UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Réussir ? Oui, bien sûr... mais à quoi ?...

              Peu importe le chiffre (35.000 pour la FSU, 20.000 pour la police): "ils" ont manifesté à Paris, le dimanche 18 mai, contre les suppressions de postes prévues dans l'Education nationale...

    1015546342.jpg

              Les manifestants sont partis de la place de l'Opéra vers 13H45 en direction de la place de la Bastille, derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire "Notre choix à nous, c'est la réussite pour tous". C'est beau comme slogan ! Comment être contre un slogan pareil !

              Sauf que les organisateurs de la manif travestissent la réalité, par refus de voir les choses telles qu'elles sont. Car enfin, réussir, c'est sûr on est tous d'accord là-dessus. La FSU a fait dans le (très) consensuel. Mais réussir à quoi ? A intégrer l'ANPE, sans aucune vraie formation, après huit années de perdues en collège et lycée, puis une année encore perdue en faculté ? Ils sont déjà des milliers à le faire chaque année ! Encore un petit effort, Monsieur Aschiéri, et vous finirez bien par bousiller toute la jeunesse française...

              La vérité est que Gérard Aschiéri, ne voit plus les choses comme elles sont, tant il est aveuglé par son idéologie du "toujours plus de moyens, car seuls comptent les moyens"...

             C'était quoi cette manif, en réalité ? La grande (?) manif du syndicat des faillis qui font faillir les autres ! D'ailleurs, c'est amusant de le constater sur la photo, on voit un quidam tenir une pancarte "École en danger" : en danger d'Aschiéri...sation définitive, irréversible ?...

  • Les aveux de Cesare Battisti

    par Gérard Leclerc

    arton22534-b73f0.jpg

    « Cesare Battisti ... Des aveux cinglants et sanglants. »

    Il faudra sans doute attendre quelque temps pour que ceux qui ont pris parti en faveur de Cesare Battisti, convaincus de son innocence, réagissent à ses aveux de culpabilité.

    Il est vrai que pour les intéressés, ces aveux sont cinglants et sanglants. Déjà d’ailleurs, leurs adversaires ne manquent pas de leur jeter à la figure soit leur naïveté, soit une complicité idéologique qui couvrait les forfaits et les crimes des années de plomb. J’ai déjà évoqué le cas de ce militant révolutionnaire, au moment de son arrestation et de sa remise aux autorités italiennes, parce que cette période m’avait particulièrement marqué, même si comme journaliste je n’en ai connu que la dernière phase au début des années 80. Le souvenir que j’en ai gardé est celui d’une surchauffe idéologique qui n’était d’ailleurs pas seulement le propre de l’extrême gauche, parce qu’il y avait aussi en Italie une extrême droite violente, qui n’avait rien à envier à ses adversaires.

    Au terme de cette période de surchauffe, ce fut, évidemment, le désenchantement et la fin d’une certaine forme de militantisme. Pas seulement en Italie, en France également. Le projet d’une prise de pouvoir dans la perspective léniniste était discrédité, avec la dénonciation généralisée du totalitarisme soviétique. J’ai vécu aussi le basculement d’une partie de la jeunesse militante, avec les nouveaux philosophes. Mais que fallait-il faire de ceux qui s’étaient compromis gravement durant les années de plomb ? Repentis ou non, pouvaient-ils être réintégrés dans la vie normale ? Ce fut un peu la doctrine Mitterrand, le président français se voulant accueillant aux militants qui avaient fui la péninsule. Ils n’était pas toujours aisé de déterminer s’ils avaient participé ou non à un terrorisme sanglant.

    Cesare Battisti, lui, le niait farouchement et tout un clan de l’intelligentsia française voulait lui faire confiance, au point même de clamer son innocence avec la plus totale assurance. L’ancien militant révolutionnaire vient de leur porter un coup terrible. Mais au moins, la vérité aura-t-elle recouvré ses droits et les familles des victimes sont-elles reconnues dans leur juste révolte contre un déni absolu de justice. Cesare Battisti leur a présenté ses excuses. Mais c’est sa condamnation définitive qui soldera son aventure tragique. À défaut d’une impossible réconciliation ?  ■ 

    battisti-afp-m.jpg

    Gérard Leclerc
  • La grande illusion du parlementarisme, ou mon expérience de député, par Léon Daudet...

    daudet,bonne chambre,elections        Croire aux élections en tant que telles, et qu'il suffit de les gagner, pour avoir une "bonne chambre" et, avec cette "bonne chambre", changer les choses, amender le Système de l'intérieur : c'est cela, la grande illusion....

            Car, des "bonnes chambres", il y en a eu plusieurs, tout au long du XIXème siècle, et aussi au XXème : et qu'ont-elles fait, au juste, en définitive ? Rien. Le Système les a digérées, il les a "laissé passer", il a attendu la fin de l'orage, et a poursuivi sa malfaisance, par alternances répétées, magouilles, course permanente à la démagogie et "combinazione" multiples et toujours renaissantes...

             D'ailleurs, quand il apprit l'élection de la Chambre bleu horizon, et celle de Daudet, Aristide Briand eut ce mot révélateur, raconte Daudet : "Nous gardons les cadres...". "Les cadres, c'est-à-dire la Sûreté générale et les Préfets, ses émissaires et ses esclaves."

            Et ainsi, depuis un siècle et demi, tous les espoirs placés dans les élections et "la" bonne chambre ont été régulièrement déçus, la France continuant sa marche en arrière et en décadence.

            Léon Daudet, député royaliste de Paris pour le XVIème arrondissement à la Chambre bleu horizon l'explique très bien : le texte suivant constitue les premières pages du premier chapitre de son livre de Mémoires, Député de Paris.

    (Juste un mot, pour ceux qui seraient surpris, voire choqués, par la verdeur de certaines phrases : le "b.a.-ba" de tout historien, de quiconque lit un texte "ancien", est de ne pas le faire avec la mentalité de sa propre époque (en l'occurrence nos manières de penser, d'écrire en 2012) mais en se remettant dans l'esprit et la mentalité de l'époque qu'il étudie : or, du temps de Daudet, tous les polémistes, à quelque bord qu'ils appartinssent,  s'exprimaient avec une virulence dont on n'a plus idée aujourd'hui; et, souvent même, ils dépassaient très largement les "verdeurs" de Léon Daudet)

    Député de Paris, 1919/1924, Bernard Grasset, 1933. Chapitre premier : Prise de contact. Composition de la Chambre du 16 novembre (pages 9, 10, 11)

     

            Le 16 novembre 1919 j'ai été élu, au scrutin de liste, député du troisième secteur de Paris (rive gauche et XVIème arrondissement). Entendons-nous bien, député ROYALISTE et au cri de "Vive le Roi !". Ce fut, chez les républicains, une stupeur générale. On n'imaginait pas qu'un tel évènement fût possible. Le pauvre cardinal Amette, respectueux serviteur des décisions de Clémenceau, alors Président du Conseil et de son entourage, avait recommandé à ses ouailles de voter "sagement", c'est-à-dire pour la liste Millerand, dite d'union nationale, mais d'où les royalistes, ces pestiférés, étaient exclus. Fidèle interprète des désirs gouvernementaux, le cher Alfred Capus, alors directeur d'un Figaro encore influent, nous avait laissé tomber, mes amis et moi, dans un entrefilet assez perfide qui lui valut, de ma femme, cette remarque sévère : "Capus, je vous croyais un ami, vous n'êtes qu'un convive". Comme bien d'autres, Capus, causeur incomparable, dramaturge amusant, écrivain délicat, érait fourvoyé dans la politique; et sa collaboration directoriale au Figaro, non encore saboté par le falot parfumeur François Coty, s'en ressentit.

            Mon élection, après une campagne électorale des plus vives, fut saluée par les cris de fureur de la presse de gauche, notamment de L'Oeuvre de Gaston Téry, ancien normalien, tombé dans la crotte, aujourd'hui crevé, lequel ne me pardonnait pas d'avoir dénoncé ses louches allures du temps de guerre. A entendre ces aimables garçons, je ne pourrais sièger au Parlement, où mes collègues me couperaient la parole et me rendraient la vie impossible. Or, non seulement je siégeai sans discontinuer, au Palais-Bourbon, pendant quatre ans et demi, mais encore je dis à la tribune, et de ma place, exactement tout ce que je voulais dire, sans me laisser arrêter par aucune autre considération que l'intérêt primordial de la Patrie. En outre, j'appris à connaître, incomplètement encore, mais de près, ces larves parlementaires que sont un Millerand, un Poincaré, un Barthou, qu'était un Briand; ces êtres éloquents et gentils, mais inconsistants, dénués de caractère à un point inimaginable, que sont un Tardieu, un Boncour, un Herriot; l'impossibilité où se trouvèrent et se trouvent les quelques hommes de valeur entre 600, un Mandel, un Léon Bérard, un André Lefèvre, un Maginot, un Marin, un de Seynes, un Provost de Launay, un Magne, de frayer un chemin à des lois utiles concernant la Défense Nationale, le Budget etc... Je pus constater le néant inouï de la Constitution, dénommée "La femme sans tête" si bien décrite par Charles Benoist, aujourd'hui royaliste, et des prétendus travaux parlementaires. Je me rendis compte que deux principes commandent aux assemblées démocratiques : l'ignorance et la peur.

            Or cette Chambre dite "bleu horizon" et qui, par nombre de ses membres sortait de la fournaise de quatre années d'une guerre atroce, était bien disposée, pleine de bonne volonté; les députés des provinces recouvrées lui apportaient un élément d'enthousiasme, qui eût pu donner des fruits admirables. La plupart de mes collègues, sur tous les bancs, étaient d'honnêtes gens, assez bêtes mais bons. Qu'en conclure, sinon que le régime républicain lui-même, dans sa formule et dans les faits, est incompatible avec la prospérité, la conservation, le salut de la France. A l'heure où j'écris, tout homme de bonne foi doit conclure à l'antinomie fondamentale de la Patrie et de la démocratie.

            Cavour a dit, dans une formule fameuse, qu'il préférait une Chambre à une antichambre. Il signifiait par là son mépris des courtisans, chambellans et autres parasites de la monarchie. Or l'antichambre, si insupportable qu'on la suppose, n'a pas empêché Sully, Richelieu, Mazarin, Colbert, Louvois, Talleyrand, Villèle et Cie. Elle leur a mis des bâtons dans les roues. En fin de compte, elle dû leur céder. Au lieu que la Chambre ne peut supporter aucune supériorité au Gouvernement , ne peut tolérer aucune continuité dans les déterminations graves,  portant, au dedans comme au dehors, sur quarante, cinquante, soixante ans. A peine est-on entré dans ce club, matériellement amusant et bien tenu, qu'est le Palais-Bourbon, que l'on s'en rend compte..." 

            Et Léon Daudet qui, dans le même ouvrage (pages 226 à 234, c'est-à-dire les neuf dernières) explique les raisons de l'échec de la Chambre "bleu horizon", termine ces neuf pages - et son livre - sur ce propos désabusé :

            "...à l'heure où j'écris (février 1933) le peuple français environné d'inimitiés, trompé, ruiné, écrabouillé par le fisc, et qui voit revenir la guerre, à la suite de l'évacuation criminelle de Mayence, tourne vers la Chambre des Députés des regards de haine. Elle est pour lui la nouvelle Bastille, l'antre d'où souffle le malheur, et le signe de sa servitude à six cents farceurs, menteurs, truffeurs et pillards. C'est bien ainsi que je voyais, en le quittant pour n'y pas revenir, ce baroque dépotoir de lâchetés, d'incapacité et d'idées fausses, où j'avais usé, en vain, quatre ans et demi de mon existence. Mon échec du 11 mai 1924 fut ainsi, pour moi, une délivrance." 

    -----------

    Note 1. Dans "Paris vécu", Première série, Rive droite, page 121, Daudet fustige ceux "qui croient en l'amélioration électorale de la peste républicaine".

    Note 2. Enfin, dans "Vers le Roi" (page 46), racontant les débuts du quotidien L'Action française, il le présente comme "Etant réellement d'opposition, c'est-à-dire prêchant ouvertement la subversion du régime..."

    daudet,bonne chambre,elections

    Malgré les aspects "monarchiques" indéniables que lui avait donnés de Gaulle, à ses origines, la Constitution de notre République s'ouvre par le préambule suivant (dernière modification de 2005):

    « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004.

    En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'Outre-Mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique. »

    Il s'agit donc bien d'une République idéologique et, tant que les choses resteront en l'état, tant que le Système - à moins de se faire hara-kiri - se pensera comme une nouvelle religion, on aura beau envoyer qui on voudra au Palis-Bourbon, comme cela a été fait plusieurs fois par le passé, le Système gardera sa malfaisance et continuera, méthodiquement, à démolir les bases de notre Société, pour établir son utopie idéologique.

  • Royauté, évolutions, Révolution….

            On ne forcerait pas beaucoup le trait en affirmant que Louis XVI n'aurait peut être pas été renversé, et encore moins assassiné, s'il avait agi comme les Rois d'Angleterre face à leurs opposants : à partir de 1215, lorsque leurs barons se soulèvent contre eux et leur arrachent la Grande Charte, ils ont peu à peu cédé la réalité du pouvoir, en échange de quoi ils ont gardé leur place, et les honneurs qui s'y rattachaient.

            Louis XVI n'aurait peut être pas été renversé, non plus, s'il s'était agi seulement d'un simple transfert de pouvoirs politiques. L'immense majorité des Français étaient « royalistes » en 1789, comme la plupart des penseurs et des élites (Montesquieu, Voltaire, Mirabeau...), et le Roi avait d'ailleurs accepté un important partage des pouvoirs, ouvrant la porte à la représentation nationale, devenue indispensable à la fin du XVIIIème siècle comme - en son temps - la représentation communale en plein Moyen Âge féodal.

    beffroi-de-mons.jpg

           Le Beffroi de Mons. Le "mouvement communal" fut une véritable révolution, que les Rois surent "accompagner" ("En France, l'intervention du roi empêcha le mouvement communal de prendre une tournure anarchique...", écrit Bainville) 

              La Royauté n’était pas fermée à cette seconde adaptation, elle qui,  une première fois, six à sept siècles auparavant,  avait déjà su parfaitement s'adapter au mouvement communal, véritable révolte anti féodale, véritable "révolution" dans les esprits, les mœurs et le partage concret des pouvoirs.

