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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 202

  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (55)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : Le "jardin", le "bâtiment carré" et l'enfant (I)

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    Pas vraiment très "jolie", cette vieille carte postale a cependant le mérite - et l'intérêt - de montrer ce qu'a été, à un certain moment, ce "jardin" et ce "bâtiment carré", à l'époque, bien lointaine maintenant, ou des paysans en cultivaient une partie; ce que nous voyons là doit donc correspondre, au moins en partie, et en gros, à ce que devait probablement voir le petit Charles, lorsqu'on l'emmenait "au jardin", les jeudis et les dimanches...

    C'est dans un "drôle" de petit livre que l'on apprend quand, comment et pourquoi est né l'amour immense de Maurras pour "sa" maison de Martigues...
    "Sans la muraille des cyprès" est le titre de ce qui, à proprement parler, n'est d'ailleurs pas un livre, mais une sorte de fourre-tout assez invraisemblable, dans lequel Mademoiselle Gibert, secrétaire de Maurras, a réuni, en 1941, plusieurs textes différents, certains n'ayant aucun rapport entre eux.
    Le titre lui-même n'en est pas un, puisqu'il ne s'agit que des premiers mots du premier de ces textes, jetés là "en vrac", pourrait-on dire, ce qui n'avait, d'ailleurs, pas été du goût de Maurras...
    Pourtant, si on laisse là ces considérations, la Préface de "Sans la muraille des cyprès" va nous apporter une foule de renseignements de première main, puisqu'ils sont fournis par Maurras lui-même : les uns carrément drôles, d'autres touchants, certains surprenants : on va suivre l'évolution des goûts et des désirs, dans la tête d'un enfant; puis, l'enfant ayant grandi, l'évolution de ses choix, décisions et réalisations : ce "non livre" improbable apporte ainsi, comme le diable, sa pierre à l'édifice; il n'est donc pas, bien que fort surprenant, inutile, loin de là...

    Commençons donc par le commencement, et signalons de nouveau que les Maurras viennent, non pas de Martigues, mais de Roquevaire, Auriol, La Ciotat, c'est-à-dire, en fait, à l'époque, de grosses bourgades - ou de petites villes, comme on voudra... - à l'est de Marseille, et même du pays gavot (c'est-à-dire des Alpes) du "piton des Maurras", rocher du lieu-dit "Les Maurras", non loin de Manosque, à Saint-Julien-le-Montagnier...
    Si Maurras a abouti à Martigues, c'est parce que son père, fonctionnaire, y a été muté, et qu'il y a fait la connaissance de Marie Pélagie Garnier, née le 27 avril 1836, décédée en 1922, à l'âge de 86 ans, fille de Pierre Étienne Garnier, maire de Martigues et Marie Antoinette Joséphine Boyer.
    C'est par elle que les Maurras, de Roquevaire, se sont établis à Martigues...

    Marie-Pélagie - la mère de Maurras - avait deux soeurs : Valérie et Mathilde. Et la famille Garnier possédait à Martigues une "maison", dans le quartier de l'Île (celle où est né Maurras), une "campagne", c'est-à-dire, en fait un terrain planté de vignes et d'oliviers; et un "jardin", l'actuelle "maison de Maurras" et son jardin.
    Maurras explique, peu après le début du texte, qu'il a commis un sacrilège, dont il se repentira toute sa vie, en faisant abattre plusieurs magnifiques cyprès dans "le jardin" ("...j'ai débuté dans ma longue carrière en offensant ces maîtres sacrés..."); et comment il se rachètera ensuite, par une sorte de frénésie de plantation de cyprès...
    Mais, revenons-en au début de "l'affaire", et voyons comment "cette offense mortelle succédait, il est vrai, au plus bel exploit de mon adolescence..."

    "Je n'avais pas mes quatorze ans" écrit Maurras; il y a donc huit ans qu'il a connu sa première tragédie, la mort de son père adoré, alors qu'il n'avait que six ans. Il sera frappé bientôt par la deuxième tragédie que fut la survenue de sa forte déficience auditive, en 1882 : il aura alors ces fameux "quatorze ans" qu'il n'a pas encore quand il commence son récit...
    "Je n'avais pas mes quatorze ans. On procédait à un partage de famille qui avait tardé. Selon l'usage établi chez nos bons bourgeois de Provence, notre grand-mère avait légué à ses enfants une maison de ville, une "campagne" et un jardin. La soeur aînée de notre mère annonçait son intention de se réserver la maison. Sa cadette voulait prendre le champ de vignes, d'olives et de blé. "Prends le jardin, maman ! disais-je, prends le jardin." Elle hésitait. Cette petite propriété, deux hectares et demi de fleurs, de fruits et de légumes, était moins de rapport que d'agrément; elle avait ceci d'onéreux qu'il fallait dédommager d'autres héritiers. Mais je voulais le jardin, et le voulais bien. Jadis, quand nous étions plus jeunes, avant d'aller à Aix pour nos études secondaires, on nous conduisait au "jardin", pour le moins tous les jeudis et les dimanches, et nous en revenions armés de ces grands roseaux verts qu'on appelle chez nous des cannes, et qui tournaient, comme nos têtes, à tous les vents. Puis j'aimais au jardin, le jardinier, la jardinière qui me faisaient boire le lait de leurs brebis et manger "le pain de maison" qu'ils pétrissaient eux-mêmes. Et j'aimais plus que tout le pavillon carré assis au-dessus des parterres, et qui m'avait ri de tout temps par l'or de sa façade, la broderie de ses fenêtres et les denticules de sa corniche : n'avait-il pas été bâti au XVIIIème siècle, avec le reste des pierres de l'église de l'Île ? La tradition le disait, c'était un nouveau lien de cette vieille pierre à moi..."

