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Actualité France - Page 405

  • Égalité femmes-hommes : résister à l'oppression patriarcale par l'orthographe

     

    Une humoristique tribune de Solange Bied-Charreton*

    Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a publié un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe. Solange Bied-Charreton en a parcouru les bonnes feuilles. On en rira. Parce que c'est drôle. Et même grotesque. On apprenait dans les classes, il fut un temps, que le grotesque est l'une des catégories du comique. Il allie le ridicule qui fait rire à l'effroi qui glace. En voici un exemple excellemment commenté. LFAR   

    On ne remerciera jamais assez Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Gaëlle Abily, rapporteure, et toute leur équipe de professionnel.le.s (sic) de l'égalité de nous avoir enfin fourni ce « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe ». Il était temps. Rappelons tout de même que, comme le souligne l'introduction du dit guide, « sans une vigilance continue, les stéréotypes de sexe sont reproduits, parfois de manière inconsciente ». Ce manuel est donc plus que bienvenu.

    La fière équipe du Haut conseil nous propose donc, sous la forme d'un pdf, dix recommandations pour une rééducation efficace et une meilleure pratique de la novlangue. « La langue, y est-il écrit, reflète la société et sa façon de penser le monde. » Museler le locuteur apparaît ainsi le moyen le plus sûr pour pérenniser l'idéal d'indifférenciation résultant de la périlleuse confusion entre différence et inégalité. La première des recommandations vise à « éliminer toutes expressions sexistes ». On pense, bien sûr, au si joli « mademoiselle » qui cachait mal, en fait, une volonté d'humilier les femmes célibataires. Plus loin, on nous indique de veiller à user du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et à toutes: c'est ici que les « é.e.s » et autres « l.le.s » interviennent. Comme dans « représenté.e.s », pour être certains que tout le monde le soit, ou dans « professionnel.le.s », pour montrer qu'on est qualifiés. Une tautologie astucieuse au service de la dénonciation d'une injustice criante : le masculin qui l'emporte sur le féminin. Il est là, le véritable scandale. Sectionner les désinences à l'aide de points - bizarrement les slashs n'ont pas remporté l'unanimité - est une manière de dire qu'on résiste courageusement à l'oppression patriarcale perpétuée par l'orthographe française. Au Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, l'analphabétisme est un humanisme. Ce qui rassure vraiment, puisqu'on apprend aussi que des linguistes ont participé à l'élaboration de ce guide. Plus loin, on nous demandera de ne pas réserver aux femmes les questions sur la vie personnelle, et notamment sur la vie de famille. Plutôt que d'encourager à la sobriété et à la discrétion, tout le monde est invité à étaler ses drames intimes. Pas certain que ça joue en faveur de la lutte contre le sexisme, mais essayons toujours. La septième recommandation a, enfin, particulièrement attiré notre attention : parler « des femmes » plutôt que de « la femme », de la « journée internationale des droits des femmes » plutôt que de la « journée de la femme » et des « droits humains » plutôt que des « droits de l'homme ». Surtout faites-vous plaisir et tentez autant que faire se peut d'être le plus pédant possible pour échapper au piège de l'essentialisme, on aurait vite fait de savoir de quoi vous parlez. Enfin le 8 mars, messieurs, le Haut conseil vous demande spécialement d'éviter d'organiser des concours de beauté, d'offrir une rose ou une plante verte au personnel féminin. Vous seriez bien accueillis, c'est aussi ça le problème.

    En somme, ce Guide aurait pu être une parodie, disons qu'il aurait peut-être mieux valu. D'aucuns diront qu'il n'est pas très productif de tirer sur une ambulance, avouons toutefois que ça reste divertissant. Si l'on se trouvait au beau milieu d'un film de Jean Yanne, par exemple, ç'aurait été parfait. Le problème c'est que c'est la réalité. Et le plus angoissant, au sujet de cette époque, n'est sans doute pas que tout y puisse être prétexte à plaisanterie, mais bien que personne n'éclate de rire. Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes est tout de même une instance consultative officielle, placée auprès du Premier ministre, c'est-à-dire qu'hélas ce n'est pas une blague. Ce qui est triste, c'est que ce « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe » ne servira finalement à rien. La conviction profonde des membres du Haut conseil consistant à penser qu'en supprimant ou en modifiant des mots on supprimera les réalités s'y rapportant est, quant à elle, émouvante.

    Solange Bied-Charreton (FigaroVox)            

    Solange Bied-Charreton est écrivain. Son dernier roman Nous sommes jeunes et fiers est publié chez Stock

            

  • Etre (ou ne pas être) républicain : Frédéric Rouvillois jette un pavé dans la mare de nos consensus mous

    Tout le monde se revendique républicain, alors qu’en réalité personne ne le serait vraiment
     
     
    Après avoir donné un important entretien au Figaro [voir notre publication du lundi 28 octobre : « Le mot ‘République' est à la fois vide et sacré »] Frédéric Rouvillois rouvre le débat sur la République sur le site Atlantico. Et il répond à quelques unes des objections qu'Eric Zemmour lui a opposées dans le même Figaro. Ainsi, le débat sur la République, sur ses valeurs, sur la pertinence de la forme républicaine de l'Etat, sur la dialectique république ou monarchie, se prolonge et s'approfondit ... A vrai dire, cette sorte de contestation de la République, semble être devenue latente, voire banale, dans le débat politique français. Est-ce une tendance lourde ? Sans doute. Lafautearousseau 
     
    Depuis les débats qui ont suivi les attentats de Charlie Hebdo, la surutilisation des termes "républicains" et "République" semble avoir désactivé leurs contenus. Mais leur définition n'a-t-elle jamais été fixe depuis la révolution française ?

    Des républicains antimondialistes aux républicains européistes, des républicains souverainistes aux républicains libéraux, du FN au Front de Gauche, de Hollande à Sarkozy, tout le monde se revendique républicain, alors qu’en réalité personne ne le serait vraiment. La République a beau se retrouver sur toutes les langues des politiques et sous toutes les plumes, la belle est portée disparue. La litanie des "valeurs républicaines", religieusement psalmodiée, à chaque sermon politique depuis les attentats du 11 janvier, sonnerait complètement creux.

    Tel est le pavé que Frédéric Rouvillois jette dans la mare du consensus mou en démontrant, dans son nouvel essai, "Etre (ou ne pas être) républicain", qu’il est impossible de déterminer ce qu’est la République, et que par conséquent celle-ci serait indéfinissable et insaisissable. 

    Le parti pris est audacieux, le constat déconcerte, l’analyse déroute et la conclusion met mal à l’aise. Sous le poids d’une argumentation historique bien étayée, Frédéric Rouvillois s’amuse à faire vaciller cette République que l’on croyait indéboulonnable, bien installée sur son sacro-saint triptyque Liberté-égalité-fraternité, auquel s’est ajoutée l’incontournable laïcité et fait voler en éclat nos préjugés de citoyens engagés.

    frederic-rouvillois.jpgIsabelle Marchandier : Dans sa chronique du Figaro de la semaine dernière, Éric Zemmour vous accuse de vouloir "déconstruire une République qui n'existe plus" et ce faisant de "mettre une claque à votre grand-mère"…Que lui répondez-vous ?

    Frédéric Rouvillois : J'ai infiniment d'estime pour Éric Zemmour et pour les combats qu’il mène tambour battant, à la hussarde, ou plutôt, à la façon des soldats de l'an II, qui sont à la base de sa mythologie personnelle. Mais là je crois qu'il se trompe de cible. Le propos de mon petit essai n'est pas de déconstruire une République qui n'existe plus, mais de constater que "La République", en tant qu'essence, n'a jamais existé. Il y a eu, à toutes les époques, des Républiques aux innombrables visages, parfois démocratiques ou despotiques voire totalitaires, parfois libérales ou nationales, parfois universalistes ou particularistes. C'est pourquoi, dire de quelqu'un qu’il est républicains, ou qu’il ne l’est pas, n'a pas beaucoup de sens, comme le disait déjà Proudhon au XIXe siècle. Ce que je dénonce ici, ce n'est donc pas la République, d’hier ou d’aujourd’hui, c'est plutôt l'usage de ce mot, "républicain", et l'effet de sidération, d'hypnose, et d'occultation qui en résulte. Il suffit de prononcer ce mot sacré ou bien l'une de ses déclinaisons - comme les fameuses "valeurs républicaines" - pour que chacun se taise et s'incline. 

    Qu'à certaines époques, des Républiques aient effectivement défendu la nation et la souveraineté, comme le rappelle Éric Zemmour, ne fait aucun doute. Mais là où il y a abus, à mon sens, c’est de considérer ces thèmes, nation, souveraineté, etc, comme intrinsèquement liés à la République, ou à ce que Zemmour appelle les "anciens principes de la république", bref, à une République authentique, véritable, que l'on pourrait donc légitimement opposer, comme il le fait, à une République factice, contrefaite, usurpatrice, celle qui brûle tout ce que l'autre a adoré, et qui adore tout ce qu'elle a brûlé. Pour reprendre encore les termes d'Éric Zemmour, "les prétendus républicains d'aujourd'hui" ne sont, au fond, pas moins républicains que "les farouches républicains" d'hier, même si les uns bradent la nation que les autres ont voulu défendre jusqu'à la mort, la leur, et celle des autres. Simplement, ces derniers étaient des républicains patriotes, alors que les autres, convaincus que la patrie est désormais désuète et dépassée, ne le sont pas.

    Éric Zemmour reproche, à juste titre, aux républicains d’aujourd’hui de dire "la République pour ne pas dire la France () pour déraciner à nation et son peuple". Mais les républicains d'hier en furent-ils vraiment innocents lorsqu'ils proclamaient que la France commençait avec eux, et qu’ils s'acharnaient à éradiquer minutieusement la mémoire, et donc les racines de l'ancienne France, au nom d'un progrès nécessaire et d'une raison universelle ?

    Pour contrer la montée de la radicalisation islamiste et la désaffiliation nationale, en appeler à une République forte qui réaffirme l’autorité de ses principes ne servirait donc à rien ?

    Le suffrage universel, l’école, l’universalisme ou la laïcité, aucun de ces critères que l’on a l’habitude de citer pour définir la République ne sont spécifiquement républicains puisqu’ils existent dans des systèmes qui ne sont pas des Républiques tout en étant absents de nombreuses Républiques, passées ou présentes. Derrière le mot République, derrière cette unanimité de façade, il y a en fait un profond désaccord sur la chose. Si on prend l’exemple de ce que j’appelle "la légende républicaine", forgée sous la III République, on est frappé de voir comment cet ensemble d’idées et de thématiques s’avèrent incompatibles avec la réalité du fonctionnement de la Ve République. La primauté du parlement, l’absence d’incarnation du pouvoir, le principe de représentation sont à l’opposé de la démocratie directe et du référendum. Pour la gauche socialiste et radicale, la République gaullienne n’est pas une véritable République alors qu’a contrario pour le conservateur de droite gaulliste, la Vème République est un très bon système qui est parfaitement républicain. Le même mot sert à désigner des réalités antagonistes. La République de Vincent Auriol n’est pas celle du Général. Bref, la République des uns est donc l’anti-République des autres.

    Dans ces conditions, à quelle République faut-il en appeler ? Et à quels principes ? Si l’on ne sait même pas ce dont on parle, peut-on espérer contrer un mouvement qui menace jusqu’à l’existence même de notre civilisation ?

