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  • Caroline Galactéros : « La décision de Vladimir Poutine déconsidère la diplomatie française »

     

    Par Caroline Galactéros       

    Après que Vladimir Poutine a annoncé le report de sa visite à Paris où il devait rencontrer François Hollande, Caroline Galactéros considère cette décision comme la suite logique d'un amateurisme complet de la France en Syrie et ailleurs dans le monde. [Figarovox 11.10]. Elle publie ici une longue tribune, analyse très documentée, lucide, réaliste, sans concession et d'une extrême sévérité - hélas, fondée - pour le jeu diplomatique et politique français. Nous conseillons sa lecture à tout ceux qu'intéresse l'avenir géopolitique de notre pays, de l'Europe et du monde, à une heure où risques et dangers s'accumulent gravement.  Lafautearousseau 

     

    XVMc888ac08-8fa0-11e6-a7ba-d475ba06051a-100x100.jpgDécouvrant, mais un peu tard, que la guerre tue, qu'elle est laide, injuste et sans pitié, et surtout que l'on pourrait un jour peut-être, au tribunal de l'Histoire, venir demander à Paris des comptes sur son inaction face au drame - à moins que ce ne soit sur ses actions et ses options politiques-, la France a pris les devants. Accusant avec l'ONU le régime syrien et la Russie de crimes de guerre à Alep, elle a déposé en hâte un projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant l'arrêt des combats et des bombardements sur l'est de la ville (dont elle feint de croire qu'il n'est peuplé que de civils innocents qui resteraient là de leur propre gré et que la Russie et le régime pilonneraient par pure cruauté), l'acheminement de l'aide humanitaire et la reprise du processus de négociation.

    Que dire de cette initiative, apparemment inspirée par une indignation vertueuse face au drame bien réel vécu par la population d'Alep-Est, à un moment où la tension russo-américaine monte dangereusement et peut faire craindre un dérapage militaire sur le terrain que certains, à Washington et à l'OTAN, appellent ouvertement de leurs vœux ? S'agit-il d'une nouvelle salve d'irénisme aveugle et de « pensée magique », funeste version 2016 de « Boucle d'or au Pays des trois ours » découvrant une intrusion dans sa maisonnette idyllique ? Ou d'une gesticulation habile mais dangereuse qui n'a pour but, en prétendant débloquer la situation, que de jouer les utilités au profit de Washington en fossilisant un peu plus les positions des deux camps qui s'affrontent désormais ouvertement sur le corps exsangue de la nation syrienne ? Difficile de démêler la part de négation du réel de celle de l'alignement sur ce que l'on présente comme « le camp du Bien » … et de nos intérêts nationaux, si mal évalués pourtant.

    Ce cinéma diplomatique vient évidemment de se solder par un véto russe, attendu par Paris, Londres et Washington qui veulent faire basculer l'indignation internationale contre Moscou à défaut de mettre en cohérence leurs objectifs politiques et militaires avec leur prétendue volonté de paix. Mais prendre la tête du chœur des vierges ne suffit pas et ne trompe plus personne. L'évidence crève l'écran. « L'Occident » ne mène pas la guerre contre l'islamisme sunnite ou alors de façon très résiduelle : il le nourrit, le conseille, l'entraine. DAECH, dont la barbarie spectaculaire des modes d'action sert d'épouvantail opportun et de catalyseur de la vindicte occidentale, permet de juger par contraste « respectable » l'avalanche de djihadistes sunnites d'obédience wahhabite ou Frères musulmans qui ne combattent d'ailleurs pas plus que nous l'Etat islamique mais s'acharnent sur le régime syrien. Et l'Amérique comme la France cherchent avec une folle complaisance, dans ce magma ultraviolent, des interlocuteurs susceptibles d'être intronisés comme « légitimes » et capables de remplacer un autocrate indocile qui a le mauvais goût de résister à la marche de l'Histoire version occidentale et à la vague démocratique censée inonder de ses bienfaits un Moyen-Orient politiquement arriéré.

    Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, cruels tyrans sans doute, n'ont pu y résister et croyaient encore pouvoir argumenter avec leurs adversaires occidentaux (longtemps leurs alliés) quand leur sort était en fait scellé depuis longtemps. Bachar el Assad a bien failli y passer lui aussi. Mais à notre grand dam, Moscou a vu dans cette nouvelle guerre occidentale de déstabilisation par procuration, une occasion inespérée de sécuriser ses bases militaires, de défier l'Amérique qui la méprisait trop ouvertement, de regagner une influence centrale dans la région et de traiter « à la source » le terrorisme qui menace son territoire et ses marges d'Asie centrale et du Caucase. Et l'a saisie.

    Dans ce Grand jeu explosif de reconfiguration de l'équilibre du monde et notamment du nouveau duel cardinal, celui de Washington avec Pékin, la France, je le crains, s'est trompée du tout au tout et démontre à la face du monde mais surtout à l'ennemi - qui observe notre incohérence diplomatique et politique -, qu'elle pratique admirablement le grand écart stratégique... aux dépens toutefois, de nos concitoyens. Comment justifier en effet notre combat au Mali contre les djihadistes sunnites, notre soutien en Irak aux chiites contre les sunnites, et en Syrie notre appui aux groupuscules sunnites les plus extrémistes contre Bachar el Assad... tout en prétendant profiter du marché iranien entre-ouvert …. et vendre des armes aux Saoudiens et Qataris sunnites qui sont by the way les financiers du djihadisme mondial dont nous subissons la haine et la violence terroriste sur notre sol désormais à un rythme soutenu ? C'est de l'opportunisme à très courte vue, mais plus encore un hiatus stratégique béant et la manifestation d'une totale incompréhension du réel.

    De telles contradictions ne peuvent s'expliquer que par notre entêtement à vouloir en finir avec le régime syrien actuel dont nul n'imaginait qu'il résisterait si longtemps aux feux croisés de l'Amérique et de ses alliés sunnites. L'exigence américaine - reprise à son compte par Paris - d'une cessation des bombardements aériens sur Alep-Est « pour raisons humanitaires » aurait permis en fait de laisser les islamistes de la ville (soit rien moins qu'Al Nosra et consorts) se refaire une santé militaire en se servant des civils comme de boucliers humains, de poursuivre leurs tirs d'obus sur la partie ouest de la ville et d'empêcher Damas et Moscou de faire basculer décisivement le rapport de force militaire en faveur de l'Etat syrien dans le cadre d'une négociation ultime. Qui a d'ailleurs fait échouer le cessez le feu signé le 9 septembre dernier à Genève ? Les groupes terroristes qui n'en voulaient pas et les Etats-Unis qui ont bombardé les forces syriennes à Deir el Zor et ouvert la voie aux forces de l'Etat Islamique. Encore un accord de dupes.

    Temps court versus temps long, individu versus groupe, froideur politique versus empathie médiatique (sélective): on se refuse à voir, dans nos démocraties molles, que la véritable action stratégique, pour être efficace, ne peut prendre en compte que des nombres, des masses, des ensembles, des mouvements, des processus, quand toute l'attention médiatique et la gestion politicienne des crises, elles, veulent faire croire que l'individu est central et se concentrent sur la souffrance et le sort des personnes, alors que celles-ci sont depuis toujours et sans doute pour encore longtemps sacrifiées à la confrontation globale et brutale entre Etats. Les images terrifiantes de la guerre au quotidien masquent la réalité d'un affrontement sans scrupules de part et d'autre, dont en l'espèce les malheureux Syriens ne sont même plus les enjeux mais de simples otages.

    L'impensé du discours français n'en reste pas moins le suivant : si Assad, « bourreau de son propre peuple » selon l'expression consacrée, était finalement militairement et politiquement mis hors-jeu, par qui compte-on le remplacer ? A qui sera livrée la Syrie, « utile » ou pas, une fois que DAECH en aura été progressivement « exfiltré » vers d'autres macabres « territoires de jeu », en Libye par exemple ? Quelle alternative pour la survie des communautés, notamment chrétiennes, encore présentes dans le pays qui passe par la survie des structures laïques d'Etat ? Quels individus veut-on mettre au pouvoir ? Les pseudo « modérés » qui encombrent les couloirs des négociations en trompe l'œil de Genève ? Le Front al Nosra, sous son nouveau petit nom - Fateh al Sham -, que les Américains persistent à soutenir en dépit des objurgations russes et qui a fait exploser le cessez-le feu ? Ou peut-être certains groupuscules désormais armés de missiles américains TOW qui n'attendent qu'un « go » pour tenter de dézinguer un avion ou un hélico russe, « par erreur » naturellement ? Ou encore les représentants des Forces démocratiques syriennes, ou ceux de «l'Armée de la Conquête» qui renait opportunément de ses cendres… Ou un mixte de tous ces rebelles - apprentis démocrates férus de liberté et qui libèreront enfin le peuple syrien du sanglant dictateur qui le broyait sous sa férule depuis trop longtemps ?

    Croit-on sérieusement que l'on pourra contrôler une seule minute ces nouveaux « patrons » du pays qui se financent dans le Golfe - dont nous sommes devenus les obligés silencieux -, et dont l'agenda politique et religieux est aux antipodes de la plus petite de nos exigences « démocratiques » ? Ne comprend-on pas qu'ils vont mettre le pays en coupe réglée, en finiront dans le sang avec toutes les minorités, placeront les populations sunnites sous leur contrôle terrifiant, et que tout processus électoral sera une mascarade et ne fera qu'entériner une domination communautaire et confessionnelle sans appel ? … « Anne, ma sœur Anne ne vois-tu rien venir? je ne vois que l'herbe qui verdoie et la terre qui poudroie » … Quelle naïveté, quelle ignorance, quelle indifférence en fait !

    L'interview accordée le 5 octobre dernier par notre ministre des Affaires étrangères à la veille de son départ pour Moscou à Yves Calvi sur LCI est à cet égard, un morceau de bravoure édifiant, qui escamote la réalité et brosse un paysage surréaliste du conflit et de ce qu'il faudrait y comprendre et en attendre.

    Florilège et exégèse…

    « La guerre ne sert à rien. Elle ne fait que renforcer les djihadistes »

    Est-ce à dire qu'il faut les laisser faire, leur donner les clefs du pays et prier peut-être, pour qu'ils ne massacrent pas les minorités qui y demeurent encore et instaurent la démocratie ? Faut-il ne plus agir en espérant qu'ils vont s'arrêter ? De qui se moque-t-on ? Adieu Boucle d'Or. Nous sommes au Pays des rêves bleus de Oui-Oui…

    Les Russes, qui se disent satisfaits de l'efficacité de leurs frappes contre les terroristes d'Alep-Est « sont cyniques » … Qui est cynique ici ? Celui qui déforme la réalité d'un affrontement pour ne pas avouer qu'il est (avec d'autres) à la manœuvre d'une déstabilisation d'Etat par des groupuscules terroristes liés à Al-Qaïda (matrice de Daech) sous couvert d'aspiration à la démocratie ? Ou ceux qui cherchent à réduire l'emprise djihadiste et à renforcer des structures d'Etat laïques avec ou sans Bachar ?

    « La politique de la France est claire… Nous avons une stratégie, une vision. »

    Ah ? ! Laquelle ? Nous avons depuis 5 ans une politique étrangère à contre-emploi et à contre temps, réduite à deux volets : action humanitaire et diplomatie économique. En gros vendre des armes à tout prix aux pays sunnites, les aider à faire la guerre et à s'emparer du pouvoir à Damas… et porter des couvertures aux victimes de cet activisme économico-militaire: les Syriens.

    En dépit de l'excellence de nos forces armées, de la présence du Charles de Gaulle sur zone et de nos missions aériennes soutenues, Paris n'est diplomatiquement et stratégiquement plus nulle part en Syrie, et depuis longtemps. Par dogmatisme, par moralisme, par notre parti pris immodéré pour les puissances sunnites de la région, nous nous sommes engouffrés dans un alignement crédule sur la politique américaine qui s'est en plus retournée contre nous dès l'été 2013, lorsque Barack Obama a dû renoncer à frapper directement Damas au prétexte d'un usage d'armes chimiques qui n'a d'ailleurs jamais été confirmé. Un camouflet d'autant plus lourd à porter que notre ancien ministre des affaires étrangères avait jugé bon, dès août 2012, de dire que « Bachar el Assad ne méritait pas d'être sur terre » et, en décembre 2012, « qu'Al Nosra faisait du bon boulot ». L'Etat Français a d'ailleurs été poursuivi - en vain à ce jour - pour ces déclarations ministérielles qui ont de facto encouragé le prosélytisme islamiste et le terrorisme en présentant le départ pour la Syrie à des apprentis djihadistes français comme une œuvre politique salutaire, avec les résultats que l'on connaît sur le territoire national. N'en déplaise à Monsieur Ayrault, la France n'est ni écoutée, ni considérée, ni attendue sur le dossier syrien. Elle en est réduite à servir de go between entre Washington et Moscou lorsque ceux-ci ne peuvent plus se parler et qu'il faut faire semblant, une fois encore, de rechercher un compromis et d'amener Moscou à lever le pied d'une implication trop efficace à notre goût.

    « Si le choix est entre Bachar et Daech, il n'y a pas de choix. »

    Mais c'est pourtant le cas, ne nous en déplaise. Nous combattons l'Etat islamique pour la galerie, sans grande conviction ni détermination politique, de très haut, par des frappes qui sans présence terrestre demeurent symboliques. Pour Moscou, au contraire, il n'existe pas « d'islamistes modérés » ; combattre le terrorisme revient à combattre l'EI mais aussi ses avatars locaux innombrables à tout prix, y compris au prix de pertes civiles importantes. Et c'est aujourd'hui la Russie qui, dans les airs mais aussi au sol, avec l'Iran et le régime syrien, « fait la guerre », se bat contre le terrorisme islamiste qui menace tout l'Occident, gangrène nos vieilles sociétés repues et pacifiques et nous prend pour cible. Ils « font le job ». Un horrible job. Dans l'immédiat, il faut choisir entre le soutien à l'Etat syrien - que le régime d'Assad incarne-, et DAECH et Cie.

    Le sommet est atteint à la fin de l'intervention ministérielle, lorsque l'on apprend que « la Syrie future devra être unitaire, avoir des structures étatiques stables, être protectrice de toutes ses minorités, mettre en place des institutions solides, contrôler son armée et ses Services… » (sic)! Les bras nous en tombent. Voici décrite…la Syrie d'avant la guerre ! Ce terrifiant carnage n'aurait-il donc été qu'un coup d'épée dans l'eau ?

    Mais le pire était à venir. Ce matin, nous avons franchi un nouveau seuil dans le ridicule et le suicide politique. Au moment où il est d'une extrême urgence de se parler enfin à cœur ouvert, de dire la vérité, d'abandonner les poses et les anathèmes, de ne plus se tromper d'ennemi, de faire front commun - comme l'ont proposé les Russes depuis des lustres -, contre l'islamisme qui a décidé notre perte et s'esclaffe de notre ahurissante naïveté et de notre faiblesse, le président de la République française s'interroge publiquement, de bon matin, dans une émission de divertissement, devant l'animateur Yann Barthes sur TMC, sur l'opportunité de recevoir Vladimir Poutine à Paris le 19 octobre prochain! « P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non â€¦Â» La réponse de Moscou à cette insulte ne s'est pas fait attendre : le Président russe ne viendra pas. Nous sommes au fond du fond du fond de l'impuissance politique et l'on se laisse couler, saisis par l'ivresse des profondeurs en croyant surnager.

    Hauteur de vue et profondeur de champ, vÃ

  • Si le coup de « farce » est possible.

    Le billet colo­ré d’Amaury de Perros

    Le 22 jan­vier 2021, un trou­vère (certes, du genre pénible) publiait un billet dans France-Soir, dont nous repro­dui­sons ici la par­tie la plus explo­sive : « De même, et si de besoin, il est du devoir de l’ar­mée fran­çaise pour assu­rer la sûre­té du peuple fran­çais […] de pro­cé­der à la mise à pied des auteurs du coup d’É­tat – c’est-à-dire de l’ac­tuel gou­ver­ne­ment ; et ce, afin de réta­blir le droit répu­bli­cain. ».

    Aux armes, baladins !

    Plu­tôt bien tour­née, cette dia­tribe relève davan­tage de l’inconscience et de la bêtise crasse (j’entends déjà des « même pas éton­né… »). Nous sommes ici forts éloi­gnés d’un Dérou­lède, d’un Roche­fort ou d’un Maur­ras.

    Ceux qui connaissent l’Action fran­çaise, savent que ses par­ti­sans ont une cer­taine appé­tence pour les offi­ciers put­schistes, ces der­niers étant en effet tout indi­qués pour net­toyer les écu­ries d’Augias, à savoir débar­ras­ser la France des sco­ries de 200 années de répu­blique mor­ti­fère (tra­duc­tion : virer la gueuse). Une bonne dic­ta­ture en somme, mais, atten­tion, toute pro­vi­soire. L’objectif étant, in fine, de res­tau­rer la monar­chie et nos liber­tés (Monck, ça vous parle, rassurez-moi ?).

    On se sou­viens qu’il y a 60 ans, un « quar­te­ron » de géné­raux (trop répu­bli­cains, pour le coup) aura pro­vo­qué un réveil pénible au loca­taire étoi­lé de l’Elysée… S’en sui­virent quelques purges au sein de l’institution, à la suite de ces évè­ne­ments d’Algé­rie. L’esprit réac­tion­naire, pour ne pas dire natio­na­liste, n’étant pas tout à fait expur­gé chez les « milis », nous pour­rions tou­jours trou­ver quelques galon­nés ayant la capa­ci­té de don­ner de grands coups de ran­gers dans la pétau­dière répu­bli­caine le jour du « Grand Soir » (ou le soir du « Grand Jour », au choix).

    Reste à choi­sir le bon moment et sur­tout le bon che­val. Car il faut une volon­té de fer et un sens du sacri­fice assez pro­non­cé pour réus­sir un coup d’état. Point déli­cat pour nous, roya­listes, l’insurgé devra impé­ra­ti­ve­ment une fois le sale bou­lot effec­tué, ren­trer dans sa caserne et lais­ser la place à celui qui, légi­ti­me­ment, repren­dra les rênes du pou­voir1. Le dan­ger encou­ru par notre pays étant immense, nous ferions aisé­ment l’économie d’un nou­veau Bou­lan­ger ou de tout autre ambi­tieux gar­dant le pou­voir pour lui-seul.

    Le putsch qui fait pschitt

    Ceci posé, avouons très hon­nê­te­ment que ce coup de semonce de la part d’un sal­tim­banque éner­vé mais musi­ca­le­ment mort, nous ne l’avions pas vu venir.

    Dans cet appel aux cen­tu­rions, notre zapa­tiste Fran­ci­so Lalan­nos, appelle à la « mobi­li­sa­tion géné­rale du peuple fran­çais contre la tyran­nie », vu que « Le chef de l’É­tat et son gou­ver­ne­ment s’es­suient les pieds sur le droit répu­bli­cain comme sur un paillas­son. ». Si nous par­ta­geons ce constat, comme pro­ba­ble­ment nombre de Fran­çais, nous res­tons scep­tiques quant à la méthode employée. De fait, nos rues sont res­tées déses­pé­ré­ment vides de bérets ama­rantes, de treillis F3 bien repas­sés et de chars Leclerc. La capi­tale n’aura pas été non plus sur­vo­lée par des Rafales ou des Tigres2. « Caram­ba, encore raté ! » se désole une fois de plus Ramon, le tueur mal­adroit de l’Oreille cassée.

    Que faut-il rete­nir de ce brû­lot ? Pas grand-chose, en fait. Ques­tion lit­té­ra­ture, la prose employée pour­ra éven­tuel­le­ment pro­cu­rer quelques fris­sons à un lieu­te­nant-colo­nel Teje­ro lisant ce fac­tum 40 ans après sa pres­ta­tion remar­quée aux Cor­tès. D’An­nun­zio peut éga­le­ment dor­mir tran­quille, la lit­té­ra­ture fac­tieuse oublie­ra bien vite ces quelques lignes.

    Sur le fond, le « Grand Livre des Sédi­tions » ne gar­de­ra sans doute pas non plus de traces du rebelle bayon­nais et de son appel aux armes. Il est vrai que faute d’un Fidel Cas­tro gau­lois, nous héri­tons d’une ver­sion beat­nik du Líder Máxi­mo, un bar­bu­dos sans AK47, affu­blé non pas d’un six coups, mais d’une six cordes. Et sur­tout, n’ayant aucun géné­ral Tapio­ca à nous pré­sen­ter pour don­ner un sem­blant de cré­dit à ce pro­nun­cia­mien­to. Le bilan est miti­gé, cher Beni­to Lalan­ni. Com­bien de divi­sions à dis­po­si­tion ? Com­bien de paras ? Où sont les artilleurs ? Com­bien de réser­vistes ven­trus pour au moins faire illu­sion ? Niente. Nada. Pas un gazier. Une gui­tare, une natte bien tres­sée, des bottes de che­val bien cirées et un Opi­nel ne font pas d’un barde, un put­schiste. Sur­tout que ques­tion cré­di­bi­li­té, il y a encore des efforts à faire si on se remé­more son échec pour deve­nir réser­viste de la Gen­dar­me­rie. Gilet jaune et képis ne font pas bon ménage.

    De fait, le Sys­tème qui était la cible de cet atten­tat, n’aura pas trem­blé. Il s’est même pro­ba­ble­ment tapé une sacrée mar­rade à la lec­ture de cet appel à l’insurrection. Ayant bien ri, il aura pris le temps de pré­pa­rer une réplique judi­ciaire, his­toire de remettre en place l’imprudent voca­liste. C’est qu’il ne fau­drait pas adres­ser ce genre de signal aux Fran­çais et leur don­ner le goût du com­plot. Le Par­quet de Paris a donc logi­que­ment ouvert une enquête pré­li­mi­naire pour « faits de pro­vo­ca­tion publique non sui­vie d’ef­fet, à la com­mis­sion d’un crime ou d’un délit por­tant atteinte aux inté­rêts fon­da­men­taux de la nation ». Des faits quand même pas­sibles de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’a­mende. La peine de mort étant abo­lie, c’est un moindre mal (sou­ve­nons-nous que le fort d’Ivry résonne encore de salves qui assas­si­nèrent il y a peu de grands Français).

    La gueuse vient donc de sif­fler la fin du jeu pour notre Cas­ta­fiore du Béarn. Cou­couche panier et retour à la case départ (sans pas­ser par la case Sacem, mais en pas­sant par la case pri­son, donc ?). « La répu­blique gou­verne mal, mais elle se défend bien » et le gugusse chan­tant va l’apprendre à ses dépens. On peut néan­moins comp­ter sur une cer­taine man­sué­tude la part de l’institution judi­caire pour ne pas en faire un mar­tyr. Et les psy­chiatres nous expli­que­ront sûre­ment pour­quoi Lalanne eu un gros manque de dis­cer­ne­ment dans sa cri­tique du macronisme…

    Faut-il pour autant jeter Lalanne et ses bottes de che­val avec l’eau du bain ?

    Pour n’importe quel Fran­çais sou­cieux de sa Patrie, se débar­ras­ser du géron­to­phile ély­séen est un impé­ra­tif, une mesure de salu­bri­té publique et une néces­si­té vitale. Accor­dons-nous là-des­sus. Reste la méthode à employer.

    Les régi­mistes de la (vraie) droite répu­bli­caine espèrent uti­li­ser les pro­chaines échéances élec­to­rales pour ren­ver­ser la clique LREM. Le salut pour­rait venir d’une alliance allant d’un Ciot­ti par exemple, jusqu’à une Marion Maré­chal (l’espérance des déçus de tan­tine). L’union des droites est un ser­pent de mer qui res­sur­git régu­liè­re­ment… Sauf que rien de tel n’est pré­vu à 400 jours du 22 avril 2022, date de la pro­chaine gui­gno­lade pré­si­den­tielle. A ce compte-là, Macron sera en poste jusqu’en 2027 (à moins que tan­tine Marine com­prenne enfin pour­quoi elle est en tête des son­dages et qu’elle agisse en consé­quence. Sinon, ce sera 2032 et Marion). J’évacue évi­de­ment l’hypothèse Zem­mour qui agite en ce moment le lan­der­neau droi­tard, car je n’y crois pas. Qu’irait-il faire dans cette galère, à part ser­vir d’aiguillon droi­tier pour MLP ?

    A gauche, une alter­na­tive poli­tique der­rière un lea­der com­mun reste du domaine du pos­sible et pour­rait mena­cer sérieu­se­ment Macron. Mais vu les égos déme­su­rés chez La France Insou­mise, les éco­los et les sur­vi­vants du PS et vu la qua­li­té du per­son­nel, cette pers­pec­tive semble aus­si tar­ti­gnole que l’union des droites. Res­tons tout de même pru­dents. Après tout, Mit­ter­rand a bien été élu en 1981 avec les com­mu­nistes et les Radi­caux de gauche. Le grand écart chez les pro­gres­sistes est tou­jours pos­sible quand une élec­tion poten­tiel­le­ment gagnable se pro­file à l’horizon. Cer­tains socia­listes conver­tis oppor­tu­né­ment au macro­nisme, pour­raient même faire un retour à la mai­son-mère. Les légis­la­tives quant à elles, devraient être moins à l’avantage de LREM et pour­raient pro­vo­quer une cer­taine para­ly­sie poli­tique, les macro­nistes devant s’y trou­ver logi­que­ment en minorité.

    Une macro­nie pour­sui­vant en 2027 son tra­gique bon­homme de che­min semble l’hypothèse la plus pro­bable. Cette pers­pec­tive ne peut qu’inquiéter ceux qui se déso­lent de la situa­tion de notre pays. Entre muse­lage des oppo­si­tions, res­tric­tion de nos liber­tés, aban­don de nos sou­ve­rai­ne­tés, lais­ser-aller socié­tal, insé­cu­ri­té galo­pante, ghet­toï­sa­tion des ter­ri­toires per­dus, pas­si­vi­té devant l’islamisme et plus glo­ba­le­ment, haine chro­nique de ce qui fait la France par ceux qui n’ont rien à y faire, il y a lar­ge­ment de quoi alar­mer ceux qui se déso­lent devant notre pays livré à l’anarchie et à l’oligarchie libé­rale euro­péiste, monstre qui déman­tèle notre éco­no­mie. Voir sa Patrie se déli­ter et consta­ter que ceux qui devraient lui assu­rer gran­deur et pros­pé­ri­té, sont les acteurs de ce démem­bre­ment, n’autorise pas la pas­si­vi­té. La cote­rie en place ver­rouillant le sys­tème élec­to­ral, il reste peu d’options pour libé­rer la France de ces malfaisants.