              Il faut bien se souvenir qu'à l'époque les villes étaient soumises à des seigneurs, féodaux et ecclésiastiques; lorsque les bourgeois, enrichis par le commerce, se sentirent assez forts, ils ont tout naturellement souhaité acquérir leur autonomie politique, judiciaire, fiscale, économique...; ils ont tout naturellement souhaité être représentés en tant que tels, et participer, à leur niveau, aux décisions. Le monde féodal, bien sûr, fit tout ce qu'il pût pour écraser ce nouveau pouvoir et l'empêcher de s'installer définitivement : le chroniqueur Guibert de Nogent est resté célèbre pour son apostrophe "Commune, nom nouveau, nom détestable !"... Il y eut, ici et là, quelques violences, mais ce qui fut bel et bien une "révolution" se passa finalement sans trop de problèmes, entre les règnes de Louis VI et celui de Philippe Auguste (en gros entre 1100 et 1200), en grande partie parce que les Rois de France eurent la sagesse, et l'intelligence politique, de s'allier à ce mouvement communal, de l'épouser, ce qui lui permettait d'affaiblir les féodaux et de consolider sa propre légitimité, en renforçant son pouvoir face à celui des féodaux, abaissés.

                 La Royauté pouvait donc parfaitement, une deuxième fois, et à sept siècles de distance,  s'allier à un mouvement visant, cette fois, à représenter l'ensemble de la Nation....  

    bouvines 2.jpg

                Bouvines est l'acte de naissance officiel de la nation française. C'est aussi en Roi du peuple, d'une Monarchie authentiquement populaire, s'appuyant sur les Communes, que Philippe Auguste remporte la victoire...

     

                 Pourquoi donc ce qui s'est passé en plein Moyen Âge, à savoir cette rencontre, cette "amitié", cette alliance entre pouvoir royal et représentation populaire (à l'échelle des communes) n'a-t-il pas pu se reproduire en 1789, lorsque les temps furent mûrs pour que, cette fois à l'échelon national, le peuple français formât une Assemblée, avec l'accord et le soutien de la Royauté, nous évitant ainsi cette catastrophe nationale et internationale que fut la Révolution ? (1).

                 Les erreurs de Louis XVI, confronté à des évènements auxquels nul n’était préparé, pas plus lui que les autres – tous les autres… -, sont indéniables.  L'irruption d'un petit groupe d'idéologues froids, durs petits esprits, arrogants vaniteux sûrs de détenir la vérité sur tout - et surtout "la" Vérité – fit le reste…. Prétentieux emplis de leurs certitudes qui leur venaient de cette intense préparation des esprits qu'a été le soi disant et auto proclamé, siècle des Lumières (2).

              Dans la société raffinée, policée, civilisée d'alors, le pays étant riche et puissant, fortement peuplé, bien éduqué et instruit, il était facile de vouloir tout réorganiser, tout améliorer, tout rationaliser, et tout de suite. Nous aimerions bien les voir, comme le disait Jacques Bainville, dans le monde qu'ils nous ont légué !.... Le résultat le plus clair de leur action fut de mettre la violence, la brutalité, la barbarie au service de l'abstraction. Il y eut ainsi - à partir d'une évolution nécessaire, souhaitable et positive, voulue par le Peuple - une véritable captation d'héritage, un détournement d'intention, un placage de préoccupations idéologiques totalement étrangères aux aspirations réelles du plus grand nombre des Français. Lesquels se soulevèrent d'ailleurs en masse contre cette folie, et ne furent "convaincus" que par la Terreur au sens propre, c'est à dire l'extermination. Et ce fut le Totalitarisme de la nouvelle religion républicaine, accompagné du Génocide vendéen, l’un et l’autre matrice de tous les totalitarismes et de tous les génocides du XXème siècle…

    ORADOUR SUR GLANE.jpg

           Les nazis n'ont rien inventé : Oradour-sur-Glane a eu lieu, pour la première fois, aux Lucs sur Boulogne, le 28 février 1794...

     

              Il n'y a donc rien à conserver de la Révolution, a partir de son tournant idéologique, définitif et irrémédiable, des années 1792 et suivantes. François Furet l'a très bien analysé, avec son immense honnêteté intellectuelle qui lui a permis, même s'il ne nous a jamais rejoint, de sortir de ses premières certitudes idéologiques, et d'effectuer un remarquable travail pour démystifier et démythifier la Révolution : toutes les horreurs qui allaient suivre étaient en germe dans les premiers débordements et, dès 1789 et les premières têtes fixées à des piques, la Terreur est en gestation.

              Pourtant – que l’on songe aux projets de Mirabeau, hélas mort trop tôt… - il est clair que les évènements auraient pu tourner autrement, permettant ainsi de garder tout ce qu’il y avait de positif  dans "le grand mouvement de 1789", que souhaitait le Peuple français et sur lequel les révolutionnaires ont plaqué de force leur idéologie, mais pour le dénaturer, en changer le sens profond, lui faire prendre une direction qui n'était nullement celle que souhaitait l'opinion. Il est clair que l’on pouvait accompagner l'intuition des origines,  non encombrée et dénaturée par les scories nuisibles de la désastreuse idéologie révolutionnaire...

    mirabeau 1.jpg

        hélas, mort trop tôt...

     

                Il est clair qu’en 1789 une deuxième révolution était possible, dans le Royaume de France, à sept ou huit siècles d’intervalle, après celle des Communes. La stérilité de la révolution idéologique, qui a recouvert la fertilité du mouvement initial ne doit pas le faire oublier…..

     

    (1) : voir l’article célèbre d’Alain Decaux, "26 millions de royalistes"….

    (2) : notons, au passage, la vanité, la suffisance, et même l’orgueil délirant de la formuler : s'appeler soi même "siècle des Lumières", serait-ce  donc tenir pour rien – sans même remonter à Sénèque, Aristote ou Platon… - Pascal, l'Humanisme et, finalement, tout ce qui a précédé le XVIIIème siècle ? Reconnaissons qu’il faut oser le dire. « Ils » ont osé !...  

  • Éric Zemmour condamné ou la tentation autoritaire du multiculturalisme

     

    Éric Zemmour vient d'être condamné à 3000 euros d'amende pour incitation à la haine raciale et religieuse. Mathieu Bock-Côté se demande, pour FigaroVox, s'il est devenu interdit d'être pessimiste quant à l'avenir des sociétés occidentales. Cette tribune reflète une certaine et légitime exaspération. Ses conclusions sont tranchées, franches. Sa dénonciation du régime multiculturaliste et de l'idéologie diversitaire est, sur le fond, au sens propre, radicale. Elle va, nous semble-t-il, à l'essentiel, par delà même le cas Zemmour, qui mérite, en l'occurrence, notre soutien et notre sympathie. Celle des idées et de l'ction.  LFAR
     
     

    Mathieu Bock-Coté.jpgÉric Zemmour vient de se faire condamner pour incitation à la haine raciale et religieuse. Immédiatement, ses nombreux ennemis ont célébré : enfin, le vilain essayiste sera reconnu à la manière d'un délinquant dangereux par les Français. Ce sera à nouveau l'occasion de chercher à le congédier de l'espace public, en accusant ses employeurs d'avoir à leur service un propagateur de haine, un polémiste ignoble qui ne devrait pas avoir accès à de grandes tribunes. Ce ne sera pas la première fois, ni la dernière. L'occasion est belle pour tenter d'en finir avec celui qui est devenu le diable de la gauche multiculturaliste française.

    Revenons sur les propos sanctionnés de Zemmour. Ils se résument aisément : il craint que la France ne bascule, tôt ou tard, dans la guerre civile. Cette dernière est peut-être même déjà commencée, sans qu'on n'ose la nommer. On se contente de traiter comme des faits divers ou comme des événements isolés les tensions intercommunautaires qui témoignent d'une implosion du pays. L'immigration massive a créé un nouveau peuple et qu'on le veuille ou non, le continent européen sera probablement témoin d'affrontements significatifs dans les années à venir. En fait, l'immigration massive aura représenté un suicide identitaire pour l'Europe.

    Posons les choses simplement : on peut être en accord avec Zemmour et le voir comme un homme éclairé et courageux, tout comme on peut être en désaccord avec lui et l'accuser de catastrophisme et dans ce cas, on lui répondra vertement. Mais en quoi ses propos devraient-ils tomber sous le coup de la loi ? En quoi devrait-il être interdit d'être pessimiste quant à l'avenir des sociétés occidentales ? Le pessimisme devrait-il tomber juridiquement interdit ? Redouter un péril et l'annoncer, est-ce le souhaiter ? À moins qu'il ne faille prophétiser un avenir radieux pour être le bienvenu dans l'espace public et mériter le titre d'interlocuteur respectable ?

    Bizarrement, c'est peut-être de cela dont il s'agit. L'idéologie multiculturaliste au pouvoir dans toutes les sociétés occidentales a quelque chose d'une religion politique qui suscite un fanatisme idéologique inquiétant chez ses promoteurs : elle distingue le monde d'avant la révélation diversitaire et celui d'après. Avant, le monde était marqué par des discriminations nombreuses et des exclusions détestables. C'était l'époque de la grande noirceur identitaire, où l'identité nationale justifiait une homogénéité autoritaire au service exclusif de l'homme blanc hétérosexuel. La conscience collective officielle en Occident est traversée par ce fantasme, d'autant qu'il est souvent au cœur des programmes historiques scolaires.

    Le monde d'après la révélation diversitaire serait tout autre. Elle prophétise une société nouvelle, fondée sur la reconnaissance mutuelle des différences sous le signe d'un vivre-ensemble harmonieux. La condition pour que ce monde advienne, toutefois, c'est que les nations occidentales renoncent à se placer chacune au cœur de leur propre pays, et à se proposer comme norme identitaire et culturelle. Il ne doit plus y avoir de distinction entre le citoyen et l'étranger, ce qui du coup, abolit la nécessité pour le second de s'assimiler au premier. C'est l'idée d'un monde enraciné qui doit périr. L'homme nouveau, sans préjugés, verra son règne arriver.

    Évidemment, les choses ne se passent pas comme le voudrait la prophétie multiculturelle. Les sociétés européennes éclatent. Une crise majeure se laisse deviner. La contagion islamiste de certaines cités n'en est qu'une facette. L'idéologie multiculturaliste doit traduire ces oppositions dans son logiciel sociologique. On y verra en général une crispation des populations « de souche » qui tarderaient à se convertir à la révélation diversitaire. En un mot, la France serait coupable de ses malheurs. Son crime ? Ne pas se considérer comme une page blanche et vouloir conserver son héritage historique et sa culture. Cette crispation engendrerait différentes phobies qu'il faudrait combattre politiquement et peut-être même pénaliser juridiquement.

    La formule revient souvent : la liberté d'expression ne devrait pas être celle de prêcher la haine, de stigmatiser certaines communautés ou de critiquer certaines religions. Mais la définition de la haine et des phobies est aussi imprécise qu'étendue. D'ailleurs, on assiste à une extension du domaine de l'interdit. C'est peut-être inévitable : au rythme où le nouveau monde s'installe, il tolère de moins en moins ce qui lui rappelle le monde ancien et ceux qui persistent à s'y vouloir fidèles. C'est le paradoxe progressiste : plus il suscite des résistances dans la population, plus il croit devoir se radicaliser. Plus la dissidence idéologique sera forte, et plus il faudra la réprimer.

    On en arrive à la condamnation de Zemmour qui nous en dit beaucoup sur le sort réservé à l'opposition idéologique en régime multiculturaliste. Elle est tout simplement inadmissible. On ne saurait tolérer au cœur de l'espace public un homme contestant ouvertement les assises du multiculturalisme et proposant conséquemment de restaurer les fondements du régime ancien, dont on ne doit penser que du mal. Zemmour trouve manifestement un écho chez ceux qui se réjouissent de voir leur malaise politique et culturel exprimé clairement au cœur de l'espace public. Il devient le porte-parole médiatique d'une dissidence populaire profonde, d'autant que les partis « de droite » ont longtemps refusé de la traduire politiquement.

    Mais la gauche multiculturaliste peine à croire qu'on ne veuille pas vraiment de l'avenir radieux qu'elle promet. Elle doit donc trouver un grand coupable accusé de manipuler des masses égarées traversées par des pulsions mauvaises. On les accuse aussi de flatter la plus mauvaise part de l'homme, celle que la civilisation devrait justement proscrire et refouler dans les marges de la vie sociale. Zemmour devient alors la cible publique. Leur émergence médiatique témoigne plutôt d'une rupture de digue : certains constats qui étaient interdits, ou du moins, certains sentiments, sont désormais au cœur de la vie civique.

    Mais ceux qui accusent Zemmour d'avoir engendré la protestation populaire avec quelques camarades intellectuels et médiatiques lui prêtent une toute puissance démoniaque, comme s'ils avaient le pouvoir de créer les choses simplement en les nommant. On comprend pourquoi il faut les censurer de toutes les manières possibles. Surtout, il faut alors un message clair pour exécuter publiquement ceux qui annoncent la mauvaise nouvelle. Il s'agira d'abord de jeter sur eux la mauvaise réputation, par exemple en les accusant de faire le jeu du Front national ou en les accusant de droitiser le pays.

    Le prix à payer pour rompre avec les codes de la respectabilité diversitaire doit être de plus en plus élevé. Mais les injures ne suffisent plus et l'intimidation progressiste est de moins en moins efficace. La sanction doit alors être clairement établie aux yeux de tous : les condamnations pour propos haineux permettent alors de rejeter hors de la cité et de l'humanité ceux qui en sont reconnus coupables. Le régime multiculturaliste réinvente l'ostracisme et le droit doit participer à une reconstruction de l'espace public à la lumière des nouveaux interdits moraux et idéologiques prescrits par l'idéologie diversitaire.

    On s'exaspérera avec raison du pouvoir incroyable des différents lobbies qui parviennent ainsi à baliser de manière toujours plus étroite la liberté d'expression. Mais cette exaspération serait incomplète si on ne dénonçait pas le zèle idéologique des juges et les lois liberticides sur lesquelles s'appuie leur action. Le multiculturalisme est un régime politique qui se défend contre le désaveu populaire en devenant de plus en plus autoritaire. On voit mal comment chaque nation parviendra à en sortir sans abolir ces lois liberticides et sans restaurer les conditions d'une liberté d'expression authentique, émancipée de la censure idéologique et juridique. 

     
     
    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologue et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.
  • L’extrême centre, le populisme des élites

     

    296519203 - Copie.jpg C'est, selon son habitude, à une fine analyse que Roland Hureaux se livre ici [Causeur - 20.05]. Nous sommes familiers de sa pensée politique depuis qu'il fut l'un des participants du colloque d'Action française du 7 mai 2016, à Paris. On parle souvent des populismes, de droite ou de gauche, comme de menaces extrémistes ; moins de celle incarnée par l’idéologie libérale majoritaire. Roland Hureaux considère que la menace qu'incarne l’extrême centre s’avère pourtant plus dangereuse et mériterait d’être reconsidérée… Il nous paraît avoir bien raison.    LFAR

    Par Roland Hureaux

    229464004.jpg

    « Il se fait passer pour raisonnable mais présente les dangers de toutes les idéologies ».

