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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1416

  • La Semaine de MAGISTRO, une tribune d'information civique et politique

     

    La Semaine de MAGISTRO - Adossée à des fondamentaux politiques avérés, Magistro, une tribune critique de bon sens, raisonnée et libre, d'information civique et politique. 

    Du côté des élites

    • Ivan RIOUFOL   Journaliste politique   Rebâtir l'Europe, mais sans ses fossoyeurs

    En France

    • Sophie de MENTHON   Présidente d'ETHIC, Membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)   Pas de panique chez les chefs d’entreprise d’ETHIC face au Brexit

    Avec l'Europe

    • Roland HUREAUX   Essayiste   L'Union européenne tombera d'un coup

    • Jean-Baptiste GIRAUD   Journaliste, Directeur de la rédaction d'Economiematin.fr    Brexit : c'est l'immigration qui a fait la différence

     Madeleine de JESSEY   Co-fondatrice et porte-parole de Sens Commun    Brexit : les Républicains se souviendront-ils de Philippe Séguin ?

    • Denis FADDA    Haut fonctionnaire international   Les enseignements du Brexit

    • François JOURDIER   Officier, amiral (2S)   La révolte des peuples

    • Xavier GUILHOU   Directeur du Cabinet XAG Conseil   La chute du mur de Bruxelles

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  • Michel Rocard, François Mitterrand : on refait le match

     

    Par Mathieu Bock-Côté     

    TRIBUNE - Un hommage national est rendu ce jeudi à Michel Rocard. Mathieu Bock-Côté réfléchit ici, [Figarovox, 5.07] aux raisons de son destin avorté : homme de raison avant tout, il avait omis, contrairement à Mitterrand, la nature passionnelle et tragique du politique. Et la réflexion de Mathieu Bock-Côté distingue, une fois de plus, pensée traditionnelle et pensée moderne ou post-moderne. Il n'y a guère de doute pour nous que ses propres conceptions - culturelles, sociétales et politiques - le situent parmi les antimodernesLFAR

     

    3222752275.jpgLa mort de Michel Rocard a permis à la classe politique et médiatique de dire le bien qu'elle pensait d'un homme dont tous, à un moment ou un autre, ont reconnu les vertus et les talents. Avec raison, on a louangé un politique honorable. Ces bons mots n'étaient pas exempts de mélancolie: l'homme aurait pu avoir un autre destin et devenir président de la République. La gauche française, avec lui, se serait enfin modernisée et elle aurait même devancé le travaillisme britannique dans la mise en place de ce qu'on appellera plus tard la troisième voie. La France aurait aujourd'hui un autre visage et ne serait pas une société bloquée si la deuxième gauche l'avait pilotée.

    Le grand entretien récemment accordé par Rocard au Point témoignait de la richesse de sa pensée. Il traitait avec finesse bien des problèmes de notre temps, qu'ils touchent la France ou les équilibres planétaires. Qu'on endosse ou non ses analyses ou ses conclusions, on conviendra qu'ils dépassent le cadre étouffant et stérilisant de la pensée Twitter, qui domine aujourd'hui une classe politique aux ordres du système médiatique. Ce n'est pas sans raison qu'on lui prêtait encore récemment allégeance: il demeurait le symbole d'une autre gauche, qui aime se dire moderne et en phase avec son temps. On le révère un peu comme on a révéré Pierre Mendès France.

    Ce regret concernant le destin avorté de Michel Rocard s'accompagnait d'une explication: s'il était doué pour l'exercice du pouvoir, il l'était beaucoup moins pour sa conquête, à la différence de François Mitterrand, qui aura toujours eu le dessus sur lui, en bonne partie parce qu'il comprenait mieux les ressorts profonds et passionnels du politique. Le premier aurait été un super technocrate, le second un animal politique à l'ancienne. Dans la distribution des rôles, Rocard passe pour un perdant magnifique et Mitterrand pour une créature aussi cynique que séduisante. Il n'en demeure pas moins que c'est ce dernier qui passera à l'histoire et qui fascine encore les biographes.

    Mais ceux qui considèrent que la conquête du pouvoir est la part avilissante du politique le comprennent bien mal. Ils l'imaginent à la manière d'une simple instance administrative censée gérer une société faite d'hommes rationnels et raisonnables - ou du moins, d'hommes qui devraient l'être. Au fond d'eux-mêmes, ils rêvent au gouvernement des meilleurs qui devraient pouvoir s'épargner la pénible épreuve de l'élection. Ou oublie l'ancrage anthropologique du politique et les passions qui, naturellement, s'y déploient et poussent les hommes à l'action. La politique n'est pas qu'une entreprise de gestion rationnelle du social: elle met en scène des hommes, des passions et des projets qui jamais, ne pourront parfaitement se réconcilier.

    Rocard jouissait moins du pouvoir en lui-même que de l'action sur la société qu'il rendait possible. Il avait en tête un programme détaillé de réformes à renouveler sans cesse, dans la mesure où il faudrait toujours s'adapter aux exigences de la modernité, qui ne se laisserait jamais enfermer dans une définition étroite ou dans un stade définitif, qu'il faudrait désormais conserver. On ne saurait en dire autant de Mitterrand qui goûtait le pouvoir pour lui-même et qui le désirait en soi, comme s'il transfigurait l'existence, ce qui n'est probablement pas faux. On pourrait dire que ce dandy qui cultivait son personnage avait développé une esthétique du pouvoir, qu'il savait apprécier même sans enrobage idéologique. Cela n'est pas nécessairement très noble.

    Michel Rocard faisait preuve d'un très grand rationalisme politique. Les enjeux symboliques lui échappaient souvent. Sa compréhension peut-être déformée de ce qu'on appelle la question identitaire, qu'il s'agisse de l'immigration massive ou de la présence de la Turquie dans l'UE, à laquelle il était favorable, en témoignera. La France tel qu'il se l'imaginait était moins une patrie charnelle, avec plus d'un millénaire d'histoire, qu'une société moderne à planifier autrement et devant s'inspirer dans la mesure du possible du modèle scandinave. Ici aussi, sa vision du monde tranchait avec celle de Mitterrand, qui croyait aux profondeurs de l'histoire et même aux forces de l'esprit, même s'il s'est jeté aveuglement dans la construction européenne.

    On l'aura compris, il est difficile de revenir sur la figure de Rocard sans multiplier les contrastes avec celle de Mitterrand, tant les deux hommes avaient des visions absolument contrastées du pouvoir et de la nature humaine alors qu'ils se réclamaient les deux du socialisme. Les distinctions peuvent s'accumuler et il n'est pas certain qu'elles recoupent l'alternative trop facile entre le moderne et l'archaïque, comme l'ont souvent voulu les analystes de la politique française. Il est coutumier, aujourd'hui, de rappeler les origines droitières de Mitterrand. La chose s'est moins confirmée sur le plan des politiques que dans la conception de l'homme qui singularisait Mitterrand et dans sa personnalité fondamentalement monarchique.

    On connaît l'anecdote: Rocard, commentant la bibliothèque de François Mitterrand, se désolait de ne pas y trouver d'ouvrages en économie et en sociologie. On a compris qu'il le disait avec quelque mépris: un homme politique inculte économiquement devrait selon lui quitter le métier. Le propos choquait dans une France qui demeure une civilisation littéraire. Mais la perspective mitterrandienne n'était peut-être pas insensée. Avant de connaître la société à la manière d'un ensemble de structures complexes que l'on peut déconstruire et reconstruire technocratiquement, il faut connaître l'homme et les hommes. La littérature et la méditation sur les grands moments de l'histoire éduquent autant le prince qu'un traité des problèmes sociaux ou un manuel d'économie.

