UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Actualité France - Page 407

  • SOCIETE • Robert Redeker : le « gérontocide » sera-t-il le génocide du XXIe siècle ?

     

    A l'occasion de la sortie de son dernier livre Bienheureuse vieillesse, Robert Redeker a accordé un grand entretien à FigaroVox. Pour lui, il faut sauver la vieillesse de l'élimination : car sans elle, c'est notre civilisation qui est menacée de s'éteindre. Bien d'autres dangers la menacent aussi. Y compris une proportion trop faible de jeunes-gens. Mais Robert Redeker nous paraît voir juste lorsqu'il dénonce une société qui bloque la fluidité des âges. Et une idéologie qui refuse le passé comme elle ignore l'avenir. LFAR    

    Redeker.jpgVotre dernier livre Bienheureuse vieillesse est un éloge de l'âge. Faut-il se réjouir de de vieillir ?

    La vieillesse nous libère de bien des fardeaux, dictés par la biologie et l'imaginaire, qui pèsent sur la jeunesse et l'âge mûr. Cicéron et Sénèque le savaient, notre société l'ignore : la vieillesse est libération. Elle débarrasse l'être humain de certains obstacles à sa liberté. La vieillesse est l'âge du bonheur, de la sagesse.

    L'habitude n'existe pas de présenter la vieillesse comme une libération. Il est vrai qu'elle peut, à l'extrémité de la vie, enchaîner au corps, servitude qui peut rendre enviable l'euthanasie. Pourtant la vieillesse, ce que les Stoïciens avaient remarqué, libère les êtres humains des fardeaux liés aux désirs qui rendent intempérants, qui soulèvent des tempêtes de chair, en particulier les désirs sexuels. Ces désirs rendent esclaves, c'est un fait. Mais souvent aussi ils se transforment en passions dévastatrices empêchant toute forme de bonheur. Ils partent en guerre contre le bonheur, que souvent ils détruisent. Livré à eux-mêmes, les désirs de cette farine empêchent, contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire, un bonheur durable et serein (dont l'éternité en paradis, une éternité, j'insiste sur ce point, du corps et de l'âme, de la personne ressuscitée avec son corps, est la figure métaphorique) de s'installer. Cette idée-là de l'éternité laisse entendre la possibilité d'un corps non enchaîné aux désirs. La vieillesse rend plus facile l'exercice des aspirants à la sagesse et des mystiques, auquel la plupart des humains échouent quand ils veulent s'y essayer : le renoncement.

    Libération, la vieillesse est surtout une chance. Celle de redécouvrir le temps et la consistance des choses.

    Selon vous, la société contemporaine serait obsédée par la jeunesse. Pourquoi ?

    Alain Finkielkraut en a établi le constat bien avant moi, et l'a bien mieux dit. C'est parce qu'elle refuse le temps et sa caducité que notre société ontologise la jeunesse. Rappelons-nous de l'opposition entre Parménide, le philosophe de l'Etre, et Héraclite, le philosophe du Devenir. Tout est, affirmait Parménide. Rien n'est, tout passe, on ne se rebaigne jamais dans le même fleuve, prétendait Héraclite. Ontologie est le nom du discours sur l'Etre, celui de Parménide. Depuis les années 60, en lien avec le triomphe planétaire de la société de consommation, la jeunesse a été ontologisée. Elle a été figée en Être excluant le Devenir. De cette ontologisation découle l'impératif collectif de rester jeune jusqu'aux bords du tombeau. Pour nos contemporains, ne plus être jeune, c'est ne plus être. Nous avons refusé de voir dans la jeunesse un devenir sans retour, une transition, un passage, une étape sur le chemin de la vie, un moment dans son écoulement. Disciples de Parménide sans le savoir, nous avons figé la vie dans un seul de ses âges, la jeunesse, déclassant tous les autres, favorisant la honte de ne plus être jeune. Le Tartuffe contemporain, au temps où les corps s'exposent volontiers dans tous leurs charmes, dira plutôt: cachez votre vieillesse que nous ne saurions voir. Oui, nous avons arrêté la jeunesse dans une trompeuse éternité.

    Vous abordez assez peu la question du jeunisme sous l'angle économique. Mais l'autre nom de cette idéologie n'est-il pas tout simplement le capitalisme ?

    Le fanatisme de la jeunesse est lié à la modernité bien plus largement qu'au seul capitalisme. Dans « Notre avant-guerre », lorsqu'il conte son périple dans l'Italie mussolinienne, Brasillach observe que « jeunesse » est « le mot de passe » du fascisme. En même temps, l'U.R.S.S. exaltait la jeunesse comme jamais. Sous toutes ses formes - fascistes, communistes ou consuméristes - le jeunisme est surtout anti-bourgeois, il est un anti-bourgeoisisme systématique.

    Par-delà leurs abyssales différences, en particulier l'opposition entre l'hédonisme et l'héroïsme, l'ontologisation de la jeunesse hissée au rang de valeur suprême couplée à la haine du bourgeois, rassemble les contestataires de Mai 68 et les jeunes fascistes des années 30.

    Derrière la question de la vieillesse, il y a aussi la question du passé. Le jeunisme est-il aussi un moyen de faire table rase de celui-ci ?

    Le jeunisme est l'idéologie d'un temps qui veut faire table rase du passé. « Du passé faisons table rase », était l'hymne du progressisme - à tout le moins du progressisme mal compris, éradicateur. Mais l'époque actuelle veut aussi supprimer l'avenir. Elle ne veut de racines ni dans le passé ni dans l'avenir. Elle ne veut être ni redevable ni responsable. Ni redevable au passé ni responsable devant l'avenir - d'où la crise de l'éducation. La destruction irréversible de l'école par Mme Valaud-Belkacem est une suite logique de ce double refus. Comment éduquer quand il n'y plus rien à transmettre et plus rien à promettre ? Voilà pourquoi les vieux inquiètent : au sein de ce vide temporel qu'est devenu notre société, ils sont la présence du passé, la présence et le présent des racines, leur présence témoigne en faveur de l'exigence de transmettre, pour que ce qui fut par le passé soit dans l'avenir (les œuvres, la langue, les bonnes meurs). Parallèlement à son « du passé faisons table rase », l'hymne de notre époque pourrait aussi être la chanson des Sex Pistols, le groupe punk des années 80, « No future ». Or, les vieux et la vieillesse représentent une promesse d'avenir. L'impératif que nous impose le jeunisme, « rester jeune », ce n'est pas seulement arracher les racines, c'est aussi, c'est surtout, refuser qu'on ait un avenir. C'est refuser l'avenir, tout simplement parce que l'idée d'avenir suppose celle de passage. Que la vieillesse soit une promesse d'avenir est, tout en restant incompréhensible à nos contemporains, l'une des plus fortes suggestions de l'idée chrétienne de résurrection.

    On a le sentiment que la génération 68, obsédée par son éternelle jeunesse, a refusé l'idée même de transmission. Finalement, les jeunes ne sont-ils pas les premières victimes du jeunisme ?

    Il est manifeste que les plus âgés détiennent les pouvoirs, tous les pouvoirs, qu'ils n'ouvrent pas la porte aux plus jeunes, qu'ils ne s'effacent pas. Cette vérité touche la politique, l'industrie, la culture, la presse, les professions prestigieuses et valorisantes. Il y a une gérontocratie - rien de plus exact ! - mais qui exerce son pouvoir selon une idéologie qui dit l'inverse, une idéologie anti-vieux, une gérontophobie, autrement dit une peur et haine de la vieillesse, le jeunisme. Gérontocratie et gérontophobie sont les deux faces de la même médaille. Les vieux sont les plus nombreux, la pyramide des âges est renversée, mais la jeunesse est tellement adulée que tout le monde veut rester jeune. Pourtant, cet amour déraisonnable, inhumain dans la mesure où il est un mépris pour les périodes ultérieures de la vie, bloque la fluidité des âges, contrairement à ce qui s'est toujours passé. Un seul âge, dans notre société, demeure légitime: la jeunesse. Du coup, personne ne veut la quitter. Un inquiétant paradoxe en résulte: les jeunes sont empêchés d'entrer dans la vie parce que la jeunesse est trop aimée (les vieux gardent le plus longtemps possible les postes et les pouvoirs, les places et privilèges, s'il le faut en étant, pour parler comme Philippe Muray, des rebellocrates). La domination de l'idéologie jeuniste est néfaste aux vieux et aux jeunes, bref à l'ensemble de la société.

    Selon vous, le « gérontocide » peut devenir le génocide du XXI siècle. Vous exagérez...

    L'histoire, a dit Hegel, est celle du malheur des peuples, les pages de bonheur restant des pages blanches. L'humanité a toujours fait preuve d'une grande inventivité dans l'art de massacrer. Devant les problèmes démographiques et de confort, l'infanticide est dans les sociétés humaines, comme l'a montré Gaston Bouthoul, la norme. Tantôt, il l'est directement à la naissance, tantôt différé sous la forme des guerres, ou encore, comme aujourd'hui, sous la forme de l'avortement qui est pour nous l'infanticide moralement acceptable. Dans mon livre Bienheureuse vieillesse, l'idée de gérontocide est méthodologique: raisonnons comme si ce massacre correspondait à une certitude afin de pouvoir l'empêcher. Le modèle logique de ce type de raisonnement réside dans l'état de nature chez Rousseau: il n'a jamais existé, il n'existe pas, il n'existera probablement jamais, mais il faut pour comprendre l'homme raisonner comme s'il existait. L'état de nature est une fiction théorique qui permet de découvrir la vérité. Ainsi aussi fonctionne le gérontocide dans mon livre.

    Que répondez-vous à ceux qui estime que l'euthanasie est un moyen de combattre, non pas la vieillesse ou la faiblesse, mais la souffrance ?

    Le mot d'euthanasie, qui signifie bonne mort, mort douce voire heureuse, est un mensonge, un mot totalitaire qui contient une contradiction: camoufler une mise-à-mort en opération humanitaire. On peut bien sûr en comprendre les raisons, l'approcher avec empathie, mais on ne peut accepter le mensonge. Il y a une grande différence entre laisser mourir et mettre à mort. Il est vrai aussi que, d'une part, la mort et la souffrance sont devenues dans nos sociétés insupportables, et que, d'autre part nous sommes devenus incapables de les penser. Généraliser l'euthanasie signe la fin d'une civilisation, celle dans laquelle le « Tu ne tueras point » est un principe fondamental. C'est entrer dans une civilisation dans laquelle « tuer pour le bien-être » devient la norme. Serons-nous en état d'en fixer les limites? C'est, quoi qu'il en soir, banaliser ce geste de tuer, au nom même du bien de celui qui est tué. Comme il y a l'avortement de confort, il y a aura les euthanasies de confort, comme il y a l'avortement-contraception, il y aura l'euthanasie-tranquillisation. Nous nous apprêtons à ouvrir une terrifiante boîte de Pandore.

    A l'inverse, vous dénoncez également l'idéologie « immortaliste ». De quoi s'agit-il ?

    L'immortalisme est l'opposé de la résurrection. Notre société est la société du refus de la vieillesse - donc du passé et de l'avenir - qui est aussi la société de l'immortalisme. Ce refus de la vieillesse est partout signifié, dans le sport, la publicité, le show business, le cinéma, et aussi dans notre vie quotidienne. Partout il s'agit de cacher l'âge, de le nier. Ainsi, lorsqu'on évoque les performances de la championne cycliste Jeannie Longo, c'est pour bien préciser que ses exploits ne sont pas de son âge, qu'à 50 ans largement passés elle en a toujours 25 biologiquement, sportivement, bref qu'elle est toujours jeune, que le temps ne passe pas sur elle, sur ses muscles, son cœur, ses cuisses et ses mollets, qu'elle n'est pas de son âge. Elle fait son âge, car elle a l'aspect d'une quinquagénaire, mais elle n'est pas de son âge. Il est bien évident qu'à travers une pareille présentation de cette championne, le fait de ne pas être de son âge lorsqu'on n'a plus 25 ans est proposé à tous comme un modèle et comme un idéal, éventuellement comme un impératif. Un immortalisme implicite perce à travers de pareils propos, un pareil idéal comme il perce chez la dame de plus de 50 ans qui se vêt encore comme une poupée Barbie. Les poupées sont immortelles n'est-ce pas, comme les déesses de l'Antiquité? L'immortalisme a deux aspects: vivre comme si on était immortel, et le transhumanisme (fabrique artificielle de l'humain par emplacement des pièces obsolètes). L'immortalisme est inhumain parce qu'il repose sur la négation de la mort. L'immortalité inhumaine qu'il propose se différencie de la résurrection, laquelle exige le passage par la mort.