    C’est une chose entendue chez les gens de bon ton, dans les classes dirigeantes occidentales : il faut se méfier des extrêmes, ils sont dangereux. L’extrême droite évoque le spectre du nazisme (à supposer que le « parti socialiste national des travailleurs allemands » d’Hitler ait été vraiment de droite), l’extrême gauche le spectre du stalinisme ou du maoïsme.

    Non seulement, ils sont dangereux, mais ils véhiculent, dit-on, des sentiments mauvais, « nauséabonds »: ils sont le parti de la haine.

    Le peuple et son contraire

    Le populisme, qui ambitionne d’exprimer le sentiment populaire, porte généralement des idées jugées extrémistes en particulier quand il remet en cause l’ordre libéral international ou encore la construction européenne ou l’euro : il sent mauvais. Pour tout dire, comme son nom l’indique, il sent le peuple. Il faut s’en méfier comme de la peste. Dans notre géographie idéologique, les personnes convenables ne sauraient se mêler à lui.

    Face aux extrêmes, les centristes de toute nature sont, eux, des gens bien élevés : ils s’inscrivent dans le « cercle de la raison » tracé par Alain Minc. Ils ne rejettent ni l’euro ni l’Europe de Bruxelles, pas même l’Otan ou le libre-échange, encore moins la mondialisation, nécessairement heureuse. Pour parler comme Karl Popper, ils sont partisans de la  société ouverte et non de la  société fermée. La société, c’est comme le visage qu’il vaut mieux  avoir ouvert que fermé.

    L’illusion de la modération

    Les hommes du centre représentent une idéologie libérale très convenable. Dangereuse illusion.

    D’abord parce que le rattachement des idées de la droite ou de la gauche fortes aux totalitarismes du passé, que généralement ces courants récusent, est hasardeuse. Une personnalité aujourd’hui aussi peu contestée que le général De Gaulle fut, tout au long de sa carrière, suspectée, voire accusée de menées fascistes ; nous mesurons aujourd’hui l’absurdité de ce procès.

    Ensuite et surtout parce que le libéralisme auxquels se réfèrent les gens convenables a, lui aussi, pris au fil des ans le caractère d’une idéologie ; c’est cette idéologie que nous appelons l’extrême centre.

    L’extrême centre, une idéologie comme les autres

    Une démarche idéologique se reconnait à plusieurs caractères : des idées trop simples, comme par exemple la suppression de la propriété privée ou le libre-échange universel, avec souvent des effets collatéraux désastreux : l’oppression totalitaire ou la régression économique dans le cas du libéralisme européen. Au bout, le rejet des peuples : hier les dissidents, aujourd’hui les gilets jaunes.

    Mais il est un caractère de l’idéologie qui, plus que les autres, ne trompe pas, c’est l’intolérance, le refus de conférer quelque respectabilité que ce soit aux positions adverses. Car toute idéologie est un projet messianique : l’ambition de transformer radicalement  la condition humaine, par la suppression de tel ou tel fondamental anthropologique : la propriété, la nation, ou l’instauration de la démocratie libérale. L’opposition aux idéologies n’est pas une opinion parmi d’autres ; elle est tenue par ses partisans pour un obstacle à une ambition  mirifique. Les ennemis du communisme  étaient des « vipères lubriques ». Ceux du libéralisme, assimilé à tort ou à raison aux constructions supranationales sur lesquelles repose l’Occident : Otan, Union européenne, etc. sont relégués dans les ténèbres extérieures où ont sombré  les gens infréquentables. Infréquentables, c’est-à-dire qu’aucun débat n’est permis avec elles. Dix prix Nobel d’économie ont contesté la pertinence de l’euro ; il n’est néanmoins pas permis d’en débattre ; sur l’euro, l’intimidation des opposants est telle que le Parti communiste  et le nouveau Front national (Rassemblement national) n’osent plus le remettre en cause.

    La menace fantôme

    Cette véhémence contre les opposants a son volet national. L’idéologue a besoin d’adversaires diaboliques. Porteur d’une vision eschatologique qui doit faire passer des ténèbres à la lumière, il ne supporte pas d’être mis en échec. La moitié néo-conservatrice (ou ultralibérale) de l’opinion américaine, qui a  soutenu Hillary Clinton, n’a toujours pas digéré la victoire de Trump, voué aux gémonies : l’idéologie amène la grande démocratie américaine au bord de la partition. La même véhémence a aussi un volet  international : porteuse d’un projet universel, l’idéologie ne supporte pas non plus les résistances extérieures à son projet universel. A intervalles réguliers, l’idéologie dominante occidentale désigne un bouc émissaire tenu pour l’ennemi de l’humanité et lui fait la guerre ; elle a besoin de produire des monstres pour se justifier : de Bachar el Assad à Vladimir Poutine, pour ne prendre que de récents exemples. Ceux qui, aux Etats-Unis et en Europe occidentale sont les plus agressifs vis-à-vis de la Russie sont, sur le plan intérieur,  des centristes.

    Le bilan des guerres des vingt dernières années est accablant : elles ont fait des centaines de milliers de morts. Aucune pourtant n’a été déclarée par des extrémistes, presque toutes par des idéologues du « mainstream ». En tous les cas, en Europe au moins, elles ont reçu le soutien de courants centristes et le désaveu de ceux que l’on taxe d’extrémisme.

    On dira que Bush fils et son âme damnée Dick Cheney, responsables de la  guerre d’Irak (2003) étaient des extrémistes – peut-être mais les Clinton, Obama et leurs émules  européens  qui  ont soutenu leurs entreprises : Blair, Hollande, Macron, Merkel, Juncker étaient tenus à des degrés divers pour des modérés.

    Les moins démocrates d’entre tous ?

    A l’inverse, les présidents américains qui sont passés pour des hommes de la droite dure, Nixon, Reagan et jusqu’ici Trump n’ont, à la différence des précédents,  déclenché aucune guerre mais, au contraire, en ont terminé plusieurs.

    Quand la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright dit en 1996 que le renversement de Saddam Hussein méritait qu’on lui sacrifie la vie de plus de 500 000 enfants irakiens, elle exprime l’opinion d’une centriste.

    Avant même de faire des guerres, certains centristes s’avèrent des gens dangereux : le chercheur américain David Adler n’a-t-il pas montré que l’électeur du centre, aux États-Unis, était le moins attaché à la défense de la démocratie ? Ce qui est assez logique s’agissant d’un idéologue certain d’avoir raison et donc intolérant à toute opposition. 

    brit-soldier-irak.jpg

    Roland Hureaux
    est essayiste
  • Sur la page FB de nos amis du GAR : quand les Royalistes parlaient d’écologie au cœur des Trente Glorieuse (3ème partie)

    La solution royale à la question environnementale.
    Les royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 3 : les racines du mal et la réponse monarchique.

    Quels sont les présupposés idéologiques de ce progressisme qui, aujourd'hui, conjugue les sciences et le règne de l'Argent, de cette maximisation de la possession individuelle plutôt que de la recherche du Bien commun ? Il y a, bien sûr, la fameuse formule de Benjamin Franklin : « Time is money » (1), qui explique, par elle-même, tant de choses, et pas des meilleures, et signale le véritable renversement (2) de la compréhension, ou plutôt de l'appréhension humaine du temps, désormais ramené à la valeur monétaire de ce qu'il peut « rapporter » : une désacralisation du temps conjuguée à une valorisation exclusive de l'Argent, qui devient la véritable aune du monde et du temps, de son « utilité » matérielle. C'est le triomphe de l'utilitarisme, rapporté au « profit » individuel et matériel, dans un sens de plus en plus financier, l'argent devenant le vecteur privilégié des relations sociales et celui de la nouvelle hiérarchisation des classes sociales et des personnes : le « gagneur » est alors privilégié au dépens du « meilleur », Bernard Tapie ou Rockfeller au dépens de saint François d'Assise ou des bénévoles...
    La nature est aussi victime de ce nouvel état d'esprit, dont Benjamin Franklin n'est que l'interprète et qu'il puise dans une culture anglo-saxonne et protestante qui fût, au XVIIIe siècle, « l'idéologie dominante » du monde ouest-européen et qui se confond avec les fameuses « Lumières » dont il n'est pas certain que nombre d'écologistes actuels aient bien mesuré les effets logiques sur la gestion de l'environnement et l'état d'esprit des populations consommatrices.
    Le Bulletin d'AF Reims de janvier 1971 dont les lignes suivantes sont extraites revient sur les racines de la situation déplorable faite à la nature par la société de consommation, et, en deux paragraphes, développe l'état d'esprit qui, en ces temps contemporains, explique les attitudes capitalistiques, si néfastes pour l'environnement, attitudes qui rompent avec l'esprit d'un Moyen âge qui, à travers les faits et idées de saint François d'Assise, respecte plus la nature donnée (ou « confiée aux hommes ») par le Créateur (selon la tradition catholique) ,dont ses créatures animales et végétales, que l'esprit né de la Réforme. En effet, sans rentrer dans un débat théologique, ce dernier semble assujettir la nature aux hommes sans contreparties ou simple respect de celle-ci, esprit qui survalorise les humains au détriment d'une humilité pourtant nécessaire à l'équilibre des sociétés et à leurs bons rapports avec la nature environnante... Cela n'empêche pas nombre de protestants, à l'image de Jacques Ellul (3), de faire une critique tout aussi virulente d'une société capitaliste de consommation oublieuse de la juste mesure et du cadre environnemental. Mais, désormais, le capitalisme lui-même s'est largement émancipé de sa matrice « réformée » et ce n'est plus l'homme en lui-même qui est valorisé, mais bien plutôt l'individu consommateur et « quantifiable »...
    « D'où viennent ces attitudes ? Comment s'explique cette situation ?
    Pour répondre, il nous faut élargir le débat.
    « La nature est faite pour l'homme » : tel est l'esprit de la Réforme et du capitalisme. La richesse matérielle acquise sur terre est le seul moyen pour l'homme de se persuader qu'il possède la Grâce. Pour y parvenir, tous les moyens que nous donne Dieu sont bons. La destruction de la nature est un droit inaliénable ; l'extermination des Indiens et des bisons s'est faire Bible en poche. On peut fort bien inonder le monde de gaz toxiques si l'argent que procure cette noble activité de libre entreprise permet l'achat d'une installation privée d'air conditionnée.
    Et la lutte elle-même, entreprise actuellement contre les nuisances, s'effectue dans le même esprit ; il s'agit de vaincre une bonne fois ce genre de déséconomies externes pour gagner encore plus d'argent ensuite. Plus qu'une lutte du système pour sa survie, c'est un moyen pour lui d'augmenter sa puissance, d'exploiter toujours davantage (4).
    A l'Action Française, nous considérons [ndlr : au contraire des lignes précédentes, représentatives du nouvel esprit capitaliste] que le milieu naturel n'est pas à notre disposition, n'est pas un citron à presser. C'est un élément de notre héritage, un élément essentiel de notre patrimoine. Nous savons qu'il est vain et dangereux de vouloir lutter contre les lois de la nature mais qu'il faut, au contraire, s'y plier pour pouvoir réellement progresser, non de la manière factice propre aux libéraux. L'environnement est une des composantes de la politique naturelle. Il nous faut le défendre par tous les moyens, et prévenir sa récupération par le système. L’État républicain, esclave des groupes de pression, incapable de mener une politique cohérente à long terme, ne pourra agir que quand cela sera trop tard. L'héritage en sera amputé d'autant. Pour éviter cela, à nous de ramener l'héritier. »
    Le combat royaliste est ainsi le corollaire indispensable du combat écologiste : en cela, la Monarchie est le moyen institutionnel de l'écologie intégrale en France ; elle est, en somme, « l'écologisme intégral ». La République, elle et malgré les louables efforts d'un Nicolas Hulot aujourd'hui à la tête d'un ministère d’État, reste trop sensible aux pressions des grands groupes financiers et industriels pour pouvoir, en définitive, assumer et assurer, sur le long terme, ce « souci environnemental » qui est, malgré les idéologies « progressistes » et consuméristes, le fondement de toute « mesure » (au sens grec du terme, comme la traduction de pan metron : « de la mesure en tout ; jamais trop, toujours assez ») nécessaire à la vie et à l'équilibre des sociétés humaines, à la justice sociale elle-même.
    Que l'on ne s'étonne donc pas que le lys puisse être le meilleur symbole, aujourd'hui, de ce combat écologique qui s'avère désormais une cause politique d'urgence, non de la précipitation et de l'éphémère mais de l'enracinement et du temps long...
     
    Notes :
    (1) : « Le temps c'est de l'argent », formule qui donne son sens même au capitalisme désinhibé qui rompt avec ce vieux « capitalisme » (le terme est-il exact, d'ailleurs ? La question mériterait d'être posée) encore familial et traditionnel qui se reconnaissait quelques limites et pouvait accepter un certain partage des fruits de l'économie, tout en valorisant le travail des producteurs et pas seulement « la » seule production, sans limites, ni sociales ni environnementales...
    (2) : un renversement dont les conséquences se verront dès le XVIIIe, siècle dit « des Lumières », et encore plus dans les siècles suivants avec les révolutions industrielles et économiques d'une part, et « l'imposition douce » de la société de consommation d'autre part.
    (3) : Jacques Ellul (1912-1994), historien et sociologue, contempteur de la société technicienne et l'un des précurseurs du courant de la décroissance.
    (4) : N'est-ce pas là la définition même du « capitalisme vert », aujourd'hui qualifié de « développement durable » ? Car il s'agit de « faire des affaires » en réparant les dommages du « développement » et d'une société de consommation que celui-ci, pourtant, tend à atteindre « pour tous » et à donner « à tous », non selon leurs besoins véritables mais selon leurs désirs suscités par cette même société séductrice de consommation, si tentatrice par le biais de la publicité et du crédit, autre nom sympathique de l'endettement...
     
  • Éphéméride du 28 septembre

    La Réale, galère de Louis XIV

     
     
     
    1748 : Suppression des Galères par Louis XV
     
    C'est à la fin du Moyen-Âge que remonte, sans doute, l'origine des galères.
     
    Pour la France, tout ce qui se rapportait à elles fut centralisé, d'abord, à Marseille : c'est là que logeait "l'Amiral des Galères", et leur présence est à l'origine de l'agrandissement considérable de la cité, notamment par le développement du Quai de Rive neuve, en face du premier quai de la ville, l'historique Quai du Port, où se trouve toujours l'Hôtel de Ville.
     
    Puis l'ensemble des Galères fut déplacé à Toulon, où elles restèrent jusqu'à leur suppression par Louis XV. 
     