    Michel Rocard était admirable et mérite certainement ses louanges posthumes. Il représente une gauche soucieuse du réel et désireuse de le modeler plutôt que le fuir dans une utopie. Mais c'est en méditant sur son destin avorté et son rendez-vous manqué avec la France qu'on comprend mieux à quel point l'homme politique ne doit jamais être qu'un super technicien manipulant avec une science impressionnante les leviers de l'État. Ce qui aura manqué à Michel Rocard, c'était le sens du tragique et peut-être, tout simplement, du politique. En cela, il était le représentant exemplaire d'une gauche moderne, absolument moderne, à laquelle il aura voulu être fidèle jusqu'à la fin, pour le meilleur et pour le pire. 

    Mathieu Bock-Côté  

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d' Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.          

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  • Phillip Blond : « Jamais la mondialisation n'avait connu un tel rejet dans les urnes »

     

    Par Alexandre Devecchio 

    Après le Brexit, le penseur britannique, Philipp Blond, a accordé un long entretien à FigaroVox [1.07]. Selon le « Michéa anglo-saxon », cette victoire est l'expression du divorce entre les bobos et les classes populaires à l'œuvre dans l'ensemble du monde occidental. Les lecteurs de Lafautearousseau rapprocheront cet entretien de celui donné précédemment au même Figarovox par le grand philosophe britannique Roger Scruton*. On y trouvera une analyse instructive des réalités politiques internes en Grande-Bretagne et des réflexions de fond sur le libéralisme, l'UE, le délitement des sociétés européennes qui, souvent, rejoignent les nôtres.  LFAR   

    Encore méconnu en France, Phillip Blond est l'un des intellectuels britanniques contemporains les plus influents. Il a été conseiller de David Cameron en 2010, lors de sa première campagne législative victorieuse, avant de prendre ses distances avec l'ex-Premier ministre. Théoricien du Red Torysm ou « conservatisme pour les pauvres », il renvoie dos à dos libéralisme économique et culturel, et prône au contraire l'alliance du meilleur de la tradition de droite et de gauche. Bien qu'il se soit positionné en faveur du « Remain », il juge que la campagne pour le maintien dans l'UE, fondée uniquement sur l'intimidation, a été « désastreuse ». Selon lui, le vote en faveur du Brexit est l'expression logique d'une révolte des peuples à l'égard de la globalisation : « tous ceux qui culturellement comme financièrement se trouvent en phase avec le nouvel ordre du monde, sont désormais minoritaires dans la société. », explique-t-il.

    XVMf3256ffa-3f96-11e6-a7e0-f7d1706dab9d.jpgÊtes-vous surpris par la victoire du Brexit ? Que révèle-t-elle selon vous ?

    Cette victoire n'a pour moi rien d'inattendu ; elle est le résultat de tendances de fond qui affectent différentes couches du peuple britannique. En leur permettant de se fédérer, le référendum a été pour ces groupes l'occasion d'un contrecoup décisif.

    Je pense en effet que nous sommes en train de passer d'une société où les deux tiers de la population environ s'estimaient satisfaites de leur sort, à un monde dans lequel ceci n'est plus vrai que pour un tiers de la population.

    Dit autrement, le vote en faveur du Brexit exprime le plus grand rejet de la mondialisation qu'ait connu dans les urnes le monde occidental. Les bénéficiaires de la mondialisation, tous ceux qui culturellement comme financièrement se trouvent en phase avec le nouvel ordre du monde, sont désormais minoritaires dans la société.

    Cette révolte contre la mondialisation ne regroupe pas seulement les catégories sociales les plus défavorisées. On y distingue aussi une population plutôt aisée, composée pour l'essentiel de personnes âgées vivant en province et qui se sentent culturellement menacés par l'immigration. Cette même population a le sentiment que le système de valeurs qui a historiquement caractérisé l'Angleterre - sans doute l'un des plus influents et des précieux dans le monde - est aujourd'hui remis en cause par l'arrivée d'une population qui lui est indifférente voire dans certains cas, carrément hostile, et que la Grande-Bretagne a abdiqué sa souveraineté face à une puissance étrangère en adhérant à l'Union Européenne.

    Dans toutes les enquêtes réalisées sur les déterminants en faveur du vote pour le « Leave », c'est toutefois l'immigration qui figure en tête des préoccupations. Qu'ils soient plutôt aisés ou qu'ils soient au contraire issus d'un milieu modeste, ces électeurs craignent l'islamisation progressive de la Grande-Bretagne par l'immigration. Comme cette opinion ne peut être exprimée publiquement, l'hostilité aux migrants a pris la forme d'une inquiétude plus globale. Pour les plus pauvres, l'impact de l'immigration était double, l'« ennemi » prenant tout à la fois la forme de l'islam mais aussi l'arrivée massive d'une population issue d'Europe de l'Est, plutôt qualifiée et dure à la tâche, qui constituait de de ce fait une menace pour leur emploi et leur accès au marché du travail. Si vous ajoutez à cela le fait que l'Union Européenne est identifiée avec la mondialisation, et donc avec l'insécurité économique et culturelle qui caractérise cette dernière, alors la victoire du Brexit n'est plus une surprise.

    Ce que le camp du « Leave » a cherché à mettre en avant avec son slogan « reprendre le contrôle », c'est l'idée que la résistance à tous ces formes de déstabilisation devait avoir lieu à l'échelle de la nation, l'idée que la nation pouvait reprendre le contrôle face aux forces de l'entropie internationale et protéger ses citoyens de la tempête. A contrario, la campagne pour le maintien dans l'UE, conduite par des Blairistes ou des Conservateurs dont le manuel électoral ne connaissait qu'un seul registre - taper dur et taper très fort - , a été désastreuse. Soutenue de manière imprudente par le gouvernement, cette approche avait déjà failli lui coûter une défaite au référendum sur l'indépendance de l'Ecosse ; elle lui a fait perdre ensuite la mairie de Londres et maintenant le référendum sur l'UE. Le camp du « Remain » aurait au contraire dû choisir d'adopter une vision patriotique, expliquer que la Grande-Bretagne pouvait encore rester une puissance mondiale significative à travers l'UE, souligner que dans quelques années nous serions la première puissance en Europe. En choisissant une autre approche, ils ont eu la défaite qu'ils méritaient.

    Le débat sur le référendum a semblé se limiter à un dialogue au sein de la droite britannique. Finalement, le vote de la population ouvrière en faveur du Brexit a été décisif. Comment l'expliquez-vous ?

    Loin de se confiner aux seuls électeurs de droite, la victoire du Brexit s'explique au contraire par la mobilisation décisive d'une partie de l'électorat travailliste en faveur du Leave. Pour ces derniers aussi, l'UE s'identifiait avec la mondialisation et le néolibéralisme. L'attitude de Merkel envers la Grèce et l'austérité punitive imposée par l'Allemagne ont conduit une partie de la gauche britannique à voir dans la zone euro et plus généralement dans l'Union Européenne un projet antisocial. Cela, couplé avec la menace que faisait peser sur les salaires des travailleurs autochtones la constitution d'une armée de réserve de travailleurs immigrés à bas coûts, a contribué au rejet de l'UE par une partie de la gauche. Enfin, il ne faut pas oublier que la classe ouvrière britannique est fondamentalement patriotique ; le sentiment que l'UE dissout la grandeur du Royaume-Uni plutôt qu'elle ne la magnifie a donc conduit une grande partie des classes populaires à déserter le camp du Remain.

