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Le grand philosophe britannique Roger Scruton* justifie le choix de ses compatriotes, qui assimilent le projet européen à la disparition de l'État-nation. Il s'en entretient avec Vincent Trémolet de Villers [Figarovox 28.06]. Et nous sommes en accord profond avec sa vision de l'Europe : celle des peuples, des nations et des Etats.LFAR
Que vous inspire le vote des Britanniques ?
Je suis fier de nos concitoyens. Ils ont eu le courage de déclarer leur volonté de se gouverner eux-mêmes. Ils ont dit clairement qu'ils voulaient reprendre le contrôle de leur pays. Je suis fier, mais je suis inquiet aussi. Nous allons subir, je le crains, de nombreuses tentatives qui viseront à faire annuler ce résultat ou à en réduire les effets. Je crains aussi que le Royaume-Uni se fragmente. La vérité est que le choix qui nous a été proposé n'était pas de mon point de vue le plus judicieux.
À la dialectique imposée : « Voulez-vous quitter ou rester dans l'Union européenne ? » nous aurions dû préférer une troisième possibilité : la rédaction d'un nouveau traité, adapté à la situation de l'Europe d'aujourd'hui. Traité que nous aurions pu soumettre à toutes les nations pour qu'elles y souscrivent.
Comment expliquez-vous le choix des électeurs. Est-il économique ou culturel ?
C'est un choix éminemment culturel. Les électeurs ont réagi contre deux effets de l'Union : la nécessité de vivre sous des lois imposées de dehors et la nécessité d'accepter des vagues d'immigrés de l'Europe - surtout de l'Europe de l'Est - dans des quantités qui menacent l'identité de la nation et sa cohésion. Ils veulent reprendre en main le destin de leur nation. C'est la cause profonde de ce vote.
L'Union européenne est-elle, selon vous, un projet politique condamné à la dislocation ?
C'est une évidence. Ce projet n'a jamais vraiment reçu l'approbation du peuple européen et il érode la partie la plus essentielle de notre héritage politique : l'État-nation. La motivation de ceux qui ont initié le projet d'union - Jean Monnet surtout - était alimentée par une peur de l'État-nation qui débouchait forcément sur le nationalisme. Pour Monnet il n'y a pas de nationalisme sans hostilité envers les autres nations. Lui et ses associés ont décidé, sans l'assentiment des peuples européens, d'abolir les frontières, de diminuer la souveraineté nationale et de créer une union politique. Les gens ordinaires, au départ, n'ont cru qu'à une entente commerciale. « Communauté de l'acier et du charbon », le projet, à l'origine, n'était présenté que sous ce type de forme. Petit à petit la mesure des ambitions des fondateurs s'est révélée, l'élargissement impressionnant a donné au projet une dimension préoccupante et chaque mouvement de résistance a été neutralisé par des manœuvres non démocratiques. La plus choquante fut le traité de Lisbonne voté par les parlements des pays européens et parfois même, comme en France, contre le choix exprimé, dans les urnes, par le peuple.
Pour Monnet et sa génération, la nation c'était la guerre…
Si, dans notre histoire, des formes de nationalisme ont menacé la paix du continent (celui de la France révolutionnaire, par exemple, et surtout celui des Allemands au XXe siècle), d'autres formes de nationalisme ont, à l'inverse, contribué à la paix de la Vieille Europe. Je pense, par exemple, à celui des Polonais, des Tchèques et peut-être, si j'ose le dire, celui des Anglais, sans lequel les nazis n'auraient pas été vaincus. Tout dépend de la culture politique et militaire du pays. Je sais bien que la culture de « soft power » que nous associons à l'UE est souvent louée comme un instrument de paix : mais les événements en Ukraine nous ont montré que ce genre de puissance est très peu efficace. Les dangers qui nous entourent aujourd'hui exigent que nous retrouvions les moyens de nous défendre, et la restauration des frontières nationales en est la condition sine qua non.
Les campagnes ont voté contre les villes…
Il ne faut pas exagérer : pas contre les villes, mais dans un autre sens que les villes. Dans un petit pays comme le nôtre, la campagne est le symbole de la nation. Sa paix, sa beauté : c'est ce qui est vraiment nôtre. Ceux qui habitent la campagne ont payé cher pour pouvoir y vivre. Ils craignent aujourd'hui de perdre ce qui fait leur environnement, leur identité. Chez eux, le sentiment d'appartenance est bien plus vivace que chez les habitants des villes. Partout en Europe, les gens ordinaires ont perdu confiance dans l'élite politique. Cette défiance se manifeste plus vivement dans la campagne que dans les villes. La cause profonde est sociologique. Être attaché au local, au lopin de terre, à une sociabilité immédiate (celle des villages) nous éveille à l'hypocrisie et aux mensonges de ceux qui peuvent facilement changer leur mode de vie et l'endroit où ils poursuivent leur existence. Ces derniers sont facilement accusés, par ceux qui n'ont que la terre où ils se sont enracinés, de « trahison des clercs ». C'est, bien entendu, une vue réductrice d'une question complexe mais c'est cette vue qui permet de comprendre la fracture qui existe entre le peuple et les élites.
Croyez-vous au sens de l'histoire ?
L'idée qu'il y a un « sens » de l'histoire est, pour moi, peu convaincante. Bien sûr, les philosophes allemands, sous l'influence de Hegel, ont essayé de créer un récit linéaire, qui mène d'une époque à la suivante par une espèce d'argumentation logique. Et peut-être, pour la durée du XIXe siècle, l'histoire européenne avait une certaine logique, étant donné que l'Europe était un système de pouvoir autonome et dominant le monde entier. Maintenant, sous l'effet des forces émanant du Moyen-Orient, de la Chine, des États-Unis, etc., l'Europe se trouve de nouveau dans la condition des autres peuples : sans aucun sens, à part celui qu'elle peut trouver pour elle-même. Malgré cette nouvelle donne, l'élite des institutions de l'UE continue de rejeter les inquiétudes identitaires des gens ordinaires. Pour preuve, ils ont présenté un projet débarrassé des références chrétiennes et niant la validité des nations. Le résultat se voit partout en Europe - une désorientation du peuple, et une révolte électorale contre une classe politique qui pour une grande part de l'opinion publique a perdu tout crédit. •
*Philosophe de l'esthétique, Roger Scruton a notamment enseigné à Oxford et à la Boston University. La traduction de son essai How to Be Conservative doit paraître à l'automne aux Éditions de l'Artilleur.
Dans cette chronique [Figarovox 25.06] Natacha Polony développe sa réflexion - déjà fort intéressante en soi - en deux points : Le vote pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'est pas un signe de xénophobie. Et, d'autre part, le commencement d'une construction de l'Europe des peuples et des nations serait la traduction politique d'une grande civilisation. Nous n'avons jamais été opposés et sommes même favorables à une telle démarche. LFAR
Ils sont de retour. Les xénophobes, les racistes, ceux qui avaient accompagné le résultat du 29 mai 2005. Ceux qui courent à longueur d'éditoriaux ou de discours, sous la plume de Bernard-Henri Lévy ou de Franz-Olivier Giesbert, dans la voix de Jacques Attali ou de Pascal Lamy. Le peuple a voté, qu'il soit britannique aujourd'hui ou français hier, il a mal voté, il est donc xénophobe. Raciste, même. Voter pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, c'est militer pour la hiérarchie entre les races.
