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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1417

  • Action française • A l'ère des « viuels », l'AF mobilise une nouvelle génération militante

     

    Nous vivons, c'est un fait, le temps des écrans. Ceux des téléviseurs, mais davantage encore aujourd'hui, ceux des ordinateurs, des tablettes et des smartphones. Fabrice Hadjadj résume le phénomène par la formule « in vitro veritas » qui caractérise, qu'on les aime ou pas, les évolutions en cours.

    La communication politique évolue en conséquence. Ainsi, les écrans que nous avons dits supplantent les murs, les platanes et autres lieux où s'exprimaient naguère les opinions; et les « visuels » triomphent sur les dits écrans des affiches d'hier, même s'ils ne les suppriment pas complètement.

    Il y avait jadis des talents pour composer des affiches esthétiques et attractives. Des affiches donc efficaces. Ainsi, à Marseille, on disait d'un camelot du roi bien précis de l'entre-deux-guerres qu'il faisait chanter les murs. Mais il y a aussi de jeunes talents, à l'Action française d'aujourd'hui, pour faire chanter les portables, les tablettes,  les ordinateurs et les pages Facebook avec des visuels de bon goût, talent et sens de la communication. 

    Exemple : celui qui est repris en titre, relevé sur la page Facebook d'Action française Provence

    Que les anciens se rassurent : les moyens évoluent, ce n'est pas ce qui est important; l'objectif est inchangé : appeler les jeunes Français tout particulièrement, mais les autres aussi, à se joindre au grand Mouvement plus que centenaire qui persiste comme l'écrivait Thierry Maulnier à l'occasion du rassemblement royaliste de Montmajour en 1971, « à aimer la France et à ne pas désespérer d'elle ».  LFAR   •

     

    marseille.etudiants@actionfrancaise.net

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  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Le prince Jean de France à l’inauguration du Musée de Thiron-Gardais dédié aux Collèges royaux et militaires

    Stéphane Bern, le Ministre Emmanuel Macron et le Prince Jean de France

     

    Le 10 juin dernier, S.A.R. Le prince Jean de France à répondu présent à l’invitation de Stéphane Bern pour l’inauguration de son Musée dédié aux Collèges royaux et militaires au sein du Domaine du Collège militaire royal de l’Abbaye de Thiron-Gardais. (le Prince avait assuré la présidence du comité d’honneur lors du 900e anniversaire de la fondation de  l’Abbaye de Thiron-Gardais en 2014).

    Pour cette inauguration, étaient également présents : la princesse Constance et le prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, ainsi que  deux ministres du gouvernement, la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, et le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, accompagné de son épouse.

    En décembre 2012 Stéphane Bern, dont nous connaissons tous la passion pour l’histoire, a acheté ce qui restait de l’ancien Collège royal et militaire, lui-même issu de certaines dépendances de l’abbaye de Thiron-Gardais au conseil départemental d’Eure-et-Loir qui n’avait pas les moyen de le restaurer. Après presque 4 ans de travaux de restauration, le domaine composé d’une ancienne abbaye du XIIe siècle, d’un collège bénédictin devenu plus tard, en 1776, l’un des douze collèges royaux de France sous Louis XVI, ainsi que des jardins, sublimes, signés par le paysagiste Louis Benech, à qui l’on doit entre autre les jardins des Tuileries, reprend peu à peu vie grâce au dynamisme de son nouveau propriétaire. Le musée et les jardins ouvriront au public dès le 6 juillet prochain 

     

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     Le prince Jean de France, la princesse Constance et le prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme 

    Source : La Couronne

     

  • JT de France2 : quelques secondes de mauvais esprit anti-royaliste à partir d'un fondement historique erroné...

    Le radeau de la méduse au Louvre

     

    par François Davin

     

    Mardi soir [28 juin], David Pujadas clôt son Journal sur un petit reportage, assez bien fait, d'ailleurs, sur le tableau Le radeau de La Méduse. On aime ou on n'aime pas Géricault, mais, au début, « la voix » se cantonne à l'art lui-même : bon; peu à peu, on sent que l'arrière-fond politique va arriver, les allusions montent, « la voix » s'extasie sur le fait que Géricault ait mis un noir au centre et au sommet du tableau : « c'est lui, le héros du tableau », dit « la voix », à laquelle il ne manque que le sanglot, et qui ne se rend évidemment pas compte - dans la plus parfaite bonne conscience qui caractérise, justement, les « bonnes consciences » auto-proclamées... - qu'elle fait du racisme inversé, aussi misérable que l'autre.

    Mais le pire est à venir : In cauda venenum, ce sont les dernières paroles qui se veulent assassines : l'affaire se passait sous la Restauration, le commandant du navire ne naviguait plus depuis vingt ans, et il était royaliste; vive donc le grand, l'immortel Géricault, bon républicain, lui, qui dénonce le fait, dans son tableau, non moins immortel (du moins, pour « la voix »).

    Fermez le ban, la messe est dite (pardon, Robespierre !), les méchants et mauvais royalistes sont sonnés, renvoyés dans les cordes par « la voix » : tout est bien qui finit bien, nous sommes en République et nous vivons dans le meilleur des mondes : ouf, on a eu très peur mais ces temps-là sont révolus, on est sauvés !

    Sauf que...

    Sauf que cette pauvre « voix » omet de parler du « tout », du contexte, ce qui est le devoir le plus élémentaire de tout historien, fût-il d'art.

    Et, si l'on replace ce fait divers tragique dans son ensemble, on est bien obligé d'admettre une vérité fort dérangeante pour le Système établi, qui trouve ses fondements dans la Révolution (cf le préambule de notre actuelle Constitution). Car cette funeste Révolution a déstabilisé tout un pays - la France - et même tout un continent - l'Europe -, pendant plus de vingt ans. En France, même, elle a fait environ huit cent mille victimes (avec le Génocide vendéen), auxquels elle a ajouté le million et demi de jeunes Français morts - pour rien - pendant les inutiles guerres napoléoniennes.

    Charette.jpgComment voudrait-on que cette monstrueuse saignée humaine - inédite dans l'Histoire - n'ait pas produit un grand nombre de dégâts collatéraux, privant le pays d'un très grand nombre de citoyens qualifiés, dans tous les domaines, et notamment dans la Marine : l'exemple peut-être le plus frappant étant, bien sûr, celui du chevalier de Charette (ci contre) entré au Gardes Marines en 1779, lieutenant de vaisseau à l'âge de vingt-quatre ans, et comptant onze campagnes à son actif en à peine trois ans (Amérique, Mer du Nord, Russie, Barbaresques...). Roi de la Vendée, « laissant percer du génie » - comme le disait Napoléon - il sera misérablement fusillé à Nantes, en 1796.

    La Révolution a ainsi décapité tous azimuts, et le peuple de France et ses élites, Bonaparte continuant le travail jusqu'en 1815. Comment voudrait-on qu'une telle folie sanguinaire n'ait pas eu de conséquences ? Et que l'on n'ait pas manqué de cadres lorsque, enfin, les Bourbons revinrent sur le trône ?

    Certes,  l'épisode du naufrage de La Méduse n'est pas glorieux, et aurait pû, et dû, être évité. Mais Louis XVIII avait tant à faire - et il le fit si bien - qu'il est malhonnête, comme l'a fait « la voix » du JT de France2 d'étendre aux royalistes le choix malheureux d'un homme qui certainement, dans des conditions normales, n'aurait pas été choisi pour commander un navire, quel qu'il soit.

    1865194233.jpgQu'est-ce que j'en sais ? Ceci : avant la Révolution, la France de Louis XVI est maîtresse absolue des mers. Elle vient de vaincre les Anglais et sur terre et sur mer, ce qu'aucun roi de France n'avait fait jusqu'alors, pas même Louis XIV, le plus grand roi du monde. La Royale vient de faire traverser l'Atlantique - aller-retour - à toute une armée française, au nez et à la barbe des Anglais, qui n'en purent mais. Et les Etats-Uniens d'aujourd'hui savent très bien que c'est cette armée qui, débarquée sur le sol américain, vainquit les Anglais, ce qui aurait été impossible aux Insurgents, réduits à leurs propres forces.