    On sait maintenant, et de source sûre, comment "sa" maison et "son" jardin sont venus à Maurras : entre la maison de ville et la campagne, c'est "le jardin" que ce petit garçon voulait : trop tôt orphelin de père, il y passait au moins des jours heureux; voilà pourquoi, comme il le dit, "il le voulait et le voulait bien"...
    Ce que nous connaissons tous, aujourd'hui, comme "la maison du Chemin de Paradis" ou "le jardin de Charles Maurras", c'était, pour un petit orphelin de moins de quatorze ans un "jardin" et un "bâtiment carré", hâvres de paix et d'amusements, de joies simples, de jeux et de bonheur...

    La chose fut d'ailleurs heureuse : "Le voeu de notre mère allait d'accord. Seulement mon désir s'exprimait tout haut avec une force d'insistance qui finirent par l'emporter. On paya ce qu'il fallut, le jardin fut à nous, et bien nous en prit.
    Lorsque, ses soixante ans sonnés, un peu meurtrie par dix années de Paris brumeux, notre mère eut vu partir son second fils pour les colonies (1) et, me laissant dans la grand'ville, revint seule en Provence, cette maison rustique, ce jardin sec et chaud, cette terrasse ensoleillée et embaumée que purifient le vents qui passent, lui auront dispensé une trentaine d'années tranquilles. Nous l'aurons gardée jusqu'au bout saine, lucide, gaie, en pleine possession de ses facultés, enfin digne d'elle et de son pays. Les "prends le jardin, maman !" n'auront pas fait conclure une mauvaise affaire, ni donné un mauvais conseil. J'en triomphai, mais ce triomphe fut suivi d'une lourde chute..."

    (1) : Maurras eut deux frères : l'un, François, qui ne vêcut quasiment pas, et, en 1872 (donc, de quatre ans son cadet) Joseph, qui partit à Saïgon, où il mourut en 1924.
    Joseph eut trois filles de son premier mariage (Hélène, Jeanne et Berthe) et un fils, Jacques, de son second : c'est ce fils, Jacques, adopté par Charles Maurras (avec Hélène et Jeanne) à la mort de son frère, qui fit don de la maison de Maurras à la Ville de Martigues, conformément au vœu de son oncle et père adoptif, en 1997...

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (56)

     

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    Aujourd'hui : Le "jardin", le "bâtiment carré" et l'enfant (II)

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    Maurras commet un sacrilège...

    "...Aux premières vacances, celles de 1882, on s'était tant bien que mal installé en procédant à quelques accomodations très rudimentaires. "Réformer pour conserver...", c'était déjà le bon programme. Or, parallèle à la maison, perpendicualire à l'allée centrale, il existait, comme un petit jardin dans le grand, complètement effacé du sol aujourd'hui : quelques pauvres carrés d'iris, d'oeillets et de roses, abondamment tendus de toiles d'araignées, bornés par des demi-lunes de pierre grise et - écoutez-moi bien ! - complantés de puissants cyprès, de neuf grands cyprès plus que beaux qui passaient pour avoir deux siècles. On disait au juste : cent quatre-vingt-dix ans. Notre malchance voulut qu'un nouveau fermier vint d'entrer en charge, excellent homme, mais maniaque : il détestait nos cyprès parce que leurs racines énormes lui mangeaient de la bonne terre arable et, disait-il, empiétaient sur le verger, sur le fruitier. Ses premières réclamations furent mal reçues, il les répéta, il osa parler d'abattre nos arbres...
    - Les plus anciens ! les plus grands ! les plus beaux ! c'était un péché !
    Ma mère et mon frère en étaient indignés. Quel mauvais démon me fit prendre le contre-pied ? Je plaidai pour l'ennemi des arbres et sur un ton de fausse raison, si persuasif que peu à peu j'obtins le plus triste et le plus honteux des succès. On peut trouver comme un écho de ma faute flagrante et de mon repentir gêné dans un petit poème de ma Musique intérieure qui a pour titre "Les témoins" :


    "Le sort et ses coups, la Vie et ses songes / Ne sont pas obscurs, / Disent les cyprès que la lune allonge au ras de ton mur. / Devant la maison que trois siècles dorent, / Fuseaux ténébreux, / Nous recommençons le rêve d'enclore / Votre jardin creux... / Tu dis que la loi les a fait renaître ? / Mais je vois encor quel rustre acharné qui te dit son maître / Nous porta la mort."