Voilà déjà longtemps que les tenants de la « seule politique possible » usent de ces notions de racisme et de xénophobie - user étant bien le terme - pour éviter de débattre de la nature et des motivations de leurs choix économiques et politiques. Évidemment, on aurait des raisons non négligeables de soupçonner une entourloupe idéologique, particulièrement de la part de gens qui nous expliquaient il y a peu que la Grande-Bretagne était un modèle de prospérité économique dont nous ferions bien - paresseux et réactionnaires que nous sommes - de nous inspirer, et qui affirment aujourd'hui avec gravité que le vote pro-Brexit n'est qu'une réponse un peu trop éruptive d'une classe ouvrière déboussolée par la crise. Et l'on connaît la suite : qui dit crise, dit besoin de boucs émissaires, dit flambée raciste contre les immigrés…
Qu'il existe dans tous les pays d'Europe (comme dans toute l'humanité, faut-il le rappeler ?) des racistes rêvant de préserver une supposée pureté, personne ne le niera. Mais voter contre l'Union européenne est-il une marque de xénophobie ? Et, question corollaire, voter pour l'Union européenne relève-t-il de l'amour de l'Autre et, plus largement, de l'adhésion à une citoyenneté européenne ? Et d'ailleurs, citoyenneté ou identité ?
Ceux qui nous vendent aujourd'hui une Union européenne essentiellement occupée à organiser la libre circulation des profits vers le paradis fiscal luxembourgeois et la libre circulation des travailleurs détachés vers des lieux où les protections sociales sont scandaleusement garanties vont-ils nous expliquer enfin quelle est leur définition de l'Europe ? De fait, on n'en trouve pas trace dans les traités précédemment signés.
L'Europe est-elle cette civilisation qui naît sur les ruines de l'Empire romain, dans des royaumes convertis de justesse au catholicisme après un passage par l'arianisme ? Doit-on garder le souvenir de la frontière marquée par les missions de Cyrille et Méthode qui la partage entre monde grec et monde latin, cette frontière qui a ressurgi quand l'Allemagne et le Vatican ont reconnu de manière unilatérale la Croatie (catholique et pro-allemande) qui voulait se séparer de la Serbie (orthodoxe et slave) ? L'identité de l'Europe est-elle dans cette communauté de penseurs humanistes qui, après 1453 et la prise de Constantinople par les Turcs, ont redécouvert l'Antiquité grâce aux lettrés byzantins ? Est-elle dans le libéralisme d'Adam Smith ou la déconstruction cartésienne, dans les Lumières de Montesquieu ou dans celles de Kant ?
Il est curieux que les contempteurs de la xénophobie soient justement ceux qui effacent consciencieusement cette histoire complexe de la civilisation européenne. Ni souvenir lointain de Rome et d'Athènes, ni royaumes chrétiens… surtout pas ! On risquerait de constater que la Turquie, décidément, n'a rien à faire dans l'Europe. On pourrait s'apercevoir que la France a au moins autant à voir avec les pays du pourtour méditerranéen, le Mare Nostrum des Romains, qu'avec les tolérants et froids scandinaves. Bref, mieux vaut nier l'autre, les autres, effacer leur histoire, pour permettre le grand marché. Nier l'histoire spécifique de la Grande-Bretagne, et même accuser le peuple le plus tourné vers le monde d'être désormais fermé sur lui-même. Un comble !
La négation des nations européennes et de leur histoire, maquillée en lutte contre la xénophobie, ne saurait se prévaloir d'une quelconque « ouverture à l'autre » (surtout de la part de gens qui ont soutenu et parfois suscité les guerres les plus hasardeuses et dont les réfugiés qui frappent aux portes de l'Europe sont les tristes témoins), pas plus que la négation des langues européennes au profit d'un « globish » de technocrates et de financiers ne saurait se faire passer pour un amour de l'Europe et de sa civilisation. Respecter la différence, c'est construire l'Europe sur l'articulation de ses différences et la liberté de ses peuples. C'est se souvenir que le peuple anglais n'a jamais eu besoin des leçons des élites françaises pour résister aux folies meurtrières.
Mais la vérité, c'est que la globalisation, unique programme de l'Union européenne, déteste les différences et s'accommode mal de l'esprit des peuples et de l'histoire des nations. Alors, remercions les Anglais qui, une fois de plus, nous ont rappelés aux devoirs des grands pays. « Ce n'est pas la fin, disait Churchill en 1942, ni même le commencement de la fin, mais c'est peut-être la fin du commencement. » Le commencement d'une construction de l'Europe des peuples et des nations, traduction politique d'une grande civilisation. •
Le pape François en compagnie d'un dignitaire musulman. Sa décision de ramener de Grèce des réfugiés musulmans en « oubliant » un peu vite les chrétiens d'Orient a choqué une partie de l'opinion catholique. Le souci de pacification interreligieuse conduit sans-doute le pontife romain à entretenir certaines illusions vis à vis de l'Islam.
PAR PÉRONCEL-HUGOZ
Œuvrant en terre d'Islam depuis 1965 (administrateur civil, correspondant ou envoyé spécial du Monde, directeur de collection éditoriale et, à présent, chroniqueur au 360, un des principaux quotidiens marocains en ligne), Péroncel-Hugoz n'est sans doute pas le plus mal placé pour décrire le sort des chrétiens vivant sous autorité musulmane.
« J'avais un jour demandé à un jeune prêtre cairote comment tant de ses coreligionnaires avaient pu résister depuis plus de 1000 ans à l'islamisation, laquelle, d'un coup, simplifie la vie: il me répondit sans hésiter : " Nous prions !" ».
ISIIMOMANIE DU VATICAN
Des prières bien solitaires car, depuis plus d'un demi-siècle l'église de Rome, sauf exceptions individuelles, s'est montrée peu solidaire de nos frères orientaux, jusqu'à manifester même parfois une provocante « islamomanie », comme le pape François ramenant avec lui ce printemps, d'un bref passage en Grèce, trois familles syriennes musulmanes alors que chacun sait que les réfugiés chrétiens, eux, ne pourront uns doute jamais retourner dans leurs foyers au Levant... Passons sur les imams « belges » qui ont refusé de prier pour les victimes « mécréantes » des attentats de 2016 à Bruxelles, ce qui, en effet, est conforme aux prescriptions islamiques en vigueur depuis l'Hégire. Cependant, ne jetons pas la pierre trop vite aux musulmans installés chez nous et où, quoiqu'on dise, c'est de notre seul fait qu'ils ont été généralement choyés au point de créer une véritable « préférence étrangère » qui explique une bonne partie du vote ouvrier français pour le Front national; en ne manifestant que pas ou très peu de compassion à notre égard, en ne s'impliquant guère dans le combat verbal contre l'islamisme, « nos » mahométans n'ont fait, là aussi, qu'obéir aux préceptes élémentaires de leur religion : voile féminin, autorité des maris sur les épouses, polygamie, répudiation, héritage double pour les garçons, égorgement à vif des animaux, guerre sainte, tout ce qui choque ou plutôt effraie une partie de l'opinion occidentale, est clairement énoncé, jusque dans les détails par le Coran, parole d'Allah, et la Sunna, parole de Mahomet : « Vous formez la meilleure de communautés ! », dit Dieu aux mahométans dans la sourate de la famille d'Imrane tandis que celle de la Table servie interdit : « Ne prenez pas pour amis les chrétiens ! ». Ou encore celle de l'Immunité : « qu'Allah anéantisse [les chrétiens],ils sont tellement stupides ! ». Et ainsi de suite. Les musulmans appliquent simplement leur religion car, dès leur arrivée en Europe, nous les avons laissés faire sans restrictions comme s'ils étaient en terre d'Islam.