    Et, à peine quinze ans après, ce pauvre Napoléon fut incapable de faire traverser à son armée les malheureux trente kilomètres séparant, par la Manche, la France de l'Angleterre.

    Que s'était-il donc passé, pour expliquer un tel retournement de situation ? Oh ! rien : la Révolution. Puis l'auto-sabordement par une République d'incapables de notre flotte, maîtresse des mers, en deux temps-deux désastres : Aboukir (où nos bateaux non coulés furent tout simplement recyclés dans la Royal Navy !...), puis Trafalgar, où le reste de notre puissance descendit au fond de l'eau, laissant pour plus d'un siècle la suprématie mondiale aux Anglais.

    terreur ou la mort.gifAlors, c'est bien beau de ne pas apprendre l'Histoire aux Français; c'est bien beau, même, de leur en raconter une mensongère et travestie - quand d'aventure on leur en parle. Il n'empêche : les faits sont les faits, et ni Géricault, ni le mauvais esprit, ni les mensonges n'y changeront rien. Si la France a perdu son rang, c'est à la Révolution qu'elle le doit, puis, depuis 1875, à l'instauration de la funeste République, malheureusement devenue son Régime, un Régime dégénérant en un monstrueux Système, qui - tel un virus - poursuit son oeuvre de déconstruction nationale encore aujourd'hui... 

  • Livres • Pierre Boutang, maurrassien libéré Entretien avec son biographe Stéphane Giocanti

     

    Propos recueillis par Daoud Boughezala et Frédéric Rouvillois, repris de Causeur [1.07]

    Pierre Boutang ayant littéralement appris à lire dans l’Action française, en quoi cela a-t-il conditionné son rapport au roi comme figure de l’autorité ?

    Stéphane Giocanti*. Chez Boutang, l’image du roi se superpose affectivement à celle du père et à celle de Maurras – servir le roi et la France était pour lui une dette à l’égard de son propre père maurrassien appelé lui aussi Pierre Boutang ! L’intuition métaphysique s’ancre ainsi souvent dans les circonstances de l’existence. Si l’histoire personnelle de ce fils rend compréhensible sa théorie royaliste, on peut aussi l’interpréter comme une limite – que Boutang n’interroge pas vraiment. Mais ses Carnets inédits révèlent une inquiétude à propos de son destin : « Si mon père n’avait pas connu l’A.F. Pour lui. Pour moi. »
    Ce lien excessif comparable à l’amour passion aura constamment laissé Boutang dans un état d’enfance : une très grande capacité d’étonnement et d’enthousiasme, mais aussi de vulnérabilité et de crainte.

    Pour vulnérable qu’il fût, Boutang n’a jamais cédé aux sirènes du fascisme, à la différence de ses camarades d’Action française, Brasillach ou Rebatet. Comment l’expliquez-vous ?

    La sensibilité chrétienne et une certaine idée du Pauvre, étaient déjà agissantes en 1940 lorsque Boutang détourna Maurice Clavel du doriotisme et l’amena au royalisme et à Maurras en personne. Son ancrage maurrassien contribua à détourner Boutang de la tentation fasciste ou totalitaire qui s’exerçait sur sa génération : ancré sur des principes traditionnels, le respect des mesures passées (proposées par l’histoire de la monarchie française elle-même), le fédéralisme, mais aussi sur une forme d’empirisme politique, Maurras s’oppose en son fonds au fascisme qui est à la fois jacobin et socialiste, axé sur le culte du chef, de la force, de l’État et de la jeunesse. Quant au « pauvre Brasillach », Boutang l’a en vérité peu connu, et peu aimé. Il ne lui pardonnait pas son admiration pour les défilés de Nuremberg, et s’il tenta d’obtenir des signatures pour sa grâce en 1945, c’était surtout parce qu’il savait que des personnages plus compromis que Brasillach passaient à travers les filets de l’épuration.

    Sous Vichy, Boutang a condamné les persécutions antijuives tout en soutenant la Révolution nationale. Si Boutang fut révoqué de l’Éducation nationale à la Libération, est-ce en raison de ses atermoiements ?

    Boutang n’a jamais exercé aucune fonction officielle à Vichy. Il s’est entremis pour faire libérer Jean Wahl des griffes allemandes en 1940, il a rejoint le Maroc dès 1941 et participé, à sa mesure, à la préparation du débarquement américain de 1942 au Maroc. Certes, Boutang a maintenu une fidélité morale au maréchal Pétain comme beaucoup de Français de son époque, mais il a objectivement servi les Américains et le général Giraud, pour lequel il a travaillé, comme chef de cabinet de Jean Rigault au ministère de l’Intérieur. Giraud était alors condamné par Vichy. Joué par l’histoire, Boutang a servi de Gaulle sans l’avoir voulu, en se plaçant du côté du monde libre. D’ailleurs, s’il fut révoqué sans pension en 1944 – et pendant vingt-trois ans – c’est en raison de la lutte acharnée entre giraudistes et gaullistes à laquelle sa contribution reste obscure. Malgré cette exclusion purement politique, il servit le drapeau jusqu’en 1945, année de sa démobilisation.

     

    Boutang fut un antisémite virulent avant-guerre avant de terminer en fervent soutien d’Israël. Quel est le ressort de cette évolution ?

    Boutang fut antisémite jusqu’en 1955 environ. Plusieurs articles d’avant-guerre, son pamphlet La République de Joinovici (1949), relèvent du courant antisémite qui va de Drumont à Bernanos, plus encore qu’ils ne prolongent l’antisémitisme dit « politique » de Maurras. Pourtant, en 1936, son témoin de mariage, Adrien Benveniste, était juif. L’étude de la Bible, la découverte de la mystique juive, sa lecture des commentaires de Rachi, contribuèrent à faire de lui un judéophile autour de 1955, de plus en plus loin de « l’antisémitisme d’État ». On retient cette date symbolique parce qu’elle correspond à l’année de lancement de son hebdomadaire La Nation française. Boutang évolue donc très en avance par rapport à l’Église catholique, qu’il a peut-être influencée parallèlement à Maritain. Si Boutang cherchera toujours à comprendre (non à justifier) l’antisémitisme de Maurras, au risque de contorsions parfois discutables, et si la notion de « repentance » échappe généralement à sa génération, il n’en demeure pas moins que la haine des Juifs lui est apparue comme une faute morale et un péché détestable du point de vue chrétien. En 1967, pendant la guerre des Six Jours, il soutint énergiquement Israël, et entraîna Gabriel Marcel dans son combat.

    Dix ans plus tôt, Boutang a-t-il vu dans la Ve République gaulliste la monarchie républicaine dont il rêvait ?

    On pourrait écrire facilement une histoire des variations gaullistes et antigaullistes de Boutang ! Ce dernier a tout d’abord appuyé de ses idées, de ses articles à La Nation française et de son influence la victoire gaulliste de 1958. Penseur de la légitimité autant que Michel Debré, Boutang a de fait inventé le « monarcho-gaullisme » dont tant d’historiens ont parlé récemment. Son adhésion relative à la Ve République n’empêcha pas Boutang de demeurer royaliste et de maintenir sa vie durant sa critique de la démocratie. Mais l’exercice de la Ve République l’a dégoûté à propos de l’affaire algérienne. En 1961-1962, ses articles sont furieusement antigaullistes. Pour autant, déchiré par les événements et par les scissions qui éclatèrent à la rédaction de la Nation française, il n’adhéra pas à l’OAS, et en condamna les méthodes. Le « mieux » apporté par les institutions de la Ve République ne suffit donc pas à Boutang, parce qu’il défend un principe politique issu non de l’opinion, mais de la légitimité, et qu’un pouvoir légitime ne peut selon lui réussir que sur la durée. Mes conversations avec lui m’ont fait comprendre que Boutang admettait l’idée d’une démocratie couronnée à l’anglaise, même si cela ne correspondait pas exactement au modèle qu’il préconisait. Il resterait à savoir si une monarchie peut s’établir selon des modèles préparés: c’est un problème de restauration

    Pour conclure, pourrait-on dire de Pierre Boutang qu’il fut un philosophe catholique ?

