« En même temps » …
Les résultats du 1er tour des législatives - en mode plébiscitaire - sont ce que l’on attendait, comme le seront ceux du second tour. La lassitude des Français pour les jeux démocratiques, qui ont beaucoup trop duré, s'est manifestée soit par une abstention record, soit en se contentant de voler au secours de la victoire. Ainsi est en train de se parachever au Parlement cette sorte de coup d’Etat mené tambour battant par Emmanuel Macron pour s’emparer du Pouvoir. A la française, bien-sûr, c’est-à-dire par les voies semi-légales, comme Bonaparte, le 18 Brumaire, comme son neveu Louis-Napoléon le 2 décembre 1851, comme Charles De Gaulle, en mai-juin 1958. Et, en quelque sorte, à marches forcées, par élection anticipée des médias et des élites, par une pression sans précédent sur l’électorat. Après tout, ce n’est pas, en soi-même, ledit coup d’Etat qu’il convient de critiquer mais la politique qu’il sous-tend, au moins selon ce que l’on peut en savoir.
Emmanuel Macron est un personnage complexe, subtil, et cultivé, narcissique et autoritaire. On ne peut le traiter comme un vulgaire Hollande ou Sarkozy, simplement par la polémique ou la moquerie. L'une et l'autres inappropriées. Pour être crédibles et efficaces, les royalistes, l’Action française, se doivent de donner une explication acceptable des événements politiques. *
« En même temps » …
L’esprit de la politique selon Macron peut se résumer dans sa formule, mille fois reprise : « En même temps ». Comme Napoléon qui voulut en même temps, continuer la Révolution et rétablir l’ordre, instituer l’Empire, créer une nouvelle noblesse et rappeler l’ancienne, épouser, enfin, l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, petite-nièce de Marie-Antoinette. Comme Louis-Philippe qui tenta la réconciliation de la Révolution avec la Royauté. Ou comme Charles De Gaulle qui pensa raccorder la République sur la tradition royale et rêva, peut-être, d’un certain rétablissement de la monarchie.
Ainsi Emmanuel Macron entend-il tout à la fois que la France reste grande ouverte à l’Europe, à la mondialisation, à l’immigration, au multiculturalisme, à la diversité et qu’elle affirme sa grandeur. Ainsi l’a-t-on vu tenir physiquement tête à Donald Trump à Taormine. Mais qu’en sera-t-il quant au fond ? Que fera-t-il du TAFTA ? Ainsi l’a-t-on vu recevoir Poutine en très grande pompe à Versailles et y manifester la grandeur française. Mais quid de notre future politique russe ? Ainsi l’observe-t-on rabrouant les journalistes – qui l’ont fait élire ! – et le voit-on tenter de rendre à la fonction présidentielle sa dignité et même sa verticalité. Ainsi choisit-il un bon ministre de l’Education nationale qui devrait, semble-t-il y imprimer une salutaire inflexion. Propice à l’instruction des enfants et à la culture. Même si Macron, sans autre explication, a imprudemment affirmé au cours de sa campagne qu’il n’y a pas de culture française.
Tout se déroule, avec Macron, toujours dans l’esprit de son permanent en même temps.
Quelle prévalence ?
Patrick Buisson vient de donner au Figaro magazine un remarquable entretien – tout fondé sur un soubassement d’esprit monarchique et de droite légitimiste – où il synthétise en une formule lapidaire ce que Maurras eût peut-être appelé le dilemme d’Emmanuel Macron : « On ne peut pas être à la fois Jeanne d’Arc et Steve Jobs ». Tout est dit ! Nous aurons d’ailleurs à revenir sur le propos de Buisson à propos du phénomène Macron.
Jean Guitton – un bon maître de jadis – nous a enseigné qu’il y a, en réalité, dans tout centrisme, toute prétention au juste milieu |Ni de droite, ni de gauche ou bien et de droite et de gauche] ce qu’il appelait une prévalence, un des éléments qui prévaut, domine, surplombe … En la matière, l'équilibre est illusion. Qu’est-ce donc qui est prévalent chez Macron du patriotisme ou du mondialisme, de Jeanne d’Arc ou de Steve Jobs, pris comme mythes ou personnifications des deux grands termes du dilemme ?
L’avenir confirmera ou infirmera ce que nous en pensons à ce jour : ce qui devrait l’emporter chez Macron ressort de sa formation politique, des milieux d’où il est issu, qui l’ont soutenu, de la pente même du Système qu’il a bien plus sauvé, d’une échéance qui aurait pu lui être contraire, que renversé. Ce qui devrait l’emporter chez Macron, c’est la fuite en avant dans l’européisme fédéraliste, l’intégration dans le mondialisme financiarisé, la soumission aux lobbies et aux injonctions supranationales immigrationnistes, l’idéologie diversitaire, le libéralisme sociétal.
Ce que nous pensons et redoutons pour la France, qui porte sur le plus grave, sur l'essentiel, c’est que Macron finisse toujours par être bien plus Steve Jobs que Jeanne d’Arc. •
* Expression de Pierre de Meuse