    Avec les progrès technologiques, ce fantasme prométhéen n'est-il pas en train de devenir réalité ?

    Il l'essaie. Mais on peut résister, par exemple en sauvant la vieillesse.

    La condition humaine est-elle en train de disparaître ?

    La condition humaine est bien décrite par Pascal. L'idée de péché originel - le plus puissant garde-fou contre l'inhumain que la sagesse ait pu inventer - exprime à merveille à la fois la persistance de cette condition et la finitude à laquelle l'homme est vouée par essence. Le péché originel pose une limite, un mur, laissant entendre que passer de l'autre côté de ce mur revient à sortir de l'humain, à verser dans l'inhumanité, à transformer l'homme en autre chose, ni un ange ni une bête mais un monstre. Dans la mesure où notre modernité tardive cherche à construire un homme nouveau, hors-sol et hors-nature (ce dont témoigne la faveur de la théorie du genre), régénérable à volonté, interminablement réparable, la réponse est oui. Effacer les limitations - dont, également la vieillesse et la mort, sur lesquelles le péché originel insiste - équivaut à travailler à l'effacement de la condition humaine.

    XVM6bf99e78-7f22-11e5-b6d6-4d9cc94b1cee-100x150.jpg

    Professeur agrégé de philosophie, Robert Redeker est écrivain. Son dernier livre, Bienheureuse vieillesse vient de paraître aux éditions du Rocher.

    Entretien par Alexandre Devecchio

     

  • MEDIAS • El Khomri contre Bourdin : La benjamine du gouvernement n’a pas peur du « bad buzz »

     

    Le point de vue - dans Causeur - de Manuel Moreau, journaliste et syndicaliste

    Un point de vue, selon nous, juste, équitable et équilibré. Sur une affaire où l'on ne sait plus très bien ce qui est le plus à blâmer de l'incompétence (excusable ?) de la jeune ministre ou des méthodes brutales, piégeuses et inquisitoriales de Bourdin ? Sans doute le tout, bien-sûr. LFAR

    mmoreau.jpgC’est la bourde du jour. Celle que tous les médias aiment relayer. L’info est juteuse, elle fait cliquer les internautes. Comme vous. Alors allons-y, dégainons la scandaleuse, l’outrageuse, la révoltante erreur de Myriam El Khomri, récemment nommée ministre du Travail suite au départ de François Rebsamen le 2 septembre dernier, après près d’un an et demi de bons et loyaux services.

    El Khomri est jeune. A 37 ans, c’est même la benjamine du gouvernement. Dès sa nomination, la presse et l’opposition s’interrogent sur son expérience. Diplômée en droit public, elle obtient un stage à la délégation interministérielle à la ville, alors présidé par Claude Bartolone. Une expérience qui lui permettra d’accéder en août 2014 au secrétariat d’Etat à la politique de la ville. En septembre dernier, à la surprise générale, elle est promue Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Là encore, on lui reproche son manque d’expérience. Et ses hésitations de ce jeudi apportent enfin la preuve, pour ses détracteurs, qu’ils avaient raison. La voilà ! La bourde, la gêne. Le gros couac qui tâche :

    « Combien de fois peut être renouvelé un CDD ? », interroge un Jean-Jacques Bourdin, piégeur, ce jeudi matin au micro de RMC et BFMTV. « Trois fois, jusqu’à trois ans », commence-t-elle par répondre, l’air mal assurée.

    Relancée par le journaliste, elle bafouille : « Non, ce que je veux dire… Un CDI peut être requal… Un CDD peut être requalifié en CD… Un CD… Pardon… Un CDD peut être requalifié en CDI quand, justement, le cadre du recours au CDD n’a pas été… » La ministre s’emmêle les pinceaux.

    Bourdin, lui, ne la lâche plus. « Mais dites-moi, coupe le journaliste, il peut être renouvelé combien de fois le CDD ? » « Plusieurs fois » répond-elle. Belle tentative. Mais c’est peu connaître le pitbull Bourdin. « Combien de fois ? » lui demande-t-il une dernière fois.

    Elle finit par prononcer elle-même la condamnation à mort de sa potentielle crédibilité future : « Je ne pourrai pas vous le dire. »

    C’est dit. La ministre du Travail n’a pas connaissance des effets d’une réforme entreprise par son propre gouvernement… le 23 juillet dernier seulement. Mais où étiez-vous donc Madame El Khomri ? Sur les plages bretonnes ? Sous le soleil exactement ?

    Nous avons vérifié ! Car à défaut d’être informée de l’actualité de votre gouvernement, vous communiquez votre agenda. Et Dieu que vous êtes active ! Au moins deux rendez-vous chaque jour à cette période. Le CDD, décidément, vous n’aviez pas la tête à ça.

    Le 23 juillet, et le 24 juillet (date à laquelle la presse écrite a relayé le vote de l’Assemblée) Myriam El Khomri n’était pas en vacances. « Jeudi 23 juillet : 11 heures, réunion des ministres à Matignon ». Mais de quoi ont-ils parlé ? « 15 h 30 : Visite des écuries d’été de l’association “Réussir aujourd’hui” et échange avec 35 nouveaux bacheliers – Ecole polytechnique, route de Saclay, 91128 Palaiseau. » C’est précis.

    Mais laissons à la ministre 24 heures pour s’informer. « Vendredi 24 juillet : 11h15 Entretien avec Martin MALTE, graphiste, qui présentera son projet de résidences artistiques autour du social design – Hôtel Le Play, 40 rue du bac Paris 7ème ». « 12h : Entretien avec Victorin LUREL, député et président de la région Guadeloupe – Hôtel Le Play ». Overbookée ! Pas une minute pour s’enquérir de la législation sur le CDD. Depuis ? Mystère. Entre juillet et octobre, madame El Kohmri n’a vraisemblablement pas trouvé le temps de potasser son code du travail.

    Mais, prise en flag, la ministre n’a pas perdu son sang-froid pour autant. Elle a même tenté une jolie pirouette. Chacun jugera librement de sa sincérité… En fin de matinée, la ministre a déclaré au micro de BFMTV, à la sortie du Conseil des ministres : « J’ai répondu trois parce que, pour moi, c’est trois contrats. Donc voilà, (…) ce n’était pas exact par rapport à la question du renouvellement, mais ça fait trois contrats quand on peut renouveler deux fois. » « La vérité, c’est que pour répondre à cette question, il y a autant de formes de CDD possibles qu’il y a de dérogations possibles, et si, justement, nous menons cette réforme du droit du travail, si nous apportons ces clarifications, c’est bien, en effet, parce que c’est complexe », a-t-elle poursuivi. Et quand c’est flou, il y a un loup, lui répondrait Martine Aubry.

    Autant dire que le Conseil des Ministres a dû être le théâtre d’un recadrage en règle. Car François Hollande a fait de la baisse du chômage rien de moins que la condition de sa candidature à la présidentielle 2017. Alors une ministre du Travail en dilettante…

    On peut reconnaître à la benjamine du gouvernement une assurance peu commune dans une telle situation : « Jean-Jacques Bourdin avait préparé son coup, il voulait son buzz, il a eu son buzz, je ne suis pas la première, je ne serai pas la dernière », a ajouté la ministre, tout en estimant que ce n’était « pas (son) rôle » d’aller « réciter l’intégralité des articles du Code du travail (dans) l’émission de Jean-Jacques Bourdin ».

    Bien vu Myriam, parce que contrairement à nos éminents confrères qui ont passé la journée à se payer sa tête, il nous faut bien avouer ici que pour notre part, nous n’avons pas une connaissance exhaustive des 3689 pages que compte notre monstrueux Code du Travail. 

    Manuel Moreau
     

  • DECES • René Girard : En attendant l’Apocalypse

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret

    Décédé avant-hier à l’âge de 91 ans, l’académicien René Girard était l’un des plus brillants intellectuels français. En 2007, il avait accordé un long entretien à Politique magazine, à l’occasion de la sortie d’Achever Clausewitz. Nous le republions ci-dessous.

    2890857040.jpgDans son dernier livre, un recueil d’entretiens avec son éditeur Benoît Chantre, intitulé Achevez Clausewitz, René Girard, plus que jamais fidèle à sa théorie de la rivalité mimétique, propose une analyse neuve de l’histoire moderne. À la lueur du fameux traité du stratège prussien, témoin privilégié de la modernité en marche, il décortique avec une rare érudition le ressort des rapports conflictuels entre la France et l’Allemagne. Avec, en point de mire, les enjeux contemporains : quand la politique n’a plus les moyens de réguler la violence, il en appelle à une radicale conversion au christianisme. Professeur émérite de l’Université de Stanford, vivant aux États-Unis, l’académicien français était de passage à Paris où il a reçu Politique magazine.

    Vous avez trouvé dans l’œuvre de Clausewitz des résonances avec la vôtre. Lesquelles ?
    Lorsqu’il meurt en 1831, après une brillante carrière d’officier supérieur dans l’armée prussienne, Clausewitz laisse une œuvre de stratégie militaire : De la guerre, dont il considère que seul le premier chapitre est achevé. Ce premier chapitre décrit les mécanismes de la guerre moderne considérée comme un « duel ». « Duel » qui est une « montée aux extrêmes » d’« actions réciproques ». À mon avis, plus que de simples processus guerriers, Clausewitz donne une définition de la violence qui concerne les rapports humains en général.

    De la guerre donne donc prise à votre théorie du mimétisme ?
    Oui, car Clausewitz a compris que la violence ne réside pas dans l’agression, mais dans la rivalité. Si les hommes s’inscrivent dans cette rivalité c’est parce qu’ils désirent les mêmes choses par imitation. Et l’homme désire par-dessus tout le désir de l’autre. C’est ce que j’appelle le « désir mimétique » qui fait de l’autre un modèle mais aussi un obstacle. Or, si l’objet du désir est unique et non partageable, la rivalité engendre la violence. Autrement dit, la violence humaine se définit par son objet – enjeu de la rivalité – et non par l’agression qui est la manière facile d’évacuer la violence puisque l’agresseur est toujours l’autre. La violence est fondamentalement réciproque.

    Achever Clausevitz… il est inachevé ?
    Oui, et sur plusieurs points, ce qui le rend d’autant plus passionnant. Cet officier prussien, acteur des terribles guerres qui déchirèrent l’Europe à l’orée du XIXe siècle, prophétise, mais sans le dire, les deux siècles à venir. L’idée d’une revanche de la Prusse sur la France est l’essentiel de son livre. De ce point de vue, le mélange de passion fervente et de haine farouche qu’il nourrit à l’égard de Napoléon est tout à fait extraordinaire. Quel exemple de mimétisme ! Mais il a beau se faire l’apôtre de la guerre, il n’a pas, contrairement à Hegel, une vision métaphysique et glorieuse de celle-ci comme préface à l’achèvement de l’Histoire. Clausewitz était un homme étonnant. Il aimait la guerre et pensait que le XVIIIe siècle l’avait affaiblie. Sa crainte était que, passées les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, on en revienne à la « guerre en dentelle », cette guerre selon lui corrompue du XVIIIe siècle. Ce qui en fait un mauvais prophète même si, dans le même temps, il pressent ce que nous appelons la guerre totale ou la guerre moderne, celle qui ne met plus aux prises des armées conventionnelles, mais des sociétés entières. En somme, une « montée aux extrêmes » qui ne connaîtrait plus de frein.

