La raison du plus fort…
par Louis-Joseph Delanglade

Il est inutile de s’étonner, voire de s’indigner, que M. Trump ait pu dénoncer le traité passé avec l’Iran en 2015.
D’abord parce que, ce faisant, M. Trump tient une promesse électorale. Ensuite parce qu’un traité n’est au fond que la mise en forme d’un rapport de force à un certain moment. Enfin et surtout parce que les Etats-Unis - qui demeurent la première puissance militaire, financière et économique - sont par nature cet Empire voué à conforter constamment sa domination. Il est d'ailleurs tout à fait possible, sinon probable, que la crise ainsi ouverte se résolve à leur avantage, soit par leur puissance de feu soit par leur activisme diplomatique. A moins que cette fois ils ne soient allés trop loin trop vite, leurs menaces de sanctions et de représailles aboutissant à la création d’une entente pour l’instant improbable entre Chine, Russie et Europe.
Improbable tout simplement parce que l’Europe n’existe pas. Ainsi, quand M. Macron se présente dans son discours d’Aix-la-Chapelle « en défenseur de la souveraineté européenne » (Le Figaro, 10 mai), il brasse du vent car son Union Européenne n’est qu’un leurre sur le plan politique. Cette monnaie même, dont elle est si fière, « n’a pas de crédibilité » (M. Jean-Marc Daniel, économiste, au micro de France Inter le 11 mai) : pas de crédibilité parce que « détenir des euros, c'est détenir une monnaie de gens qui ne sont toujours pas d'accord entre eux sur ce qu'il faut faire et ne pas faire ». Dit plus simplement : l’euro est une monnaie non adossée à un pouvoir politique souverain. De plus, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, dans sa réaction toute verbale, M. Macron s’est exprimé en sa qualité de chef de l’Etat français. Son adresse à Mme Merkel, et même à Mme May (faut-il rappeler que la Grande-Bretagne est en plein Brexit et qu’elle n’a jamais accepté l’euro ?) constitue la reconnaissance implicite que le salut passera par une entente directe des grands Etats d’Europe.
Dans ce même discours, M. Macron a tenu des propos qu’on pourrait qualifier de gaullo-capétiens : « Si nous acceptons que d’autres grandes puissances, y compris alliées, y compris amies, se mettent en situation de décider pour nous de notre diplomatie, de notre sécurité parfois, alors nous ne sommes plus souverains. » Mais, au lieu de constater la faillite de l’U.E. et de proposer crânement à nos partenaires naturels d’avancer de concert, il persiste dans son idéologie en ne reculant devant aucune contradiction, si grande soit-elle, en affirmant : « L’Europe est une utopie […]. Les utopistes sont des pragmatiques et des réalistes. »
M. Daniel qui, lui, a les deux pieds sur terre, voit d’abord dans la décision de M. Trump « un prétexte pour les États-Unis qui consiste à pénaliser les entreprises européennes sans avoir à pénaliser les entreprises américaines ». Ce diagnostic, certainement fondé en grande partie, implique bien que les grandes puissances européennes doivent commencer par s’entendre avant de se concerter avec d’autres, notamment la Chine et la Russie, pour résister à la mainmise des Etats-Unis sur des transactions financières forcément libellées en dollars. Voilà le vrai pragmatisme. A défaut, les Américains garderont la main et la morale de la fable son actualité. ■
Notre article de jeudi dernier reprenant surtout les analyses d'Hubert Védrine, la veille, sur France Inter, à propos de la décision de Donald Trump dans l'affaire iranienne,










Et les choses se déroulèrent ainsi afin que s’accomplît la parole des prophètes : Maurras dans L’Avenir de l’Intelligence (1905) – « le règne de l’or, maître du fer, devenu l’arbitre de toute pensée séculière » – et Péguy dans L’Argent (1913) – « cet automatisme économique du monde moderne où nous nous sentons toujours plus étranglés par le même carcan de fer…»