    Pourtant l’école républicaine a été clairement définie par l’école du mérite… Les intellectuels qui fustigent la réforme actuelle du collège, la suppression de l’épreuve d’histoire au concours de l’ENA ou encore l’idéologie pédagogiste qui prône l’autonomie du savoir au détriment de l’apprentissage, parleraient-ils dans le vide ?

    L’école dite républicaine, celle de la III république à laquelle font allusion Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet et d’autres, correspond trait pour trait à l’école qui est organisée à la même époque dans l’empire Allemand, qu’il n’est pas d’usage, à ma connaissance, de qualifier de républicaine. Ce que nos thuriféraires de l’apprentissage des fondamentaux appellent "l’école de la République", c’est une école mise en place en France à un certain moment, notamment par une certaine République et qui existe aujourd’hui dans des régimes qui ne sont pas forcément républicains. Récompenser les bons élèves, établir une sélection à l’entrée du lycée, n’a rien de spécifiquement républicain. Même si Jules Ferry a fait oublier Guizot, voire Charlemagne, la méritocratie n’est absolument pas l’attribut de la République. La promotion sociale existait sous la monarchie Française comme elle existe aujourd’hui sous la monarchie marocaine.

    Au fond, "L’école de la République", n’est qu’un grand mot employé pour mettre en valeur un discours, par ailleurs parfaitement légitime, mais qui n’a pas besoin de ce supposé supplément d’âme pour être compris par les Français.

    S’il y a une telle discordance entre la République en tant que représentation et la République en tant que réalité historique, est-ce à dire que le républicanisme est une idéologie ?

    Il y a un côté idolâtrie dans ce mot républicain qui est utilisé comme un grigri que l’on agite dans l’espoir d’exorciser nos peurs et nos angoisses et de faire disparaitre l’ensemble de nos maux : la crise du vivre-ensemble, la dépolitisation, la montée des extrémismes, etc, etc…Mais ce mot sert surtout à ne pas se poser certaines questions. Il suffit de prononcer le mot "républicain" pour que la messe soit dite. Son évocation induit une sorte de génuflexion mentale qui conduit au mutisme et à la censure du débat. 

    C’est un peu comme dans la Rome antique où lorsque l’empereur paraît, tout le monde se tait et se prosterne. Par ailleurs, si ce mot exorcise, il diabolise aussi en agissant comme un instrument pour exclure les concurrents menaçants, les ennemis politiques - comme le FN aujourd’hui ou les communistes avant-hier. Or, accuser le FN de ne pas être un parti républicain est un non-sens. Le FN peut se dire républicain au même titre que les autres partis. Ni moins, ni plus.

    Pourtant ce n’est pas parce que la république n’est pas, qu’elle n’existe pas ! La manifestation après les attentats contre Charlie Hebdo n’a-t-elle pas été une démonstration de ce que peut-être une République effective? Les 4 millions de gens réunis place de la République n’ont-il pas rendu vivant ce slogan "liberté-égalité-fraternité" pourtant si abstrait ?

    Même si cette marche a eu une signification importante, il faut rappeler que ce n’était qu’une infime minorité qui était présente dans la rue. Mais surtout, que cette marche "républicaine" du 11 janvier 2015 n’était pas en soi plus républicaine que la marche organisée à Madrid en mars 2004, au lendemain des attentats, n’était monarchiste ! Dans ces deux cas, ces marches contre le terrorisme n’étaient pas liées à la nature d’un régime politique mais à la volonté populaire de manifester une solidarité, une union, une appartenance. C’est plutôt vers l’adjectif "nationale" qu’il aurait fallu se tourner. Pendant la première Guerre Mondiale, lorsque tous les partis ont appelé à lutter ensemble contre l’ennemi, c’est l’union sacrée qui fut évoquée. Si, en janvier 2015, on avait osé parlé "d’union sacrée" ou "d’union nationale", on aurait sans doute été plus juste et plus fort que cette invocation à répétition du mot "républicain" qui ne signifie plus grand-chose et qui n’émeut plus grand monde.

    L’usage abusif et débridé du mot républicain serait donc révélateur d’une sorte de masochisme national qui empêcherait de prononcer le mot français, trop connoté… 

    Le mot "républicain" évite de dire France, Nation, élite, sélection, exigence, et même démocratie… C’est une sorte de vocabulaire de substitution qui permet de tout laisser entendre sans rien dire de précis. Il faudrait renoncer à avoir recours à ce mot fourre-tout pour pouvoir enfin désigner précisément les réalités et se poser les bonnes questions, à commencer par celle de la communauté, de l’appartenance à une même nation. Or, les gesticulations autour du mot républicain et de ses substantifs qu’on lui accole conduisent à éliminer cette question. Ce mot, "républicain",  joue désormais le rôle d’un rideau occultant qui conduit à faire l’impasse sur les vraies questions. Au nom de la République, on refuse de s’interroger sérieusement et posément sur l’identité nationale. La République se substitue à la question de l’identité, en rendant cette question absurde et presque obscène. A lui seul, le mot neutralise le débat, le rend sans objet. Pour un républicain, l’identité de la France, c’est la République, comme si la France n’existait que depuis 1792 et que tout ce qui n’était pas républicain, n’était pas français. Remplacer le mot "identité française" par le mot "républicain" permet d’occulter tout un pan de notre histoire, d’éliminer une grande partie de notre tradition, d’évacuer la problématique du Christianisme, et au fond de reconstruire à moindre frais un être politique qui ne s’appellerait France que par hasard.

    Vous faites confronter la République à sa réalité historique mais jamais vous ne la mettez à l’épreuve des problèmes actuels posés par le multiculturalisme et l’intégration des nouvelles générations issues de l’immigration, est-ce à dire que la République, de par sa nature floue et contradictoire et par son universalisme abstrait, est incapable d’y répondre ?

    Avant d’intégrer, il faut pouvoir incarner. On ne se rallie pas à une abstraction pure, sauf dans les livres de Kant ! Dans la réalité, il faut quelque chose de tangible, de visible, de connaissable et de reconnaissable. Même les religions se sont incarnées par un être divin vers lequel les yeux pouvaient se tourner et les cœurs s’ouvrir. Au mieux, la République est incarnée par Marianne. Sa création est d’ailleurs intéressante puisqu’elle montre bien que même les républicains n’ont pas pu se satisfaire d’une abstraction pure. Après avoir utilisé d’autres types de symboles, ils vont créer cette Marianne à l’iconographie changeante, cette déesse sans visage. Mais, je me répète, parler de la France, de son histoire, de son peuple, de son destin et de ses racines, serait sans doute beaucoup plus satisfaisant.

    Si comme dit Camus "mal nommer les choses, cest ajouter au malheur du monde." Etre ou ne pas être républicain, telle ne serait pas la question ?

    Toutes choses égales par ailleurs, ce petit essai se propose de procéder au même exercice salutaire que le rasoir d’Ockham, c’est-à-dire de contribuer à éliminer toute une série de questions et de considérations non seulement inutiles et dépourvues d’intérêt mais surtout trompeuses. Au terme de ma réflexion, je peux affirmer que le mot "républicain" n’est pas un mot pertinent dans le langage politique contemporain et devrait être relégué au musée des antiquités. 

    Propos recueillis par Isabelle Marchandier - Atlantico

    Frédéric Rouvillois est professeur de droit public et écrivain.

    Professeur agrégé de droit public à Paris V depuis 2002, où il enseigne le droit constitutionnel et le contentieux constitutionnel, il centre ses travaux sur le droit de l’Etat et sur l’histoire des idées et des représentations. Il est depuis 2004, conseiller de la Fondation pour l’innovation politique. il a publié en 2006 Histoire de la politesse de 1789 à nos jours et Histoire du snobisme en 2008.

  • « Faut que tu vas voir le mec, la vidéo, je l'ai vue » : un Bescherelle pour Benzema !

     

    par  Théophane Le Méné

    Alors que rebondit la polémique sur la sextape de Mathieu Valbuena, Théophane Le Méné déplore, dans Le Figaro, l'exemple que Karim Benzema donne aux jeunes générations qui l'admirent. Les sportifs auront leur avis. Passeront-ils sur le très vilain langage de Benzema, à cause de ses qualités de footballeur ? Sur le fond, bien-sûr, Théophane Le Méné a raison.  LFAR

    Il y a l'Histoire de France, il y a le Collège de France, il y a l'Institut de France. Et puis il y a l'équipe de France. Celle de football. La même qui nous offrit l'affligeant spectacle d'une mutinerie à Knysna ; la même qui nous servit avec une verve flamboyante un échange pour le moins pathétique entre un joueur et le sélectionneur - le premier enjoignait au second d'aller se faire voir chez les Grecs avant de le qualifier de progéniture de péripatéticienne, le tout dans un langage moins soutenu. La même toujours, qui nous fait régulièrement don d'envolées lyriques à la syntaxe étonnante. Nos anciens se plaisaient à consigner le génie des arts et des lettres, voici ce que la postérité ensilera comme un signe du déclin de notre temps : « J'ai couru jusqu' à quand ce que je pouvais / On est des joueurs qu'on va vite avec le ballon / C'est vrai qu'on vient de jouer contre une équipe qui sont vraiment très forte / J'espère que la routourne va tourner ».

    Ce qu'on aimait chez les forbans d'antan, c'était leur gouaille. À les écouter, on se préférait philologue à magistrat. Génie de l'invective, argot de rue confinant à la délicatesse, les dialogues de Michel Audiard témoignent d'une époque définitivement révolue. D'une époque, d'ailleurs, où le mot sextape n'existait pas. D'une époque où le joueur Mathieu Valbuena n'aurait pu filmer ses ébats. D'une époque où, en définitive, il n'aurait pas eu à négocier avec un Karim Benzema dont la principale turpitude, si l'on fait fi de l'odieux chantage qu'il aurait tenté d'exercer, réside dans le langage. Florilège: « Si tu veux que la vidéo elle soit détruite, mon ami, il vient te voir à Lyon / Moi je vais t'arranger la sauce. Faut que tu vas voir le mec (sic) / La vidéo, je l'ai vue il y a une semaine, avant de venir ». Beau tercet s'il en est, dans lequel on retrouve dislocations à gauche (ajout d'un pronom personnel juste après un sujet dans une phrase, figure de style favorite de François Hollande) et faute de temps. Mais surtout faute de goût.

    Certes, on trouvera des symétries entre une vidéo aux dialogues apriori bestiaux et les propos de l'attaquant madrilène. Certes d'aucuns diront qu'après tout à chacun sa spécialité et que les écrivains et les journalistes feraient sans doute moins les malins sur un terrain de football. Mais le langage est tout. Au cœur des interactions sociales, partie intégrante des représentations collectives, on ne saurait concevoir l'homme ni même la société sans le langage. Voulons-nous une société aussi pauvre qu'un tel langage, lorsque l'on sait que c'est précisément par la langue que l'homme assimile la culture, la perpétue et la transforme ? Souhaitons-nous que le langage reste un outil de domination de telle façon que hors de sa classe, chaque homme restera prisonnier de son langage ? Ou bien parviendra-t-on un jour à réconcilier langue, éthique et esthétique ? C'est à se demander. Car la France, du moins ses gouvernants, ils semblent s'en foutre royalement. 

