    « Balance ton porc » est bien dans leur manière : ordinaire, vulgaire, sale. Ce devrait être leur devise, leur marque de fabrique. Et au fond, les braves gens, les Français quelconques, les gens normaux pourraient bien la leur appliquer. 

    « Balance ton porc » ? Balance tous ces gens-là ? En Français trivial, on dirait chiche !  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Commémorer Mai 68 ?

     

    par Gérard Leclerc

     

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    Ainsi le Président de la République entend commémorer Mai 68 ! Étrange idée, car si l’on garde à l’esprit que Mai 68 consista en un gigantesque happening il n’y a pas de meilleure façon de le tuer que d’en faire une commémoration officielle. Je sais bien qu’Emmanuel Macron n’ira pas déposer une gerbe de fleurs rue Gay Lussac, en souvenir des célèbres barricades qui s’y dressèrent. On n’assistera pas non plus à un défilé, drapeau rouge ou drapeau noir en tête, des glorieuses brigades de lanceurs de pavés sur les Champs Élysées. On ne songera sûrement pas à embraser symboliquement la place de la Bourse pour rappeler la tentative d’incendie opérée par quelques enragés. Alors que fera-t-on ? Je lis qu’à l’Élysée, on aurait des intentions plus subtiles, puisqu’il s’agirait de « réfléchir sur ce moment et en tirer les leçons qui ne soient pas “anti” ou “pro” mais tiennent compte de ces événements dans les mentalités actuelles. Car, ajoute-t-on, 68 fut le temps des utopies et des désillusions, et nous n’avons plus vraiment d’utopies et avons vécu trop de désillusions. »

    En ces termes, il y a peut-être quelque chose à envisager, mais cela nous renvoie plutôt à un vaste colloque à la Sorbonne, un peu prédestinée à un tel usage, puisqu’elle fut le lieu d’une étonnante effervescence en Mai 68, avant d’être reprise par les forces de l’ordre. Mais je vois mal un tel projet réalisé ailleurs. À l’Élysée ? Ce serait une première ! Mais un peu de patience pour en savoir un peu plus…

    Reste, quand même, le problème de fond. Mai 68 divise, la perspective d’une commémoration produit déjà des protestations véhémentes. Henri Guaino, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, y voit « la matrice du nihilisme, de la permissivité, de l’individualisme, qui sont au pouvoir aujourd’hui ». On pourrait lui rétorquer qu’il a trop raison, mais parce que ce sont les idéaux de Mai qui ont été trahis. Les soixante-huitards exaltés sont devenus, par la suite, pour l’essentiel, les meilleurs gérants de l’ordre ou du désordre établi. L’analyse peut se développer en bien des directions, comme celle de l’ami Jean-Pierre Le Goff, auteur du meilleur livre sur le sujet, et qui parle d’un « héritage impossible ». Attention, M. Macron, vous vous lancez dans une entreprise hasardeuse…  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 octobre 2017.

  • Zemmour : « Macron est un moderne. Il ne sait pas que l'Histoire est tragique »

     

    BILLET -  Dimanche 15 octobre au soir, Eric Zemmour a vu du Giscard dans Emmanuel Macron : efficace et technique. [RTL 17.10]

    Ce n'est pas de bon augure. Le septennat délétère de VGE n'est ni pour Zemmour ni pour nous une référence. Nous nous souvenons que lors de son élection à la présidence de la République en 1974, contre le soulagement droitier de l'époque provoqué par la défaite de François Mitterrand, nous avions titré quant à nous à peu près ceci [dans Je Suis Français] : « A compter du 27 mai, l'ennemi s'appelle Giscard ».  C'était à la veille du deuxième rassemblement royaliste des Baux de Provence. Nous n'avons été compris et approuvés que quelques temps après ...   LFAR 

     

     

     Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge

    Le président Macron répondait dimanche 15 octobre pour la première fois aux questions de journalistes sur TF1. « C'était clair et net. De l'excellent travail. Sans notes et sans bavures. Tout dans la tête et rien dans les mains », analyse Éric Zemmour. « Pendant une heure, on comprenait mieux pourquoi Emmanuel Macron avait tant séduit nos élites, de Jacques Attali à François Hollande. À la fois rapide et limpide. Une Ferrari de l'intelligence à la française », raille-t-il.

    « Il rappelait irrésistiblement aux plus vieux Giscard », constate Zemmour . Il note que « si Macron a les qualités de Giscard, il en a aussi les défauts et les lacunes ». Ainsi « au bout de 50 minutes consacrées à l'économie, on en avait assez d'être à Bercy en compagnie du directeur du Budget ».

    « Comme Giscard, Macron est un moderne, c'est-à-dire qu'il pense que nous sommes dans un âge de l'Humanité où tout se règle par l'économie et le droit. La négociation et le deal », ajoute Éric Zemmour : « On songeait encore à Giscard et à la fameuse sentence de Raymond Aron sur l'ancien président : il ne sait pas que l'Histoire est tragique », conclut-il.  

    Éric Zemmour

  • Médias & Société • Le porc et l’hystérique : l’échec de la révolution sexuelle soixante-huitarde est consommé

     

    Par Véronique Hervouët

    Cette chronique est une fine analyse des phénomènes médiatiques et sociétaux dont nous sommes en ce moment assommés avec le très vulgaire et dégradant slogan dont il est question ici [Boulevard Voltaire, 21.10].  Précisons que les « mœurs archaïques des sociétés traditionnelles » évoquées dans cet article ne se rapportent sûrement pas aux nôtres, dans lesquels les rapports hommes-femmes ont - en France - pour usage la galanterie et se fondent , plus anciennement, sur l'amour courtois.   LFAR

     

    8fe6f36f4b35b99c55433011fb3e483c.jpegL’affaire Weinstein c’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Ce qui est nouveau, c’est que les prétendues élites, dans les alcôves desquelles se passent ces petites affaires, jouent les vierges effarouchées et que les médias qui s’en font les porte-parole posent en modèles de haute vertu scandalisés… Une vaste hypocrisie au regard de la corruption notoire des mœurs dans les milieux où se cotoient le show-biz, les arts officiels et le pouvoir. Mais pas seulement. À des degrés et dans des styles divers, tous les milieux sont concernés. Hier, dans la presse, une universitaire a parfaitement épinglé l’ordinaire de ces pratiques dans son milieu professionnel, non sans pointer avec beaucoup de justesse certaine duplicité féminine et même l’adhésion de nombre de femmes à ce « dispositif promotionnel ».

    
Une histoire vieille comme le monde, que la promotion canapé… Aussi indigne soit-elle, on peut se douter que la vertu n’est pour rien dans cette dénonciation subite, tonitruante. Plutôt y verra-t-on une cristallisation de symptômes qui signent la fin ultime de la fameuse « libération sexuelle » soixante-huitarde. Sous l’influence du désenchantement, issu de son échec, pointe la lassitude d’être soi, l’envie de devenir autre… d’inverser les dominations !

    Les frustrations des « femmes d’en haut » (terminologie employée par Nathalie Saint-Cricq lors de « L’Émission politique » du jeudi 19 octobre) s’engouffrent dans la brèche pour imposer leur loi aux « mâles blancs dominants » qui s’empressent de se battre la coulpe et de déclarer forfait. 

    Ceci au moment même où la virilité et la combativité des hommes seraient vitales pour s’opposer à la régression vertigineuse du statut féminin, celui des « femmes d’en bas » (pour commencer…) qui subissent les violences des mœurs archaïques des sociétés traditionnelles, se multipliant de façon exponentielle au gré de la submersion migratoire. 

