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Idées, débats... - Page 479

  • A lire ! Apocalypse du progrès de Pierre de la Coste

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    Apocalypse du progrès
    Pierre de la Coste.
    Éditions Perspectives libres, 2014

    D'Hiroshima aux OGM, de Tchernobyl aux fichages numériques des populations, de Fukushima au changement climatique, le Progrès nous inquiète. De l'extase progressiste de Jules Verne et de Victor Hugo, il ne nous reste rien, sinon une vague angoisse. Le moment est de toute évidence venu de se dire que le Progrès, comme mouvement inéluctable de l'Humanité vers le Bien, qui fut peut être une religion de substitution, est devenu un rêve aujourd'hui transformé en cauchemar.
    Devant la crise de la croyance dans le Progrès, il faut s'interroger sur notre dernier grand récit. D'où nous vient cette croyance aussi inébranlable que notre foi religieuse d'antan ? Pourquoi s'inverse-t-elle sous nos yeux ? Vers quelle catastrophe peut-elle nous conduire ?  (22,00 €)

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  • Requiem pour un empire défunt, de François Fejtö, par Ludovic Greiling*

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    Pourquoi le vieil empire d'Autriche-Hongrie, qui assurait la stabilité en Europe centrale, a-t-il été démembré à l'issue de la guerre de 14-18 ? N'ignorant rien des causes géopolitiques et des intérêts immédiats, François Fejtö met en lumière le caractère idéologique nouveau qui prévalait chez les vainqueurs dans la seconde partie de la guerre. Les conséquences se font encore sentir aujourd'hui.

    Cet ouvrage original pourrait être celui de la grande histoire européenne racontée au prisme de l'évolution de l'empire d'Autriche-Hongrie, mais il est davantage. Il tourne autour de la guerre de 14-18, qui constituera la prémisse fatale à la décadence de l'Europe et à l'entrée des Etats-Unis d'Amérique dans les affaires du Vieux Continent. A la lumière du destin du vieil empire, qui sera purement et simplement rayé de la carte par les Alliés, il propose une nouvelle lecture de cette époque charnière.

    Selon le chercheur, la Grande Guerre a connu deux épisodes. Celui de l'affrontement classique entre puissances à caractère impérialiste : la Russie slave et tsariste à la démographie galopante et au rôle croissant dans les Balkans, une Allemagne unifiée en plein boom démographique, technique et culturel, une France et une Angleterre coloniales soucieuses d'empêcher l'expansionnisme germanique.

    Une autre période, davantage idéologique et propagandiste, où un but nouveau - la victoire totale - fait son apparition en dépit des propositions de négociations lancées par les dirigeants autrichiens puis allemands. Dans ce domaine, le rôle des républicains français et de la franc-maçonnerie (auquel l'auteur consacre un chapitre) est important. Soucieux d'achever la révolution en France, ils veulent également déchristianiser l'Europe et abattre ses grandes monarchies.

    L'Allemagne militaire et hiérarchisée et - surtout - l'empire multi-ethnique et catholique d'Autriche-Hongrie figuraient comme des cibles à abattre. Ce dernier fut purement et simplement démembré pour faire place à de multiples Etats eux-mêmes emplis de minorités. Dans les décennies qui suivront, aucune puissance d'Europe centrale ne fera plus contrepoids à l'expansionnisme germanique et russe.

    Spécialiste du vingtième siècle, l'auteur d'origine hongroise ne cherche pas à réécrire l'histoire. Il abonde ses propos d'une documentation abondante et parfois inédite, et met également en avant les documents qui pourraient contredire sa thèse. Il apporte en outre une touche de sensibilité bienvenue qui donne à ressentir ce que fut l'empire d'Autriche-Hongrie.

    Requiem pour un empire défunt, de François Fejtö - rééd. Perrin (11 euros) 

     

    Source Politique magazine (Site)

     

  • Lecture pour cette fin de vacances : Odysseus, les rêves d'Ulysse, de Valerio Manfredi

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    par Ludovic Greiling

    On peut s'agacer de la manie du monde moderne à personnaliser systématiquement les récits les plus épiques de notre civilisation. Mais dans son roman Odysseus, qui narre à la première personne les aventures du grand Ulysse, Valerio Manfredi réussit à faire rêver dans le respect du cycle homérique.

    Le livre est une invitation au voyage dans le temps, dans l'espace et dans le rêve. Il s'ouvre sur une grande carte de la Grèce et de l'Asie mineure, se poursuit par une courte préface par laquelle l'auteur réussit à nous entraîner dans les temps reculés. Odysseus - le nom grec d'Ulysse - nait dans l'une des nombreuses royautés de la Grèce archaïque. Il n'a jamais connu son géniteur. Le ton est donné dès la première page. « Le soir, avant de m'endormir, je demandais à ma nourrice :

    - Mai, il est où, mon père ?

    - Il est parti avec d'autres rois et des guerriers à la recherche d'un trésor, loin, très loin.

    - Et il revient quand ?

    - Je ne sais pas. Personne ne le sait. Quand on part en mer, on ne sait pas quand on revient ».