     
     
    Ci dessous, l'ancienne Capitainerie des Galères, Cours d'Estienne d'Orves...

    28 septembre,pasteur,galères,louis xv,juifs,louis xvi,malesherbes,moissan

    ...et, de l'autre côté du port, le balcon de l'Hôtel de Ville, où le buste de Louis XIV domine toujours la grande ville...

    28 septembre,pasteur,galères,louis xv,juifs,louis xvi,malesherbes,moissan

     
     
    28 septembre,pasteur,galères,louis xv,juifs,louis xvi,malesherbes,moissan
     

    1780 : Pose de la première pierre de l'Obélisque de Port-Vendres...
     
     
     


    C'est sous Louis XVI que l'ensemble architectural de la Place dite de l'Obélisque, dont les grandes lignes sont encore visibles aujourd'hui, fut édifiée.
    Elle est divisé en plusieurs terrasses partant du port :
    au niveau du quai, le premier palier est bordé par un mur de soutènement décoré de deux fontaines situées dans des niches et avec en son centre un escalier monumental permettant d'accéder à la place principale. Cette dernière, appelée "place carrée" et délimitée par des guérites, accueille un obélisque dédié à Louis XVI en son centre.
    son côté Ouest était bordé par une grille fermant un espace occupé par des bâtiments organisés en U;
    enfin, une construction couverte d'un dôme fermait la perspective sur la dernière et plus haute terrasse...
     
    Commencé en 1780, la construction fut achevée neuf ans plus tard, et dédiée à la gloire du roi Louis XVI et avec l'accord de ce dernier. Construit en marbre des Pyrénées, il a été préservé de la destruction lors de la période révolutionnaire qui l'a tout de même dépouillé d'une partie de ses ornements. Son socle a conservé ses quatre bas-reliefs originaux en bronze représentant les actions politiques majeures du règne de Louis XVI, avec, face au port :
     
     "L’Amérique indépendante", illustrant l'arrivée du navire royal "le Sensible" le 13 avril 1778 dans le Massachusetts, avec à son bord les copies du Traité d'alliance et du Traité d'amitié et de commerce réalisés et signés deux mois pus tôt et ratifiés un mois après par le congrès américain;
     
     "La reconstruction de la Marine", représentant Neptune et Amphitrite entourés d'une marine de nouveau victorieuse après la guerre des Amériques et lien direct avec la création du port militaire de Port-Vendres;
     
     "L'abolition de la servitude", où le roi est représenté en train de rendre aux serfs leur liberté, référence à l'Édit du 8 août 1779;
     
    "La liberté de commerce", avec une représentation du Génie de la France et de la Liberté survolant les océans et garantissant le commerce libre et l'abondance.

    Culminant à environ 33 mètres, une fleur de lys couvre un globe terrestre en bronze, le protégeant ainsi de ses feuilles.
     
    Les références au Monde se retrouvent également dans les quatre trophées encadrant l'obélisque et représentant les quatre continents reconnus à l'époque :
    l'Europe (un buste cuirassé, un bouclier avec cheval, un casque et une tiare papale);
    l'Asie (un turban, un bouclier avec des croissants de lune et une lampe);
    l'Afrique (un lion et un éléphant);
    et l'Amérique (un crocodile, une coiffe à plume et la représentation d'un indien).
     
    https://www.petit-patrimoine.com/fiche-petit-patrimoine.php?id_pp=66148_1
     

    82893968_723356994856717_5121856802375335936_o.jpg

     

     

    28 septembre,pasteur,galères,louis xv,juifs,louis xvi,malesherbes,moissan
     
     
     
     
    1791 : Loi sur l'Émancipation des Juifs en France
     
    louis xvi emancipation juifs.JPG
     

    Comme tant d’autres mesures prises à partir de 1789, il s’agit là aussi, en réalité, de l’aboutissement d’un dossier ouvert sous la Monarchie et par elle, et qui aurait évidemment abouti sans la Révolution.

     

    Un exemple parmi d’autres de ce qu’accomplissait dans la paix et l’ordre la Révolution Royale entamée sous Louis XV, grâce au renvoi des Parlements (voir l'Éphéméride du 19 janvier), et donc à la fin de l'obstruction systématique qu'ils menaient contre toute tentative de réformes; mais que le rappel de ces mêmes Parlements par Louis XVI interrompit, leur opposition à toute réforme reprenant comme par le passé, et rendant inévitable l'explosion connue sous le nom de Révolution française…(voir l'Éphéméride du 12 novembre)

     

    Dès 1784, en effet, Louis XVI avait émis des Lettres Patentes permettant aux Juifs l’exercice de l’agriculture, du commerce et de l’artisanat.

     

    Le 17 novembre 1787, alors qu’il vient de signer la veille, 16 novembre, l’Édit de Tolérance (document ci-dessous), Louis XVI commande à Malesherbes un rapport sur la situation des Juifs de France en vue d’améliorer leur situation.

     

    Et il aura pour lui ce mot : "M. de Malesherbes, vous vous êtes déjà fait protestant. Maintenant, je veux que vous vous fassiez juif. Je vous demande de vous occuper d'eux."

     

    L’Édit de 1787, un premier pas, généralisera l’état civil à tous les non catholiques.

     

    La convocation des États généraux mettra un terme au travail entrepris, et l’égalité des droits aux Juifs sera octroyée par la révolution et non par le roi. Il n’en demeure pas moins que, là aussi, il faut rendre à César

    555_115_image_chan_edit_tolerance_1787_01.jpg

     Déjà Henri II, en pleine Renaissance, avait initié une politique de tolérance vis-à-vis des Juifs, dans une Europe où l'antisémitisme était largement répandu; une tolérance confirmée par Henri III (voir l'Éphéméride du 11 novembre) et, malgré d'évidentes sinuosités, maintenue jusqu'à... Louis XVI !

     

     

     

     28 septembre,pasteur,galères,louis xv,juifs,louis xvi,malesherbes,moissan

     

     

    1840 : Louis-Philippe, aux origines des Chasseurs alpins et Troupes de montagne

     

    28 septembre,pasteur,galères,louis xv,juifs,louis xvi,malesherbes,moissan

     

    Dans les années 1840, Louis-Philippe chargea son fils, le duc d'Orléans Ferdinand-Philippe, de monter une troupe spéciale chargée d'expérimenter les nouvelles armes de tir (notamment des carabines), qui se multipliaient.

    Ferdinand-Philippe créa donc une troupe d'élite spécifique, équipée d'un matériel allégé et plus fonctionnel que l'infanterie classique, habillée d'une tenue adaptée pour des missions furtives et rapides. Cette troupe d'élite vit le jour en 1837 et prit le nom de Compagnie de chasseurs d'essai...

    Donnant pleine satisfaction, et donc renforcée, cette Compagnie devint Bataillon provisoire de chasseurs à pied en 1838. Ce Bataillon fut envoyé en Algérie, où il s'illustra. Louis-Philippe fit alors voter une loi portant création de dix bataillons de Chasseurs à pied, le  : ils passeront à vingt en  puis à trente-et-un en 1871...

    Par la suite, avec l'unification italienne, une nouvelle menace apparut pour la France, sur sa frontière alpine pour la France, car les Italiens dotèrent leur armée de troupes spécialement formées au combat en montagne. La France devait donc pouvoir répondre à une éventuelle invasion italienne en lui opposant des troupes elles aussi spécialisées.

    Le , une loi créa les Troupes de montagne. Douze des 31 bataillons de chasseurs à pied furent choisis pour assurer cette mission. Ils prirent l'appellation de Bataillons alpins de chasseurs à pied, et devinrent, en 1916, Bataillons de chasseurs alpins...

  • Police mentale et ministère de la vérité, par Michel Onfray.

    Source : https://frontpopulaire.fr/

    (Michel Onfray réagit aux attaques contre Front populaires parues cette semaine dans Le Monde et Libération)

    Des amis bien intentionnés me signalent avec gourmandise un papier ordurier du Monde concernant la sortie de notre revue Front Populaire. J’avais signalé autour de moi que ce genre de follicule paraitrait et dit ce qu’on y lirait: pas la peine de relire ce qu’on sait devoir déjà s’y trouver – Vichy, Pétain, Doriot, Déat, Hitler, Mein Kampf, Valois, les Rouge-Bruns, l’antisémitisme, la rhétorique est éculée, elle ne fait plus illusion que chez ceux qui ont renoncé à penser par eux-mêmes. Vous me direz, ça commence à faire du monde, et vous n’aurez pas tort…

    Il n’est même pas surprenant que ce journal confirme ce que je dis depuis des années: dès qu’on ne pense pas comme eux, ils sortent les panzers et le camp d’extermination, la Shoah et la chambre à gaz, le zyklon B et la Luftwaffe!

    michel onfray.jpgQuel talent pour faire avancer la cause des négationnistes, car, si ce que propose Front populaire, c’est, en douce, la Solution finale, alors la Solution finale c’était bien peu de chose! Mais si la Solution finale était l’un des sommets dans le Mal, alors que faut-il penser d’une revue d’amis libres, nullement soutenue par un groupe, une banque, un réseau, un parti, une combine, qui se propose tout simplement de penser le souverainisme et de penser en souverainiste? Qu’elle doit figurer à coté de Mein Kampf dans les bibliothèques? Quel être sain d’esprit peut-il penser une pareille chose?

    Il faut bien que la frousse associée à notre entrée en fanfare (merci les abonnés!) anime ces piètres penseurs pour renoncer à tout débat et lui préférer l’insulte la plus éculée, celle qui, de plus, exige le moins de cerveau possible.

    Depuis des années, question d’hygiène, articles ou livres, je ne lis rien de ce qui est publié sur moi; je n’ai pas lu ce texte et ne le lirai pas; je n’y répondrai donc pas factuellement puisque j’ai pour ligne de conduite de ne pas le faire – sauf cas exceptionnels , quand j’estime le contradicteur. Ce serait sinon pour moi un travail à plein temps…

    Je voudrais juste dire qu’être insulté par Le Monde sous la signature d’un certain Abel Mestre est une plume que j’ajoute volontiers à mon chapeau.

    Je m’explique sur ce journal dit de référence:

    Le journal Le Monde a été créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry qui venait de l’extrême-droite: Camelots du Roi, faisceau de Georges Valois, le premier parti fasciste français, directeur des études à l’école d’Uriage qui formait les cadres de Vichy. Cet homme écrit dans Esprit, en 1941: «Il faut à la révolution un chef, des cadres, des troupes, une foi, ou un mythe. La Révolution nationale a son chef et, grâce à lui, les grandes lignes de sa doctrine. Mais elle cherche ses cadres.» Il s’évertuera à les lui trouver… En janvier 1943, après que Stalingrad eut scellé le sort de la guerre en faveur des antinazis, Uriage entre dans la Résistance sans pour autant renoncer à ses idées. Quand le général de Gaulle écrivait à Beuve-Méry: «Vous n’êtes pas des miens», il savait de quoi il parlait… Lors du référendum de 1969, le directeur du Monde soutient le «non» au général de Gaulle qu’il contribue ainsi à évincer.

    On ne s’étonnera pas que Beuve-Méry ait préféré Jean Monnet et son Europe populicide et liberticide à l’Europe des peuples et des nations du général de Gaulle. On lira avec intérêt le livre de l’universitaire Antonin Cohen intitulé De Vichy à la communauté européenne paru aux Presses universitaires de France. On y apprendra, entre autres choses bien intéressantes, le rôle tenu par Le Monde dans la fabrication de la fiction d’un Jean Monnet père de l’Europe alors qu’il était financé par les États-Unis pour construire cette Europe destinée à abolir les nations afin de réaliser un grand marché post-national; le recyclage de nombre d’anciens d’Uriage dans ce projet européen; la naissance de l’expression «communauté européenne» dans les cercles d’Uriage; la dilection particulière d’André Fontaine, journaliste au Monde en 1947, puis directeur de la rédaction de celui-ci de 1969 à 1985, pour un certain Benito Mussolini. Et puis cette information qui ne manque pas d’intérêt: Walter Hallstein, le premier président de la commission européenne entre 1958-1967, a été professeur de droit, instructeur des soldats nazis. Il a adhéré à l’Association national-socialiste des enseignants, à l’Association des juristes nationaux-socialistes, à l’Association allemande national-socialiste des maîtres de conférence et à l’Association national-socialiste de protection des civils face aux raids aériens - il a donc porté l’uniforme d’officier du III° Reich. Dans l’Europe de Jean Monnet, on n’est pas regardant sur le passé de ses acteurs… Un ancien nazi a donc dirigé pendant près de dix ans la Commission européenne. Trouverait-on un seul papier du Monde pour s’en indigner et, selon leur façon de ne pas raisonner, condamner de ce fait en bloc toute l’Europe de Maastricht?

    Ce journal défend également la pédophilie. Le 26 janvier 1977 pour être précis, il accueille en effet une pétition pour soutenir trois pédophiles ayant abusé de trois victimes dont la plus jeune à treize ans. Il publiera ensuite une autre pétition pour dépénaliser le crime pédophilique. Le Monde publie la liste des signataires – tous les intellectuels de gauche s’y trouvent ou presque: Aragon, Sartre & Beauvoir, Barthes, Glucksmann, Deleuze & Guattari, Châtelet, Sollers, Henric, et mais aussi Jack Lang, Bernard Kouchner, etc. Le texte de cette pétition a été écrit par Gabriel Matzneff qui venait de publier un manifeste pédophile sous le titre Les Moins de seize ans. Le 25 octobre 1974, Le Monde en avait publié un excellent compte-rendu sous la plume de Roland Jaccard. Philippe Sollers a édité six volumes de ses journaux pendant dix-sept années. Qui dira que cette aimable complicité ne fut pas constante? Dans ces livres, Matzneff donne le détail de sa vie de pédophile. BHL dit du bien de lui sur un plateau d’Apostrophes en 1987 mais aussi ici ou là dans son bloc-notes, par exemple dans Questions de principe V (Livre de Poche pp.179-180). Matzneff a été chroniqueur au Monde de 1977 à 1982. Quand a éclaté l’affaire Vanessa Springora qui a publié un ouvrage dans lequel elle raconte sa relation avec lui, Josyane Savigneau, qui fut directrice du Monde des livres entre 1991 et 2005, et qui confondait souvent ses intérêts et ceux de la littérature, est remontée au créneau pour défendre Matzneff. Dans un message sur Twitter, la dame assimile ceux qui prennent parti pour le pédophile à des «résistants». On comprend que, pour certains journalistes du Monde, les mots résistant et collaborateur ne signifient plus grand-chose – ce qui aurait réjoui Robert Faurisson le père du négationnisme. De 1977 à 2020, quelle constance dans l’abjection!