    Il fut un philosophe, un métaphysicien et (même si ce mot est rare), un ontologicien. Boutang disait que sa philosophie était croyante, et que sa foi était philosophante. On ne peut pas résoudre mieux la question, ni mieux repousser le piège des étiquettes. Je dirais pour ma part qu’il fut un penseur chrétien dont le travail parle aussi bien à un catholique qu’à un orthodoxe ou un anglican – et au-delà, à tout lecteur. Il s’est servi de Thomas d’Aquin comme d’un maître qui aurait formulé des positions équilibrées là où Boutang aurait pu facilement se laisser aller à l’hétérodoxie. Là où Boutang me semble intéressant, c’est dans son Purgatoire – roman que le grand éditeur Raphaël Sorin place à côté de l’Ulysse de Joyce et de L’homme sans qualités de Musil. Il s’agit du chef d’œuvre du roman anti-pharisien, à la fois œuvre de conversion (tout chrétien vrai se convertit chaque seconde) et louange, dans le sillage des Confessions d’Augustin. Ce Boutang-là passe encore inaperçu, alors que c’est peut-être lui qui est le plus bouleversant et le plus attachant. Derrière certaines phrases du Purgatoire, il y a des positions philosophiques ou théologiques longuement méditées, que seules des notes très savantes pourraient expliciter et référencer. Enfin, il me semble que le Boutang militant catholique est un de ses masques et l’une de ses comédies – comédies dans lesquelles il s’efforçait de croire, sur le moment. La vérité se trouve dans ses Cahiers (dont l’essentiel sera publié au Cerf d’ici un an) : Boutang ne se sent nullement meilleur que les autres – plutôt pire, parfois. Il témoigne de ses péchés, montre une incroyable vulnérabilité, qui est celle d’un enfant, et d’une inquiétude métaphysique parfois oppressante. Cela vaut mieux que certaines de ses injustices et fulminations, commises au nom d’une foi aussi robuste que celle de Bossuet. 

    * Écrivain et historien de la littérature, Stéphane Giocanti vient de publier Pierre Boutang, Éd. Flammarion, 2016.

    l’Action française

    D. Boughezala et F. Rouvillois

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    Quand Pierre Boutang dialoguait avec François Davin et Pierre Builly pour Je Suis Français

    Ecouter ... [Vidéo - Conférence à Marseille - 3.03.1988]

    Pierre BOUTANG L’horizon politique Le Prince chrétien

     

  • Société & Politique • Vers le changement

     

    par Guillaume Priou

    Ce à quoi appelle ce bel article - dont on pourra contester tel détail, non le fond - c'est ce que Pierre Boutang nommait métanoïa, qui peut signifier aussi, au sens large, conversion. LFAR

     

    De nombreuses initiatives fleurissent en vue d’un vrai changement dans notre beau pays qui va si mal, la dernière étant le collectif « Horizon ». Il suffit d’ailleurs de voir les rayons de librairies pour se rendre compte que tout le monde s’accorde sur la nécessité de changer de cap. Mais la question n’est pas tant de savoir ce qu’il faut faire, et surtout ce qu’il faut arrêter de défaire, mais de définir comment le faire.

    Car le « système » a bien verrouillé son pouvoir et a organisé sa défense en profondeur : l’idéologie de gauche continue de dominer, abondamment relayée dans les médias et les forces de résistance, que sont pêle-mêle les syndicats, les énarques, la commission européenne et les grands patrons, tiennent les rennes et ne sont pas prêts à se remettre en question. Jusqu’à nos soi-disant alliés américains ou arabes qui s’accommodent parfaitement d’une France en demi-teinte, assez faible pour être influencée, assez forte pour asseoir sur la scène internationale leurs propres intérêts.

    Or la politique est l’art du possible et même avec les projets les plus salutaires, on voit mal comment inverser la vapeur, comment couper les jarrets de ces « forces de progrès » qui conduisent le pays à la ruine et en tout cas menacent de rendre ingouvernable la France de 2017.

    L’urgence est de saper les fondations gauchistes. Il faut des actes forts, éminemment politiques, purement politiques même, qui ne s’attaquent pas aux derniers développements hollandesques mais qui ébranlent tout l’édifice. Militons notamment pour la reconnaissance du génocide vendéen, pour une séance de repentance en bonne et due forme devant ce crime qui remettra en question le mythe fondateur de la Révolution française. Le terrain a été magnifiquement préparé par le Puy du Fou ; la réappropriation par les Français de leur Histoire suivra naturellement…

    Deuxième séries de mesures urgentes à prendre, couper les vivres à tous ceux qui usurpent le monopole de la représentativité et ont les moyens d’occuper le terrain, nourris par ceux qu’ils haïssent : syndicats, médias, associations, lobbys, professionnels de l’anti-culture. Pour être clair, il faut torpiller Libé, dissoudre la CGT, brocarder le festival d’Avignon, fermer des mosquées radicales, etc. Après, les amoureux de la France auront sans doute un peu plus de liberté d’action.

    Puis il y a tout le reste, les migrants, le chômage, les impôts, l’école, la famille, l’islamisme mais aussi l’avortement et le monde rural. La tâche est immense et ça va faire mal ! Un virage à 180 degrés ne serait possible qu’après un chaos total et on ne peut le souhaiter même si on le voit arriver à grands pas. Pour prendre un nouveau cap, il faut s’appuyer sur des valeurs auxquelles les Français adhèrent sans hésitation. Par exemple : liberté et responsabilité. Arrêter de faire croire que les solutions ne peuvent venir que de l’Etat mais laisser se développer et même encourager les initiatives, les audaces et le panache, que ce soient ceux des petits entrepreneurs ou ceux des projets pédagogiques alternatifs. Et au niveau de l’Etat, liberté et responsabilité portent un autre nom : souveraineté.

    En d’autres termes, ce qu’il nous faut, ce n’est pas un catalogue de mesures, mais une méthode et une volonté, bref un nouvel état d’esprit. 

  • SPORT • Antoine Griezmann, un cœur gros comme un ballon !

     

    Enfin un footballeur qui ne fait pas la gueule sur le terrain, devant les supporters et les photographes.

    par Nicolas Gauthier

    Un excellent et réconfortant billet [Boulevard Voltaire, 1.07] 

     

    4241968552.pngY aurait-il quelque chose de changé au royaume des Bleus ? C’est à se demander. Allez donc savoir pourquoi, même chez ceux qui ignorent tout de la science footballistique – c’est peut-être pour cela que cet article m’a été commandé – , mais ce cru 2016 paraît autrement plus sympathique que les précédents. Effet Didier Deschamps ?

    Ce qui nous change agréablement de l’équipe de 2010, en Afrique du Sud, première fois dans l’histoire de ce sport où l’on vit onze joueurs marcher plutôt que courir derrière le ballon. D’habitude, nous savions encore que les cheminots, les professeurs, les chauffeurs routiers, etc., pouvaient se mettre en grève ; mais là, une grève de milliardaires, mal élevés de surcroît, c’était aussi une première fois.

    De fait, difficile de ne pas ressentir une certaine admiration pour Antoine Griezmann, auteur de deux buts libérateurs contre l’Irlande. Enfin un footballeur qui ne fait pas la gueule sur le terrain, devant les supporters et les photographes. Nous sommes loin du « Racaille football club », des crétins tatoués, de leurs sextapes, de leurs méthodes de voyous. Une fois encore, effet Didier Deschamps ?