    Weinstein, qui n’est ni le seul ni le dernier des gros boss à pratiquer sans scrupule la promotion canapé, n’est qu’un bouc émissaire de haut vol et le détonateur ad hoc pour changer de paradigme. Il a suffi d’une dénonciation d’actrice pour entraîner les suivantes et entamer la procédure sacrificielle. Les starlettes (jusqu’alors promptes à se précipiter à demi nues devant les murs promotionnels et autres escaliers de festivals), les journalistes et les femmes politiques se bousculent soudain, avec des trémolos de patronnesses, au tourniquet victimaire, nouveau faire-valoir médiatique de leur puissance, de leur séduction…  

    Anticipant de quelques semaines ce retour tonitruant de la vertu, une jeune blogueuse avait fait parler d’elle en diffusant des selfies aux côtés de ses « harceleurs de rue », nouvelle modalité de l’hystérique, pour parader, se faire voir en objet inaccessible du désir.

    Il en est de même de cette bobo qui avait dénoncé publiquement un malheureux dépanneur de chez Orange qui avait osé lui déclarer par texto son admiration. Comme quoi même un timide hommage masculin peut être instrumentalisé, dénoncé comme du harcèlement sexuel, par une destinataire désireuse de mettre en valeur son pouvoir de séduction sur les réseaux sociaux.

    Chassez le duo classique du pervers et de l’hystérique et il revient au galop sous la forme d’une injonction au succès fulgurant : « Balance ton gros porc ». 

    Autrement dit : rien de nouveau dans la relation femme/homme (et inversement). L’échec de la révolution sexuelle soixante-huitarde est consommé. Les revendications du « genre », ses annexes reproductives (PMA, GPA) et les luttes souterraines pour légaliser les derniers interdits (pédophilie, inceste, meurtre) ne sont que les dernier feux de ce credo. C’est sur la base de cet échec final, d’un regain de combativité et d’un renouveau culturel occidental qui se profilent que la relation homme femme pourra se redessiner.  

    Psychanalyste et essayiste
  • Livres • Au service de Sa Gracieuse Majesté

     

    Par Péroncel-Hugoz

     

    enclave - Copie 6.jpgLe duc d'Édimbourg, époux de la reine Elizabeth II ? On pense en général à une vie bordée d'honneurs et de déplacements mais plutôt « plate ».

    Eh ! bien on se trompe, et Philippe Delorme, cet historien des dynasties mises à la portée du grand public cultivé, nous le démontre, dans cette première biographie française d'un des hommes les plus connus au monde. Connu peut-être mais superficiellement et méconnu pour l'essentiel.

    Né en 1921 à Corfou, au sein de cette lignée danoise qui régna un siècle sur la Grèce, Philippe compte plus de « quartiers » royaux dans sa généalogie qu'Elizabeth d'Angleterre qu'il épousera en 1947, après avoir correspondu avec elle depuis 1939, et qui est sa cousine, Philippe étant né d'Alice de Battenberg, descendante de la reine Victoria et épouse d'un prince grec. Éduqué en France, Allemagne et Grande-Bretagne, notamment par un Allemand juif, Philippe parlera toujours mieux les langues de ces pays que le grec moderne. Une des parties les moins connues du cursus de ce prince est sans doute son rôle militaire plus qu'exemplaire durant le second conflit mondial, de la Cyrénaïque au Péloponnèse via la capitulation du Japon. C'est lors de cette période guerrière que le jeune homme achèvera de former cette virilité qui sera l'une des caractéristiques de son comportement, à une époque où, en Occident, on cherche plutôt à mettre en valeur « la part féminine » des garçons... Pas le genre du tout de Philippe qui, néanmoins, ne sera pas roi consort, ni même, officiellement « prince consort », mais régnera toujours en souverain maître, dans son ménage, avec le plein accord de son épouse, la reine régnante.

    Delorme démontre très bien cela, à l'encontre, il est vrai, des tendances actuelles. L'union de ces deux altesses royales est inoxydable et constitue l'une des plus belles et des plus pudiques histoires d'amour des XXe et XXIe siècles. Cet attachement à sa femme, et aussi à son pays d'adoption, explique largement le dévouement inlassable du duc d'Édimbourg au service du Commonwealth, y accomplissant nombre de missions en dehors des voyages officiels. Heureusement la monarchie de Londres a été débarrassée par les démocrates britanniques des oeuvres politiciennes, souvent basses par nature et le prince a préféré travailler, parmi les peuples anglophones, « au cocon de tendresse inlassablement filé autour du globe par une famille royale itinérante » (Régis Debray, La Puissance et la Gloire, 1983), alors que la France républicaine se montrait incapable de créer un tel cocon avec les peuples francophones.

    La biographie du duc d'Édimbourg vient confirmer ce que l'on avait appris de la puissance secrète de la royauté britannique avec le film Sa Majesté la Reine (2006) (The Queen) de Stephen Frears. On apprend des choses à chaque page de ce livre, qui n'oublie pas non plus de s'étendre sur l'humour « incorrect » du duc.... 

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    Philippe Delorme, Philippe d'Édimbourg. Une vie au service de Sa Majesté, Tallandier, 300 p.,avec 24 photos, 20,90 €

     

    PÉRONCEL-HUGOZ - Correspondant du Monde au Caire à l'époque de Sadate, notre chroniqueur a souvent écrit sur le sort des chrétiens d'Orient, dont les coptes d'Égypte, en ses articles, notamment dans La NRH depuis 2003, ainsi que dans l'un de ses premiers essais : Le Radeau de Mahomet (1983).

    Repris de la NRH - Septembre-octobre 2017

  • Cinéma • Faute d’amour, d'un film l'autre

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Faute d’amour, un film russe d’Andreï Zviaguintsev 

    Après  Mon garçon, de Christian Carion avec Guillaume Canet, un autre long-métrage sur les enfants du divorce !

    Deux histoires qui débutent de façon identique mais traitées très différemment.

    Ai-je le droit de me citer, mais comment ne pas reprendre ce que je disais de ce premier film :   « chacun, du mari et de la femme, a « retrouvé quelqu’un », chacun « refait sa vie »… Et l’enfant dans tout ça ?

    A une époque où, au moindre accident, on met en place une « cellule psychologique », quelle cellule psychologique pour l’enfant dont la cellule familiale ne dure pas plus qu’un CDD ? » 

    Dans les deux scénarios on constate « l’absence » de la police. C’est d’une part l’investissement individuel, personnel, du père de Mon garçon, d’autre part le déploiement collectif du Groupe de Recherche des Enfants Disparus (GRED), qui portent ces drames. Mais si, dans une réalisation pudique, Guillaume Canet prend très violemment conscience de sa paternité, le réalisateur russe, quant à lui, dénonce le Faute d’amour en mettant en scènes très scabreuses, dans toute leurs nudités, la recherche de jouissance et l’égoïsme des parents d’Aliocha. A leur chacun pour soi, avec une vulgarité soulignée par un vocabulaire ordurier, s’oppose la solidarité active et gratuite des membres du GRED, dont je me demande s’il est un héritage, heureux, du collectivisme soviétique !   

    Bref, une œuvre finalement très noire, très pessimiste, le contraire d’un conte de fées, oppressante, mais néanmoins excellente.  

  • Livres • Au service de Sa Gracieuse Majesté

     

    Par Péroncel-Hugoz

     

    enclave - Copie 6.jpgLe duc d'Édimbourg, époux de la reine Elizabeth II ? On pense en général à une vie bordée d'honneurs et de déplacements mais plutôt « plate ». Eh ! bien on se trompe, et Philippe Delorme, cet historien des dynasties mises à la portée du grand public cultivé, nous le démontre, dans cette première biographie française d'un des hommes les plus connus au monde. Connu peut-être mais superficiellement et méconnu pour l'essentiel.