    Le Monde a également aimé la Chine de Mao. C’est dans ses colonnes que Sollers (11. IX. 1974) ou Barthes (24.V.1974) ont pu vanter les mérites de ce régime en pleine Révolution culturelle – les estimations hautes parlent de vingt millions de morts pour cette seule période de l’histoire chinoise. Une peccadille bien sûr…

    Le même journal a aussi célébré Pol-Pot. Le 17 avril 1975, le journaliste Patrick de Beer signe un papier enthousiaste sur la chute de Phnom-Penh. Jean Lacouture, plume du Monde lui aussi, ne ménage pas non plus son soutient au régime des khmers rouges. Le 17 janvier 1979, Alain Badiou publie Kampuchéa vaincra dans Le Monde. Il y défend ce régime qui va faire 1,7 millions de morts, soit 20 % de la population. Une broutille évidement…

    Michel Legris qui a travaillé au Monde entre 1956 et 1972 écœuré par ce qu’il a vu dans ce journal, a publié en 1976 Le Monde tel qu’il est afin de dénoncer la propagande que mène ce journal sous prétexte d’information. Il a documenté les techniques de désinformation, les rhétoriques spécieuses, les amalgames, les paralogismes, les insinuations très jésuites qui constituent la déontologie du journal! Après la parution de son enquête, pendant neuf ans, ce journaliste a été mis au ban de la presse française.

    En 2003, Pierre Péan et Philippe Cohen remettent le couvert avec La Face cachée du monde. A l’époque, le journal était dirigé par Alain Minc, Jean-Marie Colombani et… Edwy Plenel. Ne cherchez pas l’intrus, il n’y en a pas. Le Monde n’aime pas que les idées, il aime aussi beaucoup l’argent et pas toujours l’argent propre: le livre documente tout cela jusqu’à la nausée. Daniel Schneiderman dira dans ce journal où il travaillait que ce livre soulevait un certain nombre de problèmes; il sera licencié.

    Monsieur Mestre maintenant.

    Je n’ai pas fait d’enquête. On m’a juste signalé qu’il était au PCF. Voilà qui me suffit amplement pour juger de la valeur éthique et déontologique du personnage.

    De la même manière qu’un peu d’histoire ne nuit pas pour savoir à quoi s’en tenir avec Le Monde, un peu d’histoire nous permettra de savoir ce qu’est ce Parti auquel adhère ce monsieur.

    Pour aller vite et balayer le XX° siècle, mais je détaillerais bien volontiers, les communistes ont souscrit au Pacte germano-soviétique entre 1939 et 1941. Du fait de cette alliance entre nationaux-socialistes et marxistes léninistes, ils ont appelé à collaborer avec l’occupant jusqu’à ce qu’Hitler dénonce le pacte unilatéralement avec l’opération Barbarossa. C’est alors que le PCF est devenu résistant, mais c’était deux ans après l’Appel du 18 juin; avant il estimait qu’ayant les mêmes ennemis qu’Hitler , à savoir les capitalistes, les banquiers, Londres, la City, de Gaulle et… les juifs, le compagnonnage n’était pas contre nature. Il ne l’était pas en effet. Le pacte rouge brun, au PC, on connait. On lira avec intérêt les détails de ce dossier accablant dans L’affaire Guy Môquet de Franck Liaigre et Jean-Marc Berlier (chez Larousse, un éditeur incontestable).


    Ensuite, le PCF a critiqué les velléités indépendantistes des algériens en 1945. Lors des massacres de Sétif et Guelma, qui ont vu la mort de centaines de militants algériens qui se réjouissaient de la Libération avec youyous et drapeaux algériens, L’Humanité a sali ces victimes en les qualifiant d’«hitléro-troskystes». Ils ont voté les pouvoirs spéciaux au gouvernement socialiste de Guy Mollet pendant la guerre d’Algérie. Le ministre de l’Intérieur, puis de la justice, avait alors pour nom François Mitterrand. Ce vote des pleins pouvoirs voulait dire: blanc-seing pour l’armée, donc pour les tortures et les exécutions sommaires, les fameuses «corvées de bois». C’était un passeport pour Massu, Bigeard et Aussaresses. Voilà pourquoi le Parti n'a pas souscrit à l’appel à l’insoumission des «121» pendant la guerre d'Algérie en 1960.

    De même, le PCF était contre l'avortement et la contraception dans les années 50. Pas question, disait le couple Jeannette Vermeersch et Maurice Thorez, que les ouvrières aient les vices des femmes de la bourgeoisie! Ce même PCF était homophobe et estimait qu’il s’agissait là aussi, là encore, d’un vice de la bourgeoisie. Le parti affermait sans rire que l’homosexualité n’existait pas en URSS – mais dans ses goulags, si... Au congrès du Havre, en 1956, le PCF affirmait ceci: «Le néomalthusianisme (comprendre: la contraception NDR) , conception ultraréactionnaire, remise à la mode par les idéologues de l'impérialisme américain, est une arme aux mains de la bourgeoisie pour détourner les travailleurs de la lutte pour les revendications immédiates, pour le pain, pour le socialisme.» C’est beau comme une statue de Lénine.

    Le même parti était également anti-immigrés. En 1980, Georges Marchais écrit en effet ceci au recteur de la mosquée de Paris: «La présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés fait que la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes (…). C’est pourquoi nous disons: il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage (…). Je précise bien: il faut stopper l’immigration officielle et clandestine.» On aura bien lu, ça n’est pas Jean-Marie Le Pen, non, c’est Georges Marchais qui fut volontaire pour partir travailler pour les nazis en 1943 et fut pendant (un quart de siècle 1972-1997) le patron du PCF. Il travaillait alors pour Messerschmitt.

    Comment ce PCF-là a-t-il pu passer pour le contraire de ce qu’il fut?

    A la Libération, pour désarmer les communistes résistants qui voulaient prendre le pouvoir en France, de Gaulle au pouvoir effectue un Yalta des portefeuilles en allant même jusqu’à recycler Maurice Thorez, pourtant convaincu de désertion, de trahison et de collaboration avec l’ennemi, mais aussi François Mitterrand, qui eut un passé fascisant avant-guerre, pétainiste et vichyste pendant l’occupation, et giraudiste à la fin. Si de Gaulle avait dû regarder au passé du personnel administratif et politique, journalistique et universitaire, juridique et éditorial français, il aurait été bien seul…

    De Gaulle a donc laissé filer la culture au PCF qui, au fil d’alliances opportunistes avec les gaullistes ou les socialistes est devenu le parti des cheminots résistants, de la décolonisation, de l'antiracisme, du féminisme, du progrès social et sociétal. Un comble! Comme le parti pesait un quart de l’électorat après-guerre, nombre d’intellectuels qui n’avaient guère résisté pendant l’occupation, ou bien tardivement, se sont refait une santé en célébrant les mérites de Staline.

    Tout ceci constitue ce que j’ai nommé l’impensé de la gauche. L’an dernier, j’ai consacré sous ce titre un livre à ce sujet aux éditions Galilée – un éditeur fascistoïde, probablement, qui a ouvert son catalogue avec Jacques Derrida et publié des dizaines de livres de lui. Personne dans la presse n’en a bien sûr parlé.

    J’y disais ceci pour conclure: «Quelles sont les conséquences de cet impensé de la gauche aujourd’hui? D'abord une totale impunité intellectuelle  elle peut tout se permettre  gommer son passé terroriste et génocidaire en 1793, merci Robespierre & Mélenchon; passer sous silence son passé colonialiste au XIX°, merci Jules Ferry, et au XX° siècle, merci Mitterrand, Guy Mollet et, on vient de le voir, le Parti socialiste et le Parti communiste ; vendre sa mythologie toute à sa gloire en se présentant comme défendant la liberté, l'égalité et la fraternité dans l'histoire, y compris avec la guillotine ou le goulag, la famine ou la déportation, merci Marat et Lénine, merci Staline; s'inventer une généalogie dans la résistance et, pour ce faire, ne jamais parler du Pacte germano-soviétique, merci Maurice Thorez réfugié dès 1939 en URSS pendant la deuxième guerre mondiale et , de ce fait, condamné pour désertion; oublier que Marchais, premier secrétaire du PCF, est parti en 1943 comme volontaire travailler en Allemagne jusqu'en 1945, merci Georges, et bonjour la Résistance communiste; faire comme si le PCF n'avait jamais tenu de propos homophobes, rasé des foyers d'immigrés, condamné la pilule et l'avortement, merci Jeannette Vermeersch; liquider le Parti socialiste dans le libéralisme en 1983, puis dans l'Europe du marché libre en 1992, merci une fois encore Mitterrand et Mauroy, Delors et Hollande, merci Macron...

    Cette totale impunité intellectuelle se double d'une formidable capacité à donner des leçons aux autres. L’oubli, la négation, la dénégation, l'effacement, la réécriture de l'Histoire, voilà la méthode. Pour ce faire, il faut parler toujours du nazisme, de Vichy, de Pétain, affirmer que toute la droite était collaborationniste, et, fin du fin, traiter de fasciste, de vichyste, de pétainiste, de personnage qui fait le jeu de l'extrême-droite, quiconque ne pense pas comme elle, même à gauche, je témoigne, merci Laurent Joffrin & C°.

    Ceux qui procèdent de partis de gauche qui, au XX° siècle, ont voté les pleins pouvoirs à Pétain, collaboré avec Hitler, critiqué l'avortement, l'homosexualité, qui ont stigmatisé les immigrés, justifié le colonialisme et la guerre d'Algérie, la torture et les pouvoirs spéciaux, qui ont estimé que l'URSS et les pays de l'est pouvaient se prévaloir d'un "bilan globalement positif", comme l'a affirmé Georges Marchais en mai 1979, ou que Soljenitsyne était un agent de la CIA, ne perdent pas une occasion de salir leurs adversaires à l'aide de leurs anciennes amours - vichystes, pétainistes, fascistes, homophobes, antisémites, racistes.»

    J’ai écrit ce texte l’an dernier. J’aurais pu l’écrire ce jour.

    Ce monsieur Mestre m’a bien

  • Nouveaux scénarios à l’ère du Coronavirus Le Coronavirus est-il un châtiment divin ? Considérations politiques, historiq


    (Un grand merci à Annie Laurent qui m'a transmis hier matin ce texte extrêmement intéressant... François Davin, Blogmestre)

     

    Le sujet de mon intervention s’intitule : “les nouveaux scénarios en Italie et en Europe pendant et après le Coronavirus”. Je n’aborderai pas la question d’un point de vue médical ou scientifique : je n’en ai pas la compétence. Mais je traiterai cette question sous trois autres angles : celui du spécialiste de sciences politiques et sociales ; celui de l’historien ; et celui du philosophe de l’histoire. 

    Spécialiste des sciences sociales 

    Les sciences politiques et sociales sont celles qui étudient le comportement de l’homme dans son contexte social, politique et géopolitique. De ce point de vue, je ne m’interroge pas sur les origines du Coronavirus et sa nature, mais sur ses conséquences sociales actuelles et à venir. 

    Une épidémie est la diffusion à l’échelle nationale ou mondiale (en ce cas, on parle de pandémie) d’une maladie infectieuse qui touche un grand nombre d’individus d’une population donnée, en un espace de temps très bref. 

    Le Coronavirus, rebaptisé par l’OMS Covid-19, est une maladie infectieuse dont la diffusion a commencé en Chine. L’Italie est le pays occidental apparemment le plus touché. 

    Pourquoi l’Italie est-elle aujourd’hui en quarantaine ? Parce que, comme l’ont compris dès le début les plus fins observateurs, le problème du Coronavirus n’est pas tant le taux de mortalité de la maladie, mais bien sa rapidité de contagion. 

    Tous sont d’accord pour dire que la létalité de la maladie en elle-même n’est pas très élevée. Un malade peut guérir, s’il est assisté par le personnel spécialisé dans des structures sanitaires bien équipées. Mais si le nombre de malades s’étend, du fait de la rapidité de la contagion qui peut toucher simultanément des millions de personnes, on va manquer de structures et de personnel : les malades meurent faute de recevoir les soins nécessaires. En effet, les cas graves ont besoin du support des soins intensifs pour ventiler les poumons. Sans ce support, les patients meurent. Si le nombre de contagions augmentent, les hôpitaux ne seront plus en mesure de garantir à tous les soins intensifs et le nombre de morts augmentera. 

    Les projections épidémiologiques sont inéluctables et justifient les précautions prises. Si on ne le contrôle pas, le coronavirus pourrait toucher toute la population italienne. Même en supposant qu’il n’y ait en définitive que 30% de personnes infectées, soit environ 20 millions, si on compte à la baisse que 10% de ces cas se compliquent et ont besoin de soins intensifs, ces cas sont destinés à décéder. On aurait alors 2 millions de décès directs, plus tous les décès indirects résultant de l’écroulement du système de santé et de l’ordre social et économique qui en découle”.

    L’écroulement du système de santé aura à son tour d’autres conséquences, dont la première est la faillite du système productif du pays. 

    D’ordinaire, les crises économiques apparaissent lorsque font défaut l’offre et la demande. Mais si ceux qui voudraient consommer doivent rester chez eux, les magasins sont fermés et ceux qui seraient en mesure d’offrir ne peuvent faire parvenir leurs produits aux clients, parce que les opérations logistiques, le transport des marchandises et les points de vente entrent en crise, les chaînes d’approvisionnement, les supply chain, s’écroulent. Les banques centrales ne sont plus en mesure de sauver la situation : “la crise post coronavirus n’a pas de solution monétaire”, écrit Maurizio Ricci, sur La Repubblica du 28 février. 

    L’expression “tempête parfaite” a été forgée il y a quelques années par l’économiste Nouriel Roubini, pour désigner un ensemble de conditions financières qui pourrait conduire à un krach financier : Il y aura une récession globale due au Coronavirus”, affirme Nouriel Roubini, qui ajoute : “la crise va exploser et mener au désastre. A l’appui des prévisions de Roubini, nous constatons déjà la chute du pétrole : suite à  l’échec de l’accord à l’Opec, l’Arabie Saoudite, pour défier la Russie, a décidé d’augmenter la production et de baisser les prix. Et les évènements à venir viendront probablement confirmer ces prévisions.  

    Le point faible de la globalisation est l’”interconnexion”, ce mot magique de notre époque que l’on emploie tant en économie qu’en religion. L’exhortation apostolique Querida Amazonia du pape François est un hymne à l’interconnexion. Mais le système global est fragile, précisément parce qu’il est trop interconnecté. Et le système de distribution des produits est l’une des chaînes de cette interconnexion économique.  

    Ce n’est pas un problème de marchés, mais d’économie réelle. Ce n’est pas seulement la finance, mais aussi l’industrie, le commerce et l’agriculture, autrement dit les piliers de l’économie d’un pays, qui peuvent s’effondrer si le système de production et de distribution entre en crise.  