    Vous insistez beaucoup sur cette notion de « montée aux extrêmes »…
    Ce que Clausewitz appelle « montée aux extrêmes », je l’appelle rivalité, concurrence, donc mimétisme. Notion fondamentale et perçue comme telle car tous ses commentateurs en font état. C’est le cas de Raymond Aron.Mais, comme les autres, Aron pense que, pour des raisons très concrètes comme la fatigue des adversaires, elle ne peut exister dans la pratique. C’était refuser de voir la nouveauté du traité. Clausewitz est le témoin d’une accélération de l’histoire, d’un emballement de violences mimétiques. Il laisse ainsi entendre l’idée que si la guerre n’a jamais cessé depuis les origines, se produit une inéluctable « montée aux extrêmes » qui va en s’intensifiant. Mais il s’empresse de cacher cet aspect terrifiant pour affirmer que la guerre absolue n’aura jamais lieu. « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », dit-il. Mais ces moyens sont autrement puissants que la politique ! En réalité, de nos jours, la politique est rongée par la violence. Regardez le terrorisme : la guerre est potentiellement partout et échappe progressivement à toute institution, militaire ou politique.

    Il nous faut donc comprendre l’origine de la violence pour la dépasser. Nous en revenons à votre pensée qui place le Christ au centre de toute explication raisonnable du monde…
    Ce que d’aucuns me reprochent, m’accusant d’un a priori religieux. C’est faux. Ma théorie est positiviste et même matérialiste. Elle porte sur le fait religieux en général et sur la violence qui fonde la culture. Lorsque, dans une communauté, une masse de désirs mimétiques se croisent, les rivalités qui en découlent se propagent à l’ensemble du groupe. Au paroxysme de la crise, le conflit finit par se polariser sur un adversaire. Et, plus l’adversaire fait l’unanimité, plus il y a de chances pour que le groupe se purge unanimement sur lui. Cette « crise mimétique » – « crise », car la communauté risque l’autodestruction – s’apaise finalement par le sacrifice de cette victime qui réconcilie la communauté avec elle-même. La réitération rituelle, progressivement symbolique, de ce meurtre fondateur, garantie la paix sociale.

    Vous dites que la culture se fonde sur un meurtre originel ?
    Oui, et la communauté, ayant sacrifié cette victime sur qui elle a porté la responsabilité de ses malheurs, s’en trouvant mieux, en fait le symbole de sa délivrance : elle est le dieu primitif, à l’origine de toutes les cultures et de toutes les civilisations. Autrement dit, le religieux est une protection offerte à la communauté contre l’imitation et donc contre la violence. C’est aussi ce que décrivent les mythes qui offrent tous la même structure :Œdipe est d’abord coupable de parricide et d’inceste, puis bienfaisant puisque son expulsion de Thèbes rétablit la tranquillité. C’est donc un mythe classique, religieux par excellence, puisqu’il célèbre et condamne à la fois la victime.

    Victime en réalité innocente même si ses persécuteurs, unanimes, l’imaginent coupable…
    Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les persécuteurs ne se savent responsables ni de leur rivalité mimétique, ni du phénomène collectif qui les en délivre jusqu’à la prochaine crise. Ce phénomène nous lui donnons aujourd’hui un nom: celui de bouc émissaire. Sans savoir pourquoi d’ailleurs, car nous n’en voyons pas le caractère religieux. Or, il nous faut l’interpréter religieusement pour comprendre l’essence de ce que j’appelle le religieux archaïque par opposition au religieux moderne qui est le christianisme. Car l’ethnologie et l’anthropologie ont découvert – et les chrétiens ont eu tort de nier cette découverte – que les Évangiles sont le récit de ce phénomène. Mais la science moderne se trompe quand elle en déduit que la religion chrétienne est encore une forme de religion archaïque.

    Votre idée est que, précisément, elles sont antinomiques…
    C’est l’évidence. Les ethnologues devraient penser à l’interprétation du phénomène. Tous les textes évangéliques s’appliquent à inverser le rapport au bouc émissaire. Ils nous disent que la victime est innocente et que la foule a tort. C’est le sens de la parole du Christ : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice ». Jésus nous invite à exercer de façon positive notre désir mimétique en suivant son modèle : le pardon et la réconciliation. Même si ses textes n’ont pas la précision des récits de la Passion, l’Ancien Testament inverse déjà le primitif. Le message est le même. Job et Joseph, victimes d’un lynchage collectif, affirment leur innocence. Ils sont indubitablement prophétiques du Christ… Je crois que le judaïsme aurait tout à gagner d’une réconciliation avec le christianisme.

    L’originalité de votre thèse, c’est qu’elle rétablit la réalité complète de la personne du Christ qui intervient dans l’Histoire qui est nécessairement différente avant et après.
    Le christianisme, parce qu’il ne s’est pas défini par rapport aux religions archaïques, n’est pas arrivé à préciser sa propre originalité. Il n’existe d’ailleurs aucune théorie officielle de la passion du Christ. Elle est salvatrice, mais pourquoi ? C’est un mystère… Mais nous devons voir que la Rédemption, sur le plan terrestre, met fin aux religions archaïques et au règne de la violence aveugle. Ce renversement fondamental, le monde moderne ne le comprend pas. Pour lui, le christianisme est une religion comme les autres. Voilà qui confronte la modernité et le relativisme qui la caractérise a un paradoxe car le scepticisme, sans le savoir, n’existe dans ce qu’il a de vrai, que parce qu’il est chrétien.

    Le monde moderne a compris le mécanisme du bouc émissaire –même s’il n’en voit pas la dimension religieuse – ce qui n’a pas apaisé la violence. Au contraire, on a l’impression que la violence domine le monde au moment précis où la guerre en tant que telle, y compris dans les discours, semble s’effacer.
    Oui, car la pensée humaniste fausse notre jugement : sans la révélation évangélique, c’est-à-dire sans la compréhension réelle du mécanisme de la violence, la non-violence ne produit, en fin de compte, que plus de violence. C’est que nous sommes de plus en plus privés de ressources sacrificielles. Tendre à la non-violence comme notre époque le prétend, c’est renoncer à ces ressources. Or, il est évident que la violence apaise la violence. Nous en sommes tous plus ou moins conscients. Au fond, tous les gestes d’impatience sont des gestes sacrificiels. En fait, il y a confusion : depuis les Lumières, nous faisons porter la responsabilité de la violence sur le religieux et nous pensons que l’homme, naturellement, est non-violent. Mais c’est de l’inverse qu’il s’agit. Le religieux, au moins, contient la violence. De même, nous prétendons nous libérer de tous les interdits, considérés, à juste titre d’ailleurs, comme religieux. Mais ceux-ci ont une fonction primordiale : ils réservent, au cœur des communautés, une zone protégée, comme la famille par exemple, essentielle à sa survie.

    Vous dites que « l’Apocalypse a commencé ». C’est à partir de l’oeuvre de Clausewitz la thèse de votre livre. Pourquoi ?
    Clausewitz a perçu que la « montée aux extrêmes » qui caractérise les rapports humains, et pas seulement la guerre, est la tendance de l’humanité. Et cette « montée aux extrêmes » provoque inéluctablement un épuisement général. Les ressources naturelles sont frappées de rareté par une consommation de plus en plus intense. Qu’en sera-t-il demain ? Aussi pouvons-nous dire que si la concurrence est le progrès de l’homme, elle est aussi ce qui peut le détruire.

    Vous citez abondamment les textes apocalyptiques…
    On se fait une idée extraordinaire des textes apocalyptiques. On les dit irrationnels, farfelus. Ils ont pourtant une particularité qui saute aux yeux : ils mélangent le naturel et le culturel. Ils décrivent des guerres « ville contre ville » – toujours cette idée de mimétisme violent, cette lutte des doubles –mais aussi des tremblements de terre, des raz-de-marée, etc. Autrement dit, guerres et révoltes de la nature sont concomitantes. Voilà qui nous ramène à des préoccupations contemporaines car nous ne savons plus, aujourd’hui, ce qui relève de la culture et ce qui relève de la nature. Quel est l’impact de l’homme sur ce que nous appelons le « dérèglement climatique » ? De même, nous savons tous, plus ou moins consciemment, qu’avec les armes technologiques nous avons les moyens de nous détruire nous-mêmes avec la planète entière. La confusion, décrite dans les textes apocalyptiques, réapparaît aujourd’hui au niveau scientifique. C’est colossal !

    Il y a toutes sortes de textes apocalyptiques : en particulier le chapitre 24 de Matthieu ou le chapitre 9 de Marc qui sont la description d’une crise sacrificielle. C’est-à-dire qu’un phénomène de bouc émissaire fondateur d’une nouvelle religion devrait apparaître. Mais nous ne sommes plus dans le monde archaïque et il est donc suggéré que cette crise va continuer en s’aggravant. Cette crise, c’est le progrès. Autrement dit, c’est l’Histoire qui devrait nous enseigner qu’elle va vers sa fin. Chez Paul, il est très net que c’est l’ordre culturel, l’ordre romain en l’occurrence, qui garantit la paix. Mais aujourd’hui l’ordre culturel fiche le camp : privé de bouc émissaire, il n’a plus les moyens d’évacuer la violence. La dimension apocalyptique de la Bible, c’est cette révélation de la violence humaine débarrassée des protections symboliques que procurait le bouc émissaire. Vous voyez, ces textes sont d’une rationalité extraordinaire.

    Tout ce qui est sur terre va vers sa fin : c’est le sens de l’Apocalypse. Mais, en même temps, c’est une révélation…
    Voilà ce qui est suggéré, à mon avis, tout au long des Évangiles. Le sens de la Croix, c’est ce retournement du sacrifice contre nous-mêmes, contre notre propre désir destructeur d’imitation. C’est l’offre du royaume de Dieu. Offre qui implique un choix : se sauver ou se perdre.Quand j’étais enfant, le dernier dimanche de la Pentecôte et le premier dimanche de l’Avant étaient consacrés à l’Apocalypse. À la messe, les sermons portaient sur le sujet. Pourquoi l’Église a-t-elle supprimé cette tradition, au moment même où, avec l’invention de la bombe atomique, ces textes étaient redevenus d’une actualité brûlante. Elle a pensé qu’il fallait rassurer les gens. Mais les gens ont besoin de sens.

    Longtemps, le discours officiel du clergé – en particulier français – était à la disparition des fins dernières noyées dans une sorte de religiosité même plus archaïque car l’archaïque, au moins, était tragique.
    Vous avez raison. En retirant le drame, il a retiré l’intérêt. Mais je me réjouis de voir les choses changer. Les jeunes prêtres réagissent très nettement contre le progressisme ecclésiastique, je le vois notamment aux États-Unis. Ce qui m’étonne c’est que l’Église, disons certaines personnes à l’intérieur de l’Église conciliaire, aient pu s’imaginer que ce message édulcoré du christianisme, si éloigné de sa vérité profonde, allait s’imposer. Quelle drôle d’idée… Je crois que le christianisme va réapparaître dans toute sa force grâce aux textes apocalyptiques car leur aspect dramatique correspond au climat de notre époque.

    Qu’elle est votre perception de la situation religieuse en États-Unis ?
    Il y a un effondrement du protestantisme que j’appelle « bourgeois », par opposition au fondamentalisme. Les convertis protestants sont les forces vives de l’Église catholique américaine. En Amérique, contrairement à la France, il est très facile de dire qu’on croit en Dieu. La déchristianisation n’en est pas au même point. Pourtant, lorsque je suis arrivé aux USA, 70% des catholiques allaient à la messe tous les dimanches. Chiffre tombé aujourd’hui à 30 %. Mais l’Église catholique reste la plus importante et, surtout, elle est la plus intellectuelle car beaucoup d’universitaires en font partie ce qui lui donne une puissance combative qu’elle n’a pas ici.

    Que penser de la relative bonne santé des fondamentalistes ?
    Cela correspond au climat de l’époque qui a besoin, répétons-le, de sens. L’erreur des fondamentalistes, c’est qu’ils attribuent la violence à Dieu. Mais Dieu, de toute évidence, n’est pas violent. Notre époque qui a prétendu s’en débarrasser en fait la preuve : ce sont les hommes qui se détruisent eux-mêmes. Au contraire, seul Dieu sauve l’homme de sa violence. Il est donc grand temps que l’Église affirme haut et fort son message et place le monde devant la seule alternative qui lui reste : se convertir au Christ ou s’enfoncer dans le chaos apocalyptique engendré par une violence qui ne peut plus être évacué par un mécanisme sacrificiel obsolète. 