    Si la jeunesse est folle, l'adolescence l'est bien plus. Dans ses dix ans, mon jeune frère était bien plus sage que moi...
    Plus donc j'y réfléchis en y appliquant toutes les ressources de la mémoire et de l'expérience, et plus il me semble certain que je ne pris parti contre nos beaux cyprès qu'en raison de leur charme mystérieux et de cette beauté contre laquelle je voulais me mettre en garde, au nom de quelque chose de meilleur encore, pour y faire un sacrifice dont la peine me semblait avoir aussi sa beauté. Tout est dit contre l'erreur de cette Antiphysie stoïcienne. Il me fut dur et long de m'affranchir de ce préjugé de raison appauvrie ou dénaturée. Alors que le paysan avait réagi en fonction de ce qu'il croyait son intérêt, moi, nouveau philosophe scythe, je m'étais plu au conformisme de cette barbarie.
    Elle eut donc le dessus et les cyprès furent abattus. Je vois encore saigner entre leurs ramures d'un vert bronzé la chair rose de leurs aubiers... Le dernier tronc à peine couché au sol, tout aussitôt, sans intervalle, j'eus la claire conscience de la faute, et le deuil du malheur, et le désir de réparer l'irréparable ou de le compenser..."



    Illustration : l'un des nombreux cyprès plantés par Maurras pour "racheter" sa faute (ici, au-dessus du Mur des Fastes)...

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (57)

     

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    Aujourd'hui : Le "jardin", le "bâtiment carré" et l'enfant (III)

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    Le rachat (I) : plantation de dix-huit cyprès...

    "Quelques saisons après ce crime, quand de médiocres labours eurent occupé toute la place du jardin de notre grand'mère, je fis planter en sens inverse (où et comme je pus), du nord au sud le nombre double de celui des cyprès sacrifiés : dix-huit.
    Un seul est mort depuis.
    Le reste me murmure les versets et les répons de l'expiation méritée.
    Au surplus, leur croissance ne m'apporta qu'un faible repos d'esprit.
    Je caressai longtemps le têve de dédier d'autres satisfactions aux ombres des premiers martyrs, mais la vie à Paris et mes rares retours ne le permirent pas..."


    Illustration : un autre cyprès ("de Florence") du Jardin, vu en se plaçant de dos au précédent...

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (58)

     

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    Aujourd'hui : Le "jardin", le "bâtiment carré" et l'enfant (IV)

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    Le rachat (II) : plantation de la double "Allée des philosophes"...

    "...Ce fut plus tard, beaucoup plus tard, que je pus construire à la bordure du Chemin de Paradis ma double "Allée des Philosophes"; 18 cyprès par ci, 18 cyprès par là, répétés de chaque côté, ce qui fit les 72..."


    Illustration : tout de suite en entrant dans le Jardin, une fois le portail ouvert, on a, à droite et à gauche, la même "Allée des philosophes", s'achevant toutes les deux par une petite table de pierre ronde, chacune avec son banc de pierre; les deux allées sont formées de deux haies de cyprès parallèlles, espacées de deux mètres environs, propices à la méditation...

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (59)

     

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    Aujourd'hui : Le "jardin", le "bâtiment carré" et l'enfant (V)

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    Le rachat (III) : nouvelles plantations de cyprès...