    Théophane Le Méné, journaliste

  • 11 novembre 1918 : le défilé de la victoire, vu par Léon Daudet


    18135919.jpg« Le 11 novembre 1918, ce fut l'armistice de la Grande Guerre, attirée sur nous par le désarmement, l'incurie démocratique et l'aveuglement de tous les gouvernements de la République, auxquels cette terrible épreuve, du reste, n'a pas servi.

     L'Action Française prit place dans le vaste défilé qui s'organisa de la place de l'Etoile aux Tuileries, au milieu d'un enthousiasme délirant.

     Il n'y en avait que pour Clemenceau, qui faillit être étouffé et écrasé, en se rendant à une estrade, sise place de la Concorde, non loin de la rue Saint-Florentin.

    Des petites boutiques aux couleurs alsaciennes, aux noms de villes et de bourgs d'Alsace, où l'on vendait des drapeaux et des cocardes, décoraient l'avenue redevenue glorieuse, que garnissaient, de chaque côté, des centaine set des centaines de caissons et de canons, pris aux Boches par l'armée Mangin.

    Des avions traversaient l'air, volant bas, au milieu d'acclamations, de chants, de fanfares.

    C'était le débordement de la joie, le déliement de l'angoisse immense, aussi vaste que la nuit, et que l'océan.

    Tout avait la couleur, le goût, le tressaillement de l'aube. Un puissant espoir se levait au-dessus du charnier le plus pathétique de l'histoire moderne, charnier voulu par toute l'Allemagne et par toutes les créatures de l'Allemagne, par malheur insuffisammment châtiées.

    La France brillait tel un beau fruit, au sommet de l'arbre dur de la dure victoire. Mais le ver, la République, restait dans le fruit. On allait le voir.»

     

    Léon DAUDET

    Paris vécu, Première série, rive droite, pages 195/196

     

  • Démographie française et inconséquence républicaine

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgLa démographie est une science éminemment politique, et cela est encore démontré par le cas français, aujourd’hui évoqué par Le Parisien-Aujourd’hui, sous le titre peu rassurant « La France en panne de naissances » : « Jamais depuis 1999 on n’avait fait aussi peu de bébés les neuf premiers mois d’une année. Près de 16 000 manquent à l’appel », soit une baisse de presque 3 % par rapport à l’an dernier (environ 2,75 %), ce qui est considérable, même s’il faut être prudent sur la suite, l’année n’étant pas terminée. Mais il y a peu de chances (sauf miracle) que la tendance actuelle s’inverse, malheureusement. 

    L’explication classique est d’évoquer la difficulté des temps présents, la crise et ses conséquences sur l’emploi : alors qu’il y a près de 6 millions de chômeurs, que « près d’un jeune sur quatre se retrouve au chômage, quand même le diplôme commence à ne plus être un sésame pour décrocher un emploi », comme le souligne l’économiste interrogé par le quotidien, « les familles s’interrogent ». Pourtant, la crise ne date pas d’hier, et, jusque là, cela n’avait pas empêché la démographie française de rester l’une des plus dynamiques d’Europe, atteignant, il y a quelques années, un taux de fécondité de plus de 2 enfants par femme en âge de procréer… 

    En fait, au-delà des explications économiques ou sociologiques (qui ne sont pas inintéressantes mais qui ne sont pas les plus déterminantes), c’est bien l’explication politique qui est, en ce domaine, la plus crédible et la plus importante. Le Parisien-Aujourd’hui évoque « les errances des politiques familiales conduites depuis 2011 » : or, « ce qui semble compter (…), c’est davantage la stabilité de la politique familiale que sa générosité. En France, depuis la guerre, cette politique a été sanctuarisée par tous les gouvernements de droite et de gauche. Jusqu’à récemment. » En fait, depuis quelques années, la République, soucieuse de faire des économies « faciles », n’a pas hésité à remettre en cause cette stabilité jusque là « heureuse », même s’il était encore possible d’améliorer la politique de protection familiale, en particulier en renforçant les capacités d’accueil des nourrissons et des enfants en bas âge, mais aussi en instituant (ce que les gouvernements successifs n’ont pas osé, pour des raisons parfois plus idéologiques que logiques…) le « salaire maternel », que je préfère appeler, au regard des nouvelles réalités sociologiques françaises, le « salaire familial ». 

    Dans cette remise en cause de la politique familiale traditionnelle, droite et gauche sont également coupables, et M. Fillon tout autant que MM. Ayrault et Valls : quand le premier ministre de Nicolas Sarkozy, en faisant sa réforme des retraites en 2010, supprimait cette possibilité pour les fonctionnaires mères de trois enfants de partir à tout âge après quinze ans de bons et loyaux services, il cédait aux injonctions de l’Union européenne qui y voyait une discrimination envers les pères, la Commission de Bruxelles oubliant dans sa folie égalitaire que, jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les femmes, et elles seules, qui peuvent enfanter et y sacrifient, au-delà même de l’accouchement et pour les jeunes années de leur progéniture, de nombreuses années et de précieuses (et heureuses tout autant que bienveillantes…) énergies. J’avais, à l’époque, signalé à mes collègues et à mes élèves, que cette mesure apparemment anodine, ouvrait la porte à une déconstruction de la politique familiale et à des conséquences négatives sur la démographie de notre pays car elle envoyait un mauvais signal aux femmes (mais aussi à toute la société) qui n’avaient plus cette reconnaissance de leur statut particulier quand elles étaient mères de famille dite nombreuse.

    Le-Prince-Jean-et-sa-famille-199x300.jpg

    Une famille de France... 

    La gauche, en remettant en cause l’universalité de la solidarité publique par la baisse des allocations familiales versées aux familles dites aisées (mesure entrée en vigueur cette année), mais aussi et surtout par la réforme du congé parental qui, en définitive, a fait des économies sur le dos des familles (environ 860 millions d’euros, dit-on, pour l’ensemble des mesures) et particulièrement des mères elles-mêmes, obligées de « donner » une part de leur temps de congé à leur conjoint pour des motifs qui se veulent, là encore, d’égalité… 

    En tout cas, les (mauvais) résultats sont là et certains s’inquiètent de la fin d’un « miracle démographique français » qui risque d’avoir des conséquences sur le système même des retraites par répartition : moins d’enfants à naître c’est des retraites plus difficiles à financer, en définitive… Là encore, la France risque de payer d’un prix lourd l’inconséquence d’une République qui navigue à vue et ne sait ni prévoir ni préparer « l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie », selon la fameuse formule du maître de Martigues… 

    le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Déclarations sibyllines… ou simplement crétines ?

     

    par Antoine d'Hermé

    Les valeurs de la République, si souvent évoquées ad surditatem, on ne sait toujours pas très bien ce que c’est. En revanche, nous disposons désormais d’une définition précise de la laïcité. Elle nous a été livrée par Najat Vallaud-Belkacem le 5 novembre dernier, à l’occasion de la « journée des référents laïcité » (sic) : « C’est l’équilibre ainsi patiemment construit dont nous sommes aujourd’hui les dépositaires, avec la pleine conscience que le péril de l’intangibilité, du refus de toute évolution, est tout aussi attentatoire à l’essence même de la laïcité que la tentation de l’adaptation du mouvement permanent ».

    Voilà, à présent vous êtes fixés ! Rendez, s’il vous plaît, à Najat Vallaud-Belkacem le service de lui expliquer ce que cela veut dire, car, à l’évidence (il faut voir la vidéo*), elle ne comprenait pas le moindre mot de ce qu’elle disait (lisait) devant un aréopage de « laïcs » (forcément !).

    Entre cette prestation de haut vol qui restera dans l’anthologie des déclarations des membres du gouvernement de la France, et l’ignorance démontrée de Myriam El Khomri, qui a un besoin urgent de quelques cours de droit social (chaudement recommandés lorsqu’on est ministre du travail), difficile de dire laquelle de ces deux égéries hollandesques méritera la palme de l’incompétence (palme qui peut être décernée au moins chaque semaine, tant les membres du gouvernement nous abreuvent régulièrement d’âneries désespérantes).

    Mais, à leur décharge, souvenons-nous qu’ils respectent « l’exemple donné par le chef », comme dans toute bonne organisation hiérarchisée. Les déclarations orales et écrites du président de la République laissant perplexes leurs destinataires ; ainsi, épinglé dans le Figaro du 4 septembre dernier sous la plume de Christian Combaz, un communiqué émanant de l’Elysée et consacré à la grande question des migrants, truffé de fautes d’orthographe, ce qui est déjà grave, mais aussi et surtout d’expressions incompréhensibles. Jugez plutôt :

    « …une interpellation à l’égard de la conscience »

    «…au registre de l’émotion que nous avons » 

    « Il est donc tout à fait nécessaire d’avoir un mécanisme qui puisse prendre la situation de chaque pays » 

    « Nous avons la responsabilité de faire en sorte qu’une solution politique puisse être trouvée » ;

    Et la meilleure, qui mérite la palme :

    « …pour que nous puissions mettre en œuvre une politique d’immigration et d’accueil qui soit digne de ce que nous représentons lorsqu’il s’agit de personnes qui n’ont pas vocation à venir ici et qui soit humaine pour que les réfugiés puissent être, dans la mesure du possible, lorsqu’il n’ont pas d’autre issue, accueillis en Europe ».

    Lorsque le mauvais exemple vient d’en-haut, que peut-on attendre en bas ?…  •

    * Le Petit Journal de canal + du 5 novembre 2015 (dans les dernières minutes).

  • L’Europe est formidable !

     

    par François Marcilhac

     

    500021990.jpgL’Europe est formidable. On le sait, mais il convient de ne pas l’oublier pour garder intactes sa capacité à prendre du recul et celle, non moins nécessaire, à résister au panurgisme.  

    Car l’Europe est une matière inépuisable. Pas un jour où elle ne surprend même les plus blasés ou les plus rassis, contraignant chacun à garder une certaine fraîcheur, levain des indignations productives, faute de quoi on risquerait de la prendre au sérieux, ce qu’il faut faire, évidemment, mais pour les catastrophes qu’elle provoque, non pour les intentions qu’elle affiche — restaurer le paradis terrestre via l’extension à toute la galaxie de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, puisque telles sont les frontières de l’Europe, non pas géographiques ni historiques, par définition affreusement identitaires, mais idéologiques.

    Ainsi, on apprend que la Commission européenne — le bras armé de la démocratie universelle — va « analyser minutieusement » le rapport du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la santé, qui a classé, comme par hasard à quelques semaines de la COP 21 — les végétaliens dénoncent l’élevage parmi les causes anthropiques du réchauffement climatique —, comme aliments possiblement cancérigènes, la viande rouge, la charcuterie ... et les cornichons ! — les media les ont occultés, on se demande bien pourquoi, mais il suffit de se rendre sur le site de CIRC pour s’en assurer. Et Bruxelles d’ajouter : « Nous tiendrons compte des résultats  », ce qui ne peut que nous rassurer. Nul doute que la Commission ne prépare déjà une directive « Viande froide et cornichons » qui aura pour effet de supprimer ces deux violents poisons des buffets : chacun sait qu’elle veille sur notre santé avec le désintéressement d’une mère Teresa. Une nouvelle preuve ? En réponse à la tricherie, de qualité toute allemande, commise par Volkswagen, n’a-t-elle pas avoué qu’elle soupçonnait la fraude depuis deux ans déjà ? Selon le Financial Times du 25 octobre, le commissaire européen à l’Environnement a averti dès 2013 ses collègues que des constructeurs truqueraient des moteurs pour fausser les tests antipollution. Et que croyez-vous que la Commission fit ? Rien évidemment. Et que croyez-vous qu’elle a décidé de faire ? Edicter de nouvelles normes sur la pollution des moteurs diesel ...qui introduisent des marges de tolérance plus larges encore pour les constructeurs ! Bref, récompenser Volkswagen et satisfaire Merkel !