SALAFISTES ET WAHABITES
C'est une naïveté de croire que La « radicalisation » d'un certain nombre de jeunes mahométans installés en Europe ou restés chez eux soit due à quelques fougueux imams « salafistes » ou « wahabites ». Ladite radicalisation, elle est tétée au sein, elle est apprise aux bambins par ces excellentes mères analphabètes, croyant dur comme fer à la supériorité de l'Islam sur le reste de l'Humanité et observant le devoir de tout « croyant » d'œuvrer à l'islamisation de la planète, comme jadis les mères européennes enseignaient à leur progéniture lavaleur inestimable de nos « racines chrétiennes » que le président Chirac et ses pareils ont rejetées car « les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes... » Il est patent que des jeunes Français de souche sans religion sont passés à l'Islam afin d'y retrouver une nourriture spirituelle que le christianisme occidental ne leur propose plus. •
Comme tous les derniers mercredis du mois, la prochaine causerie se tiendra le mercredi 29 juin 2016 devant les Amis du Pub Le Graal. Cette sixième causerie 2016, animée par Philippe Lallement, portera sur le thème : La mémoire disparue des catholiques du « Midi blanc ».
Parce que rien de ce qui touche à la Provence n’est étranger à la curiosité et au territoire du Café Histoire de Toulon, Philippe Lallement va utiliser plusieurs études provinciales pour retrouver la mémoire disparue du Midi blanc. Dans l’imaginaire politique, le Midi est rouge. Pourtant un Midi blanc, donc catholique, s’est opposé à ce Midi rouge, mais qui le sait ? A part quelques très rares universitaires provinciaux, l’histoire savante se désintéresse du Midi blanc. Elle l’ignore presque. Philippe Lallement présentera plusieurs exemples représentatifs pour faire découvrir différentes facettes de la sensibilité des blancs du Midi. Dans cette première causerie, il abordera la période de l’émergence du Midi blanc entre 1790 et la fin de la Restauration en 1830. •
Le Grall, Pub associatif des missionnaires de la Miséricorde (adhésion 1 €) 377 avenue de la République , 83000 Toulon La soirée pourra se poursuivre autour d’une pizza (Participation aux frais) Contact : cafehistoiredetoulon@gmail.com
Le prince Joseph dans les bras de la duchesse de Vendôme
Dimanche 26 juin, les cloches sonnent à 11 heures à l'église Saint Pierre de Dreux, annonçant l'arrivée du Prince Joseph.
Le 4ème enfant du Duc et de la Duchesse de Vendôme va en effet être baptisé. Sur le parvis, dans les bras de sa mère, la Princesse Philomena, le petit prince est entouré de son père, le Prince Jean et de ses parrains : SAR D. Afomso de Bragance, SAS Wenzel de Liechtenstein, et Benedikt du Cassé, cousin de la princesse, et de ses marraines : SAR Marie-Liesse d'Orléans (épouse du prince Eudes), SAS Tilsim de Liechtenstein et de Kildine Stevenson, fille de la Princesse Chantal. La cérémonie commence et c'est durant la messe que le petit Joseph est baptisé. La cérémonie terminée, parents et amis se rendent au Domaine royal où vivent les Ducs de Vendôme. Le soleil étant de la fête, c'est un plaisir de se promener dans le merveilleux parc du domaine. Un délicieux déjeuner est servi dans « l'évêché », petit manoir que la fondation Saint Louis réserve aux réceptions. Joseph toujours dans ses dentelles et rubans, va rejoindre son berceau alors que ses parents s'occupent de leurs invités avec leur gentillesse et leur simplicité habituelles. La vie à Dreux est dominée par le sens de la famille et la convivialité.
Cette journée en fut le meilleur exemple.
Francesca •
Le prince Joseph dans les bras de sa grand-mère, la duchesse de Montpensier. A ses côtés, la princesse Marie-Liesse d'Orléans, duchesse d'Angoulême
Le baptême du prince Joseph de France en l’église Saint-Pierre de Dreux (Copyright photo : L’Echo Républicain)
Une analyse pertinente de Patrice de Plunkett [25.06]
Comment peuvent-ils dire que la campagne du "out" s'est faite sous le signe de la peur ? C'est celle du "in" qui a voulu terroriser le votant ! (sans succès, le peuple anglais n'étant pas facile à terroriser). Et la campagne de peur continue : cette fois à la télévision française.
Il fallait voir le spectacle toute la journée d'hier. Nos commentateurs étaient courroucés. Certains en perdaient le souffle. Les présentatrices prenaient de petits airs sarcastiques. Des experts jetaient en l'air rageusement la liste de "tous les problèmes à résoudre maintenant", comme si la vie politique ne consistait pas à résoudre des problèmes. Sur iTélé et BFM, le défilé des breaking news (comme disent nos newsrooms) annonçait en boucle la "panique" et le "tremblement de terre" boursiers... alors que les chiffres ne montraient rien de tel, surtout pas à Londres où la Bourse ne perdait que 3 points. La crise de nerfs annoncée ne se produisait que dans les équipes rédactionnelles.
Pourquoi cette attitude ? Parce que jusqu'ici l'irréversibilité de "l'Europe" formait l'univers mental des médias. Ils étaient habitués depuis plusieurs dizaines d'années à distribuer l'éloge et le blâme : comme dit Hubert Védrine, l'UE était le bien, critiquer l'UE était le mal. Etre "européen" faisait partie d'un ensemble normatif : "je suis féministe [*] et européenne", tranchait Marie Darrieussecq il y a vingt ans. (Pour n'être pas "européen", il fallait être un déviant, suspect de vouloir nous ramener au temps des guerres : toujours déclenchées par "le nationalisme", évidemment jamais par les intérêts économiques transnationaux). L'européisme était plus qu'une opinion : c'était un bain amniotique. Soudain le bain amniotique disparaît. "L'Europe" n'est plus irréversible. Nos journalistes se retrouvent dans l'air froid des réalités. Ils prennent mal. Leur organisme se révolte.
D'où les choses stupéfiantes que l'on entendait hier, non de la part des invités politiques (circonspects) mais de celle des journalistes. Certains n'hésitaient pas à prôner une "attitude ferme" à l'encontre de l'Angleterre : ils parlaient de "sanctions dures", de "procédure accélérée". On sentait chez eux une forte envie de casser la vaisselle et de déchirer les rideaux en poussant des cris, symptôme de l'état mental des leaders d'opinion. Centre nerveux de la postdémocratie, nos médias ne supportent pas la réalité ; ils n'existent que pour la conjurer, l'exorciser, la rejeter au loin. L'individu postmoderne s'accomplit dans le déni de réalité : être "européen" [**], pour lui, fait partie du même ensemble qu'être transhumaniste ou agro-industriel OGM ; c'est refouler la réalité que l'on refoule aussi sur le plan anthropologique et environnemental.
Voilà pourquoi l'acte des Anglais paraît indécent et inadmissible à nos commentateurs. Ils se sentent mis en cause au tréfonds de leur être : les écoles de journalisme ne les avaient pas éduqués dans ces idées-là.•
P.S. Bien entendu, le Brexit en soi reste un fait ambigu
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[*] "féministe" au sens bobo, bien sûr : tournant le dos à toute anthropologie.
Publié en 1983, Le Radeau de Mahomet annonçait dans une large mesure les problèmes à venir. Un ouvrage mal accueilli par la caste journalistique, largement acquise à une islamomanie acritique.
PAR PÉRONCEL-HUGOZ
Œuvrant en terre d'Islam depuis 1965 (administrateur civil, correspondant ou envoyé spécial du Monde, directeur de collection éditoriale et, à présent, chroniqueur au 360, un des principaux quotidiens marocains en ligne), Péroncel-Hugoz n'est sans doute pas le plus mal placé pour décrire le sort des chrétiens vivant sous autorité musulmane.