    "Plus récemment encore, apparurent les 11 qui dominent terrasse et jardin d'est en ouest, mais ces derniers ont une histoire.
    Ils avaient été commandés dans l'hiver 1927-1928 et n'étaient jamais arrivés du village d'horticulteurs où ils m'avaient été promis. Un petit accident de santé survenu en juin me retint à la campagne pendant tout l'été, et je voulus mettre à profit cette occasion de les planter.
    - Mais, dirent les compétences, on ne plante pas en été...
    Mon ami Henri Mazet, l'architecte, dont l'érudition légendaire s'étend à toute chose, m'avait raconté un jour, d'après un professeur d'arboriculture de lui connu, que l'on peut parfaitement planter des arbres en n'importe quelle saison, pourvu que ce soit la nuit, avant le lever du soleil, tant que dure, paraît-il, le sommeil des plantes. Que risquait-on à essayer ? On prit date.
    Le pépiniériste de Saint Andiol jura de nouveau qu'il livrerait ses plants, tel soir, à telle heure sonnée, ce qui permettrait à mon camion de me les remettre avant minuit. Quelle angoisse ! Nous étions réunis à quelques uns sur la terrasse pour bien recevoir et pour vite planter; les onze trous avaient été creusés, garnis d'une eau fraîche et limpide avec tout ce qu'il fallait pour les reboucher sans retard... Minuit arrive. Une heure sonne. Puis deux. Enfin, les mélancoliques coups de trois heures : le jour approche, et pas de camion ! Accident ? Manque de parole ? Les deux ouvriers réquisitionnés bâillaient, voulaient partir, et nous trompions nos impatiences sur lesquelles tournait l'implacable ciel de la nuit en égrenant des souvenirs, en récitant des vers, en chantant des chansons, ou en les écoutant.
    Le côté de l'aurore pâlissait vaguement. Trois heures et demie ! Bientôt quatre, et le désespoir... quand un gros oeil rougeâtre s'ouvrit dans le chemin : camion ! cyprès ! tout !... ils furent débarqués en cinq minutes, placés dans les ronds d'eau, dressés et enterrés en moins de temps qu'on ne l'écrit. Les dernières façons étaient administrés au sol foulé et aplani quand, du Pilon du Roi, l'astre allongea quelque lumière. La nuit cessait à peine. Mais tout était fait avant jour, nous étions en règle avec le professeur de Mazet. Le serions-nous avec la nature ? Les onze cyprès prendraient-ils ? Ils ont pris, grandi, prospéré. Ils ont même, on aura tout vu, subi les épreuves du feu, dans un grand incendie champêtre qui, en les roussissant, n'a mordu qu'à la feuille; on ne peut même dire qu'ils en aient été abîmés..."



    Illustration : un des cyprès en bordure droite de l'escalier qui monte au Mur des Fastes...

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (60)

     

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    Aujourd'hui : Le "jardin", le "bâtiment carré" et l'enfant (VI)

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    Le rachat (IV) :

    "...Les onze que voilà ne furent pas mes derniers nés. J'en ai planté encore quelque huit dizaines de l'autre côté de la maison, d'ouest en est, et tous, ils manifestent une énergique volonté de vivre. Infiniment plus sage que son prédécesseur de 1882, mon paysan d'aujourd'hui a planté pour son compte, en avant de son potager, plus de cent autres braves cyprès utilitaires. Arrivons-nous au demi-mille ?
    On peut y arriver, car il en est bien d'autres, et beaucoup plus beaux, qui n'existent encore que dans mes rêves, et rien ne peut me délivrer du cher souci de voir grandir leurs fantômes légers en un endroit où je médite de les aligner, jusqu'à notre limite du nord-couchant, sur cette arête de colline qui aboutit près du moulin.
    Sans doute, ainsi plantés, les arbustes naissants seront-ils longtemps invisibles. Mon âge ne me permet pas d'espérer de les voir dépasser la masse des autres végétations et découper leur noble dentelle sur mon horizon. Mais avec moi comme sans moi le temps fera son oeuvre, les fûts puissants prendront racine, ils grandiront et peu à peu la forme sublimée atteindra, quelque jour, aux libres espaces du ciel. À la condition qu'il n'y ait ni invasion barbare, ni abattage insensé, que le feu les respecte et qu'une terre favorable ne manque pas à ses coutumes et à mon espoir, il naîtra dans ce lieu choisi, sur cette côte, déjà parfaite de lignes, quelque chose de comparable, et peut-être supérieur, à l'admirable allée, gloire et honneur de Malaucène, que j'ai vue non loin de Vaison, cette double montée de cyprès qui fait oublier tout ce que la Toscane, l'Ombrie et la Grèce ont pu donner de graves, d'élégants et fiers décors forestiers.
    À mi-côte, j'aurai pris soin d'élever une stèle en pierre du pays, qui portera ces mots du vieil Olivier de Serres, seigneur de Pradel, dans son Théâtre d'agriculture et mesnage des champs :

     


    "LES PLUS DIGNES ARBRES DE TOUT LE GÉNÉRAL DES AUTRES, VESTUS ET DESPOUILLÉS, ET PLUS PROPRES AUX COUVERTURES, SONT LES CYPRÈS ET LAURIERS, DESQUELS LES BONNES QUALITES DES COULEURS, DE SENTEUR ET D'OBÉISSANCE, RENDENT LES OUVRAGES MAGNIFIQUES"



    Mais le laurier est ambitieux. Il convient de nous en tenir à nos fiers cyprès dont la majesté est simple et humaine. Puissent-ils, très vieux et très hauts, pointe aiguisée, large poitrine, sans rien de maigre ou de fluet, justifiant leur beau nom de pyramidaux, prodiguer l'ombre, la vigueur, la paresse, la fierté, la confiance, la sécurité à maint arrière-neveu qui se soit rendu digne d'une telle "couverture"..."