    La tragédie du Brexit, toutefois, c'est que la plupart des dirigeants et promoteurs du camp du « Leave » sont des partisans extrêmes du libre-échange. Ces derniers haïssent une Europe qui s'identifie pour eux à la régulation et la social-démocratie et ils ont convaincu une partie de la gauche de voter la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Nous faisons face à ce paradoxe : des classes populaires en quête de protection face à la mondialisation ont suivi des libertariens qui pensent que la Grande-Bretagne devrait abolir de manière unilatérale ses tarifs douaniers !

    Pourquoi le labour de Jeremy Corbyn a-t-il été aussi timide. La gauche britannique est-elle, comme la gauche française, prise en étau ente bobos favorables au multiculturalisme et à l'ouverture des frontières et classes populaires en quête de protection ?

    Si Corbyn a été si timide dans la campagne, c'est qu'il est en réalité un partisan du Brexit - je le soupçonne d'avoir choisi le bulletin en faveur du Leave dans le secret de l'isoloir. Il ne faut pas oublier que Corbyn vient de l'extrême-gauche du parti travailliste : au delà des raisons « de gauche » de choisir le Brexit, il a pu aussi être ému par le caractère non démocratique de l'UE. Démocratique, l'UE ne l'est pas en effet - mais pour lui cela s'explique seulement par le fait que les démocraties qui la composent ne souhaitent pas laisser place à l'émergence de partis politiques transnationaux en ajoutant un échelon politique supplémentaire au delà de l'Etat ou de la nation.

    Ce divorce entre les bobos et les classes populaires se retrouve lui aussi en Grande-Bretagne - de fait, il est à l'œuvre dans l'ensemble du monde occidental. La raison tient en grande partie aux séductions comme aux échecs du libéralisme. Pour les classes moyennes, le libéralisme a plusieurs attraits : économiquement, il leur permet (ou du moins il leur permettait) d'exploiter avantageusement leur position via l'école, les réseaux ou les possibilités de carrière dans l'entreprise ; socialement, il se traduit par une licence totale en matière de choix de vie ou de comportements. Pour les classes populaires au contraire, le libéralisme est un désastre économique et culturel : économique, parce qu'il détruit leur pouvoir de négociation collective et les expose à une concurrence interne sur le marché du travail : dans une telle situation, leurs salaires ne peuvent que baisser ; sociale, parce que le libéralisme a détruit toutes les formes d'allégeance et de stabilité familiale, en laissant pour seul héritage des foyers brisés et des pères absents. En somme, le libéralisme a détruit toute notion de solidarité et c'est cela qui a le plus certainement condamné les plus pauvres à leur sort.

    En France le géographe Christophe Guilluy a développé le concept de « fractures françaises » et de « France périphérique ». Existe-t-il également des « Fracture britanniques » et une « Angleterre périphérique » ?

    Cette idée d'une fracture géographique entre le centre et la périphérie dans les cultures modernes est très certainement vraie en France, mais aussi en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. Est-elle pour autant nouvelle ? La plupart des fractures dont on nous parle aujourd'hui trouvent leur grille de lecture dans une analyse sociologique, ce que je considère pour ma part insatisfaisant intellectuellement.

    Je crois que nous devrions nous poser des questions plus fondamentales, qui de mon point de vue seraient les suivantes : pourquoi nous séparons-nous, pourquoi cherchons-nous la solidarité seulement au sein de groupes composés de personnes qui nous sont proches ou qui nous ressemblent ? C'est parce que nous avons perdu nos universaux, nous avons oublié la leçon tant de Platon que d'Aristote pour lesquels il existe des universaux qui s'appliquent aux choses. Dans la mesure où nous avons laissé la croyance dans le monde objectif verser dans le pur subjectivisme, comment espérer un jour nous unir ? C'est pourquoi la véritable tâche politique est de retrouver ce qui nous relie, au delà de l'inepte discours contemporain sur les droits de l'homme. Le discours sur les droits est en effet toujours dérivé, il requiert un discours plus fondamental ; c'est pour cela que vous ne pouvez arbitrer entre des droits différents et pourquoi le droit ne peut vous dire ce qui est juste. Aussi, tant que nous n'aurons pas recouvert notre héritage - c'est à dire tant que nous ne serons pas revenus aux universaux - nous ne pourrons jamais aider personne, jamais réduire aucune division ni soigner aucun mal.

    Que signifie la démission de Boris Johnson, qui était pourtant donné favori pour succéder à Cameron. Quelles sont les lignes de clivages au sein des conservateurs ?

    La démission de Boris Johnson signifie un certain nombre de choses plutôt triviales - au premier rang desquelles une incapacité fondamentale à donner une quelconque consistance à ses slogans. Je le soupçonne par ailleurs d'avoir promis un certain nombre de choses contradictoires aux députés qui le soutenaient - en offrant notamment le même poste à plusieurs personnes. Enfin sa chronique dans le Telegraph montrait qu'il avait déjà pris la décision de revenir en arrière sur le Brexit et de rompre ses engagements auprès de ceux qui avaient voté « Leave  ». C'est un homme qui n'inspire plus confiance, un opportuniste sans réelle conviction - il n'y a rien d'autre à lire dans sa démission.

    Les clivages du parti conservateur s'expliquent quant à eux d'abord par l'histoire, même si de nouvelles divisions apparaissent aujourd'hui. Une minorité significative de député se revendique du Thatchérisme : ils croient au libre marché et sans doute à rien d'autre - tandis qu'une majorité des députés tient à ce que la droite défende la justice sociale ; tous toutefois pèchent sur les mesures à prendre.

    Le défi le plus important qui attend aujourd'hui les conservateurs, c'est de répondre à ce besoin de justice sociale sans passer par le marché ni par l'Etat. Ils savent qu'ils doivent s'adresser à une population en déshérence - tous se revendiquent d'un conservatisme inclusif (« One nation conservatism ») - mais personne ne dispose dans ce domaine d'un programme politique crédible. Si le marché tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent se montre incapable de répondre aux besoins des plus pauvres et bientôt de ceux de la classe moyenne, quelle sera demain la doctrine économique du Parti Conservateur ?

    Cela traduit-il l'explosion du clivage droite/gauche des deux côté de La Manche ?

    L'affrontement droite / gauche appartient au passé : si vous regardez les mouvements qui ont émergé récemment, leur discours emprunte des éléments issus des doctrines des deux côtés de l'échiquier politique. Prenez le Front National, par exemple : son programme nationaliste le porte évidemment à l'extrême-droite, mais ses propositions sur l'Etat-providence et les services publics semblent toutefois exhumées d'un discours socialiste des années 1970. Il en est de même en Angleterre avec UKIP, qui pourrait tout à fait devenir le parti de la classe ouvrière britannique et se substituer au parti Travailliste en offrant un mélange droite/gauche similaire.

    Est-ce la victoire du « Conservatisme pour les pauvres » que vous avez théorisé ?

    Dans un certain sens, c'est à une victoire « inversée » du Red Toryism à laquelle nous avons assisté. Ce que je cherchais à promouvoir en effet, c'était l'alliance du meilleur de la tradition de droite et de celle de la gauche dans un nouveau discours positif. Ce qui est à l'œuvre ici, c'est la naissance d'un composé hybride d'une toute autre nature, au sein duquel ce serait au contraire les gènes récessifs des deux traditions qui se seraient associés dans leur mutation.

    Là où je proposais par exemple un affranchissement économique massif des plus pauvres, au moyen d'une redistribution de l'accès à la propriété, les voilà qui mettent en avant la promotion de l'Etat providence, une politique qui a échoué de manière désastreuse par le passé. Que produit l'Etat providence en effet, sinon la perte de l'autonomie des individus et l'érosion de leur sens de la propriété, ainsi que la légitimation délétère d'une culture de l'assistance. De la droite, je garde l'idée de conservatisme social, à savoir la volonté de tisser à nouveau les liens qui naissent des affections locales comme familiales, et ce afin que la fraternité se re-déploie «par le bas», à travers les communautés concrètes. Ce qu'ils défendent en regard, ce sont les concepts délétères de l'origine, de la classe ou de la couleur de peau. Là où je souhaite un renouveau de la culture civique, ils attendent celui de la culture ethnique.

    Vous renvoyez dos à dos le libéralisme et l'étatisme. L'Union européenne, est-ce justement le pire des deux : un mélange d'oligarchie et de technocratie ?

    L'Union Européenne peut en effet être perçue comme une alliance terrible entre le libéralisme et l'étatisme - selon moi en effet l'idée d'autonomie individuelle et l'affirmation de l'Etat marchent main dans la main.

    L'un de ses pires aspects réside d'ailleurs dans la confusion qui s'est désormais installée entre la monnaie commune et les institutions de l'UE, si bien désormais que pour répondre aux problèmes nés de l'euro, des nations sont contraintes de se fondre dans une sorte de super-Etat pour des raisons purement économiques ; tout ceci ne peut que mal se terminer. Je me dis souvent que l'Union Européenne a du être conçue par des marxistes, qui prétendent contraindre les peuples à s'unir économiquement et que sortiront de cette union des valeurs partagées. Bien entendu, c'est l'inverse qui se produit: les liens qui unissent les peuples restent artificiels et je crains les conflits à venir.

    Au lieu de cela, nous aurions dû commencer par les valeurs que nous partageons en commun et par les objectifs que nous souhaitons réaliser ensemble : l'Europe est le berceau de l'Occident et c'est comme cela que nous devrions la concevoir. Rien n'est trop tard toutefois : je crois encore que le projet européen peut être sauvé contre ses promoteurs.

    Le Brexit signifie-t-il le début de la fin de l'Union européenne ?

    Oui je le crains, si le Brexit devait se réaliser - ce qui n'est pas encore acté - et que l'Europe perd l'un de ses plus grands Etats-nations, il est difficile d'être optimiste sur son avenir. Ce qui m'inquiète le plus c'est une Europe dominée par l'Allemagne. Ce n'est pas à l'Allemagne que ce leadership incombe, dans la mesure où ce pays estime que tous autres Etats-nations devraient être semblables à lui-même, c'est à dire une nation devenue profondément kantienne après les horreurs de l'Holocauste. Mais le message qui en découle n'a rien d'universel, ce n'est rien d'autre qu'une manière déguisée et égoïste de défendre ses propres intérêts.

    La Grande-Bretagne a besoin de l'Europe et l'Europe a besoin de la Grande-Bretagne, même si ce message est compliqué à défendre actuellement. Aussi je voudrais ici lancer un appel aux dirigeants européens: si vous souhaitez que le Royaume-Uni ne quitte pas l'Europe et que celle-ci survive, vous devez faire de nouvelles propositions à la Grande-Bretagne sur la liberté de circulation.

    Le Royaume-Uni est une puissance militaire de premier plan, un rempart face aux menaces militaires et terroristes contre l'Europe. Son économie se range à la 4ème place mondiale même si ce rang lui est désormais contesté du fait de la dévaluation de la livre. A l'horizon 2040, la population britannique devrait être la première en nombre d'Europe.

    Il n'est pas question de refaire le référendum, mais si l'Europe était conduite à faire une nouvelle proposition au Royaume-Uni sur la liberté de circulation, alors le gouvernement britannique, une fois que ces termes seraient clairs, pourrait les présenter à ses électeurs. Le peuple britannique aurait alors devant lui les avantages et les inconvénients qu'il y aurait à rester dans une Europe réformée où la question de la liberté de circulation a été finalement résolue. Tel est le but que devrait se donner une diplomatie européenne éclairée.  

    Penseur politique et théologien anglican, Phillip Blond est directeur du think tank britannique ResPublica. Il a été révélé au grand public avec son essai Red Tory paru en 2010, dans lequel il milite pour un « toryisme rouge » marqué par un conservatisme traditionnel et communautaire et un rejet tant de la prééminence du marché que de l'étatisme. Il a inspiré le programme de «Big Society» de David Cameron en 2010.  

    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO @AlexDevecchio

    TRADUIT DE L'ANGLAIS PAR EUDOXE DENIS @eudoxe81    

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    Alexandre Devecchio   

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio 

    *Roger Scruton : « Le Brexit est un choix éminemment culturel » 

  • L’âme de l’Europe

    Le pont Charles, à Prague, sur la Moldau

    par Louis-Joseph Delanglade

    [publié le 30.05.2016] 

    L’appellation « Union européenne » pourrait n’être bientôt plus qu’une simple alliance de mots, c’est-à-dire un excellent exemple d’oxymore, tant les pays semblent peu unis, tant les peuples semblent mécontents. Depuis des mois, le groupe de Visegrad (dénomination à forte connotation historique), qui réunit Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie, s’oppose résolument aux injonctions de Bruxelles et de Mme Merkel sur les migrants. Le 6 avril, les Pays-Bas ont rejeté par référendum l'accord d'association entre l’U.E. et l’Ukraine. Le 22 mai, le candidat des nationaux autrichiens a échoué d’un rien (trente mille voix) à l’élection présidentielle. Le 23 juin prochain, les Britanniques devront décider de leur maintien dans l’Union.  

    Les commentateurs patentés de la pensée politique correcte nous expliquent que les pays de l’ex-Europe de l’Est, toujours traumatisés par le joug soviétique, seraient trop sourcilleux sur leur indépendance et leur identité; que les Hollandais n’auraient été que 30% à voter; que les Autrichiens ont quand même élu celui que soutenaient tous les partis de l’extrême gauche à la droite mondialiste; et qu’en Grande-Bretagne enfin les sondages donnent le « oui » à l’Union en tête. Tout cela est vrai mais occulte l’essentiel : la vague qualifiée avec mépris et condescendance de « populiste », car jugée dangereuse pour la démocratie prétendument « représentative », monte et continuera sans doute de monter jusqu’à se transformer peut-être un jour en déferlante. 