    Des années plus tard, Odysseus sera engagé, de l'autre côté des flots, dans une guerre épique. La bataille de Troie immortalisée par Homère montre avec une force exceptionnelle l'amour, la beauté, l'honneur, la destinée, mais aussi la mort et la souffrance. Le roman de Valerio Manfredi - archéologue de formation - ne déroge pas à la règle.

    Le texte, traduit de l'italien, a été travaillé pour rendre (ou du moins donner à penser) l'atmosphère archaïque. Il a du souffle. « La langue que j'emploie vise à transporter le lecteur dans le respect de la tradition homérique. Dans la mesure du possible, elle privilégie une syntaxe simple, renonçant aux constructions sophistiquées et aux concepts trop abstraits », décrit-il dans une postface bienvenue.

    Le roman se termine par la chute de Troyes et les préparatifs du retour. Mais l'histoire est loin d'être terminée. On attend la suite.

    Odysseus - les rêves d'Ulysse, de Valerio Manfredi (éd. JC Lattès,  21,50 euros)

     

    Source Politique magazine (Site)

  • Natacha Polony : Qu'est-ce que Paris a fait de la France ? Nous disons, ici : ce n'est pas "Paris", mais le Système qui est le problème !

    Personnalité médiatique, mais aussi - sans-doute surtout - intellectuelle et, au sens positif, politique, Natacha Polony pose de façon pertinente, dans cette tribune du Figaro, la question de nos diversités ancestrales menacées. Bien-sûr, son souci a notre sympathie et même, depuis toujours, il est nôtre. Mais nous faisons deux objections : lorsque l'on dit Paris, l'on ne nomme pas la source non pas géographique mais systémique des destructions que l'on constate et déplore. Nommons cette source : il s'agit, de fait, du Système politique, idéologique, médiatique, partisan, qui gouverne ou tente de gouverner la France. Notre deuxième objection est simple : il n'y a pas de fédération qui tienne sans fédérateur. Natacha Polony suggère ce manque lorsqu'elle incrimine, en forme de conclusion, "la disparition du ciment qui faisait de (nos) identités l'édifice admirable qu'est une grande Nation". Ce ciment, fut, dans l'Histoire, la monarchie française. Là encore, pourquoi ne pas le nommer ♦ Lafautearousseau

     

    o-NATACHA-POLONY-facebook.jpgQui se promène sur les routes de France et rencontre ses habitants sera frappé par un phénomène incontournable et récurrent. De cette Provence à la culture millénaire au Lauragais enraciné dans sa mémoire, des Corbières sauvages à la Touraine paisible, on cultive une même détestation de « Paris ». Pas forcément le rejet colérique des Marseillais fiers de leur cité grecque et jaloux de leur rayonnement mais un agacement bougon face à une entité indéfinie et omniprésente. Manifestation poujado-populiste? Éruption identitaire? Non, il y a là un sentiment qui marie des souvenirs ancestraux et le constat sociologique le plus contemporain.

    Paris, c'est cette puissance qui arase tout, qui rabote les droits et les identités. Paris, c'est un mélange d'arrogance, de certitude et de bonne conscience. Derrière ce sentiment, il y a la colère de n'être pas entendu, pas même considéré. Il y a l'impuissance et la révolte d'un peuple qui croit encore à l'Histoire et qui sait que la démocratie devrait consister à traduire dans les décisions prises au nom de la Nation, par l'Assemblée de ses représentants et du gouvernement qui en émane comme par le Président qu'il a élu, ce moment où la diversité des intérêts et des conceptions se recompose pour forger le Bien commun. On en est bien loin…

    Et si au moins, ils les voyaient faire amende honorable, ces brillants esprits qui veulent penser pour eux. Mais l'été fut rythmé par les effroyables nouvelles de Mossoul et des Chrétiens d'Orient, et qu'ont vu les Français dans leurs journaux et leur poste de télévision ? Les apprentis sorciers qui avaient soutenu l'intervention américaine en 2003 reconnaître leur tragique erreur et dénoncer la folie d'une idéologie qui consistait à imposer la démocratie et le marché - surtout le marché - par les armes? Pas du tout. Ils ont pu entendre Bernard Kouchner livrer ses oracles sans que personne n'ose lui demander un mea culpa.

    L'été vit aussi se poursuivre le désastre économique, hausse du chômage, emplois menacés dans les abattoirs, feuilles d'impôts délirantes, spirale de la déflation… Ont-ils entendu Jacques Attali, Alain Minc et tous les chantres de la «mondialisation heureuse» admettre une erreur de jugement? Rien de rien.

    Alors, Paris incarne tout cela. Les chevaliers francs et les seigneurs du Nord qui vinrent écraser la civilisation occitane sous prétexte d'hérésie cathare, et le légat du Pape, Arnaud Amaury, lâchant devant les remparts de Bézier: «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens». Plus tard la réduction progressive de toute identité spécifique à une forme d'archaïsme forcément hermétique aux Lumières, aux Droits de l'Homme et au Progrès.