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (61)

     

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    Aujourd'hui : 1922 : Mort de la mère de Charles Maurras

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    Charles Maurras connut une petite enfance très heureuse.

    Il n'eut qu'un frère, Joseph, qui mourut en 1924 à Saïgon (il était médecin militaire), l'autre frère - François - étant mort très jeune.

    Charles adoptera, d'ailleurs, trois des quatre enfants de son frère à la mort de celui-ci. Et il a fait connaître, d'une façon tendre et plaisante, le caractère heureux, joyeux en enjoué de Joseph, toujours partant pour une promenade, un jeu ou une activité quelconque, en lui donnant le surnom de "Monsieur "allez !", signifiant par là la parfaite entente régnant entre les deux frères...

    La même entente et affection profonde régnait entre Charles et ses parents. Malheureusement, très tôt - il avait six ans - Charles perdit son père, le 3 janvier 1874. Sa mère, elle, vécut beaucoup plus longtemps, et toujours en parfaite harmonie avec son fils...

    Charles Maurras a longuement parlé de sa mère et de sa "maison carrée" de Martigues.

    Il a aussi  écrit un ouvrage au titre éloquent, "Le bienheureux Pie X sauveur de la France", dans lequel on trouve des choses importantes sur la relation mère/fils. La mère de Maurras, croyante fervente, était inquiète pour son fils Charles qui s'était éloigné de la religion; elle était allé à Rome, voir le pape, qui lui avait déclaré, en substance : je bénis son oeuvre, elle aboutira (entrevue racontée par Maurras lui-même, dans son livre "Le bienheureux Pie X sauveur de la France", Plon, 1953, pages 52/53) :

    "Ne parlez pas à votre fils de ce que je vais vous dire... Ne lui en dites jamais rien... Mais je bénis son oeuvre...". Il se tut, pour ajouter : "Elle aboutira". Tel fut le trésor que ma mère emporta de Rome. Elle ne m'en fit jamais part. Pendant les onze années qui lui restaient à vivre, elle n'y fit aucune allusion... J'eus la clef du mystère huit jours après sa mort, survenue le 5 novembre 1922. Deux amies à qui elle s'était confiée, me donnèrent le secret des paroles pontificales : mon oeuvre a été bénie de Pie X. Elle aboutira. J'avais la prophétie et la bénédiction de ce Bienheureux...

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (62)

     

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    Aujourd'hui : La médaille de Rivaud (I/II et II/II)...

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    Avers : Charles Maurras tête nue, à gauche.
    Signature A RIVAUD au-dessous
    Bronze, 82,61g, 59,0mm, 12 h.

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     La médaille de Rivaud (II/II)

    Revers : La maison de Maurras à Martigues.
    Bronze, 82,61g, 59,0 mm, 12 h.

     

    ...et trois autres éléments remarquables du Jardin... 

    • Trois autres élèments remarquables du Jardin (I) :

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    Se promenant un jour avec le Directeur des Salins du Midi, sur l'une des vastes propriétés de cette Entreprise, qui englobaient plusieurs sites archéologiques, Maurras tomba en admiration devant cette vasque antique.
    Quelques jours après, un camion se présentait au portail de la maison : le Directeur des Salins faisait installer dans le jardin de Maurras - mais dans sa partie droite, en entrant - cette magnifique fontaine, d'où coulent deux jets d'eau pure, fraîche et potable...

     

    • Trois autres élèments remarquables du Jardin (II) :

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    Juste devant la vasque antique, voici un écusson provenant de l'ancien Couvent des Capucins.
    De ce Couvent, totalement démoli, ne subsistent aujourd'hui que les caves...

     

    • Trois autres élèments remarquables du Jardin (III) :

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    Légèrement décalé par rapport à l'écusson et à la vasque antique, et juste en dessous, le beau puits du Jardin...

    Aujourd'hui épouvantablement "restauré" (?), il est intégralement recouvert d'un affreux, banal et désolant enduit, recouvrant uniformément l'ensemble : tout l'inverse du charme, de l'authenticité de l'ancien...

     

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (63)

     

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    Aujourd'hui : Jardin, maison : Charles ne reviendra plus...

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    Maurras compose ce poème ("Où suis-je ?") début févier 1945 : il vient d'arriver à la prison de Riom, quelques jours après sa condamnation.
    Il ne reverra plus jamais ni Martigues ("mon Martigues plus beau que tout"), ni sa maison ("ma vieille maison que nul âge ne ride"), ni son jardin ("ô jardin de Ferrières, qui fleurira sur mon sommeil)...
    "Partout où je vais, vous êtes" dit le poète espagnol Antonio Machado à ses champs de Soria et à leurs chênes, eux qu'il aimait tant, lorsque la vie le sépara de cette ville et de ses champs qu'il chérissait.
    Maurras apostrophe son jardin, ses arbres, sa maison de la même manière : "Est-il besoin de vous revoir ?... Je suis vous !"