    Oui, l’Europe est vraiment formidable ! Une dernière preuve : les emballages en carton recyclé seraient cancérigènes, car ils déposeraient des résidus d’hydrocarbure sur les aliments, selon l’ONG Foodwatch, qui a reçu le soutien du Réseau environnement santé, lequel a notamment contribué à la dénonciation des perturbateurs endocriniens, comme le Bisphénol A, dans de nombreuse maladies. Que fait l’Europe ? Rien évidemment, sinon, là encore, avouer par le biais de l’Agence sanitaire européenne, être au courant depuis trois ans au moins : dans un avis de 2012, l’agence indiquait que l’exposition à ces substances par la nourriture était « une préoccupation potentielle ». 

    Qu’on ne se méprenne pas : nous ne réclamons pas plus de réglementation bruxelloise arbitraire n’ayant pour seul effet que d’étouffer nos différents modes de vie. Non, mais nous n’aurions rien contre un collaboration entre Etats voisins et souverains visant à améliorer la santé publique, notamment en matière de sécurité alimentaire ou de qualité de l’air, à partir du moment où il s’agirait de faire pièce aux lobbies, que ces derniers soient économiques, financiers ou politiques — ce qui, il est vrai, aurait pour déplorable effet de rappeler qu’avec sa haine du nucléaire, compensée par une émission exponentielle de carbone, un Allemand écolo pollue deux fois plus qu’un Français radioactif. De fait, ce n’est ni au diesel ni au sans plomb que carbure l’Europe, c’est aux groupes de pression. C’est pourquoi il convient de dénoncer une institution criminelle qui, loin de se préoccuper de la santé ou du bien-être des quelque 500 millions de semble-citoyens européens que nous sommes, n’hésite pas à favoriser des pratiques nocives ou à faire semblant de les combattre pour mieux satisfaire les différents groupes de pression dont elle n’est que la courroie de transmission. Une institution dont, il est vrai, les membres sont généreusement rétribués pour leurs bons et loyaux services, une fois l’heure de la retraite venue. Ainsi Ludovic Greling établit comment « l’évolution des membres de l’ancienne Commission Barroso, [...] montre l’ampleur des liens troubles qui existent entre ceux qui établissent les lois européennes et les instituts d’affaires  ». Je vous laisse aller voir : c’est édifiant [1] !

    Comme est édifiante une autre dissémination, due, celle-là, non pas au diesel, sauf celui qu’utilisent les bateaux, mais ouvertement à l’Europe, favorisée avec une détermination toute germanique par mère Angela-des-Migrants — une seconde mère Teresa — et servilement accompagnée par nos dirigeants. C’est le socialiste Malek Boutih qui, en janvier dernier, en réponse à la « politique de peuplement » voulue alors par le Gouvernement pour mettre fin à un « apartheid  » (dixit Valls) social et ethnique qui était, paraît-il, la vraie cause des attentats, déclarait au Figaro : « Ce que refusent les maires, de gauche comme de droite, ce n’est pas de construire du logement collectif, c’est d’attirer une population islamiste. On ne fera pas disparaître les foyers radicaux en les disséminant. » Pourtant, le Gouvernement a manifestement décidé d’accélérer ladite dissémination. Et de mettre au pilori quelques communes récalcitrantes où le préfet pourra préempter des terrains pour construire du « logement collectif  ».

    Les Français accepteront-ils encore longtemps d’être conduits à l’abattoir comme de misérables bovins voués à accompagner des cornichons ? Déjà, parmi d’autres, les Autrichiens, les Danois ou les Polonais réagissent, à la suite des Hongrois. Les Suisses, qui sont hors Union, mais sont affectés par sa politique, ne sont pas en reste. On dit même que les Allemands, du moins ceux de la CSU... Les Français qui, d’ordinaire, pour le meilleur et parfois pour le pire, ont l’habitude de montrer la voie, seront-ils les derniers à se lever ? 

    L’Action Française 2000

    [1] http://lafautearousseau.hautetfort

  • Autorité et légitimité

     

    par Louis-Joseph Delanglade 

    M. Sarkozy exagère à peine en disant qu’ « il n’y a plus d’autorité de l’Etat ». Il oublie cependant un peu vite son propre bilan, plutôt négatif dans un domaine où il a toujours privilégié la « com ». De plus, taraudé par un F.N. qu’il ne peut plus se permettre de mépriser, il montre surtout qu’il est d’abord un politicien opportuniste essayant de profiter au mieux d’un contexte sondagier « porteur ». Ainsi, en septembre, 72% des personnes interrogées par l’IFOP considèrent que « l’Etat et les pouvoirs publics ne font pas preuve de suffisamment d’autorité »; en octobre ils sont même 40% qui osent souhaiter « un régime autoritaire ». Diable ! Ce ne sont certes que des sondages, mais n’y aurait-il pas quelque chose de pourri en République française ? Le fait est que même M. Legrand chroniqueur du 7-9 de France Inter reconnaît qu’ « il y a une vraie demande d’autorité, de restauration d’un ordre civique de base ». 

    Les Français, et c’est bien naturel, attendent de l’Etat qu’il remplisse la première de ses missions : assurer l’ordre et punir vraiment et sans aucune faiblesse ceux qui le remettent en cause au gré de leurs caprices ou de leurs intérêts. Les préserver donc de la « chienlit ». Or la liste s’allonge des troubles à l’ordre public tolérés et non sanctionnés mais aussi des reculades incessantes du gouvernement dans tous les domaines. MM. Valls et Hollande, forcément responsables - et coupables - de la situation actuelle et de la frustration de nos compatriotes, pensent bien entendu, conformément à leur idéologie, que le progrès socio-économique est seul à même d’apaiser les esprits et de permettre ainsi la restauration de « l’ordre républicain ». L’ennemi pour eux, c’est d’abord l’ « apartheid » socio-ethnique et ses conséquences pour l’emploi - ce qui revient à mettre en accusation la France elle-même. Vu leurs résultats pour l’instant calamiteux, on risque de toute façon d’attendre encore un peu…  

    Il ne faut pas nier les vertus de l’autorité, ni même mépriser le recours salvateur, mais exceptionnel et temporaire, à la dictature comme chez les Romains de l’époque républicaine. Mais, pour être plus satisfaisante que le tropisme de la permissivité qui caractérise la gauche, la conception droitière et autoritariste d’une « France poignarde » paraît limitée sur le plan politique. On voit bien ce qu’est devenu son dernier avatar, la Vème République, littéralement rongée par un parlementarisme rampant et un électoralisme débridé. En fait, l’autorité chez nous, plus qu’ailleurs peut-être, sera d’autant mieux acceptée qu’elle sera perçue comme légitime, c’est-à-dire en accord avec notre être profond tel que l’Histoire l’a façonné, et qu’elle s’exercera de façon paisible : c’est là le sens et l’esprit des diverses « restaurations » de l’ordre royal, celles de Henri IV et de Louis XVIII pour ne citer que les plus célèbres. En regard, la prétendue « légitimité démocratique » censée auréoler un chef de faction venu au pouvoir par le suffrage n’est qu’une sorte d’oxymore qui confine au non sens pur et simple, l’heureux élu étant le plus souvent minoritaire dans la réalité (à preuve le vrai pourcentage de M. Hollande en 2012 et celui de M. Sarkozy en 2007) et jamais vraiment reconnu par ses adversaires, la compétition élective demeurant la règle. 

     

  • LIVRES • L’intelligence de Pierre Manent

     

    par Anne Bernet

     

    anne bernet.pngLes événements de janvier 2015 auront été un terrible révélateur de la crise fondamentale à laquelle notre pays et nos institutions se trouvent confrontés. Ils ont souligné, avec la présence sur notre sol d’un ennemi de l’intérieur prêt à frapper partout et à n’importe quel moment, l’incapacité absolue de nos dirigeants à trouver une réponse à un problème qui conduira, à moyen terme, si l’on n’y remédie pas très vite, non à la fin du « vivre ensemble » dont on nous rebat les oreilles, mais à l’éclatement pur et simple de notre société.

    Entre nos compatriotes juifs envisageant de quitter une nation à laquelle ils n’ont plus le sentiment d’appartenir et où ils se sentent en danger, une communauté musulmane politiquement ectoplasmique, sauf pour revendiquer plus de privilèges, indifférente au djihadisme, incapable d’envisager une adaptation de l’Islam aux nécessités françaises, et des Français exaspérés qui n’acceptent pas de disparaître, la rupture sera tôt ou tard consommée et irréparable. Comment en sommes-nous arrivés là ? Reste-t-il un moyen d’échapper au pire ?

    Pierre Manent prévient d’emblée que les solutions qu’il préconise fâcheront tout le monde. Elles méritent pourtant d’être lues, pesées, réfléchies attentivement car, si elles ne sont pas fatalement applicables, elles contiennent cependant d’excellentes pistes de réflexion. Surtout, cet essai met en évidence l’inadéquation des idéologies à bout de souffle de nos politiciens avec les enjeux de l’heure et l’urgence de rompre avec une pensée unique qui conduit, c’était d’ailleurs son but, à la mort des nations en général et de la nôtre en particulier. Un livre intelligent, ô combien, alors que l’intelligence semble faire si cruellement défaut à nos dirigeants. 

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    Situation de la France, de Pierre Manent, Desclée de Brouwer, 175 p., 15,90 euros. 

  • SOCIETE • Robert Redeker : le « gérontocide » sera-t-il le génocide du XXIe siècle ?

     

    A l'occasion de la sortie de son dernier livre Bienheureuse vieillesse, Robert Redeker a accordé un grand entretien à FigaroVox. Pour lui, il faut sauver la vieillesse de l'élimination : car sans elle, c'est notre civilisation qui est menacée de s'éteindre. Bien d'autres dangers la menacent aussi. Y compris une proportion trop faible de jeunes-gens. Mais Robert Redeker nous paraît voir juste lorsqu'il dénonce une société qui bloque la fluidité des âges. Et une idéologie qui refuse le passé comme elle ignore l'avenir. LFAR    

    Redeker.jpgVotre dernier livre Bienheureuse vieillesse est un éloge de l'âge. Faut-il se réjouir de de vieillir ?

    La vieillesse nous libère de bien des fardeaux, dictés par la biologie et l'imaginaire, qui pèsent sur la jeunesse et l'âge mûr. Cicéron et Sénèque le savaient, notre société l'ignore : la vieillesse est libération. Elle débarrasse l'être humain de certains obstacles à sa liberté. La vieillesse est l'âge du bonheur, de la sagesse.