    Mais on commence à entrevoir aussi un autre point : il n’y a pas que l’écroulement du système sanitaire, ni l’éventualité d’un crack économique, mais il peut aussi y avoir un écroulement de l’Etat et de l’autorité publique, en un mot l’anarchie sociale. La révolte dans les prisons en Italie en est un indicateur. 

    Les épidémies ont des conséquences psychologiques et sociales, du fait de la panique qu’elles peuvent provoquer. Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, la psychologie sociale a fait son apparition. Et l’un de ses premiers représentants est Gustave Le Bon (1841-1931), auteur d’un ouvrage célèbre intitulé Psychologie des foules (1895).

    Le Bon analyse le comportement collectif et explique que dans une foule l’individu subit un changement psychologique : sentiments et passions se transmettent d’un individu à l’autre “par contagion”, comme on se transmet les maladies infectieuses. La théorie de la contagion sociale moderne, qui s’inspire de Le Bon, explique que, protégé par l’anonymat de la masse, même l’individu le plus calme peut devenir agressif, en agissant par imitation et suggestion. La panique est l’un de ces sentiments qui se transmet par contagion sociale, comme ce fut le cas lors de la Révolution française, dans la période dite de la “grande peur”

    Si, outre la crise sanitaire, nous avons aussi une crise économique, une vague incontrôlée de panique peut déchaîner les pulsions violentes de la foule. L’Etat est supplanté par les tribus, les bandes, surtout dans les périphéries des grands centres urbains. L’anarchie a ses agents et la guerre sociale, théorisée par le Forum de San Paolo, une conférence des organisations d’extrême-gauche d’Amérique Latine, est déjà à l’oeuvre de la Bolivie au Chili, du Venezuela à l’Equateur. Elle peut rapidement s’étendre aussi à l’Europe. 

    Ce processus révolutionnaire répond certainement au projet des lobbys globalistes, Mais si c’est là une vérité, il faut dire aussi que cette crise signe précisément la défaite de l’utopie de la globalisation, présentée comme la voie principale qui doit mener à l’unification du genre humain. En effet, la globalisation  détruit l’espace et abat les distances : aujourd’hui, pour échapper à l’épidémie, la règle est la distance sociale, l’isolement de l’individu. La quarantaine s’oppose diamétralement à la “société ouverte” appélée de ses voeux par George Soros. La conception de l’homme comme relation, caractéristique d’un certain personnalisme philosophique, disparaît. 

    Le pape François, après l’échec de Querida Amazonia, comptait beaucoup sur le congrès dédié au “global compact” prévu au Vatican le 14 mai. Il se trouve que ce congrès a été décalé et non seulement il s’éloigne dans le temps, mais ses hypothèses idéologiques se dissolvent. Le Coronavirus nous ramène à la réalité.

     Ce n’est pas la fin des frontières, telle qu’elle avait été annoncé après la chute du Mur de Berlin. C’est la fin d’un monde sans frontières. Ce n’est pas le triomphe du nouvel ordre mondial : c’est le triomphe du nouveau désordre mondial. Le scénario politique et social est celui d’une société qui se désagrège et se décompose. 

    Tout cela a-t-il été planifié ? C’est possible. Mais l’histoire n’est pas une suite déterministe d’évènements. Le maître de l’histoire est Dieu, et non les maîtres du chaos. C’est la fin du “village global”. Le killer de la globalisation est un virus global, le Coronavirus.

     

    Le point de vue de l’historien

    De l’analyse de l’observateur politique, nous passons à celle de l’historien qui cherche à voir les choses dans une perspective à long terme. Les épidémies ont accompagné l’histoire de l’humanité depuis toujours jusqu’au XXème siècle. Avec elles, il y eut toujours deux autres fléaux :  les guerres et les crises économiques. La dernière grande épidémie, la grippe espagnole des années 1920, fut étroitement liée à la Première Guerre Mondiale et à la Grande récession de 1929, connue aussi comme “the Great Crash”, crise économique et financière qui impacta l’économie mondiale à la fin des années 20, avec de graves répercussions également sur la décennie qui suivit. Puis ce fut la Seconde guerre mondiale.

    Laura Spinney est une journaliste scientifique anglaise, auteur d’un ouvrage intitulé La Grande Tueuse. Comment la grippe espagnole a changé le monde. Elle écrit que de 1918 à 1920, le virus de la grippe espagnole a contaminé environ 500 millions de personnes, dont certains habitants d’îles éloignées de l’Océan Pacifique et de la Mer Glaciale Arctique, provoquant le décès de 50-100 millions d’individus, dix fois plus que la Première Guerre Mondiale. La première guerre mondiale contribua à répandre le virus dans le monde entier

    Dans le monde interconnecté de la globalisation, la facilité de contagion est certainement plus grande qu’elle ne l’était il y a cent ans. Qui pourrait le nier ?

     

    Mais le regard de l’historien nous fait remonter plus loin dans le temps. 

      Le XXème siècle fut le siècle le plus terrible de l’histoire, mais il y eut un autre siècle terrible, celui que l’historienne Barbara Tuchman, dans son ouvrage A distant Mirror, définit comme“The Calamitous Fourteenth Century”.

    Je voudrais m’arrêter sur cette période historique qui marque la fin du Moyen-Age et le début de l’ère moderne. Je le fais en me basant sur les oeuvres d’historiens non catholiques, mais sérieux et objectifs dans leurs recherches. 

    Les Rogations sont les processions instaurées par l’Eglise pour implorer l’aide du Ciel contre les calamités. Dans les Rogations, on prie A fame, peste et bello libera nos, Domine : de la faim, de la peste et de la guerre, délivrez-nous Seigneur. La faim, la peste et la guerre ont  toujours été considérées par le peuple chrétien comme des châtiments de Dieu. L’invocation liturgique de la cérémonie des Rogations, écrit l’historien Roberto Lopez “reprit au XIVème siècle toute son actualité dramatique . “Entre le Xème et le XIIème siècle – observe Lopez – aucun des grands fléaux qui déciment l’humanité ne semble avoir fait massivement rage ; ni la peste, dont on n’entend pas parler en cette période, ni la famine, ni la guerre, qui fit un nombre très restreint de victimes. De plus, les horizons de l’agriculture furent alors élargis par un adoucissement progressif du climat. Nous en avons la preuve dans le recul des glaciers en montagne et des icebergs dans les mers du Nord, dans l’extension de la viticulture dans des régions comme l’Angleterre où elle n’est plus possible aujourd’hui, dans l’abondance d’eau dans les territoires du Sahara, reconquis ensuite par le désert .

    Le contexte fut bien différent au XIVème siècle, qui vit converger des catastrophes naturelles et graves, tant sur le plan religieux que politique. 

    Le XIVème siècle fut un siècle de profonde crise religieuse : il s’ouvrit avec la gifle d’Anagni (1303), l’une des plus grandes humiliations de la Papauté dans l’histoire ; puis il vit le déplacement des papes, pendant soixante-dix ans, dans la ville d’Avignon en France (1308-1378) et il se termina, de 1378 à 1417, par les quarante ans du Schisme d’Occident, où l’Europe catholique était divisée entre deux, puis trois papes opposés. 

    Si le XIIIème siècle fut une période de paix en Europe, le XIVème siècle fut une époque de guerre permanente. Il suffit de penser à la “guerre de cent ans” entre la France et l’Angleterre (1339-1452) et à l’irruption des Turcs dans l’Empire Byzantin par la prise d’Andrinople en 1362.  

     L’Europe connut en ce siècle une crise économique due aux changements climatiques provoqués non par l’homme, mais par les périodes glaciaires. Le climat du Moyen-Age avait été doux et tempéré, tout comme ses moeurs. Au XIVème siècle, les conditions climatiques se firent brusquement plus rudes. 

      Les pluies et les inondations du printemps 1315 eurent pour conséquence une famine générale qui s’empara de l’Europe entière, et en particulier des régions du Nord, causant la mort de millions de personnes. La faim se répandit partout. Les vieux refusaient volontairement la nourriture dans l’espoir de permettre aux jeunes de survivre et les chroniqueurs de l’époque rapportèrent de nombreux cas de cannibalisme.  

    L’une des principales conséquences de la famine fut la destructuration agricole. Il y eut, en ce temps-là, de grands mouvements de dépeuplement agricole caractérisés par la fuite des terres et l’abandon des villages ; la forêt envahit les champs et les vignes. À la suite de l’abandon des campagnes, il y eut une forte réduction de la productivité des sols et un appauvrissement du bétail. 

    Si le mauvais temps provoque la famine, cette dernière affaiblit les populations et ouvre la voie aux maladies. Les historiens Ruggero Romano et Alberto Tenenti rapportent qu’au XIIIème siècle, le cy

  • Dans le monde et dans notre Pays légal en folie : revue de presse et d'actualité de lafautearousseau...

     

    Macron à Davos ? Philippe de Villiers en parle aussi bien que possible... :

    "#Davos, temple du globalisme créé par Klaus #Schwab, dont Emmanuel #Macron est le fils spirituel. Pour eux, la gouvernance ne peut être que mondiale : la souveraineté nationale est dépassée. C’est un laboratoire planétaire de la déconstruction."
     
    (extrait vidéo 3'09)
     
     
     

    1AZZZ.jpg

     

    1. Non aux éoliennes et d'accord avec Vent DEBOUT :

    "Les #mensonges de l'industrie #éolienne. NON messieurs les promoteurs, en France, les éoliennes ne fournissent pas une énergie compétitive. Bien au contraire !"

    https://ventdebout59.fr/un-modele-economique-ruineux/

    Image

     

    2. Eh, oui ! Macron devrait méditer ce propos de Guillaume Bigot (et son entourages lui conseiller d'y réfléchir...) :

    "À force de parler pour ne rien dire, on ne parle plus à personne !..."

    (extrait vidéo 2'14)

    https://x.com/Guillaume_Bigot/status/1748290772485484560?s=20

    Guillaume Bigot on X: "À force de parler pour ne rien dire, on ne parle  plus à personne ! #macron20h E.Macron #Davos https://t.co/77IjbjdymE" / X

     

    3. (De Front populaire) La natalité française est au plus bas. Michel Onfray rappelle que la démographie est une chose sérieuse et qu'il est grand temps de s'extraire de l'emprise des idéologues...

    (extrait vidéo 0'43)

    https://x.com/FrontPopOff/status/1748619433830940936?s=20

    France : natalité au plus bas depuis 1946 • FRANCE 24 - YouTube
     

    3 BIS. Et, sur ce même sujet de la démographie et de la (dé)natalité, de Philippe de Villiers :

    "On a cette année le record de la dénatalité depuis la guerre. Au moment où on constate tout ça, qu'est-ce qu'on nous propose ? Le raccourcissement de la vie par les deux bouts : l'avortement constitutionnel et l'euthanasie..."

    CNEWS on X: "Philippe de Villiers : «On a cette année le record de la  dénatalité depuis la guerre. Au moment où on constate tout ça, qu'est-ce  qu'on nous propose ? Le
     

    5. Proposé par Fil rouge France, sur TikTok (on regrettera juste les quelques mots estropiés et/ou les quelques fautes de frappe)  :

    "Ce que l'Algérie doit à la France. Quand est-ce qu'ils remboursent ?"

    https://x.com/FilFrance/status/1747977526457114696?s=20

    Nous permettra-t-on, pour prolonger  le débat, de proposer au lecteur cette photo, tirée de notre Album et Feuilleton "L'aventure France en feuilleton"

    L'Algérie française : un essai de bilan, par Jean Sévillia...

    1962 : L'Algérie française, un essai de Bilan...

     

    6. À lafautearousseau on lit tous les jours, le plus souvent avec plaisir, et toujours avec intérêt, les messages que poste Mgr Aupetit sur tweeter; celui-ci n'est pas le premier à nous avoir plu, à cette nuance près que nous aurions dit, nous, "en République idéologique française", au lieu de "en France"; mais bon...

    "Le grand péché, insupportable pour une société sans âme, est de défendre la vie de son commencement à sa fin naturelle. Les chrétiens qui choisissent la vie plutôt que la mort sont dénoncés par des médias plus prompts à salir qu'à informer. Où sommes nous ? En France !"
     
    Pontificium Consilium pro Familia - En marche pour la vie
     

    7. Dans Famille chrétienne : En l’espace de deux ans, avec une nette accélération depuis septembre, un nombre croissant de lycéens et d’étudiants viennent frapper à la porte de l’Église pour demander le baptême...

    https://www.famillechretienne.fr/42078/article/cest-lesprit-saint-qui-nous-les-envoie-le-boom-inattendu-des-jeunes-catechumenes

    Image

     

     

     

    À DEMAIN !

    1AZZ.jpg

  • Pourquoi la gauche a perdu les intellectuels, selon Vincent Tremolet de Villers *

     

    Nous avons maintes fois évoqué ce sujet important dans Lafautearousseau. Et, sans-doute, n'en aurons-nous pas fini de longtemps. Vincent Tremolet de Villers dresse ici de l'évolution d'une bonne partie des intellectuels français un tableau synthétique brillant, saisissant et utile.  LFAR

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpg« Pseudo-intellectuels ! » On croyait que Najat Vallaud- Belkacem était une élève appliquée, on a découvert la plus affranchie des anarchistes. Il lui aura fallu une formule prononcée le 30 avril sur RTL pour faire trembler tout ce qui, à Paris, fait la vie de l'esprit. Le Collège de France, l'Académie française, la revue Le Débat, l'Ecole des hautes études… Au bowling, ça s'appelle un strike, au tennis un grand chelem. Marc Fumaroli, Pierre Nora, Jacques Julliard, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Luc Ferry, Pascal Bruckner, Patrice Gueniffey : son tableau de chasse ferait pâlir d'envie le dernier des Enragés de 68. « Professeurs, vous êtes vieux… votre culture aussi », écrivaient-ils sur les murs ; « Intellectuels, imposteurs », leur a-t-elle dit en substance. Depuis, la bonne élève a repris le dessus et elle fait mine de trier le bon grain (Nora, Julliard) de l'ivraie (Finkielkraut, Ferry, Bruckner). Le gouvernement dans son ensemble s'est souvenu que le maître d'œuvre des Lieux de mémoire n'était pas un vulgaire porte-parole de l'UMP. Mais il est trop tard, le mal est fait. La confrérie des « pseudos », partagés entre la colère et l'effarement, épargne Najat Vallaud-Belkacem, mais le propre d'un universitaire, d'un chercheur ou d'un savant est d'avoir la mémoire longue.

    D'autant que le Premier ministre a pris, lui aussi, la mauvaise habitude de cibler penseurs et essayistes. En six mois, il a réussi le tour de force de se mettre à dos quatre auteurs à très grands succès. Il a d'abord affirmé que le livre d'Eric Zemmour ne devait pas être lu. A expliqué que celui de Houellebecq le méritait peut-être. Avant de tomber sur Michel Onfray dans une démonstration embrouillée (Manuel Valls lui reprochait en substance de préférer avoir raison avec Alain de Benoist plutôt que tort avec BHL) puis sur Emmanuel Todd (qui n'en demandait pas tant), coupable, par les considérations abracadabrantesques que l'on peut lire dans son dernier essai Qui est Charlie? (Seuil), de désespérer le canal Saint-Martin. « Crétin ! », « Pétain ! » a reçu Manuel Valls en retour.

    Tout fout le camp ! La gauche avait déjà perdu le peuple, voilà les intellectuels qui la désertent. Ils y étaient pourtant plus chez eux qu'un banquier à la City, à tel point que l'on apposait naturellement, comme un poing sous une rose, les mots « de gauche » à celui d'« intellectuel ». Las ! Les images de philosophes à cheveux longs, belles gueules, clope au bec, dans un cortège de mains jaunes illustrent désormais les livres scolaires. SOS Racisme est une petite entreprise en difficulté, François Hollande, un Mitterrand de poche et la jeunesse de France, atomisée. La planète de l'intelligence s'éloigne chaque jour un peu plus de celle de la politique et, si le divorce n'a pas été prononcé solennellement, la séparation est un fait. « Où sont les intellectuels ? Où sont les grandes consciences de ce pays, les hommes, les femmes de culture qui doivent monter au créneau. Où est la gauche ? » a lancé Manuel Valls, en meeting dans la petite ville de Boisseuil, près de Limoges (Haute-Vienne). C'était le 5 mars, avant les départementales. Nul, sinon l'écho, n'a répondu à sa plainte.

    Sans s'en douter, le Premier ministre renvoyait à la première querelle, la plus profonde. Son discours reprenait, en effet, les mots de Max Gallo, alors porte-parole du gouvernement Mauroy, qui, en 1983, signait dans Le Monde une tribune sur « le silence des intellectuels ». 1983: c'était alors le tournant libéral et la première rupture. L'enjeu : l'autre politique et la sortie de la France du Système monétaire européen (SME). Après moult hésitations, Mitterrand avait choisi la ligne « orthodoxe ». « Sur l'Europe, 1983 fut pour les socialistes ce que 1992 fut pour les gaullistes », explique Eric Zemmour. Ce fut l'occasion d'un affrontement idéologique qui a creusé les premières tranchées. A gauche, les marxistes, mais aussi ce qu'on appellera beaucoup plus tard les souverainistes, les défenseurs de « l'Etat stratège », du modèle social, du soldat de Valmy, du prolo des usines que Renaud, pas encore passé de la mob au 4 x 4, chante avec talent. Pour eux, depuis 1983, «l e peuple est la victime émissaire des élus du marché libre » (Michel Onfray). A droite, les pragmatiques, et les membres de ce qu'Alain Minc appellera beaucoup plus tard « le cercle de la raison ». Ils sont progressistes, défenseurs de la construction européenne et de l'Alliance atlantique. En politique, c'est Jean-Pierre Chevènement contre Jacques Attali. Mitterrand apaisa ces courants contraires en faisant souffler « l'esprit du Bien ». Avec l'aide de Julien Dray, Bernard-Henri Lévy, Harlem Désir, il inventa l'antiracisme au moment même où il aidait le Front national à prendre son envol. La droite la plus bête du monde foncera tête baissée. Trente ans après, elle continue de tourner sans but dans l'arène. La gauche se grisera avec la lutte contre le FN pour oublier que sa pensée s'épuise. Au début, c'est caviar et champagne ! C'est nous qu'on est les penseurs ! L'intelligence, le talent, la culture, les paillettes sont de gauche. Le magistère intellectuel aussi. Le mécanisme énoncé par Régis Debray en 1979 dans Le Pouvoir intellectuel en France (Folio) - « Les médias commandent à l'édition, qui commande à l'université » - est parfaitement huilé. « Mitterrand était un homme complexe, cultivé, spontanément monarchique, se souvient Pascal Bruckner. Il y avait une cour autour de lui. »

    De Mitterrand à Hollande

    C'est « la République des bonnes blagues, des petits copains »

    Pascal Bruckner

    Près de trente ans après, un socialiste est toujours à l'Elysée, mais c'est « la République des bonnes blagues, dit Bruckner, des petits copains ». Quant à l'antiracisme, les bombes de l'islamisme conquérant l'ont désorienté. « C'est un train fou duquel de plus en plus de gens ont envie de descendre » (Finkielkraut). Le Président bichonne la société civile, mais les comédiens, les rappeurs (JoeyStarr), les comiques (Debbouze), les artistes passent avant les intellos. Bernard-Henri Lévy passe parfois en voisin, mais c'est pour prendre la défense des Ukrainiens, des peshmergas ou des chrétiens d'Orient. Régis Debray préfère dîner avec Eric Zemmour ou deviser avec son voisin de palier, Denis Tillinac. Pascal Bruckner, malgré les sarcasmes de ses amis qui moquent « un combat de droite », se rend à Erbil à la rencontre des chrétiens d'Irak. Alain Finkielkraut est élu à l'Académie française au fauteuil de Félicien Marceau. L'ancien mao Jean-Pierre Le Goff fustige avec un talent redoutable le « gauchisme culturel ». Jacques Julliard déplore le « néant spirituel et intellectuel contemporain ». Pierre Nora considère que « la crise identitaire que traverse la France (est) une des plus graves de son histoire ». Tous reconnaissent un divorce avec la gauche qui nous gouverne. Le communiste Alain Badiou voit-il sa prophétie prendre corps ? En 2007, il confiait au Monde: « Nous allons assister, ce à quoi j'aspire, à la mort de l'intellectuel de gauche, qui va sombrer en même temps que la gauche tout entière (…) (Sa) renaissance ne peut se faire que selon le partage : ou radicalisme politique de type nouveau, ou ralliement réactionnaire. Pas de milieu.» Le radicalisme politique de type nouveau pousse à la gauche de la gauche. Il regarde vers Syriza ou Podemos et dénonce, avec Jean-Claude Michéa, la complicité idéologique entre gauche et droite françaises « sous le rideau fumigène des seules questions “sociétales” ». Que reste-t-il pour le gouvernement ? Un quarteron de sociologues, le sourire de Jacques Attali et la mèche d'Aymeric Caron.

    « L'antiracisme est un train fou duquel de plus en plus de gens ont envie de descendre »

    Alain Finkielkraut

    Le 11 janvier n'est plus ce qu'il était

    Les intellos, François Hollande pense pourtant les connaître par cœur. Un déjeuner, quelques compliments, un shake-hand et le tour est joué. Le PS, c'est chez eux: ils reviendront à la maison à la première occasion. Le 11 janvier, le président de la République a cru à la grande réconciliation. « Il a vécu une lune de miel avec les intellectuels, raconte Pascal Bruckner. Et, très vite, la gauche est revenue à son péché originel : croire qu'elle est le sanctuaire inaliénable de l'intelligence et de la pensée. Hors les penseurs godillots, les intellectuels n'ont pas suivi et ceux qui ne suivent pas sont excommuniés.» L'esprit du 11 janvier a laissé la place à l'esprit de parti. Très vite, il ne s'agissait plus de combattre le terrorisme islamiste, mais le Front national et « l'islamophobie ». La défense de la liberté d'expression a laissé place à une surveillance du « dérapage », de l'amalgame, de la stigmatisation. Un détournement grossier qui a laissé des traces. « On invoque “l'esprit du 11 janvier”, tempêtait Jean-Pierre Le Goff dans FigaroVox, en même temps, le débat et la confrontation intellectuelle sont placés sous la surveillance d'associations communautaristes qui se sont faites les dépositaires de la morale publique.» Quand Laurent Joffrin célébrait le 11 janvier comme une épiphanie de la gauche morale, Alain Finkielkraut voyait naître « la division du monde politique, médiatique et intellectuel entre deux partis. Il y a d'un côté “le parti du sursaut” et “le parti de l'Autre”. La vision était prophétique. « L'antifascisme mondain » (Elisabeth Lévy) a volé en éclats et « le parti de l'Autre » a tombé le masque. Avec Edwy Plenel et Emmanuel Todd, il fait des musulmans d'aujourd'hui « les juifs des années 30 » et de la réaction des Français aux attentats la preuve de leur « islamophobie ». Après les avoir célébrées, s'en prendre aux foules du 11 janvier est devenu un must. La preuve d'«une fuite en avant dans la radicalité chic» (Finkielkraut). Sur l'autre versant de l'antiracisme, de Bernard-Henri Lévy en Philippe Val, on nomme l'ennemi prioritaire: « le drapeau noir du califat ».

    La vérité est que la folie djihadiste a mis au jour une ligne de fracture très profonde et que l'on ne peut plus enfouir : celle de l'identité ainsi qu'une question obsédante: « Qu'est-ce qu'être Français ? » L'universitaire Laurent Bouvet se souvient d'un colloque organisé en 2011, par le PS, sur le sujet. Il avait défendu l'idée d'une angoisse identitaire qui traversait le pays et développé la notion d'« insécurité culturelle ». Il fut considéré, au mieux comme un zozo, au pire comme un allié objectif de Marine Le Pen.

    Impuissante à y répondre, sourde à ces paniques, oscillant sans choisir entre le parti de « l'Autre» et celui du «sursaut », dépourvue de marges de manœuvre économiques, la gauche Hollande, pour combler son vide idéologique, est en proie à une véritable frénésie sociétale. Le mariage, la filiation, le genre, l'IVG, la fin de vie : il faut légiférer sur tous les aspects de l'existence, de la conception jusqu'à la mort naturelle. Là encore, tous les intellos ne suivent pas. « Ils veulent changer la condition humaine », s'est exclamé Claude Lanzmann dans Le Figaro. Onfray signe avec José Bové et Sylviane Agacinski une tribune dans Libé contre la GPA. Dans Le Figaro, il qualifie Pierre Bergé, favorable à cette pratique, de « Berlusconi, la vulgarité en plus ». « Le mariage pour tous, comme la réforme du collège, devait être pour leurs promoteurs une simple mesure d'ajustement à la société d'aujourd'hui, explique l'historien Pierre Nora. Ils ont tout, pour leurs détracteurs, d'un ébranlement social profond.»

    Le collège ! Le dernier champ de bataille entre les intellos et le gouvernement. Les premiers reprochent un nivellement par le bas, les seconds veulent libérer l'élève de son ennui. « La civilisation, ça n'est pas le Nutella, c'est l'effort », a lancé Régis Debray comme un cri de ralliement. Alain Finkielkraut reconnaît avec ses pairs que droite et gauche sont pareillement coupables dans l'effondrement de l'école. Il s'inquiète cependant des déclarations martiales de Najat Vallaud-Belkacem: « L'école était une promesse, elle est devenue une menace, explique-t-il. A l'insécurité culturelle, le gouvernement ajoute une insécurité scolaire, indiquant aux parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants qu'ils sont pris au piège et que les “resquilleurs de mixité” seront punis. Leur attitude de plus en plus compassionnelle est aussi de plus en plus totalitaire.»

    L'inculture pour tous

    « Les intellectuels peinent à trouver leur place dans un système d'information où le manichéisme et la pensée ­binaire feront toujours plus d'audience que la nuance »

    Pierre Nora

    Pour Pierre Nora, au-delà même des idées, cette rupture était inéluctable. « Les politiques se méfient des intellectuels, reconnaît-il. Ils ont en tête leurs fourvoiements d'autrefois et leur reprochent d'être déconnectés de la réalité du terrain, de la complexité des dossiers. Ils ne pèsent rien dans les formations politiques, pas plus que dans les élections.» Mais, à l'entendre, la clé est ailleurs. « Les intellectuels, poursuit-il, peinent à trouver leur place dans un système d'information où le manichéisme et la pensée binaire feront toujours plus d'audience que la nuance, où animateurs et politiques se mettront le plus souvent d'accord pour considérer “le penseur” comme un coupeur de cheveux en quatre.»

    Comment réfléchir dans la perspective étroite et desséchante de la conquête du pouvoir? Comment méditer sur les fractures françaises quand vous êtes attendu sur une radio à 8 heures, une télé d'information continue deux heures plus tard, à un déjeuner avec des journalistes avant de vous rendre à l'Assemblée et à un colloque le soir dans un lycée de lointaine banlieue sur « le vivre-ensemble » ? Le tout en ayant échangé une centaine de textos ?

    Dans l'agenda d'une politique, la vie intellectuelle est un encombrant.

    Nous sommes au début des années 2000. Le PS a pris des bonnes résolutions. Il reçoit tour à tour les grandes figures de la pensée. Ce matin, c'est Marcel Gauchet qui planche. Le thème: « La sortie du religieux ». Une quinzaine d'auditeurs sont présents avec, au premier rang, le premier secrétaire du parti, François Hollande. A peine l'orateur a-t-il commencé que le député de Corrèze commence à compulser un dossier qu'il lit avec attention page par page. Au milieu de la communication, son attachée de presse apporte, l'air affairé, un autre dossier. Tandis que Gauchet poursuit son propos, Hollande se plonge un peu plus dans ses papiers. Une fois la conférence terminée, il oublie ses dossiers sur la table. Que contenaient-ils? Des dépêches politiques du fil AFP !

    Pour Jean-Pierre Le Goff, cette inculture est de plus en plus rédhibitoire : « Une élite ? Des gens qui, par un certain nombre de conditions, sont arrivés au pouvoir. Mais ils sont totalement incultes. Dénués des oripeaux du pouvoir, ils ne sont plus rien. » « Ceux qui affirment, sans gêne, que l'on critique sans avoir étudié, que lisent-ils ? », interroge Alain Finkielkraut. Ce qu'un ancien secrétaire général de l'Elysée sous François Mitterrand résume en ces termes: « Les ministres d'aujourd'hui ont le niveau des attachés parlementaires des années 80.» Cette inculture, cependant, n'est pas l'apanage de la gauche. Et la droite s'illusionne si elle pense adopter ces orphelins. « Mon parti n'existe pas », confie Alain Finkielkraut. Bruckner, lui non plus, n'a pas de port d'attache. Le Goff anime le groupe Politique autrement. Régis Debray ou Michel Onfray se situent désormais en surplomb de ce qu'ils considèrent comme un divertissement de masse. Ce qui les relie les uns aux autres ? Quelques mots d'Albert Camus : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le mo

  • Sur le Cercle Aristote, Roland Hureaux : Jésus roi des Juifs.