    Le cas autrichien est exemplaire. Le Monde (22 mai) y voit «  la fin d’une ère pour les partis traditionnels ». M. Zemmour (R.T.L., 24 mai) entend sonner « le glas du clivage droite-gauche traditionnel tel qu'il s'était incarné depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Cette remise en cause des grands partis du système qui ne concerne pas que l’Autriche « précise les fondements économiques, géographiques, sociologiques, idéologiques de nos affrontements de demain ». Tout le monde ne fait pas preuve de la même lucidité. Ainsi M. Védrine, après avoir justement critiqué la « référence implicite aux années trente » lorsqu’il est question de populisme et admis que « le vrai problème en Europe aujourd’hui, c’est le décrochage des peuples » (France Inter, 24 mai), pense qu’« il faut parler aux 60% de déçus ». On peut s’étonner que lui, d’habitude mieux inspiré, ne comprenne pas que c’est l’Union en tant que telle qui est rejetée, l’Union en tant que négatrice de la véritable Europe, celle des mille et une diversités, celle qui n’apparaît même pas sur les billets de la monnaie commune. 

    Non, l’Union n’est pas l’Europe mais une caricature pitoyable, avant tout héritière de la CECA et de la C.E.E. Quand on entend, après tant d’autres du même tonneau, M. Moscovici, Commissaire européen, s’exprimer sur les ondes de France Inter (26 mai), on comprend vite ce qu’est, ou plutôt ce qu’a vocation à être cette Union européenne : un « euroland » fédéral et libéral, partenaire soumis des Etats-Unis d’Amérique et complètement déconnecté des réalités humaines, culturelles, religieuses et historiques de la vieille et authentique Europe. Cette Europe-là veut vivre. C’est ce que montre semaine après semaine une poussée populiste qui, malgré les inévitables excès et dérives, est l’expression de l’âme même de l’Europe.

     

  • Le scandale LuxLeaks, ou la victoire de l'escroc Juncker

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgC’est un procès qui est passé (presque) inaperçu, peut-être parce qu’il se déroulait au Luxembourg. Bien qu’un journaliste français ait été poursuivi dans cette affaire, le verdict n’a guère ému le pouvoir ni les partis politiques français qui, depuis quelques jours, ne cessent de déplorer le peu d’amour des citoyens envers l’Union européenne. Pourtant, il aurait dû, si la logique (ou la morale ?) avait été respectée : l’UE ne se veut-elle pas un modèle de justice et de transparence, un Etat de Droit (sans Etat propre d’ailleurs, mais plutôt un ensemble d’Etats) et la terre d’accueil de tous ceux qui fuient les traitements et les jugements inéquitables ? 

    En fait, le procès concernait ce que l’on appelle des « lanceurs d’alerte » qui avaient signalé un système de fraude généralisée qui a coûté des dizaines de milliards d’euros aux Etats de l’UE au profit de quelques multinationales et banques peu délicates et oublieuses de leur devoir fiscal de solidarité, mais aussi au profit du Luxembourg, membre de l’Union. Trois personnes étaient ainsi traînées devant le tribunal du Luxembourg au nom du « secret professionnel et du secret des affaires », et deux d’entre elles ont été condamnées pour « vol de données, fraude informatique et divulgation du secret des affaires », tandis que le journaliste français était acquitté : comme le signale Le Monde dans son édition du vendredi 1er juillet « Edouard Perrin n’a fait que son travail de journaliste (pour l’émission « Cash investigation » d’Elise Lucet), conclut le jugement du tribunal. Une vision que le parquet du Luxembourg ne partageait pas, estimant que « la liberté d’expression journalistique » ne devait pas primer sur le respect « du secret professionnel », quand bien même il serait le témoin de « pratiques douteuses ». » Ironie du propos du parquet, à l’heure où les administrations et les Etats, mais aussi les banques et les réseaux sociaux ne laissent plus rien de « secret » à la vie privée des familles et des personnes, malgré les protestations de nombreuses personnes qui souhaiteraient conserver un peu de discrétion, voire de pudeur, dans ce monde hyperconnecté… 

    La condamnation des deux lanceurs d’alerte, elle, nous rappelle aussi que, dans cette Union européenne, ce qui compte d’abord, c’est le profit, l’Argent, les intérêts privés de quelques grandes sociétés ou des actionnaires, plutôt que le bien-être des peuples, la solidarité fiscale et la simple justice sociale. 

    Est-ce un hasard si cette affaire, débutée il y a quelques années et que l’on a nommée « LuxLeaks », avait « provoqué un vaste scandale qui avait touché jusqu’à Jean-Claude Juncker, l’ancien premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne » ? C’est ce qu’évoque un livre publié il y a peu sous la signature de Mme Eva Joly et intitulé « Le loup dans la bergerie », livre qui met en cause celui qui est effectivement le président de la Commission européenne alors qu’il devrait être, peut-être en prison, au moins à l’écart des institutions européennes si l’on veut qu’elles aient quelque crédit près des contribuables qui sont aussi des citoyens… 

    « Le jugement « LuxLeaks » est d’autant plus intéressant qu’il revient sur le débat qui avait opposé, en avril, la société civile à la directive sur le secret des affaires débattue à Strasbourg. Les ONG avaient vivement dénoncé un texte qui menaçait, selon eux, les lanceurs d’alerte. Le tribunal du Luxembourg semble leur donner raison. « La nouvelle proposition de directive sur le secret d’affaires adoptée par le Parlement européen entend encore resserrer le cadre de cette protection du lanceur d’alerte et augmenter la protection du secret d’affaires au niveau européen. » » Ainsi, non seulement la Commission européenne est présidée par un escroc notoire qui a coûté des milliards d’euros aux budgets nationaux des pays de l’Union, mais le Parlement européen, issu du vote des citoyens de l’Union (malgré une forte abstention récurrente), s’en fait le complice en durcissant la protection du secret d’affaires, non pour éviter l’espionnage industriel ou le délit d’initié, mais pour préserver les intérêts de quelques aigrefins de la Finance… 

    De plus, comme le souligne l’article du quotidien Le Monde, « si ni le droit luxembourgeois ni le droit français ne protègent les lanceurs d’alerte, les juges (du tribunal du Luxembourg) estiment que le droit européen ne le fait, aujourd’hui, pas davantage » : n’est-ce pas incroyable ? Pourtant, c’est bien la réalité et celle-ci ne profite pas au plus grand nombre des Européens… 

    Cette affaire et ce jugement sont terriblement révélateurs des failles, voire des fautes de l’Union européenne ou, du moins, des institutions qui la régentent. Tant qu’il n’y sera pas mis bon ordre, par l’action des Etats au travers du Conseil européen, ou par celle des parlementaires de Bruxelles et de Strasbourg (mais le veulent-ils vraiment ? Rien n’est moins sûr…), l’Union européenne apparaîtra toujours comme le règne des Puissants et de l’Argent-Maître, et elle ne sera pas aimée des peuples et des travailleurs, de ces gens honnêtes qui peuvent soutenir ou à l’inverse, par leur colère électorale, assommer les institutions et leurs servants, comme vient de le démontrer le récent vote des Britanniques… 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Pourquoi pas la France ?

     

    par Hilaire de Crémiers

    L'éditorial du numéro d'été de Politique magazine - encore à paraître, avec un dossier très attendu sur les royalistes français aujourd'hui. Naturellement, nous y reviendrons.  LFAR

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgLe 24 juin 2016 restera dans les annales européennes. Le peuple anglais a manifesté sa liberté. Comme toujours. C’est le vrai fond du peuple anglais qui a parlé ; les médias, surtout en France, ont bien insisté et avec tout ce qu’il fallait de mépris sur le caractère profondément enraciné de ce vote : un vote de bouseux et de petites gens. Toute personne un tant soit peu cultivée et de simple bon sens a parfaitement compris ce qui s’est passé : l’Angleterre historique, celle qui refuse de sortir de l’histoire, s’est exprimée. England for ever. Personne ne lui dicte sa loi ; elle se la donne à elle- même ; c’est la règle de son histoire, une constante à travers les siècles. Ni des rois trop étrangers, ni Napoléon, ni Hitler, ni l’Europe apatride et donneuse de leçons n’en sont venus à bout.