    L'habitude n'existe pas de présenter la vieillesse comme une libération. Il est vrai qu'elle peut, à l'extrémité de la vie, enchaîner au corps, servitude qui peut rendre enviable l'euthanasie. Pourtant la vieillesse, ce que les Stoïciens avaient remarqué, libère les êtres humains des fardeaux liés aux désirs qui rendent intempérants, qui soulèvent des tempêtes de chair, en particulier les désirs sexuels. Ces désirs rendent esclaves, c'est un fait. Mais souvent aussi ils se transforment en passions dévastatrices empêchant toute forme de bonheur. Ils partent en guerre contre le bonheur, que souvent ils détruisent. Livré à eux-mêmes, les désirs de cette farine empêchent, contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire, un bonheur durable et serein (dont l'éternité en paradis, une éternité, j'insiste sur ce point, du corps et de l'âme, de la personne ressuscitée avec son corps, est la figure métaphorique) de s'installer. Cette idée-là de l'éternité laisse entendre la possibilité d'un corps non enchaîné aux désirs. La vieillesse rend plus facile l'exercice des aspirants à la sagesse et des mystiques, auquel la plupart des humains échouent quand ils veulent s'y essayer : le renoncement.

    Libération, la vieillesse est surtout une chance. Celle de redécouvrir le temps et la consistance des choses.

    Selon vous, la société contemporaine serait obsédée par la jeunesse. Pourquoi ?

    Alain Finkielkraut en a établi le constat bien avant moi, et l'a bien mieux dit. C'est parce qu'elle refuse le temps et sa caducité que notre société ontologise la jeunesse. Rappelons-nous de l'opposition entre Parménide, le philosophe de l'Etre, et Héraclite, le philosophe du Devenir. Tout est, affirmait Parménide. Rien n'est, tout passe, on ne se rebaigne jamais dans le même fleuve, prétendait Héraclite. Ontologie est le nom du discours sur l'Etre, celui de Parménide. Depuis les années 60, en lien avec le triomphe planétaire de la société de consommation, la jeunesse a été ontologisée. Elle a été figée en Être excluant le Devenir. De cette ontologisation découle l'impératif collectif de rester jeune jusqu'aux bords du tombeau. Pour nos contemporains, ne plus être jeune, c'est ne plus être. Nous avons refusé de voir dans la jeunesse un devenir sans retour, une transition, un passage, une étape sur le chemin de la vie, un moment dans son écoulement. Disciples de Parménide sans le savoir, nous avons figé la vie dans un seul de ses âges, la jeunesse, déclassant tous les autres, favorisant la honte de ne plus être jeune. Le Tartuffe contemporain, au temps où les corps s'exposent volontiers dans tous leurs charmes, dira plutôt: cachez votre vieillesse que nous ne saurions voir. Oui, nous avons arrêté la jeunesse dans une trompeuse éternité.

    Vous abordez assez peu la question du jeunisme sous l'angle économique. Mais l'autre nom de cette idéologie n'est-il pas tout simplement le capitalisme ?

    Le fanatisme de la jeunesse est lié à la modernité bien plus largement qu'au seul capitalisme. Dans « Notre avant-guerre », lorsqu'il conte son périple dans l'Italie mussolinienne, Brasillach observe que « jeunesse » est « le mot de passe » du fascisme. En même temps, l'U.R.S.S. exaltait la jeunesse comme jamais. Sous toutes ses formes - fascistes, communistes ou consuméristes - le jeunisme est surtout anti-bourgeois, il est un anti-bourgeoisisme systématique.

    Par-delà leurs abyssales différences, en particulier l'opposition entre l'hédonisme et l'héroïsme, l'ontologisation de la jeunesse hissée au rang de valeur suprême couplée à la haine du bourgeois, rassemble les contestataires de Mai 68 et les jeunes fascistes des années 30.

    Derrière la question de la vieillesse, il y a aussi la question du passé. Le jeunisme est-il aussi un moyen de faire table rase de celui-ci ?

    Le jeunisme est l'idéologie d'un temps qui veut faire table rase du passé. « Du passé faisons table rase », était l'hymne du progressisme - à tout le moins du progressisme mal compris, éradicateur. Mais l'époque actuelle veut aussi supprimer l'avenir. Elle ne veut de racines ni dans le passé ni dans l'avenir. Elle ne veut être ni redevable ni responsable. Ni redevable au passé ni responsable devant l'avenir - d'où la crise de l'éducation. La destruction irréversible de l'école par Mme Valaud-Belkacem est une suite logique de ce double refus. Comment éduquer quand il n'y plus rien à transmettre et plus rien à promettre ? Voilà pourquoi les vieux inquiètent : au sein de ce vide temporel qu'est devenu notre société, ils sont la présence du passé, la présence et le présent des racines, leur présence témoigne en faveur de l'exigence de transmettre, pour que ce qui fut par le passé soit dans l'avenir (les œuvres, la langue, les bonnes meurs). Parallèlement à son « du passé faisons table rase », l'hymne de notre époque pourrait aussi être la chanson des Sex Pistols, le groupe punk des années 80, « No future ». Or, les vieux et la vieillesse représentent une promesse d'avenir. L'impératif que nous impose le jeunisme, « rester jeune », ce n'est pas seulement arracher les racines, c'est aussi, c'est surtout, refuser qu'on ait un avenir. C'est refuser l'avenir, tout simplement parce que l'idée d'avenir suppose celle de passage. Que la vieillesse soit une promesse d'avenir est, tout en restant incompréhensible à nos contemporains, l'une des plus fortes suggestions de l'idée chrétienne de résurrection.

    On a le sentiment que la génération 68, obsédée par son éternelle jeunesse, a refusé l'idée même de transmission. Finalement, les jeunes ne sont-ils pas les premières victimes du jeunisme ?

    Il est manifeste que les plus âgés détiennent les pouvoirs, tous les pouvoirs, qu'ils n'ouvrent pas la porte aux plus jeunes, qu'ils ne s'effacent pas. Cette vérité touche la politique, l'industrie, la culture, la presse, les professions prestigieuses et valorisantes. Il y a une gérontocratie - rien de plus exact ! - mais qui exerce son pouvoir selon une idéologie qui dit l'inverse, une idéologie anti-vieux, une gérontophobie, autrement dit une peur et haine de la vieillesse, le jeunisme. Gérontocratie et gérontophobie sont les deux faces de la même médaille. Les vieux sont les plus nombreux, la pyramide des âges est renversée, mais la jeunesse est tellement adulée que tout le monde veut rester jeune. Pourtant, cet amour déraisonnable, inhumain dans la mesure où il est un mépris pour les périodes ultérieures de la vie, bloque la fluidité des âges, contrairement à ce qui s'est toujours passé. Un seul âge, dans notre société, demeure légitime: la jeunesse. Du coup, personne ne veut la quitter. Un inquiétant paradoxe en résulte: les jeunes sont empêchés d'entrer dans la vie parce que la jeunesse est trop aimée (les vieux gardent le plus longtemps possible les postes et les pouvoirs, les places et privilèges, s'il le faut en étant, pour parler comme Philippe Muray, des rebellocrates). La domination de l'idéologie jeuniste est néfaste aux vieux et aux jeunes, bref à l'ensemble de la société.

    Selon vous, le « gérontocide » peut devenir le génocide du XXI siècle. Vous exagérez...

    L'histoire, a dit Hegel, est celle du malheur des peuples, les pages de bonheur restant des pages blanches. L'humanité a toujours fait preuve d'une grande inventivité dans l'art de massacrer. Devant les problèmes démographiques et de confort, l'infanticide est dans les sociétés humaines, comme l'a montré Gaston Bouthoul, la norme. Tantôt, il l'est directement à la naissance, tantôt différé sous la forme des guerres, ou encore, comme aujourd'hui, sous la forme de l'avortement qui est pour nous l'infanticide moralement acceptable. Dans mon livre Bienheureuse vieillesse, l'idée de gérontocide est méthodologique: raisonnons comme si ce massacre correspondait à une certitude afin de pouvoir l'empêcher. Le modèle logique de ce type de raisonnement réside dans l'état de nature chez Rousseau: il n'a jamais existé, il n'existe pas, il n'existera probablement jamais, mais il faut pour comprendre l'homme raisonner comme s'il existait. L'état de nature est une fiction théorique qui permet de découvrir la vérité. Ainsi aussi fonctionne le gérontocide dans mon livre.

    Que répondez-vous à ceux qui estime que l'euthanasie est un moyen de combattre, non pas la vieillesse ou la faiblesse, mais la souffrance ?

    Le mot d'euthanasie, qui signifie bonne mort, mort douce voire heureuse, est un mensonge, un mot totalitaire qui contient une contradiction: camoufler une mise-à-mort en opération humanitaire. On peut bien sûr en comprendre les raisons, l'approcher avec empathie, mais on ne peut accepter le mensonge. Il y a une grande différence entre laisser mourir et mettre à mort. Il est vrai aussi que, d'une part, la mort et la souffrance sont devenues dans nos sociétés insupportables, et que, d'autre part nous sommes devenus incapables de les penser. Généraliser l'euthanasie signe la fin d'une civilisation, celle dans laquelle le « Tu ne tueras point » est un principe fondamental. C'est entrer dans une civilisation dans laquelle « tuer pour le bien-être » devient la norme. Serons-nous en état d'en fixer les limites? C'est, quoi qu'il en soir, banaliser ce geste de tuer, au nom même du bien de celui qui est tué. Comme il y a l'avortement de confort, il y a aura les euthanasies de confort, comme il y a l'avortement-contraception, il y aura l'euthanasie-tranquillisation. Nous nous apprêtons à ouvrir une terrifiante boîte de Pandore.

    A l'inverse, vous dénoncez également l'idéologie « immortaliste ». De quoi s'agit-il ?

    L'immortalisme est l'opposé de la résurrection. Notre société est la société du refus de la vieillesse - donc du passé et de l'avenir - qui est aussi la société de l'immortalisme. Ce refus de la vieillesse est partout signifié, dans le sport, la publicité, le show business, le cinéma, et aussi dans notre vie quotidienne. Partout il s'agit de cacher l'âge, de le nier. Ainsi, lorsqu'on évoque les performances de la championne cycliste Jeannie Longo, c'est pour bien préciser que ses exploits ne sont pas de son âge, qu'à 50 ans largement passés elle en a toujours 25 biologiquement, sportivement, bref qu'elle est toujours jeune, que le temps ne passe pas sur elle, sur ses muscles, son cœur, ses cuisses et ses mollets, qu'elle n'est pas de son âge. Elle fait son âge, car elle a l'aspect d'une quinquagénaire, mais elle n'est pas de son âge. Il est bien évident qu'à travers une pareille présentation de cette championne, le fait de ne pas être de son âge lorsqu'on n'a plus 25 ans est proposé à tous comme un modèle et comme un idéal, éventuellement comme un impératif. Un immortalisme implicite perce à travers de pareils propos, un pareil idéal comme il perce chez la dame de plus de 50 ans qui se vêt encore comme une poupée Barbie. Les poupées sont immortelles n'est-ce pas, comme les déesses de l'Antiquité? L'immortalisme a deux aspects: vivre comme si on était immortel, et le transhumanisme (fabrique artificielle de l'humain par emplacement des pièces obsolètes). L'immortalisme est inhumain parce qu'il repose sur la négation de la mort. L'immortalité inhumaine qu'il propose se différencie de la résurrection, laquelle exige le passage par la mort.