« J'ai pu toucher du doigt la condition de demi-citoyens des coptes et autres chrétiens, les discriminations quotidiennes dans la rue, à l'école, dans l'administration... »
Je n'avais pas non plus encore examiné invivo la dhimmitude au quotidien. En Égypte, je fus peu aidé en cela par le mutisme des coptes, sans doute par honte vis-à-vis d'un chrétien « libre », et par crainte de représailles de la part de musulmans glosant haut et fort, eux, devant les Occidentaux, sur la « tolérance » de leur religion, alors que nous, nous avions eu les Croisades, l'Inquisition, le Colonialisme, le Nazisme et tout le saint-frusquin... Aidés par une puissante cohorte d'intellos marxistes, huguenots, juifs, cathos de gauche, etc., ceux des mahométans songeant déjà à une Reconquista à l'envers de l'Europe latine, avaient vite compris qu'en culpabilisant leurs adversaires potentiels, ils les affaibliraient d'autant. La « cohorte », elle, comptait secrètement sur le pouvoir électoral des « masses musulmanes » - et ça continue sous nos yeux en France, Espagne, Belgique, etc. - pour installer durablement au gouvernement la gauche socialiste...
ANAOUATI ET 8OUIROS-GHALI
Cc furent, au Caire, au milieu de la décennie 1970, le père Georges Anaouati, fameux érudit dominicain égypto-levantin, conseiller culturel de Jean-Paul II, et un autre érudit oriental, Mirrit Boutros-Ghali, fondateur de la Société d'archéologie copte, qui m'ouvrirent définitivement les yeux sur la terrible réalité de la dhimmitude. Désormais, en Orient, je passai une partie de mon temps à parcourir quartiers et villages mixtes où je touchai mille fois du doigt la condition de demi-citoyens des coptes et autres chrétiens, les discriminations quotidiennes dans la rue, aux champs, à l'école, dans l'administration, etc. C'est en outre parmi les coptes que je trouvai les pauvres des pauvres, même si la misère frappait aussi de nombreux musulmans. Comme je rapportais mes tristes constats à Anaouati, il me donna une sorte d'ordre : « Écrivez tout ça ! ». Et ce fut, en 1983, Le Radeau de Mahomet, où je développais ce que j'avais déjà esquissé dans Le Monde sur la situation de la Chrétienté orientale. Si j'eus le soutien de mes supérieurs hiérarchiques, type André Fontaine ou Michel Tatu, nombre de mes confrères, au Monde et ailleurs, au nom d'un « Islamo-progressisme » imaginaire, nièrent les faits que je rapportais...
DE MORSI A SISSI
En Égypte, bien sûr, mais là où me conduisaient aussi d'autres reportages : Libye, Soudan. Yémen Pakistan, Brunei, et même dans les soi-disant États « laïques » de Syrie, Irak ou Turquie, je découvrais, peu à peu, la condition dihimmie : pas de mariage ni même de flirt avec une « vraie croyante » alors que tout mâle musulman a le droit d'épouser juives ou chrétiennes dont les enfants seront obligatoirement islamisés ; pour celles de ces épouses ayant conservé leur foi native, en cas de veuvage, aucun héritage ni aucune garde des enfants; impossibilité pour les dhimmis d'accéder à certaines professions « délicates », comme la gynécologie ou bien à des postes politiques réellement importants : le célèbre Boutros Boutros-Ghali, au rôle diplomatique mondial, ne dépassa jamais chez lui le rang de « ministre d'État » qui, au Caire, équivaut à « secrétaire d'État ».
Le « laïc » Nasser aggrava encore la dhimmitude en interdisant aux chrétiens d'enseigner l'arabe, « langue du Coran » ; en contrepartie, si on peut dire, il interdisit à ses coreligionnaires les manifestations festives trop bruyantes lors des conversions de coptes à l'Islam. Subsistèrent les mille mesquineries paperassières, légales ou non, imposées aux constructeurs de la moindre chapelle tandis que le gouvernement continuait à encourager l'édification de nouvelles mosquées.
Sous Sadate les attentats antichrétiens se multiplièrent tandis que le pape copte qui avait eu le toupet de se plaindre était assigné à résidence...
Lors du renversement du président islamiste élu, Morsi, en 2013, par le maréchal Sissi, des musulmans passèrent leurs nerfs en détruisant en deux jours plus de cent édifices chrétiens dans la vallée du Nil, soit plus que durant toute la conquête arabe de cette région en 639... J'avais un jour demandé à un jeune prêtre cairote comment tant de ses coreligionnaires avaient pu résister depuis plus de 1000 ans à l'islamisation, laquelle, d'un coup, simplifie la vie. Il me répondit sans hésiter : « Nous prions ! ». •
Ainsi, les bourses avaient voté. Et l’ensemble des médias, la presque totalité des semble élites, et - jusqu’au ridicule - les peurs, les conformismes, les habitudes, les libéraux et les modernes, les idolâtres des marchés, bref les avertis, contre les peuples ignorants. Et, bien-sûr, les fonctionnaires de Bruxelles et leurs relais dispersés à travers l’Europe, bien décidés à défendre âprement leurs rentes, leurs situations, leurs privilèges et leurs retraites. Cela faisait beaucoup de monde, et de grandes forces, dressées contre cette sorte de liberté d’un jour que s’était donné le vieux Royaume britannique – que l’on fût Remain ou Brexit - de choisir entre son identité et son histoire et sa fusion dans le magma mondialiste dont l’UE n’est qu’une étape, vers la gouvernance mondiale, façon Attali. Telle était aussi, d’ailleurs, la volonté affirmée – un quasi diktat - de Barak Obama, aussi président des Etats-Unis d’Amérique – et demain du Monde – que l’avaient été ses prédécesseurs blancs. Car, derrière le rideau de fumée de l’unité du monde – c'est-à-dire des marchés - se tient, de fait, cet élément moteur, cette ambition de fond, qu’est le nationalisme américain.
Avec 1,89% de plus que la barre des 50%, selon la règle démocratique de pure arithmétique, le peuple britannique a choisi non pas de ne plus être une nation européenne – rien ne fera qu’elle ne le soit, éminemment – mais de s’extraire d’une machinerie inefficace et tyrannique, en train d’échouer partout. Résultat que la doxa uniforme s’obstinait tellement à croire inenvisageable que les médias ont annoncé la victoire du Remain contre le Brexit à 52 / 48%, jusqu’à tard dans la nuit du vote. De sorte que le téléspectateur – fût-il tardif – s’est endormi dûment informé de la défaite du Brexit et s’est réveillé au son de sa victoire. Les bourses, les sondeurs, les bookmakers et l’ensemble des conformismes s’étaient trompés. Ni les peurs agitées éhontément, ni même le meurtre inopiné et finalement inutile de Jo Cox, n’auront suffi.