    Depuis la Grande Charte, c’est ainsi. L’Angleterre d’aujourd’hui demeure encore et toujours l’Angleterre. Son vote est culturel et historique. En dépit de toutes les menaces, elle a tenu bon. Même le chantage au « fric » n’a pas marché, dans cette nation de commerçants et de banquiers. Eh bien, il nous est bon pour nous Français qu’elle nous surprenne. Si elle pouvait nous réveiller !

    Et pourtant ! Aussitôt ce fut un déferlement de haine et de prédictions apocalyptiques. Principalement de la part des Français, de nos dirigeants, de nos commentateurs patentés, avec cette morgue insupportable qui est leur marque de fabrique à tous. Ils allaient jusqu’à plaindre les Anglais, à récuser le principe de ce référendum. Maintenant c’était un devoir de les châtier, et vite, pour qu’ils comprennent, pour l’exemple aussi, pour que leur faute – leur péché ! – ne donnât point de mauvaises idées aux autres élèves indisciplinés de la classe européenne dont Hollande se considère – ça fait rire tout le monde – comme le « magister » : il a le savoir et il détient la baguette et le bonnet d’âne ! Du moins le croit-il.

    Avec son air affecté de « prof d’école », sa rhétorique hésitante de « faux curé », il faut le voir et l’entendre distribuer les bons et les mauvais points. Il va même, tout en parlant de renvoi nécessaire et immédiat, jusqu’à suggérer à l’Angleterre de venir à résipiscence, au motif qu’il y aurait des réactions à Londres, en Écosse et en Irlande. Bien sûr, mais, là aussi, c’est typiquement historique et l’Angleterre, elle, connaît tout ça et depuis longtemps. Elle a le temps devant elle ; elle est une monarchie. Donc, là encore, elle prendra son temps. David Cameron l’a lui-même annoncé à son dernier conseil européen du 28 juin.

    Ce n’est pas le ridicule Hollande qui lui dictera son agenda. Les Anglais agiront à leur façon, quand ils voudront, selon les possibilités et les circonstances, et selon surtout leur intérêt le plus pragmatique, comme ils l’ont toujours fait. Ils étaient déjà dans l’Europe comme n’y étant pas et avaient obtenu toutes les dérogations qu’ils avaient réclamées. Ils continueront sur la même voie. Pourquoi se gêneraient-ils ?

    C’est la France qui devrait avoir peur. Les affaires françaises vont très mal. Hollande aura beau dire, son « ça va mieux » n’a aucun sens. Il est incapable de diriger chez lui ; ses lois sont toutes contestées. Il épuise la nation. L’état lamentable de ses finances le met à la merci des moindres secousses politiques, diplomatiques, économiques, sociales et financières avec les risques d’un terrorisme omniprésent. Il en est réduit à courir après Merkel, faisant de l’Europe allemande la seule issue à son euromanie par laquelle il compte rebondir en grand défenseur de l’Europe pour la prochaine campagne électorale.

    Tout lui sert. Pro-Europe, anti-Europe, voilà sa dialectique. Il s’est trouvé ainsi ses adversaires, il polit son argumentaire, il choisit son angle d’attaque, indécrottable politicien, semblable à tous les autres, ses concurrents ! Est-ce cela la tradition française ? Cet abject système qui broie la France ? Ah non ! Tous ceux qui en vivent veulent nous le faire croire. Or, rien n’est plus opposé à notre génie. Nous aussi, nous Français, autant que les Anglais, plus qu’eux peut-être, nous avons une histoire et qui porte, elle aussi, sa leçon d’éternelle reviviscence. Elle est nationale, elle est royale.

    Il en est qui s’en souviennent. Le dossier de Politique magazine de cet été les présente. Et si la France voulait bien chercher dans cette direction, ne pourrait-elle pas avec intelligence et force, après le désastre annoncé, renouer avec son histoire pour se préparer un meilleur avenir ? 

  • Jean-Pierre Chevènement : « L'Angleterre a montré encore une fois son esprit d'indépendance »

     

    Par Jean-Pierre Chevènement  

    L'ancien ministre appelle les dirigeants des vingt-sept pays européens de l'Union à accueillir sans esprit vindicatif  la décision souveraine du peuple britannique. [Figarovox, 25.06]. C'est, selon les apparences, le contraire qui a été fait. A tort et en vain car, de toute façon, dans ou hors de l'Europe, la politique anglaise est inchangée.  LFAR

     

    XVM7593795a-3a01-11e6-a969-bc4d164fc184.jpgLe peuple britannique n'a pas cédé au chantage et à la peur orchestrés par les milieux financiers dominants. Son vote courageux a montré qu'il mettait la démocratie, c'est-à-dire le contrôle des décisions qui le concernent,  au-dessus de tout. L'Angleterre a montré encore une fois son esprit d'indépendance et son caractère qui est justement ce pour quoi nous l'aimons. De Gaulle avait raison : elle continue de vivre au rythme de l'anglosphère et du monde, même si son peuple est incontestablement un grand peuple européen.

    Je demande aux dirigeants des vingt-sept pays européens de l'Union d'accueillir avec fair-play et sans esprit vindicatif la décision souveraine du peuple britannique. La négociation d'un statut d'association de la Grande-Bretagne au marché unique européen, sur le modèle norvégien, peut intervenir dans les deux ans qui viennent, délai donné par l'article 50 des traités européens. Je rappelle que la Norvège, avec une population  de 5 millions d'habitants (onze fois moins que la Grande-Bretagne), acquitte, pour avoir accès au marché unique, une contribution annuelle de 432 millions d'euros.

    Allons à l'essentiel : le Brexit peut être un service rendu à l'Europe. Il doit donner une deuxième chance à l'idée européenne : celle d'une refondation démocratique qui articulerait la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire. Il me paraît clair qu'il faut outiller la seule instance européenne aujourd'hui démocratiquement légitime : le Conseil européen, qui réunit les chefs d'État et de gouvernement, afin qu'il dispose des services lui permettant de préparer et de suivre ses décisions. La Commission verrait ainsi redéfinir ses missions. Il faudra surtout restreindre le champ des interventions européennes à l'essentiel et laisser respirer la démocratie.

    La deuxième réforme fondamentale à mes yeux est celle du Parlement européen. Celui-ci doit procéder des Parlements nationaux où vit la démocratie représentative fondée sur le sentiment de l'appartenance nationale. Il faut créer un continuum entre les démocraties nationales et une démocratie européenne qui reste, pour l'essentiel, à construire. Car il faut assurer un contrôle démocratique de l'exercice des compétences déléguées.

    Je demande la réunion à bref délai d'une conférence chargée de redéfinir les institutions européennes et de repenser le modèle de développement qui résulte notamment du traité budgétaire dit TSCG de 2012 qui plombe la croissance européenne. Le modèle mercantiliste allemand (l'excédent extérieur correspond à plus de 10 % du PIB) est intransposable aux autres pays européens. Il faut concevoir un modèle européen de développement où l'Allemagne met ses surplus au service de la croissance européenne… et allemande.

