Les choses au clair

par Louis-Joseph Delanglade
Les élections régionales auront obligé la plupart des maîtres à penser, notamment dans les médias, à monter au front. Dans ce domaine, la palme revient incontestablement à notre chaîne radiophonique nationale, France Inter pour la nommer, dont la quasi totalité des journalistes, présentateurs et intervenants - jusqu’aux prétendus humoristes - auront entre les deux tours fait circuler la rhubarbe et le séné. On se contentera ici de l’essentiel, ce fameux « sept-neuf » (presque six millions d’auditeurs !) avec en maître de cérémonie M. Cohen. On a le privilège d’y entendre officier du lundi au vendredi les deux Grands Prêtres, MM. Legrand et Guetta : celui-ci pour l’Extérieur (« Géopolitique »), celui-là pour l’Intérieur (« L’édito politique »). Tous deux cultivés et intelligents, parfois brillants, mais qui restent des militants politiques utilisant l’antenne pour distiller leur idéologie et leurs utopies gauchardes.
Il fallait donc pour chacun des deux apporter sa pierre au concert de critiques en tout genre qui ont été formulées contre le Front National. M. Legrand a donc choisi de dénoncer « la plaie identitaire », bel exemple d’incohérence intellectuelle pour celui qui, après les attentats de janvier et de novembre, ne s’est pas privé de proclamer que les victimes avaient été choisies pour ce qu’elles étaient et représentaient. Mais, s’il admet une identité de la France, c’est « l’identité choisie d’une somme d’individus solidaires et libres ». Pour lui, « la Nation n’est que le cadre politique, historique et géographique d’une communauté qui a décidé de s’organiser autour d’une langue, de règles, de valeurs ». On ne saurait pousser plus loin les dérives d’une approche uniquement « existentialiste » qui nie les évidences les plus élémentaires et ne s’appuie au fond que sur le bon vouloir de chacun. M. Legrand est le digne héritier des utopistes et des aristocrates dévoyés du XVIIIe siècle : « sa » France est celle des bobos hors sol qui n’ont que mépris pour le pays réel.
M. Guetta, quant à lui, a choisi de transposer la situation française au niveau européen : « Il y a désormais, d’un côté, [l] les nouvelles forces d’extrême-droite et, de l’autre, les gauches et les droites » : comme L.R. et P.S. en France, droites et gauches européennes ont en commun l’essentiel, à savoir une approche favorable, malgré quelques nuances, de l’Union européenne, de l’immigration et de la mondialisation, ce qui les différencie de ceux qui se complaisent dans la « négation de la réalité ». Beau tour de passe-passe intellectuel. Est-ce nier la réalité que de constater la nocivité de l’Union partout où elle s’est substituée aux Etats, de rejeter une immigration débridée et agressive, de vouloir se protéger des méfaits d’une mondialisation dévastatrice ? M. Guetta n’envisage au niveau européen d’autre recours que l’union des gauches et des droites dans des « majorités de compromis » : retour à la case magouille. Paradoxe : le même Guetta brosse un tableau sans complaisance d’un « monde en état de panique » : Russie, Turquie, Proche-Orient, Inde, Catalogne, Ecosse, etc., partout communautés, peuples et nations exaltent leur identité et leurs spécificités. Et c’est dans ce contexte que nous devrions baisser la garde ?
On le savait, mais il n’est pas mauvais de le répéter : existe toujours ce parti de l’étranger, « Anti-France » de fait, où se retrouvent tous ceux qui nous dénient le droit à une identité historique plus que millénaire et qui souhaitent que la France se dissolve dans un Euroland quelconque. Merci à MM. Legrand et Guetta d’avoir, une fois de plus, su mettre les choses au clair. •