    "Ce petit coin me rit de toutes les lumières
    De son magnifique soleil ;
    Ô mon Île natale, ô jardin de Ferrières,
    Qui fleurira sur mon sommeil,

    C’est peu de vous crier que mon cœur vous possède,
    Mon Martigues plus beau que tout,
    De la conque de Fos aux Frères de la Mède,
    Laissez-moi chanter : Je suis Vous !

    Mes cinq arpents de fruits, de fleurs, d’herbes arides,
    De pins dorés, de cyprès noirs,
    Et ma vieille maison que nul âge ne ride,
    Est-il besoin de vous revoir ?

    Que l’agave, métèque aux écorces barbares,
    Dise à sa fleur qui le tuera
    D’arborer notre deuil tant qu’une grille avare
    De ses barreaux nous couvrira !

    Mais vous, mes oliviers, vous, mon myrte fidèle,
    Vous, mes roses, n’en faîtes rien ;
    Je n’ai jamais quitté nos terres maternelles,
    Frères, Sœurs, vous le savez bien !

    Vous vous le murmurez au secret de vos branches,
    Nous sommes nés du même sang,
    Et ma sève est la vôtre et nos veines épanchent,
    Dans un tumulte éblouissant,

    La forme et la couleur que, pareillement belles,
    Fomenta le plus beau des dieux;
    Quand, surgeons d’Athéna, de Cypris, de Cybèle,
    Il vous nourrit des mêmes feux

    Dont il brûla mon cœur et qui m’emportent l’âme
    Pour la ravir de ciel en ciel,
    Partout où retentit sur un verdict infâme
    Le grand rire de l’Immortel."



    Ce poème fut récité par Jean Piat lors du colloque tenu à l’Institut en 2002 pour le cinquantenaire de la mort de Maurras.

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (64)

     

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    Aujourd'hui : Donation de la Bastide à la Ville de Martigues

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    Les parents de Charles Maurras eurent trois enfants (trois garçons) : le premier, François (ou Romain), ne vécut quasiment pas, et Charles, non marié, n'eut pas de descendance. Seul son frère Joseph eut des enfants (quatre) : trois filles - de son premier mariage (Jeanne, Hélène et Berthe) - et un garçon, Jacques, de sa seconde union.
    À la mort de leur père - son frère Joseph - Charles Maurras adopta trois de ses enfants : Jacques, Hélène et Jeanne.
    De nièces et neveu, ces trois enfants de Joseph devinrent donc "fils adoptifs" de Charles lorsque leur père, "médecin des troupes coloniales" mourut au Viet Nam, à Saïgon, en 1924.
    À la mort de Charles Maurras, en 1952, la propriété du Chemin de Paradis couvrait toujours les deux hectares et demi de ses débuts, mais il fallut évidemment la partager en trois, entre Jacques et ses deux soeurs.
    Jacques Maurras fit en sorte d'obtenir la "partie centrale" de la propriété, ses deux soeurs recevant les terrains situés à droite et à gauche de la maison, qu'elles vendirent par la suite et qui furent urbanisées.
    Or, Charles Maurras, de son vivant, avait lui-même résolu d'offrir sa maison, son jardin et l'oeuvre qu'il y avait créé à sa chère ville de Martigues ( "...Mon Martigues plus beau que tout"...).
    Jacques Maurras, le 27 septembre 1997, ne fit donc rien d'autre que réaliser le voeu de son oncle et père adoptif en "remettant les clés" de la bastide au Maire de la ville...

     

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (65)

     

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    Aujourd'hui : Le discours de Michel Déon...

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    Au cours de cette journée de remise des clés, Michel Déon, qui fut le dernier secrétaire personnel de Charles Maurras, prononça le court et superbe discours suivant :