    Avec les progrès technologiques, ce fantasme prométhéen n'est-il pas en train de devenir réalité ?

    Il l'essaie. Mais on peut résister, par exemple en sauvant la vieillesse.

    La condition humaine est-elle en train de disparaître ?

    La condition humaine est bien décrite par Pascal. L'idée de péché originel - le plus puissant garde-fou contre l'inhumain que la sagesse ait pu inventer - exprime à merveille à la fois la persistance de cette condition et la finitude à laquelle l'homme est vouée par essence. Le péché originel pose une limite, un mur, laissant entendre que passer de l'autre côté de ce mur revient à sortir de l'humain, à verser dans l'inhumanité, à transformer l'homme en autre chose, ni un ange ni une bête mais un monstre. Dans la mesure où notre modernité tardive cherche à construire un homme nouveau, hors-sol et hors-nature (ce dont témoigne la faveur de la théorie du genre), régénérable à volonté, interminablement réparable, la réponse est oui. Effacer les limitations - dont, également la vieillesse et la mort, sur lesquelles le péché originel insiste - équivaut à travailler à l'effacement de la condition humaine.

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    Professeur agrégé de philosophie, Robert Redeker est écrivain. Son dernier livre, Bienheureuse vieillesse vient de paraître aux éditions du Rocher.

    Entretien par Alexandre Devecchio

     

  • MEDIAS • El Khomri contre Bourdin : La benjamine du gouvernement n’a pas peur du « bad buzz »

     

    Le point de vue - dans Causeur - de Manuel Moreau, journaliste et syndicaliste

    Un point de vue, selon nous, juste, équitable et équilibré. Sur une affaire où l'on ne sait plus très bien ce qui est le plus à blâmer de l'incompétence (excusable ?) de la jeune ministre ou des méthodes brutales, piégeuses et inquisitoriales de Bourdin ? Sans doute le tout, bien-sûr. LFAR

    mmoreau.jpgC’est la bourde du jour. Celle que tous les médias aiment relayer. L’info est juteuse, elle fait cliquer les internautes. Comme vous. Alors allons-y, dégainons la scandaleuse, l’outrageuse, la révoltante erreur de Myriam El Khomri, récemment nommée ministre du Travail suite au départ de François Rebsamen le 2 septembre dernier, après près d’un an et demi de bons et loyaux services.

    El Khomri est jeune. A 37 ans, c’est même la benjamine du gouvernement. Dès sa nomination, la presse et l’opposition s’interrogent sur son expérience. Diplômée en droit public, elle obtient un stage à la délégation interministérielle à la ville, alors présidé par Claude Bartolone. Une expérience qui lui permettra d’accéder en août 2014 au secrétariat d’Etat à la politique de la ville. En septembre dernier, à la surprise générale, elle est promue Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Là encore, on lui reproche son manque d’expérience. Et ses hésitations de ce jeudi apportent enfin la preuve, pour ses détracteurs, qu’ils avaient raison. La voilà ! La bourde, la gêne. Le gros couac qui tâche :

    « Combien de fois peut être renouvelé un CDD ? », interroge un Jean-Jacques Bourdin, piégeur, ce jeudi matin au micro de RMC et BFMTV. « Trois fois, jusqu’à trois ans », commence-t-elle par répondre, l’air mal assurée.

    Relancée par le journaliste, elle bafouille : « Non, ce que je veux dire… Un CDI peut être requal… Un CDD peut être requalifié en CD… Un CD… Pardon… Un CDD peut être requalifié en CDI quand, justement, le cadre du recours au CDD n’a pas été… » La ministre s’emmêle les pinceaux.

    Bourdin, lui, ne la lâche plus. « Mais dites-moi, coupe le journaliste, il peut être renouvelé combien de fois le CDD ? » « Plusieurs fois » répond-elle. Belle tentative. Mais c’est peu connaître le pitbull Bourdin. « Combien de fois ? » lui demande-t-il une dernière fois.

    Elle finit par prononcer elle-même la condamnation à mort de sa potentielle crédibilité future : « Je ne pourrai pas vous le dire. »

    C’est dit. La ministre du Travail n’a pas connaissance des effets d’une réforme entreprise par son propre gouvernement… le 23 juillet dernier seulement. Mais où étiez-vous donc Madame El Khomri ? Sur les plages bretonnes ? Sous le soleil exactement ?

    Nous avons vérifié ! Car à défaut d’être informée de l’actualité de votre gouvernement, vous communiquez votre agenda. Et Dieu que vous êtes active ! Au moins deux rendez-vous chaque jour à cette période. Le CDD, décidément, vous n’aviez pas la tête à ça.

    Le 23 juillet, et le 24 juillet (date à laquelle la presse écrite a relayé le vote de l’Assemblée) Myriam El Khomri n’était pas en vacances. « Jeudi 23 juillet : 11 heures, réunion des ministres à Matignon ». Mais de quoi ont-ils parlé ? « 15 h 30 : Visite des écuries d’été de l’association “Réussir aujourd’hui” et échange avec 35 nouveaux bacheliers – Ecole polytechnique, route de Saclay, 91128 Palaiseau. » C’est précis.

    Mais laissons à la ministre 24 heures pour s’informer. « Vendredi 24 juillet : 11h15 Entretien avec Martin MALTE, graphiste, qui présentera son projet de résidences artistiques autour du social design – Hôtel Le Play, 40 rue du bac Paris 7ème ». « 12h : Entretien avec Victorin LUREL, député et président de la région Guadeloupe – Hôtel Le Play ». Overbookée ! Pas une minute pour s’enquérir de la législation sur le CDD. Depuis ? Mystère. Entre juillet et octobre, madame El Kohmri n’a vraisemblablement pas trouvé le temps de potasser son code du travail.

    Mais, prise en flag, la ministre n’a pas perdu son sang-froid pour autant. Elle a même tenté une jolie pirouette. Chacun jugera librement de sa sincérité… En fin de matinée, la ministre a déclaré au micro de BFMTV, à la sortie du Conseil des ministres : « J’ai répondu trois parce que, pour moi, c’est trois contrats. Donc voilà, (…) ce n’était pas exact par rapport à la question du renouvellement, mais ça fait trois contrats quand on peut renouveler deux fois. » « La vérité, c’est que pour répondre à cette question, il y a autant de formes de CDD possibles qu’il y a de dérogations possibles, et si, justement, nous menons cette réforme du droit du travail, si nous apportons ces clarifications, c’est bien, en effet, parce que c’est complexe », a-t-elle poursuivi. Et quand c’est flou, il y a un loup, lui répondrait Martine Aubry.

    Autant dire que le Conseil des Ministres a dû être le théâtre d’un recadrage en règle. Car François Hollande a fait de la baisse du chômage rien de moins que la condition de sa candidature à la présidentielle 2017. Alors une ministre du Travail en dilettante…

    On peut reconnaître à la benjamine du gouvernement une assurance peu commune dans une telle situation : « Jean-Jacques Bourdin avait préparé son coup, il voulait son buzz, il a eu son buzz, je ne suis pas la première, je ne serai pas la dernière », a ajouté la ministre, tout en estimant que ce n’était « pas (son) rôle » d’aller « réciter l’intégralité des articles du Code du travail (dans) l’émission de Jean-Jacques Bourdin ».

    Bien vu Myriam, parce que contrairement à nos éminents confrères qui ont passé la journée à se payer sa tête, il nous faut bien avouer ici que pour notre part, nous n’avons pas une connaissance exhaustive des 3689 pages que compte notre monstrueux Code du Travail. 

    Manuel Moreau
     

  • DECES • René Girard : En attendant l’Apocalypse

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret

    Décédé avant-hier à l’âge de 91 ans, l’académicien René Girard était l’un des plus brillants intellectuels français. En 2007, il avait accordé un long entretien à Politique magazine, à l’occasion de la sortie d’Achever Clausewitz. Nous le republions ci-dessous.

    2890857040.jpgDans son dernier livre, un recueil d’entretiens avec son éditeur Benoît Chantre, intitulé Achevez Clausewitz, René Girard, plus que jamais fidèle à sa théorie de la rivalité mimétique, propose une analyse neuve de l’histoire moderne. À la lueur du fameux traité du stratège prussien, témoin privilégié de la modernité en marche, il décortique avec une rare érudition le ressort des rapports conflictuels entre la France et l’Allemagne. Avec, en point de mire, les enjeux contemporains : quand la politique n’a plus les moyens de réguler la violence, il en appelle à une radicale conversion au christianisme. Professeur émérite de l’Université de Stanford, vivant aux États-Unis, l’académicien français était de passage à Paris où il a reçu Politique magazine.

    Vous avez trouvé dans l’œuvre de Clausewitz des résonances avec la vôtre. Lesquelles ?
    Lorsqu’il meurt en 1831, après une brillante carrière d’officier supérieur dans l’armée prussienne, Clausewitz laisse une œuvre de stratégie militaire : De la guerre, dont il considère que seul le premier chapitre est achevé. Ce premier chapitre décrit les mécanismes de la guerre moderne considérée comme un « duel ». « Duel » qui est une « montée aux extrêmes » d’« actions réciproques ». À mon avis, plus que de simples processus guerriers, Clausewitz donne une définition de la violence qui concerne les rapports humains en général.

    De la guerre donne donc prise à votre théorie du mimétisme ?
    Oui, car Clausewitz a compris que la violence ne réside pas dans l’agression, mais dans la rivalité. Si les hommes s’inscrivent dans cette rivalité c’est parce qu’ils désirent les mêmes choses par imitation. Et l’homme désire par-dessus tout le désir de l’autre. C’est ce que j’appelle le « désir mimétique » qui fait de l’autre un modèle mais aussi un obstacle. Or, si l’objet du désir est unique et non partageable, la rivalité engendre la violence. Autrement dit, la violence humaine se définit par son objet – enjeu de la rivalité – et non par l’agression qui est la manière facile d’évacuer la violence puisque l’agresseur est toujours l’autre. La violence est fondamentalement réciproque.

    Achever Clausevitz… il est inachevé ?
    Oui, et sur plusieurs points, ce qui le rend d’autant plus passionnant. Cet officier prussien, acteur des terribles guerres qui déchirèrent l’Europe à l’orée du XIXe siècle, prophétise, mais sans le dire, les deux siècles à venir. L’idée d’une revanche de la Prusse sur la France est l’essentiel de son livre. De ce point de vue, le mélange de passion fervente et de haine farouche qu’il nourrit à l’égard de Napoléon est tout à fait extraordinaire. Quel exemple de mimétisme ! Mais il a beau se faire l’apôtre de la guerre, il n’a pas, contrairement à Hegel, une vision métaphysique et glorieuse de celle-ci comme préface à l’achèvement de l’Histoire. Clausewitz était un homme étonnant. Il aimait la guerre et pensait que le XVIIIe siècle l’avait affaiblie. Sa crainte était que, passées les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, on en revienne à la « guerre en dentelle », cette guerre selon lui corrompue du XVIIIe siècle. Ce qui en fait un mauvais prophète même si, dans le même temps, il pressent ce que nous appelons la guerre totale ou la guerre moderne, celle qui ne met plus aux prises des armées conventionnelles, mais des sociétés entières. En somme, une « montée aux extrêmes » qui ne connaîtrait plus de frein.