    Mieux : à la suite de ce match ayant permis à l’équipe de France de se hisser en quart de finale, Antoine Griezmann, dans les coulisses du stade de l’Olympique lyonnais, hèle-t-il Hugo, un enfant de dix ans : « Ça va ? On fait une photo ? Ça te dirait d’avoir le ballon du match ? » Hugo, c’est le fils de Jean-Baptiste Salvaing, ce policier assassiné avec sa compagne, en présence de leur enfant de trois ans, par un islamiste. Hugo aurait été invité à voir le match par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, tandis que sur le site Facebook de la police nationale, on pouvait lire ces quelques mots : « Le fils de notre collègue assassiné a pu réaliser un de ses rêves avec la complicité des policiers du RAID et l’amitié des joueurs de l’équipe de France. »

    Ce ballon ne lui rendra certes pas son père ni sa belle-mère, mais l’espace d’un moment, il lui aura peut-être rendu le sourire. Et ça, ça n’a pas de prix. Merci, Antoine Griezmann. 

    Journaliste, écrivain
  • « Le maurrassisme la pire des insultes à l'encontre de l'Eglise catholique » ? Lisez donc Maurras, Tillinac !

     

    Maurras s'explique ici, avec une hauteur et une ampleur de vue qui devrait faire rougir de honte l'auteur de l'accusation reprise en titre*. Il s'explique sur le grand respect, la sourde tendresse, la profonde affection qu'il voue - et avec lui toute l'Action française, croyants ou non - à la religion catholique. En ce temps là comme au nôtre, cet attachement - rendu pourtant parfois fort difficile par tels des revirements, des évolutions, ou des prises de position de l'Eglise - a toujours fait l'objet d'une sorte de critique catholique - venue de milieux bien déterminés - suspectant sa sincérité ou ses motivations supposées. Cette même mouvance s'employait par ailleurs, à combattre simultanément tout ce qui, dans l'Eglise pouvait relever de la Tradition. Nous n'ajouterons pas à la longueur de ce superbe texte. Il sera l'un de nos grands textesLafautearousseau

    * Denis Tillinac - Famille chrétienne, 28.04.2016

     

    I

    maurras_democratie_religieuse_1978_vignette.pngOn se trompe souvent sur le sens et sur la nature des raisons pour lesquelles certains esprits irréligieux ou sans croyance religieuse ont voué au Catholicisme un grand respect mêlé d'une sourde tendresse et d'une profonde affection. — C'est de la politique, dit-on souvent. Et l'on ajoute : — Simple goût de l'autorité. On poursuit quelquefois : — Vous désirez une religion pour le peuple… Sans souscrire à d'aussi sommaires inepties, les plus modérés se souviennent d'un propos de M. Brunetière : « L'Église catholique est un gouvernement », et concluent : vous aimez ce gouvernement fort.

    Tout cela est frivole, pour ne pas dire plus. Quelque étendue que l'on accorde au terme de gouvernement, en quelque sens extrême qu'on le reçoive, il sera toujours débordé par la plénitude du grand être moral auquel s'élève la pensée quand la bouche prononce le nom de l'Église de Rome. Elle est sans doute un gouvernement, elle est aussi mille autres choses. Le vieillard en vêtements blancs qui siège au sommet du système catholique peut ressembler aux princes du sceptre et de l'épée quand il tranche et sépare, quand il rejette ou qu'il fulmine ; mais la plupart du temps son autorité participe de la fonction pacifique du chef de chœur quand il bat la mesure d'un chant que ses choristes conçoivent comme lui, en même temps que lui. La règle extérieure n'épuise pas la notion du Catholicisme, et c'est lui qui passe infiniment cette règle. Mais où la règle cesse, l'harmonie est loin de cesser. Elle s'amplifie au contraire. Sans consister toujours en une obédience, le Catholicisme est partout un ordre. C'est à la notion la plus générale de l'ordre que cette essence religieuse correspond pour ses admirateurs du dehors.

    image.jpgIl ne faut donc pas s'arrêter à la seule hiérarchie visible des personnes et des fonctions. Ces gradins successifs sur lesquels s'échelonne la majestueuse série des juridictions font déjà pressentir les distinctions et les classements que le Catholicisme a su introduire ou raffermir dans la vie de l'esprit et l'intelligence du monde. Les constantes maximes qui distribuent les rangs dans sa propre organisation se retrouvent dans la rigueur des choix critiques, des préférences raisonnées que la logique de son dogme suggère aux plus libres fidèles. Tout ce que pense l'homme reçoit, du jugement et du sentiment de l'Église, place proportionnelle au degré d'importance, d'utilité ou de bonté. Le nombre de ces désignations électives est trop élevé, leur qualification est trop minutieuse, motivée trop subtilement, pour qu'il ne semble pas toujours assez facile d'y contester, avec une apparence de raison, quelque point de détail. Où l'Église prend sa revanche, où tous ses avantages reconquièrent leur force, c'est lorsqu'on en revient à considérer les ensembles. Rien au monde n'est comparable à ce corps de principes si généraux, de coutumes si souples, soumis à la même pensée, et tel enfin que ceux qui consentirent à l'admettre n'ont jamais pu se plaindre sérieusement d'avoir erré par ignorance et faute de savoir au juste ce qu'ils devaient. La conscience humaine, dont le plus grand malheur est peut-être l'incertitude, salue ici le temple des définitions du devoir.

    Cet ordre intellectuel n'a rien de stérile. Ses bienfaits rejoignent la vie pratique. Son génie prévoyant guide et soutient la volonté, l'ayant pressentie avant l'acte, dès l'intention en germe, et même au premier jet naissant du vœu et du désir. Par d'insinuantes manœuvres ou des exercices violents répétés d'âge en âge pour assouplir ou pour dompter, la vie morale est prise à sa source, captée, orientée et même conduite, comme par la main d'un artiste supérieur.

    Pareille discipline des puissances du cœur doit descendre au delà du cœur. Quiconque se prévaut de l'origine catholique en a gardé un corps ondoyé et trempé d'habitudes profondes qui sont symbolisées par l'action de l'encens, du sel ou du chrême sacrés, mais qui déterminent des influences et des modifications radicales. De là est née cette sensibilité catholique, la plus étendue et la plus vibrante du monde moderne, parce qu'elle provient de l'idée d'un ordre imposé à tout. Qui dit ordre dit accumulation et distribution de richesses : moralement, réserve de puissance et de sympathie.

    II

    On pourrait expliquer l'insigne merveille de la sensibilité catholique par les seules vertus d'une prédication de fraternité et d'amour, si la fraternité et l'amour n'avaient produit des résultats assez contraires quand on les a prêchés hors du catholicisme. N'oublions pas que plus d'une fois dans l'histoire il arriva de proposer « la fraternité ou la mort » et que le catholicisme a toujours imposé la fraternité sans l'armer de la plus légère menace : lorsqu'il s'est montré rigoureux ou sévère jusqu'à la mort, c'est de justice ou de salut social qu'il s'est prévalu, non d'amour. Le trait le plus marquant de la prédication catholique est d'avoir préservé la philanthropie de ses propres vertiges, et défendu l'amour contre la logique de son excès. Dans l'intérêt d'une passion qui tend bien au sublime, mais dont la nature est aussi de s'aigrir et de se tourner en haine aussitôt qu'on lui permet d'être la maîtresse, le catholicisme a forgé à l'amour les plus nobles freins, sans l'altérer ni l'opprimer.

    Par une opération comparable aux chefs-d'œuvre de la plus haute poésie, les sentiments furent pliés aux divisions et aux nombres de la Pensée ; ce qui était aveugle en reçut des yeux vigilants ; le cœur humain, qui est aussi prompt aux artifices du sophisme qu'à la brutalité du simple état sauvage, se trouva redressé en même temps qu'éclairé.