  • Zemmour sur RTL : Hollande c'est Sarko en pire

     

    Impôts locaux des retraités, dotations aux collectivités, allocations aux handicapés : en quelques jours, le gouvernement a multiplié les reculades. Comment expliquer cet affolement ?

     

     

    Le résumé de RTL

    "C'est l'histoire connue de la dame épouvantée par une souris", lance Éric Zemmour. "Elle hurle, court, monte sur une chaise, sans se rendre compte du ridicule de son attitude disproportionnée", narre Zemmour, pour qui "François Hollande est parfait dans le rôle de la dame effrayée". Il poursuit : "Un président exaspéré, voire affolé, qui ordonne de tout arrêter, comme si le sort de son quinquennat en dépendait".

    "La souris confondue avec un ours. Mais l'ours fait peur au chasseur", s'amuse Éric Zemmour, qui rappelle que l'actuel chef de l'État est arrivé à l'Elysée sans jamais avoir été ministre, ni rien connaître à la géopolitique mondiale. Il note que "tous ses amis l'excusaient d'avance en disant, unanimes et élogieux : 'vous verrez, les impôts, c'est son truc'". On a vu.

    François Hollande a beau promettre que les impôts n'augmenteront plus, personne ne le croit. "Personne n'a oublié l'avalanche fiscale de 2012", martèle journaliste. "Hollande voulait alors apparaître homme de gauche en imposant les riches (...). On a eu 'Cuba sans le soleil', selon la formule sarcastique d'Emmanuel Macron", poursuit-il. Pour Éric Zemmour, "une fois encore les mandats d'Hollande et Sarkozy font miroir". 

  • Conseil d’ami à François Hollande

     

    par Dominique Jamet

    Dominique Jamet écrit à François Hollande. Une lettre où se conjuguent esprit, sens du détail et sagesse politique. Qui caractérisent les écrits de Dominique Jamet. Jadis, Giscard allait dîner chez les gens. Cela n'a pas donné à sa carrière présidentielle la longévité qu'il souhaitait. Hollande, lui, a rencontré Lucette, après que son cabinet lui a précisé ce qu'elle ne devait pas dire à la presse, par la suite. Du moins est-ce ce qu'elle a rapporté aux journalistes. Le cabinet de François ne pouvait pas rêver mieux ... Faut-il vraiment aller chez les gens ? Dominique Jamet ne le recommande pas, semble-t-il.  LFAR

     

    3312863504.jpgMonsieur le Président,

    Vous aviez conçu le projet, assez hardi, il faut en convenir, par les temps qui courent, d’avoir un contact direct avec un Français, ou une Française, en tout cas un compatriote, sans témoins, sans intermédiaire et sans ambages, hors caméras, hors micros, sans la presse, ou seulement une petite partie, en toute spontanéité, en toute discrétion.

    Trop poli (je ne dis pas pour être honnête), trop délicat, trop gentleman (on ne se refait pas), vous n’avez cependant pas voulu vous inviter chez l’habitant sans l’avoir prévenu. Ça ne se fait pas de surprendre quelqu’un en déshabillé, en peignoir, en débraillé, au saut du lit, en pleine scène de ménage, que sais-je encore. Alors, vous avez demandé à Gantzer de préparer votre rencontre, et c’est comme ça que tout le pays l’a su.

    Ce n’est pas d’aujourd’hui que les princes ont bien du mal à préserver leur incognito. Ce qui devait être un déplacement impromptu et ignoré du public a finalement mobilisé votre cabinet, le préfet de Meurthe-et-Moselle, le maire de Vandœuvre-lès-Nancy, son conseil municipal au grand complet, quelques journalistes triés sur le volet, les policiers en charge de votre protection rapprochée, les habituels escadrons de gendarmerie, les services du déminage, un avion et un hélicoptère… Et en plus, il a fallu que vous tombiez sur une amie politique, candidate aux dernières municipales sur la liste socialiste. Lucette n’était pas vraiment représentative du pays profond. Vous conviendrez que les choses ne se sont pas tout à fait passées comme, paraît-il, vous auriez souhaité qu’elle se passassent.

    Les Français, avez-vous déclaré en Chine, savent où vous trouver. Il semble que vous ayez du mal à savoir où ils se trouvent.

    Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous faire quelques suggestions sur la marche à suivre quand vous renouvellerez votre tentative d’aller au contact des vrais gens.

    Tout d’abord, extrêmement important : ne vous contentez pas de vérifier que la lumière est bien éteinte dans le bureau de Gaspard Gantzer ni même que votre conseiller en communication est bien rentré chez lui. Expédiez-le en Nouvelle-Calédonie pour y préparer votre prochain voyage outre-mer. Ensuite, envoyez votre premier garde du corps vous chercher des croissants dans une boulangerie que vous aurez choisie lointaine. Quelques instants plus tard, envoyez votre deuxième garde du corps à la poursuite du premier : finalement, vous vouliez bien des croissants, mais des croissants aux amandes.

    Vous voilà pour la première fois depuis longtemps libre de vos mouvements et de votre vie privée. Vous accrochez à la porte de votre bureau une pancarte Do Not Disturb que vous vous serez aisément procurée à Pékin ou à Séoul. Vous sortez de la pièce par la petite porte dérobée et empruntez l’escalier secret que vous savez. Une fois dans le parc du palais, vous vous dirigez vers la grille du Coq, là où vous avez garé votre scooter il y a dix-huit mois. Merveille : l’engin, entretenu par les services de l’Élysée, repart au quart de tour…

    Vous roulez à votre gré, dans n’importe quelle direction. Quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres plus loin, vous descendez dans le métro, vous montez dans l’autobus, ou vous poussez la porte du premier café venu. Vous enlevez votre casque, on vous reconnaît, on vient à votre rencontre, on vous entoure, vous allez savoir enfin ce que les Français pensent de vous.

    Oh, j’allais oublier, un dernier conseil, un vrai conseil d’ami : vous aurez pris soin de vous munir de votre gilet pare-balles…

    Journaliste et écrivain

    Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
     
  • Parlons un peu du pouvoir posthume d'Hitler…

    2015 : palais niçois « nazifié » pour les besoins d’un film

     

    par Péroncel-Hugoz

    Irrité par les incessantes références au chef nazi, en Occident, Péroncel-Hugoz attaque à belles dents ce sujet délicat…

     

    peroncel-hugoz 2.jpgLa scène se situe, en cet automne 2015, autour d’une bonne table r'batie où un notable allemand de passage avait réuni deux ou trois de ses relations locales pour évoquer la situation générale au Maroc et ailleurs, sur fond de déferlement migratoire en Méditerranée. 

    D’emblée, notre hôte berlinois laissa tomber que, quels que soient les sentiments de ses compatriotes, y compris les plus hostiles, ils ne pourraient qu’accepter les nouveaux arrivants « vu le déficit démographique d’une nation où pas mal de femmes refusent d’enfanter et où celles qui veulent être mère, n’ont guère plus d’un enfant ou deux…». 

    Un des convives objecta : « Pourquoi Berlin n’encourage-t-il pas la natalité du peuple allemand, par des mesures financières et sociales, comme cela a marché en Suède ou en France ? ». 

    L’invitant bondit alors sur son siège : « Vous n’y pensez pas! Des politiciens, des associations, des médias crieraient aussitôt très fort au nazisme, ameutant la Terre entière… Oui, Hitler était nataliste, et donc le lien serait fait. Et la chancelière Merkel ne veut pas entendre parler de ça ! » 

    Un essayiste présent rappela que, ces dernières années encore, compétitions sportives ou manifestations culturelles ont été annulées ou déplacées, au pays de Goethe et Nietzsche, car les organisateurs n’avaient pas remarqué que ces événements seraient tombés le jour de l’anniversaire de la naissance du dictateur national-socialiste ou de sa prise de pouvoir ou de son suicide … 

    A ce train, où on prend sans cesse Hitler comme contre-exemple, ne risque-t-on pas un jour de diaboliser, d’anathémiser les végétariens puisque Hitler-comme Platon, Léonard de Vinci, Lamartine, Abraham Lincoln, Nietzsche, Gandhi, Brigitte Bardot, Marguerite Yourcenar, Sophie d’Espagne, etc. etc.- ne mangeait pas de viande. Le Führer était aussi un fan de montagne ; accusera-t-on un jour les alpinistes d’avoir des goûts nazis ? … Idem pour les possesseurs de chiens, etc. 

    J’intervins alors afin d’indiquer que cette psychose avait cours aussi en France, en Belgique, en Italie pour des histoires de coïncidence chronologique ou de télescopage spontané entre notre époque et des faits vieux d’au moins 70 ans : ainsi à Drancy, en banlieue parisienne, un Tunisien de 20 ans a été récemment condamné à trois mois de prison ferme et à 500 € pour avoir été vu mimant le salut hitlérien, bras levé, en passant devant un ancien camp de rétention de la Seconde Guerre mondiale par où avaient transité notamment des Juifs en partance pour l’Allemagne nationale-socialiste. 

    Autre exemple de ces références présentes aux fantômes et fantasmes d’un passé sulfureux certes mais révolu : au début de cet automne, à Nice, capitale de la Côte d’Azur, un beau matin, branlebas de combat, cris, mouvement de foule, panique même au sein d’un groupe de touristes. Que se passait-il ? Eh bien tout simplement, une immense croix gammée noire sur fond rouge venait d’être déployée sur trois étages, en façade de l’ancien palais des Rois-de-Sardaigne. La préfecture des Alpes-Maritimes dut aussitôt faire claironner, afin d’apaiser les esprits, que ce drapeau honni faisait partie du décor installé à Nice pour le tournage d’un film historique … Ouf ! L’émotion retomba et le tournage put commencer sans drame. 

    Il reste qu’on venait d’avoir encore là un exemple, parmi d’autres, du pouvoir posthume du chancelier Hitler. Il serait temps que l’Europe occidentale tourne enfin la page et cesse d’envenimer ce prurit psychologique qui l’empêche de réfléchir à son propre avenir. Comme dit le proverbe marocain, « Li fat mat », le passé est mort. 

    Péroncel-Hugoz - Le 360

     

  • Quand M. Météo se fait virer de la télévision...

     

    par Jean-Philippe Chauvin 

     

    arton8470-7b8cd.jpgJadis, au temps de la IIIe République, il fallait être bon républicain pour espérer monter dans l'échelle des carrières militaires ou judiciaires, exception faite des périodes de guerre où d'autres valeurs, moins « politiques », reprenaient leur antique place... Cette même République, dans les années 1880, n'avait pas hésité à suspendre l'inamovibilité des juges durant plusieurs mois pour républicaniser la Justice, c'est-à-dire l'épurer des éléments connus pour leur fidélité monarchique ou impériale ! Aujourd'hui, plus besoin de lois d'exception ou de soupçon de dissidence politique pour être mis à la porte d'une chaîne de télévision publique : il suffit juste de ne pas être dans la « ligne » de l'idéologie dominante, y compris sur le plan... climatique !

    Ainsi, un présentateur de bulletins météorologiques, dont on aurait pu penser qu'il n'était pas d'un grand danger pour l'ordre établi et la République hollandiste, est licencié pour avoir commis un livre de tendance « climatosceptique » et connaître un certain succès de librairie. Pourtant, ce monsieur n'a rien d'un Zemmour ou d'un Onfray, têtes de Turcs favorites des milieux de la bien-pensance, et il n'a rien écrit sur l'identité, la nation ou le déclin. De plus, il était jadis apprécié par ceux qui le condamnent aujourd'hui pour avoir été la première personnalité de la télévision à avoir annoncé publiquement son mariage avec son compagnon, juste après le vote de la loi Taubira ! Jusqu'à cet été, tout allait bien, et, diplômé d'un master II en Développement Durable (oxymore...) à l'université de Paris-Dauphine, il avait ainsi couvert pour des chaînes de télévision de grandes conférences sur le climat, de Bali à Copenhague, entre autres, sans susciter de critiques particulières. 