Faut-il croire à une opposition aussi radicale qu’on nous l’a seriné dans notre microcosme franco-français, entre les partisans du maintien et ceux du départ ? La violence de leurs débats ne nous empêche pas d’en douter. A vrai dire, la politique de Cameron et celle de Boris Johnson différaient par les moyens, non par l’objectif. De sorte que - l’extraordinaire force symbolique du retrait britannique mise à part, et elle n’a rien de négligeable - les suites du maintien et celles du départ, ne devaient pas être très différentes, même si les médias brossent tous les scénarios catastrophe les plus extravagants à la charge du Brexit. Cameron avait imposé à l’UE, en février 2016, les dérogations nécessaires et, sans-doute, suffisantes, pour la Grande Bretagne, de sorte que, selon son habitude, elle ait en toute hypothèse, comme nous l’avons écrit ici-même, un pied dedans, un pied dehors. Qu’elle détermine elle-même sa politique économique, sociale, migratoire et qu’il soit bien entendu qu’en aucun cas elle ne laisserait toucher à sa souveraineté. Dans de telles conditions, on était déjà sorti – n’étant d’ailleurs jamais vraiment entré – et l’on pouvait rester sans trop de gêne. Les partisans du Brexit vainqueur ont préféré la solution nette. Le prochain cabinet, dont il est très possible que Boris Johnson soit le Chef, fera en sorte que la Grande Bretagne conserve néanmoins, sur le continent européen, tous les liens qui lui seront utiles et que la nature des choses maintiendra ou rétablira assez vite. Les bourses, compulsives ces temps derniers, se calmeront, les marchés s’organiseront, la Grande Bretagne restera la puissance européenne et mondiale qu’elle est - avec ou sans l’UE - depuis quelques siècles.
Quant à l’Europe de Bruxelles, il se pourrait bien, comme on l’a dit ici et là qu’elle soit déjà morte sans le savoir, sans même qu’on s’en soit encore rendu compte. Il est possible, a contrario, que le départ britannique ravive quelques velléités fédéralistes. Mais l’opposition des peuples et de nombreux Etats membres de l’UE, est sans-doute devenue aujourd’hui trop forte pour leur laisser de réelles chances d’aboutir. Il est bien tard pour une telle offensive.
Pour ouvrir la réflexion sur un champ plus large – mais sans y entrer ici – la victoire du Brexit nous paraît être, en un sens, celle du Sang sur l’Or. Celle de l’Histoire et des identités sur l’utopie postnationale, universaliste, consumériste, multiculturaliste, etc. Faute d’avoir voulu reconnaître ses racines, fixer ses frontières, affirmer son identité et son indépendance, cette Europe-là se condamnait par avance à une telle issue. Y aura-t-il encore des forces, des idées, des volontés, pour relever le projet sur de justes bases ? •
Elisabeth Lévy : un de ses billets comme on les aime ...
[Causeur 24.06]
Peu m’importe que les Britanniques aient eu raison ou tort. Ils ont eu le culot d’envoyer au diable les gens convenables, ceux qui trouvent que le populo sent mauvais et qui s’agacent qu’on perde du temps à parler alors qu’ils savent ce qui est bon pour lui.
Ils ont osé. Ma première réaction, au réveil, en entendant les voix blanches qui causaient dans le poste, a été un immense éclat de rire, vite teinté d’une grosse pointe de jalousie (pourquoi ça n’arrive pas chez nous des trucs pareils, on a une grande gueule, mais quand faut se jeter du haut du plongeoir, il n’y a plus personne). « Pour nous qui sommes des gens de culture…. », disait un pompeux cornichon sur France Culture, justement. La messe était dite : le Brexit, c’est la victoire du plouc évidemment xénophobe qui défrise tant les beaux quartiers où on aime d’autant plus les immigrés qu’on ne les voit pas. Bref, avant d’avoir la moindre pensée, je savais que c’était une bonne, non une formidable nouvelle. Un truc comme le retour de la politique, peut-être même de l’Histoire, ai-je lancé à Muray qui rigole dans son cadre (avant le café, il ne faut pas trop m’en demander).
Souverainisme distingué et souverainisme de pauvres
Peu m’importe que les Britanniques aient eu, du point de vue boutiquier qui intéresse exclusivement les éditorialistes, raison ou tort. Ils ont eu le culot d’envoyer au diable les gens convenables, ceux qui trouvent que le populo sent mauvais et qui s’agacent qu’on perde du temps à parler alors qu’ils savent ce qui est bon pour lui. Yes we can. Le bras d’honneur géant que les sujets de Sa gracieuse viennent de faire à tous les maîtres-chanteurs, qui les menacent depuis des mois sur le thème « Si tu sors tu meurs », m’a soudain donné à moi des envies de liberté et de grand large. De vrais gaullistes, ces gens-là ! Au passage, ils ont aussi dit un peu merde à l’Amérique, aux éditocrates et aux « marchés » qui étaient remainistes et l’ont immédiatement fait savoir. Il y a un certain panache à sacrifier son PEL à ses convictions. Même s’il existe un souverainisme distingué qui a voté « out » parce qu’il pense que les intérêts britanniques y gagneront à long terme. Et aussi un souverainisme de pauvres qui, comme le disait Coluche, sont bien contents de savoir qu’ils vivent dans un pays riche.
Ma satisfaction s’est muée en enchantement quand les tambours de l’anti-populisme ont commencé à battre la mesure, avec les mines défaites des présentateurs tout-info qui, comme d’habitude, s’ingénient à ne rien comprendre. Ils ne veulent pas toujours plus d’immigration ? Salauds de racistes ! Ils aiment leurs pays ? Adeptes du repli sur soi ! Tous les grands-ducs qui pérorent nus en expliquant aux bons peuples que tout va bien dans le meilleur des mondes multiculti possible vont continuer. Seulement, ce coup-là, ils vont avoir du mal à s’asseoir sur le vote du peuple.
Adieu cheval de Troie !
Tout de même, ça me chiffonne que nous, la France, la lumière des peuples et tout le tralala, on n’ait pas été les premiers. Et puis, sans les Anglais je me sens seule. Ils étaient notre cheval de Troie. Avec eux dans le bateau, on était à peu près sûr que toutes les fantasmagories supra-nationales échoueraient. Et surtout, on pouvait exiger la même chose que Cameron : le contrôle de nos frontières et de notre politique migratoire. Sans eux, on risque d’être bons pour une décennie d’Europe allemande.
Encore que ce n’est pas certain. Bien sûr, on nous dira que puisque nous n’aimons pas l’Europe, il en faut encore plus. Mais le coup du revolver sur la tempe marchera de moins en moins. Parce qu’ils l’ont fait. Et la foudre ne s’est pas abattue sur l’Angleterre. « Dehors c’est dehors », avait menacé Juncker. J’espère bien que nos diplomates sont déjà à pied d’œuvre pour négocier des traités bilatéraux avec Londres. Alors, peut-être que nous, nous n’avons rien fait pour cela, mais la donne change aussi pour nous, merci aux grands-bretons. La religion européiste a vécu : franchement, un dieu qui peut être défait par le suffrage universel, ce n’est pas très sérieux. S’il avait la moitié de la classe de Cameron, Jean-Claude Juncker présenterait sa démission. •
Elisabeth Lévy est fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur.
Béchir Gemayel, fondateur de la milice des Forces libanaises, et chef du camp chrétien au début de la guerre, en 1978. Le jeune chef phalangiste sera un éphémère président du Liban quelques années plus tard mais mourra assassiné en 1982. Favorisée par la France lors de la création du Grand Liban, la communauté chrétienne a ensuite perdu du terrain sur le plan démographique.
PAR PÉRONCEL-HUGOZ
Œuvrant en terre d'Islam depuis 1965 (administrateur civil, correspondant ou envoyé spécial du Monde, directeur de collection éditoriale et, à présent, chroniqueur au 360, un des principaux quotidiens marocains en ligne), Péroncel-Hugoz n'est sans doute pas le plus mal placé pour décrire le sort des chrétiens vivant sous autorité musulmane.