    Un pareil travail d'ennoblissement opéré sur l'âme sensible par l'âme raisonnable était d'une nécessité d'autant plus vive que la puissance de sentir semble avoir redoublé depuis l'ère moderne. « Dieu est tout amour », disait-on. Que serait devenu le monde si, retournant les termes de ce principe, on eût tiré de là que « tout amour est Dieu » ? Bien des âmes que la tendresse de l'évangile touche, inclinent à la flatteuse erreur de ce panthéisme qui, égalisant tous les actes, confondant tous les êtres, légitime et avilit tout. Si elle eût triomphé, un peu de temps aurait suffi pour détruire l'épargne des plus belles générations de l'humanité. Mais elle a été combattue par l'enseignement et l'éducation que donnait l'Église : — Tout amour n'est pas Dieu, tout amour est « DE DIEU ». Les croyants durent formuler, sous peine de retranchement, cette distinction vénérable, qui sauve encore l'Occident de ceux que Macaulay 2 appelle les barbares d'en bas.

    Aux plus beaux mouvements de l'âme, l'Église répéta comme un dogme de foi : « Vous n'êtes pas des dieux ». À la plus belle âme elle-même : « Vous n'êtes pas un Dieu non plus ». En rappelant le membre à la notion du corps, la partie à l'idée et à l'observance du tout, les avis de l'Église éloignèrent l'individu de l'autel qu'un fol amour-propre lui proposait tout bas de s'édifier à lui-même ; ils lui représentèrent combien d'êtres et d'hommes, existant près de lui, méritaient d'être considérés avec lui : — n'étant pas seul au monde, tu ne fais pas la loi du monde, ni seulement ta propre loi. Ce sage et dur rappel à la vue des choses réelles ne fut tant écouté que parce qu'il venait de l'Église même. La meilleure amie de chaque homme, la bienfaitrice commune du genre humain, sans cesse inclinée sur les âmes pour les cultiver, les polir et les perfectionner, pouvait leur interdire de se choisir pour centre.

    Elle leur montrait ce point dangereux de tous les progrès obtenus ou désirés par elle. L'apothéose de l'individu abstrait se trouvait ainsi réprouvée par l'institution la plus secourable à tout individu vivant. L'individualisme était exclu au nom du plus large amour des personnes, et ceux-là mêmes qu'entre tous les hommes elle appelait, avec une dilection profonde, les humbles, recevaient d'elle un traitement de privilège, à la condition très précise de ne point tirer de leur humilité un orgueil, ni de la sujétion le principe de la révolte.


    La douce main qu'elle leur tend n'est point destinée à leur bander les yeux. Elle peut s'efforcer de corriger l'effet d'une vérité âpre. Elle ne cherche pas à la nier ni à la remplacer par de vides fictions. Ce qui est : voilà le principe de toute charitable sagesse. On peut désirer autre chose. Il faut d'abord savoir cela. Puisque le système du monde veut que les plus sérieuses garanties de tous les « droits des humbles » ou leurs plus sûres chances de bien et de salut soient liées au salut et au bien des puissants, l'Église n'encombre pas cette vérité de contestations superflues. S'il y a des puissants féroces, elle les adoucit, pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s'ils sont bons, elle fortifie leur autorité en l'utilisant pour ses vues, loin d'en relâcher la précieuse consistance. Il faudrait se conduire tout autrement si notre univers était construit d'autre sorte et si l'on pouvait y obtenir des progrès d'une autre façon. Mais tel est l'ordre. Il faut le connaître si l'on veut utiliser un seul de ses éléments. Se conformer à l'ordre abrège et facilite l'œuvre. Contredire ou discuter l'ordre est perdre son temps. Le catholicisme n'a jamais usé ses puissances contre des statuts éternels ; il a renouvelé la face de la terre par un effort d'enthousiasme soutenu et mis en valeur au moyen d'un parfait bon sens. Les réformateurs radicaux et les amateurs de révolution n'ont pas manqué de lui conseiller une autre conduite, en le raillant amèrement de tant de précautions. Mais il les a tranquillement excommuniés un par un.

    III

    L'Église catholique, l'Église de l'Ordre, c'étaient pour beaucoup d'entre nous deux termes si évidemment synonymes qu'il arrivait de dire : « un livre catholique » pour désigner un beau livre, classique, composé en conformité avec la raison universelle et la coutume séculaire du monde civilisé ; au lieu qu'un « livre protestant » nous désignait tout au contraire des sauvageons sans race, dont les auteurs, non dépourvus de tout génie personnel, apparaissaient des révoltés ou des incultes. Un peu de réflexion nous avait aisément délivrés des contradictions possibles établies par l'histoire et la philosophie romantiques entre le catholicisme du Moyen-Âge et celui de la Renaissance. Nous cessions d'opposer ces deux périodes, ne pouvant raisonnablement reconnaître de différences bien profondes entre le génie religieux qui s'était montré accueillant pour Aristote et pour Virgile et celui qui reçut un peu plus tard, dans une mesure à peine plus forte, les influences d'Homère et de Phidias. Nous admirions quelle inimitié ardente, austère, implacable, ont montrée aux œuvres de l'art et aux signes de la beauté les plus résolus ennemis de l'organisation catholique. Luther est iconoclaste comme Tolstoï, comme Rousseau. Leur commun rêve est de briser les formes et de diviser les esprits. C'est un rêve anti-catholique. Au contraire, le rêve d'assembler et de composer, la volonté de réunir, sans être des aspirations nécessairement catholiques, sont nécessairement les amis du catholicisme. À tous les points de vue, dans tous les domaines et sous tous les rapports, ce qui construit est pour, ce qui détruit est contre ; quel esprit noble ou quel esprit juste peut hésiter ?

    Chez quelques-uns, que je connais, on n'hésita guère. Plus encore que par sa structure extérieure, d'ailleurs admirable, plus que par ses vertus politiques, d'ailleurs infiniment précieuses, le catholicisme faisait leur admiration pour sa nature intime, pour son esprit. Mais ce n'était pas l'offenser que de l'avoir considéré aussi comme l'arche du salut des sociétés. S'il inspire le respect de la propriété ou le culte de l'autorité paternelle ou l'amour de la concorde publique, comment ceux qui ont songé particulièrement à l'utilité de ces biens seraient-ils blâmables d'en avoir témoigné gratitude au catholicisme ? Il y a presque du courage à louer aujourd'hui une doctrine religieuse qui affaiblit la révolution et resserre le lien de discipline et de concorde publique, je l'avouerai sans embarras. Dans un milieu de politiques positivistes que je connais bien, c'est d'un Êtes vous catholiques ? que l'on a toujours salué les nouveaux arrivants qui témoignaient de quelque sentiment religieux. Une profession catholique rassurait instantanément et, bien qu'on n'ait jamais exclu personne pour ses croyances, la pleine confiance, l'entente parfaite n'a jamais existé qu'à titre exceptionnel hors de cette condition.

    La raison en est simple en effet, dès qu'on s'en tient à ce point de vue social. Le croyant qui n'est pas catholique dissimule dans les replis inaccessibles du for intérieur un monde obscur et vague de pensées ou de volontés que la moindre ébullition, morale ou immorale, peut lui présenter aisément comme la voix, l'inspiration et l'opération de Dieu même.

    Aucun contrôle extérieur de ce qui est ainsi cru le bien et le mal absolus. Point de juge, point de conseil à opposer au jugement et au conseil de ce divin arbitre intérieur. Les plus malfaisantes erreurs peuvent être affectées et multipliées, de ce fait, par un infini. Effrénée comme une passion et consacrée comme une idole, cette conscience privée peut se déclarer, s'il lui plaît, pour peu que l'illusion s'en mêle, maîtresse d'elle-même et loi plénière de tout : ce métaphysique instrument de révolte n'est pas un élément sociable, on en conviendra, mais un caprice et un mystère toujours menaçant pour autrui.