    Pourtant, la France est riche de cette diversité qui fait que l'Anjou n'est pas le Dauphiné et que l'Artois n'est pas le Périgord. Elle vit de ces terroirs humains aussi bien que géographiques. Et il ne s'agit là ni d'identitarisme ethnocentré ni de régionalisme folklorique. On ne joue pas à parler catalan ou à perpétuer le souvenir des traditions ch'tis. On le fait parce qu'on y trouve une dignité qui est celle d'un humain conscient de toutes les dimensions de son identité. Mais Paris, ce «Paris» qui symbolise à la fois la puissance publique et les élites, au lieu de cultiver cette diversité nationale qui a fait la grandeur de la France dans la richesse de ses différences, tel que le célébrait la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790, a systématiquement gommé ou éradiqué cette plus value française que constituait la possibilité de crier «Vive la République» en breton, en corse, en alsacien, en basque ou en occitan, cette possibilité de vivre dans un paysage identifié, dans un environnement culturel foisonnant.

    Certes, si cela avait au moins permis de sauver la patrie en danger! Même pas! Car l'idéal de cette société de liberté, d'égalité et de fraternité censée justifier la virtualisation des identités françaises est aujourd'hui foulé aux pieds par la crise du politique, le renoncement à toute émancipation véritable et les certitudes d'experts occupés à développer un village mondial indifférencié où circuleront des produits standardisés. La télévision et la société de consommation sont en train de détruire cette diversité française bien plus sûrement que ne le firent les injonctions à parler Français des instituteurs de la IIIème République. «Défense de parler flamand et de cracher par terre» pouvait-on lire dans les cours de récré du Nord. Du coup on ne parle plus flamand mais on crache sur la France. Avant que You tube et le selfie généralisé n'achèvent le travail.

    Et cependant, dans cette France aux paysages sublimes, cette France dont on nous dit, cette année encore, que 84 millions d'étrangers sont venus la visiter, on sent, bien sûr, de l'inquiétude, mais on sent surtout une force de volonté inaltérable à mille lieues de la résignation de ces élites nationales qui ont décrété que la France est un pays mineur. Dans chaque département, dans chaque contrée, on trouve des paysans qui s'organisent pour proposer des produits authentiques loin des circuits de la grande distribution, des entrepreneurs qui perpétuent malgré les délocalisations et la concurrence déloyale un savoir professionnel de qualité, des énergies prêtes à s'exprimer car elles s'appuient sur une mémoire transmise et la conscience de ce que l'on est. Ce ne sont pas les identités françaises qui menacent l'unité de la France, c'est la disparition du ciment qui faisait de ces identités l'édifice admirable qu'est une grande Nation.

    Le Figaro - 16-17 août 2014

  • Jean Anouilh, dans L'Alouette : "En somme, belle-maman, à ce que je crois comprendre, vous êtes pour confier le gouvernement aux peuples ?"

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    CHARLES *

    En somme, belle-maman, à ce que je crois comprendre, vous êtes pour confier le gouvernement aux peuples? A ces bons peuples qui ont toutes les vertus ? Vous savez ce qu'il fait, ce bon peuple, quand les circonstances le lui offrent, le pouvoir? Vous avez lu l'histoire des tyrans ?

    LA REINE YOLANDE

    Je ne connais rien de l'Histoire, Charles. De mon temps, les filles de roi n'apprenaient qu'à filer; comme les autres.

    CHARLES

    Eh bien, moi, je la connais, cette suite d'horreurs et de cancans, et je m'amuse quelques fois à en imaginer le déroulement futur pendant que vous me croyez occupé à jouer au bilboquet... On essaiera ce que vous préconisez. On essaiera tout. Des hommes du peuple deviendront les maîtres des royaumes, pour quelques siècles - la durée du passage d'un météore dans le ciel - et ce sera le temps des massacres et des plus monstrueuses erreurs. Et au jour du jugement, quand on fera les additions, on s’apercevra que le plus débauché, le plus capricieux de ses princes aura coûté moins cher au monde, en fin de compte, que l'un de ces hommes vertueux. Donnez-leur un gaillard à poigne, venu d'eux, qui les gouverne, et qui veuille les rendre heureux, coûte que coûte, mes Français, et vous verrez qu’ils finiront-par le regretter, leur petit Charles, avec son indolence et son bilboquet... Moi, du moins, je n’ai pas d'idées générales sur l'organisation du bonheur. Ils ne se doutent pas encore combien c’est un détail inappréciable. 

    * Charles VII, à Bourges.

    Jean Anouilh, l'Alouette - Créée le 14 octobre 1953, au Théâtre Montparnasse-Gaston Baty, Paris 

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    Michel Bouquet, devant une photographie d'une représentation de L'Alouette (1953), de Jean Anouilh, pièce dans laquelle Suzanne Flon était sa partenaire.

     

  • Pour saluer Philippe de Villiers !

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    Deux phrases-clés de Philippe de Villiers, dans un entretien donné au Figaro magazine (8-9 août 2014); deux phrases-clés avec lesquelles nous sommes, bien-sûr, en sympathie. Les voici :

    " Poutine ne veut pas des femen et de l'OTAN ? Comme on le comprend ! "

    et

    " Le monde politique est un cloaque fétide et répugnant. "

    Comme on le comprend !