En 1976, étant correspondant du Monde en Égypte, je fus expédié au Liban pour remplacer provisoirement notre représentant local. Édouard Saàb, qui venait d'y être assassiné. On était alors au début de la longue guerre (1975-1990), non pas « civile », comme il est panurgiquement écrit partout, mais libano-palestinienne ou, pour être plus précis, maronito-islamique. Je constatai, en débarquant à Beyrouth, que la totalité de la presse étrangère était installée à Beyrouth-Ouest, en secteur « islamo-progressiste », comme répétait la doxa de l'époque, et ne mettait pratiquement jamais les pieds à Beyrouth-Est, en secteur "chrétien-conservateur"... Fidèle à l'enseignement d'Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, dont le maitre-mot fut « Renvoyez les idées reçues à leurs auteurs ! », je décidai d'aller voir ce qui se passait de l'autre côté de la ligne de démarcation séparant les deux Beyrouth. La première chose qui me frappa, ce fut les décalcomanies de Jésus, la Vierge ou saint Maron, patron des catholiques maronites, apposées sur les armes des combattants. « Vous allez tuer au nom de Dieu ? », demandai-je à un jeune guerrier qui me regarda, stupéfait, avant de rétorquer : « Quoi, vous venez d'Égypte. vous avez vu le sort des coptes et vous me posez une telle question ! Nous nous battons pour ne pas devenir comme les coptes, et avec l'aide de Dieu nous gagnerons ! ».
TAGHER, FATTAL ET ALDIB
J'allai voir ensuite le jeune Béchir Gemayel, étoile montante des « fachos», pour Beyrouth-Ouest, et de la « résistance libanaise » pour Beyrouth-Est (et qui devait plus tard être élu président du Liban avant d'être assassiné); il donna raison à ses miliciens, précisant : « Nous combattons pour avoir le droit de continuer à sonner nos cloches ! Plutôt mourir que d'être dhimmi. » Dhimmi en arabe, « protégé » ; dhimmma : « protection », avec une nuance d'assujettissement, accordée par l'Islam depuis. croit-on, le « pacte » conclu entre des chrétiens et le calife Omar, l'un des premiers successeurs de Mahomet, pacte aussi appliqué aux autres « Gens du Livre » reconnus par l'islam : zoroastriens, israélites et sabéens essentiellement. J'avais rencontré pour la première fois le terme de « dhimma » dans les feuilles diffusées en Algérie nouvellement indépendante par ceux qu'on appellerait bientôt « intégristes » puis « islamistes » ou « djihadistes ». Je me trouvais alors au service de l'administration algérienne en tant que « coopérant militaire », avant de devenir correspondant du Monde en Alger, où je suivis des cours d'Histoire islamique donnés par un universitaire musulman, selon lequel « on n'appliquait plus la dhimmitude nulle part au XXe siècle, sauf en Arabie ».
Je n'avais pas encore lu les ouvrages fondamentaux sur le sujet, dus à l'Égypto-levantin Jacques Tagher [1], au Libanais Antoine Fattal [2] , au Palestinien de Suisse Samy Aldib [2], tous trois chrétiens d'Orient. •
(A suivre)
1. Coptes et musulmans, Le Caire, 1952.
2. Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam, Beyrouth, 1958
3. Non-musulmans en pays d’Islam. Fribourg, Suisse, 1979.
EN IMAGES - Vienne fête le centième anniversaire de la mort de François-Joseph. La capitale autrichienne, aujourd'hui, bénéficie d'une qualité de vie qui tient aussi au cadre majestueux légué par les grands travaux d'urbanisme de cet empereur. Jean Sévillia nous fait visiter cette capitale européenne [Figarovox 24.06] à laquelle la France est liée par de nombreux liens de mémoire et autres, contemporains. LFAR
A Vienne, dans les magasins pour touristes, François-Joseph et l'impératrice Elisabeth tournent ensemble sur les présentoirs de cartes postales, pendant que leur effigie figure sur des boîtes de chocolats, des puzzles, des porte-clés, des tee-shirts et des statuettes, sans oublier les boules de verre avec de la fausse neige. Si le kitsch Habsbourg fait marcher le commerce, il y a, Dieu merci, plus sérieux pour célébrer le centième anniversaire de la mort de François-Joseph, disparu en 1916, au mitan de la Première Guerre mondiale. Dans la capitale autrichienne, les librairies proposent des piles de biographies, d'albums et de magazines historiques qui lui sont consacrés, tandis que se tiennent quatre expositions, une cinquième étant proposée dans le château de Niederweiden, à 50 kilomètres à l'est de la ville (lire notre carnet de voyage,p. 79). Impossible, en ce moment, de se rendre à Vienne et d'ignorer que 2016 est une année François-Joseph. Mais, à part ses favoris immaculés et le surnom de son épouse (Sissi), qu'est-ce que le visiteur connaît de lui? Et mesure-t-on bien tout ce que le visage actuel de Vienne doit à cet empereur?
Né en 1830, François-Joseph est le petit-fils de François Ier, l'adversaire malheureux de Napoléon. C'est en 1848 qu'il accède au trône, à la faveur de l'abdication de son oncle Ferdinand Ier, chassé par la révolution. Par la force des armes, le jeune souverain rétablit la puissance autrichienne en Lombardie et en Hongrie, où l'insurrection est matée avec l'appui des Russes. Cette première partie du règne impose un régime autoritaire, opposé aux aspirations libérales ou nationales. A Solferino, en 1859, François-Joseph perd la guerre contre Napoléon III, et doit céder la Lombardie au royaume de Piémont. Une déroute qui le contraint, à l'intérieur, à l'ouverture vers le fédéralisme. En Allemagne, l'empereur doit composer avec la prépondérance de Berlin, rivalité qui débouche sur un conflit clos par la défaite autrichienne devant les troupes prussiennes, à Sadowa, en 1866. Un nouveau revers qui pousse François-Joseph à un nouveau changement manifesté par des concessions aux Magyars. Entichée de la Hongrie, l'impératrice Elisabeth contribue à cette politique. En 1867, le compromis austro-hongrois place l'empire d'Autriche et le royaume de Hongrie sur un pied d'égalité, l' empereur et roi gouvernant la double monarchie avec trois ministres communs.
Arnaud RobinSuivront quarante années de paix: l'apogée du règne. Un temps néanmoins traversé de tensions intérieures et de drames familiaux: l'exécution du frère de François-Joseph, Maximilien, au Mexique (1867) ; le suicide de son fils unique Rodolphe à Mayerling (1889) ; l'assassinat de l'impératrice Elisabeth par un anarchiste italien à Genève (1898). Et, pour finir, l'assassinat de son neveu François-Ferdinand par un révolutionnaire serbe, à Sarajevo, en 1914. Cet attentat obligera l'Autriche à réclamer réparation à la Serbie, déclenchant, par le jeu des alliances, la Première Guerre mondiale. Lorsqu'il meurt, en 1916 - laissant la couronne à son petit-neveu, Charles Ier, qui régnera jusqu'en 1918 - François-Joseph est âgé de 86 ans. Il a été empereur pendant soixante-huit ans et a vu 150 autres souverains régner en Europe, puis disparaître.