    Le-pape-Francois-inaugure-le-debut-de-l-Annee-sainte (1).jpgIl faut définir les lois de la conscience pour poser la question des rapports de l'homme et de la société ; pour la résoudre, il faut constituer des autorités vivantes chargées d'interpréter les cas conformément aux lois. Ces deux conditions ne se trouvent réunies que dans le catholicisme. Là et là seulement, l'homme obtient ses garanties, mais la société conserve les siennes : l'homme n'ignore pas à quel tribunal ouvrir son cœur sur un scrupule ou se plaindre d'un froissement, et la société trouve devant elle un grand corps, une société complète avec qui régler les litiges survenus entre deux juridictions semblablement quoique inégalement compétentes. L'Église incarne, représente l'homme intérieur tout entier ; l'unité des personnes est rassemblée magiquement dans son unité organique. L'État, un lui aussi, peut conférer, traiter, discuter et négocier avec elle. Que peut-il contre une poussière de consciences individuelles, que les asservir à ses lois ou flotter à la merci de leur tourbillon ? 

     

    Charles MAURRAS 

    L'on peut aussi lire intégralement ...

    La Démocratie religieuse 

    Le Dilemme de Marc Sangnier (1906)

  • Que dit Zemmour du Brexit ? « Une nouvelle Révolution poussée par les vents d’Ouest. Mais une contre-révolution »

     

    par Éric Zemmour, Loïc Farge, 

    Zemmour prononce ici les mots essentiels : « Une révolution ... mais une contre-révolution. » Une analyse qui, ainsi entendue, devrait intéresser directement les royalistes, notamment l'Action française, et, plus largement, ceux qui oeuvrent à la pérennité de la nation française et prônent une contre-révolution sociale et politique. LFAR 

     

    Le vote anglais en faveur de la sortie de l'Union européenne continue de faire grand bruit et de susciter de nombreuses réactions.

    "Il faut sans doute remonter aux guerres de Napoléon ou à la bataille de Mers-El Kebir en 1940, pour retrouver en France un tel déferlement de haine anglophobe", explique Éric Zemmour après le vote des Anglais en faveur du Brexit. Il note que "les élites françaises, politiques, médiatiques, économiques, artistiques, intellectuelles, sont tombées sur le prolo anglais avec une hargne inédite". Mais pour le journaliste, ce Brexit "doit être ajouté au triomphe de Donald Trump aux primaires américaines, lorsqu'il a imposé à l’établissement du parti Républicain et aux médias un discours hostile au libre-échange, à Wall Street et à l’immigration".

    Selon lui, nous vivons "une nouvelle Révolution poussée par les vents d’Ouest. Mais une contre-révolution". À ses yeux, "cette insurrection venue des peuples menace les élites occidentales, leurs privilèges, leurs certitudes, leurs idéaux aussi. Leur hargne face au Brexit indique qu’elles sont décidés à vendre chèrement leur peau". 

     


     Éric Zemmour, Loïc Farge

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

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    Brexit : la seule panique est dans les médias

    Brexit : Il se pourrait que l'Europe de Bruxelles soit déjà morte sans le savoir ...

    Yes we can ! Peuple 1- Élites 0

    Qu'ils restent ou qu'ils partent, les Britaniques ont de toute façon un pied dedans, un pied dehors ...

     

  • La dhimmitude au quotidien [4]

     

    PAR PÉRONCEL-HUGOZ

    Œuvrant en terre d'Islam depuis 1965 (administrateur civil, correspondant ou envoyé spécial du Monde, directeur de collection éditoriale et, à présent, chroniqueur au 360, un des principaux quotidiens marocains en ligne), Péroncel-Hugoz n'est sans doute pas le plus mal placé pour décrire le sort des chrétiens vivant sous autorité musulmane.

     

    IMG - JPEG - Copie.jpgLE CAS FARAG FODA 

    Je ne doute pas, j'en suis même convaincu car j'en connais, au Levant ou au Maghreb, qu'il existe des musulmans assumés et qui désapprouvent les traitements honteux ou criminels infligés un peu partout à travers l'Islam aux chrétiens vivant en son sein ; des musulmans qui, en privé, n'ont pas de mots assez durs pour les méfaits des djihadistes et autres Frère musulmans - mais ces esprits critiques, il est vrai, ne se manifestent prati­quement jamais en public. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils ont peur d'avoir à en payer chèrement le prix. Je me réfère au cas exemplaire de Farag Foda (1946­-1992) ; cet intellectuel musulman égyptien, modéré en tout et qui eut le courage et l’imprudence au Caire, en 1992, d'affirmer que la dhimmitude imposée aux chrétiens en Égypte et ailleurs était « contraire aux droits de l’homme », ce que tout le monde sait de longue date mais ne dit pas. Le lendemain, Foda était abattu en pleine ville et certaines mosquées justifièrent ce crime par l' « aposta­sie » de la victime, qui ne s'était pas convertie à une autre foi mais avait uniquement violé l'omerta qui lie de facto tous les musulmans du monde face aux méfaits de leurs. Feu le journaliste tiers-mondiste de gauche Guy Hennehelle disait : « la politique des musulmans c'est celle du banc de poissons. Celui qui le quitte est perdu ». La notion de personne, dérivée à notre époque en individualisme, est l'apanage du christianisme ; la spécialité de l'Islam est la solidarité communautaire, dérivée en communautarisme. Les dhimmis d'Orient en savent quelque chose... Pour ceux d'Occident, ça ne fait que commencer... 

    QUID DU MAROC ?

    5201710-7761773.jpg

    Le roi du Maroc Mohamed VI. Le souverain chérifien, descendant du Prophète, paraît mieux armé que d'autres Etats musulmans pour faire face à la menace islamiste.

     

    Et quid de la dhimma au Royaume chéri­fien se demandera le lecteur sachant que j'y vis. Eh ! Bien, cet État musulman sunnite, gouverné depuis trois siècles et demi par une dynastie se rattachant à la lignée de Maho­met (comme les Hachémites de Jordanie, le sultan de Brunei et l'Aga-Khan), a en quelque sorte résolu l'épineuse question de La dhimmitude par le seul fait que sa natio­nalité ne peut appartenir qu'aux fils du sol, tous mahométans donc (à part quelque trois mille israélites indigènes, au reste invi­sibles parmi les 35 millions d'habitants). Les quelque 70000 chrétiens (ou réputés tels) établis à présent en Chérifie (sans compter les Espagnols de Ceuta et Mailla) ne sont pas traités en dhimmis mais avec déférence en « étrangers de passage », même si certains traits de la dhimmitude sont présents au Maroc, discrètement il est vrai, depuis la fin du Protectorat franco-hispanique (1912-­1956) ; les cloches de églises ne peuvent plus sonner; tout prosélytisme non-mahométan est interdit et tout non-musulman voulant épouser une Marocaine « vraie croyante » doit impérativement se convertir à l'islam. Cette situation « tranquille » ne durera peut-être pas éternellement en raison du nombre grandissant de Subsahariens - étu­diants, commerçants, trafiquants, clandes­tins, prostituées, etc. - s'installant depuis 10 ans au Maroc. Une part notable de ces migrants sont catholiques ou protestants, ce qui a déjà ressuscité plusieurs paroisses à travers le pays, avec des rassemblements de plus en plus voyants de fidèles, des com­merces informels, des trafics divers et quelques incidents « raciaux », bref une situation qui est loin de plaire à tous les Marocains. Allah jacta est ... 

    (Fin)

    PÉRONCEL-HUGOZ 

    Grand-reporter, essayiste, auteur d’une dizaine d’ouvrages sur les pays du Sud, Péroncel-Hugoz a été notamment correspondant du Monde en Égypte de 1973 à 1981. Connaisseur de la civilisation mahométane, il publia en 1983 Le Radeau de Mahomet (Ed. Lieu commun, réed. Champs-Flammarion), livre prémonitoire sur l’évolution du monde musulman. Il prépare pour cette année la réédition au Maroc d’un essai oublié de Balzac, Rois de France, indisponible depuis 70 ans.

    Lire ...
     