    Mais il a failli gâcher la fête, cette fameuse COP 21 dont M. Hollande veut faire un moment fort de son quinquennat, à la veille des élections régionales, et le symbole de son « activisme politique sur l'Environnement » (sic!) : en publiant ce livre intitulé « Climat investigation », qui reprend des antiennes déjà entendues ailleurs et qui développe des thèses qui me semblent, personnellement, peu convaincantes, M. Philippe Verdier a fait usage de sa liberté d'expression et a apporté sa pierre aux nécessaires débat et prise de conscience sur les enjeux climatiques, même si la sienne était plus brute que polie. Son licenciement par la direction de la chaîne sur laquelle il officiait jusqu'à ses derniers mois est un véritable camouflet pour ceux qui, comme moi, sont attachés à cette liberté d'expression qui, pour choquante qu'elle puisse être parfois, me semble indispensable à la respiration d'une nation. 

    Je le répète : je ne suis pas d'accord avec les propos de M. Verdier et je crois y déceler quelques lourdes erreurs sur la question climatique. Je combats ses thèses et je milite pour une écologie véritable et politique, mais je dénonce son licenciement qui m'apparaît comme une redoutable mise en garde à l'égard de tous ceux qui ne penseraient pas comme le veulent ce gouvernement et ce président. Car ce que l'on reproche à ce journaliste, c'est de ne pas penser « climatiquement correct », c'est d'avoir une autre opinion que celle qui prévaut aujourd'hui en haut lieu, de façon d'ailleurs assez hypocrite : qui croit que ce gouvernement se préoccupe vraiment de l'avenir du climat et des conséquences environnementales de la société de consommation qu'il continue de défendre à travers sa politique économique ? 

    M. Verdier paye pour les autres, diraient certains, et ce n'est sans doute pas faux : c'est aussi, au-delà même de la motivation première (même pas assumée par la direction de France Télévisions) de sa mise à l'écart, un avertissement sans frais à ceux qui oseraient douter de la volonté de M. Hollande, ou à ceux qui verraient dans ses déclarations quelques ruses d'abord politiciennes. La tête de M. Verdier est jetée comme un os à ronger à quelques institutions ou partis qui se proclament écologistes sans l'être autrement que médiatiquement et électoralement... Dans le même temps, ce même gouvernement fait savoir, par la voix de son préfet en Loire-Atlantique, que vont bientôt reprendre les travaux en vue de la construction de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes : de qui se moque-t-on ? La promotion du bitume et du kérozène au détriment d'une des dernières zones humides de l'Ouest alors que la COP 21 se veut la promotion d'un modèle énergétique moins polluant : n'y a-t-il pas là une terrible contradiction ou une fâcheuse hypocrisie, ou les deux à la fois ? 

    Dans l'affaire Verdier, il y a deux victimes, au-delà de l'intéressé lui-même : la liberté d'expression et l'écologie véritable. Décidément, de cette République-là, il n'y a rien à croire ni à espérer... 

    Le blog de Jean-Philippe CHAUVIN

     

  • Jean Sévillia : « La France catholique n'a pas dit son dernier mot »

     

    Par Jean-Christophe Buisson

    Une interview où Jean Sévillia fait un point fort intéressant sur le poids, l'importance, le positionnement, les orientations, en bref sur la situation des catholiques de France et leur avenir. Un sujet qui concerne actuellement plus que jamais le domaine proprement politique. LFAR    

    Historien, essayiste et journaliste, Jean Sévillia publie un superbe album illustré qui constitue, par le texte et par l'image, un état des lieux du catholicisme en France aujourd'hui. Cette interview a été donnée au Figaro magazine.

    La France catholique : le titre du livre que vous publiez n'est-il pas provocateur ?

    Tel n'est pas son objectif, en tout cas. Evoquer la France catholique, c'est rappeler les faits. En premier lieu en ce qui concerne la population française. S'il est interdit aux organismes publics de procéder à des statistiques sur l'appartenance religieuse, de nombreuses études opérées par des instituts de sondage fournissent des indications fiables. Selon une récente enquête, 56 % des Français se déclarent catholiques, 8 % musulmans, 1,4 % protestants, 1,4 % orthodoxes, 1,3 % bouddhistes et 0,8 % juifs, 27 % des sondés se présentant comme sans religion. 56 % de catholiques déclarés, c'est ce qu'on appelle une majorité. En chiffres, on sait que le pays compte 44 millions de baptisés, ce qui fait, sur 65 millions d'habitants, les deux tiers de la population. Sous l'influence d'une laïcité exacerbée qui voudrait effacer le fait religieux de l'espace public, sous l'incidence, également, du grand nombre de questions intérieures et extérieures touchant à l'islam ou aux musulmans et qui finissent par accaparer les débats, on en viendrait à oublier, et pour certains à occulter, que le catholicisme reste la religion d'origine ou de référence de la majeure partie de la population française.

    Mais une religion qui est de moins en moins pratiquée…

    Certes. Au début des années 1960, environ 90 % des Français se présentaient comme catholiques, dont 35 % de pratiquants réguliers ou occasionnels ; au début des années 1970, les pourcentages étaient encore de 82 % de catholiques déclarés et de 20 % de pratiquants. Aujourd'hui, les catholiques pratiquants représentent entre 4,5 et 6 % de la population. Ce recul spectaculaire tient à des causes multiples: disparition de la vieille société rurale, bouleversements socioculturels des années 1960-1970, sécularisation du monde occidental. D'une société qui, en dépit de la laïcité officielle et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, était héritière d'une société de chrétienté, nous sommes passés à une société du libre choix religieux, dans un contexte d'incroyance généralisée. Néanmoins, en 2015, la France compte 3 millions de catholiques pratiquants réguliers et 10 millions de pratiquants occasionnels, soit 13 millions de personnes. S'il s'agit d'une minorité, cette minorité est numériquement la première minorité de France. Quant au long terme, les projections montrent qu'en 2045, le pays comptera entre 33 et 37 millions de baptisés, ce qui sera encore une masse considérable.

    Mais la France catholique, c'est aussi une culture ?

    C'est un patrimoine de 100 000 édifices religieux, dont 150 cathédrales et 45 000 églises paroissiales. C'est un enracinement bimillénaire qui s'observe dans la toponymie (4 400 communes portent un nom de saint), dans le calendrier civil où les six plus grandes fêtes chrétiennes sont des jours fériés, dans les traditions populaires, de la crèche de l'Avent aux œufs de Pâques. C'est tout un héritage artistique, littéraire et musical. C'est un héritage intellectuel et philosophique: tous les grands penseurs français, même s'ils n'étaient pas chrétiens, ont eu à se situer par rapport au catholicisme, ce qui revenait à reconnaître la place centrale de celui-ci dans notre histoire. La France catholique, ce sont encore les principes de base qui fondent le pacte social: la dignité de la personne humaine, l'égalité entre l'homme et la femme, la solidarité envers les petits et les pauvres, le souci de la justice ou le sens du pardon ont pu être laïcisés, ils expriment une anthropologie tirée des Evangiles. C'est en ce sens que la formule du général de Gaulle selon laquelle «la République est laïque, la France est chrétienne» conserve toute sa pertinence. C'est en ce sens également que les sociologues Hervé Le Bras et Emmanuel Todd ont pu parler récemment d'un «catholicisme zombie», signifiant par là qu'en dépit de la baisse de la pratique religieuse,

    Quel est le poids des catholiques dans la société ?

    Il est énorme, mais il s'exerce de façon discrète. Dans le domaine de l'enseignement, par exemple, une famille française sur deux confie son enfant à un moment ou à un autre de son parcours scolaire à l'enseignement catholique. Même quand les motivations des parents ne sont pas d'ordre religieux, et même quand les établissements fréquentés n'ont qu'une faible identité confessionnelle, les élèves ont un contact, le temps de leur scolarité, avec l'univers catholique. Dans le domaine de l'aide sociale, du caritatif et de l'humanitaire, tant en France que pour les missions françaises à l'étranger, si l'on supprimait d'un trait les associations catholiques, ce serait une perte immense, si nombreux sont les catholiques engagés dans ces secteurs. L'éducation chrétienne, en général, prédispose au bénévolat. Rappelons, par exemple, qu'avec 125 000 membres le scoutisme catholique, toutes tendances confondues, est un des principaux mouvements de jeunesse français.

    Et sur le plan politique, que représentent les catholiques ?

    Politiquement, ils sont divisés. Ce n'est pas nouveau, cela date du XIXe siècle. Il existe des catholiques de gauche, du centre et de droite. Mais, au cours des deux dernières décennies, les équilibres se sont modifiés. Nous avons assisté à la quasi-disparition des chrétiens de gauche, emportés par leurs désillusions consécutives à la présidence de François Mitterrand. Puis à la droitisation du curseur chez les catholiques pratiquants, dont les trois quarts ont voté pour Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle de 2012. Mais le peuple catholique n'est pas différent du commun des mortels: ce qui prédomine chez lui, c'est une méfiance à l'égard des partis et des hommes politiques actuels, accusés de se préoccuper d'enjeux politiciens ou d'objectifs à court terme, et non des vrais problèmes qui engagent notre avenir. L'opposition au mariage homosexuel, toutefois, a manifesté une capacité de mobilisation des réseaux catholiques qui a surpris tout le monde, y compris les organisateurs des grandes manifestations de 2012-2013. Cette mobilisation, qui a dépassé les clivages traditionnels, marque l'entrée dans l'arène d'une nouvelle génération catholique qui sait être une minorité agissante.

    Qu'est-ce que le pontificat du pape François change pour les catholiques français ?

    Méfions-nous des fausses oppositions entretenues, non sans arrière-pensées, par le système médiatique. La majorité des forces vives du catholicisme français, que ce soit dans le clergé ou chez les laïcs, n'a eu aucun problème, au contraire, avec les pontificats précédents. Le témoignage public de la foi chrétienne par les processions ou les pèlerinages, pratiques qui sont en plein renouveau, l'exigence de formation religieuse ou d'approfondissement spirituel, qui caractérisent la nouvelle génération, sont des legs de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Mais l'appel à la radicalité évangélique à laquelle invite François n'a rien pour déplaire à cette nouvelle génération.

    Comment se présente l'avenir pour le catholicisme français ?

    Les évolutions démographiques et sociologiques sont lentes mais implacables. A court et moyen terme, nous allons vers une Eglise de France plus resserrée, plus citadine, où les divisions internes n'auront pas disparu mais se seront déplacées. Dans la mesure où le catholicisme populaire a fondu, le risque est celui de l'entre-soi. La contrepartie de cette homogénéité sociale et culturelle, c'est une vraie cohérence et une garantie de durée. Sur le long terme, si l'on considère le dynamisme de ces mouvements, de ces paroisses et de ces communautés, sans parler de leur vitalité intellectuelle et spirituelle, on peut dire que la France catholique n'a pas dit son dernier mot. 

    Jean-Christophe Buisson 

    france catho.jpg

    La France catholique, de Jean Sévillia, Michel Lafon, 29,95 €.   

     

  • Libye, Syrie, Ukraine : le Waterloo de la diplomatie française

    La bataille de Waterloo, 18 juin 1815 - Clément-Auguste Andrieux

     

    L'analyse de Jean-Michel Quatrepoint

    Alors que Nicolas Sarkozy vient de rendre visite à Vladimir Poutine, Jean-Michel Quatrepoint compare, pour Le Figaro deux diplomaties, la française et la russe. Il déplore l'absence de vision de la France sur le dossier syrien. Son analyse, comme toujours parfaitement renseignée, éclaire et corrobore la position qui est la nôtre sur ces sujets, en effet compliqués, comme l'est l'Orient, mais où les intérêts de la France ne sont plus défendus. LFAR. 

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgNicolas Sarkozy a rendu visite à Vladimir Poutine dans sa datcha proche de Moscou, jeudi 29 octobre, et a prôné le dialogue entre la France et la Russie. Ce virage de celui qui a fait rentrer la France dans le commandement intégré de l'OTAN en 2007 vous surprend-elle ? 