    Vous insistez beaucoup sur cette notion de « montée aux extrêmes »…
    Ce que Clausewitz appelle « montée aux extrêmes », je l’appelle rivalité, concurrence, donc mimétisme. Notion fondamentale et perçue comme telle car tous ses commentateurs en font état. C’est le cas de Raymond Aron.Mais, comme les autres, Aron pense que, pour des raisons très concrètes comme la fatigue des adversaires, elle ne peut exister dans la pratique. C’était refuser de voir la nouveauté du traité. Clausewitz est le témoin d’une accélération de l’histoire, d’un emballement de violences mimétiques. Il laisse ainsi entendre l’idée que si la guerre n’a jamais cessé depuis les origines, se produit une inéluctable « montée aux extrêmes » qui va en s’intensifiant. Mais il s’empresse de cacher cet aspect terrifiant pour affirmer que la guerre absolue n’aura jamais lieu. « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », dit-il. Mais ces moyens sont autrement puissants que la politique ! En réalité, de nos jours, la politique est rongée par la violence. Regardez le terrorisme : la guerre est potentiellement partout et échappe progressivement à toute institution, militaire ou politique.

    Il nous faut donc comprendre l’origine de la violence pour la dépasser. Nous en revenons à votre pensée qui place le Christ au centre de toute explication raisonnable du monde…
    Ce que d’aucuns me reprochent, m’accusant d’un a priori religieux. C’est faux. Ma théorie est positiviste et même matérialiste. Elle porte sur le fait religieux en général et sur la violence qui fonde la culture. Lorsque, dans une communauté, une masse de désirs mimétiques se croisent, les rivalités qui en découlent se propagent à l’ensemble du groupe. Au paroxysme de la crise, le conflit finit par se polariser sur un adversaire. Et, plus l’adversaire fait l’unanimité, plus il y a de chances pour que le groupe se purge unanimement sur lui. Cette « crise mimétique » – « crise », car la communauté risque l’autodestruction – s’apaise finalement par le sacrifice de cette victime qui réconcilie la communauté avec elle-même. La réitération rituelle, progressivement symbolique, de ce meurtre fondateur, garantie la paix sociale.

    Vous dites que la culture se fonde sur un meurtre originel ?
    Oui, et la communauté, ayant sacrifié cette victime sur qui elle a porté la responsabilité de ses malheurs, s’en trouvant mieux, en fait le symbole de sa délivrance : elle est le dieu primitif, à l’origine de toutes les cultures et de toutes les civilisations. Autrement dit, le religieux est une protection offerte à la communauté contre l’imitation et donc contre la violence. C’est aussi ce que décrivent les mythes qui offrent tous la même structure :Œdipe est d’abord coupable de parricide et d’inceste, puis bienfaisant puisque son expulsion de Thèbes rétablit la tranquillité. C’est donc un mythe classique, religieux par excellence, puisqu’il célèbre et condamne à la fois la victime.

    Victime en réalité innocente même si ses persécuteurs, unanimes, l’imaginent coupable…
    Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les persécuteurs ne se savent responsables ni de leur rivalité mimétique, ni du phénomène collectif qui les en délivre jusqu’à la prochaine crise. Ce phénomène nous lui donnons aujourd’hui un nom: celui de bouc émissaire. Sans savoir pourquoi d’ailleurs, car nous n’en voyons pas le caractère religieux. Or, il nous faut l’interpréter religieusement pour comprendre l’essence de ce que j’appelle le religieux archaïque par opposition au religieux moderne qui est le christianisme. Car l’ethnologie et l’anthropologie ont découvert – et les chrétiens ont eu tort de nier cette découverte – que les Évangiles sont le récit de ce phénomène. Mais la science moderne se trompe quand elle en déduit que la religion chrétienne est encore une forme de religion archaïque.

    Votre idée est que, précisément, elles sont antinomiques…
    C’est l’évidence. Les ethnologues devraient penser à l’interprétation du phénomène. Tous les textes évangéliques s’appliquent à inverser le rapport au bouc émissaire. Ils nous disent que la victime est innocente et que la foule a tort. C’est le sens de la parole du Christ : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice ». Jésus nous invite à exercer de façon positive notre désir mimétique en suivant son modèle : le pardon et la réconciliation. Même si ses textes n’ont pas la précision des récits de la Passion, l’Ancien Testament inverse déjà le primitif. Le message est le même. Job et Joseph, victimes d’un lynchage collectif, affirment leur innocence. Ils sont indubitablement prophétiques du Christ… Je crois que le judaïsme aurait tout à gagner d’une réconciliation avec le christianisme.

    L’originalité de votre thèse, c’est qu’elle rétablit la réalité complète de la personne du Christ qui intervient dans l’Histoire qui est nécessairement différente avant et après.
    Le christianisme, parce qu’il ne s’est pas défini par rapport aux religions archaïques, n’est pas arrivé à préciser sa propre originalité. Il n’existe d’ailleurs aucune théorie officielle de la passion du Christ. Elle est salvatrice, mais pourquoi ? C’est un mystère… Mais nous devons voir que la Rédemption, sur le plan terrestre, met fin aux religions archaïques et au règne de la violence aveugle. Ce renversement fondamental, le monde moderne ne le comprend pas. Pour lui, le christianisme est une religion comme les autres. Voilà qui confronte la modernité et le relativisme qui la caractérise a un paradoxe car le scepticisme, sans le savoir, n’existe dans ce qu’il a de vrai, que parce qu’il est chrétien.

    Le monde moderne a compris le mécanisme du bouc émissaire –même s’il n’en voit pas la dimension religieuse – ce qui n’a pas apaisé la violence. Au contraire, on a l’impression que la violence domine le monde au moment précis où la guerre en tant que telle, y compris dans les discours, semble s’effacer.
    Oui, car la pensée humaniste fausse notre jugement : sans la révélation évangélique, c’est-à-dire sans la compréhension réelle du mécanisme de la violence, la non-violence ne produit, en fin de compte, que plus de violence. C’est que nous sommes de plus en plus privés de ressources sacrificielles. Tendre à la non-violence comme notre époque le prétend, c’est renoncer à ces ressources. Or, il est évident que la violence apaise la violence. Nous en sommes tous plus ou moins conscients. Au fond, tous les gestes d’impatience sont des gestes sacrificiels. En fait, il y a confusion : depuis les Lumières, nous faisons porter la responsabilité de la violence sur le religieux et nous pensons que l’homme, naturellement, est non-violent. Mais c’est de l’inverse qu’il s’agit. Le religieux, au moins, contient la violence. De même, nous prétendons nous libérer de tous les interdits, considérés, à juste titre d’ailleurs, comme religieux. Mais ceux-ci ont une fonction primordiale : ils réservent, au cœur des communautés, une zone protégée, comme la famille par exemple, essentielle à sa survie.

    Vous dites que « l’Apocalypse a commencé ». C’est à partir de l’oeuvre de Clausewitz la thèse de votre livre. Pourquoi ?
    Clausewitz a perçu que la « montée aux extrêmes » qui caractérise les rapports humains, et pas seulement la guerre, est la tendance de l’humanité. Et cette « montée aux extrêmes » provoque inéluctablement un épuisement général. Les ressources naturelles sont frappées de rareté par une consommation de plus en plus intense. Qu’en sera-t-il demain ? Aussi pouvons-nous dire que si la concurrence est le progrès de l’homme, elle est aussi ce qui peut le détruire.

    Vous citez abondamment les textes apocalyptiques…
    On se fait une idée extraordinaire des textes apocalyptiques. On les dit irrationnels, farfelus. Ils ont pourtant une particularité qui saute aux yeux : ils mélangent le naturel et le culturel. Ils décrivent des guerres « ville contre ville » – toujours cette idée de mimétisme violent, cette lutte des doubles –mais aussi des tremblements de terre, des raz-de-marée, etc. Autrement dit, guerres et révoltes de la nature sont concomitantes. Voilà qui nous ramène à des préoccupations contemporaines car nous ne savons plus, aujourd’hui, ce qui relève de la culture et ce qui relève de la nature. Quel est l’impact de l’homme sur ce que nous appelons le « dérèglement climatique » ? De même, nous savons tous, plus ou moins consciemment, qu’avec les armes technologiques nous avons les moyens de nous détruire nous-mêmes avec la planète entière. La confusion, décrite dans les textes apocalyptiques, réapparaît aujourd’hui au niveau scientifique. C’est colossal !

    Il y a toutes sortes de textes apocalyptiques : en particulier le chapitre 24 de Matthieu ou le chapitre 9 de Marc qui sont la description d’une crise sacrificielle. C’est-à-dire qu’un phénomène de bouc émissaire fondateur d’une nouvelle religion devrait apparaître. Mais nous ne sommes plus dans le monde archaïque et il est donc suggéré que cette crise va continuer en s’aggravant. Cette crise, c’est le progrès. Autrement dit, c’est l’Histoire qui devrait nous enseigner qu’elle va vers sa fin. Chez Paul, il est très net que c’est l’ordre culturel, l’ordre romain en l’occurrence, qui garantit la paix. Mais aujourd’hui l’ordre culturel fiche le camp : privé de bouc émissaire, il n’a plus les moyens d’évacuer la violence. La dimension apocalyptique de la Bible, c’est cette révélation de la violence humaine débarrassée des protections symboliques que procurait le bouc émissaire. Vous voyez, ces textes sont d’une rationalité extraordinaire.

    Tout ce qui est sur terre va vers sa fin : c’est le sens de l’Apocalypse. Mais, en même temps, c’est une révélation…
    Voilà ce qui est suggéré, à mon avis, tout au long des Évangiles. Le sens de la Croix, c’est ce retournement du sacrifice contre nous-mêmes, contre notre propre désir destructeur d’imitation. C’est l’offre du royaume de Dieu. Offre qui implique un choix : se sauver ou se perdre.Quand j’étais enfant, le dernier dimanche de la Pentecôte et le premier dimanche de l’Avant étaient consacrés à l’Apocalypse. À la messe, les sermons portaient sur le sujet. Pourquoi l’Église a-t-elle supprimé cette tradition, au moment même où, avec l’invention de la bombe atomique, ces textes étaient redevenus d’une actualité brûlante. Elle a pensé qu’il fallait rassurer les gens. Mais les gens ont besoin de sens.

    Longtemps, le discours officiel du clergé – en particulier français – était à la disparition des fins dernières noyées dans une sorte de religiosité même plus archaïque car l’archaïque, au moins, était tragique.
    Vous avez raison. En retirant le drame, il a retiré l’intérêt. Mais je me réjouis de voir les choses changer. Les jeunes prêtres réagissent très nettement contre le progressisme ecclésiastique, je le vois notamment aux États-Unis. Ce qui m’étonne c’est que l’Église, disons certaines personnes à l’intérieur de l’Église conciliaire, aient pu s’imaginer que ce message édulcoré du christianisme, si éloigné de sa vérité profonde, allait s’imposer. Quelle drôle d’idée… Je crois que le christianisme va réapparaître dans toute sa force grâce aux textes apocalyptiques car leur aspect dramatique correspond au climat de notre époque.