     
     


    Repris de La Nouvelle Revue d'Histoire avec l'aimable autorisation de l'auteur

    LA NOUVELLE REVUE D'HISTOIRE • 43 Hors-série n° 12 • Printemps 2016

  • Martinique, "Vendée créole" : la victoire des royalistes sur les républicains en 1794...

    vendée créole.jpg

    Vendée créole - La chouannerie en Martinique, Odile de Lacoste Lareymondie, Via romana, 2015, 89 pages, 15 euros

    Quatrième de couverture :

    Histoire inconnue du grand public et ignorée des manuels scolaires, la victoire de la Vendée créole contre la République en 1794 fut celle des blancs, mulâtres et noirs unis dans une même résistance à la barbarie révolutionnaire.

    Mais quelles furent les motivations, les figures et les campagnes de cette armée fidèle à son Dieu, fidèle à son roi ? Qui connaît encore l'incroyable destinée de son chef, Bernard de Percin, le Charette de la Martinique, celle de Dubuc de Marcoussy le fier artilleur, de Sainte-Catherine et Montlouis Jaham à la tête de leurs compagnies d'hommes de couleur ?

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  • Mathieu Slama : « Le grand drame de la modernité »

     

    Mathieu Slama, essayiste, vient de publier son premier livre : La guerre des mondes : réflexions sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident. Nous publions d'autant plus volontiers l'entretien qu'il vient de donner à Boulevard Voltaire [23.06] qu'il y exprime des idées tout à fait essentielles qui sont nôtres et qu'en peu de mots il définit la nature de l'affrontement entre la modernité et la tradition. Soit, « deux grandes visions du monde concurrentes : le monde libéral d’un côté, exaltant l’individu et son émancipation ; et le monde de la tradition, exaltant la communauté et l’enracinement. » Qu'on veuille bien lire cet entretien et l'on comprendra davantage encore pourquoi nous avons écrit le 27 mai dernier, à propos de son premier livre : « Nous prévenons les lecteurs de Lafautearousseau; ces réflexions sont importantes. Il faudra être attentifs désormais aux publications de Mathieu Slama ! ». Nous confirmons. LFAR 

     

    sans-titre.pngVous parlez d’une croisade de Moscou contre l’Occident, mais l’offensive n’est-elle pas plutôt menée par les États-Unis, Poutine se bornant à défendre les traditions ?

    Il y a sans doute une part de provocation dans le choix du mot « croisade », mais aussi deux raisons essentielles : d’abord, Poutine lui-même a décidé, depuis quelques années, de s’attaquer frontalement au modèle libéral des sociétés occidentales. Non seulement il défend les valeurs traditionnelles de la Russie, mais il s’en prend explicitement aux pays euro-atlantiques, et à l’Europe tout particulièrement, qu’il accuse de rejeter ses racines et de tomber dans le « primitivisme », au mépris des « valeurs spirituelles de l’humanité ». Ensuite, le mot « croisade » contient une dimension éminemment religieuse, et il se trouve que c’est aussi sur ce terrain que Poutine s’en prend à l’Occident. Défendant « les valeurs de la famille traditionnelle, de la vie humaine authentique, y compris de la vie religieuse des individus », il s’est attaqué à plusieurs reprises à la conception européenne de la laïcité. On connaît aussi sa proximité affichée avec l’Église orthodoxe, qu’il lie étroitement, dans ses discours, au destin national de la Russie. 

    Voici l’intuition de mon livre : ce qui se joue dans le conflit entre Poutine et les pays occidentaux est bien plus fondamental qu’un simple conflit d’intérêts sur les dossiers syrien ou ukrainien. Il y a, en arrière-plan de tout cela, le retour d’un vieil affrontement entre deux grandes visions du monde concurrentes : le monde libéral d’un côté, exaltant l’individu et son émancipation ; et le monde de la tradition, exaltant la communauté et l’enracinement.

    Vous présentez Poutine comme une personnalité attachée à l’égalité entre les nations. Mais est-il vraiment cet apôtre du droit international et de la non-ingérence ? Nous pensons à la Géorgie, à l’Ukraine. Stratégie rhétorique ?

    Un des mots les plus souvent utilisés par Poutine est « diversité du monde ». Dans son discours, l’Occident se rend coupable de vouloir modeler le monde à son image. Il y a là un argument essentiel qu’il faut entendre (stratégie rhétorique ou non) : l’Occident est persuadé que son modèle libéral est applicable au monde entier. Il suffit de feuilleter les reportages dans les médias français sur l’Iran, par exemple : on célèbre ce pays parce qu’il s’occidentalise ! Mais on crie à l’obscurantisme dès qu’il s’agit d’évoquer ses composantes traditionnelles. C’est tout le paradoxe de nos sociétés libérales : nous exaltons l’Autre mais ce n’est que pour annihiler son altérité. Il y a, dans cet universalisme occidental, un mélange d’incompréhension et de mépris. Cet universalisme est aussi dangereux quand il se transforme en action extérieure (cf. les ingérences occidentales catastrophiques au Moyen-Orient).

    En revanche, il est exact que Poutine ne s’applique pas forcément cette règle de non-ingérence. Poutine n’est pas un saint : il y a, chez lui, une ambition impériale, liée à une volonté de protéger les intérêts stratégiques de la Russie face à une Amérique agressive et intrusive. Comme le disait Soljenitsyne, qui s’inquiétait du renouveau impérialiste russe, plutôt que de chercher à s’étendre, la Russie devrait plutôt s’attacher à conserver l’âme du territoire qu’il lui reste. 

    Faisant l’éloge de l’enracinement, vous prenez l’exemple de Bilbo, un Hobbit frileux à l’idée de quitter sa terre natale pour partir à l’aventure. Attachement que vous qualifiez de « noble ». Or, il me semble plutôt que les Hobbits incarnent cette prudence petite-bourgeoise, aux antipodes de la vraie noblesse qui est lutte pour la vie, mépris du confort matériel et passion pour les équipées lointaines.

    Pour illustrer les limites du modèle libéral occidental, j’évoque, en effet, la belle parabole de Tolkien sur le combat de plusieurs communautés fictives qui luttent pour leur survie face à un ennemi technicien et guerrier. Les Hobbits sont des personnages intéressants car ils vivent en vase clos, selon des rites traditionnels immémoriaux. Ils partent à l’aventure à contrecœur, ayant sans cesse la nostalgie de leur terre durant leur voyage. C’est cette nostalgie que je trouve formidable, parce qu’elle représente tout ce que nous avons perdu en Occident. Le rapport à la terre, au lieu, comme disait Levinas, le sens de la mesure, la perpétuation de vieilles traditions qui donnent un sens à notre existence : tout cela ne veut plus rien dire pour nous autres Occidentaux. Les Européens ne comprennent plus qu’un seul langage, celui des libertés individuelles. C’est cela, le grand drame de la modernité.

    Entretien réalisé par Romain d’Aspremont 

    Essayiste
     
     
  • Pour saluer Dantec

     

    Maurice G. Dantec, par Gérard Leclerc

     

    GERARD LECLERC.JPGL’écrivain Maurice Georges Dantec est mort samedi soir à Montréal au Québec, où il s’était installé depuis longtemps, fuyant, semble-t-il, une France où il n’était plus guère à l’aise. Qu’on le veuille ou pas, qu’on l’ait aimé ou détesté, il faut se rendre à l’évidence que la littérature est, bel et bien, en deuil, parce que le défunt l’avait admirablement servie, avec une liberté supérieure. Provocateur né, il était porté aux sentiments extrêmes, et l’air qu’il respirait était celui des grands espaces métaphysiques, voire apocalyptiques. Il définissait un de ses romans Villa Vortex, comme une parabole sur la création du monde, sur la chute, sur la Genèse. Et il n’hésitait pas à se réclamer de la théologie. Et tenez-vous bien, il se définissait comme catholique intégral.