    Pour aller plus loin :

    Roland Hureaux revient avec nous sur son ouvrage Jesus Christ Roi des Juifs sur l'histoire du Christ et son histoire politique.

  • Tout ce qui est Racines est bon ? Oui, certainement, mais si, et seulement si...

               Il suffit juste, au départ, de s’entendre bien sur le mot Racines, ou plutôt sur ce que certains, plus ou moins bien intentionnés, y mettent ou y mettraient....

    800px-TrBogen_Orange.jpg

    Bien évidemment, pour nous, les Racines ne se chosissent pas, ne s'inventent pas : elles sont reçues de l'Histoire, données par elle...

                Certains prennent en effet pour des racines - à tort évidemment, car ce n'en sont pas... - une création de leur esprit, ou une re-création, une interprétation (qu'on choisisse le terme qu'on voudra...), bref quelque chose dans quoi entre, en tout ou partie, de l'idéologie. On a vu par exemple des personnes de la Nouvelle Droite, naguère, se mettre tout à coup à "fréquenter" Mistral et le provençalisme; à apprendre même à "parler provençal" (!). Mais ce n'était pas par amour de la France et de ses racines, de la riche Diversité dans l'Unité que la France proposait; ni par amour de la Provence et de ses Traditions, saines et vraies.

              C’était, bien au contraire, sous l’effet pervers d’un esprit « anti national français » ; c’était un mauvais coup pour dynamiter la Nation Française, dans la riche multiplicité et diversité de ses Provinces ; c’était pour faire « sauter la France », prise en étau, dans le calcul mauvais de ces mauvais esprits, entre l’Europe (à l’extérieur) et des renaissances provinciales, régionalistes (à l’intérieur), dont le seul but encore une fois n’était pas l’exaltation de la riche et féconde diversité française, mais la mort programmée de cette Nation, gênante et détestée. Devant une telle idéologie, une telle hypocrisie, on n’est bien sûr pas en présence de Racines, et ceux qui le prétendent doivent être démasqués pour ce qu’ils sont : des Tartuffe et des imposteurs, des conspirateurs anti nationaux….

              De même certains Identitaires aujourd’hui (pas tous…) tombent-ils eux aussi dans le(s) piège(s) de l’idéologie ; et, à partir d’une défense saine et légitime des Racines, se mettent-ils eux aussi (encore une fois ce n’est pas le cas de tous….) à mêler de l’idéologie à leur combat, qui perd du coup absolument sa légitimité et son intérêt, pour se transformer en une idéologie contraire à une autre idéologie; dans ce cas là, bien évidemment, les Racines ainsi revues et corrigées, sont dénaturées, et  cessent ipso facto d’être  rempart bienfaisant, protection naturelle …

              Et que dire de certains Basques, Bretons, Corses, occitans ou autres qui jouent contre la France, protectrice naturelle de facto des diversités locales. Ils prétendent tous sauver les Cultures locales, se battre pour elles, mais leur attitude et leur combat est, de fait, révolutionnaire. Eux aussi souhaitent « casser » l’héritage historique français, démolir la Nation française, le fait historique et naturel qu’elle représente. Sans se rendre compte (ou peut-être, pour certains, en s’en rendant, justement, bien compte….) que la France protège et fait vivre dans les faits non seulement la Culture française mais aussi toutes les Cultures qui la composent ; que la France est comme le parapluie protecteur indispensable à l’abri duquel subsistent et peuvent se développer toutes les cultures qui, sans le cadre national français, disparaitraient aussitôt, broyées et laminées par le rouleau compresseur sans âme du mondialisme, de la massification, de l’uniformisation désolante (1)…..

              Il est bien vrai, aussi, que sous l'impulsion du jacobinisme révolutionnaire, le mouvement centralisateur qui, sous la monarchie, avait fait l'unité française, est devenu idéologique et destructeur de racines, de diversités françaises, tout au long des deux derniers siècles. C'est d'ailleurs l'une des fortes raisons pour lesquelles nous ne voulons pas d'une rupture avec la France, mais une rupture avec ce système, et une renaissance de la France historique, qui d'ailleurs n'a pas deux siècles mais mille ans d'existence et qui, dans son essence, dans ce qui lui reste d'authentique et de vivant, est bien plus un royaume qu'une république, du moins au sens désastreux que la révolution lui a donné.                              

              Il faut donc bien, comme nous le disions au début, s’entendre sur les mots. Puisque c’est par les mots que l’on désigne les Idées, et c’est sur les Idées que l’on s’entend. Si, donc, l’on rejette absolument toute idéologie (qu’avons-nous besoin d’idéologies ? …) et si l’on prend les Racines pour ce qu’elles sont, à savoir un produit de l’Histoire, et donc un processus naturel et sain (tout le contraire de l’Idéologie….), alors là oui, pour nous, sans aucun doute : tout ce qui est Racines est bon !.....

    (1) :     Ne peut-on penser que, de ce point de vue là, le combat des catalans en Espagne risque - ou pourrait risquer... - de se retourner contre les intérêts profonds de la Catalogne, et même contre la perennité de sa Culture et de sa langue ?...

  • L'imagination au pouvoir ? Partie 1 : La retraite à 50 ans ? par Jean-Philippe Chauvin

    Mai 68 avait inscrit sur les murs qu’il fallait mettre « l’imagination au pouvoir », et les royalistes de l’époque l’avaient traduit en « oser imaginer autre chose que ce qui existe », en somme imaginer un nouveau régime, autre que la République consumériste de l’époque, qualifiée plus tard de « Trente glorieuses » par Jean Fourastié et traitée de « Trente hideuses » par Pierre Debray.

    396556_jean-philippe-chauvincorr.jpgMais la formule allait plus loin et, au-delà de la condamnation d’une société matérialiste et froidement « réaliste », de ce réalisme que dénonçait avec force et colère Georges Bernanos, les monarchistes, comme les gauchistes ou les hippies, voulaient « un autre monde » : « pure utopie ! », disaient certains qui continuent à le clamer, à l’abri dans le confort intellectuel de la démocratie obligatoire et forcément représentative, et l’article de Stéphane Madaule, professeur de grandes écoles, dans La Croix datée du lundi 30 décembre 2019, a tout pour les amuser ou agacer, selon leur humeur ou leur tempérament…

     

     

    Sous le titre « Je rêvais d’un autre monde », l’auteur avance quelques propositions qui peuvent surprendre, c’est le moins que l’on puisse dire, mais qui me semblent avoir le mérite d’ouvrir au moins quelques pistes pour la réflexion ou la stimulation de celle-ci, et que le vieux royaliste que je suis peut entendre et, éventuellement, apprécier.

     

    Ainsi, sur le partage du travail, Stéphane Madaule propose, en s’appuyant sur la robotisation croissante de notre société et des moyens de production (« Les robots nous remplaceront de plus en plus, surtout pour les tâches répétitives, et c’est une bonne nouvelle »), une mesure qui ferait sûrement bondir l’actuel Premier ministre et ses séides : « Pourquoi continuer à s’astreindre à travailler de plus en plus longtemps et bénéficier finalement d’une retraite au rabais en fin de vie, au moment où la santé commence à vaciller ? Pourquoi ne pas envisager de s’arrêter de travailler à 50 ans, pour mieux partager le travail, ce qui permettrait au passage de lutter contre les inégalités ? ». Une remarque, au passage : la robotisation, que M. Madaule semble privilégier pour la production des biens matériels, a effectivement souvent été évoquée comme le moyen privilégié de « libérer du temps pour l’homme », mais (et Bernanos le royaliste côtoie le républicain Michelet dans cette méfiance à l’égard de la Machine) le capitalisme, dans son exercice industriel, l’a récupérée à son bénéfice, y voyant le moyen d’une plus grande production comme d’une meilleure productivité, au risque d’esclavagiser un peu plus les ouvriers (comme l’a cinématographiquement démontré Charlie Chaplin  dans « Les temps modernes »), et il n’est pas sûr que l’actuel mouvement d’automatisation, non plus seulement dans les usines, mais aussi dans les activités d’échanges et de distribution, ne laisse pas sur le carreau nombre de personnes à moindre qualification, désormais considérées comme « inutiles ». Le cas des caisses automatiques remplaçant de plus en plus les personnels humains avant que de faire totalement disparaître la fonction de caissière sans, pour autant, proposer d’autres fonctions aux personnes ainsi remplacées et, la plupart des cas, condamnant celles-ci au licenciement ou à la précarité, doit nous inciter à une légitime prudence ! N’étant pas « propriétaire de leur métier », les personnels de la Grande Distribution deviennent de plus en plus la variable d’ajustement de celle-ci, et la robotisation, ici comme ailleurs, apparaît bien comme un véritable « faux ami » tant que les machines restent la propriété exclusive du Groupe qui les emploient.

     

     

    La proposition d’une « copropriété » entre les salariés et les dirigeants de l’entreprise serait un moyen d’éviter une telle fragilisation des personnels, ici du Commerce, mais ailleurs de l’Usine. Il me semble que cela pourrait se faire dans une économie de « cogestion productive et distributive », mais que le système capitaliste actuel, libéral et individualiste, fondé sur l’Argent plus que sur le Travail ou la Fonction, empêche une telle possibilité qui, pourtant, aurait aussi l’immense mérite d’éviter, au moins en partie, la spéculation et la malfaçon. Autre problème, à ne pas négliger : la mondialisation, forme privilégiée du capitalisme individualiste contemporain, ne constitue-t-elle pas un véritable contournement des règles nationales ou locales qui pourraient impulser ou voudraient garantir une telle « copropriété » dans l’économie ? C’est là que l’on peut comprendre le mieux le rôle majeur de l’Etat qui doit tenir sa place de protecteur des nationaux et des intérêts de ceux-ci, en particulier des travailleurs et des catégories sociales réellement productives et laborieuses : or, la République contemporaine, qui n’est plus exactement celle voulue (ou rêvée…) par le général de Gaulle (lecteur du corporatiste royaliste La Tour du Pin dont il essaya -en vain- d’appliquer quelques idées à travers la « participation » longuement défendue par lui-même en 1968-69, contre l’avis de son premier ministre Pompidou et du patronat), ne jure que par la Bourse et la Banque, la mondialisation et l’adaptation des Français à celle-ci, et s’effraye de la moindre velléité de protectionnisme ou de « corporatisme »… L’incarnation macronienne de cette République « mondialisée », malgré le renforcement de l’Etat (mais surtout à l’égard de sa propre population…), est très éloignée de cette « copropriété économique » qui, pourtant, pourrait motiver les énergies sociales françaises qui existent bien, mais qui sont trop négligées par les dirigeants actuels et, sans doute, trop craintes par les féodalités financières et économiques qui « se partagent » le champ français, voire qui le pillent à leur propre bénéfice !

     

     

    Mais la proposition du professeur Madaule d’un « partage plus équilibré entre le travail et le temps libre » mérite l’attention, au-delà des considérations et des réserves que je viens de faire sur la robotisation qu’il vante un peu rapidement à mon goût. 50 ans comme âge de la retraite, évoque-t-il dans sa démarche intellectuelle, et cela peut surprendre à l’heure où il nous est chanté sur tous les tons qu’il faut travailler toujours plus longtemps, au moins jusqu’à 64 ans en attendant que cela soit, comme le veulent la Commission européenne et l’Allemagne, 67 ans, et, pourquoi pas, 69 ans comme le réclament déjà les banquiers allemands… En fait, il n’est pas inintéressant de poser ainsi cette question du partage du travail, même si l’on peut nuancer ou approfondir cette idée, bien sûr. D’abord parce que l’âge de départ à la retraite tel qu’il peut être ici proposé n’est pas, et ne doit pas être une obligation mais doit se voir comme une proposition qu’il s’agirait d’accueillir et d’organiser selon un cadre légal, et, pourquoi pas, « corporatif » au sens professionnel du terme. Ne serait-il pas utile de créer une sorte d’échelle de « pénibilité du travail », indexée aussi sur l’espérance de vie sans incapacité physique majeure (c’est-à-dire l’espérance de vie en bonne santé) et qui assurerait une meilleure reconnaissance des particularités de chaque métier ? Un régime universel des retraites n’a pas vraiment de sens dans une société aussi hétérogène que la nôtre, avec des métiers très différents et complémentaires dans le cadre de la vie économique et sociale, et l’égalitarisme technocratique est plus souvent créateur (ou mainteneur) d’injustices que d’autre chose ! Pourquoi vouloir appliquer, effectivement, les mêmes règles et le même système de points à des ouvriers du bâtiment et à des professeurs d’histoire, par exemple ?

     

     

    D’autre part, le retrait à 50 ans d’une activité (ou d’une structure) professionnelle n’est pas, ne doit pas être une sorte de mort professionnelle comme on peut le constater aujourd’hui : est-il normal que, lorsqu’un professeur part à la retraite, il disparaisse des tablettes de l’Education nationale et que l’accès aux domaines et ressources informatiques officiels de celle-ci lui soit désormais interdit, comme s’il n’était déjà plus rien, même après quarante ans de bons et loyaux services ? N’y a-t-il pas un véritable champ d’expériences et de richesses à valoriser parmi ces personnels sortis des structures mais encore tout à fait aptes, pour beaucoup, à y tenir encore un rôle, ne serait-ce que de transmission et de formation des collègues nouvellement arrivés dans le métier ? Ne peuvent-ils être utiles dans l’encadrement de certaines classes, dans l’organisation de la vie des établissements et, pourquoi pas, dans l’aide aux élèves, pris individuellement ou en groupe ? Aujourd’hui, la retraite apparaît comme une sorte de « rejet » de celui qui s’en va, alors qu’il faudrait, pour ceux qui le souhaitent, maintenir un lien avec l’institution, surtout en un temps où les vocations manquent à l’appel ! Et ce qui est vrai et serait souhaitable pour l’enseignement l’est et le serait dans nombre de secteurs d’activité économique de notre pays. Après tout, ne serait-ce pas une bonne manière de « partager le travail » tout en accordant une plus grande liberté d’action et de pratique à ceux qui quittent leur poste professionnel ? En ce sens, l’âge de 50 ans, même s’il me semble personnellement (en tant que professeur d’histoire qui compte 57 printemps…) un peu précoce pour prendre sa retraite (mais aurai-je la même opinion si j’étais ouvrier du bâtiment, exposé tous les jours aux aléas de la météorologie ?), ne me semble pas absurde.

     

     

    Se poserait néanmoins la question du financement, diront (avec raisons) certains. C’est aujourd’hui celle qui paraît la plus compliquée à résoudre et qui imposerait une véritable remise à plat du système tout entier, mais est-ce totalement impossible ? Je ne le crois pas, et ce ne sont pas les pistes de réflexion qui manquent en ce domaine, mais plutôt l’imagination et l’audace au pouvoir…

     

    (à suivre)