    L'ancien président de la République devrait commencer par reconnaître ses deux erreurs. La première est la guerre de Libye : il est responsable de sa déstabilisation. Deuxièmement, c'est sous son quinquennat que son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le Quai d'Orsay, ont tout fait pour faire partir Bachar el-Assad. Par la suite, François Hollande, Laurent Fabius et le Quai ont aggravé cet échec diplomatique. Ceci dit, Nicolas Sarkozy peut se féliciter de ses relations anciennes avec Vladimir Poutine. Lors de la crise géorgienne, il avait su maintenir le contact avec celui qui était alors Premier ministre, n'hésitant pas, déjà, à se rendre à Moscou. 

    Comment qualifier l'attitude de la France en Syrie ? 

    C'est le Waterloo de la diplomatie française. Nous avons été exclus des dernières négociations. Les autres puissances se moquent de la voix de la France. Nous disposons, au même titre que l'Union européenne, l'Allemagne et l'Italie, d'un strapontin à la conférence de Vienne sur la Syrie ce vendredi. Les vrais décideurs sont en réalité la Russie et les Etats-Unis. Avec la réinsertion de cet Iran que la diplomatie française a tant ostracisé. Car le problème est bien plus complexe que la désignation des bons et des méchants. Si Assad est un dirigeant peu fréquentable, il est loin d'être le seul… 

    D'autres pays avec lesquels la France entretient d'excellentes relations sont également dirigés par des « infréquentables ». Dans cet Orient compliqué, prendre parti unilatéralement avec des idées simplistes comme nous l'avons fait était une erreur. Toute la diplomatie française s'est retrouvée en porte-à-faux ; sa tradition était de parler avec tout le monde et d'être un entre-deux, un médiateur qui facilite la résolution des problèmes de façon équitable. Là, nous avons choisi le camp le plus extrême qui soit puisque nous avons choisi comme alliés l'Arabie saoudite et le Qatar. On a adopté sans nuances la cause qatarie et saoudienne contre l'Iran et la Syrie. Aujourd'hui, l'Arabie saoudite, réaliste, s'asseoit à la même table que les Iraniens et discute avec les gens de Bachar. Nous sommes les dindons de cette farce tragique. 

    Quel bilan dresser de l'action diplomatique de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères ? 

    Laurent Fabius a tout fait pour faire échouer les négociations sur le nucléaire iranien. Il a une part de responsabilité dans la crise ukrainienne. Il n'a pas veillé à ce que l'accord signé à Maïdan entre les Russes et les Ukrainiens soit respecté. On peut critiquer Fabius, mais la responsabilité incombe largement au Quai d'Orsay. La diplomatie gaullo-mitterandienne a connu son chant du cygne, en 2003, avec Dominique de Villepin. Beaucoup des diplomates du Quai, largement imprégnés par le courant néo-conservateur américain, n'ont pas apprécié le discours du Premier ministre à l'ONU sur la guerre d'Irak. En ce moment, ceux qui sont à la manœuvre sont les néo-conservateurs, qui ont dépassé leurs modèles américains! À vouloir imiter et servir les Américains et les Saoudiens, ils ne se font jamais respecter. 

    Il est par ailleurs absurde de privilégier une relation avec un pays aussi petit sur le plan démographique et culturel que le Qatar, au détriment d'un pays de 80 millions d'habitants tel que l'Iran. Le développement économique de l'Iran comparé à celui du Qatar est sans commune mesure. 

    Il se murmure que Laurent Fabius pourrait être nommé président du Conseil constitutionnel. Ségolène Royal est pressentie pour le remplacer. Ce choix paraît-il approprié ? 

    Mais il y a aujourd'hui un autre candidat pour le Conseil constitutionnel, Lionel Jospin. Et des négociations sont en cours en ce moment entre François Hollande et Jean-Louis Debré. Ségolène Royal était à Moscou en même temps que Nicolas Sarkozy, même si elle n'a pas été reçue par Vladimir Poutine à qui elle portait une invitation pour la Cop21… 

    En réalité, le problème n'est pas le ministre des Affaires étrangères, mais l'administration qui le soutient et le président de la République. C'est ce dernier qui donne l'impulsion diplomatique. Il a choisi de nommer un ambassadeur à Moscou qui, bien que membre de la promotion Voltaire à l'ENA, n'est ni russophone ni russophile. 

    La politique étrangère française se réduit-elle aujourd'hui à la diplomatie du climat ? 

    On a abandonné la diplomatie des droits de l'Homme puisque on a bien vu que tous les pays auxquels nous avons tenté d'apporter la démocratie ont été ravagés (Libye, Syrie…). Et qu'en Egypte, le maréchal Sissi a sauvé le pays des Frères musulmans en faisant peu de cas des droits de l'homme. Il a tout simplement appliqué le principe : pas de liberté pour les ennemis de la liberté. On a l'impression qu'après les droits de l'homme on s'est rabattu sur la diplomatie du développement durable. Il s'agit certes d'un enjeu important, mais on ne saurait limiter notre diplomatie à ce seul aspect des choses. Quant à la politique énergétique, on ferait mieux de valoriser ce qui reste un de nos points forts : le nucléaire. Et de relancer les recherches sur les futures générations de centrales. 

    Quelle est la stratégie de la Russie en Syrie ? 

    La diplomatie russe emmenée par Sergueï Lavrov est réelle, réaliste et réfléchie. Après la crise ukrainienne qui les a mis en difficulté, les Russes ont réussi à se repositionner avec habileté sur la Syrie. 

    À la fin du printemps, les Russes se sont rendu compte que l'armée d'Assad était exsangue. Des 300 000 soldats du départ, il n'en restait plus que 150 000. Cette armée a été minée par les désertions des sunnites, passés dans les rangs de Daech, al Nosra ou de l'Armée syrienne libre, et les morts. Les 250 000 morts dont on nous parle sont dans tous les camps : l'armée régulière, les groupes djihadistes et les civils. Le flux migratoire que l'on connaît en Europe s'est accéléré à partir de juin 2015. Une partie des Syriens favorable au régime craignant alors que Bachar el-Assad soit défait, a choisi de s'exiler. 

    Les Russes ont choisi de ne pas lâcher Assad pour plusieurs raisons. Dans les rangs de Daech, il y a 5 000 Tchétchènes, peuple musulman qui vit au Sud-Ouest de la Russie aux tendances séparatistes et islamistes. Si l'État islamique installe son califat, il y un risque majeur de déstabilisation de tout le Caucase. Ensuite, les Russes perdraient la base navale de Tartous qui leur est essentielle pour assurer leur présence en Méditerranée. Tout comme il était vital pour eux d'avoir une large ouverture sur la mer Noire. L'annexion de la Crimée visait d'abord à récupérer la base navale de Sébastopol. 

    Mais Moscou venait de resigner une concession de trente ans avec l'Ukraine pour sa base navale… 

    Oui, mais les Russes n'avaient plus confiance. L'évolution en Ukraine, le jeu trouble des États-Unis et de certains États européens leur ont donné à penser que cet accord pouvait être rompu du jour au lendemain. Ils ont donc préféré se servir avant d'être éventuellement mis à la porte. Par cet accès à la mer Noire, les Russes conservent une ouverture sur la mer Méditerranée. Il y a également une explication religieuse au soutien affiché à Assad. Bachar et son père ont protégé les minorités religieuses chrétiennes, orthodoxes, comme Saddam Hussein en Irak. Hussein, qui était sunnite - une minorité sunnite dirigeait d'une main de fer l'Irak, à majorité chiite - a préservé le million de chrétiens irakiens. Son ministre des Affaires étrangères, Tarek Aziz était précisément un chrétien. A contrario en Syrie, une minorité alaouite, variante du chiisme, gouverne, avec l'appui des chrétiens (5% de la population), une majorité de sunnites. Mais les Assad, comme Sadam Hussein, venaient du parti Baas, où les influences socialistes et les liens avec l'URSS étaient importants. La Russie de Poutine ne veut pas être exclue d'un Proche-Orient où l'URSS avait des alliés, au premier rang desquels la Syrie. 

    Comment les Russes ont-ils procédé ? 

    La prise de Palmyre par Daech en mai a accéléré le cours des choses ; même si cette prise est d'une importance stratégique secondaire, le poids symbolique s'est lourdement fait sentir. Le mouvement diplomatique opéré par le Kremlin a consisté à traiter avec les Saoudiens, avec le discret appui de Washington, et à les amener à rediscuter avec le régime syrien. Le 18 juin dernier, Poutine a reçu à Moscou le prince Mohammed ben Salmane, ministre de la Défense et vice-Premier ministre saoudien. Ils se sont mis d'accord sur une reprise du dialogue avec la Syrie. Les Saoudiens ont posé comme condition que la rencontre avec les Syriens se déroule à Riyad. Ces derniers ont accepté et envoyé leur numéro deux, le patron des services de renseignement, Ali Mamlouk, pour rencontrer Ben Salmane à Riyad. Chacun a vidé son sac. Les Syriens ont reproché aux Saoudiens de ne plus privilégier un comportement collectif — comme au temps où Egypte, Syrie et Arabie saoudite étaient les meneurs de la diplomatie du monde arabe -, d'armer leurs opposants et de briser ce lien qui les unissait en leur préférant les Qataris. Les Saoudiens, de leur côté, ont reproché aux Syriens leur proximité avec le régime iranien. Mais ils s'étaient reparlés ce qui était l'essentiel. 

    Les Russes ont ensuite préparé conjointement une habile stratégie diplomatique, pour se garantir un maximum d'alliés, et une offensive militaire dans la région. Leur but était de dégager l'étau qui enserrait Assad. Par conséquent, ils ont frappé d'abord ceux qui étaient directement à son contact, en l'espèce al Qaïda et al Nosra, et non Daech. Il est logique qu'ils aient frappé en premier lieu ceux qui menaçaient directement le régime syrien. Puis dans un deuxième temps, ils se sont plus largement attaqués à Daech. 

    Les Russes ont-ils une solution de rechange s'ils ne parviennent pas à maintenir Assad au pouvoir ? 

    Effectivement, leur idée initiale est de former un bloc uni - États-Unis, Turquie, Arabie saoudite, régime syrien, Iran - contre Daech. À l'évidence, ils ont expliqué à Assad, lors de sa récente visite à Moscou, qu'à terme il devrait quitter le pouvoir, si c'était la condition d'un accord politique, du maintien de l'intégrité du pays et d'un front uni contre Daech. Mais si ce plan A échoue, leur plan B consiste en une création d'un réduit alaouite sur la bordure méditerranéenne, autour de Lattaquié et Tartous, dont ils protègeraient les frontières contre l'EI. Les Russes soutiendraient le réduit alaouite comme les Américains ont soutenu Israël. 

    Ce qu'il faut souligner c'est que les Russes, bien que touchés par la crise économique, sont encore capables de déployer une stratégie diplomatique de grande ampleur. La Russie compte peu économiquement, c'est l'échec de Poutine ; il n'a pas réussi à reconvertir une économie de rente pétrolière et minière en une économie moderne. Mais diplomatiquement, elle a complètement repris pied sur le champ diplomatique depuis la fin de l'URSS.  •

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir.

    Dans son livre, Le Choc des empires .Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde ? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation.  

    Entretien réalisé par Eléonore de Vulpillières et Alexandre Devecchio

  • BD & SOCIETE • Y’a bon Astérix ! Nos ancêtres les racistes

     

    Un commentaire de Jean-Paul Brighelli  en tous points remarquable par son humour et par sa pertinence

    Disons le tout net : nous avons un sujet de désaccord avec Jean-Paul Brighelli. Essentiellement, c'est sur son attachement en quelque sorte intégral aux Lumières que nous divergeons. Nous croyons plutôt comme Houellebecq que les Lumières sont aujourd'hui éteintes ou en voie de l'être et qu'il convient de sauver d'elles seulement ce qui peut l'être. C'est à dire, pour être très brefs, ce qui ressort encore dans les Lumières - souvent avec éclat - de l'ordre, du goût et de la tradition française à l'exclusion de ce qui y inaugure la déconstruction. de cet ordre et de cette tradition. A cette divergence près qu'il est sans doute honnête de signaler, nous partageons le plus souvent les analyses de Jean-Paul Brighelli. En l'occurrence, sa satire de l'antiracisme nous paraît en tous points justifiée et rondement menée ! Lafautearousseau    

     

    985859-1169345.jpgNous avons donc appris cette semaine, grâce à l’Express qui a relayé des critiques éparses dans le Camp du Bien, que le dernier Astérix était raciste.