    Les deux derniers ouvrages parus :

    = Le Roman de Charette, Albin Michel,‎ 2012, 22 cm, 474 p.- Prix Jean Ferré 2013, prix du Cercle de la mer 2013.

    = Le Roman de Saint Louis, Albin Michel,‎ 2013, 22 cm, 520 p.

     

    Photo Stéphane Lavoué

  • France, mère des arts, des armes et des lois

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     France, mère des arts, des armes et des lois,
    Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
    Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
    Je remplis de ton nom les antres et les bois.

    Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,
    Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
    France, France, réponds à ma triste querelle.
    Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

    Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine,
    Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine
    D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

    Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture,
    Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
    Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

    Johachim Du Bellay, Les Regrets, Paris, 1558

  • Une impressionnante évocation : Bouvines, 27 juillet 1214, par Pierre de Meuse (3)

    Il s'agit, en vérité, de bien davantage qu'un récit - quoique tout y soit décrit par le menu - et de bien davantage que d'une évocation. Mais, outre tout cela, d'une étude politique, militaire, historiographique de la bataille de Bouvines, dont la France commémore les 800 ans. Compte-tenu de son importance, nous publierons cette étude en trois parties, dont voici la troisième et dernière.  Signalons encore que ce texte est repris du numéro 36 de La nouvelle revue universelle (avril-mai-juin) - que nous recommandons de lire en totalité *. 

     

    AG DREUX 026.JPGLES LEÇONS D'UNE VICTOIRE

    Quelle leçon nous apporte aujourd'hui le souvenir de Bouvines ? D'abord la preuve de l'épigénèse dans l'Histoire, c'est-à-dire l'imprédictibilité des évènements. Les hommes qui décidèrent de l'issue de la bataille (Tristan, Montigny, des Barres, bien davantage que les sergents ou les milices communales) étaient des personnages de second plan, des chevaliers sans puissance, mais animés d'une volonté de fer. Montigny avait gagé son fief pour pouvoir s'acheter un cheval avant de suivre l'ost. Si Tristan avait été moins prompt à réagir ou à sacrifier sa vie, Philippe Auguste aurait été tué, les coalisés se seraient retrouvés à Paris, la France n'existerait peut-être que comme une hypothèse historique écartée par les faits, exactement comme la Suède impériale rêvée par Gustave-Adolphe ou la Bourgogne lotharingienne du grand-duc Charles. De plus, Jean sans Terre aurait réalisé son projet d'une France anglaise ; les gains de la victoire lui auraient permis d'échapper aux contraintes qui l'obligèrent à signer la Grande Charte, et la Grande-Bretagne n'aurait peut-être jamais connu le parlementarisme. Ni d'ailleurs la Réforme de Wyclif, due pour l'essentiel à l'emprise de la papauté sur la monarchie anglaise. Tout est possible, rien n'est écrit. Maxime terrifiante, mais aussi roborative, car génératrice d'énergie et de volonté.

    Un autre enseignement est la capacité des Français, à la condition qu'ils ne soient pas dégénérés, à agir admirablement lorsqu'ils sont bien commandés. Philippe Auguste n'était nullement sûr de la victoire, et sa retraite prudente devant des forces supérieures (pas autant qu'on I'a dit) résulte d'une appréciation lucide des faits. Cependant, à aucun moment il ne s'explique sur ses motivations, de sorte que lorsqu'il constate que le projet qu'il avait conçu est impraticable, il peut en changer sans susciter aucune incertitude de la part de ses subordonnés. Bien au contraire, les contemporains laissent entendre qu'il savait, et que c'est intentionnellement qu'il a entraîné derrière lui les poursuivants afin de mieux les prendre au piège. Tel est le résultat d'une autorité tranquille et incontestée. Le pouvoir, comme le dit Joseph de Maistre, est toujours solitaire et absolu dans son exercice.

    On peut aussi considérer les évènements de 1214 comme un exemple de situation assez rare, mais récurrente, dans laquelle la France n'a pas d'alliés et ne doit compter que sur ses seules forces. Dans ces momnts-là, le besoin principal est l'unité, une denrée qui fait malheureusement défaut à l'état naturel dans notre pays celtique, toujours prêt à se diviser en factions. À Bouvines, ce sont nos ennemis qui sont divisés et la France qui obéit à son pouvoir légitime incontesté. Car il ne suffit pas d'être un chef talentueux, et même génial, pour triompher dans l'adversité. Il faut aussi que la dévotion au pouvoir « aille de soi », selon l'expression de Burke. C'était le « charme séculaire de la monarchie » que d'offrir aux Français un civisme simple et digne, ne nécessitant pas de calcul ni de raisonnements, mais une simple acceptation des évidences. Ce charme, assemblé par les siècles, ne peut être retrouvé sans de dures épreuves surmontées. Notre avenir ne manquera pas d'épreuves, certes, mais nous aurons bien besoin des exemples donnés par les preux des temps engloutis pour y faire survivre la patrie déchue.