    Le putsch : y pen­ser, sou­vent. N’en par­ler, jamais

    Que vou­lons-nous à l’Action fran­çaise ? Un pou­voir fort dans ses aspects réga­liens, mais sou­cieux du bien com­mun, qui rende aux Fran­çais leur fier­té, qui leur redonne le sen­ti­ment d’appartenir à la plus belle des nations, celle qui sera crainte et res­pec­tée. Nous vou­lons un régime qui garan­ti­ra nos liber­tés, qui res­pec­te­ra les valeurs et les tra­di­tions qui ont bâti la France. Nous vou­lons donc un roi.

    Com­ment y par­ve­nir ? Cet objec­tif ne sera évi­dem­ment pas atteint par la voie démo­cra­tique. Si le sys­tème est à bout de souffle, il n’est pas deve­nu sui­ci­daire pour autant. Bien des scé­na­rios res­tent ima­gi­nables et la plu­part sont mal­heu­reu­se­ment tra­giques. Face de graves évè­ne­ments et devant l’atonie du Sys­tème, un appel au roi par les dépu­tés n’est pas tota­le­ment chi­mé­rique pour refaire l’unité du pays. Ces mêmes poli­tiques n’ont-ils pas fait appel à un vieux maré­chal en 1940, pour se sor­tir d’un pétrin où ils avaient mis le pays ?

    Dans une situa­tion d’anarchie, l’hypothèse d’un coup d’état mili­taire n’est donc plus à éva­cuer. Notre pays pos­sède encore suf­fi­sam­ment de res­sources morales, pour que des hommes déci­dés se chargent de virer une équipe qui envoie sciem­ment le navire France vers un ice­berg mor­tel. Il va de soi, que le galon­né en ques­tion n’est pas encore connu et que ce ne sera sur­ement pas un de ceux que cer­tains droi­tards exhibent sur les réseaux sociaux (je rap­pelle que dans ces deux scé­na­rii, le roi nou­vel­le­ment ins­tal­lé devra se rendre indé­pen­dant des fac­tions qui l’auront por­té au pou­voir, affir­mer son auto­ri­té et mettre en place un sys­tème poli­tique qui se péren­ni­se­ra. En somme, s’affranchir de la repré­sen­ta­tion par­le­men­taire et remettre à sa vraie place l’autorité mili­taire. Un tra­vail de longue haleine et déli­cat, qui néces­si­te­ra intel­li­gence et prag­ma­tisme).

    Cette hypo­thèse mili­taire ayant donc les faveurs de notre mélo­diste dégui­sé en his­trion, si ce der­nier réclame l’intervention de la Grande Muette, c’est hélas pour res­tau­rer une répu­blique fan­tas­mée, alors qu’elle est le vrai poi­son. De quoi démon­trer une fois de plus, l’immaturité du per­son­nage en matière politique.

    Autre incon­grui­té : crier haut et fort sur les toits qu’il faut abattre le sys­tème en place par la force. A‑t-on déjà vu un putsch s’annoncer à grands ren­forts d’annonces dans les médias et les réseaux ? Et pour­quoi pas un flash­mob en treillis… dans la longue his­toire des coups d’états, il y eu rare­ment d’avertissements clai­ron­nés. Ragin­pert et son fils Ari­pert, n’ont pas envoyé d’émissaires au roi des lom­bards Liut­pert, pour l’avertir que ses jours étaient comp­tés (encore qu’il dût bien s’en dou­ter, vu les mœurs de l’époque). Fran­co n’a jamais envoyé de télé­gramme pour pré­ve­nir le Frente Cra­pu­lar qu’il allait débar­quer en Anda­lou­sie. John Scul­ley n’a pas envoyé de SMS à Steve Jobs avant de le virer d’Apple. Il me semble donc inutile de pré­ci­ser que le pre­mier gage de réus­site d’un putsch, était de res­ter secret. Lalanne passe donc une fois de plus pour ce qu’il est, une buse, un idiot, un fac­tieux d’opérette, un agi­té inca­pable de réflé­chir avant de par­ler. S’insurger, c’est bien, c’est même plu­tôt sain3, mais il n’est pas néces­saire de s’imaginer com­plo­teur et crier sur les toits « Viva la Revo­lu­ción ! » pour pro­vo­quer un sou­lè­ve­ment. Un com­plot se trame dans des caves vou­tées et humides, flingues et cya­nure à por­tée de main.

    Gar­dons-nous de prendre de haut, ce qui res­semble tout de même à un sui­cide social. Car ce coup de sang, cette sor­tie de route non contrô­lée d’un put­schiste en herbe, est peut-être un signal avant-cou­reur. Une sorte d’éruption cuta­née illus­trant l’exaspération des Fran­çais face au sys­tème macro­nien. Il existe en France une cris­pa­tion, une irri­ta­tion, une colère encore conte­nue chez les gau­lois réfrac­taires. La Covid et sa ges­tion cala­mi­teuse, les pri­va­tions de liber­té, la crise éco­no­mique qui pointe son museau, sont-ils les fer­ments de la révolte à venir ? Si on amal­game à cette crise, les autres graves pro­blèmes ren­con­trés par les Fran­çais, insé­cu­ri­té et chô­mage pour ne citer qu’eux, nous nous diri­geons cer­tai­ne­ment vers une période pré-anar­chique, dont la meilleure illus­tra­tion est la qua­si-impu­ni­té des racailles dans leurs quar­tiers (Blois, hier soir encore). Nos com­pa­triotes pour­raient alors s’insurger et deman­der des comptes aux édiles en place, dans l’hypothèse opti­miste, où ils se déta­che­raient de Net­flix et du « Meilleur pâtis­sier » … (le scru­tin de 2022 sera peut-être la tra­duc­tion paci­fique de ce ras-le-bol).

    Devant une situa­tion insur­rec­tion­nelle, les élé­ments les plus avi­sés devront savoir se struc­tu­rer pour réus­sir. De cette troupe, devra émer­ger un chef qui sau­ra remettre le pays sur de bons rails. Et qui aura l’intelligence de se reti­rer une fois la mis­sion effec­tuée, répon­dant ain­si à nos sou­haits de monarchistes.

  • LETTRE OUVERTE : Vaccins contre la Covid-19, par le Doc­teur Amine UMLIL.

    La séré­ni­té en matière d’obligation vac­ci­nale et l’unanimité des soi­gnants semblent de plus en plus bous­cu­lées, en témoigne cette lettre ouverte d’un doc­teur en phar­ma­cie des hôpi­taux et spé­cia­liste du droit de la san­té. Ce docu­ment nous a été trans­mis par un ami universitaire.

    2.jpgMon­sieur le Pré­sident de la Répu­blique : je demande, j’exige la démis­sion immé­diate du ministre des Soli­da­ri­tés et de la san­té, Mon­sieur Oli­vier VÉRAN

    Mon­sieur le Pré­sident de la Répu­blique, Emma­nuel MACRON,

    Répu­blique Française,

    Copie adres­sée à :

    Mon­sieur le Pre­mier ministre, Jean CASTEX ;

    Mon­sieur le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té, Oli­vier VÉRAN ;

    L’Assemblée natio­nale ;

    [au] Sénat ;

    La haute auto­ri­té de san­té (HAS) ;

    L’agence natio­nale de sécu­ri­té du médi­ca­ment (ANSM).

    « Patere legem quam fecis­ti » (res­pecte la règle que tu as faite).

    « Vac­ci­na­tion. COVID19. Si vous avez des cour­ba­tures après le vac­cin, pas d’inquiétude… c’est que vous avez trop péda­lé ! Pre­nez rdv dès main­te­nant (…) » (Oli­vier Véran, 9 juillet 2021, 21h08, sur le réseau social Tweeter).

    À nou­veau, Mon­sieur Oli­vier VÉRAN, Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té, vient donc de réci­di­ver. Sa com­mu­ni­ca­tion sur le rap­port bénéfice/risque des vac­cins contre la Covid-19, à des­ti­na­tion du public, heurte plu­sieurs dis­po­si­tions de la loi (au sens large) ; dont le Code de la san­té publique. Il est, pour le moins, insup­por­table de voir un Ministre de la san­té conti­nuer de tenir des affir­ma­tions inexactes auprès d’un public vulnérable.

    C’est donc avec urgence et gra­vi­té que j’ai l’honneur de sai­sir votre bien­veillance en vous adres­sant la pré­sente lettre ouverte en ma qua­li­té de phar­ma­cien des hôpi­taux, pra­ti­cien hos­pi­ta­lier et juriste (droit de la san­té) ; res­pon­sable de la phar­ma­co­vi­gi­lance, de la coor­di­na­tion des vigi­lances sani­taires et du CTIAP (centre ter­ri­to­rial d’information indé­pen­dante et d’avis phar­ma­ceu­tiques) au centre hos­pi­ta­lier de Cho­let dans lequel j’exerce depuis 2002.

    Et avant tout, cette nou­velle alerte vous est éga­le­ment trans­mise en ma qua­li­té de citoyen français.

    Depuis plu­sieurs mois, le CTIAP vous a pro­po­sé ses ana­lyses, docu­men­tées et véri­fiables sur pièces, concer­nant notam­ment les vac­cins contre la Covid-19. Ces preuves émanent des écri­tures des auto­ri­tés ad hoc elles-mêmes telles que l’agence euro­péenne du médi­ca­ment (EMA), l’agence natio­nale de sécu­ri­té du médi­ca­ment (ANSM), la haute auto­ri­té de san­té (HAS), le minis­tère des soli­da­ri­tés et de la san­té, le Conseil d’État, etc. Ces preuves sont dis­po­nibles sur le pré­sent site internet.

    Récem­ment, dans une revue juri­dique, un pro­fes­seur de droit public à l’Université de Per­pi­gnan est venu, lui aus­si, confir­mer le bien-fon­dé de ces ana­lyses pro­po­sées au public.

    Mais, depuis l’attribution des auto­ri­sa­tions de mise sur le mar­ché (AMM) « condi­tion­nelles », tem­po­raires et dont la durée n’excède pas un an, aux quatre vac­cins com­mer­cia­li­sés en France, Mon­sieur le ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té a, publi­que­ment et à plu­sieurs reprises, tenu des affir­ma­tions, pour le moins, inexactes.

    Par exemple, récem­ment et selon des médias, Mon­sieur le ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té aurait affir­mé ceci : « Par­mi les fake news qu’on entend, il y aurait celle qui consiste à dire que le vac­cin sera encore en cours d’expérimentationC’est abso­lu­ment faux, la phase 3 est ter­mi­née depuis des moisElle est vali­dée. Trois mil­liards d’injection ont été vali­dées sur la pla­nète Terre. Les choses se déroulent au mieux. Vous pou­vez y aller, il n’y aucune inquié­tude à avoir ».

    Avec cer­ti­tude, le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té aurait donc affir­mé que ledit vac­cin n’est plus « en cours d’expérimentation » puisque, selon lui, la « phase 3 » des essais cli­niques (menés chez l’Homme) « est ter­mi­née depuis des mois ». Selon lui, cette phase 3 expé­ri­men­tale « est vali­dée ».

    Il aurait ajou­té qu’ « il n’y a aucune inquié­tude à avoir » et invi­te­rait les gens à « y aller ». Autre­ment dit, ce vac­cin ne pré­sente, selon le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té, aucun risque d’effets indé­si­rables, notam­ment graves.

    Or, en réa­li­té, même le jour­nal Le Monde constate ceci : « Il est vrai que les essais de phase 3 sont tou­jours en cours… En affir­mant de manière caté­go­rique que la phase 3 des essais des vac­cins déployés en France est « ter­mi­née », Oli­vier Véran se méprend. Contac­té par Le Monde, le labo­ra­toire Pfi­zer assure bien que son « essai de phase 3 se pour­suit ».

    Le fabri­cant, lui-même, met donc en évi­dence les affir­ma­tions inexactes que le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té aurait tenues.

    Ledit Pro­fes­seur de droit public, lui aus­si, relève que « la for­mule « essai cli­nique » uti­li­sée par l’Agence euro­péenne est sans équi­voque ». Il sou­tient : « Le fait qu’il s’agisse d’une vac­ci­na­tion en phase expé­ri­men­tale ne sau­rait donc faire de doute ». Il affirme qu’il s’agit d’« une expé­ri­men­ta­tion vac­ci­nale à grande échelle inédite dans l’histoire de la méde­cine ».

    Mais, Mon­sieur le ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té aurait réci­di­vé en tenant de nou­velles affir­ma­tions inexactes et en usant d’un voca­bu­laire qui inter­roge. En s’adressant à des jeunes dont il aurait ten­té d’extirper le consen­te­ment, il semble per­sis­ter dans cette voie :

    « Il ne faut pas avoir peur de ça, je vous assure. Lisez les revues scien­ti­fiques, les choses comme ça. N’allez pas sur les blogs ou les trucs des rageux qui vous racontent n’importe quoi. Moi j’entends tout le temps le vac­cin : il est encore en déve­lop­pe­ment, il n’a pas fini sa phase expé­ri­men­tale. Par­don, c’est des… c’est vrai­ment n’importe quoiOn n’a jamais eu qua­si­ment autant de recul pour un vac­cin que celui-ci vu le nombre de vac­ci­na­tions qu’on a faites. »

    Inac­cep­table. Condam­nable. Fau­tif. Voire répréhensible.

    Ces nom­breuses « vac­ci­na­tions faites » pour­raient s’avérer être la consé­quence d’un consen­te­ment vicié des personnes.

    Si ces affir­ma­tions rela­tées par ces médias sont exactes, alors l’attitude du Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té ne peut que heur­ter plu­sieurs dis­po­si­tions de la loi (au sens large) qui encadrent notam­ment la com­mu­ni­ca­tion sur le rap­port bénéfice/risque d’un médi­ca­ment tel que le vaccin.

    Or, toute per­sonne a le droit à une infor­ma­tion claire, loyale et appro­priée. Cette infor­ma­tion condi­tionne la vali­di­té du consen­te­ment libre et éclai­ré. Ce consen­te­ment est une liber­té fon­da­men­tale. Heur­ter l’autonomie de la per­sonne revient à por­ter atteinte à la digni­té de la per­sonne humaine.

    Ne pas pou­voir accé­der à cette infor­ma­tion indé­pen­dante est la pre­mière des pau­vre­tés, des inéga­li­tés et des vulnérabilités.

    Les mala­dies ins­crites sur la liste des mala­dies à décla­ra­tion obli­ga­toire, elles, ne sont sou­mises à aucun « passe sani­taire ».

    Mais, ce « passe sani­taire » est impo­sé à la Covid-19 ; alors que cette mala­die, elle, n’est pas ins­crite sur ladite liste des mala­dies à décla­ra­tion obligatoire.

    Le droit a conduit à la sus­pen­sion de l’obligation de la vac­ci­na­tion (contre la grippe) ; alors que ce vac­cin béné­fi­cie, lui, d’une AMM standard.

    Mais, Mon­sieur le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té menace de rendre la vac­ci­na­tion (contre la Covid-19) obli­ga­toire pour notam­ment les « soi­gnants » ; alors que ces vac­cins, eux, ne béné­fi­cient que d’une AMM « condi­tion­nelle », tem­po­raire (dont la durée n’excède pas un an) ; et dont le rap­port bénéfice/risque est peu connu.

    De nom­breuses per­sonnes, dont des « soi­gnants », ont fait le choix de ne pas se vac­ci­ner contre la Covid-19. Publi­que­ment, elles sont deve­nues, sous vos yeux, la cible de com­por­te­ments inqua­li­fiables, poten­tiel­le­ment fau­tifs et répréhensibles.

    Ces per­sonnes ont choi­si la pru­dence eu égard aux incer­ti­tudes et des ques­tions en sus­pens. Ces per­sonnes ont peur de voir venir notam­ment des hos­pi­ta­li­sa­tions, des séquelles, des mal­for­ma­tions congé­ni­tales. Elles semblent per­ce­voir la mort au bout de la seringue rem­plie de ce vac­cin (contre la Covid-19). C’est si dif­fi­cile à comprendre ?

    Le res­sen­ti d’un patient, de toute per­sonne, compte. La prise de déci­sion dépend du rap­port aux risques de cette per­sonne. Cette déci­sion est le fruit d’une expé­rience de vie ; peut-être d’un par­cours accidenté.

    Nous savons qu’il est dif­fi­cile d’établir la cer­ti­tude du lien de cau­sa­li­té entre les effets indé­si­rables et tel ou tel médi­ca­ment pré­su­mé à l’origine de ces dom­mages cor­po­rels. Mais, ne pas pou­voir éta­blir cette preuve de façon cer­taine ne signi­fie pas, néces­sai­re­ment et sys­té­ma­ti­que­ment, que ce lien de cau­sa­li­té n’existe pas. Le juge civil a d’ailleurs assou­pli sa posi­tion sur ce point depuis plu­sieurs années.

    Les déci­deurs ne devraient pas pro­fi­ter de cette incer­ti­tude qui jaillit du régime pro­ba­toire pour « inci­ter »« encou­ra­ger »« contraindre » les per­sonnes à se vac­ci­ner ; pour extir­per leur consen­te­ment par notam­ment le dol ou la violence.

    En géné­ral, qu’il s’agisse du béné­fice ou du risque, le doute semble tou­jours pro­fi­ter aux pro­duits phar­ma­ceu­tiques et à leurs fabri­cants. Et après, cer­tains semblent éton­nés lorsque, quelques années plus tard, des drames sont constatés.

    Mais là, nous sommes face à une situa­tion inédite dans l’histoire de la méde­cine, celle d’une expé­ri­men­ta­tion vac­ci­nale à grande échelle. Il serait vain et illu­soire de vou­loir occul­ter une telle évidence.

    Dans le cadre de la ges­tion de cette Covid-19, ce n’est pas la pre­mière fois que Mon­sieur le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té tient des affir­ma­tions inexactes. Il y a lieu de rap­pe­ler, en effet et par exemple, une déci­sion qu’il aurait prise en se fon­dant sur un article publié dans une revue ; article qui a été ensuite reti­ré suite aux cri­tiques for­mu­lées par des per­sonnes qua­li­fiées et indépendantes.

    Mon­sieur le Ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té est éga­le­ment Doc­teur en méde­cine. À ce titre, il a aus­si des devoirs à res­pec­ter ; comme tout méde­cin ou autre pro­fes­sion­nel de santé.

    L’attitude de Mon­sieur le ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té est, pour le moins, incom­pré­hen­sible. Le CTIAP lui a sou­mis de nom­breux élé­ments utiles qui auraient pu l’aider dans ses déci­sions. Je lui ai adres­sé des alertes. Je lui ai pro­po­sé un face-à-face télé­vi­sé, en direct, afin d’offrir à nos conci­toyens un débat public, contra­dic­toire, utile et de qua­li­té. En vain.

    À ce jour, je n’ai reçu aucune réponse à mes propositions.

    Comme le disent sou­vent les juges, la contra­dic­tion des motifs équi­vaut à leur absence. Et l’ap­pré­cia­tion des faits relève tou­jours de la déci­sion sou­ve­raine des juges.

    Les mul­tiples contra­dic­tions de Mon­sieur le ministre des soli­da­ri­tés et de la san­té, ses nom­breuses affir­ma­tions inexactes seraient-elles la maté­ria­li­sa­tion d’une incom­pé­tence, ou l’expression d’une mau­vaise foi, ou le reflet d’un sen­ti­ment d’impunité nota

  • Une société en pleine décadence, par Michel Maf­fe­so­li (Pro­fes­seur émé­rite à la Sorbonne).

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    Michel Maf­fe­so­li , bien connu par le public d’AF, nous livre un texte direct et pano­ra­mique sur la déca­dence de notre socié­té que sus­citent nos élites. A force d’être obsé­dées par la morale et par une éti­quette de cour, ces élites se sont détour­nées de flux du vivant et entre­tiennent une vision arti­fi­cielle de la socié­té dont le seul des­tin est de disparaître.

    S’accorder au cycle même du monde, voi­là ce qui est la pro­fonde sagesse des socié­tés équi­li­brées. Tout comme, d’ailleurs, de tout un cha­cun. C’est cela même qui fonde le sens de la mesure. Le « bon sens » qui, selon Des­cartes, est la chose du monde la mieux par­ta­gée. Bon sens qui semble per­du de nos jours. Tout sim­ple­ment parce que l’opinion publiée est tota­le­ment décon­nec­tée de l’opinion publique.

    Mais pour un temps, sera-t-il long ? cette décon­nexion est quelque peu mas­quée. C’est la consé­quence d’une struc­ture anthro­po­lo­gique fort ancienne : la stra­té­gie de la peur.

    La stra­té­gie de la peur pour se main­te­nir au pouvoir

    D’antique mémoire, c’est en mena­çant des sup­plices éter­nels de l’enfer que le pou­voir clé­ri­cal s’est impo­sé tout au long du Moyen-Âge. Le pro­tes­tan­tisme a, par après, fait repo­ser « l’esprit du capi­ta­lisme » (Max Weber) sur la théo­lo­gie de la « pré­des­ti­na­tion ». Véri­fier le choix de dieu : être élu ou dam­né abou­tit à consa­crer la « valeur tra­vail ». L’économie du salut abou­tit ain­si à l’économie stric­to sen­su !

    Dans la déca­dence en cours des valeurs modernes, dont celle du tra­vail et d’une concep­tion sim­ple­ment quan­ti­ta­ti­viste de la vie, c’est en sur­jouant la peur de la mala­die que l’oligarchie média­ti­co-poli­tique entend se main­te­nir au pou­voir. La peur de la pan­dé­mie abou­tis­sant à une psy­cho-pan­dé­mie d’inquiétante allure.

    Comme ceux étant cen­sés gérer l’Enfer ou le Salut, la mise en place d’un « Haut com­mis­sa­riat au Bon­heur » n’a, de fait, pour seul but que l’asservissement du peuple. C’est cela la « vio­lence tota­li­taire » du pou­voir : la pro­tec­tion demande la sou­mis­sion ; la san­té de l’âme ou du corps n’étant dès lors qu’un simple prétexte.

    Le spectre eugé­niste, l’asepsie de la socié­té, le risque zéro sont des bons moyens pour empê­cher de ris­quer sa vie. C’est-à-dire tout sim­ple­ment de vivre ! Mais vivre, n’est-ce pas accep­ter la fini­tude ? Voi­là bien ce que ne veulent pas admettre ceux qui sont atteints par le « virus du bien ». Pour uti­li­ser une judi­cieuse méta­phore de Nietzsche, leur « mora­line » est dès lors on ne peut plus dan­ge­reuse pour la vie sociale, pour la vie tout court !

    La morale comme ins­tru­ment de domination

    Étant enten­du, mais cela on le savait de longue date, que la morale est de pure forme. C’est un ins­tru­ment de domi­na­tion. Quelques faits divers contem­po­rains, ani­mant le Lan­der­neau ger­ma­no­pra­tin montrent, à loi­sir que tout comme le disait le vieux Marx, à pro­pos de la bour­geoi­sie, l’oligarchie « n’a pas de morale, elle se sert de la morale ».

    Le mora­lisme fonc­tionne tou­jours selon une logique du « devoir-être », ce que doivent être le monde, la socié­té, l’individu et non selon ce que ces enti­tés sont en réa­li­té, dans leur vie quo­ti­dienne. C’est cela même qui fait que dans les « nuées » qui sont les leurs, les élites dépha­sées ne savent pas, ne veulent pas voir l’aspect arché­ty­pal de la fini­tude humaine. Fini­tude que les socié­tés équi­li­brées ont su gérer.

    C’est cela le « cycle du monde ». Mors et vita ! Le cycle même de la nature : si le grain ne meurt… Qu’est-ce à dire, sinon que la beau­té du monde naît, jus­te­ment, de l’humus ; du fumier sur lequel poussent les plus belles fleurs. Règle uni­ver­selle fai­sant de la souf­france et de la mort des gages d’avenir.

    En bref, les pen­sées et les actions de la vie vivante sont celles sachant inté­grer la fini­tude consub­stan­tielle à l’humaine nature. À la nature tout court, mais cela nous oblige à admettre qu’à l’opposé d’une his­toire « pro­gres­siste » dépas­sant, dia­lec­ti­que­ment, le mal, la dys­fonc­tion et pour­quoi pas la mort, il faut s’accommoder d’un des­tin autre­ment tra­gique, où l’aléa, l’aventure le risque occupent une place de choix.

    Pour une phi­lo­so­phie progressive

    Et au-delà du ratio­na­lisme pro­gres­siste, c’est bien de cette phi­lo­so­phie pro­gres­sive dont est pétrie la sagesse popu­laire. Sagesse que la stra­té­gie de la peur du micro­cosme ne cesse de s’employer à dénier. Et ce en met­tant en œuvre ce que Berg­son nom­mait « l’intelligence cor­rom­pue », c’est-à-dire pure­ment et sim­ple­ment rationaliste.

    Ain­si le funam­bu­lisme du micro­cosme s’emploie-t-il pour per­du­rer à créer une masse infi­nie de zom­bies. Des morts-vivants, per­dant, peu à peu, le goût doux et âcre à la fois de l’existence . Par la mas­ca­rade géné­ra­li­sée, le fait de se per­ce­voir comme un fan­tôme devient réel. Dès lors, c’est le réel qui, à son tour, devient fantomatique.

    Monde fan­to­ma­tique que l’on va s’employer à ana­ly­ser d’une manière non moins fan­to­ma­tique. Ain­si, à défaut de savoir « déchif­frer » le sens pro­fond d’une époque, la moder­ni­té, qui s’achève, et à défaut de com­prendre la post­mo­der­ni­té en ges­ta­tion, l’on com­pose des dis­cours on ne peut plus fri­voles. Fri­vo­li­tés far­cies de chiffres ano­dins  et abstraits

    Il est, à cet égard, frap­pant de voir fleu­rir une quan­to­phré­nie ayant l’indubitabilité de la Véri­té ! Carl Schmidt ou Karl Löwith ont, cha­cun à leur manière, rap­pe­lé que les concepts dont se servent les ana­lyses poli­tiques ne sont que des concepts théo­lo­giques sécularisés.

    La dog­ma­tique théo­lo­gique propre à la ges­tion de l’Enfer ou la dog­ma­tique pro­gres­siste théo­ri­sant la « valeur tra­vail » s’inversent en « scien­tisme » pré­ten­dant dire ce qu’est la véri­té d’une crise civi­li­sa­tion­nelle réduite en crise sani­taire. « Scien­tisme » car le culte de la science est omni­pré­sent dans les divers dis­cours propres à la bien-pensance.

    Cet étrange culte de la science

    Il est frap­pant d’observer que les mots ou expres­sions, science, scien­ti­fique, comi­té scien­ti­fique, faire confiance à la Science et autres de la même eau sont comme autant de sésames ouvrant au savoir uni­ver­sel. La Science est la for­mule magique par laquelle les pou­voirs bureau­cra­tiques et média­tiques sont garants de l’organisation posi­tive de l’ordre social. Il n’est jusqu’aux réseaux sociaux, Face­book, Twee­ter, Lin­ke­dIn, qui cen­surent les inter­nautes qui « ne res­pectent pas les règles scien­ti­fiques », c’est-à-dire qui ont une inter­pré­ta­tion dif­fé­rente de la réa­li­té. Doute et ori­gi­na­li­té qui sont les racines de tout « pro­grès » scientifique !