    Un critique littéraire du Figaro parlait à son endroit de catholicisme sauvage. « Mon catholicisme, déclarait-il au même journal en 2003, c’est celui du Christ, de saint Paul, de saint Jean, des Pères de l’Église : Tertullien, Origène, saint Hilaire, saint Athanase… tous ceux qui, entre 0 et 600 ont bâti le corpus christologique. » Il n’était pas tendre avec les fadaises d’un christianisme light contemporain. Ce n’est pas pour autant qu’il faut le considérer comme un Père de l’Église pour aujourd’hui. Néo-réactionnaire revendiqué, il était sans doute souvent injuste, excessif, scandaleux parfois. Rien ne lui faisait plus plaisir que d’être comparé à notre Léon Bloy, qui lui aussi ne craignait pas une certaine brutalité morale. Mais l’univers bernanosien, qui peut servir également de modèle de comparaison, n’était-il pas marqué par une volonté de porter à l’extrême la noirceur du monde, avec une déformation heurtée de la réalité qu’on a pu rapprocher de l’art expressionniste du début du XXe siècle ?

    Dantec forçait encore la note. A-t-il pu ainsi ouvrir un registre mystérieux à ses lecteurs, que la culture actuelle avait enfermée dans la clôture d’une intériorité nihiliste ? Au moins aura-t-il secoué sérieusement ses contemporains, en se servant de l’instrument littéraire en virtuose et en sombre prophète. C’était le contraire d’un tiède, et son incandescence le vouait au paradis des plus fortes espérances.  

    France Catholique [28.06]

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 juin 2016.

  • Roger Scruton : « Le Brexit est un choix éminemment culturel »

     

    Par Vincent Trémolet de Villers

    Le grand philosophe britannique Roger Scruton* justifie le choix de ses compatriotes, qui assimilent le projet européen à la disparition de l'État-nation. Il s'en entretient avec Vincent Trémolet de Villers [Figarovox 28.06]. Et nous sommes en accord profond avec sa vision de l'Europe : celle des peuples, des nations et des Etats.  LFAR 

     

    Images-stories-Photos-roger_scruton_16_70dpi_photographer_by_pete_helme-267x397.jpgQue vous inspire le vote des Britanniques ?

    Je suis fier de nos concitoyens. Ils ont eu le courage de déclarer leur volonté de se gouverner eux-mêmes. Ils ont dit clairement qu'ils voulaient reprendre le contrôle de leur pays. Je suis fier, mais je suis inquiet aussi. Nous allons subir, je le crains, de nombreuses tentatives qui viseront à faire annuler ce résultat ou à en réduire les effets. Je crains aussi que le Royaume-Uni se fragmente. La vérité est que le choix qui nous a été proposé n'était pas de mon point de vue le plus judicieux.

    À la dialectique imposée : « Voulez-vous quitter ou rester dans l'Union européenne ? » nous aurions dû préférer une troisième possibilité : la rédaction d'un nouveau traité, adapté à la situation de l'Europe d'aujourd'hui. Traité que nous aurions pu soumettre à toutes les nations pour qu'elles y souscrivent.

    Comment expliquez-vous le choix des électeurs. Est-il économique ou culturel ?

    C'est un choix éminemment culturel. Les électeurs ont réagi contre deux effets de l'Union : la nécessité de vivre sous des lois imposées de dehors et la nécessité d'accepter des vagues d'immigrés de l'Europe - surtout de l'Europe de l'Est - dans des quantités qui menacent l'identité de la nation et sa cohésion. Ils veulent reprendre en main le destin de leur nation. C'est la cause profonde de ce vote.

    L'Union européenne est-elle, selon vous, un projet politique condamné à la dislocation ?

    C'est une évidence. Ce projet n'a jamais vraiment reçu l'approbation du peuple européen et il érode la partie la plus essentielle de notre héritage politique : l'État-nation. La motivation de ceux qui ont initié le projet d'union - Jean Monnet surtout - était alimentée par une peur de l'État-nation qui débouchait forcément sur le nationalisme. Pour Monnet il n'y a pas de nationalisme sans hostilité envers les autres nations. Lui et ses associés ont décidé, sans l'assentiment des peuples européens, d'abolir les frontières, de diminuer la souveraineté nationale et de créer une union politique. Les gens ordinaires, au départ, n'ont cru qu'à une entente commerciale. « Communauté de l'acier et du charbon », le projet, à l'origine, n'était présenté que sous ce type de forme. Petit à petit la mesure des ambitions des fondateurs s'est révélée, l'élargissement impressionnant a donné au projet une dimension préoccupante et chaque mouvement de résistance a été neutralisé par des manœuvres non démocratiques. La plus choquante fut le traité de Lisbonne voté par les parlements des pays européens et parfois même, comme en France, contre le choix exprimé, dans les urnes, par le peuple.

    Pour Monnet et sa génération, la nation c'était la guerre…

    Si, dans notre histoire, des formes de nationalisme ont menacé la paix du continent (celui de la France révolutionnaire, par exemple, et surtout celui des Allemands au XXe siècle), d'autres formes de nationalisme ont, à l'inverse, contribué à la paix de la Vieille Europe. Je pense, par exemple, à celui des Polonais, des Tchèques et peut-être, si j'ose le dire, celui des Anglais, sans lequel les nazis n'auraient pas été vaincus. Tout dépend de la culture politique et militaire du pays. Je sais bien que la culture de « soft power » que nous associons à l'UE est souvent louée comme un instrument de paix : mais les événements en Ukraine nous ont montré que ce genre de puissance est très peu efficace. Les dangers qui nous entourent aujourd'hui exigent que nous retrouvions les moyens de nous défendre, et la restauration des frontières nationales en est la condition sine qua non.

    Les campagnes ont voté contre les villes…

    Il ne faut pas exagérer : pas contre les villes, mais dans un autre sens que les villes. Dans un petit pays comme le nôtre, la campagne est le symbole de la nation. Sa paix, sa beauté : c'est ce qui est vraiment nôtre. Ceux qui habitent la campagne ont payé cher pour pouvoir y vivre. Ils craignent aujourd'hui de perdre ce qui fait leur environnement, leur identité. Chez eux, le sentiment d'appartenance est bien plus vivace que chez les habitants des villes. Partout en Europe, les gens ordinaires ont perdu confiance dans l'élite politique. Cette défiance se manifeste plus vivement dans la campagne que dans les villes. La cause profonde est sociologique. Être attaché au local, au lopin de terre, à une sociabilité immédiate (celle des villages) nous éveille à l'hypocrisie et aux mensonges de ceux qui peuvent facilement changer leur mode de vie et l'endroit où ils poursuivent leur existence. Ces derniers sont facilement accusés, par ceux qui n'ont que la terre où ils se sont enracinés, de « trahison des clercs ». C'est, bien entendu, une vue réductrice d'une question complexe mais c'est cette vue qui permet de comprendre la fracture qui existe entre le peuple et les élites.

    Croyez-vous au sens de l'histoire ?

    L'idée qu'il y a un « sens » de l'histoire est, pour moi, peu convaincante. Bien sûr, les philosophes allemands,  sous l'influence de Hegel, ont essayé de créer un récit linéaire, qui mène d'une époque à la suivante par une espèce d'argumentation logique. Et peut-être, pour la durée du XIXe siècle, l'histoire européenne avait une certaine logique, étant donné que l'Europe était un système de pouvoir autonome et dominant le monde entier. Maintenant, sous l'effet des forces émanant du Moyen-Orient, de la Chine, des États-Unis, etc., l'Europe se trouve de nouveau dans la condition des autres peuples : sans aucun sens, à part celui qu'elle peut trouver pour elle-même. Malgré cette nouvelle donne, l'élite des institutions de l'UE continue de rejeter les inquiétudes identitaires des gens ordinaires. Pour preuve, ils ont présenté un projet débarrassé des références chrétiennes et niant la validité des nations. Le résultat se voit partout en Europe - une désorientation du peuple, et une révolte électorale contre une classe politique qui pour une grande part de l'opinion publique a perdu tout crédit. 

    *Philosophe de l'esthétique, Roger Scruton a notamment enseigné à Oxford et à la Boston University. La traduction de son essai  How to Be Conservative doit paraître à l'automne aux Éditions de l'Artilleur.

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    Vincent Tremolet de Villers