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    Gisant de Richard  Cœur de Lion, à l'abbaye de Fontevraud

    Enfin, le rappel de ces temps si différents du nôtre ne doit pas nous tromper. Les hommes de ce IIIe siècle semblent rudes et brutaux, ils pratiquent le pillage et le rançonnage, ils portent des surnoms dignes de soudards, et pourtant ils se complaisent à composer des poésies, comme Richard Cœur de Lion, grand poète occitan, ou Pierre Mauclerc ; ils trouvent la mort dans les tournois mais pratiquent en permanence l'hospitalité et le pardon. Après Bouvines, aucun des prisonniers, même soupçonné de félonie, ne sera exécuté, encore moins jugé comme les vaincus des guerres modernes. La brutalité du XIIIe siècle est douce au regard des violences d'aujourd'hui. 

     

    La nouvelle revue universelle, 7 rue Constance, 75018 PARIS - 4 numéros par an - Tarif : m Normal, 1 an, 70 €  m Soutien, 1 an 100 €  m Normal, 2 ans, 130 € m Réduit, 1 an (étudiants, chômeurs) 40 €. 

  • Une impressionnante évocation : Bouvines, 27 juillet 1214, par Pierre de Meuse (2)

    Il s'agit, en vérité, de bien davantage qu'un récit - quoique tout y soit décrit par le menu - et de bien davantage que d'une évocation. Mais, outre tout cela, d'une étude politique, militaire, historiographique de la bataille de Bouvines, dont la France commémore les 800 ans. Compte-tenu de son importance, nous publierons cette étude en trois parties, dont voici la deuxième. Signalons encore que ce texte est repris du numéro 36 de La nouvelle revue universelle (avril-mai-juin) - que nous recommandons de lire en totalité *.  

     

    AG DREUX 026.JPGUNE BATAILLE BIEN MENÉE, MAIS JUSQU'AU BOUT LE DESTIN HÉSITE

     

    La bataille de droite ouvre les hostilités. D'un côté le corps flamand, chevaliers et milices, sans compter les routiers, qui est le premier au contact, et que commande le comte Ferrand. Il se trouve face à face au corps du duc Eudes de Bourgogne, accompagné de la Bannière de Montmorency. C'est lui qui ouvre l'engagement avec une furieuse charge de cavalerie, qui fait fléchir la chevalerie flamande. Elle réagit tout de même tardivement par une attaque ciblée d'une douzaine de Flamands contre le duc de Bourgogne, qui est jeté à bas de son cheval. Le sort vacille à ce moment. Pourtant, la garde du duc réussit à le rallier et à le remettre en selle. Le voyant repartir au combat, les chevaliers flamands mollissent, s'enfuient en laissant leur comte blessé aux mains de trois chevaliers qui tiennent avec lui la perspective d'une somptueuse rançon. Routiers et milices d'Ypres et de Gand quittent le champ de bataille, comme ils le peuvent. On ne constate aucun ralliement par l'aile vaincue des autres corps de bataille coalisés. D'ailleurs, le déroulement de l'action n'en laisse pas le temps aux rescapés.

    En effet, le même scénario se produit sur la gauche mais inversé. C'est la chevalerie anglaise qui charge les chevaliers français. Les milices communales sont dans un premier temps bousculées, leurs lignes traversées par l'ennemi. Salisbury cherche à atteindre le pont sur la Marque, afin de bloquer toute retraite avant de repartir ravager les lignes françaises. Derrière lui sont les fantassins brabançons, commandés par Renaud de Dammartin. Ce sont les meilleurs soldats de pied de l'époque,  admirablement commandés et animés par un esprit de corps incomparable. Cependant, lorsqu'il arrive avec ses bandes, Guillaume Longue-Epée se heurte à Philippe de Dreux, l'évêque de Beauvais, que Philippe a chargé de lui barrer la route. La chevalerie anglaise est bloquée inopinément par la cavalerie lourde de l'évêque, qui résiste et contre-attaque avec son frère Robert. L'évêque ne peut tirer l'épée, en vertu du précepte évangélique. Qu'à cela ne tienne ! Il manie la masse d'armes avec force et compétence, et se fraie un chemin jusqu'à Salisbury qu'il gratifie de trois coups sur son heaume, l'aveuglant et l'assommant, de sorte qu'il est fait prisonnier. Désorganisée, l'ost anglaise laisse le champ de bataille en désordre. 

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  • Une impressionnante évocation : Bouvines, 27 juillet 1214, par Pierre de Meuse (1)

    Il s'agit, en vérité, de bien davantage qu'un récit - quoique tout y soit décrit par le menu - et de bien davantage que d'une évocation. Mais, outre tout cela, d'une étude politique, militaire, historiographique de la bataille de Bouvines, dont la France commémore les 800 ans. Compte-tenu de son importance, nous publierons cette étude en trois parties, dont voici la première. Signalons encore que ce texte est repris du numéro 36 de La nouvelle revue universelle (avril-mai-juin) - que nous recommandons de lire en totalité *.  

     

    AG DREUX 026.JPGLa France capétienne a bénéficié tout au long de son histoire, d'un avantage considérable : celui d'être le pays le plus peuplé d'Europe. Cette supériorité démographique, notre pays la conservera jusqu'au XIXème siècle, au cours duquel l'Angleterre et l'Allemagne la dépasseront lorsque les règles fiscales issues de la Révolution viendront briser le dynamisme familial issu de l'Ancien régime. Il est donc logique que les concurrents de la France n'aient pu envisager de la vaincre, lorsqu'elle était unie, que par une coalition. Il arrive que ces coalitions triomphent, comme à Waterloo, ou qu'elles échouent, comme à Denain. Dans tous les cas, c'est un grave danger pour la nation française. Il y a huit cents ans cette année que la première de ces grandes coalitions européennes fut formée, et qu'elle vint se disloquer à Bouvines. Voilà un anniversaire plein de sens, puisque depuis quelques années l'héritage français se trouve menacé de submersion. Il convient donc de se remémorer les circonstances de cet évènement capital, qui est la deuxième grande bataille livrée par les rois depuis la fondation de la dynastie.

    À l'origine de ce conflit, il y a, comme ce fut souvent le cas au cours des âges, l'hostilité de l'Angleterre et de Jean sans -Terre, son roi. Les motifs de cette hostilité sont patents : Philippe Auguste, roi intelligent et calculateur, a habilement su récupérer dans son Domaine royal la plus grande partie de ce que son père Louis VII (1120-1180) avait perdu à cause de la répudiation de son épouse Aliénor d'Aquitaine : pratiquement toute la partie ouest de la France, c'est-à-dire la moitié du royaume.  Normandie, Bretagne, Maine, Saintonge, Angoumois, etc... Philippe s'est appuyé avec diplomatie sur les dissensions familiales de la dynastie anglaise. D'abord entre Henri II Plantagenet et son fils cadet, Jean sans Terre, puis entre les deux frères Richard Cœur de Lion et le même Jean sans Terre, enfin sur les révoltes causées par la paillardise et le manque de qualités guerrières de ce roi Jean après la mort de Richard, tué au siège de Châlus en 1199. Jean, qui a succédé à son frère mort sans postérité légitime, décide donc de reconquérir ses territoires perdus. Il noue alors une coalition avec tous les ennemis potentiels du roi de France, le comte de Flandre Ferrand (qui est en fait portugais) et celui de Boulogne, le duc de Brabant ainsi que le titulaire du Saint Empire Romain Germanique, Otton IV de Brunswick, tous unis dans un désir commun d'en finir avec la puissance de la monarchie capétienne. Chacun reproche au roi de France, soit de lui avoir pris des villes ou des territoires, soit de soutenir ses ennemis. Il y a aussi la forte dépendance entre l'économie drapière flamande et l'Angleterre. Il faut préciser que Philippe soutient le pape Innocent III qui vient d'excommunier Otton, et ils soutiennent tous deux le petit-fils de Barberousse, Frédéric de Souabe, un Hohenstaufen, alors qu'Otton est un représentant de la dynastie concurrente des Welfes. L’excommunication est à l'époque un procédé de pouvoir, et n'a rien de doctrinal : les seuls conflits que le pape sanctionne sont des questions de fiefs non cédés, d'indemnité non réglées ou de dîmes arriérées.

     

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  • Du nouveau chez Glénat, des lectures pour cet été, ce dimanche ...

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    L'éditeur Glénat poursuit, avec un réel talent, sa série historique consacrée aux hommes et aux femmes qui ont marqué l'histoire de France et celle du monde. Après les deux premiers opus retraçant la vie de Vercingétorix et Philippe Le Bel, il s'attaque cette fois-ci à Charlemagne et Jean Jaurès.

    Fils de Pépin le Bref, petit-fils de Charles Martel - qui a donné son nom à la dynastie des Carolingiens -, Charlemagne conquiert sa couronne impériale de haute lutte grâce à un sens politique aigu, une foi inébranlable et le souci d'éduquer son peuple tant il a compris que le savoir était l'un des fondements essentiels du pouvoir et que ce savoir pouvait faire rayonner son royaume et sa personne. L'histoire commence par la conquête du royaume des Lombards dirigé par le roi Didier sous la protection duquel ses neveux se sont mis. Eux-mêmes n'ont pas renoncé à leur part d'héritage. Ils seront vite écartés. Charlemagne, qui tente d'unir ses territoires, souhaite également les étendre. Il échoue à prendre l'émirat de Cordoue et doit se contenter des Marches d'Espagne où il perd son fidèle comte Roland au col de Roncevaux. Il met la main sur le duché de Bavière, parvient à mettre la main sur le Trésor des Avars qu'il redistribue à ses fidèles et à l'Eglise dont il se veut le grand protecteur. Au fil de ses conquêtes, il pose les bases d'un royaume administré, fidèle, incorruptible et vertueux. Gare à celui qui déroge à la loi de l'Empereur sacré en la basilique Saint-Pierre de Rome le jour de Noël 800. Il pourrait lui en coûter la vie.

    Une fois de plus, on ne peut être que séduit par la qualité du scénario, des dessins et de la mise en scène de cette BD qui s'appuie sur l'expertise de professionnels irréprochables.  

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    La biographie de Jean Jaurès est tout aussi remarquable par sa vérité et sa précision historique. Tout commence par l'attentat de Sarajevo le 28 juin et se termine par la Une de l'Humanité du 1er août qui annonce l'assassinat de Jaurès la veille, par Raoul Vilain. Le lendemain de la mort de l'archiduc et de l'archiduchesse d'Autriche, Jaurès ne croit pas à la guerre. Il soutient mordicus que « tous les groupes financiers européens vont être obligés de s'engager dans une coopération pacifique », ne serait-ce que pour dominer les marchés mondiaux.

    Cette biographie dessinée est émaillée de quelques flash-back comme la rédaction de son ouvrage, lesPreuves (1898) à propos de l'affaire Dreyfus, les grèves de Carmaux en 1892, son élection à la députation (1885), la création de l'Humanité en 1904 ou son discours pour lutter contre la loi portant le service militaire de deux à trois ans (1913) etc. L'on y découvre un Jaurès avec l'idéal socialiste chevillé au corps, pacifiste mais aussi activiste, antibourgeois, souvent impuissant à fédérer les forces socialistes des autres belligérants, ainsi que ce qu'il appelait « l'intelligence du peuple » pour stopper une guerre devenue inéluctable.

    Charlemagne - Bruneau, Delmas, Lemercier et Bührer-Thierry - Editions Glénat - 56 pages - 14,50 euros.

    Jaurès - Morvan, Duclert, Macutay et Voulyzé - Editions Glénat - 56 pages - 14,50 euros.

    Préparé par C.S. - Politique Magazine - Le jeudi 17 juil. 2014

     

  • Retour à Baudelaire, toujours grâce à France Inter : il n'aimait pas la modernité; il n'aimait pas non plus la démocratie. Lisez ou écoutez

      

    par Antoine Compagnon, du lundi au vendredi à 7h55 

    L'émission du jeudi 24 juillet 2014

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     Bouton de lecture

    disponible jusqu’au 18/04/2017 07h54

     Baudelaire n’était pas un démocrate. En 1848, il s’enthousiasma pour la Révolution, parcourant les rues de Paris en s’écriant : « Il faut aller fusiller le général Aupick ! », son beau-père, qui commandait l’École polytechnique, mais il devait vite déchanter. Le coup d’État de 1851 le choqua, et surtout le plébiscite qui le légitima ensuite, et dont il disait qu’il l’avait « physiquement dépolitiqué ». Comme beaucoup d’intellectuels, il en conçut une profonde méfiance pour le suffrage universel, qui avait consacré un tyran.

    Dans Pauvre Belgique, il compare le suffrage universel à un face à face de l’homme avec lui-même : « (Rien de plus ridicule que de chercher la vérité dans le nombre.) / Le suffrage universel et les tables tournantes. / C’est l’homme cherchant la vérité dans l’homme (!!!) » (II, 903) Les tables tournantes et le suffrage universel, deux lubies de Victor Hugo, l’une rationnelle et l’autre irrationnelle, sont aussi absurdes l’une que l’autre, car elles méconnaissent la misère de l’homme, comme disait Pascal, et témoignent de son orgueil, de son narcissisme, de son illusion qu’il peut trouver la vérité tout seul.

    Dans un court poème en prose du Spleen de Paris, Le Miroir, la souveraineté populaire est tournée en dérision :

    Un homme épouvantable entre et se regarde dans la glace.

    Pourquoi vous regardez-vous au miroir, puisque vous ne pouvez vous y voir qu’avec déplaisir ? » L’homme épouvantable me répond : « — Monsieur, d’après les immortels principes de 89, tous les hommes sont égaux en droits ; donc je possède le droit de me mirer ; avec plaisir ou déplaisir, cela ne regarde que ma conscience.

    Au nom du bon sens, j’avais sans doute raison ; mais, au point de vue de la loi, il n’avait pas tort. 

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  • Dostoïevski : "la ténuité des racines qui unissent la République au sol français" ...

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    Décidément il existe chez tout républicain une conviction fort malheureuse, à savoir que le mot de « république » suffit à tout et qu’il n’y a qu’à dire que le pays est une République pour que son bonheur soit assuré de l’éternité. Tout ce qui arrive de fâcheux à la République, on l’attribue à des circonstances extérieures gênantes, à des prétendants, à des ennemis perfides. Pas une fois on ne songe à la ténuité des racines qui unissent la République au sol français. 

    Dostoïevski, Journal d'un écrivain, 1873

     

  • Détour par la littérature, avec Verlaine, pour donner de l'altitude à notre critique du Système

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    Un médiocre fait-divers (une Marianne insolite et obscène exposée puis retirée de la mairie de Quimper), un article amusé et sans grand intérêt d'une certaine Jany Leroy, dans Boulevard Voltaire, ont amené le site de l'Action française à rappeler ce sonnet de Verlaine, qui insulte Marianne dans des termes, en effet, fort gaillards, comme seul un poète y est autorisé. Terrible poème, anti-républicain à l'extrême. Le fait-divers médiocre a provoqué une redécouverte littéraire et poétique, voire politique, que nous avons quelque plaisir, avouons-le, à remettre sous les yeux de nos lecteurs. Lecteurs courageux de cet été d'où la poésie est plutôt absente. Nous y reviendrons en reparlant de Baudelaire, lui aussi, peu ami du régime sous lequel nous vivons, et peu ami de la modernité ...  