François-Joseph incarne un pan de l'histoire de l'Europe, de l'histoire de l'Autriche et de l'histoire de Vienne. Son nom est un mythe, un mythe historique, culturel, littéraire et cinématographique. Ce mythe existait du vivant du souverain dont le portrait ornait chaque bâtiment officiel, chaque maison, chaque auberge. Après l'effondrement de l'empire, l'Autriche, paradoxalement, était un pays neuf. Non seulement en raison de la forme républicaine de l'Etat, mais parce que le territoire délimité par les frontières de 1919 n'avait jamais existé comme un pays indépendant, l'Autriche étant jusqu'alors le berceau de l'empire d'Autriche auquel elle avait donné son nom. Aussi ceux des Autrichiens qui doutaient de la solidité de leur nouveau pays et de sa capacité à résister au voisin allemand, surtout après 1933, se raccrochaient-ils au mythe François-Joseph. Sans être lié nécessairement à une nostalgie monarchique, le souvenir du vieux souverain ramenait l'image rassurante d'une Autriche forte, prospère et sûre, contrastant avec les menaces du moment. Chez Franz Werfel, Robert Musil, Joseph Roth ou Stefan Zweig, la littérature autrichienne d'alors abonde en livres ressuscitant «le monde d'hier».
La statue de François-Joseph dans le Burggarten, qui était autrefois le jardin privé de l'empereur. C'est aujourd'hui un lieu d'agrément très prisé.
Après la Seconde Guerre mondiale, le mythe est réactivé car il permet d'évacuer l'épisode trouble vécu par l'Autriche sous la botte nazie. Au cinéma, la célébrissime trilogie du réalisateur autrichien Ernst Marischka - Sissi (1955), Sissi impératrice (1956) et Sissi face à son destin (1957) - met en scène l'impératrice sous les traits de la jeune Romy Schneider, François-Joseph étant joué par le séduisant Karlheinz Böhm. Ces films ont fixé dans le public, jusqu'à nos jours, une image historiquement fausse du couple impérial. Ils ont cependant contribué à la popularité mondiale du mythe François-Joseph et Sissi, et auront suscité, dans les années 1950 et 1960, l'envie d'aller découvrir les palais viennois et les lacs alpins, avantage non négligeable pour un pays qui, ayant recouvré sa souveraineté en 1955, ne demandait qu'à s'ouvrir au tourisme. Il ne faut pas croire, pour autant, que François-Joseph a toujours été l'objet de panégyriques. Dès 1919, Ernest von Koerber, qui avait été chef du gouvernement autrichien sous la monarchie, considérait que cet empereur avait nui deux fois au pays, au début par sa jeunesse, à la fin par son trop grand âge. De nos jours, l'absolutisme des débuts du règne ou l'évaluation de la responsabilité de l'empereur dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale suscite des débats. Karl Vocelka, auteur d'une biographie de François-Joseph parue l'an dernier et commissaire de l'exposition qui se tient actuellement à Schönbrunn, déplore ainsi longuement la répression de la révolution hongroise de 1848 ou le fait que de nombreux problèmes nationaux et sociaux soient restés sans réponse avant 1914. L'historien reconnaît toutefois les acquis économiques et culturels de cette époque, tout en hésitant à les attribuer à l'action personnelle du souverain.
Un fiacre traversant la Hofburg, immense palais qui est une ville dans la ville. Vienne possède près de 150 fiacres, dont les conducteurs portent une tenue traditionnelle. Ces voitures et leurs chevaux font partie du paysage viennois.
L'historien tchèque Palacky, dès 1848, disait que si l'Autriche n'existait pas, il faudrait l'inventer. On peut trouver mille défauts à François-Joseph, mais sa vertu principale, le service qu'il a rendu aux peuples danubiens et par-là à l'Europe entière, c'est d'avoir su durer - or durer, en politique, est un art - et d'avoir su réunir sous ses deux couronnes une douzaine de peuples qui parlaient autant de langues et pratiquaient toutes les religions. Au siècle des nationalités, la mosaïque ethnique et culturelle du bassin danubien aurait pu être le théâtre d'atroces guerres intestines. Cette catastrophe a été évitée à l'Europe centrale grâce à l'Autriche-Hongrie, foyer de civilisation. La cour de François-Joseph, avec son étiquette, ses uniformes et ses titulatures, pouvait laisser l'impression d'un univers figé. Ce n'était que la surface des choses. En réalité, à cette époque, l'Autriche s'était transformée en une puissance moderne, un Etat de droit où la Constitution de 1867 garantissait les droits du citoyen, où le suffrage universel attendrait 1907, mais où la législation sociale, dès la seconde moitié du XIXe siècle, était sur de nombreux points (assurance-maladie, congés payés) plus avancée qu'en France ou en Angleterre. L'Autriche-Hongrie, dans ces années-là, était devenue une force industrielle, la quatrième d'Europe après l'Angleterre, l'Allemagne et la France. Et c'est sous le long règne de François-Joseph que la capitale autrichienne avait revêtu ce visage qui lui vaut de nos jours d'attirer les visiteurs du monde entier.
Au centre de Vienne, la Hofburg, ancienne résidence des Habsbourg, se compose de plusieurs ailes dont la construction s'étale du XIIIe siècle au début du XXe siècle. Ici, le bureau de l'impératrice Elisabeth, dite Sissi, l'épouse de François-Joseph, assassinée en 1898.
En 1857, une ordonnance impériale commande la destruction de la vieille enceinte qui, en 1529 et en 1683, avait repoussé les Ottomans mais qui, désormais inutile, étouffe la ville comme un corset. François-Joseph impose cette décision aux militaires, qui craignent que cette mesure ne profite aux révolutionnaires. Dans son esprit, il s'agit de faire de Vienne la capitale d'un vaste empire dynamique, ce qui suppose un plan de rénovation urbaine à l'instar de celui lancé par le baron Haussmann à Paris. Les meilleurs architectes sont mobilisés - l'Autrichien Heinrich von Ferstel, l'Allemand Gottfried Semper, le Danois Theophil Hansen - et chargés d'organiser l'espace situé à l'emplacement des anciennes murailles. Le choix a été fait d'entourer la vieille ville par un boulevard circulaire de 5,3 kilomètres de longueur. Sur cette artère de prestige, la Ringstrasse, en abrégé le Ring, s'édifieront des bâtiments publics, des institutions culturelles, des hôtels de luxe, des immeubles de bureaux et d'habitation. Inauguré en 1865, le Ring restera en chantier pendant plus de vingt ans.
Entre 1860 et 1890 sont ainsi bâtis la Votivkirche (l'église du Vœu, commencée avant la démolition des remparts et construite en action de grâce pour la tentative d'assassinat à laquelle François-Joseph a échappé en 1853), l'Opéra, la chambre de commerce, la Maison des artistes, le musée des Arts appliqués, la salle de concert du Musikverein, la Bourse, le musée d'Histoire naturelle, le musée d'Histoire de l'art (Kunsthistorisches Museum), l'Académie des beaux-arts, le nouvel hôtel de ville, le Parlement, le Burgtheater, l'aile nouvelle du palais de la Hofburg et l'université. Le goût étant à l'historicisme, le Parlement a été conçu dans le style grec, l'hôtel de ville dans le style néogothique et l'Université dans le style néo-Renaissance. Ces monuments, en 2016, conservent à Vienne son air de capitale impériale. Si plusieurs d'entre eux, bombardés en 1944-1945, ont été reconstruits à l'identique, ils remplissent la même fonction depuis l'origine.
Les cafés, à Vienne, sont une institution. On peut y prendre un repas ou une consommation, et lire les journaux qui sont à la disposition des clients. Des portraits de François-Joseph et de l'impératrice Elisabeth ornent la grande salle du Café central.