    Né en 1921 à Corfou, au sein de cette lignée danoise qui régna un siècle sur la Grèce, Philippe compte plus de « quartiers » royaux dans sa généalogie qu'Elizabeth d'Angleterre qu'il épousera en 1947, après avoir correspondu avec elle depuis 1939, et qui est sa cousine, Philippe étant né d'Alice de Battenberg, descendante de la reine Victoria et épouse d'un prince grec. Éduqué en France, Allemagne et Grande-Bretagne, notamment par un Allemand juif, Philippe parlera toujours mieux les langues de ces pays que le grec moderne. Une des parties les moins connues du cursus de ce prince est sans doute son rôle militaire plus qu'exemplaire durant le second conflit mondial, de la Cyrénaïque au Péloponnèse via la capitulation du Japon. C'est lors de cette période guerrière que le jeune homme achèvera de former cette virilité qui sera l'une des caractéristiques de son comportement, à une époque où, en Occident, on cherche plutôt à mettre en valeur « la part féminine » des garçons... Pas le genre du tout de Philippe qui, néanmoins, ne sera pas roi consort, ni même, officiellement « prince consort », mais régnera toujours en souverain maître, dans son ménage, avec le plein accord de son épouse, la reine régnante.

    Delorme démontre très bien cela, à l'encontre, il est vrai, des tendances actuelles. L'union de ces deux altesses royales est inoxydable et constitue l'une des plus belles et des plus pudiques histoires d'amour des XXe et XXIe siècles. Cet attachement à sa femme, et aussi à son pays d'adoption, explique largement le dévouement inlassable du duc d'Édimbourg au service du Commonwealth, y accomplissant nombre de missions en dehors des voyages officiels. Heureusement la monarchie de Londres a été débarrassée par les démocrates britanniques des oeuvres politiciennes, souvent basses par nature et le prince a préféré travailler, parmi les peuples anglophones, « au cocon de tendresse inlassablement filé autour du globe par une famille royale itinérante » (Régis Debray, La Puissance et la Gloire, 1983), alors que la France républicaine se montrait incapable de créer un tel cocon avec les peuples francophones.

    La biographie du duc d'Édimbourg vient confirmer ce que l'on avait appris de la puissance secrète de la royauté britannique avec le film Sa Majesté la Reine (2006) (The Queen) de Stephen Frears. On apprend des choses à chaque page de ce livre, qui n'oublie pas non plus de s'étendre sur l'humour « incorrect » du duc....  

    Philippe Delorme, Philippe d'Édimbourg. Une vie au service de Sa MajestéTallandier, 300 p., avec 24 photos, 20,90 €

  • L’Espagne à la croisée des chemins. Espagne, où vas-tu ?

     

    par Pascual Albert *

     Publié le 13 novembre 2012 - Actualisé le 20 octobre 2017

    20170814_161658 - Copie.jpgEn moins de deux mois, des élections régionales se seront tenues en Galice, au Pays Basque et en Catalogne, les trois Communautés qui, les premières, ont obtenu l’autonomie et qui ont le plus de compétences, dans leurs Statuts d’Autonomie.

    Si les élections au Pays Basque et en Galice étaient prévues et ont eu lieu parce que c’était le moment qu’elles se tiennent, les élections catalanes seront anticipées, le président Mas (1) ayant dissous le parlement, par une manœuvre opportuniste, résultat de la manifestation indépendantiste massive du 11 septembre, à Barcelone. Il prétend élargir sa majorité – jusqu’à la rendre absolue, si c’est possible – pour ne pas dépendre de l’appui parlementaire du Parti Populaire.

    Dans les trois Communautés Autonomes (2), les partis d’implantation nationale sont présents : Parti Populaire ; socialistes et communistes ; ainsi que, bien sûr, tous les groupes nationalistes anti-espagnols de tous poils : Bloc Nationaliste de Galice, Parti Nationaliste Basque, Convergencia i Unio, Bildu, ERC, etc.

    Les positions politiques des uns et des autres, quant au sens de la nation et quant aux structures de l’Etat, sont clairement différentes.

    Le Parti Populaire (Droite « homologuée »), actuellement au pouvoir, en charge du gouvernement national, comme dans la plus grande partie des Communautés Autonomes et des Municipalités, défend catégoriquement la structure et les institutions actuelles, se refusant, dans les circonstances présentes, à faire des réformes qui, nécessairement, incluraient celle de la Loi Fondamentale : la Constitution. La priorité absolue du Parti Populaire est de tenter de surmonter la crise économique, en suivant les recommandations des institutions européennes et mondialistes. Malgré ses efforts, et la rigueur des mesures prises, malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

    Le Parti Socialiste apparaît beaucoup plus ambigu et confus ; l’un de ses courants aurait une position assez proche du Parti Populaire, l’autre a commencé à demander la transformation de l’Espagne en un Etat fédéral. Cette ambiguïté fait qu’il lui est difficile de pouvoir profiter de l’importante usure gouvernementale dont la situation (crise, mesures sociales, corruption) fait supporter la conséquence à ses rivaux du Parti Populaire.

    L’extrême-gauche communiste, qui est, par surcroît, écolo-pacifiste et « genderiste », recueille, en général, les désenchantés du socialisme et correspond, et même davantage, à la devise qu’elle porte, dans son âme, écrite en lettres de feu : « tout ce qui est anti-espagnol est nôtre ».

    Les nationalistes de différentes tendances : bourgeois, prolétaires, modérés, radicaux, etc. ont fini par donner du lustre à leurs positionnements maximalistes et demandent des référendums d’autodétermination et autres processus qui puissent les conduire vers leur eldorado indépendantiste.

    Les résultats électoraux sont conformes aux prévisions des enquêtes : en Galice, où, heureusement, le nationalisme ne parvient pas à se développer, le Parti Populaire, comme il était très probable, a validé sa majorité absolue, bien qu’il ait perdu un certain nombre de voix. Le Parti Socialiste a subi, comme prévu, une déroute complète.

    Le Pays Basque, c’est une autre histoire et - quoique l’information distillée par les médias, tant nationaux qu’internationaux, se soit surtout concentrée sur la Catalogne, comme conséquence des derniers événements : le virage stratégique brutal de ce que l’on appelle le « nationalisme catalan modéré », et sa suite, la manifestation « indépendantiste » de Barcelone - il est certain que le plus grand problème institutionnel et politique que l’Espagne a connu ces dernières années a été le terrorisme de l’E.T.A. avec son sanglant cortège de morts, de blessés et de souffrances.

    BILDU, parti ou coalition clairement inspirée et certainement dirigée par l’E.T.A., s’est présenté aux élections régionales dans le nouveau contexte quasi pacifique, l’E.T.A ayant annoncé, il y a déjà quelque temps, qu’elle renonçait à la « lutte armée », sans, pour autant, qu’elle se soit dissoute.

    Lors des élections précédentes – sous différents noms – les radicaux se présentaient aux élections au milieu des bombes et des coups de feu. Déjà, lors des dernières élections municipales et « forales » – tenues dans ce contexte d’armistice ( ?) – ils avaient obtenu des résultats très inquiétants, remportant, entre autres, la mairie de Saint-Sébastien et la présidence forale du Guipúzcoa – avec la complicité du Parti Nationaliste Basque qui n’avait pas accepté l’offre, des partis constitutionnalistes, d’un pacte pour l’empêcher.

    Quant aux dernières élections, les sondages prévoyaient ce qui s’est réalisé : une consolidation de l’espace nationaliste – modéré et radical – et une chute des partis espagnols (nationaux) ; le Parti Socialiste, qui gouvernait la Communauté Autonome Basque, avec l’appui parlementaire du Parti Populaire, a subi, ainsi que ce dernier, de fortes pertes en voix et en sièges.