     

    Buste pour mairies

    Marianne est très vieille et court sur ses cent ans,
    Et comme dans sa fleur ce fut une gaillarde,
    Buvant, aimant, moulue aux nuits de corps de garde,
    La voici radoteuse, au poil rare, et sans dents.
     
    La bonne fille, après ce siècle d’accidents,
    A déchu dans l’horreur d’une immonde vieillarde
    Qui veut qu’on la reluque et non qu’on la regarde,
    Lasse, hélas ! d’hommes, mais prête comme au bon temps.
     
    Juvénal y perdrait son latin, Saint-Lazare
    Son appareil sans pair et son personnel rare,
    A guérir l’hystérique égorgeuse des Rois.
     
    Elle a tout, rogne, teigne… et le reste et la gale !
    Qu’on la pende pour voir un peu dinguer en croix
    Sa vie horizontale et sa mort verticale. 

     

    Paul Verlaine, sonnet, Invectives, Buste pour mairies (1881) 

     

  • Les 800 ans de la bataille de Bouvines, c'est aujourd'hui ! Joyeux anniversaire, la France ! par Georges Garnier-Rousseau, étudiant *

    L'on trouve, dans Boulevard Voltaire, - c'est la physionomie de ce site ami - des prises de position diverses, souvent, même, contradictoires; mais surtout de bonnes analyses, de saines réactions. Dont celle que nous publions ici : la bataille de Bouvines vue par Georges Garnier-Rousseau, étudiant. Nous reviendrons sur Bouvines, notamment au travers des contributions du prince Jean de France et de Pierre de Meuse que la Nouvelle Revue universelle vient de publier.    

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    Alors que l’on s’apprête à célébrer le centenaire de la grande boucherie qui fit tant de mal à l’Europe, ainsi que la victoire de l’Allemagne sur l’empereur (et je ne parle pas de la Coupe du monde), il me semble que passe un peu à la trappe un souvenir certes plus lointain, mais bien moins douloureux pour les Français qui, ces derniers temps, auraient bien besoin d’une ou deux vraies victoires à commémorer.

    Bouvines, 27 juillet 1214 (il y a de cela 800 ans), s’apprête à vivre le moment le plus intense qu’on ait vu dans les Flandres. Une coalition germano-anglo-flamande, au mépris de la trêve voulue le dimanche, marche en direction de l’armée du roi de France Philippe II Auguste. Il est vrai que les coalisés n’en sont plus à une première entorse aux règles. Leur chef, l’empereur germanique Otton, du Saint Empire romain, a été excommunié. Quant à Ferrand de Flandre, il a trahi son suzerain, le roi de France. C’est un ange comparé à Renaud de Dammartin, parjure et traitre multirécidiviste. Honte suprême, leur armée est composée, en plus de la noblesse flamande et germanique, de mercenaires brabançons et saxons. Troupes efficaces mais peu recommandables, voire plus ou moins illégales.

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    Violation des conventions de la guerre par les coalisés et excommunication du chef adverse, voilà qui fait de Philippe II le défenseur de la chrétienté et du pape. Par ailleurs, ses troupes comprennent deux ecclésiastiques renommés, dont l’évêque de Beauvais. Celui-ci, ne pouvant faire couler le sang de ses ennemis chrétiens, brisera leurs membres à la massue. Il capturera notamment Guillaume Longue-Épée, frère batard du roi d’Angleterre et chef du contingent anglais.

    Les coalisés, en supériorité numérique et dotés d’une puissante infanterie, imagineront un temps pouvoir obtenir la victoire : le centre français est enfoncé, le roi Philippe jeté au sol, puis sauvé de la mort in extremis par ses chevaliers qui, ameutant les soldats autour de leur souverain, déclenchent une contre-offensive alors même qu’Otton, l’empereur excommunié, manque d’être tué et doit fuir à pied, sa monture ayant reçu le coup fatal qui lui était destiné.

    Le centre coalisé est en outre fragilisé par l’effondrement de l’aile gauche, qui s’est enfuie à l’annonce de la capture de Ferrand de Flandre qui la dirigeait. Ne reste que l’aile droite qui, d’abord victorieuse aux prémices du combat, se retrouve encerclée du fait de la débâcle de ses alliés. Ses deux chefs, Guillaume Longue-Épée et Renaud de Dammartin, sont pris après de durs combats. La bataille est finie, la victoire est totale. Otton perd sa couronne, Renaud et Ferrand leur liberté, le roi Jean une part de son autorité sur ses barons…

    Voilà une bataille aux conséquences énormes, qui assoira la dynastie capétienne comme force dominante en Europe occidentale. Alors si, pour ses 100 ans, la Grande Guerre a droit à documentaires et commémorations, la bataille de Bouvines mérite bien un petit rappel de ses 800 ans. Joyeux anniversaire !