    Cette conférence européenne pourrait s'inspirer d'un précédent : celui de la conférence de Messine qui, après l'échec de la Communauté européenne de défense (CED), a permis, en 1955, de remettre l'Europe sur les rails et de préparer le traité de Rome. Cette conférence se tiendrait à vingt-sept, avec  un statut spécial d'observateur pour la Grande-Bretagne. Il faut en effet voir large et voir loin.

    N'oublions pas que le peuple britannique est un grand peuple européen et que nous partageons avec lui de très nombreux intérêts communs, notamment dans le domaine de la sécurité, si important aujourd'hui. Pour faire face aux nouvelles menaces et poursuivre notre coopération notamment nucléaire, nous avons besoin de la Grande-Bretagne.

    Bien entendu, la Grande-Bretagne, le moment venu, aura toute sa place dans ce que le général de Gaulle appelait « une Europe européenne », c'est-à-dire une Europe capable d'exister stratégiquement  par elle-même et pour elle-même, dans le monde du XXIe siècle. Une Europe forte sera nécessaire pour que nous ne soyons pas étouffés dans les pinces du « G2 ». Un monde multipolaire est de l'intérêt de tous. 

    Jean-Pierre Chevènement 

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

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    Encore un coup des xénophobes !

    Brexit : la seule panique est dans les médias

    Brexit : Il se pourrait que l'Europe de Bruxelles soit déjà morte sans le savoir ...

    Yes we can ! Peuple 1- Élites 0

    Qu'ils restent ou qu'ils partent, les Britaniques ont de toute façon un pied dedans, un pied dehors ...

              

  • Trop drôle : Cambadelis a annoncé hier le report de l'université d'été du PS par peur des violences de l'ultragauche !

     

    Bref commentaire : ils ne l'ont pas volé. Ils cèdent à leurs propres frondeurs et aux menaces de la gauche radicale, l'ultra-gauche violente, les casseurs, les antifas. Impuissance et lâcheté : les deux piliers du PS façon Hollande, Cambadélis et compagnie. Un parti disqualifié, champion de la catégorie !   LFAR

     

    ultra-gauche.jpgLes circonstances

    Le rendez-vous devait se tenir fin août à Nantes. Mais le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis craint des actions violentes de militants de l'ultra-gauche, très mobilisés dans l'Ouest du pays.

    Conséquence de la présence à Notre-Dame-des-Landes, Nantes et Rennes de nombreux militants de l'ultra-gauche, Jean-Christophe Cambadélis a décidé de « reporter, suspendre » l'université d'été de la Belle alliance populaire, composée du PS et de ses alliés. Alors qu'elle se tenait habituellement à La Rochelle, elle devait s'ouvrir cette année à Nantes, du 26 au 28 août prochains. « Je pense que devant les risques de violences à Nantes, où dans tout autre endroit où se tiendrait l'université d'été de la Belle alliance populaire, il vaut mieux reporter, suspendre, l'université d'été de cet été », a indiqué le premier secrétaire du Parti socialiste interrogé dimanche par France 3. « C'est une question à laquelle je réfléchis depuis un moment. C'est la proposition que je ferai aux acteurs de la Belle alliance populaire », a-t-il précisé. Dans tous les cas, le rassemblement qui marque le lancement de la rentrée politique du PS ne se tiendra « pas à la fin de l'été ».

    « On nous menaçait de saccager l'ensemble de la ville »

    « On en discutera pour trouver une autre date, pour trouver plus de sérénité », précise le patron du PS qui fait état de nombreuses menaces. « On nous menaçait de violences sur nos militants, on nous menaçait de saccager l'ensemble de la ville (...) Il s'est constitué dans ce mouvement (anti-loi travail) une ultra gauche anti-démocratique qui s'est fixé comme objectif de mettre à terre le PS », dit-il. Ajoutant : qu'il « ne peut pas avoir demandé à la CGT de suspendre ses manifestations suite aux violences contre la loi El Khomri et maintenir l'université d'été » qui entraînerait ces mêmes violences. Invité à commenter cette annonce, le député les Républicains Eric Ciotti a préféré ironiser: « Il craint surtout les violences internes », « plus les frondeurs que les casseurs ». « Un parti qui ne se réunit plus n'est plus un parti », a-t-il ajouté lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro. Quant au député PS Yann Galut, il déplore sur Twitter qu'un tel report « montre l'état de rupture du gouvernement avec les Français ». 
     
    SCAN POLITIQUE - Par Tristan Quinault-Maupoil  [Le Figaro, 3.07]     
  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Société • Poulet, ce métier de chien. On croirait une fable de La Fontaine, c’est leur triste quotidien…

     

    C'est sous ce titre drôle, littéraire, et véridique, que Jean-Paul Brighelli publie dans son blog, Bonnet d'âne, hébergé par Causeur [30.06], l'article qu'on va lire, plein de verve, de sagesse et d'humour mêlés. Du Jean-Paul Brighelli comme on peut l'aimer ... LFAR

     

    985859-1169345.jpgFlic, franchement, c’est difficile.

    Qu’un peuple qui a cru intelligent de garder comme symbole le coq hérité des Gaulois vous traite de « poulet », passe encore. Entre volatiles…

    Qu’un gouvernement qui vous paie mal vous enjoigne de réprimer des gens tout aussi mal payés que vous et qui l’admettent mal, bon, c’est le job. Pas drôle, mais c’est le job.

    Que des truands ou des islamistes vous prennent pour cibles, quand vous savez que les gilets dont vous disposez n’arrêtent rien au-delà du calibre 7,65 — et certainement pas des balles de kalachnikov, il y a de quoi la trouver saumâtre.

    Vous êtes membre de la BAC, en première ligne dans les « quartiers » — et ailleurs, parce que la criminalité n’a pas de frontières, et voici ce que vous lisez tous les jours : « NIQUE LA BAC ! REVOLTE ! »

    Et encore, ça, ce n’est rien. Chargés depuis six mois d’assurer « l’état d’urgence », vous avez de surcroît les supporters à vous coltiner, et le Vieux-Port à déblayer. Et le Vieux-Port des supporters, c’est ça :

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    Vient se rajouter à ça la répression des manifestants qui trouvent inélégant de la part d’un gouvernement de gauche (ah ah ah !) de vous offrir tout crus aux patrons. Du coup, les manifestants qui vous avaient à la bonne à l’époque de Charlie, quand vous étiez en première ligne contre les massacreurs de Charlie et d’ailleurs — à propos, le gouvernement qui fait apposer des plaques pour célébrer l’événement, si je puis dire, salue bien la mémoire de l’un des vôtres, mais en omettant de signaler que les « terroristes » qui l’ont abattu étaient effectivement islamistes — un gros mot qui suinte d’islamophobie, sans doute : 

     

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    Ces manifestants, donc, vous vomissent à présent — en franglais dans le texte :  « Fight cops ».

    Ça fait du bien de se sentir aimé à ce point. D’être aimé mort : « More dead cops ».

    Sans compter qu’à chaque déplacement de Hollande pour assister à un match de foot, il faut rajouter aux 1 200 CRS censés gérer les supporters (et rester stoïques sous les avalanches d’amabilités) 150 hommes de plus pour assurer la sécurité d’un président si immensément populaire… 

    Ajoutez qu’une basse vengeance a récemment permis de mettre vos noms et adresses sur le Net, afin d’offrir plus d’opportunités à tous ceux qui veulent vous féliciter à domicile, et vous aurez un panorama presque complet.