    Qu’elle est votre perception de la situation religieuse en États-Unis ?
    Il y a un effondrement du protestantisme que j’appelle « bourgeois », par opposition au fondamentalisme. Les convertis protestants sont les forces vives de l’Église catholique américaine. En Amérique, contrairement à la France, il est très facile de dire qu’on croit en Dieu. La déchristianisation n’en est pas au même point. Pourtant, lorsque je suis arrivé aux USA, 70% des catholiques allaient à la messe tous les dimanches. Chiffre tombé aujourd’hui à 30 %. Mais l’Église catholique reste la plus importante et, surtout, elle est la plus intellectuelle car beaucoup d’universitaires en font partie ce qui lui donne une puissance combative qu’elle n’a pas ici.

    Que penser de la relative bonne santé des fondamentalistes ?
    Cela correspond au climat de l’époque qui a besoin, répétons-le, de sens. L’erreur des fondamentalistes, c’est qu’ils attribuent la violence à Dieu. Mais Dieu, de toute évidence, n’est pas violent. Notre époque qui a prétendu s’en débarrasser en fait la preuve : ce sont les hommes qui se détruisent eux-mêmes. Au contraire, seul Dieu sauve l’homme de sa violence. Il est donc grand temps que l’Église affirme haut et fort son message et place le monde devant la seule alternative qui lui reste : se convertir au Christ ou s’enfoncer dans le chaos apocalyptique engendré par une violence qui ne peut plus être évacué par un mécanisme sacrificiel obsolète. 

  • Zemmour sur RTL : Hollande c'est Sarko en pire

     

    Impôts locaux des retraités, dotations aux collectivités, allocations aux handicapés : en quelques jours, le gouvernement a multiplié les reculades. Comment expliquer cet affolement ?

     

     

    Le résumé de RTL

    "C'est l'histoire connue de la dame épouvantée par une souris", lance Éric Zemmour. "Elle hurle, court, monte sur une chaise, sans se rendre compte du ridicule de son attitude disproportionnée", narre Zemmour, pour qui "François Hollande est parfait dans le rôle de la dame effrayée". Il poursuit : "Un président exaspéré, voire affolé, qui ordonne de tout arrêter, comme si le sort de son quinquennat en dépendait".

    "La souris confondue avec un ours. Mais l'ours fait peur au chasseur", s'amuse Éric Zemmour, qui rappelle que l'actuel chef de l'État est arrivé à l'Elysée sans jamais avoir été ministre, ni rien connaître à la géopolitique mondiale. Il note que "tous ses amis l'excusaient d'avance en disant, unanimes et élogieux : 'vous verrez, les impôts, c'est son truc'". On a vu.

    François Hollande a beau promettre que les impôts n'augmenteront plus, personne ne le croit. "Personne n'a oublié l'avalanche fiscale de 2012", martèle journaliste. "Hollande voulait alors apparaître homme de gauche en imposant les riches (...). On a eu 'Cuba sans le soleil', selon la formule sarcastique d'Emmanuel Macron", poursuit-il. Pour Éric Zemmour, "une fois encore les mandats d'Hollande et Sarkozy font miroir". 

  • Conseil d’ami à François Hollande

     

    par Dominique Jamet

    Dominique Jamet écrit à François Hollande. Une lettre où se conjuguent esprit, sens du détail et sagesse politique. Qui caractérisent les écrits de Dominique Jamet. Jadis, Giscard allait dîner chez les gens. Cela n'a pas donné à sa carrière présidentielle la longévité qu'il souhaitait. Hollande, lui, a rencontré Lucette, après que son cabinet lui a précisé ce qu'elle ne devait pas dire à la presse, par la suite. Du moins est-ce ce qu'elle a rapporté aux journalistes. Le cabinet de François ne pouvait pas rêver mieux ... Faut-il vraiment aller chez les gens ? Dominique Jamet ne le recommande pas, semble-t-il.  LFAR

     

    3312863504.jpgMonsieur le Président,

    Vous aviez conçu le projet, assez hardi, il faut en convenir, par les temps qui courent, d’avoir un contact direct avec un Français, ou une Française, en tout cas un compatriote, sans témoins, sans intermédiaire et sans ambages, hors caméras, hors micros, sans la presse, ou seulement une petite partie, en toute spontanéité, en toute discrétion.

    Trop poli (je ne dis pas pour être honnête), trop délicat, trop gentleman (on ne se refait pas), vous n’avez cependant pas voulu vous inviter chez l’habitant sans l’avoir prévenu. Ça ne se fait pas de surprendre quelqu’un en déshabillé, en peignoir, en débraillé, au saut du lit, en pleine scène de ménage, que sais-je encore. Alors, vous avez demandé à Gantzer de préparer votre rencontre, et c’est comme ça que tout le pays l’a su.

    Ce n’est pas d’aujourd’hui que les princes ont bien du mal à préserver leur incognito. Ce qui devait être un déplacement impromptu et ignoré du public a finalement mobilisé votre cabinet, le préfet de Meurthe-et-Moselle, le maire de Vandœuvre-lès-Nancy, son conseil municipal au grand complet, quelques journalistes triés sur le volet, les policiers en charge de votre protection rapprochée, les habituels escadrons de gendarmerie, les services du déminage, un avion et un hélicoptère… Et en plus, il a fallu que vous tombiez sur une amie politique, candidate aux dernières municipales sur la liste socialiste. Lucette n’était pas vraiment représentative du pays profond. Vous conviendrez que les choses ne se sont pas tout à fait passées comme, paraît-il, vous auriez souhaité qu’elle se passassent.

    Les Français, avez-vous déclaré en Chine, savent où vous trouver. Il semble que vous ayez du mal à savoir où ils se trouvent.

    Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous faire quelques suggestions sur la marche à suivre quand vous renouvellerez votre tentative d’aller au contact des vrais gens.

    Tout d’abord, extrêmement important : ne vous contentez pas de vérifier que la lumière est bien éteinte dans le bureau de Gaspard Gantzer ni même que votre conseiller en communication est bien rentré chez lui. Expédiez-le en Nouvelle-Calédonie pour y préparer votre prochain voyage outre-mer. Ensuite, envoyez votre premier garde du corps vous chercher des croissants dans une boulangerie que vous aurez choisie lointaine. Quelques instants plus tard, envoyez votre deuxième garde du corps à la poursuite du premier : finalement, vous vouliez bien des croissants, mais des croissants aux amandes.

    Vous voilà pour la première fois depuis longtemps libre de vos mouvements et de votre vie privée. Vous accrochez à la porte de votre bureau une pancarte Do Not Disturb que vous vous serez aisément procurée à Pékin ou à Séoul. Vous sortez de la pièce par la petite porte dérobée et empruntez l’escalier secret que vous savez. Une fois dans le parc du palais, vous vous dirigez vers la grille du Coq, là où vous avez garé votre scooter il y a dix-huit mois. Merveille : l’engin, entretenu par les services de l’Élysée, repart au quart de tour…

    Vous roulez à votre gré, dans n’importe quelle direction. Quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres plus loin, vous descendez dans le métro, vous montez dans l’autobus, ou vous poussez la porte du premier café venu. Vous enlevez votre casque, on vous reconnaît, on vient à votre rencontre, on vous entoure, vous allez savoir enfin ce que les Français pensent de vous.

    Oh, j’allais oublier, un dernier conseil, un vrai conseil d’ami : vous aurez pris soin de vous munir de votre gilet pare-balles…

    Journaliste et écrivain

    Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
     
  • Parlons un peu du pouvoir posthume d'Hitler…

    2015 : palais niçois « nazifié » pour les besoins d’un film

     

    par Péroncel-Hugoz

    Irrité par les incessantes références au chef nazi, en Occident, Péroncel-Hugoz attaque à belles dents ce sujet délicat…

     

    peroncel-hugoz 2.jpgLa scène se situe, en cet automne 2015, autour d’une bonne table r'batie où un notable allemand de passage avait réuni deux ou trois de ses relations locales pour évoquer la situation générale au Maroc et ailleurs, sur fond de déferlement migratoire en Méditerranée. 

    D’emblée, notre hôte berlinois laissa tomber que, quels que soient les sentiments de ses compatriotes, y compris les plus hostiles, ils ne pourraient qu’accepter les nouveaux arrivants « vu le déficit démographique d’une nation où pas mal de femmes refusent d’enfanter et où celles qui veulent être mère, n’ont guère plus d’un enfant ou deux…». 

    Un des convives objecta : « Pourquoi Berlin n’encourage-t-il pas la natalité du peuple allemand, par des mesures financières et sociales, comme cela a marché en Suède ou en France ? ». 

    L’invitant bondit alors sur son siège : « Vous n’y pensez pas! Des politiciens, des associations, des médias crieraient aussitôt très fort au nazisme, ameutant la Terre entière… Oui, Hitler était nataliste, et donc le lien serait fait. Et la chancelière Merkel ne veut pas entendre parler de ça ! » 

    Un essayiste présent rappela que, ces dernières années encore, compétitions sportives ou manifestations culturelles ont été annulées ou déplacées, au pays de Goethe et Nietzsche, car les organisateurs n’avaient pas remarqué que ces événements seraient tombés le jour de l’anniversaire de la naissance du dictateur national-socialiste ou de sa prise de pouvoir ou de son suicide … 

    A ce train, où on prend sans cesse Hitler comme contre-exemple, ne risque-t-on pas un jour de diaboliser, d’anathémiser les végétariens puisque Hitler-comme Platon, Léonard de Vinci, Lamartine, Abraham Lincoln, Nietzsche, Gandhi, Brigitte Bardot, Marguerite Yourcenar, Sophie d’Espagne, etc. etc.- ne mangeait pas de viande. Le Führer était aussi un fan de montagne ; accusera-t-on un jour les alpinistes d’avoir des goûts nazis ? … Idem pour les possesseurs de chiens, etc. 

    J’intervins alors afin d’indiquer que cette psychose avait cours aussi en France, en Belgique, en Italie pour des histoires de coïncidence chronologique ou de télescopage spontané entre notre époque et des faits vieux d’au moins 70 ans : ainsi à Drancy, en banlieue parisienne, un Tunisien de 20 ans a été récemment condamné à trois mois de prison ferme et à 500 € pour avoir été vu mimant le salut hitlérien, bras levé, en passant devant un ancien camp de rétention de la Seconde Guerre mondiale par où avaient transité notamment des Juifs en partance pour l’Allemagne nationale-socialiste. 

    Autre exemple de ces références présentes aux fantômes et fantasmes d’un passé sulfureux certes mais révolu : au début de cet automne, à Nice, capitale de la Côte d’Azur, un beau matin, branlebas de combat, cris, mouvement de foule, panique même au sein d’un groupe de touristes. Que se passait-il ? Eh bien tout simplement, une immense croix gammée noire sur fond rouge venait d’être déployée sur trois étages, en façade de l’ancien palais des Rois-de-Sardaigne. La préfecture des Alpes-Maritimes dut aussitôt faire claironner, afin d’apaiser les esprits, que ce drapeau honni faisait partie du décor installé à Nice pour le tournage d’un film historique … Ouf ! L’émotion retomba et le tournage put commencer sans drame. 

    Il reste qu’on venait d’avoir encore là un exemple, parmi d’autres, du pouvoir posthume du chancelier Hitler. Il serait temps que l’Europe occidentale tourne enfin la page et cesse d’envenimer ce prurit psychologique qui l’empêche de réfléchir à son propre avenir. Comme dit le proverbe marocain, « Li fat mat », le passé est mort. 

    Péroncel-Hugoz - Le 360