    Oubliant, comme l’avait bien mon­tré Gas­ton Bache­lard que les para­doxes d’aujourd’hui deviennent les para­digmes de demain, ce qui est le propre d’une science authen­tique alliant l’intuition et l’argumentation, le sen­sible et la rai­son, le micro­cosme se contente d’un « décor » scien­tiste propre à l’affairement désor­don­né qui est le sien.

    Démo­crates, peut-être, mais démo­philes, cer­tai­ne­ment pas

    Poli­tiques, jour­na­listes, experts péro­rant jusqu’à plus soif sont en effet, à leur « affaire » : ins­truire et diri­ger le peuple, fût-ce contre le peuple lui-même. Tant il est vrai que les démo­crates auto-pro­cla­més sont très peu démo­philes. Au nom de ce qu’ils nomment la Science, ils vont taxer de popu­listes, ras­su­ristes voire de com­plo­tistes tous ceux qui n’adhèrent pas à leurs lieux communs.

    On peut d’ailleurs leur retour­ner le com­pli­ment. Il suf­fit d’entendre, pour ceux qui en ont encore le cou­rage, leur lan­ci­nante logor­rhée, pour se deman­der si ce ne sont pas eux, les chas­seurs de fake news, qui sont les pro­ta­go­nistes essen­tiels d’une authen­tique « com­plo­sphère »[1]. Très pré­ci­sé­ment parce qu’ils se contentent de mettre le monde en spectacle.

    Pour reprendre le mot de Pla­ton, décri­vant la dégé­né­res­cence de la démo­cra­tie, la « Théâ­tro­cra­tie » est leur lot com­mun. Poli­tique spec­tacle des divers poli­ti­ciens, simu­lacre intel­lec­tuel des experts de paco­tille et innom­brables bana­li­tés des jour­na­listes ser­vant la soupe aux pre­miers, tels sont les élé­ments majeurs consti­tuant le tin­ta­marre propre à ce que l’on peut nom­mer la médio­cri­té de la médiacratie.

    Face à l’inquisition de l’infosphère

    J’ai qua­li­fié ce tin­ta­marre « d’infosphère ». Nou­velle inqui­si­tion, celle d’une élite dépha­sée regar­dant « de tra­vers » tout à la fois le peuple mal­séant et tous ceux n’adhérant pas au caté­chisme de la bien­pen­sance. « Regar­der de tra­vers », c’est consi­dé­rer ceux et ce que l’on regarde en coin comme étant par­ti­cu­liè­re­ment dan­ge­reux. Et, en effet, le peuple est dan­ge­reux. Ils ne sont pas moins dan­ge­reux tous ceux n’arrivant pas à prendre au sérieux la farce sani­taire mise en scène par les théâ­tro­crates au pouvoir.

    Il fau­drait la plume d’un Molière pour décrire, avec finesse, leurs arro­gantes tar­tuf­fe­ries. Leur pha­ri­sia­nisme visant à confor­ter la peur, peut aller jusqu’à sus­ci­ter la déla­tion, la dénon­cia­tion de ceux ne res­pec­tant pas la mise à dis­tance de l’autre, ou de ceux refu­sant de par­ti­ci­per au bal mas­qué domi­nant. Leur jésui­tisme peut éga­le­ment favo­ri­ser la conspi­ra­tion du silence vis-à-vis du mécréant. (celui qui met en doute La Science). Et par­fois même aller jusqu’à leur évic­tion pure et simple des réseaux sociaux.

    Dans tous ces cas, il s’agit bien de la revi­vis­cence inqui­si­to­riale. La mise à l’Index : Index libro­rum pro­hi­bi­to­rum. Déla­tion et inter­dic­tion selon l’habituelle manière de l’inquisition : au moyen de pro­cé­dures secrètes. L’entre-soi est l’élément déter­mi­nant de la tar­tuf­fe­rie média­ti­co-poli­tique. L’omerta mafieuse : loi du silence, faux témoi­gnages, infor­ma­tions tron­quées, demi-véri­tés, sour­noi­se­ries etc. Voi­là bien le modus ope­ran­di de la four­be­rie en cours. Et tout un cha­cun peut com­plé­ter la liste de ces parades théâtrales.

    Voi­là les carac­té­ris­tiques essen­tielles de « l’infosphère », véri­table com­plo­sphère domi­nante. Mafia, selon la défi­ni­tion que j’ai pro­po­sée des élites, ras­sem­blant « ceux qui ont le pou­voir de dire et de faire ». Puis-je ici rap­pe­ler,  à nou­veau,  une rude expres­sion de Joseph de Maistre pour décrire ceux qui sont abs­traits de la vie réelle : « la canaille mon­daine ».

    Peut-être fau­drait-il même dire « demi-mon­daine ». Ce qui désigne, selon Alexandre Dumas, une « cocotte » riche­ment entre­te­nue et se mani­fes­tant bruyam­ment dans la sphère média­tique, le théâtre et la vie publique ou poli­tique. Demi-monde on ne peut plus nébu­leux dont les prin­ci­pales actions sont de défor­mer la réa­li­té afin de la faire ren­trer en congruence avec leur propre dis­cours. Demi-mon­daines entre­te­nues par l’État ou les puis­sances finan­cières de la démo­cra­tie afin de faire per­du­rer un état de choses désuet et rétrograde.

    Mais cette défor­ma­tion de la réa­li­té a, peu à peu, conta­mi­né l’espace public.

    C’est cela le cœur bat­tant du com­plo­tisme de « l’infosphère » : entre­te­nir « mon­dai­ne­ment » la peur de l’enfer contem­po­rain. Anxié­té, res­tric­tion des liber­tés accep­tée, couar­dise, angoisse dif­fuse et tout à l’avenant au nom du « tout sani­taire ». Forme contem­po­raine du « tout à l’égout » !

    Une vraie psycho-pandémie

    Sans nier la réa­li­té et l’importance du virus stric­to sen­su, sans négli­ger le fait qu’il ait pu pro­vo­quer un nombre non négli­geable de décès, ce qui n’est pas de ma com­pé­tence, il faut noter que le « virus » s’est intro­duit de manière essen­tielle dans nos têtes. Ce qui devrait nous conduite à par­ler d’une « psy­cho-pan­dé­mie » sus­ci­tée et entre­te­nue par l’oligarchie médiatico-politique.

    Psy­cho-pan­dé­mie comme étant la consé­quence logique de ce que Hei­deg­ger nomme la « pen­sée cal­cu­lante » qui, obnu­bi­lée par le chiffre et le quan­ti­ta­tif et fas­ci­née par une  logique abs­traite du « devoir être », oublie la longue rumi­na­tion de la « pen­sée médi­tante » qui, elle, sait s’accorder, tant bien que mal à la néces­si­té de la finitude.

    Voi­là ce qui, pour l’immédiat sus­cite une sorte d’auto-anéantissement ou d’auto-aliénation condui­sant à ce que ce bel esprit qu’était La Boé­tie nom­mait la « ser­vi­tude volon­taire ». Ce qui est, sur la longue durée des his­toires humaines, un phé­no­mène récur­rent. Cause et effet de la stra­té­gie de la peur qui est l’instrument pri­vi­lé­gié de tout pou­voir, quel qu’il soit.

    Stra­té­g

  • Rod Dreher : « Si nous ne sommes pas prêts à souffrir, nous sommes perdus », par BENJAMIN BOIVIN pour le maga­zine : « L

    Rod Dre­her est par­mi les commen­ta­teurs chré­tiens de ten­dance conser­va­trice les plus connus en Occi­dent, du moins aux États-Unis. Il s’est sur­tout fait connaitre outre-mer avec son livre Le pari béné­dic­tin, qui pro­pose une réflexion sur l’avenir des chré­tiens en Occi­dent. Il a accep­té de répondre à nos ques­tions sur son der­nier ouvrage, Résis­ter au men­songe : vivre en chré­tiens dis­si­dents, paru chez Artège en avril dernier. 

    9.pngDepuis le début de la crise sani­taire les com­men­ta­teurs poli­tiques s’indignent dès que l’on parle de l’évolution de notre socié­té vers un sys­tème tota­li­taire, on nous rap­pelle inlas­sa­ble­ment que les lois sont votées au par­le­ment (crou­pion) et que le conseil consti­tu­tion­nel, tota­le­ment insoup­çon­nable d’une moindre allé­geance au pou­voir, valide les déci­sions, nous sommes donc en démo­cra­tie, fer­mez le ban. Rod Dre­her, d’outre Atlan­tique nous rap­pelle que le livre pro­phé­tique d’Aldous Hux­ley « le meilleur des mondes » nous explique que le par­fait tota­li­ta­risme est celui du condi­tion­ne­ment habile qui nous fait dési­rer nos fers. Dans ce docu­ment il n’est pas ques­tion de COVID, mais de cette notion à laquelle il fau­dra doré­na­vant nous habi­tuer : Le tota­li­ta­risme mou, qui s’applique ici à la révo­lu­tion socié­tale anti-chré­tienne et qui ins­tru­men­ta­lise l’être humain. (AF)

    L’un des traits dis­tinc­tifs de votre nou­veau livre est la place accor­dée aux témoi­gnages de chré­tiens dis­si­dents de l’ancien bloc sovié­tique. Pou­vez-vous com­men­cer par nous dire ce qui vous a ins­pi­ré l’écriture de ce livre ? S’agit-il en quelque sorte d’un pro­lon­ge­ment de votre « pari bénédictin » ? 

    Oui, c’est une conti­nua­tion du pari béné­dic­tin, même si je ne l’avais pas pré­vu ain­si. Le pari béné­dic­tin est un livre pour les chré­tiens qui vivent dans un monde où le chris­tia­nisme s’effondre. Un monde qui devient moins chré­tien. Il s’agit de savoir com­ment résis­ter à la déca­dence de l’Église. Résis­ter au men­songe est un livre sur la manière de résis­ter à l’hostilité venant de l’extérieur de l’Église, d’une socié­té qui nous per­sé­cute de plus en plus. C’est quelque chose qui pro­gresse à un rythme cho­quant, cer­tai­ne­ment aux États-Unis ; et je pense qu’au Cana­da, cela va encore plus vite et plus loin. 

    J’ai eu l’idée de ce livre, il y a envi­ron cinq ou six ans. Un jour, j’ai reçu un appel télé­pho­nique d’un méde­cin amé­ri­cain, un catho­lique, qui m’a dit : « Écou­tez, vous ne me connais­sez pas, mais je dois racon­ter cette his­toire à un jour­na­liste. Je pense que c’est important. » 

    Il m’a par­lé de sa mère, qui est assez âgée et qui vit avec lui et sa femme. Au début de sa vie, elle avait pas­sé plu­sieurs années dans un camp de pri­son­niers dans sa Tché­co­slo­va­quie natale, où elle était accu­sée d’être une espionne du Vati­can. Pour­quoi ? Parce qu’elle conti­nuait d’aller aux réunions de prière de sa paroisse catho­lique. Les com­mu­nistes l’ont donc mise en pri­son. Après sa sor­tie, elle a émi­gré en Amé­rique, a ren­con­tré son père et a pas­sé le reste de sa vie aux États-Unis. Mais ici, vers la fin de sa vie, la vieille femme a dit : « Mon fils, les choses que je vois se pas­ser en Amé­rique aujourd’hui me rap­pellent ce qui se pas­sait quand le com­mu­nisme est arri­vé dans mon pays ». 

    Quand le doc­teur m’a dit cela, j’ai pen­sé : « Ma mère est vieille, elle regarde beau­coup les infor­ma­tions à la télé­vi­sion, elle est très alar­mée par les choses qu’elle y voit. Peut-être que c’est ce qui se passe avec cette vieille femme. » Mais je me suis pro­mis que chaque fois que je ren­con­tre­rais quelqu’un du bloc sovié­tique, je lui deman­de­rais : « Alors, est-ce que les choses que vous voyez aujourd’hui vous rap­pellent ce que vous avez lais­sé der­rière vous ? » Cha­cun d’entre eux répon­dait : « Oui. » Si vous par­lez avec eux assez long­temps, vous décou­vri­rez qu’ils sont très en colère parce qu’aucun Amé­ri­cain ne les prend au sérieux, parce que nous, en Amé­rique du Nord, pen­sons que cela ne peut pas arri­ver ici. 

    Mais ces gens savent ce qu’ils voient et ils ont aus­si du mal à l’accepter, car cela ne res­semble pas exac­te­ment à ce qu’ils ont lais­sé der­rière eux. Dans la plu­part des cas, ils ont lais­sé der­rière eux des États poli­ciers, où les gens allaient en pri­son pour leurs convic­tions, où la police secrète les espion­nait en per­ma­nence, où l’on ne pou­vait faire confiance à per­sonne, etc. Ce n’est pas ce qui se passe ici. Du moins, pas encore. 

    Mais ce qu’ils constatent, c’est que les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent vrai­ment par crainte non pas d’aller en pri­son, mais par crainte de perdre leur emploi, de voir leur répu­ta­tion pro­fes­sion­nelle rui­née, de perdre des membres de leur famille et des amis. Ils voient cer­tains livres être trai­tés comme s’ils étaient toxiques, être effec­ti­ve­ment inter­dits, même si aucune loi n’a été adop­tée pour inter­dire des livres. Et ils voient des gens être sépa­rés sur la base de leur race, de leur iden­ti­té sexuelle, etc. 

    Cela leur rap­pelle ce qui se pas­sait dans le vieux pays : si le gou­ver­ne­ment qua­li­fiait quelqu’un de « bour­geois » ou d’un autre nom indi­quant qu’il était oppo­sé à la révo­lu­tion, alors vous ne deviez rien dire d’autre à son sujet, il était consi­dé­ré comme un enne­mi du peuple. On voit ce qui se passe aujourd’hui quand on traite les gens de racistes, d’homophobes ou de trans­phobes. C’est la même chose. Et c’est pour­quoi j’ai appe­lé ça du tota­li­ta­risme mou. Il n’est pas dur au sens de la per­sé­cu­tion, comme c’était le cas dans le bloc sovié­tique, mais c’est tout de même un tota­li­ta­risme parce qu’il insiste sur le fait qu’il n’y a qu’une seule façon de com­prendre le monde, et que les gens doivent être punis s’ils ne la par­tagent pas. 

    Vous par­lez sou­vent de tota­li­ta­risme mou. Com­ment le défi­nis­sez-vous ? Dans quelle mesure se dis­tingue-t-il du tota­li­ta­risme au sens clas­sique, notam­ment par rap­port à l’expérience sovié­tique ? Parle-t-on de tota­li­ta­risme au sens fort ou plu­tôt au sens analogique ?

    Je pense qu’il est plus proche de la réa­li­té, mais il y a plu­sieurs rai­sons pour les­quelles je le qua­li­fie de mou. 

    Tout d’abord, il n’y a pas de gou­lags, il n’y a pas de police secrète, donc on ne peut pas vrai­ment dire que ce soit proche du tota­li­ta­risme dur du bloc sovié­tique. Néan­moins, les gens ont tou­jours peur pour leur emploi, ils ont tou­jours peur de dire ce qu’ils pensent. Toutes ces carac­té­ris­tiques qui étaient pré­sentes dans la socié­té sovié­tique sont de plus en plus pré­sentes dans nos démo­cra­ties libérales. 

    Si vous regar­dez la défi­ni­tion du tota­li­ta­risme, il n’est pas stric­te­ment néces­saire qu’il y ait un gou­ver­ne­ment auto­ri­taire der­rière. Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’une socié­té dans laquelle une seule idéo­lo­gie est auto­ri­sée, et où chaque aspect de la vie est idéo­lo­gique. C’est pour­quoi nous pou­vons l’avoir dans une démo­cra­tie libérale. 

    Le gou­ver­ne­ment des États-Unis — et le gou­ver­ne­ment du Cana­da, pour autant que je sache — ne vous pour­sui­vra pas pour avoir cru ou dit des choses cho­quantes, mais vous pou­vez quand même payer un lourd tri­but, parce que les grandes entre­prises vous pour­sui­vront, les uni­ver­si­tés vous pour­sui­vront, la foule de Twit­ter vous atta­que­ra, votre Église pour­rait vous atta­quer, etc. Vous n’avez pas besoin d’aller en pri­son pour perdre beau­coup en offen­sant l’idéologie domi­nante, que nous appe­lons « woke ».

    Un deuxième aspect de la mol­lesse est le fait que tout est fait au nom de la com­pas­sion. Nous n’avons pas le droit de dire quoi que ce soit qui puisse être consi­dé­ré comme une cri­tique des per­sonnes trans, par exemple, car si nous le fai­sons, nous pour­rions les pous­ser au sui­cide. C’est ce qu’on nous dit. Nous n’avons pas le droit de cri­ti­quer Black Lives Mat­ter parce que nous devons être com­pa­tis­sants envers les Afro-Amé­ri­cains qui ont souf­fert de discrimination. 

    Il défi­nit la com­pas­sion comme le fait d’être d’accord sans dévia­tion avec un pro­gramme idéo­lo­gique par­ti­cu­lier. Par consé­quent, les per­sonnes qui n’affirment pas l’idéologie du genre, par exemple, ne peuvent pas faire preuve de com­pas­sion, quelle que soit leur dou­ceur envers les per­sonnes trans. C’est une forme de contrôle poli­tique. Lorsque vous voyez à quel point les gens sont ter­ri­fiés au sein des uni­ver­si­tés, des entre­prises, de tant d’institutions de notre socié­té, que vous voyez à quel point ils sont ter­ri­fiés à l’idée de s’opposer à ce pro­gramme idéo­lo­gique, cela vous indique qu’il se passe quelque chose de totalitaire. 

    Il est beau­coup plus dif­fi­cile de résis­ter à ce type de tota­li­ta­risme, car si vous l’acceptez, vous vous sen­tez bien. 

    Notre idée du tota­li­ta­risme est for­te­ment ins­pi­rée de celle de 1984 de George Orwell. Ce à quoi nous avons affaire main­te­nant, ce tota­li­ta­risme mou, res­semble beau­coup plus au Meilleur des mondes d’Aldous Hux­ley. Dans Orwell, l’État oblige les gens à se confor­mer en leur fai­sant craindre de souf­frir. Dans la dys­to­pie d’Huxley, l’État oblige les gens à se confor­mer en contrô­lant leurs plai­sirs. Il leur donne des diver­tis­se­ments constants, des drogues constantes, du sexe. Tout ce que vous vou­lez pour vous rendre heu­reux, l’État vous le donnera. 

    Mus­ta­pha Menier, une figure majeure du roman, appelle cela le chris­tia­nisme sans larmes. C’est beau­coup plus ce à quoi nous sommes confron­tés aujourd’hui, l’idée que la pire chose à laquelle nous pou­vons faire face est l’anxiété, que la souf­france est la pire chose au monde. Tout ce qui sou­lage la souf­france est donc jus­ti­fié. Il est beau­coup plus dif­fi­cile de résis­ter à ce type de tota­li­ta­risme, car si vous l’acceptez, vous vous sen­tez bien. 

    Dans votre livre, vous expri­mez un cer­tain nombre d’inquiétudes à l’égard des grandes entre­prises. Est-elle au pro­gres­sisme contem­po­rain ce que l’État était aux tota­li­ta­rismes du pas­sé, notam­ment sovié­tique ? Com­ment cela fonctionne-t-il ?

    En par­tie, oui. Ce qui rend le tota­li­ta­risme mou si inté­res­sant pour moi en tant que phé­no­mène par rap­port au tota­li­ta­risme pas­sé, c’est que, pour l’instant du moins, il n’implique pas vrai­ment l’État. Il implique plu­tôt la plu­part des ins­ti­tu­tions de la socié­té civile. 

    Nous avons vu cette idéo­lo­gie tra­ver­ser les ins­ti­tu­tions de la socié­té civile en Amé­rique du Nord, les uni­ver­si­tés, les médias, le droit, la méde­cine et ain­si de suite, mais la plus grande chose qu’elle a conquise, ce sont les grandes entre­prises, parce que les entre­prises sont si puis­santes dans notre culture consu­mé­riste que si elles décident de pro­mou­voir une idéo­lo­gie, elles dis­posent d’immenses res­sources pour le faire. 

    Dans le tota­li­ta­risme mou, les entre­prises jouent le rôle joué par l’État dans le tota­li­ta­risme dur.

    Pen­dant la majeure par­tie de ma vie, le monde des affaires s’est tenu à l’écart de tout ce qui était contro­ver­sé parce qu’il sup­po­sait que c’était mau­vais pour les affaires. Mais vers 2010, les entre­prises ont com­men­cé à deve­nir vrai­ment progressistes. 

    En 2015, juste avant la déci­sion Ober­ge­fell — la déci­sion de la Cour suprême des États-Unis léga­li­sant le mariage homo­sexuel — l’État de l’Indiana a adop­té une loi qui aurait don­né aux per­sonnes reli­gieuses une cer­taine pro­tec­tion s’ils étaient pour­sui­vis pour dis­cri­mi­na­tion. Cela n’aurait pas garan­ti qu’ils gagnent, mais cela leur aurait don­né un argu­ment pour défendre leur liber­té reli­gieuse. Les grandes entre­prises ont atta­qué mas­si­ve­ment l’État de l’Indiana. Une coa­li­tion de socié­tés comme AppleSales­force — de grandes socié­tés — a dit à l’État de l’Indiana : « Si vous n’abrogez pas cette loi, vous serez sévè­re­ment sanc­tion­nés ». L’État a abro­gé la loi et aucun autre État n’a essayé d’adopter ce type de loi depuis lors, même si la loi de l’État était cal­quée sur une loi fédé­rale amé­ri­caine exis­tante qui avait été adop­tée en 1993. 

    Ce fut le Water­loo du conser­va­tisme social en Amé­rique, car pour la pre­mière fois, les entre­prises se sont oppo­sées de manière très dure à cet acte d’une légis­la­ture démo­cra­ti­que­ment élue, l’obligeant à se rétrac­ter pour des rai­sons socia­le­ment pro­gres­sistes. Depuis lors, le monde des affaires est deve­nu encore plus « woke », non seule­ment en ce qui concerne les per­sonnes LGBTQ+ mais aus­si, bien sûr, en ce qui concerne l’identité raciale. En ce sens, dans le tota­li­ta­risme mou, les entre­prises jouent le rôle joué par l’État dans le tota­li­ta­risme dur.

    Dans la pre­mière par­tie de votre livre, vous vou­lez infor­mer vos lec­teurs des dan­gers d’un tota­li­ta­risme mou. Dans la seconde par­tie, vous cher­chez à les y pré­pa­rer. Quels sont les prin­cipes à suivre pour se défendre contre la menace d’un tota­li­ta­risme mou tel que décrit dans votre livre ? 

    Comme vous le dites, la deuxième moi­tié du livre porte sur ce sujet. Il s’agit d’histoires racon­tées par des dis­si­dents catho­liques, pro­tes­tants et ortho­doxes qui l’ont vécu et qui ont des conseils à nous don­ner. La chose la plus impor­tante que nous puis­sions faire est de com­prendre que nous devons défendre la véri­té, quoi qu’il nous en coute. Si nous ne croyons pas que la véri­té est la chose la plus impor­tante, alors nous nous per­sua­de­rons de n’importe quoi, nous accep­te­rons de capi­tu­ler devant n’importe quoi. 

    Le titre du livre Résis­ter au men­songe pro­vient d’un essai que Sol­je­nit­syne a écrit à ses par­ti­sans en Rus­sie en 1974, juste avant que les Sovié­tiques ne l’expulsent. Il leur disait : « Écou­tez, nous n’avons pas le pou­voir de faire quoi que ce soit contre ce gou­ver­ne­ment tota­li­taire, mais la seule chose que nous pou­vons faire est de refu­ser de dire des choses aux­quelles nous ne croyons pas ». Et il leur a don­né

  • L’Egypte ou l’islamisme vaincu, par Antoine de Lacoste

    L’Égypte, le pays qui a vaincu l’islamisme

    Le voyageur qui désire aller en Egypte s’y rend le plus souvent pour admirer les somptueux vestiges de l’ère des pharaons. Il n’est généralement pas déçu. Beaucoup de ces monuments ont été parfaitement conservés. De plus, d’admirables fresques aux couleurs intactes ornent des tombes ou d’autres monuments à la gloire des pharaons et des multiples dieux de l’Egypte.

    Mais si ce même voyageur compare ce patrimoine avec celui des civilisations grecques et romaines, il ne pourra s’empêcher d’établir une comparaison fatale : le monde des pharaons n'a rien engendré. Il s’est autodétruit et a manqué au premier devoir de toute civilisation et, au-delà, de tout être humain, la transmission. Le catholique français d’aujourd’hui sait ce qu’il doit au monde gréco-romain mais il n’a rien reçu de l’antique civilisation égyptienne. Un trait révèle bien l’état d’esprit de cette longue période, c’était le souci de bâtir en ne changeant rien aux principes architecturaux de la période précédente, pour ne pas insulter ses aînés. C’est très touchant mais les progrès ne sont alors guère rapides et il est heureux que nos bâtisseurs de cathédrales n’aient pas raisonné ainsi.

    L’Egypte pour nous, commence donc avec Jules César qui s’éprit de Cléopâtre, la dernière reine d’Egypte. Tout un symbole. Ce pays qui fut si puissant mettra vingt siècles à recouvrer son indépendance.

    Cette mise sous tutelle et l’expansion du christianisme qui l’accompagna, permit à l’évangéliste Saint Marc de prêcher et de convertir cette région qui persécuta tant Moïse et son peuple, mais accueillit la Sainte Famille dans sa fuite. Premier évêque d’Alexandrie, Saint Marc y mourut martyr. Ses reliques, dont Alexandrie était si fier, furent volées au IXe siècle par des marchands vénitiens. La basilique Saint Marc de Venise devint ainsi un important lieu de pèlerinage au grand dam des chrétiens égyptiens.

    L’élan anachorète

    Les nombreuses conversions engendrèrent un extraordinaire mouvement de piété qui se traduisit par l’installation dans le désert (il n’en manque pas en Egypte) de milliers d’ermites, qu’on appelle en Orient les anachorètes. Anatole France, assez peu catholique pourtant, eut cette très belle formule dans son roman Thaïs consacré à la conversation au christianisme de cette ancienne courtisane : « En ce temps-là, le désert était peuplé d’anachorètes Â». Si le livre a bien vieilli, il commence tout de même par un des plus beaux incipit de la littérature française.