    Et bientôt il va leur falloir en plus réprimer les émeutes que les services de renseignement voient venir à l’horizon 2017, quand le résultat des élections ne satisfera personne. Et à ce moment-là, qui sait de quel côté ils seront ? Quand l’exaspération s’ajoute à la fatigue…

    Des poulets qui font un métier de chien — on dirait une fable, mais ça ne les fait pas rire.

    En attendant, depuis hier, il n’est plus possible de siroter une orange pressée dans un verre normal à Marseille. Depuis deux jours, en prévision de l’arrivée des Polonais et des Portugais, le préfet de police ne permet plus que des gobelets plastique, dont les dépouilles traînaient harmonieusement sur le Quai de Rive-Neuve ce matin. Il plane sur la ville une atmosphère étrange — et les CRS reprendront tout à l’heure leur marche machinale autour du Cours d’Estienne d’Orves. C’est bon pour la santé, la marche. Et il ne fait pas trop chaud ce matin — heureux veinards ! Quand je pense qu’il y en a pour les plaindre ! Pff ! 

    Jean-Paul Brighelli
    anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur.

     

  • Histoire & Actualité • Gueniffey : « Robespierre incarne de façon chimiquement pure l'idée de la table rase »

     

    Par Guillaume Perrault

    Nous l'avons déjà évoqué, dans Lafautearousseau :  Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche, a récemment formulé le vœu qu'une rue de Paris porte le nom de Maximilien de Robespierre. Mais qui était-il ? Dans un intéressant entretien donné à Figarovox [20.06], l'historien Patrice Gueniffey souligne, notamment, la responsabilité que le révolutionnaire porte dans la Terreur.  LFAR

     

    x510_img_3500.jpg.jpeg.pagespeed.ic.dn5Ku1hhqr.jpgQuelle place Robespierre occupe-t-il dans la mémoire républicaine ?

    Le consensus républicain sur la Révolution française, au début de la IIIe République, s'est fondé sur l'exclusion de Robespierre du Panthéon des grands hommes de la décennie 1789-1799. Cette interprétation, forgée par les Thermidoriens dès le lendemain de la chute de Robespierre, a été popularisée par les manuels scolaires canoniques (Lavisse, Malet et Isaac) de la Belle Epoque. La IIIe République acceptait tout de 1789 à la chute des Girondins (juin 1793), et triait dans la période qui commence en juin 1793. Elle acceptait Danton et Carnot, qui représentaient la défense nationale, et refusait Robespierre, qui incarnait la guerre civile et la Terreur. Par ailleurs, le culte de l'Etre suprême cher à l'Incorruptible était suspect aux yeux de ces anticléricaux. C'est à l'occasion du centenaire de la Révolution, en 1889, qu'est érigée la statue de Danton place de l'Odéon à Paris. Le représentant de cette sensibilité parmi les historiens de l'époque, c'est Alphonse Aulard.

    Pourtant, Clemenceau et Jaurès revendiquaient « l'Incorruptible » ?

    Oui, mais l'un était radical et l'autre socialiste, donc beaucoup plus à gauche que les « pères fondateurs » de la IIIe République (Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon, etc.). Après eux, le PCF va batailler pour réintégrer Robespierre dans la mémoire glorieuse de la Révolution. L'historien Albert Mathiez est l'interprète de cette thèse à l'université. Il célèbre l'Incorruptible en raison même de la Terreur, instrument, à ses yeux, de l'égalité sociale projetée par Robespierre. Et il est vrai que celui-ci préconisait un impôt progressif sur le revenu, idée qui révulsait jusqu'aux Montagnards respectueux de la propriété privée.

    Les pétitionnaires qui demandent une rue Robespierre à Paris reprennent donc une revendication classique des communistes ?

    En effet, mais sans l'assumer. Le PCF, du temps de sa puissance, réclamait une rue Robespierre à Paris (il y en a, et même une station de métro, dans les anciens bastions communistes) en se fondant sur son action, laquelle incluait la Terreur. Aujourd'hui, leurs épigones demandent une rue Robespierre en alléguant qu'il n'était pour rien dans la Terreur. C'est le paradoxe: ces pétitionnaires rabaissent le rôle historique de l'Incorruptible afin de le défendre. Ils le rapetissent pour le rendre plus présentable. En somme, c'est une réhabilitation de la Terreur qui n'ose pas se revendiquer comme telle, avec des arguments sommaires. Une sorte de Nuit Debout appliquée à l'interprétation de la Révolution.

    Sur le fond, Robespierre était-il responsable de la Terreur ?

    Robespierre est l'un des responsables, parmi d'autres, de la Terreur qui a débuté en 1793. A l'époque, d'autres (Fouché, Tallien, Barras), envoyés en mission en province, sont beaucoup plus directement responsables de massacres. En revanche, Robespierre est le principal responsable de la Terreur pendant la période qui va de l'exécution de Danton en avril 1794 à sa propre chute en juillet. La loi du 22 Prairial (10 juin 1794), la plus terroriste de la Révolution, est son œuvre et inaugure la Grande Terreur. Elle supprime les rares garanties procédurales encore accordées aux accusés. Et le tribunal révolutionnaire n'a qu'une alternative: l'acquittement ou la mort. Dès lors, la guillotine fonctionne à une cadence exponentielle. Jusqu'alors, les partisans de la Terreur l'avaient justifiée par les circonstances exceptionnelles (la nécessité de punir les ennemis intérieurs et extérieurs). A partir de Prairial, et par la volonté directe de Robespierre, la Terreur devient consubstantielle à la Révolution. La Terreur n'a plus d'objectif précis ni de fin assignée. Son objectif est de paralyser toute opposition, mais elle multiplie aussi les adversaires de Robespierre, qui ont peur pour leur tête. C'est une période où il n'y a plus ni lois ni règles. Le seul enjeu, pour les conventionnels, c'était de rester en vie.

    Diriez-vous que la Grande Terreur a été une expérience proto-totalitaire ?

    Oui, cette période a vu l'invention du phénomène idéologique tel qu'on le verra ensuite dans d'autres révolutions. Du reste, Lénine s'en est inspiré pour élaborer sa théorie de la conquête du pouvoir et de la terreur comme instrument au service de la révolution. Pour que l'hécatombe se transforme en un massacre sans exemple dans l'histoire, il ne manquait rien: il y avait une idéologie, une rhétorique du bouc émissaire, la paranoïa révolutionnaire, le culte du chef (l'Incorruptible), des comités, des tribunaux d'exception, un système de surveillance et de délation généralisé. Il ne manquait qu'une chose: le parti. Les jacobins, malgré leurs efforts, n'ont jamais réussi à former un parti homogène et centralisé. Heureusement. Ce qui fait le grand intérêt de Robespierre, c'est précisément la responsabilité, en grande partie, de la Terreur. Il incarne, d'une façon presque «chimiquement» pure, l'idée moderne de la révolution et de la table rase. 

    Grand historien de la Révolution française et de l'Empire, Patrice Gueniffey, ancien élève de François Furet, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Parmi ses ouvrages qui ont le plus marqué figure « La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794 » (Fayard, 2000) . Son dernier livre, « Bonaparte » (Gallimard, 862 p., 30€), a reçu le grand prix de la biographie historique 2013.

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    Guillaume Perrault

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