    "Permettez-moi d'évoquer un souvenir qui a déjà près d'un demi-siècle.
    C'était à Tours, un matin affreusement grisâtre, sous un ciel si bas qu'il écrasait la ville.
    Toute la nuit, il avait neigé et le cortège qui accompagnait Charles Maurras à son dernier voyage pataugeait, transi, dans la boue.
    Le vieil et indomptable lutteur nous quittait, mais nous savions bien les uns et les autres qu'il n'était déjà plus avec nous.
    Certes, grande avait dû être sa tristesse de nous abandonner à nos tourments.
    Mais à la seconde où ses yeux se fermaient pour toujours, quelle joie avait dû s'emparer de son âme envolée à tire d'ailes vers la lumière de Martigues dont les servitudes de la vie l'avaient si souvent éloigné. Il n'était pas là dans ce triste cercueil, dans le froid et la neige, il était retourné à ses origines, à son étang de Berre qui, écrivait-il dans sa belle adresse aux félibres de Paris, le matin blanchit et le soir s'azure, qui de ses mille langues vertes lèche amoureusement le sable des calanques et ronge les rochers où l'on pêche le rouget*.
    La France avait été sa grande patrie aimée d'un amour si passionné qu'il s'autorisait à la rudoyer, la tancer de n'être pas toujours à la hauteur de ce qu'il attendait d'elle, mais la petite patrie, à laquelle il appartenait plus qu'à toute autre, n'avait connu de lui que les douceurs d'une pure piété filiale.
    Là, pour lui, s'arrêtaient les querelles des hommes.
    L'allée conduisant à sa bastide ne s'appelle-t-elle pas Le Chemin de Paradis, titre de son premier livre ? Cette minute où l'âme est enfin délivrée de ses colères et de ses joies terrestres, il ne l'avait jamais mieux exprimée que dans un poème écrit en prison**, publié sous le pseudonyme de Léon Rameau, ce rameau d'olivier tendu en signe de paix :



    Lorsque, enfin déliés d'une chair qui les voile
    Les bons, les bienfaisants bienheureux, les élus
    Auront joint le nocher sur la mer des étoiles,
    Le sourire du Dieu ne leur manquera plus.

    Mais sur les pauvres os confiés à la terre
    L'épaisseur de la nuit, le poids du monument,
    La sèche nudité de l'adieu lapidaire
    Font-ils la solitude et l'épouvantement ?



    Une œuvre, une action, un chant ne s'éteignent pas avec leur créateur quand ils ont ce serein espoir. Ils éclairent les générations à venir. Encore faut-il que ce qui n'a pas été gravé dans le marbre soit conservé. Dans ses dernières lettres de prison, Charles Maurras n'avait cessé de se préoccuper du sort de ses livres, des documents et des lettres qui avaient accompagné sa vie intellectuelle, sa quête de la vérité tout au long de l'histoire de France en ce terrible XXème siècle, le plus sanglant de l'histoire du monde.
    Il y avait là un trésor à classer, déchiffrer, commenter. La justice des hommes, si faillible, peut croire qu'une condamnation sans appel rayera de notre patrimoine une pensée fût-elle controversée ou exaltée.
    Vaine prétention !
    La pensée est comme l'arbre de vie : elle a ses racines dans la terre et tend ses branches vers le ciel.
    Dans l'histoire des civilisations, elle est le maillon d'une chaîne qui ne s'interrompra qu'avec la fin de l'humanité.
    Le temps voile ses erreurs passionnelles pour n'en conserver que l'essence.
    En sauvant les murs de la maison de Charles Maurras, en l'ouvrant à des chercheurs venus de tous les horizons politiques et humains, la Municipalité de Martigues exauce les vœux derniers d'un homme sur qui l'on voudrait faire croire que tout a été dit alors que tout reste à découvrir et à méditer.
    Succédant à Charles Maurras au seizième fauteuil de notre Académie française, cette Académie que Maurras appelait avec respect « sa mère », le duc de Lévis-Mirepoix terminait l'éloge de son prédécesseur par ces mots :


    "Comme Socrate, il a encouru la colère de la Cité..."


    Oui, mais pas la colère de sa Cité de Martigues.
    Soyez-en remercié, vous qui au nom de la liberté de penser, au nom de la poésie, avez su vous élever au-dessus des querelles de notre temps et reconnaître en cet homme debout un des grands philosophes politiques de notre temps, et un grand, un très grand poète."

    * Les trente beautés de Martigues
    ** Ainsi soit-il !

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (66)

     

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    "Maurras et...", "Maurras vu par..."

     

     

    Aujourd'hui : Dans la biblothèque, dédicaces...

    1. De Paul Valéry :

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    2. De Jean Cocteau :

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    3. De Charles de Gaulle :

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    (À Charles Maurras. Respectueux hommage. 24 mars 1924. C. de Gaulle. « Les lois désarmées tombent dans le mépris, les armes insoumises aux lois tombent dans l’anarchie. » (Cardinal de Retz)

     

    4. De Sacha Guitry :

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (67)

     

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    Aujourd'hui : Quand Maurras écoutait Mistral...

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    Mistral et ses amis devant les Alpilles, de Louis Denis-Valverane (1870-1943) conservé au Musée des Beaux-Arts de Nîmes.

    Maurras est adossé à l'arbre, à gauche...

    Dans son ouvrage "Maîtres et témoins de ma vie d'esprit", Maurras range Mistral dans la catégorie des "maîtres". Il ressentait - bien avant qu'elle ne l'écrivît !... - ce que pensait Simone Weil de l'enracinement, personnifié, pour Maurras, par Mistral :

    "L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir. Participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie..." 

    Lorsque Mistral mourut, Maurras lui rendit immédiatement hommage dans le quotidien :

    Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral ! (1/2)

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (68)

     

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    Aujourd'hui : Quand Marcel Proust remerciait Maurras...

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    Le vendredi 2 février 2018, dans lafautearousseau :

    Marcel Proust : Maurras, une cure d'altitude mentale ...

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    Marcel Proust, portrait par Jacques-Émile Blanche

     

     

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  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (69)

     

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    Aujourd'hui : La courte "entente" entre Maurras et André Gide...

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    Durant la Grande Guerre, Gide se rapprocha de Maurras, dans le contexte particulier de l’Union sacrée.

    En juillet 1914, il déclare lire "avec le contentement le plus vif la lettre de Barrès invitant au ralliement". Il se réjouit alors de "voir, devant cette menace affreuse, les intérêts particuliers s’effacer, et les dissensions, les discordes."

    Chez Gide comme chez d’autres, le patriotisme se conjugue avec une volonté diffuse de réagir contre le déclin national. En septembre 1916, il évoque par exemple "la lente décomposition de la France", ou encore "l’abominable déchéance où reculait peu à peu notre pays", à laquelle la guerre lui semble pouvoir remédier.

    Avec de telles dispositions, il se réjouit logiquement que les lettres du lieutenant Dupouey, mort au champ d’honneur, lui donnent "enfin l’occasion d’écrire à Maurras". Le 2 novembre 1916, il écrit à ce dernier : "Le temps est venu peut-être de se connaître et de se compter, vivants ou morts", en lui envoyant par la même occasion un mandat destiné à payer son abonnement à L’Action française. Maurras lui répond chaleureusement, le 5, jour où la lettre de Gide est publiée dans L’Action française.

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    Durant la guerre, dans son journal ou sa correspondance, Gide ne cessa de saluer l’excellence des articles de Maurras et plus généralement de L’Action française. Gide déclare ainsi lire "chaque jour" L’Action française "avec une approbation presque constante".

    Par delà le patriotisme, il y a bien adhésion idéologique, Gide célébrant "l’organisation de résistance que travaille à former l’Action française", qu’il présente non comme le meilleur, mais comme le seul rempart possible contre ce danger : "L’Action française est, somme toute, le seul journal en France qui se soit bien tenu pendant la guerre.", écrira Gide...
    Ce sera dans les deux années qui suivent la fin de la guerre, que la position de Gide à l’égard de Maurras et de l’Action française évoluera rapidement, jusqu'à la rupture définitive, mais ce court moment d'entente entre les deux hommes méritait d'être rappelé...

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    C'est en page 2 du numéro du Dimanche 5 novembre 1916 que Maurras donne le contenu de la lettre d'André Gide commençant par "Mon cher  Maurras" et que le Maître annonce ainsi :

    "...Les troisième et quatrième textes arrivés ensemble nous viennent de plus loin. L'un d'outre-tombe. L'autre d'une région philosophique et littéraire où nous n'espérions nullement conquérir cette rare amitié. Un nom propre la définit pour tous les lettrés, il suffit de nommer notre confrère le poète, romancier et moraliste A. Gide. Des cahiers d'André Walter aux Caves du Vatican, la carrière littéraire d'André Gide dessine une courbe brillante mais dont les contacts avec l'Action française ont été jusqu'ici rares ou fugitifs, et  nos relations personnelles, datant de notre plus ancienne jeunesse à l'un et à l'autre, furent aussi clairsemées qu'il était possible. Cependant, à travers les contradictions, ni l'estime ni la sympathie n'ont manquées, et voici la lettre datée du jour des Morts par laquelle l'auteur de La Porte étroite me communique ce témoignage d'un héros de la guerre arrivé du pays de l'ombre :..."

    Vous pouvez lire le court texte de cette lettre dans la première colonne de gauche de la page 2, dont elle occuppe le deuxième tiers, central; elle s'achève par un P.S. : "...Ci-joint un billet pour le meilleur usage, sur lequel vous voudrez bien prélever le montant d'un abonnement à l'AF..."

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7592450/f2.item.zoom

     

    À connaître également, cette très courte lettre de Gide à Maurras, publiée de façon anonyme dans L’Action française du 21 décembre 1917, en page quatre : elle se trouve en haut de la première colonne (de gauche), à la 39ème ligne, après le sous-titre "les timides"

    Maurras la présente ainsi :

    "Immédiatemment à la suite de cette lettre, nous sommes heureux de pouvoir publier les lignes que nous adresse un de nos écrivains les plus subtils et les plus raffinés, que tout, avant la guerre, séparait et même éloignait de l'Action française, mais qui y est venu en toute loyauté et qui, vrai conducteur d'âmes, s'efforce d'y incliner les Français qui suivent ses directions..."

    le texte de cette courte lettre ici :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7596381/f4.item.zoom

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