Sur le Ring s'étaient également édifiés des immeubles habités par des aristocrates, mais plus souvent par des familles bourgeoises dont l'ascension accompagnait les progrès économiques de l'Autriche. Les Juifs étaient nombreux dans ce milieu, encouragés par l'abolition, en 1867, des ultimes interdits qui les frappaient. Rothschild, Epstein, Ephrussi ou Todesco se faisaient bâtir des palais dont l'architecture, la décoration des façades et la richesse des intérieurs proclamaient la réussite. Forte de cet essor, Vienne organisait en 1873 une Exposition universelle ambitieuse qui venait après celles de Londres et Paris. De 430 000 habitants en 1857, la population passait à 820 000 personnes en 1890, et atteindra les 2 millions en 1910. Autrichiens, Italiens, Polonais, Hongrois, Tchèques, Slovaques, Slovènes, Juifs de l'Est, tous les peuples de l'empire étaient représentés à Vienne. La ville était la cinquième métropole occidentale, derrière Londres, New York, Paris et Berlin.
Vienne fin de siècle ? Rien de plus trompeur que cette formule. Contrairement à une idée reçue, nul sentiment de décadence, ou de fin du monde, n'étreignait cette société où personne ne pressentait la fin de la monarchie. C'est encore sous le règne de François-Joseph que s'épanouirait, laboratoire de la modernité, la Vienne du Jugendstil et de la Sécession, avec des architectes comme Otto Wagner et Adolf Loos, des peintres comme Gustav Klimt, Egon Schiele et Oscar Kokoschka, des musiciens comme Gustav Mahler, Arnold Schönberg et Alban Berg, et des médecins lauréats du prix Nobel ou pionniers de la psychanalyse, tel un certain docteur Sigmund Freud, loyal sujet de l'empereur.
Edifié à partir de 1695 et réaménagé entre 1743 et 1749, le château de Schönbrunn, chef-d'œuvre de style baroque et rococo, était la résidence d'été des Habsbourg. Comme ses prédécesseurs, l'empereur François-Joseph y passait une partie de l'année.
Aujourd'hui, dans la capitale autrichienne, une aile du vieux palais impérial de la Hofburg abrite la présidence de la République. Alexander Van der Bellen, l'écologiste élu chef de l'Etat le 22 mai dernier, à l'issue d'un scrutin qui a fait parler dans le monde entier, travaille non loin du bureau de François-Joseph. Les services de la présidence ont attendu 1999 pour commander à la manufacture de porcelaine d'Augarten, à Vienne, un service de 200 pièces aux armes de la République: jusqu'alors, les dîners officiels étaient servis dans la vaisselle portant la couronne des Habsbourg, vaisselle restée sur place en 1918…
Dans la crypte des Capucins, la nécropole des Habsbourg, la tombe de François-Joseph est toujours fleurie. Dans les rues du centre-ville, nombre de magasins, du bottier Rudolf Scheer au café-pâtisserie Demel, conservent sur leur devanture l'inscription k.u.k. Hoflieferant: «fournisseur de la cour impériale». Dans le Burggarten, aux beaux jours, des étudiants révisent leurs cours assis dans l'herbe au pied de la statue de François-Joseph. Dans la grande salle du Café central, les consommateurs lisent leur journal en buvant leur expresso sous le portrait de François-Joseph et de Sissi. A l'Opéra, les mélomanes se pressent pour assister à des représentations ultracontemporaines dans un temple de la musique inauguré par François-Joseph. Au Parlement, les députés siègent dans un bâtiment dont le sommet de la façade présente un relief sculpté: «François-Joseph accordant la Constitution». Chaque année, le cabinet américain Mercer publie une liste internationale de 230 villes classées selon la qualité de vie. En 2016, pour la septième année consécutive, c'est Vienne qui a été jugée comme la ville offrant la meilleure qualité de vie au monde. Voilà cent ans que François-Joseph est mort, mais les Autrichiens bénéficient toujours de son héritage. •
Au moment de baptiser le musée du Quai Branly du nom de l’ancien président, il est aussi temps de revenir sur un bilan en demi-teinte. Camille Pascal le fait avec une réflexion elle aussi en demi-teinte et qui est fort intéressante autant par ce qu'elle dit que par ce qu'elle hésite à dire ou par ce qu'elle sous-entend. Et qui est, justement, l'essentiel. Exemple : lorsqu'il écrit, à propos de Chirac : « cet héritier du petit père Queuille » , tout est dit. A l'heure du bilan, l'on pourrait ajouter au passif le criminel regroupement familial, décidé par Chirac bien avant d'être président de la République. Mais les réserves, elles aussi en demi-teinte, que Camille Pascal laisse poindre ici [Valeurs actuelles, 24.06], il est bien possible qu'elles seront un jour l'essentiel du bilan que l'histoire retiendra de Jacques Chirac. Sur ce dernier, il y a, d'ailleurs, des pages, des récits, des réflexions très éclairantes, dans le dernier ouvrage de Philippe de Villiers*. On ignore si Camille Pascal les a lues. LFAR
A l’heure où le gouvernement français vient de décider de donner au musée des arts premiers du Quai Branly le nom de Jacques Chirac, suivant en cela la tradition régalienne déjà bien installée qui a baptisé le Centre Georges-Pompidou et la BnF François-Mitterrand, la question de la place que le cinquième président élu de la Ve République doit occuper dans l’histoire de notre pays se pose désormais ouvertement.
C’est bien sûr un exercice délicat. Dans la mesure où Jacques Chirac est toujours de ce monde, les historiens ne peuvent pas encore revendiquer sa dépouille. Il n’en demeure pas moins qu’après les hommages plus ou moins intéressés qui vont se succéder dans les prochaines semaines, il faudra bien tirer le bilan de la longue décennie qui va de 1995 à 2007 et qui a marqué, chronologiquement tout au moins, le basculement de la France dans le troisième millénaire.
Deux élections présidentielles hors normes ont permis à Jacques Chirac d’être élu par deux fois président de la République au suffrage universel. La première fois en 1995, alors que, donné battu par tous les sondages et moqué par ces commentateurs dont le métier est de se tromper, il évinça Édouard Balladur et l’emporta contre Lionel Jospin auquel le même suffrage universel allait offrir deux ans plus tard une incroyable revanche ouvrant la voie à cinq ans de cohabitation. En 2002 enfin, tout le monde s’en souvient, le vieux lion balzacien, que l’on disait “usé, vieilli et fatigué”, bénéficia d’un véritable plébiscite contre un autre grand carnassier de la vie politique française.
La marque laissée par Jacques Chirac sur notre pays reste néanmoins assez difficile à discerner et ce, non seulement parce que le recul historique manque encore mais aussi parce que la ligne politique de cet héritier du petit père Queuille reste encore nimbée d’ambiguïtés.
C’est ainsi que si, dès le début de son premier mandat, Jacques Chirac affirma son attachement à la théorie gaullienne de l’indépendance stratégique de la France en ordonnant la reprise immédiate des essais nucléaires, sa décision de mettre fin, un an plus tard, à la conscription, qui, depuis 1798, était consubstantielle à la République française, a contribué, à n’en pas douter, à désarmer le pays face aux enjeux tant idéologiques que stratégiques qui sont ceux que notre pays doit aujourd’hui affronter. Non pas que le “service militaire” jouât encore, à la fin du siècle dernier, un rôle majeur dans une politique de défense mais parce qu’il était le creuset dans lequel les différences sociales, régionales et religieuses se fondaient pour donner naissance à des citoyens.
Il en va de même du refus obstiné que Jacques Chirac opposa à l’inscription des racines chrétiennes de l’Europe dans le nouveau projet de Constitution européenne. Il est certain qu’avec son entourage, à l’exception notable de sa femme, Bernadette, il fut sincèrement convaincu d’agir, là encore, en homme d’avenir. Il est à craindre que l’histoire ne vienne démontrer qu’il s’agissait là en réalité d’un réflexe du passé. •
* Le moment est venu de dire ce que j'ai vu, Albin Michel, , 350 p.