    Et que d’ailleurs tous les Astérix étaient racistes. Le grand philosophe Liliam Thuram (né en 1972 après J.C.) explique dans une vidéo qu’enfant, il s’identifiait à Astérix, et ne parvenait pas à se voir en noir — c’est le principe du héros, hé, banane ! Surtout les Noirs d’Astérix : dans le dernier opus, qui est un pur « à la manière d’Uderzo », ils ont encore de grosses lèvres et un nez épaté. Et les « scribes numides », les auteurs précisent en Note qu’on les appelle aujourd’hui « nègres littéraires ».

    « Ghostwriters », en anglais. Rappelez-vous ce roman de Philip Roth, la Tache, où le héros, prof de fac, se fait virer de son université pour avoir traité de « spooks » — zombies, mais aussi « nègres » en argot — deux étudiants-fantômes, jamais vus en cours — mais qui se trouvent être noirs, ce qu’il ignorait. Insensibilité, protestations de la NAACP, il est viré, détruit — alors qu’il est lui-même d’origine noire ; c’est le final twist du roman. Finkielkraut en a fait une très belle analyse dans Un cœur intelligent (2009). Roth, qui sait un peu ce qu’est le racisme, a écrit là son plus beau livre.

    Retour à Astérix. Le Noi’ vigie du bateau pi’ate ne p’ononce pas les R, et de su’c’oît il avoue dans ce de’nier opus qu’il ne sait pas lir’e — pas grand monde savait lire au Ier siècle av. J.C.. Cela émeut les antiracistes proclamés, les mêmes qui exigent, comme Louis-Georges Tin, qui a fait de la revendication antiraciste son fonds de commerce, que Tintin au Congo comporte en Europe comme aux Etats-Unis un insert expliquant qu’il s’agit d’une (vilaine) vision coloniale.

    Il est vrai que Tintin au Congo envoyait la dose, surtout dans la première édition — ce qui amène les blogueurs de l’Obs à se demander s’il ne faudrait pas tout bonnement l’interdire. Et les corrections de l’édition couleur sont touchantes, mais tout aussi révélatrices de la pensée coloniale.

    Tout comme les corrections de Tintin au pays de l’or noir, où Hergé a transformé les stéréotypes du racisme anti-juif en stérétotypes du racisme anti-musulman (en vingt ans, entre la première et la seconde édition, les Arabes ont désappris à lire — un comble !). Et alors ? Tout cela, c’est l’histoire des idées. Bombarder les livres d’avertissements en tous genres ne pourrait que contribuer à l’invention d’un racisme à l’envers, dont on ne voit que trop les manifestations immondes — j’en ai parlé ici même il y a quelques mois.

    Quant à savoir ce que vaut ce Papyrus de César, vous trouverez une analyse modérée et compétente ici — et un refus d’affubler un album de BD d’étiquettes qui sont autant de poncifs elles-mêmes, voire les manifestations d’un racisme à rebours. Le Corse que je suis ne s’est jamais offusqué des clichés véhiculés par Astérix en Corse, d’autant qu’ils étaient soulignés comme clichés. Le Corse paresseux, ce n’est jamais qu’un rappel du fait que d’après les Romains, maîtres du langage et de l’idéologie à l’époque, les Corses refusaient d’être esclaves et préféraient mourir que de servir un maître qu’ils ne s’étaient pas choisis. Il en est d’autres, dans d’autres civilisations, qui acceptaient le fait d’autant plus aisément qu’ils avaient été mis en esclavage par leurs frères de couleur ou de religion — but that’s another story. 

    Jean-Paul Brighelli (Causeur)

  • SOCIETE • Les nouveaux dogmes…

     

    Par Camille Pascal  

    Camille Pascal dit son point de vue dans Valeurs actuelles sur le sujet qu'on va découvrir et il nous paraît bon qu'il l'ait fait. Qui plus est en temps opportun. Il est un littéraire et un politique. Pas un de ces scientifiques auxquels, par accroc, il se réfère ici. Mais, après tout, le simple bon sens surclasse parfois les hypothèses de la science. Et, par ailleurs, Claude Allègre qui est, lui, un pur scientifique, ne nous semble pas penser autrement que Camille Pascal sur ce sujet controversé où, souvent, se déploie et s'impose un conformisme plutôt irritant. Parfois même suspect. Nous aurons tendance comme Camille Pascal à ne pas y succomber. LFAR   

    Gare à qui s’avise de remettre en cause le catastrophisme climatique. Témoin le tollé médiatique contre le livre de Philippe Verdier.

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngLe dogme de l’Immaculée Conception, défini par le pape Pie IX en 1854, fut longtemps la cible de toutes les railleries anticléricales. Les catholiques ont cru et baissé la tête sous le regard ironique des libres-penseurs, mais, à ma connaissance, personne n’a été condamné ni même inquiété en France pour avoir contesté ce dogme tardif de l’Église catholique. Il semble qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui pour ceux qui ont le malheur de remettre en cause la réalité, ou tout simplement la portée réelle, du réchauffement climatique.

    C’est ce qui vient d’arriver à un certain Philippe Verdier, présentateur météo de France 2, dont l’ouvrage intitulé Climat investigation a tenté de démontrer que, loin des prévisions apocalyptiques que l’on nous présente comme autant de vérités révélées, le réchauffement climatique pourrait avoir des effets relativement bénéfiques pour les sociétés occidentales. Que n’avait-il pas dit là à quelques semaines de la conférence de Paris qui doit, nous promet-on, annoncer d’immenses choses pour la sauvegarde de la planète ? En l’espace de quelques heures, ce livre, très anodin sur le fond, était dénoncé du haut de toutes les chaires médiatiques comme blasphématoire et sacrilège, l’auteur déclaré “climatosceptique” — entendez par là incroyant — et frappé immédiatement d’excommunication télévisuelle.

    Pour tenter de sauver son âme et son poste, le malheureux a expliqué qu’il n’avait pas remis en question le dogme sacro-saint mais simplement cherché à “relativiser” la portée du discours millénariste de ces nouveaux anachorètes qui prêchent la fin du monde depuis des palaces internationaux. Relativiser, là est le crime impardonnable car aucune religion, surtout lorsqu’elle est toute neuve, ne tolère le relativisme. Ainsi, en quelques décennies, une poignée de ces prédicateurs est parvenue à imposer une nouvelle religion vaguement teintée de spinozisme qui assimile Dieu à la nature. L’homme porte désormais un nouveau péché originel, et il doit pour cela expier dans la décroissance, la marche à pied et les patates “bio”.

    Un historien comme Emmanuel Le Roy Ladurie a pourtant démontré, archives à l’appui, qu’à l’échelle de l’histoire humaine le climat avait connu de fortes variations sans aucun lien avec l’activité des hommes. L’histoire géologique, quant à elle, est une succession de bouleversements climatiques bien antérieurs à l’apparition de l’espèce humaine… Enfin, pour abdiquer sa liberté de raisonnement face à un discours scientifique, il faudrait avoir perdu toute lucidité. Le Club de Rome nous annonçait déjà, il y a un demi-siècle, l’épuisement des ressources non renouvelables avant 2010. Ces éminents scientifiques avaient tout simplement oublié de prévoir la découverte de nouveaux champs pétrolifères et l’essor du gaz de schiste. Il est bien possible que le malheureux Philippe Verdier — on a les Galilée que l’on peut — vienne à résipiscence devant le tribunal de la nouvelle inquisition écologiste pour reconnaître que la Terre est menacée, mais nous serons toujours quelques-uns à penser : et pourtant, elle continue de tourner…   

     

    Camille Pascal

     

     

     

  • HUMOUR & SOCIETE • Quand Bouvard dégaine... Mortel !

     

    sans-titre.pngC'est la désolante saga d'un fromage d'abord appelé Hollande et fabriqué avec la crème des grandes écoles puis rebaptisé Président avant de se liquéfier peu à peu, en dépit de sa graisse personnelle, jusqu'à s'identifier au yaourt à 0%. 

    Le refus de prendre ses distances avec la crèmerie sous prétexte qu'un bail, récusé aujourd'hui par presque tous les signataires, lui assure encore deux ans et demi de pas-de porte, semble avoir fait définitivement tourner le bon lait de la tendresse électorale. 

    L'amour pour ma patrie étant plus fort que l'amour-propre, j'en arrive à regretter d'avoir, dès le début de l'année de disgrâce 2012 et en basculant déjà dans l'opposition, tout prévu des malheurs qui allaient fondre sur nous. 

    A savoir l'incompétence gouvernementale d'un cacique de province propulsé directement de la direction du département le plus endetté du pays à la tête de la cinquième puissance mondiale. Une incapacité à rallumer les fours de la croissance, beaucoup plus angoissante que celle d'un réparateur de chaudière connaissant mal son métier. 

    L'entêtement idéologique, le défaut de pragmatisme et le manque de charisme ont abouti à ce que, élu voilà trente mois avec 52% des voix, Hollande ne disposerait même pas aujourd'hui d'une majorité au conseil municipal de Tulle. 

    Certains remarqueront qu'on ne doit pas plus apprendre l'arithmétique que l'orthographe à l'ENA. D'autres dresseront la liste des bons sentiments tombés en quenouille, des promesses non tenues parce qu'intenables et des formules pompeuses vidées de leur sens par les réalités. Emplois d'avenir devenus jobs sans lendemain. Soi-disant pactes impliquant l'accord de tous mais rejetés la semaine suivant leur annonce. Suppression des impôts mais pour ceux qui n'auraient jamais dû en payer. 

    Le pouvoir devient une impasse lorsque le peuple descend dans la rue. La mosaïque formée par les déçus, mécontents, protestataires qui recouvre toutes les régions, toutes les générations, toutes les professions.

    Les policiers se suicident. Les paysans sont désespérés.

    Les médecins ferment leurs cabinets. Les avocats retirent leur robe.

    Les huissiers sont tout saisis.

    Pour la première fois, les enseignants, les parents et les enfants éprouvent le même ras-le bol.

    Les mensonges d'Etat s'érigent en système de communication.

    Le remplacement des 16 « Moi Président », qui ont fait, paraît-il, la victoire contre le seul "sans-dents » qui consomme la défaite. 

    Les braves gens ne comprennent pas qu'on puisse terminer un quinquennat alors qu'ils n'ont pas de quoi finir le mois. 

    521358.jpgUn endettement galopant dont on n'ose même plus préciser le montant. Un chef des armées faisant tomber nos soldats un à un dans des pays improbables, s'immisçant dans des luttes tribales et des guerres de religion au nom d'un passé révolu. 

    Un va-t-en-guerre menaçant de ses canons un tyran syrien mais ne réussissant à faire fuir que vers Bruxelles ou vers Londres les riches de son propre pays. Sans oublier le summum de l'irresponsabilité : la fausse nouvelle de la libération - jamais intervenue à la suite de tractations jamais amorcées - des 250 jeunes filles nigérianes mariées de force à leurs ravisseurs. 

    Et que dire l'image véhiculée par des médias moins friands de séductions que de ridicules ? Un personnage mal fagoté, affublé par son tailleur, déguisé par son chemisier, abandonné par ses amis, décrié par ses femmes, mal entouré, mal conseillé, mal dans une peau tavelée par les coups reçus de toutes parts. 

    Une vie privée vaudevillesque jalonnée par l'octroi d'un ministère plutôt que d'un pacs à la mère de ses quatre enfants, poursuivie par la répudiation publique en dix-huit mots d'une femme aimée pendant sept ans et achevée par l'édition d'un livre de secrets d'alcôve griffonnés au saut du lit. 

    Pour l'heure, les appartements, désormais moins privés, de l'Elysée verraient débarquer chaque soir et repartir chaque matin, une comédienne dont il faudrait vérifier que les horaires tardifs et la régularité des prestations n'enfreignent pas la législation du travail de nuit. 