    Au IVe siècle, deux figures laissèrent une place fondamentale dans cette histoire de l’anachorétisme qui a tant marqué les premiers siècles de l’Eglise : Saint Paul et Saint Antoine. Malgré leur isolement, leur renommée était grande. Un tableau célèbre, quoiqu’anonyme, les représente partageant le pain peu avant la mort de Saint Paul. Un corbeau, qui venait tous les jours apporter du pain à Saint Paul avait ce jour-là doublé la ration à l’occasion de la visite, unique, de Saint Antoine. Saint Paul y est représenté avec un beau vêtement ce qui n’est pas commun pour un anachorète. C’est tout simplement celui de Saint Athanase, autre grande figure du christianisme égyptien du IVe siècle.

    Saint Athanase, Docteur et Père de l’Eglise, fut un adversaire courageux et résolu contre l’hérésie arienne. Bien oubliée aujourd’hui, cette hérésie faillit submerger le monde chrétien. On peut en lire un bon résumé dans l’excellent livre, enfin traduit, de l’Anglais Hilaire Belloc, Les grandes hérésies. Bien seul en Orient pour la combattre (à l’instar de Saint Hilaire en occident), exilé à cinq reprises, il finit par retrouver son siège d’évêque d’Alexandrie et triompher de l’hérésie.

    Saint Cyrille d’Alexandrie fut un de ses glorieux successeurs au Ve siècle. Lui aussi est Père et Docteur de l’Eglise. Nous sommes alors à l’apogée du christianisme égyptien qui connut ensuite l’irruption de l’islam.

    La conquête musulmane

    Mahomet mourut en 632. L’armée arabe s’ébranla ensuite depuis les sables de l’Arabie pour conquérir le monde et imposer l’islam par les armes. L’Egypte fut une de ses premières conquêtes. Les Egyptiens se défendirent peu. Ils ne connaissaient pas l’islam et détestaient l’empire byzantin dont ils dépendaient. Les violentes querelles religieuses, issues du concile de Chalcédoine, avaient engendré de dures mesures contre les anti-chalcédoniens, nombreux en Egypte. La pression fiscale et l’arrogance des fonctionnaires byzantins ne firent qu’envenimer les choses.

    En sept ans (639-646), les musulmans se rendirent maîtres de l’Egypte (signalons l’excellent livre de Louis Chagnon, La conquête musulmane de l’Egypte).

    Ce sont ces Arabes égyptiens qui, quatre-cents ans plus tard firent raser le Saint Sépulcre car ils dominaient également toute la Terre Sainte. Un sultan à moitié fou, Hakim Ier, donna cet ordre en 1009. Cet acte fut à l’origine de l’appel à la croisade du pape Urbain II en 1095.

    Au XIIIe siècle, de nouveaux venus supplantèrent les arabes d’Egypte et s’installèrent au pouvoir. Il s’agit des Mamelouks, ces anciens enfants, souvent chrétiens, enlevés en Circassie dans le Caucase ou en Asie centrale. Eduqués ensuite dans l’islam ils devinrent, tout comme les janissaires de l’Empire ottoman, des soldats accomplis au service de l’Egypte. Ils devinrent si puissants qu’ils finirent par prendre le pouvoir et régnèrent pendant plus de trois siècles. Battus par les Ottomans à la bataille de Marj Dabiqen 1516, près d’Alep en Syrie, ils perdirent non seulement la Terre sainte mais également le pouvoir en Egypte. Les Ottomans poussèrent leur avantage et s’emparèrent du Caire. Mais ensuite, ils maintinrent les Mamelouks aux postes clés. L’Egypte était théoriquement ottomane mais pratiquement toujours mamelouk. Il fallut l’expédition de Bonaparte en Egypte pour les vaincre à la fameuse bataille des Pyramides et les chasser du pouvoir.

    L’occupation française ne se passa pas très bien. Bonaparte rentra rapidement en France et confia l’armée à Kléber. Ce dernier fut assassiné et les Français quittèrent l’Egypte un peu honteusement, rapatriant une armée à bout de souffle. L’Histoire en a fait une immense épopée mais, hormis ses aspects scientifiques, le bilan de l’expédition d’Egypte n’est guère glorieux.

    Mehemt Ali fondateur de l’Egypte moderne

    Une période anarchique s’ensuivit et un homme réussit à tirer les marrons du feu à son profit. Il s’appelait Mehmet Ali. D’origine albanaise, il était au service de l’Empire ottoman qui l’envoya reprendre le contrôle de l’Egypte. Cet homme brillant joua habilement sa propre partition, sans tout à fait tourner le dos à l’Empire.

    Il mit fin au désordre et fit impitoyablement assassiner les dirigeants mamelouks qui tentaient de reconquérir le pouvoir. Officiellement vassal de l’Empire ottoman, il mena, avec le titre de vice-roi, une politique indépendante. Il assista toutefois l’Empire dans deux expéditions extérieures, en Arabie, pour réprimer la révolte des wahhabites, et en Grèce lors de la guerre d’indépendance. Il y perdit sa flotte, détruite à la bataille navale de Navarin en 1823.

    Malgré cet échec, Mehmet Ali obtint des Ottomans la faveur de voir ses fils lui succéder puis leurs propres descendants, une dynastie était née.

    La France construit le Canal de Suez

    Le nouveau souverain fut le grand modernisateur de l’Egypte. Il développa l’agriculture, le transport et commença même à envisager la construction du Canal de Suez. Il mourut en 1849 et ses descendants mirent son projet à exécution. Les Français furent à pied d’œuvre au grand dam des Anglais qui firent tout pour contrarier le projet. L’ingénieur Ferdinand de Lesseps, cousin de l’Impératrice Eugénie (épouse de Napoléon III) réalisa le canal avec brio. Son inauguration solennelle eut lieu en 1869, un an avant la chute de l’Empire. Eugénie, maîtresse des lieux, y invita les souverains européens qui vinrent en nombre. Le compositeur italien Verdi composa pour l’occasion son opéra Aïda. Ce fut une réussite éclatante pour la France malgré les multiples difficultés financières liées à l’exploitation du canal.

    Les Anglais s’implantent

    Mais l’euphorie ne dura guère. En 1882, une révolte nationaliste éclata et des Européens furent massacrés à Alexandrie. Les Anglais saisirent l’occasion pour débarquer, expédition à laquelle les Français refusèrent de participer ce qui était une faute stratégique. La voie était libre pour l’empire britannique. Formellement l’Egypte était toujours vassale des Ottomans mais dans les faits c’est bien la Grande-Bretagne qui dirige l’Egypte. Elle saisit bien sûr l’occasion pour prendre le contrôle du canal et évincer les Français.

    Durant les décennies qui suivirent, les Anglais tentèrent de transformer l’Egypte en une colonie britannique, sans y parvenir. Le nationalisme arabe était très présent dans le peuple égyptien et, à l’issue de la première guerre mondiale, les Egyptiens parvinrent à imposer leurs vues après les émeutes de 1919. Les Anglais se résignèrent à accorder l’indépendance tout en gardant le contrôle du canal.

    Enfin l’indépendance

    L’Egypte se transforma alors en monarchie et Fouad en fut le premier roi en 1922.Il était l’arrière-petit-fils de Mehmet Ali, le fondateur de la dynastie. La même année, comme un symbole, le trésor de Toutankhamon fut découvert dans la vallée des Rois. Ce souverain ne fut pas le plus glorieux, loin s’en faut, et le trésor déposé dans sa tombe, pourtant fabuleux, n’est sans doute qu’une pâle figure par rapport à ceux des grands souverains de l’antiquité égyptienne. Mais tout cela fut pillé dès l’origine et l’on peut lire à ce sujet l’étonnant roman de Mika Waltari, Sinouhé l’Egyptien.

    C’est un hasard qui a permis que cette tombe ne soit pas pillée et les projecteurs du monde entier se braquèrent sur l’Egypte, remplie de fierté.   

    Mais les démons islamistes commençaient à agiter le pays. Hassan el-Banna créa en 1928 la confrérie des Frères musulmans. Sous prétexte d’un retour à la prétendue pureté de l’islam originel, il développa une doctrine très agressive et très politique visant à la victoire universelle de l’islam par la force : « L’islam est dogme et culte, patrie et nationalité, religion et Etat, spiritualité et action, Coran et sabre. » Cette phrase emblématique des Frères devrait davantage interpeller nos gouvernants quand on sait que de nombreux musulmans installés en France sont adepte de cette doctrine.

    Dans ce contexte, le rôle joué par l’université al-Azhar est important et mérite d’être signalé. Créée au Xe siècle, elle est un des plus anciens lieux d’enseignement de l’islam au monde. Elle jouit d’un immense prestige dans le monde musulman et est régulièrement travaillée par des courants islamistes, notamment celui des Frères. Un excellent film égyptien récent consacré à ce sujet mérite d’être vu ,Conspiration au Caire.

    Le coup d’Etat des officiers et la nationalisation du canal

    Le roi Fouad mourut en 1936. Son fils Farouk lui succéda et c’est au cours de son règne que l’Egypte vit son destin basculer. Lassée de cette monarchie molle et peu ambitieuse, mais surtout désireuse de jouer un rôle politique, l’armée prend le pouvoir. Un groupe d’« officiers libres » organisa un coup d’Etat qui emporta un succès facile. Un nationaliste convaincu, le colonel Gamal Abdel Nasser s’imposa rapidement et après une période d’intérim, se fit élire président de la nouvelle république égyptienne.

    En 1956, il décida de nationaliser le canal de Suez. Ce coup d’éclat lui valut un prestige immense dans le monde arabe. La France et l’Angleterre, qui se croyaient encore les maîtres du monde, organisèrent une expédition militaire, aidés par Israël, ravi de l’aubaine lui permettant d’attaquer l’Egypte et de conquérir la bande de Gaza.

    L’armée égyptienne fut facilement vaincue mais les Américains et les Soviétiques intervinrent de concert pour intimer l’ordre aux Européens de rentrer chez eux, leur rappelant ainsi qui étaient maintenant les maîtres du monde.

    L’Egypte récupéra son canal ainsi que la bande de Gaza. Pas pour longtemps puisqu’en 1967, devançant une probable attaque égyptienne, Israël attaqua l’Egypte et la Syrie par surprise. En six jours, d’où le nom de Guerre des Six-Jours qui lui est maintenant attribuée, les armées arabes furent vaincues. Israël récupéra la bande de Gaza et occupa le désert du Sinaï. L’humiliation fut grande pour l’Egypte qui se consola avec un grand projet de construction de barrage, le fameux barrage d’Assouan, destiné à réguler les eaux du Nil.

    Curieusement, les Américains refusèrent d’aider l’Egypte à le construire. L’URSS fut ravie de l’aubaine et organisa sa construction qui s’acheva en 1970. Mais Nasser mourut prématurément cette même année d’une crise cardiaque. Il ne vit pas son œuvre s’achever et le monde arabe pleura son dirigeant le plus populaire.

    Ce fut, bien évidemment, un officier qui lui succéda, Anouar el-Sadate. Il inaugura le barrage d’Assouan avec Nikita Khroutchev, alors dirigeant de l’Union soviétique et commença à préparer une prochaine guerre contre Israël. Elle fut déclenchée en 1973 avec l’allié Syrien. Cette fois, la surprise fut complète pour Israël qui frôla la catastrophe. L’Etat hébreu finit par inverser la tendance mais l’alerte fut chaude. Malgré cette nouvelle défaite, la satisfaction finit par l’emporter dans le monde arabe, car l’ennemi israélien avait failli être vaincu.

    La réflexion de Sadate fut différente. Il acquit après cette défaite la certitude qu’Israël ne serait pas vaincu par les armes mais que des négociations devenaient possibles en raison du changement d’attitude de l’Amérique, alarmée par les difficultés militaires des Israéliens au cours de cette guerre. Il renvoya les conseillers soviétiques et se rendit en Israël au grand dam du monde arabe.

    Sadate signe Camp David et se fait assassiner

    De longues discussions eurent lieu et aboutirent en 1979 aux célèbres accords de Camp David. Signés laborieusement sous l’égide de Jimmy Carter par Sadate et Menahem Begin, le premier ministre israélien, ils permirent à l’Egypte de récupérer le Sinaï et elle dû reconnaître Israël qui n’avait pas fait un pas à propos de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de la reconnaissance d’un futur Etat palestinien.

    Les pays arabes condamnèrent ces accords qui n’arrangeaient que l’Egypte. Une partie du gouvernement égyptien démissionna et les islamistes firent de Sadate une cible. Il fut en effet assassiné en 1981 par des soldats lors d’une parade militaire au cours de laquelle le patriarche de l’Eglise copte mourut également. Les Frères musulmans étaient derrière cet attentat.

    Un autre militaire, Hosni Moubarak, succéda à l’infortuné Sadate. Pendant trente ans il dirigea le pays médiocrement, tombant dans une corruption scandaleuse. Les Frères travaillaient dans l’ombre et les printemps arabes de 2011 (si mal nommés), leur permirent de déstabiliser le pouvoir.

    Les Frères musulmans au pouvoir

    D’immenses rassemblements islamistes ou tout simplement de protestation contre Moubarak, se déroulèrent au Caire sur la célèbre Place Tahrir. « Rendez-vous Place Tahrir » fut le mot d’ordre suivi par des foules compactes dont une partie resta camper plusieurs semaines. Personne ne croyait au succès de ces manifestants encore dépourvus de stratégie claire. En réalité, comme toujours en Egypte depuis Nasser, la situation dépendait de l’attitude de l’armée. Or Moubarak avait commis une erreur fatale à la fin de son règne. Il crut que son aura était plus grande que le pouvoir de l’armée et décida qu’après lui, ce serait son fils et non un autre officier qui lui succéderait. L’armée, dont on ignore trop souvent qu’elle est devenue un acteur économique majeur de l’Egypte, ne pouvait accepter de perdre ce rôle si lucratif.

    Elle lâcha son président, les manifestations devinrent insurrectionnelles et Moubarak dut se résigner à abdiquer. La voie était libre pour les Frères qui remportèrent les élections en 2012, recueillant les fruits de leur investissement social dans tout le pays. Mohamed Morsi, un des leurs, devint président. L’expérience dura un an et se révéla calamiteuse. Uniquement préoccupés de l’islamisation du pays, les Frères ne gérèrent rien. L’économie sâ€

  • ”Un peuple en train d'être effacé, le nôtre”...

    dominique daguet-revolte.jpgLe "commentaire" envoyé dimanche par Jean-Louis Faure sur l'article de Dominique Daguet, dans France catholique, a, très certainement, été lu, comme tous les commentaires, par la plupart de nos lecteurs.

    Il nous semble cependant que la gravité du sujet mérite une place autre que celle d'un "simple" commentaire - aussi passionnant et enrichissant soit-il - et qu'il faut donc qu'il "passe" comme un article, et notamment pour que, relayé de cette façon sur notre page Facebook, il touche ainsi trois, voire quatre fois plus de personnes, par le biais du "partage de lien" : c'est ainsi qu'il est bon que notre quotidien marche de conserve avec notre page Facebook, l'un nourrissant l'autre, et réciproquement, et chacun s'aidant mutuellement...

    Voici donc, et transféré sur notre Page Facebook Lafauteraousseau Royaliste, le "commentaire" de Jean-Louis Faure, posté ce dimanche 1er septembre sur notre quotidien, et, à sa suite, l'article de Daguet (on aura intérêt à lire, parallèllement, notre Document/PDF sur une partie des travaux de Jacques Dupâquier, Mythes immigrationnistes ):  

    Un peuple en train d’être effacé.

    Voici un texte de Dominique Daguet recueilli dans l’hebdomadaire France Catholique. Ce qu’il décrit complète le papier de Champsaur dans LFAR. Ce que Renaud Camus appelle le grand remplacement se déroule désormais sous nos yeux sans que les démographes aient les outils statistiques pour mesurer l’évènement.
    Car on les leur a retirés.
    Une poignée de gauchistes hérités de mai 68 se sont arrogé le droit de décider ce que les chercheurs en démographie étaient autorisés à dire. Or la tragédie que nous vivons mérite qu’au minimum, chacun soit objectivement éclairé comme nous devons l’être au pays de Voltaire. Les contorsions telles que les décrit Daguet, obligeant à passer par des déductions acrobatiques pour avoir une photographie juste de la situation, ne sont plus acceptables.
    Il devient impératif que l’on mette tous nos élus devant leur responsabilité, rangeant au rayon des coquetteries intellectuelles, un humanisme de café du commerce qui interdirait de répertorier des critères ethniques. Cette omerta institutionnalisée n’est plus acceptable.

    Un peuple en train d’être effacé, le nôtre ! par Dominique Daguet, vendredi 9 août 2013. 

     

    KONK 7.pngIl y a longtemps que l’avenir de notre peuple m’inquiète ou plutôt m’angoisse. Je suis un Français de France et ma patrie me colle aux pieds, au cœur, à l’âme. J’ai vibré en mon enfance aux récits des temps anciens, qu’ils soient médiévaux ou plus récents : saint Louis et Jeanne d’Arc, Bayard et d’Artagnan, tant d’autres et notamment ceux partis de l’autre côté du ruisseau Atlantique qui découvrirent le Saint Laurent, le Missouri et le Mississipi… Nostalgie ? Non, héritage perdu, remplacé par le néant (illustration de Konk, ndlr).

    Aujourd’hui, se dire que son peuple est en voie d’extinction au profit d’une nuée de nouveaux venus qui entendent bien nous jeter à la mer ! Oui, excès stupide, j’en conviens en même temps que l’angoisse n’est en rien dissipée.

    Depuis les années 70 j’ai ressenti le flot des arrivants débarqués de tous les coins du monde comme une invasion incontrôlée, peut-être incontrôlable : je savais que nous étions incapables d’assurer une vie décente à ces millions d’immigrants, je savais que cette submersion serait une cause de désastre pour nous aussi : ils connaîtraient le malheur au milieu de nous, ou à côté, sans que nous soyons en mesure de les en délivrer. Le devoir d’accueil comprend le devoir de prudence : jamais respecté, ce qui signifie que nos gouvernants ont – sciemment ? – décidé de nous jeter dans un gouffre. On ne peut accueillir les multitudes et nous avons tout fait pour que ces multitudes l’emportent et s’imposent. Ceux qui parviennent à s’intégrer, à comprendre et accepter nos habitudes, nos lois, nos mœurs sont eux-mêmes dépassés par ceux qui refusent le tout et veulent nous imposer ce qu’ils ont pourtant laissé derrière eux. 

    africanisation de la france.jpg

    Lors d'une manif de la CGT, qui a trahi la défense des intérêts de la "classe ouvrière" française (ce qui était - soi-disant, sa raison d'être...) au profit de "l'immigré idéalisé", via le "sanspapiérisme" et la clandestinophilie" !...

     

     

    La seule chose que je viens de comprendre c’est que je sous-estimais la menace. Cependant, je savais que ce qui est nié par tout ce qui détient aujourd’hui le pouvoir était faux, mais je ne savais pas à quel point : arrive un texte sur mon écran qui vient des 4 Vérités. Que dit-il ?

    Falko Baumgartner est un politologue allemand qui a suivi avec attention les travaux du corps médical français à propos de la ‘’drépanocytose’’ (1), « maladie génétique propre aux peuples non-européens » : un dépistage systématique a été entrepris depuis le débit du siècle et les conclusions de ce dépistage permettent, outre la mise au point des mesures médicales à prendre, aux statisticiens comme aux démographes de vérifier scientifiquement ce que tous les Français observateurs constatent, sauf le monde de la plupart des politiciens, encagoulés dans des dogmes « républicains » d’un autre âge.

    Je cite : « En raison de l’immigration venue du Tiers Monde, la ‘’drépanocytose’’ est devenue la maladie génétique la plus répandue dans la France d’aujourd’hui. Dans le but de fournir le plus tôt possible des soins contre la maladie, l’Institut de veille sanitaire a défini des groupes ciblés susceptibles d’être testés, dont la plupart sont des peuples d’origine africaine, de l’Afrique du Nord et subsaharienne, ainsi que des Amériques. Un deuxième groupe ciblé consiste en des peuples d’origine proche et moyen-orientale (la Turquie, la péninsule arabique et les pays arabes qui se trouvent entre les deux) et des Indes. Le reste consiste en des migrants d’un littoral relativement petit de l’Europe du Sud, à savoir le Portugal, l’Italie du Sud, la Grèce et les îles de Corse et la Sicile. »

    Les données récentes nous font savoir, par un jeu de conséquences qui s’apparentent au billard, que la démographie de la France la fait ‘’glisser’’ peu à peu vers l’Afrique… Certes, comme le remarque Falko Baumgartner, étant donné que la France n’autorisait pas jusqu’ici les recensements ethniques, il était fort difficile de faire le point sur la composition réelle de la population français : maintenue de ce fait dans un état de totale ignorance de son évolution… Mais, comme on le devine à partir de la description de l’« opération anti-drépanocytose », il suffit de transposer les chiffres obtenus au niveau démographique pour sauter par-dessus l’obstacle de l’ignorance volontaire, prétendue vertu républicaine. Les résultats sont conformes à ce que le citoyen avisé devinait d’instinct mais que les « pouvoirs » autocratiques qui nous conduisent nient avec une virulence parfaitement stupide.

    « Jusqu’à présent, écrit notre politologue allemand (par bonheur il n’a pas à se soucier du « politiquement correct » qui tétanise la plupart de nos « chercheurs », plutôt « enfouisseurs de vérités » pour n’être pas taxés de racisme), il n’existait que peu de chiffres officiels sur l’ampleur des populations immigrantes, d’une part, et des Français autochtones, d’autre part. » Les renseignements fournis par le corps médical, sont suffisamment précis et délivrés de tout préjugés idéologiques pour que nous puissions enfin avoir « une vue globale de la croissance massive de la population non-blanche en France ».

    Ce qui saute aux yeux, c’est « le déclin démographique soudain de la France blanche que ces chiffres démontrent ». Il va de soi que le devoir de tout Français informé est de passer la barrière d’une interdiction qui ressemble fort à une adhésion masquée de toute la classe politique à notre déclin, exceptions faites du Front national et de quelques petits partis ainsi que d’une frange réputée droitière de l’UMP : en somme, le peuple originel a été, sans que nous en soyons prévenus, condamné à la mort lente. Lente… mais tout s’accélère ! Le climat multiculturaliste que l’on veut nous imposer fait partie de l’arsenal sensé nous exterminer : soit sans être à même de comprendre ou deviner ce qui nous arrive…

    « Ce changement démographique [est] le plus profond que la France ait connu depuis la conquête par les Francs et la création de l’État français lui-même. » On peut admettre ce fait sans discuter : il exprime la vérité. Il ajoute : « On n’a qu’à remplacer ‘’bébés ciblés’’ avec ‘’nouveaux-nés afro-orientaux’’, puis regarder la carte de la population testée en France, pour avoir une idée assez complète de ce que la France des Lumières refuse depuis longtemps de communiquer à son peuple : que la France blanche, la France originale, la France qui a fait la France, est en voie de disparition progressive, faisant place à une société hybride eurafricaine. L’immigration massive est devenue autodestructrice pour le pays de Voltaire. On pourrait soutenir que même les immigrants en tirent des rendements décroissants : plus la France disparaît et moins le pays retient le caractère qui les avait attirés en premier lieu. » Cette dernière remarque pourrait peut-être annoncer l’apparition prochaine d’une divine surprise, c’est-à-dire le recul ou l’assèchement des arrivées, ce dont à la vérité je doute fort. Il ne serait qu’un remède : arrêter totalement ces arrivées massives d’immigrants (2), organiser des retours en les favorisant par des aides directes aux pays concernés afin que se tarissent le besoin d’émigrer. En 2010, j’avais rêvé sur ce thème…

    Voici pour bien situer les risques : en incluant tous les nouveaux-nés soumis à ce dépistage général de la drépanocytose dans les statistiques, « la proportion des naissances non-blanches pour toute la France se monte à 34,6% (292.041 nouveaux-nés en 2010). » Mais il reste encore à inclure dans ces chiffres ceux de « tous ces groupes d’immigrants non-européens qui ne sont pas génétiquement prédisposés à la drépanocytose, comme les Asiatiques orientaux et les Hispaniques. Lorsqu’on y ajoute leurs taux de naissances, la proportion des Français de race blanche se trouve encore réduite d’une quantité inconnue. »

    Mon lecteur se souvient sans doute des cris cocoricoesques poussés il y a peu, lors de l’annonce du taux des naissances en France et qui faisaient d’elle la championne d’Europe ? Sauf que les championnes étaient les femmes venues d’ailleurs et non celles dont les ancêtres plus ou moins lointains étaient également nés ici : probablement entre 1,5 à 1,6 enfants par femme anciennement française contre 2,6 à 4,2 pour les autres mères venues du Maghreb, de l’Afrique sub-saharienne et des autres régions du monde…

    Existe-t-il encore des « responsables » dans ce pays qui est le mien ? J’entends de « vrais » responsables, des hommes et des femmes conscients des devoirs que les générations présentes ont vis-à-vis de celles du passé comme de celles à venir ? Conscients des « droits » des héritiers directs de ceux qui, depuis Clovis au moins, ont peu à peu élevé ce chef d’œuvre que l’on nommait la France ? Des Français soucieux de la « permanence » de ce qui fut l’un des phares les plus en vue depuis l’effacement de Rome ? J’ose le blasphème impardonnable : le devoir envers les siens l’emporte sur le devoir envers l’autre quand cet autre devient une menace. Toujours cette distinction qui n’est plus faite : oui à l’accueil, non à la submersion.

    Le cataclysme culturel que représente le séisme démographique dont le peuple français est actuellement victime – mais il a commencé sous Giscard d’Estaing ! – se développe à grande vitesse quoique n’ayant pas encore atteint son paroxysme. Nous savons que, si les gauchistes les plus enragés à vouloir l’effacement de la France au non des « ses crimes coloniaux » ne redoutent pas, bien au contraire, les perspectives ici esquissées, bien de ceux qui votent à gauche ne savent rien de ce désastre, ne le comprennent pas : je suis assuré qu’à peine valablement informés ils se révolteraient, ils feraient connaître leur indignation, leur colère en même temps que leur désolation. Quant au peuple que parfois l’on dit de droite il me semble que sa colère sera au diapason de sa souffrance, de sa stupéfaction : sera à la mesure de la tragédie en train, silencieusement, de gangrener le corps social.

    J’insère ici un nouvel extrait du texte de Falko Baumgartner, en le remerciant d’avoir ouvert cette brèche dans le dispositif d’état de subornation de l’information – qu’il ait été consciemment ou inconsciemment édifié m’importe peu, car l’interdiction de dire la vérité démographique aux Français s’assimile de toute façon à un crime de lèse-majesté, de lèse-peuple et donc à une sorte de génocide culturel : « Comme l’Amérique, la France a toujours été fière de se présenter au monde entier comme la championne des valeurs républicaines modernes et ‘’culturellement neutres’’. […] Mais ce rôle de phare l’a aveuglée : […] elle ne s’est jamais pleinement rendu compte que la propagation totale de ces idéaux ont en même temps engendré un citoyen culturellement et ethniquement éventré, un être dépossédé de ses propres racines, à qui le droit même de les posséder est interdit. Elle n’a jamais tout à fait compris qu’un sens fort de l’identité culturelle et ethnique n’est pas l’ennemi des valeurs démocratiques, mais plutôt leur complément nécessaire et naturel. Elle a oublié que la Révolution française, son ‘’cadeau’’ offert au monde démocratique, n’a pas été créée dans un vide ethnique et culturel, mais par un peuple doué d’une identité et d’une histoire : une identité blanche européenne. » On pourrait formuler autrement et avec des nuances mais le diagnostic demeure impeccable.

    Bien entendu, ces propos seront ridiculisés par l’effrayante caste des journalistes de gauche : ils brandiront leurs pancartes dénonçant le racisme, la xénophobie, je ne sais quels autres démons, sans tenir compte du désir des « Français de toujours » de continuer à être un peuple enraciné sur sa terre, dans sa langue, dans sa culture, dans ses amours, dans ses choix existentiels, dans sa foi chrétienne : comment puis-je, quant à moi, être serein, quand je vois que notre Église risque de se trouver submergée par une « confession » dont elle a eu beaucoup à souffrir par le passé ; qui, notamment, contredit dans son livre de référence toutes les paroles du Christ ; accuse les chrétiens d’avoir falsifié les évangiles ; permet que les non-musulmans soient réduits à l’état de « dhimis », c’est-à-dire de servitude ?

    Ce que je viens d’apprendre de cette source qui paraît sûre – je ne faisais que le supposer auparavant et je me rends compte que mes estimations étaient trop optimistes par rapport à ce qui vient d’être révélé – laisse entrevoir des années très sombres, d’autant plus que nous sommes sous la coupe d’incapables, d’idéologues bornés, de fanatiques de la diversité culturelle alors même que les Anglais, anciennement dogmatiques sur ce point s’aperçoivent que cette diversité n’est supportable que si le noyau central est fort, inspiré, inventif, sûr de lui et j’en passe… ce qu’il n’est pas en France. Je doute que nous ayons la capacité de nous reprendre, de nous retrouver, de nous ressaisir ! Et je ne sais pas si nous serions en mesure d’accomplir notre renaissance sans en arriver à l’impensable : et je crois de tout mon être que la violence serait à la fois une erreur et une horreur. Que faire ? Que décider ? Comment redresser la barre ?

    La bataille des européennes devrait, non : doit être le déclencheur de la reprise en nos mains de ce qui est à nous, Europe ou pas : quand on est en train de se noyer, on n’a plus le désir de continuer avec ceux qui nous submergent.

    Notes

    (1). La drépanocytose est une maladie génétique, grave, héréditaire touchant les globules rouges du sang. D’après les statistiques, la drépanocytose touche près de 50 millions de personnes dans le monde, faisant d’elle maladie génétique la plus répandue au monde. En France, la drépanocytose est également la maladie génétique la plus répandue, atteignant environ 350 nouveaux nés par an, et 6 à 10 000 malades connus et suivis. – La drépanocytose est une anomalie de l’hémoglobine (constituant des globules rouges qui permet de transporter l’oxygène et le gaz carbonique dans le sang). L’hémoglobine normalement présente dans les globules rouges est appelée hémoglobine "A". Chez les sujets atteints de drépanocytose, l’hémoglobine A est en partie ou en totalité remplacée par une hémoglobine différente, l’hémoglobine S, appelée aussi hémoglobine drépanocytaire. – L’hémoglobine drépanocytaire est capable de déformer le globule rouge qui la contient pour donner à cette cellule un aspect en faucille, appelé drépanocyte. De ce fait, le globule rouge ainsi déformé perd sa capacité à circuler dans les petits vaisseaux sanguins, se bloque, entrave la livraison d’oxygène et est détruit précocement. – Le principal symptôme de la drépanocytose est la douleur. Cette douleur apparaît lorsque les globules rouges atteints et déformés se bloquent dans les vaisseaux et dans les os. Elle est tellement insupportable que les malades sont contraints de se rendre d’urgence à l’hôpital, où ils reçoivent de la morphine (seul antalgique capable d’atténuer les fortes douleurs de la maladie). A l’heure actuelle, la drépanocytose ne se guérit pas et les seuls traitements disponibles ne servent qu’à atténuer ou prévenir les douleurs provoquées par cette maladie.

    (2). 200.000 arrivants autorisés et peut-être autant de « clandestins »…

  • Journal d’été, par Hilaire de Crémiers (I/II)

    hilaire[1].jpg(Directeur de Politique magazine, Hilaire de Crémiers propose également, sur son Blog, de courtes vidéos dans lesquelles, en 4 à 5 minutes, il explique et commente l'actualité nationale et internationale (politique, économique, religieuse, "sociétale"...); ainsi que des analyses fouillées sur l'oeuvre de Charles Maurras; et des textes ou des vidéos sur la crise, la politique, la politique religieuse...)

    Voici ses réflexions, intitulées "Journal d'été", qui paraîtront dans le prochain numéro de La Nouvelle Revue universelle...

    Quels sont les événements importants de ces derniers mois d’été ? En dehors des nouvelles ordinaires qui ornent de leur banalité la médiocrité de notre quotidien politique, économique et social, et en dehors des faits divers tragiques qui suscitent l’intérêt éphémère de l’univers médiatique, le temps de compter les morts et les blessés, juste le temps de compter !

    Le Pape François ou la parole libérée.

    pape_francois_vatican.jpgLes politiciens en quête de gloire éphémère et de popularité évanescente n’y peuvent rien. Malgré toute leur communication, la vedette sur l’affiche leur a encore été ravie. Le pape, toujours et encore le Pape ! Le nouveau comme ses prédécesseurs l’emporte en prestige, en audience et, par-dessus tout, en qualité de discours et d’écoute sur tout ce qui peut se proclamer et s’annoncer dans le monde. Et il l’emporte de beaucoup ; et, encore plus, de très haut !

    Ce que le successeur de Pierre, revêtu d’humilité et enveloppé de la seule aura christique et ecclésiale, dit en toute simplicité à trois millions de jeunes rassemblés sur la célèbre plage de Rio, aucun chef de parti à travers le monde n’en est capable, n’en a même l’idée. Ce lui est impossible, hors de portée. Et heureusement !

    Les politiciens ne savent plus, et depuis longtemps, que parler argent, répartition de richesses qu’ils ne créent pas, idéologie à la mode, sauce socialiste ou libérale, c’est du pareil au même, aussi factice que totalitaire, et tandis que les droits les plus élémentaires des personnes sont bafoués, ils promeuvent à coup de discours démagogiques le droit de n’importe qui à n’importe quoi, une sorte de droit de tous à tout sauf au vrai, au bien et au beau ; ce que les politiciens savent le mieux faire et le plus efficacement, c’est, en invoquant l’évolution de la société qu’eux-mêmes provoquent, favoriser les vices qui offrent à de pauvres gens qu’ils frustrent des vrais biens spirituels, les compensations misérables d’un matérialisme niais et pervers qui achèvent de les tuer moralement et physiquement. Que veulent dire au juste ces innombrables « il faut », « on doit » qui scandent leurs discours en leur donnant une allure morale : des prescriptions de quatre sous qui n’ont rien de moral, des obligations qui n’en sont pas, des impératifs catégoriques à prétention économique et sociale qui n’engagent personne et surtout pas eux. C’est toujours l’argent des autres qui payent les générosités de leur fallacieuse et dispendieuse solidarité. Rien de plus hypocrite !

    En face le Pape – et François sait que son discours est de portée politique – parle aux jeunes de foi, d’espérance et de charité, et son langage est immédiatement pratico-pratique. La générosité à laquelle il appelle, est effective ; elle exige le don total de soi, don non à soi-même, non à sa carrière – fût-elle ecclésiastique, il l’a précisé – ni à l’argent ni au pouvoir, mais au Christ et pratiquement à l’autre. Un ordre social pourrait alors renaître où la justice ne serait plus un vain mot ni la charité qui s’en distingue, une satisfaction de compensation à une injustice fondamentale.

    Ainsi l’évêque de Rome – c’est le titre qu’il revendique et qui, en effet, le spécifie – délivre-t-il son enseignement aussi simple que direct, sans besoin d’autre appareil – pas même ecclésial, pas même curial – que l’affirmation de sa foi qui fonde sa légitimité. C’est bien ainsi et mieux que toutes les combinaisons de partis et d’appareils, fussent-ils, répétons-le, ecclésiastiques ! 

    pape francois jmj copacabana.JPG

    Largement plus de trois millions de jeunes sur la plage de Copacabana : avec celle des JMJ de Manille, autour de Jean-Paul II, la plus grande foule de l'histoire de l'humanité... 

     

     

    La révolution franciscaine.

    Il est allé très loin. S’en est-on rendu compte suffisamment ? Il a osé dire aux jeunes d’être « révolutionnaires », de se « révolter » contre le faux ordre mondial – et qui se veut « moral » – que les hommes (et les femmes !) de pouvoir et d’argent des oligarchies qui nous gouvernent, prétendent imposer à l’encontre des lois de la nature, de la vie, de la conscience, à l’encontre des conditions mêmes du vrai bonheur qui ne saurait s’établir sur les débris de la réalité. « Révoltez-vous », a lancé le Pape. Et il a précisé : « Allez à contre-courant » d’une société de mort. Bravo ! Voilà ce qui s’appelle réagir.

    Il a tout dit en quelques mots : « Cette civilisation mondiale est allée au-delà des limites ». Il s’est expliqué : « Dans cet humanisme économiste qui nous a été imposé dans le monde, s’est développée une culture du rebut… » Et il répète ce qu’il dit depuis le début de son pontificat : « Tout est soumis au culte du dieu argent ». La société moderne élimine tout le reste, enfants à naître, jeunes, vieillards, pauvres et exclus en tous genres. Et évidemment le Christ. L’homme n’est plus qu’un sujet et un objet de consommation, jetable comme le reste, « au nom de l’efficacité et du pragmatisme ».

    Il faut y opposer la foi, « mettre la foi » en nous et dans le monde. Et la foi « ne se passe pas au mixeur » ! Quelle parole ! Une révolution copernicienne est à opérer, « celle qui nous enlève du centre et met Dieu au centre. ». Car « la foi est révolutionnaire et moi je demande à chacun de vous aujourd’hui : es-tu prêt, es-tu prête à entrer dans toute cette onde révolutionnaire de la foi ». Dans un autre discours, le pape François s’est exclamé : « Ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture ! » Et il propose comme modèle le combat des Maccabées. C’est clair, non ? C’est ce qui s’appelle une entrée en résistance. Et au nom de la Vérité qui est le Christ. Il tiendra le même langage de fermeté aux évêques, aux prêtres, aux religieux, aux séminaristes. « Il faut vaincre l’apathie en donnant une réponse chrétienne aux inquiétudes sociales et politiques ».

    Il s’agit d’un véritable engagement que propose François, presque en son nom personnel : il n’y a pas à « regarder la vie du balcon »…Et voici ce qui résume finalement le mieux tout son message : « Dans la culture du provisoire, du relatif, beaucoup prônent que l’important, c’est de jouir du moment, qu’il ne vaut pas la peine de s’engager pour toute la vie, de faire des choix définitifs « pour toujours », car on ne sait pas ce que nous réserve demain. Moi, au contraire, je vous demande d’être révolutionnaires, je vous demande d’aller à contre-courant, oui, en cela je vous demande de vous révolter contre cette culture du provisoire. »

    Telle est la théologie de la libération du Pape ! Se libérer du péché d’adhésion, de ralliement à des structures qui peuvent être dites justement structures de péché, de ce système qui nous emprisonne malgré son apparence libéralo-libertaire et qui est le pire de tous les « meilleurs des mondes ».

    La vérité se trouve au bout de cette rébellion qui ne peut être que permanente, contre ces structures d’oppression mentale et de misère morale autant que matérielle dont les lois impies enserrent les peuples qui n’en peuvent mais, en ne leur dispensant dès la petite enfance que des programmes de mort et de haine, en ne cherchant qu’à détruire et supprimer tout ce qui relève de la vie : le mariage, la famille, l’enfance, la vieillesse, l’éducation, le patrimoine vrai et réel, la vie sociale, les mœurs, les métiers, les simples bonheurs des gens, les nations, les héritages spirituels et moraux des peuples. Comme le Pape a raison ! Que cette dénonciation est juste !

    ARGENT.JPGPratiquement, comment faire ? D’abord il n’y a aucun compte à tenir et surtout dans sa vie personnelle, au plus intime de soi, de cette législation de mort, de ce pouvoir de corruption, stigmatisé comme tel par le Pape François à de nombreuses reprises, pouvoir dont il dit qu’il est né de la corruption et qu’il ne puise sa force que dans la corruption. Premier devoir : rompre spirituellement avec « ça ». La vraie liberté, elle est là. Là, le salut de demain. Se débarrasser, d’abord intérieurement, puis ensuite extérieurement de cette superstructure, mentale autant que politique, qui s’est imposée presque, pour ainsi dire, comme norme universelle, où argent – le malhonnête argent – et pouvoir – le malhonnête pouvoir – font bon ménage, où hommes d’argent – du malhonnête argent – et hommes de pouvoir – du malhonnête pouvoir – se retrouvent partout et toujours de connivence pour déverser sur les électeurs, dits citoyens, indéfiniment la même mortelle logomachie dans les mêmes forums, s’autorisant des mêmes institutions nationales et internationales qui sont devenues des machines partisanes à leur service puisque leurs appareils les ont entièrement envahies pour les transformer en relais de pouvoir. Oui, d’abord pour soi, pour sa propre hygiène mentale et morale, faire comme si ce monde de perversité n’existait pas, penser et agir dans sa vie autrement comme si le prétendu pouvoir de ces oligarchies n’avait aucune influence sur nous, voilà le premier pas et ce premier pas est immense.

     

    La leçon pour la France.

    C’est exactement le sens qu’il convient de donner au mouvement qui a dressé une saine partie du peuple de France contre la stupidité du mariage dit pour tous et les effroyables conséquences sur la moralité publique et sur la conception même de la filiation et de l’humanité qui en seront l’inéluctable suite. Les hommes et les femmes de gouvernement et leurs sbires qui ont fait passer une telle loi, sont littéralement indignes de gouverner. Qu’ils imposent leurs fantasmes à leurs pareils si ça leur chante, mais pas au peuple de France en tant que tel. C’est un abus et même une usurpation de pouvoir. Quelle est leur autorité pour légiférer sur ce qui ne saurait relever de leur juridiction ? à moins qu’ils ne se prennent pour des dieux ! C’est devenu une loi de la République, clament les parangons du système. Et voilà prêts à céder des hommes politiques qui pourtant n’étaient point favorables à une telle loi, mais qui sont tout à coup timorés devant la violence du système, voilà prêts à se rallier une fois de plus des évêques- pas tous heureusement, loin de là ! – sans force morale, complices de la confortable bien-pensance officielle et entraînés par la facilité de la prétendue adaptation au monde, à l’encontre même des paroles de Benoît XVI et de François qui affirment hautement que « la première urgence » dans le corps épiscopal, « c’est le courage » ! « Le courage de contredire les orientations dominantes est aujourd’hui particulièrement urgent pour un évêque ». Alors, qu’est-ce que cette couardise ?

    republique ideologique.JPGEt puis, la République est-elle donc une déesse ? Faut-il y sacrifier ? La mettre au-dessus du bon sens, de la conscience, du droit, de la justice et, enfin, pour les croyants, de Jésus-Christ ? Le problème, en France, est là. Qu’est-ce que cette République ? La république, en bon latin, c’est la chose publique. Ce ne devrait pas être une idéologie. Il y a là une conception totalitaire qui n’a fait et ne fait que du mal à la France réelle. Comment ne pas le voir ? L’idéologie qui se couvre du mot « République » en est-elle pour autant plus digne de croyance ? « Je dois tout à la République », disent certains. Mais non, vous devez tout à vos parents et à vos éducateurs et aux honnêtes gens que vous avez rencontrés.

    Cahuzac aussi était un homme de la République ; c’en était même un grand-prêtre ; il avait tous ses grades maçonniques, il tenait le langage convenu des hommes de pouvoir ; et qui peut dire que les motifs de son action n’étaient pas parfaitement républicains ? Qui pourrait en jurer ? Il est à noter qu’il n’est pas en prison, alors qu’un autre qui ne présenterait pas les mêmes estampilles, y serait jeté illico, et pour bien moins que ce que l’ex-ministre du budget a commis. Alors, ce républicain de Cahuzac, fallait-il le croire au motif qu’il incarnait la République ? Car il l’incarnait fort bien, avec le verbe haut, le menton énergique, la vertu dans les tripes. Et les autres du même acabit, particulièrement ses anciens comparses, amis, congénères ? Tous ceux qui se sont ligués, hommes d’argent et de pouvoir, pour mettre cette loi du prétendu mariage pour tous en priorité du programme hollandais ?

    D’ailleurs, cette loi n’est jamais qu’une loi et quelle autorité si extraordinaire faut-il accorder à des lois que des majorités changeantes font et défont au gré des circonstances, comme les lois sur les retraites par exemple ? À moins que cette loi-là précisément soit à part. En fait, oui. Elle a été votée dans l’esprit même que le Pape François a si vivement critiqué et condamné ; c’est l’esprit d’une certaine oligarchie qui a décidé de refaçonner le monde à l’image de ses fantasmes financiers, « sociétaux », idéologiques dont elle fait une question de pouvoir. Une question essentielle et existentielle pour elle ! (suite et fin lundi...).

  • Maurras, entre Shakespeare, Baudelaire et Edgar Poe par Jean-François Mattéi

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    Jean-François Mattéi a bien voulu nous transmettre - et nous l'en remercions - une rédaction de son intervention lors du colloque "Maurras 60 ans après", organisé, le samedi 27 octobre, à Paris, par le Cercle de Flore. Nous publions, ici, ce remarquable article.  

    Baudelaire écrivait dans son recueil de Fusées : « De Maistre et Edgar Poe m’ont appris à raisonner » (aphorisme 27). Pour suivre le principe d’analogie, on pourrait dire aussi bien de Maurras : « Shakespeare et Edgar Poe m’ont appris à raisonner ». Ces cinq auteurs, Shakespeare, De Maistre, Baudelaire, Poe et Maurras envisagent en effet la réalité de l’homme et de la politique à partir de ce que Baudelaire nommait « l’universelle analogie », et Mallarmé « le démon de l’analogie ».

    Remarquons au passage que la formule de Mallarmé relève elle-même de l’analogie puisque le poète compare l’« analogie », qui est une ressemblance entre deux éléments, à un « démon », au sens grec, qui est une ressemblance avec un dieu et une ressemblance avec la figure rhétorique en question. On pourrait plus simplement parler de « correspondance », dans le sens baudelairien, pour définir le principe qui met en relation deux mondes, le monde matériel et le monde spirituel, ou le monde humain et le monde divin. Disons plus simplement la terre et le ciel. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le mot grec d’analogia qui implique un mouvement ascensionnel de pensée, logos, de bas en haut, ana. Pour qu’il y ait analogie, ou correspondance, il faut que le monde et les êtres qui l’habitent soient disposés selon une hiérarchie naturelle, comme l’échelle de Jacob ou la relation du microcosme au macrocosme. L’analogie est verticale et, à ce titre, inégalitaire.

    Or, cette analogie est la clef de la pensée hiérarchique de Charles Maurras qui s’est inspiré, dans ses vues politiques, des correspondances qu’il a trouvées chez Shakespeare et Edgar Poe, moins chez Baudelaire qu’il appelait, après l’avoir goûté très tôt, « notre mauvais enchanteur ». Il faut comprendre, en effet, qu’un choix intellectuel, qu’il soit religieux, philosophique ou politique s’exprime toujours à travers un jeu d’images qui ressortit de l’analogie. Pour prendre un exemple célèbre, la condition humaine chez Platon se définit à travers le réseau d’analogies qu’incarne l’image de la caverne, présente, sous une forme ou une autre, dans toute la tradition de pensée occidentale.

    Ce qui distingue donc les choix religieux, philosophiques ou politiques, c’est le style des métaphores adaptées à ces choix. Chez les partisans d’une hiérarchie entre les hommes, c’est-à-dire les partisans d’un gouvernement aristocratique, c’est l’analogie d’une échelle hiérarchique qui s’impose, ou d’une montée vers les hauteurs. C’est le cas chez Platon où le prisonnier libéré sort de la caverne et monte vers le soleil pour accroître ses connaissances par un mouvement d’anabase, qui est exprimé par une analogie, « un discours vers le haut ». La symétrie de retour dans la caverne n’est pas exacte, car la katabase du prisonnier, sa redescente vers ses compagnons, conserve le souvenir premier de l’anabase, et donc de l’analogie. En clair, le philosophe vient apprendre aux prisonniers, tout en bas, à prendre de la hauteur.

    Les partisans d’une égalité parmi les hommes, c’est-à-dire les démocrates, renversent l’analogie d’une ascension intellectuelle vers le haut, même lorsqu’ils parlent aujourd’hui d’« ascenseur social » pour tous ; ils utilisent plutôt la katalogie d’un discours qui abaisse tous les hommes au même niveau. Un ascenseur ne se contente pas de monter, il descend également pour satisfaire tous les usagers. Ce même mot, cette fois en français, le catalogue, est une liste complète de tous les objets qui sont mis sur le même plan, quels que soient leur diversité et leur prix. Une conception aristocratique de l’existence utilise alors toutes les ressources de l’analogie, parce qu’elle implique une hiérarchie de niveaux, alors qu’une conception démocratique inverse l’analogie en une katalogie, parce qu’elle recherche une suppression des hiérarchies au profit d’une égalité des conditions.

    Voyons-le, non pas chez Platon, sans doute l’antidémocrate le plus radical, tant dans le mythe de la caverne que dans le livre VIII de La République, mais chez Shakespeare dans la tragédie Troïlus et Cressida. L’action se passe pendant la guerre de Troie. C’est Ulysse, un héros mythique de Maurras, qui s’adresse aux Grecs pour justifier l’ordre de la cité qui reproduit l’ordre du monde :

    « Les cieux mêmes, les planètes et ce centre où nous sommes [la Terre]

    Observent avec le rang, la place, et le degré,

    Position, direction, saison, mesure et forme,

    Coutumes et fonctions, en tout ordre donné » (I, 3, v. 85-88).

    Shakespeare reprend ici la thèse aristocratique qui domine la pensée grecque, chez les poètes épiques, les poètes lyriques ou les poètes tragiques, et chez les philosophes. La formule la plus nette se trouve chez Homère, quand il fait dire par Hippoloque à son fils Glaucos dans l’Iliade (Chant VI, vers 208) : « il faut être partout le meilleur (aristeuein) et surpasser tous les autres ». Le « vrai Shakespeare », comme l’écrit Maurras dans La Musique intérieure, est peut-être celui des « fééries » parce que les contes, comme les mythes, ont une structure analogique et hiérarchique : il n’y a pas d’égalité entre les bonnes fées et les mauvaises fées, entre les ogres et les hommes, entre Blanche Neige et les sept nains, entre le Chaperon rouge et le loup, etc.

    Maurras reconnaît sa dette envers Shakespeare et Homère, mais surtout envers Edgar Poe, quand il écrit, dans Entre Bainville et Baudelaire : « Il a fallu que [l’idée de hiérarchie] leur revint d’Amérique [les peuples européens], dans la belle prose de son traducteur parisien, et telle que Poe l’avait recueillie, déjà presque telle quelle, dans le Troïlus et Cressida de Shakespeare, telle que Shakespeare l’avait tirée de ce beau chant de l’Iliade où Homère montre son cher Ulysse argumentant à coups de bâton sur l’échine d'un anarcho-démocrate, le nommé Thersite, ennemi des peuples et des rois ». Maurras nomme alors l’idée de hiérarchie une « chaîne sacrée » qui a été rétablie au XIXe siècle par Baudelaire et Poe après avoir été défaite par la démocratie moderne.

    Voyons donc Poe, dans la traduction de Baudelaire. Les références à Poe et à ses Histoires extraordinaires qui jouent toutes, selon le mot de l’auteur dans La Lettre volée, sur « le monde matériel [qui] est plein d’analogies exactes avec l’immatériel », sont nombreuses chez Maurras. Entre Bainville et Baudelaire, déjà cité, fait allusion à deux nouvelles de Poe, Colloque entre Monos et Una et Mellonta Tauta. C’est surtout dans la nouvelle du Chemin du Paradis, « Les Serviteurs », que Maurras, en 1891, préconise pour la première fois d’instaurer la société sur une hiérarchie qui fait explicitement appel à Poe. « S’il me fallait invoquer ici d’autres modèles que ceux que j’ai reçus de mes maîtres français ou grecs et latins, je me référerais à ces lignes si belles de l’auteur du Colloque entre Monos et Una ». Et Maurras de citer alors Poe dans la traduction de Baudelaire : « En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la Terre et dans le Ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle… » J’ajoute le passage précédent que Maurras n’a pas repris et qui renforce l’idée d’analogie et la hiérarchie qu’elle commande : « Entre autres idées bizarres, celle de l’égalité universelle avait gagné du terrain ; et à la face de l’Analogie et de Dieu, en dépit de la voix haute et salutaire, etc. » 

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    Cette citation a souvent été reprise par Maurras. Dans ses Trois Idées politiques, consacré à Chateaubriand, Michelet et Sainte-Beuve, l’épigraphe de tout l’ouvrage est cette même phrase d’Edgar Poe sur « les lois de gradation » opposées à la « Démocratie universelle ». De nouveau, la déclaration de Monos à Una se trouve en épigraphe de la deuxième partie sur « Michelet ou la démocratie » pour dénoncer l’illusion de cette forme de gouvernement. Il est à noter que les deux personnages de Poe, Monos et Una, l’homme et la femme, parlent d’entre les morts comme si la « démocratie universelle », dont parle l’auteur, les avait conduit au trépas comme elle détruira la civilisation. L’homo democraticus, qu’Edgar Poe découvre avec stupeur en 1841 aux États-Unis avec ce Colloque entre Monos et Una, mais aussi L’Homme des foules, un peu après Tocqueville qui publie De la démocratie en Amérique en 1835 et 1840, est l’homme qui impose une démocratisation des conditions en tous domaines et refuse la hiérarchie naturelle des êtres.

    Albert Thibaudet avait déjà noté l’influence d’Edgar Poe dans Les Idées de Charles Maurras en 1920. Maurras cite encore Poe dans L’Observateur français, en mai 1891, à propos d’André Walter, le double d’André Gide, en le rapprochant de Dante et de Baudelaire. Dans « De la volonté politique pure », où l’on trouve les deux remarques : « La démocratie accourt, les yeux bandés, au cimetière. Mais elle y mène, et c’est moins gai », Maurras renchérit encore, avec l’aide de Poe, sur la critique de la démocratie. De cette dernière, il écrit ceci : « Nos aïeux, même les moins sages, ne s’étaient rien figuré de tel. Nos neveux, s’ils en réchappent, n’y voudront pas croire. C’était déjà l’avis d’Edgar Poe, il y a cent ans, lorsqu’il écrivait l’admirable “ Parabole des chiens de prairie ” ».

    Cette parabole se trouve dans la nouvelle Mellonta tauta, c’est-à-dire « Des choses dans l’avenir ». Je cite le passage sur la démocratie de Poe que Maurras reprend presque entièrement. Le narrateur parle d’un homme qu’il a rencontré récemment :

    «Il a passé toute la journée à essayer de me convaincre que les anciens Américains se gouvernaient eux-mêmes ! - a-t-on jamais entendu pareille absurdité – qu’ils vivaient en une sorte de confédération du chacun pour soi, à la manière de ces “chiens de prairie” dont la fable nous parle. Ils disaient qu’ils partaient de l’idée la plus bizarre qui se puisse imaginer, à savoir que tous les hommes sont nés libres et égaux ” ; et ce, en dépit des lois de la gradation qui marque si visiblement toutes choses dans l’univers moral comme dans l’univers physique ».

    On retrouve, chez Poe comme chez Maurras, le même enseignement que dans le Colloque entre Monos et Una. Maurras parle d’une admirable parabole dont il ne donne pas la fin chez Poe. Car le poète américain termine son texte en montrant qu’un américain, nommé Mob, la « Plèbe » ou la « Canaille », prit le pouvoir démocratique et instaura un despotisme qui finit par le tuer. Et Poe de commenter, ce que ne fait pas Maurras : « Il ne faut jamais aller complètement à rebours des analogies naturelles », comme le montre « le cas des “chiens de prairie”, exception qui semble prouver que la démocratie est une très admirable forme de gouvernement pour les chiens ».

    Maurras a continué par la suite à se référer à Poe, et, à travers lui, à la tradition aristocratique de l’analogie entre le monde matériel et le monde spirituel, ou entre la réalité physique et la transcendance métaphysique. Dans le recueil d’articles de 1919 Les trois aspects du président Wilson, il revient une nouvelle fois sur la gradation de Poe et cite le même passage : « Un grand Américain dont la leçon est à la base d’un grand nombre de nos études disait : “En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle”. Le génie d’Edgar Poe donnait à ces paroles un accent de commisération et de plainte qui ne s’éteindra qu'avec les suprêmes résonances de l’esprit humain. » (10 avril 1917). Quelques mois plus tard, le 5 septembre 1917, on lit ces lignes dans le même ouvrage : « Une telle démocratie selon le cœur de Platon, d’Aristote et de ce prodigieux aristocrate virginien Edgar Poe, est certainement conciliable avec tous les régimes qui sont, qui furent ou qui seront en vigueur dans notre Europe entre l’an 1200 et l'an 2000 ».

    À la fin de sa vie, alors que Charles Maurras est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Troyes, il répond le 20 août 1951 par une longue lettre au professeur Jean F. David, de l’université de Washington, qui l’avait interviewé sur les lettres françaises. Voici ce texte qui condense toutes les idées métaphysiques et politiques de Maurras sur l’analogie qui gouverne le monde et les hommes :

    « Pour sortir du chaos moral, il faut rétablir l’ordre moral ; à plus forte raison, sans l’intelligence, ne peut-on débrouiller le chaos social. Ni la bonne volonté ne suffit, ni les bons sentiments ; il est un ordre supérieur qu’il faut connaître et observer si l’on veut penser et agir. C’est l’ordre dont parle votre Edgar Poe dans le Colloque entre Monos et Una : “en dépit de la voix haute et salutaire de lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle”

    Stéphane Giocanti avait donc raison, dans sa biographie, de qualifier Edgar Poe de « maître américain de Maurras »[1]. L’auteur du Colloque entre Monos et Una, les bien nommés puisqu’ils illustrent l’unité de l’homme et du monde soumis à la loi de gradation continue des choses et des êtres, restait fidèle à une tradition aristocratique dont le premier modèle, avant Shakespeare et Baudelaire, furent les penseurs grecs.

  • La révolution copernicienne de l'enseignement, par Jean-François Mattéi (IV/V)

     

    2 La rupture du pacte pédagogique

     

            Dès lors que la tâche de l’école est d’accompagner un double processus vital et social, et non de conduire une action intellectuelle qui vise une tout autre fin, c’est-à-dire l’humanisation de l’homme, le « pathos de la nouveauté » que dénonçait Hannah Arendt dans l’éducation contemporaine prend la forme d’une idéologie de la rupture. Elle ne peut plus reconnaître la vérité de ce que Léo Strauss appelait, dans une lignée kantienne, l’éducation libérale : « L’éducation libérale est une éducation qui cultive ou une éducation qui a pour fin la culture. Le produit fini d’une éducation libérale est un être humain cultivé » (9).

            L’idéologie nouvelle, en rompant délibérément avec l’idée de « fin », dénoue par conséquent, l’un après l’autre, les liens qui unissaient l’enfant à l’école en un même pacte pédagogique :

    a. le lien avec l’élève

            L’enfant n’est plus considéré comme un être à « élever » que le maître devrait hausser progressivement vers les connaissances qui l’ouvriront à son humanité. Réduit à un processus social déterminé par des procédures éducatives, il devient un « apprenant » anonyme dont le statut scolaire lui accorde des droits de type démocratique – même si, théoriquement, il demeure mineur – et lui reconnaît les pouvoirs d’un « usager ». Or, éduquer un enfant, c’est l’élever vers l’homme, ou plutôt le hausser vers la véritable idée de l’homme qu’aucun de nous n’atteint jamais : le sens obvie du mot « élève », en français, est suffisamment clair à cet égard.

            On sait qu’à Rome, le père légitimait son enfant le jour du dies lustricus en le soulevant de terre (tollere filium) et en le tenant dans ses bras ; il marquait par ce geste son intention de l’élever pour en faire un homme. Au-delà de cette reconnaissance symbolique, l’éducation est une élévation d’ordre spirituel vers une fin transcendante, et l’accroissement de connaissance trouve son analogie dans l’accroissement de taille qui fera du petit d’homme ce qu’il nomme spontanément une « grande » personne. Enfin, de même que l’enfant devra devenir grand et assumer sa taille, l’élève devra devenir maître de lui-même et assumer ses connaissances aussi bien que ses actes.



    b. le lien avec le maître

            Le magister, celui qui par définition en sait « plus », magis, est sommé de s’effacer devant l’enfant pour ne pas contrarier sa spontanéité dans son « lieu de vie » compris comme un espace de convivialité. Il se contente d’aider l’« apprenant » en tant qu’animateur du « groupe-classe », sans rien lui imposer, et sans nul souci des remarques de Kant : « L’être inculte est grossier, l’indiscipliné est violent. La négligence de la discipline est un mal plus grand que la négligence de la culture » (10). Il en résulte que le devoir d’éducation impose la présence d’un maître qui forme l’être encore inculte. Rousseau soulignait que le maître ne doit pas proposer à l’élève ce qui est pour lui faisable, argument paresseux qui revient à faire ce que l’on a déjà fait et, par conséquent, à soumettre le droit au fait, mais de lui proposer ce qui est bon.
            On ne peut confondre cette adaptation morale avec l’adaptation sociale ; elle témoigne de la perfectibilité de l’homme dont parlait Rousseau, qui inspirera la dignité de l’humanité dont s’inspirait Kant. Dès lors, le devoir d’éducation légitimé par le discours du maître n’est rien d’autre que la découverte de la nature essentielle de l’homme qui doit le porter plus haut que cette nature elle-même. L’éducation est le principe d’identité de l’humanité qui conquiert son autonomie à travers le dépassement de son animalité. Et parce que le concept d’humanité est générique, l’éducation témoigne d’une exigence proprement universelle.




    c. le lien avec le savoir

            La connaissance n’est plus située au centre du système éducatif pour évoquer la relation de l’homme au monde. C’est désormais l’enfant qui est au « centre » de la scène pédagogique. Là, il règne sans partage, en roitelet de fortune, sans conseiller ni maître. On oublie que l’élève n’est qu’un voyageur passager, privé de bagage initial, alors que l’éducation a pour fin de transmettre un ensemble de connaissances et de principes permanents qui adapteront l’élève au monde édifié par la culture. Montaigne disait dans ses Essais ne pas peindre l’être, mais le passage. Mais on ne saurait enseigner un passager sans le support d’un être qui, lui, ne passe pas : l’école.
            C’est là que l’enfant va s’arracher à sa singularité pour découvrir l’universel et obéir au commandement de Rousseau : « Hommes, soyez humains, c’est votre premier devoir. Soyez-le pour tous les états, pour tous les âges, pour tout ce qui n’est pas étranger à l’homme » (11). Par la seule éducation, l’homme, à lui-même sa propre fin, devient ainsi ce qu’il doit être, et trouve dans la maturation du temps le sens d’une existence tendue vers l’achèvement de ce qui restera à jamais inachevé. Il en résulte que c’est bien « l’homme abstrait », pour Rousseau, ou « l’idée de l’humanité », pour Kant, qui, en tant que modèle idéal de la pédagogie, donne à chacun des hommes réels le sentiment de la dignité humaine, laquelle se manifeste dans l’existence par le mouvement éducatif à travers l’histoire.
     




    d. le lien avec la substance de l’enseignement

            Pour satisfaire le besoin transactionnel de la pédagogie, on a remplacé les fins de la connaissance par des procédures centrées sur des objectifs limités. Le learning by doing de Dewey, compris comme learning by living, avait substitué le « faire » à l’« apprendre » pour mieux éviter le learning by thinking.

            Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Dans L’École, mode d’emploi, Philippe Meirieu, directeur de l’Institut National de Recherche Pédagogique en 1998, avançait que ce qui fait « l’efficacité scolaire d’un élève », c’est ce qu’il nommait « sa capacité à stabiliser des procédures dans des processus », expression que l’auteur lui-même trouvait « un peu barbare » (12). Mais l’éducation ne saurait se limiter à des pratiques procédurales ; elle exige des contenus substantiels, c’est-à-dire la visée de fins. Une fin est une idée régulatrice de la raison qui commande l’expérience au lieu de se soumettre à elle. On ne saurait la réduire à un simple objectif, entendons à une réalité limitée qui s’accomplirait en suivant la procédure correcte. Définir l’enseignement par ses objectifs et l’éducation par ses programmes est une attitude pédagogiquement et politiquement correcte, ce n’est pas pour autant une attitude pédagogiquement vraie. La correction est une qualité du comportement qui se ramène aux procédures nécessaires pour résoudre un problème donné ; la vérité n’est pas affaire de procédure, et ne dépend pas d’une adéquation des moyens à un objectif déterminé.
     




    e. le lien avec la fin suprême de l’éducation

            Il s’agit bien de former un homme, et non un individu fonctionnel défini par une série de processus pédagogiques, administratifs ou sociaux. La vérité de la pédagogie, qui tient à la fin qu’elle se propose plus qu’aux moyens qu’elle utilise, ne se réduit pas à ce qui paraît pédagogiquement correct, car la correction n’est en aucun cas la vérité. Kant a suffisamment établi que « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation » car « il n’est rien que ce que l’éducation fait de lui ». Or l’homme, ajoute-t-il, « ne reçoit son éducation que d’autres hommes, éduqués par les mêmes voies » (13), selon un appel vers l’extériorité qui dénonce à l’avance l’indigence du slogan moderne : « l’élève au centre du système éducatif ». Comme l’a souligné Hannah Arendt, en faisant fond sur saint Augustin, l’homme est cet initium qui a été créé pour qu’il commence une action dans le temps en faisant usage de sa volonté. Mais commencer une action, c’est en viser nécessairement le terme et assurer la continuité de la fin et du commencement, ce qui est l’achèvement même de l’éducation. « Avec l’homme créé à l’image de Dieu, est arrivé dans le monde un être qui, du fait qu’il était commencement courant vers une fin, pouvait être doté de capacités de vouloir et de non-vouloir » (14).

            Ces cinq ruptures envers la tradition se ramènent à la thèse absurde d’une éducation concentrée sur l’enfant, et non excentrée sur la connaissance, c’est à- dire à la thèse encore plus absurde d’un enfant qui, pour s’éduquer, devrait se recentrer sur lui-même.

            Pour dissiper cette illusion pédagogiste, il faudrait entreprendre une véritable révolution copernicienne de l’éducation : ce ne sont pas les connaissances objectives qui tournent autour du sujet, mais bien le sujet qui tourne autour des connaissances objectives, lesquelles diffusent alors leurs lumières.
    Bien des pédagogues contemporains se réclament, pour justifier ce prétendu centrage de l’élève sur lui-même, de Rousseau et de Comenius. Mais ils dissimulent soigneusement, chez le premier auteur, l’autorité du maître, incarnée, dans son extériorité absolue, par le pédagogue d’Émile. Certes, la première éducation pour Jean-Jacques doit être purement négative en empêchant le vice et l’erreur de pénétrer dans le coeur et l’esprit de l’enfant. Certes, encore, le maître doit permettre au germe du caractère de l’élève de se montrer en pleine liberté en laissant mûrir l’enfance dans l’enfant.
    Mais devra-t-il laisser aller le mûrissement jusqu’au pourrissement sans jamais lui apporter les soins que l’enfant est incapable d’acquérir seul ?

            Les principes éducatifs comme les expériences que son précepteur impose à Émile
    ne proviennent à aucun moment de l’élève lui-même : ils viennent « de la nature, ou des hommes, ou des choses », c’est-à-dire de « trois sortes de maîtres » (15) étrangers à l’enfant au moment même où il entre en pédagogie. Il en va de l’éducation comme de la vérité. Celle-ci, comme le montre le dialogue entre Socrate et Théétète, ne provient pas du jeune homme ou du maïeuticien qui réussit à l’en délivrer. Le dieu seul en est l’auteur, selon
    Platon, et ce dieu, seul le savoir peut nous orienter vers lui à travers le lent cheminement de la dialectique (16).

     




            Les pédagogues modernes ont, de façon parallèle, occulté les principes pédagogiques fondamentaux de Comenius quand ils prétendaient s’inspirer de lui. Son grand ouvrage, le Labyrinthe du monde et le paradis du coeur, en 1623, établissait que l’homme vit dans le régime de la séparation et de la confusion, sur le mode de l’exil, en ayant perdu tout espoir de retrouver sa ressemblance originelle avec Dieu. Le labyrinthe de l’homme et de l’existence a inversé toutes les perspectives pour aboutir à ce que le philosophe tchèque nommait l’« âme fermée », celle qui a perdu le centrum securitatis, le « centre de la sécurité » qu’est Dieu. L’éducation de Comenius avait alors pour fin, non pas d’instaurer on ne sait quelle égalité sociale, en laissant l’enfant se rapporter à son propre centre sans rien lui imposer, mais de forger cette « âme ouverte » qui est le seul salut de l’homme.

            Éduquer n’est donc pas une fonction sociale, mais bien un devoir sacré qui permet à chaque homme d’accéder par ses efforts à la conjonction de l’humanité, du monde et de Dieu. Il en résulte que l’éducation universelle du penseur tchèque, la Pampedia, était la réalisation des fins dernières qui permet d’élever tous les hommes à l’humanité. Rien ici qui évoque, si peu que ce soit, les libres dispositions d’un sujet dispensé, dans son idiosyncrasie native, de l’ouverture sur l’extériorité naturelle de toute éducation. Pour Comenius, l’enfant à l’origine n’était « rien », sinon « une matière informe et brute » (17)
    qui devra être conduite par le maître vers l’humanité. Tous les hommes avancent ainsi, sous la conduite des autres hommes, pas à pas, gravissant « marche après marche » l’escalier qui permet d’approcher sans jamais pourtant atteindre « l’étape suprême » : l’accession à l’éternité !

            À défaut d’une éternité que la pédagogie moderne a évacuée au profit d’un présent immédiat, l’éducation a pour tâche de permettre à l’homme de s’adapter à la permanence du monde, comme le soulignait Hannah Arendt, et non à la fugacité des élèves ou aux aléas des modes. Elle lui permet ainsi, en sollicitant son esprit critique, de conquérir et d’augmenter son humanité dans la maîtrise des savoirs et des œuvres. Telle est bien, en son sens premier, l’autorité de l’acte éducatifqui a été contestée et mise à mal par des méthodes pédagogiques hors de tout bon sens. L’« auteur », auctor, est étymologiquement celui qui « augmente », qui « pousse à agir » et qui « garantit de son autorité », augere, ceux qui lui sont confiés, lecteurs ou auditeurs.
            La suppression de l’autorit
  • « En Libye le lion est mort et, de partout, les chacals glapissent »...

    libye,otan,khadafi        Lecteur fidèle de notre Blog, Saint Plaix s'est entretenu avec le Prince Sixte Henri de Bourbon Parme sur les récents évènements de Libye, le 23 octobre dernier, et nous communique la teneur des propos du Prince, en réponse à ses questions.

            C'est par la formule que nous avons choisie comme titre de cette note que le Prince a conclu l’entretien, à propos de l’affaire libyenne...

            On n'est bien sûr pas obligé d'approuver tous les propos tenus par le Prince, ni de les faire forcément siens, mais il s'agit là d'un point de vue qu'il est intéressant de connaître, et dont il faut bien admettre qu'il va à contre-courant d'un certain matraquage médiatique qui a, en effet, sévi ces derniers temps....

            Rappelons que le Prince Sixte s'est rendu par deux fois au Rassemblement Royaliste des Baux-de-Provence, et qu'il a également accepté, une autre fois, de présider, et d'animer, un repas de section de la Fédération Royaliste Provençale à Marseille...

    - Mgr, quelle était la raison de votre voyage en Libye au printemps ?

    - S.A.R : « Il était très clair que voir l’OTAN engager nos forces aériennes – puisque grâce à Monsieur Sarkozy nous avons réintégré le commandement unifié de l’OTAN – posait un certain nombre de questions.

    Notamment à quel titre, et sans aucun motif sérieux, pouvait-on, au mépris de toutes les lois internationales, décider un beau matin de bombarder, voire d’envahir, un pays souverain avec lequel la France entretenait des relations diplomatiques depuis des décennies et dont le président avait été il y a encore peu l’hôte de l’Elysée ?

    Je voulais me rendre compte sur le terrain de la réalité de la nature des sentiments du peuple libyen que j’ai trouvé alors très majoritairement uni derrière son chef.

    Je voulais aussi témoigner de ce que le peuple français ne se faisait pas unanimement complice de l’agression militaire sans précédent dont le peuple libyen était la victime  et qu’au-delà de la classe politique, des voix s’élevaient en France contre cette action. »

    - Que pensez-vous du prétexte invoqué par Bernard-Henry Lévy à propos d’un bain de sang à éviter à Benghazi ?

    - S.A.R. : « Que penser d’un philosophe de comptoir dont le plus bel exploit littéraire à ce jour a consisté à donner dans le panneau du canular burlesque de l’affaire Botul ? BHL n’est rien moins qu’un agent sioniste qui utilise une notoriété littéraire bien usurpée pour jouer un rôle dans le monde sociopolitique français.

    Il est clair que la rébellion de Benghazi n’est pas née du hasard : un certain nombre de gens déterminés, soutenus notamment par Israël, puis par les Etats- Unis, sont entrés en dissidence face au pouvoir central libyen.

    On a aussitôt vu toutes nos bonnes consciences, à commencer par BHL, se précipiter au chevet de cette poignée de rebelles, clamer que la répression serait terrible et qu’il fallait les soutenir pour éviter précisément un bain de sang. Où a-t-on vu dans l’Histoire récente une ingérence de la sorte dans les affaires intérieures d’un état souverain qui fait face à un soulèvement local ? Ce qui est stupéfiant, c’est que la Ligue Arabe a fini par donner son accord et que l’OTAN se soit jetée avec enthousiasme dans cette opération de soutien à des rebelles, devant l’indifférence totale des peuples européens concernés : songez qu’il n’y a eu, en France, aucune déclaration de réprobation d’un quelconque leader politique, aucune  manifestation d‘envergure pour réprouver le début des bombardements de Tripoli et que lorsqu’enfin l’affaire libyenne est arrivée devant le Parlement, il ne s’est trouvé que 27 députés pour voter contre !

    Mais la responsabilité arabe est considérable, car jamais l’OTAN n’aurait osé se lancer dans l’aventure sans le soutien avéré de la Ligue Arabe. »

    - Croyez-vous à l’influence d’Israël dans cette affaire ?

    - S.A.R. : « Il suffit de voir qui sont les acteurs européens et non européens qui ont entraîné le monde occidental dans cette opération : tous sont des sionistes de cœur, qu’ils soient juifs eux mêmes ou sympathisants.

    Il faut bien voir que cette affaire de destruction programmée de la Lybie – car il n’y a pas d’autres mots pour décrire l’ampleur des bombardements effectués et des destructions civiles constatées – s’inscrit dans un mouvement géopolitique beaucoup plus vaste de déstabilisation de l’ensemble des pays du Moyen Orient, déstabilisation qui vise à une balkanisation de ces états au seul profit d’Israël. Elle touche déjà, après l’Irak et aujourd’hui la Libye, le Soudan et l’Egypte, en attendant la Syrie et le Yémen, sans parler de menées insurrectionnelles périodiquement fomentées au Maghreb et en Iran.

    C’est Garaudy qui, dans deux de ses livres, avait évoqué ce projet sioniste de balkanisation rédigé dans la revue de stratégie sioniste Kivounim dès 1982 : un article dont il a reproduit la traduction et l’original hébreu.

    J’y ai  relevé cette phrase des plus significatives, qui fait suite, avant l’évocation du sort du Liban et l’Irak, à la description de la « dislocation de l’Egypte » : « Une fois l’Egypte ainsi disloquée et privée de pouvoir central, des pays comme la Lybie et le Soudan, et d’autres plus éloignés connaîtrons la même dissolution. » (sic !)

    Je crois qu’il n’y a rien à ajouter ! « Dislocation », « dissolution », on n’est pas plus clair !

    S’il en était besoin, l’annonce officielle faite par le Conseil National de Transition de l’octroi d’une base militaire aérienne à Israël dans l’ouest du pays, lèvera le doute dans les esprits les plus sceptiques...

    Et une telle modification de l’équilibre de l’implantation des forces militaires en méditerranée constitue une menace extrêmement grave aujourd’hui  tant pour le Maghreb que pour toute l’Europe de l’Ouest... »

    - Puisque qu’à travers ce plan de stratégie sioniste vous avez évoqué le sort de l’Egypte, que penser des affrontements actuels entre coptes et musulmans ?

    - S.A.R. : « Nous sortons évidemment là de la question de la Libye. Il est clair que ces affrontements ethno-religieux en Egypte s’inscrivent clairement dans le processus de dissolution égyptien  que je viens d’évoquer : la stratégie sioniste prévoit une partition de l’Egypte avec création d’un état copte au sud et une mosaïque d’entités confessionnelles musulmanes diverses en Basse Egypte. Les affrontements religieux  actuels sont tout à fait de nature à conforter ce processus et je crains que cela ne se reproduise durablement...

    Comme on l’a déjà vu au Liban et en Irak,  les chrétiens au Moyen Orient sont partout les premiers à faire les frais de la nouvelle stratégie géopolitique de déstabilisation ! A chacun d’en tirer ses conclusions... »

    - Pour en revenir à la Libye, connaissant votre attachement pour l’Espagne, ne voyez-vous pas un certain rapport des situations ?

    S.A.R. : « Je vois ou vous voulez en venir, non sans malice ! Il est certain que le parallèle est très tentant !

    Il ya des anniversaires qui ne peuvent être des coïncidences : les premières frappes aériennes sur la Libye ont été effectuées 48 heures avant l’anniversaire du bombardement de Guernica ! Quel symbole !

    Ajoutons que ce bombardement de Guernica avait été décidé par les autorités allemandes deux jours plus tôt pour aider la dissidence franquiste ! Autrement dit, le bombardement de la Libye est à la bonne date !

    Il est intéressant de voir que la situation est exactement la même : l’appui aérien d’un pays étranger à des forces dites rebelles au pouvoir en place !...

    Mais, dans un cas, toutes les bonnes consciences ont fait assaut d’indignation, alors que dans l’autre, les mêmes viennent toutes d’applaudir... Etrange conception à géométrie variable de la morale politique comme de la conscience dite démocratique...

    Mais il faut limiter là la comparaison : la destruction de Guernica a été reconnue  avoir été très exagérée par la propagande républicaine communiste, et cela n’a eu finalement que peu de conséquences sur le déroulement de la guerre civile espagnole. Ce bombardement n’a d’ailleurs duré que quelques heures...Rien à voir avec la destruction quasi complète des infrastructures libyennes par l’OTAN aujourd’hui après des mois de bombardements...Mais l’Europe va pouvoir les reconstruire en se finançant sur le pétrole libyen !

    Il n’y a pas eu de Brigades Internationales en Libye, seulement des « agents infiltrés »...Rien de comparable.

    Mais on peut craindre aujourd’hui en Libye des représailles et des règlements de comptes effroyables qui rappelleront les exactions sanglantes des républicains espagnols et qui auront d’autant plus d’ampleur que les médias occidentaux s’abstiendront bien évidemment d’en rendre compte : les contestables vainqueurs d’aujourd’hui, portés par l’OTAN, doivent paraître et demeurer sans tache ! »

    - On  a annoncé hier la mort de Kadhafi, que cela vous évoque- t -il ?

    - S.A.R. : « Je suis atterré et indigné ! Il ne s’agit pas de parer Kadhafi de toutes les vertus mais il faut bien admettre qu’il n’était pas le nouvel « ennemi public numéro un » qu’une propagande malsaine nous laisse supposer ! Il y a eu autant de mensonges autour de Kadhafi qu’autour de Saddam Hussein...

    Les atlanto-sionistes, sans doute pour se donner bonne conscience, ont besoin de fabriquer des mythes pour justifier leurs exactions. On l’a vu en Irak avec les fameuses armes de « destruction massive »...

    La Libye était un pays riche de son pétrole dont le Raïs faisait profiter tout le monde : écoles et hôpitaux gratuits, nombreuses infrastructures populaires, etc.

    C’était un pays stable, non aligné dans sa politique étrangère, et qui n’avait pas de dette extérieure...

    Une aubaine pour les décideurs de la haute finance internationale qui a vu là un gâteau très juteux jusque là encore inaccessible !

    On ne s’étonnera pas dès lors que Kadhafi ait qualifié les rebelles et surtout leurs soutiens de « rats » !

    Kadhafi avait financé beaucoup d’hommes politiques en Occident, notamment en France, et l’obsession d’aujourd’hui de vouloir faire juger les chefs d’état pour « crimes contre l’humanité » risquait de conduire Kadhafi à disposer d’une tribune d’où il n’aurait pas manqué de dévoiler des choses des plus compromettantes, notamment à six mois des élections présidentielles françaises : sa mort rassure donc tout le monde !

    Ce lynchage est particulièrement ignoble, tout comme l’assassinat de son fils Mouatassim qui l’accompagnait...mais il pouvait s’avérer être aussi un témoin dangereux. Tous les membres de la famille Kadhafi - du moins ceux qui n’ont pas encore été assassinés - sont aujourd’hui menacés.

    On peut s’étonner de voir les chacals occidentaux revendiquer aujourd’hui leur part à l’estocade, tels ces officiels français qui insistent pour « revendiquer l’exploit » et souligner qu’il y avait bien « un avion français parmi l’escadrille de l’OTAN qui a anéanti le convoi qui abritait Kadhafi ».

    On dépasse là les limites de l’abjection !

    Mais c’est sans doute l’évolution morale que souhaite pour notre pays Bernard Kouchner, l’inventeur du « Droit d’ingérence », ce qui risque de nous entraîner encore bien au delà : ne voit-on pas aujourd’hui le sénateur américain Mc Cain déclarer que depuis la mort de Kadhafi, les dictateurs du monde entier se trouvent aujourd’hui menacés, et de souligner :

    « Nous croyons ferment que le peuple libyen aujourd’hui est un modèle pour ceux de Téhéran, Damas, et même Pékin ou Moscou...Les libyens inspirent le monde et démontrent que l’on peut renverser les dictateurs et les remplacer par la liberté et la démocratie. »

    Damas, Moscou, Pékin ! Si cela ne s’appelle pas un appel à l’insurrection internationale !

    Aujourd’hui  c’est donc l’ensemble du monde qui trouve sa stabilité menacée au mépris du respect des juridictions nationales, au nom de l’appréciation de valeurs des plus contestables brandies par le plus petit nombre qui les utilise à son seul profit !

    Un risque bien réel de guerre mondiale donc, et l’on sait que les conflits sont toujours les bien venus dans les périodes de récession économique !

    En Lybie le lion est mort et, de partout, les chacals glapissent...

  • Le Prince Jean en Provence (2/3) : avec Henri de Lumley, de Tautavel à la Vallée des Merveilles....

               Ou : De l'énergie de l'avenir aux origines de l'Homme....

               Au coeur de cet été 2006, le déplacement du Prince Jean en Provence et dans le pays niçois a été dominé par les préoccupations scientifiques, en remontant de l'exploration de la matière à la paléontologie...

               Le vendredi 21 juillet, au matin, le Prince s’est rendu au centre de Cadarache du Commissariat à l'énergie atomique, dont les responsables lui ont présenté le projet international ITER, futur laboratoire de fusion thermonucléaire, appelé à révolutionner l’approvisionnement énergétique de l’avenir.

               Puis, l’après-midi, le prince est passé directement des sciences du futur à celles de nos origines : paléontologie, anthropologie et sciences annexes. Il a été accueilli par le professeur Henry de Lumley au Laboratoire départemental de préhistoire du Lazaret, près de Nice et a visité le chantier de fouilles préhistoriques, se faisant expliquer les techniques propres à cette recherche.

               Et le lendemain matin, samedi 22 juillet, avec ses accompagnateurs et un groupe d’étudiants, le prince Jean est monté au-dessus de Tende à 2000 m d’altitude. De là a débuté une visite sur les sites de gravures rupestres de l’âge du cuivre et de l’âge du bronze ancien du Mont Bégo et les roches gravées de la Vallée des Merveilles.

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    Vallée des merveilles, le Sorcier

               I ) : Visites..... :

               Après avoir vu à Cadarache préparer l’énergie des siècles à venir, le prince Jean a été invité par le professeur Henry de Lumley à faire un bond en arrière de quelques milliers de siècles pour méditer sur ce que nous savons des origines de l’homme. La science actuelle nous dit qu’il est apparu en Afrique il y a 2,5 millions d’années, les premiers Européens ne remontant… qu’à environ 450 000 ans : le prince Jean était allé à leur rencontre un an plus tôt, en juillet 2005, en rendant visite à l’homme de Tautavel, dans le Roussillon, déjà guidé par le Pr de Lumley.

    HENRI DE LUMLEY.jpg

     

               Pendant les deux journées du 21 et du 22 juillet 2006, il s’est rendu dans deux sites archéologiques exceptionnels, la grotte du Lazaret près de Nice, et la Vallée des Merveilles, au-dessus de Tende, dans le Mercantour.

               La grotte du Lazaret, découverte sur les flancs du mont Boron au XIXe siècle, a bénéficié à partir de 1967 de la présence du Pr de Lumley qui y a engagé une étude systématique 

     

              http://www.prehistoirepaca.com/guide.asp?id_guide=9

     

             Celle-ci n’a, depuis, jamais cessé. Sur une profondeur de 8 mètres, les niveaux stratigraphiques ont révélé des séquences de présence humaine allant de 170 000 à 130 000 ans av. J.C. Il s’agit souvent d’éclats de galets retouchés pour en faire des "racloirs". Des vestiges humains, des dents notamment, ont aussi été recueillis. Les fossiles, les restes fauniques, herbivores ou carnivores, sont eux aussi impressionnants : les plus anciens datent de 500 000 ans.

                Le lendemain, samedi 22 juillet, le prince, ses accompagnateurs et toute une équipe de jeunes étudiants montèrent jusqu’au pied du Mont Bego, au-dessus de Tende, à 2000 m d’altitude, pour se rendre à la Vallée des Merveilles. Ces "merveilles" sont des gravures rupestres extérieures, exécutées sur des affleurements rocheux ou sur des blocs "erratiques". On en a répertorié plus de 30 000. Dues aux hommes des âges du cuivre et du bronze ancien (2500 à 1500 av.J.C.), elles sont contemporaines des alphabets sumérien ou égyptien. Signalées dès le XVe siècle, étudiées depuis la fin du XVIIIe, elles ont fait l’objet d’une recherche approfondie par les équipes du Pr de Lumley.

     

               http://www.tendemerveilles.com/Infos-touristiques/VDM.html

     

               On y observe des figures récurrentes : dessins géométriques (spirales, surfaces réticulées,…), armes (poignards, haches, hallebardes…), paires de cornes, représentations animales (le taureau) et humaines… Le plus surprenant est que, loin d’être placées au hasard, elles le sont selon des combinaisons repérables, formant non une écriture, mais une proto-écriture : le Pr de Lumley parle d’un langage symbolique inscrit dans la pierre. Selon toute probabilité, le mont Bego était alors une montagne sacrée, un sanctuaire à ciel ouvert, le "Bego" (taureau) étant le dieu de la pluie dont le sacrifice permettait de fertiliser la déesse Terre. L’appel religieux né au cœur de l’homme apparaissait déjà comme une réponse au besoin de vivre. A ce thème Henry de Lumley a consacré un livre, Le Grandiose et le Sacré (éd. Edisud), qu'il offrit au prince Jean.

                Cette randonnée s’acheva à Tende, au Musée départemental des Merveilles, où le Prince fut reçu par M. José Balarello, sénateur des Alpes-Maritimes : ce musée, en tous points passionnant, permet de se faire une claire synthèse des découvertes faites à la Vallée des Merveilles et des questions qu’elles posent à l’homme d’aujourd’hui

     

                http://www.cg06.fr/w_musee_merveilles/

     

                II ) : Le discours du Prince... (ci dessous s'exprimant à Tautavel, lors de la première "journée" organisée pour lui par les de Lumley)      

    PRINCE JEAN AVEC LUMLEY.jpg

               Le soir de ce vendredi 21 juillet, après avoir visité le matin même le centre de Cadarache du CEA avec le projet ITER, et à l’issue de sa visite à la grotte du Lazaret, alors que l’attendait, le lendemain, sa « randonnée » à la Vallée des Merveilles, le prince Jean a présidé un dîner organisé par M. et Mme de Lumley à la Maison du Séminaire de Nice : de nombreux convives étaient réunis autour du Dr Alain Frère, vice-président du Conseil général, de M. José Balarello, sénateur des Alpes-Maritimes et M. Jean-Pierre Vassalo, maire de Tende.

               Au début du repas, le Prince a pris la parole. Dans son discours, il a voulu montrer la confiance déterminée qu’il porte à la science dès lors qu’elle reconnaît ses limites, qu’elle respecte le registre qui est le sien qui n’est autre que le service de l’homme et de la vie. Les questions soulevées par l’énergie thermonucléaire de demain comme celles posées par les progrès de la connaissance qu’à l’homme de ses origines doivent être mesurées à cette aune, et affrontées avec confiance, ouverture d’esprit et lucidité.

     

    Extraits.....

     

               "....Je ne me trompe pas en disant, sans aucune présomption de ma part, que vous venez rencontrer le Prince français que je suis, l’héritier de la dynastie nationale qui a porté pendant mille ans la destinée de la France. Vous voulez me connaître, ou me connaître mieux, et rien n’est plus normal. Et moi aussi, de mon côté, je veux vous connaître, mieux vous connaître, et c’est normal pareillement....

     

               Il n’est de véritable légitimité que dans le service. Si je n’étais pas présent activement, que vaudrait le principe que je représente ? Mais je viens à votre rencontre, vous venez à la mienne, et tout à coup apparaît en nous une force morale nouvelle, un accord profond qui existe par lui-même, au-delà de tous les clivages politiques et sociaux, et qui ne tient qu’à une idée simple, claire, puissante et suffisante : servir.....

     

               En revanche, il est indispensable que je m’intéresse à toutes les grandes questions qui touchent de près notre société. Et vous savez que c’est la raison d’être des voyages que j’entreprends depuis quelques années, et des activités qui y sont liées.

     

               Voyages en France, voyages à l’étranger. Mon but ? Voir par moi-même. C’est ainsi que j’ai visité quelques-uns des centres de recherche les plus performants dans les domaines le plus variés, des usines de haute technologie, de grandes entreprises industrielles et commerciales, comme aussi des entreprises familiales dont l’activité fait la force fondamentale de notre pays....

     

               Quant aux voyages à l’étranger, je les effectue dans le même esprit de service, de représentation aussi d’une certaine conception de la France historique, dans le cadre de la francophonie. Je suis allé plusieurs fois et encore récemment au Liban où je compte tant d’amis, ce cher Liban encore aujourd’hui frappé sans que la communauté internationale y puisse grand chose. La Méditerranée devrait être une mer pacifique, reliant des pays aux intérêts convergents. La guerre est due à des causes étrangères. Pour ma part, dans mes déplacements, j’ai toujours compris et senti que sur les questions de fond, il était possible de concevoir des accords véritables. Cela m’est apparu quand je suis allé au Maroc où j’ai été reçu par le Roi, en Tunisie où le Ministre de la Culture a organisé à mon intention un voyage officiel. Et, pareillement, j’ai été admirablement reçu en Louisiane et au Québec....

     

               Ce soir, me voici donc à Nice. Je le dois, cette fois-ci, à l’amitié de Monsieur et de Madame de Lumley. Grâce à eux, déjà, le 30 juin dernier, a pu se tenir, dans le grand amphithéâtre du Muséum d’Histoire Naturelle, une soirée de conférences intitulée « Regards vers les pôles ». Elle a réuni le Professeur Malaurie, l’ethnologue réputé de l’Arctique, le Professeur Lorius, climatologue bien connu et spécialiste des pôles, et moi-même qui présentais, à cette occasion, mon dernier voyage en Arctique, sur les traces de Philippe VIII d’Orléans, qui fut un grand explorateur. Cette réunion, d’ailleurs, avait été précédée d’une visite, avec le directeur du Muséum, de la fameuse Grande Galerie de l’Évolution où se trouvent encore de nombreux spécimens des collections d’animaux du duc d’Orléans.

     

               Le Professeur Henry de Lumley, qui avait organisé l’an passé, aux mêmes dates, un voyage scientifique sur le site préhistorique de Tautavel du plus grand intérêt, a voulu cette année organiser à mon intention un voyage de même qualité. Ce matin, nous étions dans les sciences de l’avenir : nous avons été reçus par le Haut Commissaire à l’Énergie Atomique au centre de Cadarache, pour une visite approfondie des laboratoires où se préparent les expérimentations qui permettront la construction des réacteurs de nouvelle génération, plus sûrs, plus économes, plus écologiques. Œuvre formidable, à dimension européenne et même mondiale, où la France tient une place prépondérante et tout à fait remarquable. Dans ce cadre m’a été présenté le futur programme ITER pour la réalisation duquel, vous le savez, la France a été choisie pour les raisons les plus pertinentes. Oui, la France peut être fière de ses savants, de ses ingénieurs, de ses techniciens.

     

               Après cette visite sur les sciences de « l’avenir », à partir d’aujourd’hui et demain toute la journée, le Professeur et Madame de Lumley me présentent les sciences de nos « origines », paléontologie, anthropologie, et toutes les sciences et techniques annexes. Cet après-midi, j’ai visité le Laboratoire départemental de préhistoire du Lazaret et le chantier de fouilles préhistoriques, et, demain, nous irons voir sur place les gravures rupestres de l’âge du cuivre et de l’âge du bronze ancien du Mont Bego, les roches gravées de la Vallée des Merveilles....

     

               Il n’est pas douteux que ce qui caractérise l’homme, c’est sa capacité à s’émerveiller, à transcrire son émerveillement, à le communiquer. Dès que l’homme a assuré ses ressources et sa défense face à un environnement difficile, voire hostile, dans la mesure où il se pense comme homme, il s’émerveille de la nature, de l’ordre naturel, de la régularité des choses, de leur beauté, de leur utilité, puis il s’émerveille de lui-même, de sa singularité dans l’univers, et il commence à nommer, à décrire, à écrire, de manière symbolique d’abord, puis de manière de plus en plus rationnelle. La culture, la religion, la poésie sont là, comme le sentiment de la vie et de la mort, comme le sentiment de l’amour et de l’amitié. Telle est l’humanité. Le pourtour méditerranéen a été un lieu privilégié d’éclosion de cette humanité.

     

               Cette méditation nous est nécessaire aujourd’hui. Le progrès ne saurait se faire en rupture avec cette culture humaine qui a donné naissance à la civilisation. Les sciences de « l’avenir » trouvent ainsi une sorte de règle supérieure dans la leçon des sciences de « notre passé », dans les sciences de l’homme tout simplement. Il me semble qu’un Prince chrétien et français, qui est d’abord et fondamentalement un héritier, tout en étant un homme de l’avenir, ne peut qu’être attaché à ces hautes conceptions qui sont la meilleure garantie de la continuité historique d’une civilisation riche tout autant de son prestigieux passé que de ses promesses d’avenir.

     

  • ”Anges et démons”: Où sont, qui sont les vrais illuminés ?... (2/2).

                  Et, puisque l’on a parlé de Galilée, faisons d'une pierre deux coups : profitons-en pour communiquer à ceux qui ne l'auraient pas lu l’excellente note qu’a proposée Patrice de Plunkett le 30 avril sur son blog (toujours aussi intéressant)

                  http://plunkett.hautetfort.com/            

                  Il s'agit d'une bonne et solide mise au point qui, à n'en pas douter, est à mettre entre toutes les mains, et à diffuser au maximum. Nous pensons donc qu'il ne nous en voudra pas si, une fois de plus, nous pillons son blog : c’est pour la bonne cause !... 

                 L’affaire Galilée (1633) fut sans aucun doute une lourde gaffe romaine.  Le savant fut « sacrifié » par l’érudit Urbain VIII, son ami et protecteur, pour des raisons politiques : le pape croyait ainsi donner le change à l’Espagne et à l’Empire, qui le menaçaient sous un prétexte religieux dans une Europe à feu et à sang. Calcul à court terme, avec de redoutables conséquences intellectuelles et morales à long terme ! Cette énorme bourde a gravement nui à l’Eglise, et lui nuit encore – bien que la mise à l’Index ait été levée en 1664, que Galilée lui-même ait été réhabilité en 1784 par Clément XII, que les papes modernes lui aient rendu hommage, et que le concile Vatican II ait fait écho à sa pensée sur les rapports entre science et religion.            

                -Néanmoins, si l’on étudie de près l’affaire, on constate qu’elle ne correspond pas à la légende noire fabriquée au XIXe siècle par les polémistes anticléricaux. Le procès de 1633 ne fut pas l’aboutissement logique de l’attitude d’une Eglise catholique « hostile à la science ».           

                Le procès fait à Galilée contredit l’attitude que l’Eglise avait manifestée jusque là. Rappelons que :           

                - le chanoine-astronome Copernic, mort en 1543, ne fut jamais inquiété ni même contredit par l’Eglise. Au contraire : le pape Paul III avait lu avec intérêt le De revolutionibus orbium coelestium, que le savant lui avait envoyé avec une dédicace affirmant nettement que la terre tournait autour du Soleil. (Les seuls à attaquer Copernic furent Luther, Calvin et Melanchton).            

                - Certains théologiens renâclaient devant la révolution copernicienne, mais ni plus ni moins que l’ensemble du microcosme intellectuel de l’époque : en effet cette révolution posait un sérieux problème à la pensée humaine, structurée autour du  système de Ptolémée (géocentriste) depuis quinze siècles. Renoncer à une fausse évidence  - la Terre centre du monde - allait être un processus lent et difficile. Certains intellectuels, rendus agressifs par ce qu’ils considéraient comme une menace pour leur pouvoir, allaient entreprendre de persuader les tribunaux d’Eglise que le système de Copernic contredisait la Bible.            

                - Pourtant, durant les soixante années qui suivirent la mort de Copernic, le Saint-Siège n’accepta d’ouvrir aucun procès théologique contre son œuvre. Mieux : en 1582, le pape Grégoire XIII utilisa des éléments coperniciens dans sa grande réforme du calendrier.            

                -  Le souci de Rome était d’empêcher les universitaires traditionnels, crispés sur Aristote et le géocentrisme, de déclencher une bataille supplémentaire dans le milieu intellectuel alors que l’Europe était ravagée par la guerre entre princes protestants et catholiques.            

               - En 1589, à Rome, le cardinal jésuite Bellarmin (un des meilleurs intellectuels de l’époque) proposa, pour protéger la pensée copernicienne, de ne la considérer que comme une hypothèse : on dirait aujourd’hui un « modèle ».           

               - Survient en 1590 Galilée, mathématicien et physicien, aussi catholique que l’était Copernic. C’est le protégé des scientifiques jésuites : Christophe Clavius, Paolo Valla. C'est aussi un polémiste enragé. Dès 1604 il se pose en ennemi d’Aristote, donc de l’establishment universitaire. En 1609, il se fait astronome grâce à la construction du premier télescope. Ses observations, qui réfutent l’astronomie antique et vont dans le sens du système copernicien, sont appuyées par les astronomes jésuites, tels Muzio Vitelleschi, et par les cardinaux romains qui président à la jeune académie scientifique et humaniste des Lincei. (Académie que Dan Brown, dans Anges & démons, a le front de présenter comme une société secrète anticatholique).            

               - Bientôt triomphant et adulé, Galilée suscite les jalousies universitaires. Il leur riposte par des pamphlets : brillants, drôles, d'une rare cruauté. Les jaloux blessés l’attaquent alors sur le terrain religieux. Deux dénonciations échouent en 1615 : l’Inquisition romaine les déboute, jugeant que Galilée n’a rien d’hérétique.            

              - En 1616, les ennemis de Galilée trouvent un biais : ils parviennent à faire  juger  « contraires à la Bible »  deux des idées coperniciennes. Le De revolutionibus de Copernic, quoiqu’apprécié par des papes et des cardinaux, est mis à l’Index « jusqu’à ce qu’il soit corrigé ».  Le véritable objectif des jaloux est de faire taire Galilée, notoirement partisan du système de Copernic…             

               - Mais le cardinal Bellarmin protège Galilée : il lui demande de considérer le système copernicien comme une simple hypothèse tant que ce système n’aura pas été prouvé. (C'est ni plus ni moins la méthode moderne en recherche scientifique !). Galilée s’y engage : la méthode Bellarmin lui permettra, s’il la suit, de continuer ses recherches à l’abri de la polémique. Le souci de Rome est toujours d’étouffer cette polémique, pour ne pas ajouter une crise intellectuelle aux convulsions politico-militaires qui ravagent l’Europe.            

               - Hélas Galilée a deux défauts : il ne peut se retenir de polémiquer, et il est impatient. Sur le plan scientifique, il affirme avec des preuves insuffisantes. Il lui arrive même (comme  à tous les chercheurs) de se tromper sur certains points : par exemple sur les comètes et les marées. Et il défend ces erreurs avec tant de férocité qu’il se fâche avec ses plus vieux amis : les scientifiques jésuites du Collège romain, tel l’astronome Orazio Grassi... alors que dans la querelle des comètes, c’est Grassi qui a raison contre Galilée.             

                Ces défauts de Galilée ouvrent un boulevard à ses ennemis.             

                - En 1623, un autre vieil ami de Galilée, le cardinal Barberini, ami des Lincei, devient le pape Urbain VIII. En 1624, Galilée lui fait part de son intention d’écrire un ouvrage comparant "les divers systèmes du monde" (Ptolémée, Copernic et Kepler). Le pape acquiesce, à condition que Galilée les traite tous comme des hypothèses. Galilée s’y engage.           

                -  En 1628, il soumet son texte au dominicain Riccardi (Inquisition romaine) qui est lui aussi un ami. Riccardi ne lui demande que des modifications de détail, et la promesse de faire imprimer le livre à Rome. Urbain VIII demande l’ajout d’une conclusion pieuse, simple habillage qui ne change rien au contenu scientifique. Galilée accepte.           

                - En 1631, Galilée montre la nouvelle version à Riccardi et obtient l’imprimatur. Urbain VIII le bénit.            

                -  Mais ensuite, Galilée fait le contraire de ce qu’il avait promis. Il imprime le livre à Florence, non à Rome. Ce qui lui permet d’y faire des ajouts contraires aux accords : 1. un nouveau titre, réduisant le sujet au duel Copernic-Ptolémée (ce qui rallume la polémique, contrairement à ce que Galilée avait juré au pape) ; 2. une façon injurieuse de présenter la conclusion demandée - dans  l'intérêt du livre - par Urbain VIII. Du coup, le livre (qui a eu l'imprimatur !) prend l'air d'une provocation. Il paraît en 1632.           

                -  Urbain VIII se fâche. Il juge que Galilée a trahi sa confiance. On en profite pour faire croire au pape que Galilée avait signé en 1616 l’engagement de ne plus parler du tout de Copernic… Urbain VIII crie alors à la double trahison. On en profite aussi pour relancer l’idée que Galilée est un crypto-hérétique, passible des tribunaux. La machine judiciaire va pouvoir se mettre en marche.           

                -  Mais la colère du pape est à moitié feinte. S’il décide de frapper Galilée, c’est surtout pour « l’effet d’annonce », comme on dirait aujourd’hui. Et c’est politique…           

                En effet, les deux superpuissances catholiques de l’époque, l’Espagne et l’Empire, sont en guerre contre les puissances protestantes : princes allemands et roi de Suède, soutenus en coulisses par la France de Richelieu. Urbain VIII, francophile, passe pour complice de Richelieu. L’Espagne et l’Empire menacent donc Rome. Puissances jouant sur le catholicisme, leur arme idéologique est la « défense de la foi ». Pour obliger le pape (politiquement) à rompre avec la France, elles l’accusent (religieusement) de mollesse envers l’hérésie protestante : prétexte qui pourrait mener à un nouveau sac de Rome par l’armée impériale, comme en 1527. Déjà les cardinaux pro-espagnols (Borgia, Ludovisi) demandent la déposition d’Urbain VIII. Il y a même des rumeurs de complot d’empoisonnement. Pour se défendre de cette menace, le pape veut réfuter l’accusation de mollesse en faisant un coup d’éclat : obliger une célébrité à se démarquer de toute hérésie, sous les yeux de l’Europe. Galilée tombe à pic, avec sa provocation gratuite envers ses vieux amis...            

                - Urbain VIII lance la procédure en 1633. Il cadre  l’opération de très près, pour lui faire produire l’effet politique attendu mais sans être trop dur envers le septuagénaire Galilée. L’instruction, confiée à un neveu du pape, limite le chef d’accusation : ainsi l’Inquisition ne pourra aller trop loin. Puis le procès est expédié en deux audiences. Il est purement formel. Aucun débat d’idées. Après une conversation off  avec le commissaire général Maculano, Galilée accepte de faire ce qu’Urbain VIII attend de lui. Le 22 juin, on lui inflige une assignation à résidence perpétuelle et il signe une abjuration. Cette repentance est censée réprouver tout ce qui, dans l’acharnement de Galilée en faveur du système de Copernic, pourrait, de près ou de loin, avoir des résonances hérétiques…            

                - Après quoi Urbain VIII envoie copie du document, non aux évêques de la chrétienté, mais… aux souverains et principaux ministres de toute l’Europe. Ce qui montre dans quel esprit a été menée l’affaire.            

                 -  Galilée vivra encore neuf ans, dans le confort de la villa Médicis, puis du palais archiépiscopal de Sienne, puis de sa propre villa florentine : recevant ses élèves, et écrivant ce qui sera en réalité son livre scientifique principal (un ouvrage de physique : Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles touchant la mécanique et les mouvements locaux).             

                Il faut rappeler tout cela, parce que ce n'est pas enseigné - et parce que notre époque imagine tout autre chose.  Ainsi à propos du film Galilée ou l’amour de Dieu,  diffusé le 7 janvier 2006 par FR3. Réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, ce film voulait « corriger les images d’Epinal que l’on peut avoir sur Galilée ». Le téléspectateur, s’il était vraiment attentif au dialogue, apprenait que Galilée ne fut pas le héros de "la Science contre la Foi",  qu’il était profondément catholique, que la haute Eglise l’avait longtemps soutenu, et que la politique fut la cause secrète du procès de 1633.           

                 Mais les journaux de télévision avaient préparé le public à comprendre l'inverse : selon Le Nouvel Obs télé-ciné-radio (7-13 janvier), par exemple, ce film  était « une formidable leçon d’histoire sur le pouvoir absolu que l’Eglise a fait peser pendant des siècles sur l’Etat et la science ».  Pourtant les faits historiques réels de l’affaire Galilée nous montrent le contraire : une Eglise très nuancée sur les questions scientifiques, et finissant par commettre la bourde de 1633… sous la pression politique des Etats !           

                Par ailleurs, le film (superbe) présentait le même défaut que  La Controverse de Valladolid : il remplaçait souvent les faits par du roman. Les vraies raisons de la brouille entre Galilée et les jésuites n'étaient pas indiquées. Les débats scientifiques et intellectuels que montrait le film n’eurent jamais eu lieu au procès, qui ne fut qu’un faux-semblant expéditif : une opération politique…  Et malgré le talent des auteurs, malgré la volonté de « corriger les images d’Epinal », le film donnait tout de même l’impression que la religion catholique était en soi l’ennemie de la science. Ce qui est historiquement faux, même si 1633 reste une tache politique sur le passé de l’Eglise

  • Autour du prince Jean ! : A mi parcours, faisons une pause à Versailles, où les deux branches de la famille des Bourbons

    Copie de Timbre bis RVB.png            Nous voici arrivés au terme de la première étape de notre préparation à la Fête de Senlis et de Chantilly. Nous donnerons, lundi, le programme de la deuxième étape, qui sera différente mais complémentaire de la première. Mais il n'est peut-être pas inutile de s'arrêter un moment, à ce stade de notre préparation, et de récapituler notre démarche déjà effectuée, avant de préciser celle qui va l'être.

                Depuis le 2 mars, la première question à laquelle nous avons essayé de répondre a été celle-ci : Pourquoi s’intéresser et croire en cette famille, et pas en une autre ? Pourquoi Jean et pas X, Y ou Z ? Et nous avons vu qu'on ne peut répondre à cette question qu’en remontant aux racines, à la source : nous ne sommes pas comme ces révolutionnaires qui veulent du passé faire table rase, mais bien au contraire, pour nous, la France ne peut se concevoir et se comprendre sans ses racines, fussent-elles lointaines. Pas plus qu’une maison n’existe sans ses fondations, par définition invisibles, mais qui sont pourtant la base et la condition de tout l’ouvrage.

                 Et c’est, fort logiquement, dans notre Histoire que nous avons découvert les sources de la légitimité de la Famille de France…; et, comme le disait Chateaubriand, "la necessité de se rallier à nos princes légitimes, pour le bonheur de la France et celui de l'Europe". 

                Ensuite, nous nous sommes rendus à Senlis puis à Chantilly. Et nous avons essayé d’expliquer et de montrer en quoi ces deux lieux sont hautement symboliques, d’un point de vue historique et politique, mais aussi comment ils renferment des trésors d’Art et de Culture qui font honneur au nom français. Les divers membres de la famille royale y sont évidemment pour quelque chose, illustrant par là que cette monarchie pour laquelle nous luttons est bien plus qu’une simple forme, une simple technique de gouvernement : elle s’est toujours fixé comme objectif de mener une authentique politique de civilisation, c’est-à-dire de guider le peuple à travers ses élites vers la Beauté. Le roi n'est pas seulement là pour gérer et administrer des populations, il est là aussi, il est là surtout, pour guider ce peuple vers le Vrai, le Beau et le Bien.....

                Justement : après avoir conclu notre première étape, et avant d'entamer, lundi, la seconde, il nous a paru opportun de nous arrêter quelques instants sur un exemple éloquent de cette politique de civilisation et, dans une sorte de pause entre ces deux moments, de considérer ce qu'il y a de grandiose dans l'un des plus parfaits monuments que les rois nous ont légués.

                 Et de le faire dans l'état d'esprit du Prince Jean. Lors de son déplacement dans le Maine, il a livré ce qu'il appelle lui-même cette "confidence" à ses amis : "Et voici maintenant une deuxième confidence : oui, j’ai été très ému de visiter le musée Jean Chouan. Quel héroïsme, quelle fidélité !… ..Il m’est arrivé de faire avec mon frère, au temps de notre adolescence, des pèlerinages dans la Vendée militaire.... sur le tombeau de Bonchamp à Saint Florent-le-Vieil.... C’était par hasard et pourtant ce n’était pas un hasard. C’est vous dire à quel point j’ai compris - mieux : j’ai senti - la secrète force de la vieille France. Eh bien donc, la voici, ma confidence : c’est qu’il relève de ma mission, j’allais dire de ma vocation, de projeter cette force secrète du passé en force vive d’avenir."

                L'expression est heureuse: projeter la force secrète du passé en force vive d'avenir !

                Il ne sera donc surprenant qu'en apparence de faire cette halte aujourd'hui. Comme on l'a dit souvent, les arbres qui montent le plus haut dans le ciel sont ceux qui poussent leurs racines le plus profondément dans le sol. Et, pour nous, l'exaltation constante de nos Racines n'est jamais un passéisme, mais au contraire un ressourcement permanent dans tout ce qui nous a fait ce que nous sommes, afin d'y puiser l'inspiration nécessaire pour affronter les défis d'aujourd'hui et de demain.

                Allons à Versailles, où nous trouverons réunies les ombres des deux branches de la famille des Bourbons, car, si Louis XIV l'a construit, Louis-Philippe, on le sait, l'a sauvé. Et considérons cet extra-ordinaire poème qu'y a composé Louis XIV, que la fureur révolutionnaire n'a pas réussi à détruire, et que Louis-Philippe a voulu consacrer, en le sauvant, "A toutes les gloires de la France"....

                On le sait, dans nos Ephémérides nous essayons, jour après jour, de montrer la France. C'est-à-dire d'évoquer quotidiennement les personnes et les faits qui l'ont façonnée et qui, en en faisant ce qu'elle est devenue, ont fait qu'elle a "etonné le monde" pour reprendre le propos de Jean Dutourd. Ce qui fait que nous évoquons, évidemment, Bayard, Richelieu ou la Guerre de Cent ans, mais aussi la création d'Arianespace, le Viaduc de Millau, les Parcs nationaux, les découvertes scientifiques ou les Prix Nobel de toutes disciplines... et tant d'autres choses !...

                Le 28 avril prochain, nous avions prévu d'expliquer, dans ces Ephémérides, ce qu'avait voulu faire Louis XIV à Versailles. Là aussi, non pas pour ressasser perpétuellement d'anciennes gloires passées, mais pour maintenir et poursuivre un esprit, une idée, une attitude qui, étant celles de nos ancêtres, sont le mieux à même de continuer, demain, à nous guider dans un monde où nous assaillent de plus en plus les dangers de l'uniformisation et de l'indifférenciation.

                Voici donc, en avant-première si l'on peut dire, à travers cet Ephéméride que vous retrouverez le 28 avril, cet exemple de politique de civilisation qu'est Versailles. Une visite qui nous permettra par ailleurs, comme nous l'avons dit plus haut, de mesurer l'action de Louis XIV, qui l'a construit, et celle de Louis-Philippe, qui l'a sauvé, les deux branches de la famille étant ainsi réunies pour le meilleur service possible rendu non seulement à la France mais au monde entier et à la Civilisation, Versailles faisant évidemment partie du Patrimoine mondial de l'Humanité.....

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    Ephéméride du 28 Avril : Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien …

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    1660 : Louis XIV emmène sa jeune épouse, Marie-Thérèse, a Versailles.

     

              Il s'en faut de beaucoup que le château ressemble à ce qu'il devait devenir, ni même qu'il soit simplement habitable. Pourtant, le jeune Roi sait très bien ce qu'il va édifier là : le palais du soleil, un triple poème, humaniste, politique et chrétien.

              Tâchons d'entrer dans les pensées du Roi, de suivre son idée conductrice, et nous verrons alors tout l'ensemble, palais et jardins confondus parcequ'indissociables, obéir à une pensée profonde, en même temps qu'ils nous la révèleront.....

              Versailles n'obéit pas seulement à un plan architectural, mais se rattache à toute une tradition symbolique. C'est un hymne à la lumière ordonnatrice. Ici, plus qu'ailleurs, l'orientation donne tout son sens au monument. Voilà pourquoi à Versailles il faut, en tout, se reporter constamment au grand axe royal Est -Ouest.

              Perdons cela de vue, et l'on ne verra qu'un palais de plus, peut-être un peu plus grand, un peu plus beau, un peu plus richement décoré que les autres; mais pas vraiment différent d'eux.

             Au contraire, suivons et comprenons ce grand axe, et tout deviendra clair et lumineux; et nous verrons alors pourquoi Versailles est fondamentalement et essentiellement différent de tous les autres châtaux et palais royaux.....

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               Les Métamorphoses d'Ovide et la mythologie étaient familières à nos ancêtres : il nous faut fréquenter l'une et les autres, et nous les ré-approprier, si nous voulons comprendre Versailles. Ainsi, comme le soleil est la devise du roi, et que les poètes confondent le soleil et Apollon, il n'y a rien à Versailles qui n'ait rapport à cette divinité.

               Versailles reprend la leçon de Phidias, apprise de Périclès, qui la tenait lui-même d'Anaxagore : L'Esprit organise la confusion et donne forme au chaos.

               L'esprit est personnifié par l'action ou la journée d'Apollon qui, dans sa course quotidienne, apporte au monde les bienfaits de la chaleur et de la lumière, de la vie; dissipe les ténèbres; fait fructifier la nature. Ce rôle poétique, tenu dans la mythologie par Apollon, est assuré par le Roi soleil dans son action politique quotidienne, qui apporte au peuple français les bienfaits de l'ordre, par la Monarchie. Mais la lumière et la vie que le roi, moderne Apollon, est chargé d'apporter au peuple, est aussi celle du seul vrai Soleil : Dieu, dont Louis XIV n'est que le lieu-tenant sur terre.

               Détaillons cet axe Est - Ouest dans ses trois éléments principaux :

               1) Tout en bas du Tapis Vert, Apollon sortant de l'eau avec son char (ci dessus et ci dessous) débute sa journée : il regarde vers sa mère, Latone, et, par une gradation subtile, vers la chambre du Roi (au dessus de Latone, car le Roi est plus important que la mythologie...) et vers la chapelle ( encore au dessus de la chambre du Roi, car Dieu est plus important que le Roi....). Au cours de sa journée, il va recommencer à dispenser ses bienfaits et dissiper les ténèbres.

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               2) On sait qu'Apollon est le fils de Jupiter et de Latone (ou Létho). Injuriée par des manants, Latone demanda vengeance à Jupiter, qui les transforma en grenouilles (ci dessous, le Bassin de Latone). Ici, à Versailles, les grenouilles représentent aussi les Hollandais vaincus dans leurs marais....  

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               3) La chambre du Roi, centre et coeur du château, d'où tout part et vers où tout converge. Il restait aux artistes et à Louis XIV à repenser en chrétiens cette légende et ce mythe d'Apollon, reçu de l'Antiquité; et, après le passage du Dieu mythologique au Roi très Chrétien, à matérialiser le passage du Roi très Chrétien au seul vrai Roi, celui du Ciel. Le symbole retenu a été celui de la chapelle, qui est le seul édifice à casser l'horizontalité des toits et qui, en émergeant de la masse imposante du château (ci dessous), manifeste bien que Dieu est plus haut.....

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               Dans sa course quotidienne, Apollon a rejeté à sa gauche tout ce qui était mauvais : la guerre, le chaos, le désordre...; et il a permis, à sa droite, que prospère et s'étende tout ce qui était bon : la paix, les fleurs et les fruits.....

              Considérons donc maintenant l'axe secondaire Nord-Sud, créé par la course d'Apollon, et donc totalement tributaire de l'axe Est - Ouest, dépendant entièrement de lui.

              1)  A l'extrême Nord, on a le Bassin de Neptune, qui symbolise la mer, l'élément indompté, toujours en mouvement et rebéllion. Et aussi le Bassin du Dragon, animal terrible symbolisant les puissances maléfiques que doit vaincre le soleil, lui qui dissipe les ténèbres. C'est une représentation du chaos primitif, du chaos des origines, avant que ne paraisse le soleil (Apollon, le roi).

               Il faut noter aussi que le dragon symbolise la Fronde et les désordres politiques graves qu'a connu le roi lorsqu'il était enfant : or le roi a vaincu la Fronde, imitant en cela le dieu Apollon qui a vaincu le dragon Python (ci dessous).

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              De même, au nord, les arbres sont tout proches du château : symbole d'une Nature très dense, voire hostile et non encore transformée par le travail d'Apollon. Alors qu'au sud on a au contraire des fontaines, une nature aimable, maitrisée et domptées; et les arbres sont repoussés au loin. Les bienfaits du soleil ont été répandus partout.....

              En se rapprochant de la chambre du Roi, on a -dans les jardins- la statue du Rhin (fleuve théatre de nombreuses guerres), avec le Vase de la Guerre dans le parterre Nord. Et, à l'intérieur du château, le Salon de la Guerre. Le Nord marque donc bien toujours les dangers et les obstacles qu'Apollon / Louis XIV doit vaincre....

              2) C'est tout le contraire du côté Sud. Là ne sont que les bienfaits apportés par le soleil. D'abord, dans les jardins, la statue de la Loire (fleuve de douceur et de paix) avec le Vase de la paix. Et, à l'intérieur du château, le salon de la Paix. Puis l'extraordinaire Orangerie (ci dessous).

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              Le Sud marque donc bien toujours les bienfaits qu'ont apporté le dieu Apollon et la monarchie de Louis XIV : l'ordre, au Sud, s'oppose au désordre et au chaos du Nord; les fleurs et les fruits d'une nature harmonieuse parce que fécondée par le soleil (par le roi) s'opposent à la nature primitive, sauvage et indomptée..... 

              On remarquera enfin la subtile hiérarchisation des rôles et des pouvoirs. En arrivant à la Galerie des Glaces, qui se trouve exactement entre le  Nord et le Sud et qui précède la chambre du Roi, l'avant corps central est le seul précédé d'une terrasse de sept marches. Tout est hierarchisé à Versailles...

              Le dernier symbole, on l'a vu, n'étant plus le fait de marches, mais du toit de la chapelle (où sont représenté les Apôtres, car ils ont été les propagateurs de la Lumière): jaillissant par dessus la longue ligne horizontale de l'attique, il brise cette horizontalité pour s'élancer perpendiculairement vers le Ciel.....

  • Grigny : l'état d'urgence

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          Pour celles et ceux qui penseraient -peut être....- que nous parlons trop souvent des problèmes d'insécurité; ou que nous exagérons quand nous critiquons la politique que mène la république, quand nous disons qu'elle conduit à la banalisation et à l'institutionnalisation de la violence et de la délinquance ordinaire (la pire, donc...).....

            Voici -sans autres commentaires- l'article publié dans Le Monde du vendredi 25 avril, sous le titre "Grigny: l'état d'urgence".....

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              Au fond du local des boulistes, béret sur la tête et langue bien pendue, un sexagénaire joue aux dominos avec un ami. A côté, sur une autre table, les copains retraités font une partie de rami. Dehors, au milieu des immeubles, c'est la pétanque de 16 heures au soleil. Ambiance formica, verre de thé et franche rigolade : "On n'est pas heureux, là ?" La petite troupe d'anciens acquiesce généreusement. Bienvenue dans le quartier de la Grande-Borne à Grigny (Essonne).

              Bienvenue ? En fin d'après-midi, au même endroit, où à quelques dizaines de mètres, selon les soirs, l'ambiance peut changer radicalement. Des adolescents ou de jeunes adultes enfilent des cagoules ou se dissimulent sous leurs capuches. Puis ils remplissent des chariots Leclerc avec des pierres ou des cocktails Molotov. Et se lancent à l'assaut des policiers en patrouille. Le ministère de l'intérieur parle de véritables "guets-apens". Convaincus qu'un jour il y aura un mort, les policiers de terrain évoquent, eux, des scènes de "guérilla urbaine".

              De la quiétude du terrain de pétanque à l'émeute et à l'ultraviolence. Des vieux immigrés, qui s'excuseraient presque d'être là, aux jeunes cagoulés clamant leur haine de l'Etat. Du jour à la nuit. Quantitativement, le noyau dur des émeutiers représente une cinquantaine d'"individus". A peine plus, si l'on ose dire, que le noyau dur des boulistes. Une goutte d'eau sur les 11 000 habitants du quartier, coincés entre l'autoroute A6, une route nationale et une zone industrielle. Mais un impact social énorme. L'image d'une ville tout entière, l'image d'une jeunesse enragée.

              Dans le palmarès informel des cités difficiles, la Grande-Borne est au sommet. "Certainement un des quartiers les plus durs d'Ile-de-France", note Michel Lernoux, procureur adjoint de la République à Evry. Toujours précurseur dans les violences urbaines, bien plus sensible, en réalité, que Clichy-sous-Bois (Hauts-de-Seine) ou Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), les stars mondiales des french riots. Les premiers coups de feu contre les policiers pendant des émeutes ? A Grigny, lors des violences de l'automne 2005, puis à nouveau en mars 2008. La mode des incendies de bus ? Grande-Borne, octobre 2006. Les "caillassages" de pompiers ? Les mortiers improvisés avec des feux d'artifice ? Les attaques de particuliers sur la nationale ? Les incendies d'école ? De voitures ? La Grande-Borne, encore et toujours. Le quartier, dont une petite partie se trouve sur le territoire de Viry-Châtillon, était pourtant né d'une utopie. Celle de l'architecte Emile Aillaud de créer une cité-dortoir qui devienne une "cité des enfants". Des immeubles de deux ou trois étages, construits entre 1967 et 1971 pour faire face à la poussée démographique. Des ruelles piétonnières qui serpentent entre les bâtiments colorés. Des places où les anciens prennent le soleil l'après-midi et où les enfants peuvent jouer. Et, au milieu de ce triangle, un immense espace vert - pelouse, pâquerettes, arbres - qui donne un faux air de campus universitaire, en moins bien entretenu.

              Mais cette utopie s'est transformée en cauchemar sécuritaire. Les livreurs ne viennent pas - ou alors, avant 10 heures du matin, avant que les "racailles" qui se couchent tard ne commencent à se réveiller. Des médecins refusent les visites. Une partie des commerçants ont baissé le rideau, fatigués de subir des braquages. Des enseignants ont fait grève après plusieurs agressions. Les employeurs mettent de côté les CV où figure l'adresse de la cité. La police, elle, envoie régulièrement un hélicoptère survoler le quartier. Des patrouilles incessantes en journée. Des fouilles de véhicules, des contrôles d'identité innombrables. Des camionnettes de CRS qui tournent au ralenti le soir et qui donnent le sentiment de se trouver dans un territoire occupé.

              Quelques dizaines d'adolescents face à l'Etat. Une poignée de jeunes face à 11 000 habitants. Le rapport de forces semble déséquilibré. Et pourtant, ce sont les premiers qui tiennent le territoire, qui imposent leur loi. Les anciens comme les mères de famille peuvent certes circuler en toute tranquillité. Y compris la nuit. Mais à condition de ne pas regarder ce qu'ils ne doivent pas voir - ou du moins de faire comme s'ils n'avaient rien vu. Les boulistes peuvent bien jouer, rigoler, plaisanter, vivre leur vie - et ils ne s'en privent pas. Mais à condition de ne pas déranger, de ne pas se mêler des affaires des autres.

              "On est bien ici, mais faut se tenir à sa place", répète le président de l'association des boulistes retraités, dans le quartier depuis 1971. Il refuse que son nom soit publié. On le comprend : derrière le terrain de pétanque, sur les places bétonnées, c'est une autre partie qui se joue, partiellement invisible. Selon la police, la zone est une "plaque tournante" du trafic de stupéfiants, essentiellement du cannabis amené par l'autoroute A6. Un secret de polichinelle dans la cité. "Il y a des centaines de kilos qui transitent par cette place", glisse un commerçant.

              La Grande-Borne, c'est finalement l'histoire d'une prise de pouvoir par une poignée de jeunes. Lorsque commence une émeute, une bagarre, lorsque se déroulent des opérations liées aux trafics, les adultes poursuivent leur chemin, comme si de rien n'était. Agnès Daviau, 77 ans, dont trente-six passés à la Grande-Borne, n'a pas peur de vivre au milieu du quartier. La militante, bénévole dans une association de soutien scolaire, réfléchit. Aucune agression subie. Pas de menaces particulières. Mais une obligation de discrétion qu'elle a intégrée dans sa vie quotidienne. "Faut pas prendre la mouche, ici. Un jeune peut te bousculer parce qu'il a un truc dans les oreilles", raconte cette ancienne "travailleuse familiale". "Quand on leur parle, on met pas de violence dans nos réponses. Quand ils font du bruit à 23 heures, devant nos fenêtres, on est tolérants."

              Sylvie Alipio, 35 ans, six enfants, prend le café chez son amie, Orkia Benaïssa, 39 ans, trois enfants, au milieu de la Grande-Borne. Salon oriental, immense écran plat, appartement briqué. Elles racontent la convivialité et le plaisir d'habiter un "village" qui font oublier la difficulté à boucler les fins de mois avec un RMI. Mais Sylvie Alipio décrit aussi la loi implicite de la cité. Rester discret, laisser faire plutôt que de prendre le risque d'intervenir.

              "Quand on habite ici, il ne faut jamais montrer qu'on a peur. Il faut toujours faire comme si c'était normal. Il y a une arme ? C'est normal. Il y a une bagarre ? C'est normal. Il y a une émeute ? C'est normal." Avec quelques parents d'élèves, les deux mères de famille tentent de faire évoluer cette culture du silence. Courageusement, elles ont organisé une marche contre la violence à l'automne 2007. Mais la reconquête est difficile : "Au fond, les adultes ont peur des enfants. Même des gamins de 10 ans", se désole Sylvie Alipio.

              Le problème, c'est qu'à la Grande-Borne, la jeunesse déborde. Avant d'être la ville des émeutes, Grigny est la ville des poussettes. Près de 800 naissances par an, soit un millième du total des naissances en France pour une commune de 25 000 habitants. Le taux de natalité de la ville se situe exactement entre la moyenne française (13 naissances pour 1 000 habitants) et la moyenne du continent africain (38 pour 1 000). Des gamins partout, dans les crèches, les écoles, le collège, au bas des immeubles, dans les halls, sur les places, au gymnase, sur les stades : 28 % de la population ont moins de 14 ans, 23 % ont entre 15 et 29 ans. "On doit être la ville la plus jeune de France", relève Omar Dawson, 29 ans, titulaire d'un DESS en commerce international, créateur de sa PME dans l'audiovisuel.

              Grigny sert de porte d'entrée aux migrants qui arrivent en provenance d'Afrique noire, notamment. Des zones rurales à la banlieue parisienne, la secousse est rude. Oreillette Bluetooth qui clignote, pantalon et veste en jean, De-Charles Claude Aka, fils de diplomate ivoirien, a longtemps été éducateur spécialisé dans les rues de Grigny. Il s'occupe aujourd'hui d'une association qui propose des cours d'alphabétisation. De ce poste, il observe, au quotidien, le choc culturel pour les parents et les enfants. "Quand les familles arrivent ici, elles sont sur une conception traditionnelle de l'éducation : elles pensent que tout le monde va être responsable des enfants. Que les voisins, les tantes, les cousins vont surveiller les gamins."

              Au milieu de fratries importantes, notamment lorsqu'il s'agit de familles polygames, ces jeunes finissent par s'élever tout seuls ou entre eux. Dans la rue, pour certains. Dans son F5, au 2e étage, Orkia Benaïssa montre du doigt le bâtiment en face de chez elle. "Un soir, il faisait nuit, il y avait des petits de 8 ans qui jouaient sur le toit. Ils pouvaient tomber et se tuer. Les parents, ils sont où ?" Pas démissionnaires, mais dépassés par un mode de vie et des codes sociaux qu'ils ne maîtrisent pas. Dépassés par l'obligation d'assurer la survie immédiate. Déboussolés aussi par leurs enfants qui apprennent le français plus rapidement et qui obtiennent un statut d'adulte en rapportant un peu d'argent grâce au "business". Le résultat est désastreux : une large partie des jeunes quitte le système éducatif sans le moindre diplôme. Donc sans possibilité d'insertion durable.

              A la rupture culturelle s'ajoutent la précarité et la pauvreté. Le chômage est deux fois plus élevé à la Grande-Borne que sur le reste du territoire. Les revenus sont inférieurs de moitié à la moyenne nationale. Une situation connue : depuis trente ans, les pouvoirs publics n'ont jamais cessé d'envoyer dans le quartier les familles les plus en difficulté. "On ramène à la Grande-Borne tous ceux dont on veut pas ailleurs. Et on s'étonne que ça n'aille pas bien !", note le président des boulistes, nostalgique du temps où il y avait encore des "Français" - comprenez des "Blancs" - en nombre. L'Etat a beau avoir la volonté d'investir des centaines de millions d'euros pour la rénovation urbaine, c'est le sentiment d'abandon qui prévaut. "La Grande-Borne, c'est comme le triangle des Bermudes. On vous y met et c'est comme si vous y disparaissiez de la société", résume Omar Dawson.

              Des jeunes, des pauvres, des "sans-avenir". Un cocktail explosif. Avec un acteur qui fait l'unanimité contre lui et fédère les générations : la police. Les jeunes sont les seuls à jeter des pierres contre les forces de l'ordre mais la colère est beaucoup plus vaste. Plus inquiétante aussi. La perte de confiance est totale et générale. "Le manque de respect de la police, c'est pour les habitants le signe du manque de respect de la société tout entière", décrypte Hervé Seurat, l'écrivain public du quartier qui vivote en rendant service à des adultes perdus dans les démarches administratives.

              Vieux, jeunes, hommes, femmes, les habitants ont tous des anecdotes vécues personnellement. Le patron des boulistes, du haut de ses 67 ans : "Quand un policier vous arrête à Paris, il vous salue poliment. Ici, il demande de mettre les mains sur le toit de la voiture." Alain Huillé, 56 ans, le président de l'amicale des locataires, habitant de la Grande Borne depuis trente-deux ans : "L'autre jour, on va acheter une pizza. On passe devant des CRS qui nous contrôlent. On revient par l'autre côté et d'autres CRS nous contrôlent." Orkia Benaïssa : "Il y avait une altercation en bas de chez moi. J'ai dit au policier : "Vous n'y arriverez pas sans discuter." Ils m'ont répondu : "On n'est pas là pour se faire écouter." Comme je parlais avec les mains, un autre policier est arrivé et a pointé son flash-ball sur moi."

              Pour les travaux pratiques, il suffit de suivre une patrouille dans le quartier. Contrôle d'identité, tutoiement de rigueur et dialogue musclé avec deux jeunes sur un parking en milieu d'après-midi. Le policier approche son visage à une dizaine de centimètres de son interlocuteur du même âge : "Tu restes pas là, tu rentres chez toi, maintenant." Un abus d'autorité mais les deux jeunes sans uniforme plient bagage devant le jeune en uniforme. Ils connaissent la règle : un mot de trop, et c'est l'"outrage" avec condamnation quasi automatique. On connaît malheureusement la suite. Pour les plus solides ou les plus raisonnables, un sentiment d'injustice. Pour les plus fragiles ou les plus violents, la tentation des représailles une fois la nuit tombée : la rage au ventre, une capuche sur la tête, une pierre dans la main... Et Grigny explosera à nouveau.