    Enfin, en Catalogne, le processus étant très en retard – en raison de son caractère imprévu et soudain – il n’y a pas encore une perception très nette du contexte électoral à venir. Ce qui, toutefois, est certain, c’est que si le président nationaliste Arturo Mas a franchi le pas qu’il a franchi (convocation d’élections anticipées), c’est parce qu’il espère renouveler et conforter sa majorité ; l’ampleur indéniable de la manifestation indépendantiste de Barcelone rend assez prévisible que la situation électorale soit plus ou moins similaire à celle du Pays Basque.

    Que s’est-il passé pour qu’en un si court espace de temps, moins de dix ans, le label de l’Espagne, laquelle apparaissait tellement consolidée, avec ses réussites économiques, politiques, sociales, sportives, etc., au point d’être montrée comme un exemple à suivre, dans le même temps qu’ apparaissaient dans le monde des situations nouvelles « compliquées » : par exemple, la chute de l’empire soviétique, les Balkans, etc.

    Naturellement, de nombreux éléments se sont conjugués, parmi lesquels, sans aucun doute, les facteurs de crise économique brutale et la perte de prestige accélérée de la caste politique ne sont pas les moins importants. Mais se conjuguent, aussi, d’autres causes, de différents ordres, qui rendaient prévisible que cette situation se produise, un jour ou l’autre.

    Je vais tenter de les expliquer le plus brièvement possible :

    I. Des raisons qui sont profondément liées au processus historique de formation de la nation Espagne 

    Le processus de formation de l’Espagne est très différent de celui de la France (où, à partir de la « centralité » d’une dynastie, les Capétiens, se construit, peu à peu, empiriquement, une nation, à travers des conquêtes et/ou des alliances, à la recherche des frontières du « pré-carré »).

    231339459.jpgL’invasion arabe et le processus  de reconquête chrétienne qui l’a suivie, font naître et se développer une série de royaumes et principautés, qui confluent, finalement, vers deux grandes couronnes : la Castille et l’Aragon, accompagnées d’un Portugal qui, progressivement, s’auto-affirmera et fera son chemin séparément, et d’un royaume de Navarre qui, quoique avec une beaucoup plus grande assise territoriale et incidence historique initiale dans la péninsule ibérique, sera porté, par les avatars de l’Histoire, à n’être qu’un appendice de la France. La Castille et l’Aragon s’unissent, en la personne de leurs rois, Ferdinand et Isabelle. Les Rois Catholiques conquièrent Grenade – le dernier bastion musulman ; avec eux commence la découverte et la colonisation de l’Amérique et, en s’immisçant dans les querelles internes de la Navarre, ils annexent la partie ibérique de ce royaume, et, en quelque manière, ils atteignent leurs frontières naturelles. Mais cette union se réalise à travers la personne des Rois Catholiques et chacun de ces peuples conserve ses lois, usages, coutumes et sa langue : en conclusion, ses « Fueros » (3). Les langues parlées sont : le galicien portugais, le catalan et le castillan, d’origine latine et la langue basque préromane. 

    La modernité a rogné progressivement ces « Fueros » et libertés : la vision « régalienne » de Charles premier d’Autriche en a presque fini avec les libertés castillanes et le « centralisme » du premier Bourbon, Philippe V, abroge les fueros d’Aragon, de Catalogne, de Valence et des Iles Baléares (couronne d’Aragon). Par parenthèse, il serait peut-être intéressant d’approfondir, un jour, le thème de la guerre de succession d’Espagne, origine des mythes les plus enracinés du nationalisme catalan et du pan-catalanisme.

    Mais tout cela – quoique grave – est sans aucune comparaison avec l’authentique agression centraliste et, plus encore, uniformisatrice  (dont, vous, les Français, êtes paradoxalement, à la fois, les « coupables », les victimes et le modèle paradigmatique) que les « fils des Lumières » et leurs héritiers, les Jacobins enragés, ont impulsé avec le libéralisme. Mais, en Espagne, cela ne leur fut pas facile et, en l’espace de cinquante ans (1830-1880), ils se sont retrouvés face à un peuple en armes, pour défendre jusqu’à la mort ses traditions.

    On a appelé cela les guerres carlistes et – quoique perdues – celles-ci ont rendu possible qu’au moins les Basques et les Navarrais conservent de nombreuses particularités « forales » dans leurs Statuts, parmi lesquelles la « Concertation Economique » qui consiste en ce qu’ils perçoivent l’impôt et, ensuite, payent à l’Etat le montant « pacté » (qui, naturellement, est toujours inférieur en pourcentage à la contribution directe des autres régions).

    En conclusion, nous pourrions dire qu’en Espagne le changement de l’ « Ancien Régime » au nouveau n’a pas été bien achevé. De fait, l’actuelle fièvre catalane a pour excuse le refus du gouvernement central de négocier une « Concertation Economique ». D’un autre côté, il faut dire que le gouvernement ne peut faire autre chose, parce que la Constitution ne le permet pas. Auparavant, il faut la réformer. 

    2. Des raisons qui sont liées à la structuration de l’Espagne actuelle et à sa Constitution

    Ici, nous pourrions commencer par la fin. Ce qui a été la première tentative de résoudre les problèmes signalés au point précédent, à partir de positions pacifiques et en recherchant des accords entre les forces politiques, n’a pas donné de résultat ; le modèle semble épuisé. Les causes sont nombreuses ; on va le voir ci-après.

    Dans les années dites de la Transition (1970-1990), il y avait un sentiment de « différence » et une mobilisation pour cette différence, en Catalogne, à Valence,  aux Baléares,  au Pays Basque et en Navarre, et, dans une bien moindre mesure, en Galice.

    Ce sentiment que j’appellerai « différentialiste » se centrait fondamentalement sur les questions culturelles et linguistiques, sans que l’on méconnaisse d’autres aspects de la revendication : politiques, économiques, administratifs.

    Il est logique que ce soient les territoires signalés qui aient été les plus motivés, parce qu’y survivaient, avec une plus ou moins grande intensité, une langue et une culture propres, partageant l’espace, de manière inégale avec le castillan, langue de la culture officielle ; elles étaient généralement maltraitées. Mais ces langues étaient très vivantes (rien à voir avec la situation des langues régionales en France) et utilisées habituellement par des millions de personnes.

    Il faut dire que, dans ces années-là, l’immense majorité des gens mobilisés le faisaient par AMOUR de ce qui était leur ; il y en avait très peu qui le faisait en HAINE de l’Espagne et de ce qui est espagnol. Cette situation a changé ; maintenant, énormément de jeunes de ces régions – surtout basques et catalans – s’activent par HAINE de l’Espagne. Ils l’ont apprise par une gigantesque opération de lavage de cerveau qui a duré trente ans, dans les écoles, instituts, universités et moyens de communication.

    Dans un premier temps, on aurait pu donner une suite à ces véritables aspirations d’autonomie, d’une part en les centrant sur ce qui est fondamental, en ne livrant pas, avec armes et bagages, tout le pouvoir médiatique, culturel et éducatif, aux partis nationalistes, ou en maintenant des programmes éducatifs et d’enseignement cohérents et unitaires – bien qu’à Barcelone on les enseigne en catalan et à Séville en castillan – d’autre part en faisant appliquer les lois - aussi bien nationales que régionales - relatives à l’enseignement et à l’usage des langues co-officielles, et en n’acceptant pas les injustices, comme les difficultés de beaucoup de familles en Catalogne et au Pays Basque – aussi bien qu’en Galice – pour pouvoir faire donner à leurs enfants un enseignement en castillan, ou les amendes infligées aux entreprises et commerces qui ne rédigent pas en catalan, etc.

    Cependant, les politiciens de bonne foi, peut-être pour banaliser la chose, ont décidé d’étendre l’état d’autonomie à toutes les régions, y compris lorsque certaines d’entre elles n’en avaient pas besoin et ne le demandaient même pas. Depuis lors, ce qui a fait fureur, c’est la surenchère comparative, le « Moi je veux plus », etc., des partis nationalistes au Pays Basque et en Catalogne, parce que eux « ne peuvent pas être » égaux au reste des Espagnols. Ce qui a commencé par être une revendication de leur légitime « différence », est, maintenant, une exigence d’être « PLUS », c'est-à-dire d’être indépendants.

    Dans ce contexte, il est difficile que le nouveau positionnement du Parti Socialiste - avancer vers un Etat véritablement fédéraliste - puisse être une solution. Un Etat fédéral serait nécessairement égalitaire, s’agissant des compétences de toutes ses composantes, et, cela, c’est justement ce que les séparatistes ne peuvent supporter.

    A cet ensemble de causes s’en ajoutent d’autres, peut-être plus futiles, mais qui deviennent de plus en plus significatives.

    Parmi celles-ci, il y a le brusque virage stratégique de Convergencia i Unio, représentante théorique du nationalisme « modéré » : ainsi, Convergencia i Unio, que ne tardera pas à suivre le Parti Nationaliste Basque. Et, bien que quelques analystes croient qu’il ne s’agit que d’une question d’argent, d’autres – dont nous - ne le voient pas ainsi.

    Il est certain que la Catalogne est littéralement en faillite, comme, d’ailleurs, toutes les Communautés Autonomes, à l’exception du Pays Basque et de la Navarre, et que ses gouvernants (« Tripartito » (4) et nationalistes) ont fait des ravages par leurs gaspillages et actes de corruption – comme les autres.

    Mais, même si le Gouvernement Central leur avait concédé des finances propres – ce qu’il a refusé, refus qui a été le détonateur de la crise catalane, parce qu’il n’y a pas d’argent et parce que cela ne peut pas se faire sans préalablement réformer la Constitution - cela aurait signifié seulement retarder la crise.

    Le cas des Basques est très clair, puisque, alors qu’ils disposent de leurs finances propres et des compétences en matières éducative, culturelle et linguistique, leur nationalisme « modéré » pousse toujours plus vers l’indépendance. 

    Que penser ? Que faire ?

    Dans ce contexte et, sans aucun doute, à moyen ou long terme, que reste-t-il à l’Espagne ?

    Premièrement, réaffirmons bien haut et bien fort que l’Espagne n’est ni la Tchécoslovaquie, ni la Yougoslavie ; plus de cinq cents ans d’une conscience et d’une vie communes  laissent des traces.

     En second lieu, malgré trop d’années de manipulation par les médias, d’intoxication par l’éducation et d’immersion linguistique, nous avons ici les sondages : aussi bien en Catalogne qu’au Pays Basque, la somme de ceux qui se sentent Espagnols ET Basques ou Catalans, ou seulement Espagnols, dépasse clairement le nombre de ceux qui ne se sentent que Basques ou Catalans ; et si, au Pays Basque, plus de 70% utilisent, comme langue habituelle, le castillan, en Catalogne 50% en font autant. Même s’il est sûr que, pour diverses raisons, ces populations apparaissent comme peu mobilisées, il est très possible que cela commence à changer.

     Il ne faut pas oublier, non plus, s’agissant de ces deux Communautés Autonomes, si intimement reliées au reste de l’Espagne, que plus de 70% de leur économie dépend d’elle et qu’elles souffriraient énormément d’une rupture.

     Rappelons aussi que les lois espagnoles elles-mêmes font qu’il appartiendrait au peuple espagnol, pris dans son ensemble, d’accepter, par référendum, cette rupture.

     Quant aux institutions européennes, que les séparatistes invoquent, argumentant qu’il n’y aura pas de problème, qu’ils vont rester dans l’Europe et dans la zone euro, cela est-il bien ainsi ? Que vont dire la France, avec l’irrédentisme basque et catalan, à ses frontières ? l’Italie, avec les Ligues du Nord et du Sud ? la Belgique, avec les Flamands et les Wallons ? etc.  Il me semble que seule l’Allemagne serait favorable, parce qu’il est clair qu’elle préfère de petites nationalités, plus ou moins ethnolinguistiques, aux grandes nations historiques.

     Alors que la logique et le sens commun le plus élémentaire nous font conclure que la priorité, aujourd’hui, est d’arriver à sortir du chaos économique dans lequel nous sommes immergés – en cela le gouvernement central a raison, pour autant qu’il en coûte aux démagogues séparatistes qui, dans ces circonstances, ont déclenché cet orage, démontrant ce qu’ils sont, c'est-à-dire égoïstes, non-solidaires et opportunistes - c’est maintenant le moment de prendre le taureau par les cornes et de fermer – bien et pour toujours – ce débat.

    Bien que les circonstances actuelles ne semblent pas être les meilleures pour la Monarchie (affaires de la chasse à l’éléphant du Roi et le reste… ; incroyable histoire du duc de Palma inculpé dans une vilaine affaire de trafic d’influences et d’évasion de capitaux), encore qu’heureusement il semble que ces affaires soient en train de s’éloigner, la Couronne devrait jouer dans cette situation un rôle important.

    Il n’y a pas de doute que la Couronne doit user de tous les pouvoirs que la Constitution lui donne pour exercer sa médiation et redresser la situation.

    Mais, en même temps, il faut être capable de procéder aux réformes nécessaires pour rendre possible l’Espagne réelle.

    Du plus profond de la tradition espagnole, il faudrait reprendre l’esprit des « Fueros », pour être en adéquation avec notre réalité politique, en donnant à chaque région ce dont elle a besoin, mais dans les limites d’un authentique sentiment de loyauté envers les Espagnes, c’est-à-dire l’Espagne de tous.

    La dynastie régnante, à qui personne ne peut contester la légitimité de son origine, par rapport à la dynastie carliste qui a soutenu ces principes, a devant elle un grand défi. Un défi comparable à la tentative de coup d’Etat du 23 février 1981. Dieu veuille qu’elle soit à la hauteur de l’Histoire. L’Espagne en a besoin.  

     

    * Ami de longue date et grand connaisseur de notre cause, habitant Valence, en Espagne, d'où cet article nous est parvenu.

    1. Arturo Mas : président de Catalogne (2010); a lancé le processus indépendantiste.

    2. l'Espagne est aujourd'hui divisée en 17 communautés autonomes.

    3. Fueros : privilèges et libertés des grandes régions historiques d'Espagne.

    4. Tripartito: coalition de gauche catalane (PSC, Gauche Républicaine, communistes..).  

  • Catalogne : Points d'Histoire et réalités d'aujourd'hui

    Carles Puigdemont hier soir devant le Parlement catalan 

     

    Publié le 11 octobre 2012 - Actualisé le 20 octobre 2017

    En deux mots.jpgS'il faut rechercher les sources et les responsabilités les plus déterminantes dans les graves événements d'Espagne, il serait léger de ne voir que les apparences. Peut-être un peu de recul n'est-t-il pas de trop et permettrait de les mieux comprendre.

    Ce qui se produit en Catalogne est grave parce qu'une Espagne en ébullition, en convulsion, rejouant les scénarios des années 30 mais dans le contexte postmoderne, n'empoisonnerait pas que sa propre existence. De sérieuses conséquences en résulteraient en France et en Europe. De nombreux et d'importants équilibres nationaux et transnationaux s'en trouveraient rompus. On ne sait jamais jusqu'où, ni jusqu'à quelles situations, sans-doute troublées pour la longtemps.

    L'unité de l'Espagne, on le sait, ne date pas d'hier. Elle est constante au fil des cinq derniers siècles, à compter du mariage d'isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand d'Aragon, les rois sous le règne desquels l'Espagne acheva de se libérer de l'occupation arabe en prenant Grenade, dernier royaume maure de la Péninsule [1492| ; et où Colomb, cherchant à atteindre les Indes par l'Ouest, découvrit l'Amérique. S'ouvrait ainsi, après le règne de Jeanne la folle, unique et malheureuse héritière des Rois Catholiques mariée à un prince flamand, le règne de Charles Quint, lui-même prince Habsbourg de naissance flamande, sur les terres duquel, après la découverte de Colomb, le soleil ne se couchait pas. Le règne suivant, celui de Philippe II, marque l'apogée de la puissance de l'Espagne et de la dynastie Habsbourg qui y règnera jusqu'au tout début du XVIIIe siècle. Ces règnes couvrent deux premiers siècles d'unité espagnole, et, malgré de multiples conflits et convulsions, deux brèves républiques, dont la seconde sera sanglante et conduira à la Guerre Civile puis au long épisode franquiste, l'unité de l'Espagne, sous le règne rarement glorieux des Bourbons, ne fut jamais vraiment brisée les trois siècles suivants, jusqu'à l'actuel roi Philippe VI.

    Mais si elle fut sans conteste toujours maintenue au cours de cette longue période de cinq ou six siècles, l'unité de l'Espagne, surtout pour un regard français, ne fut non plus jamais tout à fait acquise, tout à fait accomplie. Et si la monarchie a toujours incarné l'unité, la république, effective ou fantasmée, a toujours signifié la division de l'Espagne. Ainsi aussitôt qu'en avril 1931, la seconde république fut instaurée à Madrid, l'Espagne, de fait, en connut deux, l'une à Madrid et l'autre à Barcelone. Ce que vit l'Espagne d'aujourd'hui, l'Espagne d'hier l'a déjà connu.

    L'Histoire - le passé - mais aussi la géographie, liées l'une à l'autre, y ont conservé un poids, une présence, inconnus chez nous. L'Espagne n'a pas vraiment vécu d'épisode jacobin ...

    Bainville a raison, hier comme aujourd’hui, lorsqu’il observe que la péninsule ibérique se divise d'Est en Ouest en trois bandes verticales, définissant trois « nationalités » qui sont aussi zones linguistiques : la catalane, la castillane et la portugaise. Curieusement, le Portugal accroché au flanc Ouest de l'Espagne n'a jamais pu lui être durablement rattaché. Partout ailleurs, les particularismes sont restés vivants, jusqu'à, parfois, l'agressivité et la haine, comme on l'a vu au Pays Basque et comme on le voit encore en Catalogne. 

    De ces particularismes, la langue est le premier ciment ; Dans l’enclave basque, en Catalogne, et, même, dans la lointaine Galice, où l'on parle le galicien en qui se reconnaît l'influence du portugais. Ces langues ne sont pas de culture, ne ressortent pas d'un folklore déclinant à peu près partout, comme chez nous. Elles sont d'usage quotidien et universel, dans les conversations entre soi, au travail comme à l'école, à l'université, dans les actes officiels, la presse, les radios et télévisions, etc. Comme Mistral l'avait vu, ces langues fondent des libertés. Le basque et le catalan sont, mais au sens mistralien, des langues « nationales ». Le catalan, toutefois, est aussi langue des Baléares et, à quelques variantes près, de la région valencienne, jusqu'à Alicante ... 

    A cette liberté linguistique se combine un fort sentiment d'appartenance à des communautés vivantes, vécues comme historiques et populaires, chargées de sens, de mœurs et de traditions particulières très ancrées, parfaitement légitimes et toujours maintenues.

    C'est donc non sans motifs que la monarchie post franquiste institua en Espagne 17 « communautés autonomes » ou « autonomies » qui vertèbrent le pays. On célébra partout ces libertés reconnues, transcription contemporaine des antiques « fueros » concept à peu près intraduisible en français, qui signifie à la fois des libertés et des droits reconnus, que les rois de jadis juraient de respecter, sous peine d'illégitimité.

    Le mouvement donné instituait un équilibre, fragile comme tous les équilibres, et qu'il eût fallu - avec autorité et vigilance - faire scrupuleusement respecter.

    C'est bien ce que Madrid n'a pas fait lorsque les équilibres commencèrent à être rompus en Catalogne. A y regarder de près, le système des partis, des alliances électorales et de gouvernement, n'a fait ici comme ailleurs que susciter et attiser les divisions latentes, tandis qu'à Madrid ce même système jouait en faveur du laisser-faire, autrement dit de l'inaction.

    Les choses, contrairement au Pays Basque longtemps ravagé par le terrorisme, se sont passées en Catalogne sans violence mais, on le voit bien aujourd'hui, avec efficacité. Après un temps de renaissance catalane, libre, heureuse de vivre ou revivre, et satisfaite des nouvelles institutions, est venue l'heure des surenchères, de la conquête progressive des pouvoirs de fait par les catalanistes les plus sectaires. Un exemple suffit pour en juger et c'est, depuis bien longtemps déjà, l'interdiction de fait, quasi absolue, de l'espagnol à l'école et à l'université de Catalogne, privant d’ailleurs la jeunesse catalane du privilège du bilinguisme qui était jadis le sien dès la petite enfance. Madrid a laissé faire et plusieurs générations, toute une jeunesse, élèves et professeurs, ont été formées dans la haine de l'Espagne. Il eût certainement fallu interdire cette interdiction, rétablir partout l'espagnol dans ses droits de langue nationale ; c'est tout spécialement par la culture : école, université, médias, univers intellectuel, qu'un petit clan d’indépendantistes s'est progressivement emparé de quasiment tous les pouvoirs en Catalogne. Les anti-indépendantistes qualifient à juste titre leurs menées de coup d'Etat. Mais, ce coup ne s'est pas déroulé en un jour, il s'étale sur plusieurs décennies.

    En somme, au long des dites dernières décennies, minée par le jeu délétère des partis, paralysée par sa faiblesse, Madrid a tout laissé faire, tout laissé passer, y compris l'inacceptable, y compris l’installation progressive d’une hostilité envers l’Espagne, qui a gagné une petite moitié des Catalans et coupé la société en deux parties adverses. Du beau travail ! Jusqu'à ce qu'à l'heure des échéances, ne reste plus à Madrid comme solution que l'usage de la force et de la violence. La responsabilité du gouvernement espagnol, ses atermoiements, nous semblent indéniables.

    Du côté catalan, les partis révolutionnaires, d’implantation ancienne en Catalogne, ont fait leur travail habituel ; il n’est guère utile de s’en scandaliser. Mais sans-doute est-ce l'engagement indépendantiste des partis de centre-droit qui a rendu possible tout ce à quoi nous sommes en train d'assister.

    Si les choses devaient tourner mal Outre-Pyrénées, et cela est bien possible, il ne faudrait pas oublier que - par-delà le légitime traditionalisme catalan - les présidents de centre-droit qui ont longtemps dirigé et président encore la région - Messieurs Jordi Pujol, Artur Mas et Carles Puigdemont, leurs partis et leurs soutiens - y auront une large part de responsabilité. Au détriment de la Catalogne et de l’Espagne, mais aussi de la France et de l’Europe.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Jean-Michel Blanquer : L'écriture inclusive «  une façon d'abîmer notre langue » 

      

    Jean-Michel Blanquer, invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC, s'est montré opposé à l'écriture inclusive. [Lundi 16 octobre].

    Il considère que cette façon d'écrire « ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire » à la langue française.

    « Je ne pense pas que ce soit le juste combat (du féminisme) de mettre ça sur une façon d'abîmer notre langue », a lancé le ministre de l'Education nationale. •

     

     

     A lire sur ce même sujet dans Lafautearousseau ... 

    Quand une secte veut régenter la langue

  • Histoire • Les 700 ans d'une « enclave pontificale »

    enclave - Copie.jpg

      

    « Habemus pontificem !»

    Par Péroncel-Hugoz

     

    enclave - Copie 6.jpgAvec les siècles écoulés, le Comtat Venaissin, ancienne possession de la papauté en France méridionale, nous apparaît un peu comme un galet unique et bien arrondi, alors qu'il fut un assemblage discontinu de sept territoires, plus Avignon, ville contiguë mais à part, provenant, elle, non d'une cession des rois de France, comme le Comtat, mais d'un achat papal à la reine Jeanne Ire de Naples, comtesse de Pro­vence. Le Comitatus Vindascinus comportait lui-même cinq enclaves en son sein dont la Principauté d'Orange, un moment fief batave. Tous ces découpages et curiosités ont dis­paru au fil des temps sauf sur un point de résistance qui a fini par imposer à Paris, capi­tale unificatrice, la toujours nommée « Enclave des Papes ». Elle forme un losange de 125 km2, peuplé de 12 000 âmes, bref un canton de Vaucluse, chef-lieu Valréas, complètement enclavé dans la Drôme qui, longtemps, s'en est plainte en vain...

    Passée la brutale surprise du rattachement à la France révolu­tionnaire d'Avignon et du Comtat, Valréas et ses environs obtin­rent, à force de réclamations la reconstitution de l'Enclave dès 1800. En faisant émettre un timbre en 1967 (daté 1968), célé­brant le 650e anniversaire de cette singularité administrative, l'État français parut l'avoir définitivement reconnue, bien que ce soit à l'usure... En cette année 2017, le « pays de Valréas » fête avec un éclat sans complexe le septième centenaire de son existence. C'est en effet en 1317 que le Saint-Siège acheta Valréas au Dau­phiné, alors indépendant, afin d'arrondir son domaine rhodanien où les papes restèrent quasi un siècle ; même si, dès 1377, le Saint-Père retourna à Rome, un autre pontife élu, l'Espagnol Pedro de Luna alias Benoît XIII, aujourd'hui considéré comme « antipape » par un effet révisionniste ecclésial, siégea plusieurs années en Avi­gnon avant d'aller résister jusqu'à l'âge de 95 ans, en 1423, dans la forteresse maritime de Peniscola, près de Valence d'Espagne, une péripétie haute en couleurs oubliée que Jean Raspail ressus­cita avec panache dans son Anneau du Pêcheur (1995).

    enclave 5.jpgDepuis des siècles, donc, l'Enclave des Papes est restée fidèle à ses origines, menant un mélange de vie religieuse et agricole; ouvrant sa première école communale en 1410; subissant stoï­quement les guerres de Religion dont, en 1562, la bataille de Valréas (1700 tués); subissant trois occupa­tions françaises sous Louis XIV et Louis XV, lors des accès de gallicanisme de Versailles; enfin devenant, à force de toujours vouloir dépasser les cités voisines « non enclavées», la capitale française du carton dès la décen­nie 1750, sans parler de l'élevage du ver à soie et, de nos jours, les plantes à parfum et la bioagriculture. Un fringuant député du cru, futur ministre sarkozyste, Thierry Mariani, fils d'un maçon italien, fut un temps un «Monsieur Enclave» très visible, qui finit par se faire mal voir à Paris pour sa russophilie (il épousa même une com­patriote de M. Poutine) ; ce cursus contrasté a un peu rappelé aux Valréasiens, le brillant cardinal Maury (1746-1817), fils d'un cor­donnier de l'Enclave, agent à Rome du futur Louis XVIII avant de se rallier à Napoléon pour devenir archevêque de Paris puis d'être relégué par le pape au château Saint-Ange...

    Sic transit gloria mundi. Mais l'Enclave, elle, perdure...  

    Lire : Guillaume Mollat, Les Papes d'Avignon (1305-1378), Letouzey et Ané, 1965 ; rééd. BiblioBazaar, 2009. Jean Raspail, L'Anneau du pêcheur, Albin Michel, 1995 ; rééd. Livre de poche, 1997

     

    PÉRONCEL-HUGOZ - Correspondant du Monde au Caire à l'époque de Sadate, notre chroniqueur a souvent écrit sur le sort des chrétiens d'Orient, dont les coptes d'Égypte, en ses articles, notamment dans La NRH depuis 2003, ainsi que dans l'un de ses premiers essais : Le Radeau de Mahomet (1983).

    Repris de la NRH - Septembre-octobre 2017

  • Théâtre & Cinéma • Adieu Rochefort !

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    par François-Xavier Ajavon

     

    ajavon_francois_xavier.jpgLa mort n’est pas sympa. On avait pourtant dit à la Camarde qu’elle pouvait emporter n’importe qui, mais pas Jean Rochefort. Approchant les 90 ans, il donnait l’illusion d’être immortel, à l’instar de ses moustaches qui ont imprimé leur marque pour l’éternité dans l’imaginaire des Français. Ce long visage, ce long nez, ce sourire malicieux, cette silhouette élégante, ce regard moqueur où passaient parfois quelques cumulonimbus de mélancolie, tout le monde les connait. Rochefort faisait partie de la bande d’amis, il était membre de la famille, il faisait partie du décor. Non, la mort n’est vraiment pas sympa…

    Manque le grand Claude Rich

    Chacun son Rochefort. Le mien passe d’abord par Le Crabe-tambour (1977), chef d’œuvre de Pierre Schoendoerffer où l’acteur incarne un officier supérieur de la Marine qui, rongé par un cancer, fait une dernière mission en mer à la tête d’un escorteur d’escadre.

     

     

    Rochefort, habité par ce personnage de militaire hanté par son passé et « sa » guerre d’Indochine, donne toute la mesure de son talent, tout en profondeur et avec une gravité toujours pleine de grâce. Dans ce film, il donne notamment la réplique au grand Claude Rich, disparu aussi cette année. Il ne reste plus grand monde sur le pont du Jauréguiberry… Ah ça non, la mort n’est vraiment pas sympa…

    Les années Giscard

    Mon Rochefort c’est aussi bien entendu celui d’Yves Robert. L’inoubliable Étienne Dorsay d’Un éléphant ça trompe énormément (1976), emporté par un tourbillon romantique dans le sillage de l’irrésistible Anny Duperey. On retiendra plusieurs images de ce film : celle de Jean Rochefort fumant avec nonchalance sur le toit d’un immeuble, obligé de fuir l’appartement de son amante à l’arrivée du mari ; celle de l’acteur – qui était un fin cavalier – aux prises avec un équidé récalcitrant ; celle enfin de Rochefort parmi la bande de copains la plus célèbre de l’histoire du cinéma, entre Bedos, Brasseur et Lanoux. Un film qui est une excellente comédie, que nous devons à la plume de Jean-Loup Dabadie, mais aussi un témoignage plein de grâce et de poésie sur la France des années 1970, ses mœurs, son esthétique, son âme. Et Rochefort incarnait à merveille ces années Giscard…

     

     

    La Régence avec Noiret

    Mon Rochefort c’est aussi l’abbé Dubois de Que la fête commence (1975) de Bertrand Tavernier. Dans ce film en costumes, narrant une tranche de la Régence autour du personnage complexe de Philippe d’Orléans – Rochefort incarnait un premier-ministre dévoré d’ambition qui jouait sa propre partition dans l’ombre du Régent. L’acteur réussissait l’exploit de n’être pas écrasé par les acteurs de poids, et amis, à qui il donnait la réplique : Noiret et Marielle. Avec son jeu plein de finesse, Rochefort arrivait même à nous intéresser à son personnage – sombre et antipathique. Il arrivait à nous faire toucher ce que Dubois avait de touchant et d’humain, derrière le masque grimaçant des ambitions.

     

     

    Il y aurait tant d’autres films à citer. Il ne faudrait pas négliger le très subtile Ridicule(1996) et Tandem (1987) de Patrice Leconte.

     

     

    De Winnie à Don Quichotte

    Il ne faudrait pas oublier que Rochefort a été à l’aise dans le registre cap et épée, tout autant que dans le film d’aventure ou historique. Pour toute une génération (la mienne) c’est aussi un monsieur qui venait chaque dimanche dans le poste de télévision pour présenter Les Aventures de Winnie l’ourson. Et – entre Winnie et Bouriquet !  – l’acteur parvenait à toujours conserver une grande élégance. Ce qui est une gageure. 

    Gardons une ultime image : celle de Rochefort en Don Quichotte au début des années 2000. On connaît le destin du film-fantôme de Terry Gilliam, frappé par mille malédictions. Avec sa longue silhouette et son visage émacié Rochefort incarnait à merveille le personnage de Cervantès.

     

     

    Il semblait faire corps avec lui. Il nous reste de ce tournage avorté un making-of troublant, où l’acteur devenait peu à peu Don Quichotte, habité par sa folie, sa naïveté et son espérance. Aujourd’hui les Français perdent un copain, un père, un frère, un proche parent. Ah ça non, la mort n’est vraiment pas sympa… 

    François-Xavier Ajavon

  • Histoire & Patrimoine • Louis-Philippe et le château d’Eu

    Le roi Louis-Philippe, la reine Victoria et le prince Albert

     

    Voici un plaisant et intéressant webdocumentaire intitulé « Un temps d’avance », réalisé par Maxime Patte et son équipe.

    Maxime Patte est professeur d’histoire-géographie à Chantilly. Sa série de documentaires est diffusée sur internet, à destination du grand public et de ses élèves.

    Le dernier numéro, que voici, disponible depuis quelques jours, est consacré à Louis-Philippe et au château d’Eu.  

     

     

    Signalons que le théâtre de la ville d’Eu présentera prochainement un autre aspect de la Monarchie de Juillet. Le Mardi 17 octobre à 20h, sera joué « Lacenaire et le Journal d’un condamné », spectacle de La Clique des Lunaisiens. Cette compagnie était déjà à l’origine de « Votez pour moi », un très bel événement, fondé sur le répertoire de chansons politiques du XIXe siècle, joué à Eu la saison dernière.

    « Lacenaire et le Journal d’un condamné » fait revivre les textes de ce singulier personnage, guillotiné en 1836. Particulièrement actif durant le règne de Louis-Philippe, Pierre-François Lacenaire fut à la fois criminel sans pitié et poète, auteur de mémoires, poésies, tragédies et chansons.

    Les réservations et renseignements sont à prendre auprès du Théâtre du Château : sur place, les mercredi et jeudi de 14 h 30 à 17 h 30 et le vendredi de 10 h à 13 h et de 14 h 30 à 17 h 30 ; par téléphone au 02 35 50 20 97 ; ou par courrier adressé au Théâtre du Château, place Isabelle d’Orléans et Bragance, 76260 EU.

    (Remerciements à Antoine Lazinier)

  • Livres • « Antoine Mauduit, une vie en résistance »

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    La biographie d’un résistant influent mais méconnu qui fit entrer Mitterrand en résistance et qui fut l’un des premiers fondateurs de maquis.

    Antoine Mauduit (1902-1945) aurait pu jouir d’une confortable vie bourgeoise. Au lieu de cela, mû par un désir de conversion personnelle, il devient vagabond, légionnaire, avant d’être fait prisonnier de guerre en Allemagne.

    Libéré et installé dans les Hautes-Alpes, inspiré par une foi ardente, il crée alors un réseau d’anciens prisonniers qui aide aux évasions puis prépare à la lutte armée. Il trouve ses soutiens parmi le milieu que l’on a appelé vichysto-résistant. Il convainc ainsi le jeune évadé François Mitterrand de passer à l’action clandestine. Mais, peu à peu, Mauduit s’éloigne de Vichy et accueille des juifs persécutés et des réfractaires au STO pour fonder l’un des premiers maquis. Trop confiant en sa mission, il est arrêté et déporté dans les camps nazis où il meurt au lendemain de la victoire.

    L’ouvrage, basé sur une documentation fournie et inédite, montre le rôle important de Mauduit dans une résistance ni gaulliste ni communiste : pourquoi et comment mobilise-t-il des groupes sociaux partageant le respect du chef de l’État français et la haine de l’ennemi nazi ?

    Trois années de recherche ont permis à Philippe Franceschetti d’établir le parcours de ce résistant ayant développé une conception originale de son action avant et durant la guerre, ayant des soutiens à Vichy mais oeuvrant pour la lutte contre l'ennemi. Il a, entre autres, fait entrer Mitterrand en résistance et a même accueilli la famille de Serge Klarsfeld alors traquée...

    Une vie passionnante retracée grâce à des archives inédites, avec illustrations, cartes, index...   •

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     Antoine Mauduit, une vie en résistance 1902- 1945, de Philippe Franceschetti - PUG - 2017 - 19 €

  • Cinéma • Le Jeune Karl Marx

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Le Jeune Karl Marx, un biopic de Raoul Peck avec August Diehl, Stefan Konarske, Olivier Gourmet 

     

    Oui, j’ai osé y aller !

    Le spectacle était d’abord dans la salle où se retrouvaient, apparemment, si je me permets ce délit de sale gueule, le Parti Communiste de La Ciotat et la section locale de la MGEN… 17 personnes exactement… à côté desquelles mon épouse et moi-même avions pris place, 17 personnes dont certaines ont applaudi ce film élogieux, panégyrique, à la gloire de Karl Marx et du communisme !

    Ils ont osé applaudir ! alors que le scénario fait un silence total sur les cent millions de morts de cette idéologie totalitaire, à laquelle continuent de faire allégeance encore cinq pays dans le monde  : la Chine, Cuba, le Vietnam, le Laos et la Corée du Nord dont on ne parle que trop actuellement.

    Commençons évidemment par regretter ce fait : je n’avais certainement pas la culture nécessaire et suffisante pour ce film…  Je n’ai pas tout compris, je n’avais jamais entendu parler de certains intervenants et je ne peux pas y distinguer le vrai du faux… Le film m’a néanmoins intéressé et j’aimerais sans doute pouvoir en lire les dialogues « en même temps » (comme dirait Macron) qu’une analyse critique, que j’espère bien trouver, dans les jours ou semaines qui viennent, dans la presse écrite, ou internet, de ce que les bobos appellent la « réacosphère » ou la « fachosphère ».

    Je me suis toujours affirmé anticommuniste primaire, mais j’ai quand même apprécié la scène du putsch à l’intérieur de la Ligue des Justes pour devenir la Ligue communiste ; j’ai surtout donné raison à Engels (pardonnez-moi !) lorsqu’il harangue la foule en disant qu’on ne fait pas la guerre avec des bisounours…

    Je suis de ceux, par exemple, qu’insupportent les bougies, les larmes, les « marches blanches », les minutes de silence  et les mots doux, alors qu’il est urgent de déclarer véritablement  la guerre aux islamistes, en commençant par rétablir la peine de mort pour les terroristes.

    Je pense, de la même façon, que l’échec de La Manif Pour Tous vient précisément d’une attitude insuffisamment belliqueuse… Elle a eu tort notamment de ne pas envahir les Champs Élysées. 

    En ce centenaire de la révolution de 1917, ce film hagiographique sur Karl Marx mériterait une riposte : quand réalisera-t-on, en vrai, et filmera-t-on, un Nuremberg du communisme ? Un biopic sur Soljenitsyne et l’archipel du Goulag ?