    Non seulement, je n'envie pas sa place mais je le plains de s'y accrocher, car je n'ose imaginer cette marionnette pathétique ne tenant plus qu'à un fil, errant dans le triste palais-bureau déserté par les courtisans, lorsqu'une secrétaire embarrassée prétend que par suite d'une grève de la distribution affectant seulement le 55 rue du Faubourg Saint-honoré, les odieux quotidiens et les méchants magazines ne sont pas arrivés. 

    « Le pauvre homme », comme disait Orgon dans Tartuffe.

    Un père de la Nation en l'honneur duquel les enfants n'agitent plus de petits drapeaux qu'à Bamako et qui ne peut plus parcourir l'Hexagone sans se faire huer.

    A Hollande qui lui faisait remarquer, en le décorant pour six mois de cohabitation, qu'on pouvait réussir sa vie sans devenir président de la République, Valls aurait eu beau jeu de rétorquer qu'on peut tout rater en le devenant.                                                          

    Plus besoin de posséder la science des conjectures pour prévoir la catastrophe.                                                         

    Elle est déjà là. 

    PHILIPPE BOUVARD 

    Block-notes du Fig-Mag

  • LIVRE • Etonnant Benoît Rayski

     

    par Anne Bernet

    Nous avons aimé cette excellente recension d'Anne Bernet. Nous préciserons simplement que Benoît Rayski est aujourd'hui collaborateur régulier de Causeur. LFAR

     

    anne bernet.pngVoici l’un des livres les plus inattendus, et les plus réconfortants, de cet automne.

    Fils d’Adam Rayski, responsable des MOI, mouvement communiste regroupant les immigrés, pendant l’Occupation, journaliste de gauche, Benoît Rayski, et il n’y a aucune raison de le lui reprocher, a assumé toute sa vie ses origines juives et polonaises, ainsi que ses engagements rouges. Il les a assumés avec « bonheur », « vanité ». Ces choix entraînaient le rejet d’une France « réactionnaire », catholique, nostalgique de son passé royal, avec laquelle il ne se prétendait aucun lien. Il n’y avait pas de raison que cela change.

    Jusqu’au jour où Benoît Rayski a découvert que l’antisémitisme qu’il n’avait cessé de combattre refleurissait effectivement en France, mais pas dans ces milieux dits d’extrême droite qu’il avait appris à détester. Et que cet antisémitisme-là ne devait sous aucun prétexte être dénoncé ni stigmatisé, quelles que fussent les atrocités dont il se rendait coupable. Alors, parce que, par tempérament, il est de ceux qui se battent au lieu de ramper, une saine et sainte colère l’a envahi devant les hypocrisies, les mensonges, les calculs, les lâchetés et les veuleries du pouvoir, des intellectuels, des médias, de tous ceux qui s’étaient appropriés les rênes du pays depuis des années et désormais baissaient la tête, déjà soumis, face à un Islam de plus en plus menaçant. Et soudain, Rayski a découvert ce qu’il se cachait depuis son enfance : il aimait la France, celle de Brocéliande et de Viviane, de Rocamadour et de la Vierge Marie, de tous ces lieux où souffle l’esprit, et il la défendrait.

    Il faut du courage pour confesser ses erreurs, ses fourvoiements, avouer une admiration trop longtemps tue pour les bâtisseurs de cathédrales, Jeanne d’Arc, Louis XIV, Barrès, Maurras, Venner, tendre la main à ceux qu’hier, l’on prenait pour des adversaires irréconciliables. Du courage, Rayski n’en manque pas, d’intelligence non plus. Face au péril commun, il va à l’essentiel, dans une langue superbe, parfois imprécatoire. Son livre lui vaudra des ennemis implacables parmi ses compagnons de route d’hier, mais, en le refermant, ému, l’on a envie, du fond du cœur, de lui dire merci. 

    Comment je suis devenu un sale Français, de Benoît Rayski, Le Rocher, 160p., 16,90 euros.

  • Oui, l'Action Française a toujours été anti-nazi !

     

    par  

    Juriste, fonctionnaire au ministère des finances

    C'est seulement par antiphrase, ou par modestie, que Laure Fouré dit s'être proposée de rappeler aux lecteurs de Boulevard Voltaire, quelques vérités historiques un peu oubliées. Ce sont des vérités d'importance qu'elle rétablit avec pertinence. Des vérités toujours occultées ou contrefaites par une pensée officielle avant tout soucieuse de jeter l'opprobre sur tout un courant intellectuel et politique qui lui était hostile. Ce que fut réellement la politique allemande de l'Action Française avant et pendant la deuxième guerre mondiale, notamment à l'égard d'Adolf Hitler et du nazisme, nous l'avons maintes fois rappelé ici. Laure Fouré y ajoute une contribution argumentée, accompagnée d'une vidéo où Eric Zemmour qui, décidément, connaît bien l'Action Française, son histoire et ses idées, rétablit la vérité, preuves à l'appui, sur ce que fut vraiment l'engagement des royalistes à cette époque.   Lafautearousseau 

     

    laure fouré.jpgAlors qu’une nouvelle polémique, lancée notamment par Jean-Luc Mélenchon comparant Le Pen à Hitler, se développe au sujet de la réédition de Mein Kampf, qui tombera dans le domaine public le 1er janvier 2016 – son auteur étant décédé depuis 70 ans -, il convient de rappeler quelques vérités historiques un peu oubliées.

    En février 1934, la maison d’édition proche de l’Action française, Les Nouvelles Éditions Latines, décide, à la demande de Charles Maurras souhaitant disposer d’une traduction fidèle de Mein Kampf pour comprendre l’idéologie hitlérienne, de le faire traduire et de le publier : l’ouvrage sera édité quelques mois plus tard et tiré à 8.000 exemplaires, avec en exergue la phrase du maréchal Lyautey :« Tout Français doit lire ce livre. »

    Furieux de cette initiative prise sans son consentement, Hitler, qui envisageait de diffuser une traduction de son texte adaptée à chacun des pays destinataires, c’est-à-dire expurgée de tout ce qui pouvait attirer l’attention des États voisins de l’Allemagne sur ses intentions belliqueuses, engagea une procédure contre le patron des Nouvelles Éditions latines, Fernand Sorlot, à l’issue de laquelle la justice accorda au plaignant un franc symbolique de dommages-intérêts, considérant qu’il n’y avait pas lieu à la destruction d’un ouvrage que tous les Français ont intérêt à connaître.

    Rejoignant l’inquiétude manifestée par Mgr Pacelli, futur Pie XII, alors nonce apostolique en Allemagne, qui qualifiait Mein Kampf de « livre à faire dresser les cheveux sur la tête », M. Sorlot soulignait, dans un avertissement introductif à l’édition incriminée, que « ce livre, répandu en Allemagne à plus d’un million d’exemplaires, a eu sur l’orientation soudaine de tout un peuple une influence telle qu’il faut, pour en trouver l’analogue, remonter au Coran ».

    31_Lisez_A_F.jpgGermanophobe impénitent, Maurras ne collaborera jamais avec l’Allemagne (il sera condamné en 1945, non sur ce chef d’accusation, mais pour intelligence avec l’ennemi, crime inventé pour la circonstance), et s’il accueillit comme une « divine surprise » l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain, c’est qu’il pensait que le vainqueur de Verdun parviendrait à redresser la France, affaiblie par une République impuissante et corrompue qui avait conduit le pays à la défaite.

    Si quelques brebis égarées, à l’instar de Robert Brasillach séduit par la liturgie virile des défilés de Nuremberg, furent compromises dans la collaboration, la majorité des royalistes et des nationalistes de toutes obédiences rejoignirent les troupes de la France libre, tels Honoré d’Estienne d’Orves ou le Colonel Rémy, comme Alain Griotteray l’a justement démontré dans son ouvrage 1940 : la droite était au rendez-vous. Qui furent les premiers résistants ?

    En revanche, non seulement la gauche républicaine et pacifiste demeura longtemps attentiste, mais d’anciens hauts responsables communistes ou syndicalistes comme Jacques Doriot et Marcel Déat s’engagèrent sans état d’âme du côté de l’Allemagne en vue de la construction d’une Europe unie.

    Avant de se livrer à des amalgames douteux, le représentant du Front de gauche devrait balayer devant sa porte…

     

     

  • Les banlieues méritent mieux que la République

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgLe premier ministre Manuel Valls était aux Mureaux ce lundi, dix ans après les émeutes de banlieue, et il y a fait quelques annonces à défaut d'évoquer une véritable politique d'ensemble de la Ville et de ses « marges », ce dernier terme n'ayant rien de péjoratif ni de méprisant dans ma bouche. En fait, tous ces discours laissent un goût de cendres, sans jeu de mots (ni de maux, d'ailleurs), car ils sont, depuis plus de trente ans, redondants et, souvent, impuissants à changer de lourdes réalités. Cela ne veut pas dire que tous les efforts aient été forcément vains de la même manière, ni partout : mais les résultats ne sont pas assez satisfaisants pour que l'on s'en contente ou félicite. Il y a une impression désagréable et dangereuse de pourrissement de la situation, comme si une part de notre territoire avait été laissée entre d'autres mains que celles des autorités légales de ce pays...

    Durant presque dix ans, dans les années 1990, j'ai observé en première ligne les défauts et les absences de la République dans les banlieues, professant l'histoire-géographie aux Mureaux, la ville même où M. Valls se promenait ce matin en essuyant quelques quolibets et huées qui rappelaient ceux subis par son supérieur hiérarchique la semaine dernière à La Courneuve. J'ai aussi le souvenir d'une discussion très libre avec l'actuel président quand il n'était encore qu'un responsable socialiste en pleine ascension mais pas encore premier secrétaire du Parti socialiste, et ce qu'il m'avait dit m'avait, je l'avoue, surpris : affable, M. Hollande reconnaissait aisément les faiblesses de la Gauche dans le dossier des banlieues, mais, plus surprenant, il semblait renoncer à vouloir inverser la tendance, et son fatalisme bonhomme ne m'avait guère rassuré, même s'il savait trouver quelques mots réconfortants pour le professeur de banlieue que j'étais alors...

    Quant à moi, je n'avais pas renoncé à tenter de changer les choses « de l'intérieur » mais cela n'a pas eu grand effet, en définitive, si ce n'est d'avoir accompagné quelques élèves (y compris des plus difficiles ou des plus malheureux) dans leur scolarité et de leur avoir, je l'espère, donné quelques motifs de satisfaction et d'espérance : ceux que j'ai revus depuis cette époque désormais lointaine ont plutôt bien réussi leur vie, et c'est important et réconfortant, car cela souligne l'utilité d'être dans ces zones trop souvent décriées par ceux-là mêmes qui ne veulent pas leur accorder l'attention nécessaire pour les valoriser ou pour les « nationaliser ».

    Mon exercice de professeur aux Mureaux m'a confirmé dans mon royalisme tout en le transformant, et a, sans doute, radicalisé mon aversion pour une République « de grands principes mais de petite vertu » sans que je méconnaisse ou moque, pour autant, les (vaines) espérances de quelques républicains « de base » et de conviction certaine... L'attitude lâche de l’Éducation nationale comme institution m'a dégoûtée de cette République qui clame des valeurs qu'elle prend bien soin de ne pas respecter elle-même, préférant le confort d'une démission permanente (sauf rares exceptions, plus liées à l'attitude courageuse de quelques professeurs ou proviseurs qu'à « l'esprit » des inspections académiques et du ministère...) et d'une hypocrisie rassurante, à « l'audace » d'une politique d'intégration intelligente et, pourquoi pas, sentimentale...

    Non, les banlieues ne sont pas irrémédiablement perdues, mais la République, elle, les perd un peu plus chaque jour, au risque d'entraîner la France dans sa chute. Ce n'est pas en injectant des milliards sans suite que l'on pourra résoudre la grande question de l'avenir des banlieues mais en engageant une véritable politique de la Ville combinée à un nouvel enracinement des populations au sein de la nation française, ce « syndicat de familles et d'états » comme la définissait Maurras... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin