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Idées, débats... - Page 406

  • Patrimoine cinématographique • La révolution française

    Le procès du Roi 

    Par Pierre Builly

    La révolution française de Robert Enrico et de Richard T. Heffron (1989)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgLes buveurs de sang 

    C’est la Mission de commémoration officielle de 1789 qui, deux siècles après La révolution française a commandé à deux réalisateurs, le français Robert Enrico (Les aventuriers, Le vieux fusil) et plus bizarrement à un Étasunien, Richard T. Heffron une longue fresque en deux époques, Les années lumière et Les années terribles. 

    71MtHt8N3SL._SY445_.jpgCraignant que le film soit un panégyrique bêlant, je ne l’avais pas vu à l’époque. Je l’ai enregistré un jour par hasard sur une chaîne de télévision et, le regardant, j’ai été tout de suite heureusement surpris. Mais – malédiction ! - mon enregistrement s’arrêtait malencontreusement au milieu des Années terribles avec le départ de la Reine vers l’échafaud le 16 octobre 1793. Autant dire que je n’avais pu voir, après cette immolation, ce qui m’aurait fait plaisir : le découpage sur ce même échafaud de toutes les canailles dont trop de nos places et nos rues portent le nom. Car il y a, en France des rues Danton, Robespierre et même Marat (oui, des rues Marat : à Ivry sur Seine et à Decines, dans la banlieue lyonnaise ; pourquoi pas des rues Alfred Goebbels ou Heinrich Himmler du côté de Stuttgart et de Munich ?)… 

    Heureusement, le DVD existe qui permet de rattraper les balourdises et de découvrir un film de six heures qui, sans être une œuvre de propagande me paraît montrer assez bien la logique implacable du déroulement des événements, de l'entraînement vers la Terreur des apprentis sorciers. Sans doute le film, qui aurait dû alors s’enfler dans des dimensions trop importantes, ne peut naturellement pas évoquer les vingt dernières années de l'Ancien régime, marquées par l'effort désespéré de briser les rigidités et les blocages du pays (réformes Maupéou de 1771) et la coalition contre nature de la bourgeoisie, classe montante et de la noblesse, classe figée. (On voit bien avec le regard d’aujourd’hui que réformer la France a toujours été aussi compliqué). C'est dommage, d'une certaine façon, parce que la Révolution paraît surgir ex nihilo d'un mécontentement presque conjoncturel (les très mauvaises récoltes des années 87/88/89), alors qu'elle émerge des fariboles idéologiques des Encyclopédistes et de l'avidité des marchands. 

    Dès la mise à sac des Tuileries, en août 1792 et le carnage de la garde suisse, on voit bien qu'il y a de la part des Révolutionnaires une course effrénée vers l'effusion de la plus grande quantité de sang : Faites tomber 100.000 têtes, et la Révolution sera sauvée comme dit plaisamment Marat (Vittorio Mezzogiorno). 

    desmoulins_robespierre.jpgLe deuxième segment du film montre de façon très convaincante l'engloutissement, la course à l'abîme de tous ces fous furieux qui ont déchaîné les enfers et qui seront tous, ou presque, avalés par leur folie. Si la terreur cesse, tout ce que nous avons construit s'écroulera ! assène Robespierre (Andrzej Seweryn) à Camille Desmoulins (François Cluzet) (photo) qui commence - bien tard ! - à s'inquiéter des flots de sang versés. Et Desmoulins, brusquement conscient, éveillé du cauchemar Peut-être n'avons-nous rien construit : c'est juste un rêve... 

    Un rêve d'épouvante : horreur des Massacres de septembre, des prisonniers égorgés, éventrés, poignardés, saignés dans les cellules qui en portent encore aujourd'hui la marque comme à la prison des Carmes, rue de Vaugirard à Paris ; horreur des exécutions publiques place de la Concorde, de l'échafaud en perpétuel fonctionnement devant la foule avide, béate d'admiration devant le spectacle (ne noircissons pas trop le tableau : je gage qu'elle le serait à nouveau, ravie et complaisante, si ces holocaustes étaient à nouveau pratiqués).

    revolution-francaise-1989-15-g.jpgHorreur du sang, horreur de la haine : le chef des Enragés, Hébert (Georges Corraface) tentant d'accuser la reine Marie-Antoinette (Jane Seymour) d'avoir perverti et pollué le Dauphin Louis-Charles (Sean Flynn)... Abomination de ces gens... Au fait je lis sur Wikipédia que Dans les années 1980, la municipalité (alors socialiste) d'Alençon (...) a discrètement nommé en l'honneur de Hébert une cour piétonnière donnant accès à un groupe de maisons anciennes rénovées au centre du vieil Alençon, entre la Grande-Rue, la rue des Granges et la rue de Sarthe. Cette cour Jacques-René Hébert n'est signalée sur aucun plan de la ville. Il y a des canailles qui n'ont pas le courage de leurs immondes fiertés. 

    Des apprentis sorciers, donc. Des envieux et des aveugles qui ouvrent la boîte de Pandore et, pour le bonheur d'un peuple mythique (ce brave populo qui marche à tout et qui se fera consciencieusement massacrer pendant les guerres sanglantes de l'Empire) inventent, à la fin du siècle le plus civilisé de notre histoire, la loi des suspects et le premier génocide systématique, celui des Vendéens. 

    original-12598-1434028659-6.jpgLa révolution française fait malheureusement un peu l'impasse sur ce dernier point et ne l'évoque qu'allusivement, ce qui est bien dommage. Mais comment ne pas se féliciter de voir enfin évoqués les massacres de Septembre (92) leur sauvagerie, les bandes de canailles et de poissardes assassinant des prisonniers et demandant toujours plus de sang, le procès du Roi, ses dernières paroles d'apaisement couvertes par le roulement des tambours ordonné par l'infernal Santerre (Marc de Jonge), encore une de ces canailles dont une rue de Paris porte le nom ; et la merveilleuse, lumineuse idée d'avoir confié à Christopher Lee (photo) le rôle de Sanson ! Qui d'autre pouvait mieux incarner le bourreau que le plus grand des buveurs de sang du cinéma, immortel Dracula ? 

    Au fait, comment ne pas s'interroger sur l'esprit de cette Révolution française, financée dans les cadres du bicentenaire de 1789 ? Manifestement, compte tenu de l'éclat et de la qualité de la distribution, les moyens n'ont pas manqué à Robert Enrico et Richard T. Heffron (au fait, pourquoi cet inconnu ?). Et personne, au sommet de l'État, n'a lu le scénario, si manifestement contre-révolutionnaire ? 

    À moins que le président François Mitterrand, dont la jeunesse fut proche de L'Action française et qui avait pour la monarchie l'inclination de tous ceux qui connaissent un peu notre Histoire, n'ait voulu, en pied-de-nez qui lui ressemblerait assez, montrer le peu de goût qu'il avait pour l'affreuse période de la Terreur…   

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    Le coffret DVD est d'un prix abordable, autour de 20 € et il vaut la peine de le posséder, de le diffuser, de le recommander, de le prêter pour que chacun puisse voir les affreuses origines de notre bel aujourd'hui, les crimes sur quoi il s'est constitué et les impostures sanglantes qui le fondent.......

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [III]

    Pierre Paul Rubens (1577-1640), La Chute de Phaéton, c. 1604-1608 

     

    « Les plaisirs ont choisi pour asile, ce séjour agréable et tranquille » : l’apparition d’une spécificité culturelle

    La cour de la seconde moitié du XVIIe siècle voit plusieurs expressions artistiques bien à elle se développer, parmi lesquelles le ballet pour la danse, et la tragédie classique pour le théâtre et les arts lyriques quand elle est mise en musique. Le spectacle a dès lors une vocation : une mise en ordre symbolique, s’effectuant par le biais de constructions savantes et complexes, d’ordre artistique, esthétique et idéologique.

    L’opéra français résulte des premières tentatives de Mazarin d’importer les opéras italiens à la cour. Pour le jeune Louis, il fait jouer La finta pazza de Francesco Sacrati, précurseur de l’opéra-ballet. En avril 1659, la Pastorale d’Issy, comédie française en musique, est jouée dans la maison de campagne de René de la Haye, sieur de Vaudetart, orfèvre du roi. Elle est composée sur un livret de Cambert d’après les Poèmes de Perin. Son succès est tel qu’il permet, un peu plus de dix ans plus tard, la fondation de l’Académie d’opéra qui deviendra, en 1669, l’Académie royale de musique. Après quoi, le genre est saisi par les grands maîtres déjà en grâce à l’intendance des plaisirs du roi. À Versailles, les représentations données sont le fruit d’une étroite collaboration entre Lully et Molière, composant entre autres Le Mariage forcé, George Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Sicilien ou l’Amour peintre… On s’efforce d’y inscrire des moments musicaux et chorégraphiques dont l’exemple le plus célèbre est celui du ballet turc du « grand mamamouchi » dans Le Bourgeois gentilhomme. En 1673, naît Cadmus et Hermione, tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully composée sur un livret de Philippe Quinault. La première est jouée en présence du roi qui, selon la chronique, s’est « montré extraordinairement satisfait de ce superbe spectacle. » Dès lors, de nombreux « opéras à la française » puis « tragédies en musique » sont composés : Alceste, Atys et Armide deviennent les pièces maîtresses étalons de la musique du roi, synthèses des genres précédents que sont le ballet de cour et la comédie-ballet. On chante l’action dramatique suivant le modèle de la tragédie classique : cinq actes d’une intrigue suivie et d’un ton soutenu. Le récit y prend une place capitale, dramatisé par la musique de la déclamation tragique de Corneille et Racine. Le spectaculaire se renforce d’autant plus à l’heure des ballets qui entrecoupent les actes pour y adjoindre leur part de festivité.

    Issu du balletto italien, c’est en France que le ballet gagne ses lettres de noblesses. Le Ballet comique de la reine, chorégraphié par Balthazar de Beaujoyeulx, est présenté à Paris en 1581 et inaugure la tradition du ballet de cour qui donnera, au XVIIe siècle, les opéras-ballets et les comédies-ballets de Lully et Molière. Le ballet, comme la musique ou le théâtre, répond au service d’un message politique. Dans le Ballet royal de la nuit, sont liées thématiques astrologiques et astronomiques, parées des vertus et des insignes du pouvoir, gravitant autour du Soleil. La danse permet alors, par le mouvement et contrairement aux arts plastiques, d’incarner véritablement, de manière organique, l’astre qui luit. En 1661, l’un des premiers actes de gouvernement de Louis XIV est la fondation de l’Académie royale de danse, où l’on forme les danseurs et codifie l’art chorégraphique. Pierre Beauchamp, danseur et chorégraphe à la cour, codifie les cinq positions classiques et met au point un système de notation de la danse. Il s’agit de développer une pédagogie du langage des images compréhensible et reproductible. Le jésuite Claude-François Ménestrier, qui rédige deux ouvrages d’anthologie entre 1681 et 1682 sur la question : Des représentations en musique anciennes et modernes puis Des ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre, pose ainsi cette réflexion : « Les spectacles publics font une partie de la Philosophie des Images que je me suis proposée comme la fin de mes études. »
    Ces médias artistiques entrecroisés s’expliquent en partie par la recherche d’un art total, mêlant musique instrumentale, vocale, poésie, danse, décors et images, issu de l’humanisme de la Renaissance, à l’heure où érudits et artistes redécouvrent l’Antiquité.

    La fondation d’une mythologie française

    Le Grand Siècle brille par la volonté de Louis XIV à faire de la France une nouvelle Rome. Avec Phaéton, tiré des Métamorphoses d’Ovide, le dieu Jupiter endosse son soc fleurdelisé et déploie les « vertus alliées de la force » pour reprendre saint Thomas : Magnificence et Magnanimité, apanages des grands monarques, face à l’orgueil démesuré de Phaéton qui, désireux de s’approcher du soleil, se brûle les ailes. La première est donnée sur une scène éphémère, dans la Salle des Manèges. Les machines absentes sont compensées par l’abondance et le luxe des costumes dessinés et conçus par Bérain. Les sujets développés après Phaéton tels que ceux d’Amadis, de Roland ou d’Armide, abandonnent progressivement les thématiques ayant trait aux dieux pour représenter des héros à visage humain. Après l’Antiquité, force est donnée aux légendes médiévales et à leurs mythes chevaleresques. À travers son répertoire mêlant sujets à l’Antique et hauts faits baroques, Louis XIV domine le temps et l’espace. Dans Amadis, composé en 1684, l’intérêt est porté au héros du même nom très en vogue dans la littérature du XVIIe siècle. Plus encore, on appelle cet Amadis de Gaule « la Bible du Roy » sous Henri IV. Dans ses Chroniques secrètes et galantes, Georges Touchard-Lafosse écrit : « Le roi se croyait quasi auteur du poème ; l’incitation de l’amour propre domina quelque peu chez lui le sentiment de la bienséance : un poète par métier n’eût pas fait plus. La pièce était remplie d’allusions à la louange de Sa Majesté, et Lully fit chanter, le mieux qu’il put, ce panégyrique obligé. » [1] D’abord issu de la littérature portugaise, de l’auteur Garci Rodriguez de Montalvo, Louis XIV s’approprie cette histoire d’amour mettant en scène Amadis, chevalier courageux surmontant mille obstacles pour Oriane, fille de Lisuarte, roi de Bretagne. L’épopée retrace la conquête de ce héros baroque à travers l’Europe, triomphant tour à tour en Bohème, en Allemagne, en Italie et en Grèce. La figure du roi est désormais une figure bien humaine, capable de dépasser sa faiblesse et de conquérir le monde malgré son être mortel.

    Roland, dont le thème est emprunté à l’Arioste, est joué à Versailles le lundi 9 janvier 1690. Comme pour Amadis, la trame est au sujet guerrier. Le Prologue est chanté par Démorgon, roi des fées, chantant les louanges de Louis XIV sur son trône car « le plus grand des héros » a ramené la paix. Pour Philippe Beaussant, « avec ces œuvres qui abandonnent la mythologie et les images traditionnellement chargées de transmettre la symbolique royale, nous sommes plus près que jamais de la personne et de l’esprit du roi. » Ce goût du roi consiste en cette appropriation transversale de légendes, de contes et de mythes européens, forgeant l’être-même du souverain comme image inaliénable destinée à sa descendance et à la postérité. Louis XIV est résolument ce « maître absolu de cent peuples divers » que chante la Sagesse dans le Prologue d’Armide. Un sauveur, à l’instar du Renaud de la tragédie, libérant peuples comme amours de la barbarie par la « douceur de ses lois. »

    Epilogue

    Au fil des années, les deuils qui frappent la famille royale, l’âge du roi, le déficit des caisses de l’Etat et les guerres imposent des divertissements plus intimes. Au crépuscule de sa vie, Louis XIV réserve le faste aux baptêmes et aux mariages princiers, avec le souci toujours prégnant d’impressionner ambassadeurs et souverains en visite officielle. Les jardins achevés, ils ne peuvent plus accueillir les grands dispositifs éphémères qui ont marqué la vie des bassins, des parterres et des bosquets. Pour autant, l’héritage qu’il a légué à la France s’incarne toujours avec vivacité dans les pages des tragédies que l’on continue de mettre en scène et de la musique que l’on continue de jouer. Louis XIV, en monarque soucieux de léguer à sa descendance un royaume en plus bel état qu’il ne l’avait trouvé, a également transmis sa passion des fêtes toute française à l’ensemble de ses sujets d’aujourd’hui. Mieux encore : au monde entier, que le mythe du Roi-Soleil fascine et continuera de fasciner pour la révolution culturelle qu’il lui a donné. Si Louis XIV vit encore derrière chaque vers de Molière ou Corneille déclamé, chaque note de Jean-Baptiste Lully ou de Marc-Antoine Charpentier pincée, l’on pourrait aisément pasticher le mot fameux : « Je m’en vais, mais la fête demeurera toujours. » (FIN)   

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    Les Quatre Vertus, Balet comique de la Royne, faict aux nopces de Monsieur le Duc de Joyeuse & madamoyselle de Vaudemont sa sœur. Par Baltasar de Beaujoyeulx, valet de chambre du Roy, & de la Royne sa mere, Gallica, p. 40  

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    Le Rouge et le Noir

  • Année des 150 ans de Charles Maurras • Discours de Michel Déon, de l'Académie française, à Martigues, le 27.09.1997

     
    Par Michel Déon
    de l'Académie française

    C'est un document émouvant, un superbe témoignage, que nous vous donnons à lire aujourd'hui, grâce au concours de Mme Nicole Maurras, et qui n'a probablement jamais été publié ailleurs à ce jour.

    Il s'agit du discours prononcé par Michel Déon dans le jardin de la maison de Maurras, lorsque les clés en furent remises par Jacques Maurras au maire de Martigues, Paul Lombard, le 27 septembre 1997. Nous publierons un jour prochain un récit de cette cérémonie, l'intervention de Jacques Maurras, la réponse du maire, etc.

    La Municipalité de Martigues ayant arbitrairement décidé de fermer la maison de Charles Maurras aux visites, il est d'autant plus important de rappeler dans quelles circonstances elle en devint propriétaire. Des circonstances qui obligent.  Nous y reviendrons. Écoutons Déon ! Lafautearousseau.

       

    gettyimages-538943220-1024x1024.jpgPermettez-moi d'évoquer un souvenir qui a déjà près d'un demi-siècle.

    C'était à Tours, un matin affreusement grisâtre, sous un ciel si bas qu'il écrasait la ville. Toute la nuit, il avait neigé et le cortège qui accompagnait Charles Maurras à son dernier voyage pataugeait, transi, dans la boue. Le vieil et indomptable lutteur nous quittait, mais nous savions bien les uns et les autres qu'il n'était déjà plus avec nous. Certes, grande avait dû être sa tristesse de nous abandonner à nos tourments.

    725228852.jpgMais à la seconde où ses yeux se fermaient pour toujours, quelle joie avait dû s'emparer de son âme envolée à tire d'ailes vers la lumière de Martigues dont les servitudes de la vie l'avaient si souvent éloigné. Il n'était pas là dans ce triste cercueil, dans le froid et la neige, il était retourné à ses origines, à son étang de Berre qui, écrivait-il dans sa belle adresse aux félibres de Paris, le matin blanchit et le soir s'azure, qui de ses mille langues vertes lèche amoureusement le sable des calanques et ronge les rochers où l'on pêche le rouget*. 

    La France avait été sa grande patrie aimée d'un amour si passionné qu'il s'autorisait à la rudoyer, la tancer de n'être pas toujours à la hauteur de ce qu'il attendait d'elle, mais la petite patrie, à laquelle il appartenait plus qu'à toute autre, n'avait connu de lui que les douceurs d'une pure piété filiale. Là, pour lui, s'arrêtaient les querelles des hommes. L'allée conduisant à sa bastide ne s'appelle-t-elle pas Le Chemin de Paradis, titre de son premier livre ? Cette minute où l'âme est enfin délivrée de ses colères et de ses joies terrestres, il ne l'avait jamais mieux exprimée que dans un poème écrit en prison**, publié sous le pseudonyme de Léon Rameau, ce rameau d'olivier tendu en signe de paix : 

    Lorsque, enfin déliés d'une chair qui les voile
    Les bons, les bienfaisants bienheureux, les élus
    Auront joint le nocher sur la mer des étoiles,
    Le sourire du Dieu ne leur manquera plus. 

    Mais sur les pauvres os confiés à la terre
    L'épaisseur de la nuit, le poids du monument,
    La sèche nudité de l'adieu lapidaire
    Font-ils la solitude et l'épouvantement ? 

    Une œuvre, une action, un chant ne s'éteignent pas avec leur créateur quand ils ont ce serein espoir. Ils éclairent les générations à venir. Encore faut-il que ce qui n'a pas été gravé dans le marbre soit conservé. Dans ses dernières lettres de prison, Charles Maurras n'avait cessé de se préoccuper du sort de ses livres, des documents et des lettres qui avaient accompagné sa vie intellectuelle, sa quête de la vérité tout au long de l'histoire de France en ce terrible XXème siècle, le plus sanglant de l'histoire du monde. Il y avait là un trésor à classer, déchiffrer, commenter. La justice des hommes, si faillible, peut croire qu'une condamnation sans appel rayera de notre patrimoine une pensée fût-elle controversée ou exaltée. Vaine prétention ! La pensée est comme l'arbre de vie : elle a ses racines dans la terre et tend ses branches vers le ciel. Dans l'histoire des civilisations, elle est le maillon d'une chaîne qui ne s'interrompra qu'avec la fin de l'humanité.

    1361709957.JPGLe temps voile ses erreurs passionnelles pour n'en conserver que l'essence. En sauvant les murs de la maison de Charles Maurras, en l'ouvrant à des chercheurs venus de tous les horizons politiques et humains, la Municipalité de Martigues exauce les vœux derniers d'un homme sur qui l'on voudrait faire croire que tout a été dit alors que tout reste à découvrir et à méditer. 

    Succédant à Charles Maurras au seizième fauteuil de notre Académie française, cette Académie que Maurras appelait avec respect « sa mère », le duc de Lévis-Mirepoix terminait l'éloge de son prédécesseur par ces mots : Comme Socrate, il a encouru la colère de la Cité. Oui, mais pas la colère de sa Cité de Martigues. Soyez-en remercié, vous qui au nom de la liberté de penser, au nom de la poésie, avez su vous élever au-dessus des querelles de notre temps et reconnaître en cet homme debout un des grands philosophes politiques de notre temps, et un grand, un très grand poète. 

    * Les trente beautés de Martigues
    ** Ainsi soit-il !
  • Cinéma • Le grand bain

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : Le grand bain, un film de Gilles Lellouche, avec Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Philippe Katerine, Virginie Efira, Marina Foïs, et Leïla Bekhti. 


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    Ce casting aussi long que ce très long-métrage ne m’inspirait pas… C’est généralement mauvais signe… et cette bande d’hommes en maillots de bain me rebutait…

    Sans l’avis amusé de ma charmante voisine, je ne serais donc pas allé me plonger dans ce grand bain… et j’aurais mieux fait.

    LeGrandBain-Banniere-800x445.jpgMême si j’ai pu rire une fois ou deux, je me suis surtout ennuyé en nageant d’une scène à l’autre dans ce film décousu à la fin duquel, sans qu’on sache pourquoi, une équipe de manchots triomphe aux jeux du cirque.

    Le vocabulaire est d’une pauvreté crasse, vulgaire et ordurière avec en tête de gondole l’actrice de service.

    Bref, un film à jeter avec l’eau du bain.    

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Salle comble hier soir à Marseille pour « La Rébellion cachée »

     

    rebellion_cachee.jpgPrésenté par Jean Gugliotta, le président de l'Union Royaliste Provençale, et Daniel Rabourdin, son réalisateur (photo ci-dessus), le documentaire « La Rébellion cachée » a passionné une assistance attentive qui s'est prêtée activement au débat et aux échanges.

    Ce qui a été montré et dit c'est la vérité sur le génocide vendéen, matrice de tous les génocides modernes et du totalitarisme révolutionnaire.

    Une soirée réussie ! 

  • D'accord avec Mathieu Bock-Côté : Soljenitsyne n'était pas un libéral !

     

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    Également dans le Figaro, Soljenitsyne a été défini comme « conservateur libéral » (Chantal Delsol). Cette tribune de Mathieu Bock-Côté n'est certes pas une réponse à cette affirmation à tous les sens du mot hasardeuse. Mais sa réflexion au fil des lignes et des idées conduit à une tout autre compréhension de la pensée du grand Russe. Beaucoup plus profonde et plus juste selon nous. [Le Figaro, 23.11]. Nous faisons suivre cette tribune du discours intégral d'Alexandre Soljenitsyne aux Lucs-sur-Boulogne - en 1993, il y a 25 ans - où il dit le fond de sa pensée sur toute forme de révolution. LFAR

     

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    La commémoration des 100 ans de la naissance de Soljenitsyne permet de revenir sur une existence qui a incarné de la manière la plus exigeante qui soit la figure de la dissidence au XXe siècle.

    Elle permet aussi de revisiter l'œuvre d'un homme qui a théorisé la résistance au totalitarisme, en décryptant de quelle manière il pervertit l'âme humaine et déstructure les repères fondamentaux de la conscience. Soljenitsyne ne s'imaginait pas en lutte contre une forme radicalisée de la dictature mais contre un régime politique inédit, broyant la part la plus intime de l'être humain.

    On le sait, pour Soljenitsyne, l'institutionnalisation du mensonge est la marque distinctive du totalitarisme. Orwell l'avait noté, il veut forcer l'homme à dire que 2 + 2 = 5. À la manière d'un régime idéocratique, il pose une vérité officielle, à laquelle tous doivent souscrire, surtout lorsqu'elle est contraire à la vérité effective des choses. Le totalitarisme oblige l'homme à dire le contraire de ce qu'il pense, et même le contraire de ce qu'il voit. Plus encore, il doit le dire avec enthousiasme. Devant les savants officiels du régime,il doit répéter les «vérités» décrétées, même si, au fond de lui-même, il lui arrive encore de les savoir fausses. Milosz avait noté que ce dédoublement de l'être provoque une forme de schizophrénie.

    « La piété, qu'elle soit patriotique ou religieuse, n'est pas l'ennemie de la liberté : elle peut même l'alimenter »

    La première forme de résistance au totalitarisme consiste alors à oser dire la vérité, en appelant un chat un chat. Mais où trouver la force pour résister au totalitarisme? Comment tenir devant un dispositif qui prétend confisquer le sens de l'histoire et qui ne veut voir dans ses opposants que le bois mort de l'humanité ou des résidus historiques insignifiants? Pourquoi lutter quand on en vient à se croire vaincu d'avance? La dissidence n'est-elle qu'un témoignage moral sacrificiel à classer sous le signe du martyre? C'est ici que Soljenitsyne se distingue: l'écrivain n'a jamais douté de sa victoire. Même en exil, il était persuadé de pouvoir un jour revoir son pays libéré et ayant renoué avec ce qu'on appellerait aujourd'hui son identité.

    Plusieurs l'ont noté, la philosophie de Soljenitsyne était ancrée dans un patriotisme russe et une foi orthodoxe profondément enracinés - elle ne se réduisait pas à un libéralisme fade, étranger à la transcendance, enfermant l'homme dans une conception aussi matérialiste qu'horizontale de l'existence. Si on préfère,elle s'enracinait à la fois dans un ensemble de traditions nationales et religieuses, comme ce fut souvent le cas dans la dissidence des nations d'Europe de l'Est, qui conjugua le plus naturellement du monde identité et liberté. La piété, qu'elle soit patriotique ou religieuse, n'est pas l'ennemie de la liberté: elle peut même l'alimenter.

    Le totalitarisme entend soumettre l'homme intégralement, pour fabriquer ensuite l'homme nouveau à travers le contrôle complet de tous les mécanismes de socialisation. Mais l'homme n'est pas intégralement manipulable. Sa naissance dans une nation historique particulière qui demeure pour lui une source précieuse d'identité et sa quête spirituelle qui le pousse vers les fins dernières révèlent une nature humaine que le pire ordre social ne peut jamais complètement écraser et à partir de laquelle l'aspiration à la liberté peut rejaillir. La conscience de sa filiation comme celle de sa finitude fondent paradoxalement pour l'homme la possibilité de sa liberté. C'est parce qu'il était rattaché au monde par les racines les plus profondes et par ses aspirations les plus élevées que Soljenitsyne a su résister au communisme.

    « Soljenitsyne l'avait vu avant tout le monde : l'Occident n'est pas lui-même immunisé contre le totalitarisme »

    Soljenitsyne l'avait vu avant tout le monde: l'Occident n'est pas lui-même immunisé contre le totalitarisme. La démocratie contemporaine en reconduit certains schèmes à travers le fantasme d'une pleine maîtrise du vivant ou de l'existence sociale, où se laisse deviner encore une fois la figure de l'homme nouveau, qu'on voudrait aujourd'hui sans sexe, sans parents, sans patrie, sans religion et sans civilisation. Il est bien possible que nos traditions les plus profondes soient encore une fois celles qui nous permettront de résister à l'hubris d'une modernité qui assujettit l'homme en prétendant l'émanciper.

    Et comme on lisait hier la Pravda en apprenant à la décoder, on lit aujourd'hui entre les lignes de certains journaux pour décrypter la part du réel que le régime diversitaire ne peut dévoiler sans se fragiliser. Qu'il s'agisse de l'idéologie du genre, du multiculturalisme qui déracine les peuples et les expulse mentalement de chez eux en diabolisant le désir d'avoir un chez-soi ou de la névrose du politiquement correct qui enferme le monde de la pensée dans un monde parallèle, fondé sur la falsification du réel, il faudra aussi retrouver le courage de dire la vérité.  

    Mathieu Bock-Côté 

    À lire aussi dans Lafautearousseau ...    

    D'accord avec Arnaud Guyot-Jeannin : Soljenitsyne n’était pas un conservateur libéral, mais un antimoderne radical !   
    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017). 
  • Le temps du blasphème

     

    Par Philippe Mesnard
     

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    Quand Marlène Schiappa apostrophe par SMS Cyril Hanouna – car toujours les Puissants ont eu à cœur de dialoguer avec l’Art – pour lui rappeler qu’il existe un délit d’entrave à l’IVG, simplement parce qu’un citoyen exprime son opinion dans une émission de divertissement, elle montre qu’elle ignore la loi – ou plutôt qu’elle se moque des textes exacts et ne veut en retenir que l’esprit : on ne touche pas à l’IVG, devenue idole du Progrès. C’est tabou !

    Et ceux qui critiquent doivent être condamnés. Émile Duport, des Survivants, avait blasphémé et Hanouna, qui lui offrait une tribune, était bien près d’être inculpé d’assistance à blasphémateur. L’ironie étant qu’au moment même où Schiappa menaçait de fulminer l’anathème, l’Irlande abrogeait le délit de blasphème, qui n’existe donc plus que dans les pays musulmans. Muriel Robin, dans l’émission de Ruquier – continuons de fréquenter des sommets –, intimait l’ordre de se taire à un chroniqueur qui ne brûlait pas assez d’encens devant Fogiel et ses GPA illégales.

    Schiappa n’est qu’un exemple, certes significatif puisque c’est un membre du gouvernement, de ce nouveau goût pour ce genre d’accusation : avoir outragé ce qui est sacré ! Un homme n’a plus médiatiquement le droit de se défendre quand une femme l’accuse, car nier la vérité de la parole de la victime féminine, c’est commettre un crime encore plus affreux que celui dont on est accusé – même quand on est innocent.

    Anne-Marie Le Pourhiet remarquait que le néo-féminisme est au-dessus des lois, ou plutôt qu’il produit sa propre loi : qu’il soit anathème celui qui n’avoue pas !

    D’autres blasphèmes sont peu à peu institués : on comprend bien que qui se réclame du nationalisme n’est qu’un galeux, un chien, un lépreux qui mérite d’être jeté hors de la société pour avoir outragé le « vivre-ensemble » ; qu’un « blanc » ose célébrer une vie « noire », et le voilà accusé du blasphème d’appropriation culturelle ; qu’un juge ose enquêter sur Mélenchon, et voilà ce dernier qui éructe qu’il est sacré et intouchable – ce qui est grotesque même si les conditions de cette enquête sont en elles-mêmes un scandale ; cela dit, la France insoumise n’hésite pas à expliquer que cette perquisition est « digne de la nuit des longs couteaux », ce qui est un tantinet exagéré, et qu’on a blasphémé contre le texte sacré qu’est l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ; la Cour européenne des droits de l’homme, de son côté, n’hésite pas à déclarer sacré le mariage entre homosexuels au point qu’elle trouve blasphématoire le refus de certains maires de le célébrer, se contentant de déclarer irrecevable, en octobre 2018, la requête qu’ils avaient introduite dans ce sens en 2015 : comme dirait Kouachi, on ne discute pas avec les blasphémateurs, on les fait taire. La même CEDH vient de confirmer la condamnation d’une Autrichienne, qui avait affirmé que Mahomet était pédophile puisqu’il avait épousé une fillette de six ans et consommé son mariage avec elle, ses propos « menaçant la paix religieuse ». Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde, qui viennent de publier une enquête sur la France islamiste en Seine-Saint-Denis, se rendent compte, stupéfaits, qu’ils sont accusés d’avoir blasphémé en n’entonnant pas l’antienne obligatoire d’un islam irréprochable.

    Et Macron ne veut pas commettre le blasphème de froisser l’Allemagne en donnant une « expression trop militaire » à la célébration d’une victoire remportée militairement sur l’Allemagne…

    Une nouvelle religion se met en place depuis quelques décennies, et se sent aujourd’hui ou assez assurée ou assez menacée pour ne plus supporter aucune contradiction : oser contredire n’insulterait pas seulement l’intelligence mais serait une violence sociale dangereuse et insupportable. Cette nouvelle religion se fonde sur un oubli complet du passé. Pierre Nora déclarait dans Le Figaro : « Le passé s’est éloigné. Les plus jeunes n’éprouvent plus le sentiment d’une continuité historique de Jules César à Napoléon, auparavant si vif. La coupure est nette. La dictature du présent et l’oubli de la longue durée entraînent la fin de ce qui a été le ressort de la transmission : le sentiment de la dette. La conviction, qui a pesé sur les hommes pendant des siècles, que nous devons à nos parents et à nos ancêtres d’être ce que nous sommes. Les Français de 2018 ne se perçoivent plus comme les débiteurs de leurs devanciers. »

    Cette religion assure la promotion d’un terrifiant avenir univoque aux couleurs des droits de l’homme qui, pourtant, ensanglantent le monde depuis plus de deux siècles.

    Ce nouveau siècle sera bien religieux. Sale temps pour les blasphémateurs qui n’entendent pas se convertir.  

    Philippe Mesnard
  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [II]

    Henri de Gissey, Le Grand Carrousel donné par Louis XIV dans la cour des Tuileries à Paris, pour célébrer la naissance du dauphin 

    La diversité des lieux

    En chantier permanent, Versailles et ses jardins sont le théâtre de nombreuses improvisations. Saint-Germain et Fontainebleau offrent de grandes salles de spectacles, mais c’est l’éphémère et le surprenant qui dicteront l’organisation des divertissements non moins somptueux à Versailles. Comme nous l’avons vu plus avant, c’est à travers d’ingénieux mécanismes, de scènes et décors démontables, de théâtres de verdure et en trompe-l’œil, que le roi divertit sa cour. Le château ne pouvant, quand les Plaisirs de l’île enchantée sont joués, accueillir les six cents invités. À travers ces architectures provisoires faites de treillages et de jeux d’eau, le roi permet aussi au peuple de se divertir et de piller les buffets.

    Cependant, à mesure que les travaux du château avancent, le roi accueille de plus en plus souvent en intérieur, en témoigne le premier souper donné dans le château à l’occasion d’une grande fête telle que les Fêtes de l’Eté de 1674. Ce n’est qu’en 1682 que Louis XIV décide de construire un théâtre dans l’aile Nord du château. Jules Hardouin-Mansard et Vigarani sont sollicités pour cette entreprise mais les travaux commencés resteront inachevés. Les pièces de théâtre et de musique continuent ainsi d’être jouées sur des scènes éphémères avec cependant une évolution : le manège de la Grande Écurie récemment bâtie accueille Persée de Lully, puis un théâtre est construit dans la cour des Princes, où sont jouées des comédies. Au Trianon de marbre, Louis XIV assiste à des opéras dans une salle initialement dévolue à la comédie. Progressivement, les divertissements prennent place dans des lieux dédiés, à l’image de l’appartement, au cœur de l’agenda festif des gentilshommes de la cour.

    Les soirées d’appartement sont une occasion privilégiée pour les sujets de se rapprocher du roi. L’étiquette est suspendue le temps d’une soirée pour qui a été invité. Dans ses Mémoires, le duc de Saint-Simon en parle ainsi : elles se déroulent trois fois par semaine, entre sept et dix heures du soir. À cette occasion, le roi offre à ses invités musique, jeux et rafraîchissements. Le Mercure galant, journal fondé en 1672 par Donneau de Visé, traite ainsi des soirées d’appartement à la cour de Versailles : elles suivent un protocole particulier, en dehors des grandes cérémonies publiques. Le duc d’Aumont, Premier Gentilhomme de la Chambre, s’occupe des invitations en accord avec le roi. La garde est restreinte et la liberté de parler est entière. Les appartements, richement ornés, sanctuarisent un espace d’intimité entre le souverain et sa cour. Le roi passe ainsi de table en table, d’un jeu à un autre, et ne souhaite pas que l’on s’interrompe ni ne se lève pour lui. Donneau de Visé écrit : « On dirait, d’un particulier chez qui l’on serait, qu’il fait les honneurs de chez lui en galant homme. » Le cabinet du Billard est installé dans le salon de Diane, le salon de Mercure est réservé au jeu de la famille royale. Avec le temps, le roi se rend de moins en moins à ces soirées, leur préférant les soirées chez Madame de Maintenon pour travailler avec ses ministres. Cependant, il désirait toujours que ses sujets jouissent des plaisirs qu’il leur prodiguait. Quiconque s’attachait à plaire au roi se rendait à ces soirées.

    Les nombreux jeux de la cour

    Les grandes fêtes comptent de nombreuses déclinaisons hétéroclites. « Louis XIV aimait les femmes et le pouvoir […] il s’amusa et amusa la noblesse à des ballets et à des carrousels. » [1] dit Anatole France. Cette diversité des jeux sanctuarise le rythme de vie de la cour, habituée aux grandes manifestations festives comme aux événements plus intimes. Parmi les jeux de soirée d’appartements, on compte les cartes ou le billard que Monsieur et Monseigneur affectionnent particulièrement. De nombreux jeux apparaissent et disparaissent ainsi au gré des modes : le piquet, le trictrac, le whist, ou encore le brelan, le joc vers 1675, le lansquenet en 1695.

    Mais les jeux prennent souvent plus d’ampleur. À l’occasion de la naissance du Dauphin, le 1er novembre 1661, est organisé un carrousel l’année suivante les 5 et 6 juin 1662. Le carrousel est d’origine italienne, le terme est issu de la contraction de deux mots latins : « carrus-soli », qui signifie « char du soleil ». Il est hérité des tournois médiévaux, intermédiaire entre les parades équestres et les jeux de guerre italiens, et consiste en un jeu militaire composé d’une suite d’exercices à cheval exécutés par des quadrilles de seigneurs richement vêtus, entremêlés de représentations allégoriques tirées de la fable ou de l’histoire.

    L’événement se tient devant le palais des Tuileries. On aménage pour l’occasion la place en carrière, en plaçant devant un amphithéâtre. Un pavillon destiné à recevoir les reines, Marie-Thérèse et Anne d’Autriche, est dressé et prend la forme d’une architecture croisant les ordres dorique et ionique. Dans les étages supérieurs et inférieurs de la tribune richement ornée de velours violet garni de fleurs de lys, plusieurs personnalités de la cour prennent place. Le premier jour, entre dix-mille et quinze-mille personnes sont rassemblées sur la place, parmi lesquelles beaucoup d’étrangers et les notables parisiens. Le roi entre en scène suivi de Monsieur – le frère du roi –, du prince de Condé, du duc d’Enghien et du duc de Guise. Ils arrivent par la rue Richelieu, vêtus à la romaine dont le roi prend la figure de l’empereur portant un casque d’or serti de diamants et paré de roses. Son costume est fait de brocart d’argent rebrodé d’or et de pierres précieuses. Le harnois de son cheval et de couleur feu et d’éclats d’or, d’argent et de pierreries. Il est entouré de cavaliers musiciens dits de la brigade romaine et s’en va saluer la reine. Le second groupe de cavaliers est vêtu à la perse, et commandé par Monsieur. Le troisième est vêtu à la turque, et commandé par le prince de Condé. Le quatrième est vêtu à la mode des Indes, et commandé par le duc d’Enghien. Paraît enfin le duc de Guise, vêtu en roi des sauvages d’Amérique, dont le chapeau est garni de branchages. Au total, on estime à plus de mille le nombre de cavaliers lors de ce ballet équestre qui se poursuit par les courses de têtes contre une tête de turc et une autre de méduse. Le second jour est celui des courses de bagues : elles consistent à enfiler à la lance, en plein galop, une bague pendue par une ficelle à une potence. D’origine guerrière, cette tradition s’est adoucie depuis la mort d’Henri II en 1559, blessé à l’œil par un éclat de lance de bois. Bien que ce type de divertissement tende à s’effacer, le Grand Dauphin lui-même organise des carrousels en 1685 et 1686 : le premier est celui des « Galans Maures », où les participants sont coiffés de têtes de dragons, de harpies, trompes d’éléphants, bouquets de plumes, le second celui des « Galantes Amazones », donné dans la cour des grandes écuries. Il s’agit d’un divertissement galant, où « trente dames et trente seigneurs auront le plaisir de divertir la cour à leurs dépens. » [2] écrit la marquise de de Sévigné dans une de ses lettres.

    Au contact de la nature dans la campagne giboyeuse de Versailles, la chasse est un sport particulièrement prisé par les Bourbons, notamment par Louis XIII qui aimait à se retirer dans son pavillon de chasse pour chasser le gibier à plumes ou le gros. Sous Louis XIV, la vénerie royale a la taille d’un petit village, et représente plusieurs centaines de chiens et de chevaux, et six cents personnes en ont la charge. La chasse à courre est un divertissement marquant la domination du roi sur la nature, à laquelle participe un public restreint resserré autour de la figure du souverain. À la fin du XVIIe siècle, Louis XIV crée le Grand parc de chasse. C’est un vaste domaine clos par un mur dès 1683, avec une superficie de 11 000 hectares, forêt de Marly comprise, à la fin du règne. Pour assouvir son amour de la chasse, Louis XIV l’inscrit à l’étiquette : le matin, le roi gouverne, l’après-midi, il chasse. Parfois mais rarement, elle remplace même le conseil quand la journée est belle. Cette chasse prend deux formes : la chasse à tir se tient dans le grand parc, la chasse à courre en forêt. Le grand veneur accompagne le roi et a le privilège de se tenir à sa proximité. Ce privilège est tel que, sous le règne de Louis XV, Dufort de Cheverny rapporte : « Mon assiduité à la chasse plaisait au Roi. Je redoublai et M. le duc de Penthièvre me rencontrant un jour me dit : « Le Roi vous permet de prendre l’habit de l’équipage ». Il m’aurait donné un gouvernement, il ne m’aurait pas fait plus plaisir. » [3] À l’instar des soirées d’appartement, la chasse est un divertissement prisé des gentilshommes désireux de participer aux heures de détente royale.

    La France fait une spécificité de ces fêtes qui, peu à peu, font du royaume le cœur du divertissement européen où s’épanouit le mythe français. Cette idée fait l’objet de la troisième partie de cet abrégé.  (à suivre)   

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    Antoine Trouvain, Le Jeu de Portique, Deux fils du Grand Dauphin : duc d’Anjou (futur Philippe V d’Espagne) et duc de Berry (Charles de France), prince de Galles et comte de Brionne


    [1Anatole France, Le Génie latin, p. 140.

    [2Lettre 899

    [3N. Dufort de Cheverny (1731-1802), Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la Révolution. 

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    Le Rouge et le Noir

  • Patrimoine cinématographique • Au bon beurre

     

    Par Pierre Builly

    Au bon beurre d'Edouard Molinaro (1981)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgPas de quoi rire ... 

    Au bon beurre est l'exemple même de ce qu'était et de ce que pourrait être une télévision de qualité : le choix d'un réalisateur solide, Édouard Molinaro, sans doute dépourvu de grand talent, mais capable d'adaptations de bon niveau ; des acteurs de premier plan, Roger Hanin et Andréa Ferréol et une kyrielle de seconds rôles capables de donner de l'épaisseur à un film : Paul Guers, Dora Doll, Claude Brosset, Monique Mélinand et beaucoup d'autres ; un roman idéalement découpé pour retenir constamment l'attention ; une période historique certes continuellement explorée et commentée mais considérée là principalement sous l'angle original du marché noir et de la crapulerie dénonciatrice ; une conclusion amère et juste, le triomphe immoral des Jean-Dutourd.jpgprofiteurs ; une adaptation très fidèle de l'œuvre d'un excellent romancier, Jean Dutourd, qui connaît aujourd'hui son purgatoire littéraire, dont je serais toutefois bien étonné qu'il ne ressorte pas dans quelques années ou décennies, tant sa verve narquoise et son œil ironique sont délicieux. 

    En tout cas son style d'écriture et son sens de la dérision se sont particulièrement bien prêtés à la transcription télévisée. Et on peut d'ailleurs beaucoup regretter que sa veine n'ait guère été explorée ni exploitée par le cinéma ou la télévision ; il est vrai que fervent gaulliste et fervent monarchiste, il n'entrait pas dans les lucarnes étroites du politiquement correct. (Au fait, il fait une toute petite apparition muette, en acheteur ironique à béret basque dans le téléfilm). 

    Molinaro a disposé de beaux moyens matériels pour adapter le roman et surtout d'un minimum de temps : un peu plus de 3 heures, en deux épisodes diffusés en deux jours consécutifs lors de la première diffusion, ce qui permet de donner un récit à peu près intact et d'en respecter le rythme ; autant qu'il m'en souvienne, il n'a pas eu à faire l'impasse sur des épisodes importants, ce qui permet de conserver une agréable cohérence. Il a eu surtout le mérite de respecter l'acidité du récit de Dutourd, ce qui ne serait peut-être pas possible dans notre vertueux aujourd'hui. 

    au-bon-beurre (1).jpgJe m'explique : le roman a été publié en septembre 1952, c'est-à-dire à un moment très proche du déroulement des événements relatés, un moment où toutes les manigances, les vacheries, les veuleries, les médiocrités racontées étaient encore bien présentes à la mémoire des lecteurs ; je sais bien que celle-ci a tendance à oublier les petites crapoteries qu'on a commises et à valoriser ses minuscules courageuses réactions pour en faire des actes de résistance, mais enfin on ne peut tout de même pas raconter n'importe quoi, ni faire mine d'oublier qu'on a acclamé le maréchal Pétain en avril 44 avant d'aller applaudir le général de Gaulle au mois d'août et cela avec le même enthousiasme. 

    e183a2de-php5lwpqo.jpgD'où l'efficacité du téléfilm qui montre avec un sourire triste mais détaché la réalité des années noires : tout simplement la nécessité de trouver à bouffer chaque jour, de ruser avec les tickets d'alimentation, de se faire quelquefois plaisir en achetant dix fois son prix une douzaine d'œufs ou une livre de beurre. Tristes vicissitudes de nos ventres ! 

    Hanin joue plutôt sobrement et Andréa Férréol est gluante et ignoble à souhait ; abjects ? oui, évidemment, mais comment ne pas noter non plus leur complicité amoureuse et leur ardeur au travail ? Comment ne pas voir qu'à de rares exceptions près, ils sont entourés de bonnes gens qui, s'ils étaient crémiers à leur place agiraient à peu près pareillement ? 

    Et puis j'aime toujours revoir le beau visage triste et déjà suicidaire de Christine Pascal, la petite bonne exploitée.   

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    DVD 10 €...............

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [I]

    Illuminations du palais et des jardins de Versailles, estampe, 1679, par Jean Le Pautre (1618-1682), Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon © EPV/ Jean-Marc Manaï 

     
    « Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la cour une honnête familiarité avec le Souverain les touche et les charme plus qu’on ne peut dire. »
    Louis XIV, Mémoires pour l’instruction du Dauphin, 1661. 

    Le 23 février 1653, au théâtre du Petit-Bourbon à Paris, le Ballet royal de la nuit voit asseoir le pouvoir naissant de Louis XIV, dont le royaume est encore sous le contrôle de Mazarin et de la Reine-Mère. Toute la noblesse, soit près de trois mille personnes, s’assemble dans ce théâtre accolé au Louvre. Ce divertissement fait participer les anciens frondeurs, réunis autour du Soleil levant, le jeune Louis XIV, qui entend imposer un ordre du goût nouveau. Ce ballet fonde le mythe apollinien du Roi-Soleil, et bien que joué une seule et unique fois en cette circonstance, il a un impact particulièrement important. À cette occasion, le roi Louis XIV, âgé de quinze ans, joue le rôle du dieu Apollon, travesti en soleil autour duquel gravitent des seigneurs représentant les planètes. À travers cette mise en scène, le roi pose le premier jalon de l’affirmation de son pouvoir et fait partager à l’ensemble de la cour son goût pour la fête et les divertissements. Goût qui rythmera l’ensemble de son règne, entre art du gouvernement et gouvernement des arts.

    Les divertissements prennent ainsi plusieurs formes : les spectacles publics comme le comédies, opéras, concerts, feux et illuminations, et les rassemblements plus privés quand les courtisans deviennent eux-mêmes acteurs : les jeux d’argent, la chasse, les bals, les mascarades. Il s’agit d’étonner du plus grand pour qu’en parle le plus petit, le royaume pour qu’en parle toute l’Europe.

    Versailles au rythme des grands divertissements

    Le Grand Divertissement royal de 1668 célèbre la victoire de Louis XIV sur l’Espagne, la paix d’Aix-la-Chapelle et le rattachement de plusieurs places flamandes – Douai, Lille, Dunkerque – à la France. À cette occasion, le Grand Divertissement royal se pose en summum de la fête baroque par la richesse de ses décors, costumes et la complexité de ses mises en scène. Du Soleil levant, Louis XIV entend, à travers son goût, se poser en Soleil triomphant de l’Europe. Deuxième fête du souverain à Versailles, la somme extravagante de 117 000 livres est dépensée, soit un tiers de ce qu’il consacre à Versailles durant toute l’année. Ce divertissement marque le goût prononcé du roi pour l’idée-même de la fête : sans thème particulier, elle est un déluge de faste et de surprises. 

    André Félibien, dans sa Relation de la Feste de Versailles, nous en donne chaque étape. Elle est organisée le 18 juillet sur une seule soirée et s’ouvre par l’arrivée du roi, de la reine et du Dauphin, venant de Saint-Germain, recevant dans les salles du château aménagées pour l’occasion et pourvues de quoi se rafraichir. Vers six heures du soir, après que la cour est passée par le grand parterre, commence la visite de la dernière réalisation du roi : le bassin du Dragon. Disposés près de la pompe, les participants peuvent contempler ce dragon de bronze, percé d’une flèche et semblant vomir le sang par la gueule, poussant en l’air un bouillon d’eau retombant en pluie et couvrant tout le bassin. Autour du dragon, quatre Amours sur des cygnes forment chacun un grand jet d’eau. Entre ces amours, des Dauphins de bronze agrémentent le déluge.

    La promenade se perd ensuite dans les bosquets frais, gardant de la chaleur du soleil. Celui dans lequel se tient cette collation est arrangé de palissades, arcades de verdure et pilastres laissant découvrir des satyres, hommes et femmes, se mouvant dans des melons surprenamment massifs pour la saison. Un cabinet de verdure pentagone dispose d’une fontaine bordée de gazon, autour de laquelle sont dressés des buffets garnis. L’un d’eux représente une montagne cachant des cavernes dans lesquelles on trouve plusieurs viandes froides. Un autre est déguisé en palais bâti de massepain et de pâte sucrée, un de plus est chargé de pyramides de confitures, et encore un de vases contenant force liqueurs. Le dernier est composé de caramels. Entre les mets se déploient des festons de fleurs soutenus par des Bacchantes, et sur une avancée de mousse verte prenant place dans le bassin, se trouvent un oranger et d’autres arbres de différentes espèces, chacun garni de fruits confits. Le jet de la fontaine, lui, atteint trente pieds de haut et sa chute occasionne un bruit très agréable. La disposition générale semble alors reconstituer un petit monde en forme de montagne duquel jaillit l’eau.

    Après la collation, le roi entre dans une calèche et la reine dans sa chaise et se rendent à la Comédie suivis des carrosses de la cour. Le parcours se fait à travers des allées bordées de rangs de tilleuls, autour du bassin de la fontaine des cygnes terminant l’allée royale vis-à-vis du château. Vigarani a disposé son théâtre au carrefour de ce qui est aujourd’hui le bassin de Saturne. Il est somptueusement orné de colonnes torses de bronze et de lapis environnées de branches et de feuilles de vigne d’or. Entre chacune d’elles sont disposées des figures de Paix, de Justice, de Victoire, etc., montrant que le roi est toujours capable d’assurer le bonheur de ses peuples. Monsieur de Launay est chargé de distribuer le programme de la comédie agrémentée d’un ballet – de Lully – qui doit être jouée. Il s’agit de Georges Dandin de Molière. Trente-deux lustres de cristal luisent alors de concert dans ce théâtre en trompe-l’œil féérique, tendu de tapisseries et couvert d’une toile fleurdelisée à fond bleu.

    Le festin est organisé à l’endroit du futur bassin de Flore, dans un bâtiment octogonal en treillage, haut de cinquante pieds et surmonté d’un dôme. Une table y est dressée et accueille un grand buffet orné d’une fontaine et d’une vaisselle en argent composée de vingt-quatre bassins, séparés par des vases, cassolettes et girandoles. La place du roi est identifiable à sa nef, réalisée par Gravet, probablement avant 1670, d’après un dessin de Le Brun. La table est de forme octogonale, accueille soixante-quatre couverts, et voit son centre orné d’un immense rocher sur lequel trône une fontaine à l’effigie de Pégase le cheval ailé, lequel déverse son eau sur des coquillages exotiques et plusieurs divinités. Le bal est organisé au carrefour de l’actuel bassin de Cérès. On y accède par un tunnel de verdure et la salle est fermée par une grotte de rocailles semblant couverte de marbre et de porphyre réalisée par Le Vau, au fond de laquelle on peut voir deux tritons argentés formant un bouillon d’eau.

    Enfin, la fête se termine par deux feux d’artifice dont tout le monde savait l’existence mais dont personne, de jour, n’avait pu entrevoir la disposition dans les jardins. Mille flammes s’élevèrent ensemble, sortant des parterres, des bassins, des fontaines, des canaux… Les premières depuis le bas de la grande perspective, où l’on aperçoit le château éclairé de l’intérieur. Les secondes, au-dessus de la pompe de Clagny. Se termine ainsi la fête qui eût un retentissement par le biais de nombreux commentateurs tels que ceux de l’abbé de Montigny ou de Mademoiselle de Scudéry, et jusqu’en Espagne : Pedro de la Rosa, dans une lettre destinée à la reine Marie-Thérèse, dresse le portrait à la manière de Félibien de cette fête fastueuse.

    Déployer le pouvoir du monarque

    Les premières heures de Versailles sont marquées par des divertissements se tenant sur des scènes éphémères, au détour des nombreuses allées, bassins et pavillons garnissant les jardins. Les fêtes se déroulent sur plusieurs jours, dans différents lieux montrant la virtuosité du souverain, capable à la fois de dresser de grands théâtres de verdure dans des marais envahis de moustiques et de faire voguer ses galères sur d’immenses canaux prévus à cet effet. Il s’agit pour le roi de montrer son château à la cour qui s’y est nouvellement installée et de l’impressionner.

    Les Fêtes de l’été de 1674 sont données à Versailles au prétexte de la reconquête de la Franche-Comté. Elles se déroulent sur six jours qui ne se suivent pas. Le 4 juillet, on prend une collation dans le bosquet des Marais, embelli d’orangers caisse pour l’occasion et de guirlandes de fleurs. À 8h, on représente Alceste de Quinault, qui compose le livret, et de Lully pour la musique, se posant pour l’évènement en véritable maître des fêtes de la cour de Versailles. La représentation a lieu dans la Cour de Marbre, et donne lieu à un dispositif plutôt humble : un plancher de bois surélevant la scène, mais sans aucun décor ni machine à l’exception d’une fontaine habillée de fleurs trônant au centre. La journée se termine avec le souper donné dans les Grands appartements nouvellement aménagés.

    Le 11 juillet, on joue l’Églogue de Versailles composé en 1668, fruit de la première rencontre entre Philippe Quinault et Jean-Baptiste Lully. L’œuvre prend déjà la forme d’un petit opéra pourvu d’une ouverture à la française et mettant en scène les bergers Silvandre et Coridon parlant ouvertement du retour de « Louis », fait peu courant puisque la plupart du temps le souverain endosse le costume d’une métaphore livrée à l’interprétation du public. La journée se poursuit par une promenade dans les jardins de Trianon puis du retour à Versailles vers neuf heures du soir pour le souper. Le repas pris est somptueux, dans la salle du Conseil aménagée à la manière d’un bosquet prenant la forme d’une île entourée de jets d’eau, entourée par soixante-treize girandoles de cristal et surplombée par cent cinquante lustres.

    Le 19 juillet, on prend la collation dans le jardin de la Ménagerie, suivie de la représentation du Malade imaginaire de Molière et Marc-Antoine Charpentier devant la grotte de Thétis servant de décor, avant de clore la journée sur des gondoles que l’on fait voguer en musique sur le Grand canal. Plus somptueux encore : au 28 juillet, le début de la journée est encore une fois rythmé par la collation prise dans le théâtre d’Eau. Les plats sont disposés sur les gradins de gazon encadrant le bosquet. L’ornementation est un hymne à la nature, et voit se déployer de nombreux arbres fruitiers parmi lesquels pêchers, abricotiers, pommiers, orangers, décorés de guirlandes de fleurs et abritant des pyramides de fruits, glaces, corbeilles de pâtes de fruits et de confitures. On joue ensuite les Fêtes de l’Amour et de Bacchus sur une scène aménagée près des machines alimentant les fontaines en eau, proches du Bassin du Dragon. Vigarani collabore avec Lully et conçoit le théâtre formé de deux pilastres soutenant les statues en bronze doré de la Justice et de la Félicité. On interprète le livret de 1672, rassemblant les plus beaux extraits des ballets et comédies-ballets de Lully. Le dernier acte voit la scène se transformer complètement en laissant apparaître le chœur de l’Amour et ses bergers prenant place sur des portiques de verdure. Le chœur final est chanté par cent-cinquante satyres de Bacchus. On tire le feu d’artifice depuis le Grand Canal, conçu par Lebrun et Vigarani, entre le Parterre d’Eau et le Bassin de Latone. On sert enfin le souper au son des hautbois et des violons dans la Cour de Marbre sur une table octogonale disposée autour de la fontaine, garnie de fleurs de lys dorées, symboles du pouvoir royal. (à suivre)   

    La prochaine partie de cet abrégé s’attardera sur la diversité des jeux et des lieux dans lesquels prennent place ces divertissements rythmant la pratique du pouvoir.

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    Fête donnée par Louis XIV pour célébrer la reconquête de la Franche-Comté, à Versailles, en 1674. Cinquième journée. Feu d’artifice sur le canal de Versailles, par Jean Le Pautre (1618-1682). Tiré de l’ouvrage en 1 volume avec les fêtes « Les plaisirs de l’Isle enchantée », Ex-libris Grosseuvre. © Paris, musée du Louvre/RMN-GP/Thierry Le Mage

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    Le Rouge et le Noir

  • Cinéma • Un homme pressé

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : Un homme pressé, un film d’ Hervé Mimran, avec Fabrice Luchini, Leïla Bekhti et Rebecca Marder, inspiré du livre J'étais un homme pressé : AVC, un grand patron témoigne de Christian Streiff, ex PDG d'Airbus et de PSA Peugeot Citroën.


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    Un homme pressé, nous avons pris du temps pour aller voir cette tragi-comédie, à l’affiche maintenant depuis près de deux mois, qui vaut néanmoins le déplacement pour autant que l’on accepte de rire d’un drame…

    Le drame c’est l’histoire d’un homme, un bourreau de travail – « je ne me reposerai que quand je serai mort » - victime d’un AVC.

    Gaumont-Distribution-2-854x480.jpgLe comique, c’est qu’il n’en continue pas moins à vouloir vivre comme avant, sans entendre, quand il parle, qu’il emploie un mot pour un autre ou qu’il les déforme.

    Ainsi, par exemple, un « médecin » devient un «  pèlerin », son « orthophoniste » est une « psychopathe », et à une jeune fille qui veut parler avec lui, il répond « je vous épouse » au lieu de « Je vous écoute »… 

    I4413565.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgmaginez ce lapsus dans la bouche de Macron, Edouard Philippe et leurs ministres quand ils s’adressent aux Gilets jaunes…  Ce serait un vrai « mariage pour tous » !    

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • D'accord avec Arnaud Guyot-Jeannin : Soljenitsyne n’était pas un conservateur libéral, mais un antimoderne radical !

    Discours du samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne en Vendée 

     

    Par Arnaud Guyot-Jeannin

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgIl nous a semblé indispensable de reprendre cette utile mise au point de notre excellent confrère Arnaud Guyot-Jeannin [Boulevard Voltaire, 20.11] à propos de la pensée vraie d'Alexandre Soljenitsyne, que Chantal Delsol a malheureusement annexée au courant libéral actuel dans un récent article du Figaro. Nous partageons l'analyse de notre confrère qui considère cette interprétation manifestement contraire à la vérité. Aux textes qu'il cite très opportunément, il aurait du reste pu ajouter le discours de Soljenitsyne aux Lucs-sur-Boulogne en commémoration du martyre de la Vendée et condamnation de la Révolution. (cf lien ci-dessous).  LFAR

     

    129769268.9.jpgÀ l’occasion d’un colloque international à l’Institut et à la Sorbonne – se déroulant du lundi 19 au mercredi 21 novembre à Paris – consacré à Alexandre Soljenitsyne, l’une des organisatrices, Chantal Delsol, déclare dans les colonnes du Figaro : « Soljenitsyne n’est pas réactionnaire, c’est un conservateur libéral. » 

    Pardon ? Que lis-je ? Si, si, j’ai bien lu. Mais rien n’est plus faux ! La philosophe ne récupère-t-elle pas l’auteur de L’Archipel du goulag dans sa perspective ordo-libérale ? Une perspective hybride et oxymorique qui ne date pas d’aujourd’hui… Certes, Soljenitsyne n’est pas « à rattacher à la lignée des slavophiles russes, contempteurs de l’Occident décadent ». Certes, il n’était pas un « défenseur de l’autocratie ». Certes, « il admirait les systèmes décentralisés ». Et alors ? En quoi cela en fait-il un « conservateur libéral » ? Il fut certainement un conservateur, au sens de « traditionaliste ». Mais il n’était en aucun cas « libéral ».

    En 1978, Soljenitsyne émet son fameux Discours de Harvard. Ayant pourfendu le totalitarisme communiste, il fustige également le totalitarisme marchand-spectaculaire : « Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d’oppression, l’âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus brûlantes, plus pures que celles offertes aujourd’hui par les habitudes d’une société massifiée, forgées par l’invasion révoltante de publicités commerciales, par l’abrutissement télévisuel, et par une musique intolérable. » Un discours antimoderne radical. Assez peu « libéral » aussi…

    Soljenitsyne rejette la sous-culture occidentale américanomorphe. Il étrille le relativisme indifférencié et l’hédonisme consumériste provenant de l’Ouest. Il a une perception unitaire du libéralisme : libéralisme religieux, philosophique, culturel et économique. Il inscrit ainsi généalogiquement le libéralisme dans la dynamique révolutionnaire des philosophes des Lumières. Le 13 décembre 2000, il prononce un discours à l’ambassade de France à Moscou où communisme et libéralisme sont associés dans une même réprobation : « À cette époque, je m’en souviens, les bolcheviks annonçaient littéralement : “Nous, les communistes, sommes les seuls vrais humanistes !”. Non, ces éminentes intelligences n’étaient pas si aveugles, mais elles se pâmaient en entendant résonner les idées communistes, car elles sentaient, elles avaient conscience de leur parenté génétique avec elles. C’est du siècle des Lumières que partent les racines communes du libéralisme, du socialisme et du communisme. C’est pourquoi, dans tous les pays, les socialistes n’ont montré aucune fermeté face aux communistes : à juste titre, ils voyaient en eux des frères idéologiques ou si ce n’est des cousins germains, du moins au second degré. Pour ces mêmes raisons, les libéraux se sont toujours montrés pusillanimes face au communisme : leurs racines idéologiques séculières étaient communes. »

    Anticommuniste et antilibéral, Alexandre Soljenitsyne préconisait une société enracinée et communautaire où les corps intermédiaires reprendraient leur droit (familles, communes, provinces, corporations professionnelles). Il soutenait une démocratie des petits espaces héritée du principe de subsidiarité. Réactionnaire vomissant la (post)modernité, il était à la fois réactionnaire et visionnaire. Il s’appuyait sur le passé pour entrevoir le présent et l’avenir. Il y est parvenu.  

    Arnaud Guyot-Jeannin 
    Journaliste et essayiste
    Lire sur Lafautearousseau ...
    Grands textes [I] • Discours intégral d'Alexandre Soljenitsyne en Vendée
  • Sylvain Tesson, un écrivain libre qui parle de la Syrie

     

    Par Antoine de Lacoste 

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    Incroyable ! Le Figaro a décidé de diversifier ses sources et ses analyses sur la guerre en Syrie. Confiné depuis 7 ans dans le politiquement correct, à quelques exceptions près, notre quotidien bien-pensant donne la parole à Sylvain Tesson.

    Cet écrivain-voyageur hors norme a roulé sa bosse en Sibérie, sur les traces des évadés du Goulag, le long de la Berezina, à la recherche de la Grande Armée, au bord du Lac Baïkal, dans le silence et la solitude. Et même en France « Sur les chemins noirs » de la ruralité, condamnée par la mondialisation.

    Et notre écrivain-voyageur, une fois de plus, ne nous déçoit pas.

    site_1229_0032-1200-630-20151104161908.jpgIl a arpenté la Syrie où il a vu Damas, Palmyre, Alep, Homs. Il s’est arrêté à Maaloula, le village chrétien martyr. Il a bivouaqué au Crac des Chevaliers, le plus beau château des croisades (photo). C’est l’occasion de rétablir la vérité. Alors que les médias occidentaux nous serinaient que « les rebelles » (appellation commode pour éviter de les appeler islamistes) avaient conquis le Crac, il interroge le conservateur, Hazem Hanna : « Huit-cents terroristes occupaient le Crac. Des Tunisiens, des Tchétchènes, des Algériens, arrivés par le Liban. C’était une plate-forme d’accès vers Homs, comme au temps des croisades ! Ils furent tués au corps à corps. »

    Evidemment, quand on écoute les Syriens eux-mêmes et non l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), c’est autre chose.

    2297913162.jpgA Palmyre, il a contemplé les destructions des terroristes de l’Etat Islamique, rappelant opportunément qu’ils n’ont fait qu’appliquer le « 59è verset de la 18è sourate. » Les Russes reconquirent « la perle du désert », donnèrent un concert symbolique dans le théâtre antique et Sylvain Tesson observe que « les puissances occidentales ne pouvaient se contenter d’applaudir Vladimir Poutine et son orchestre. L’OTAN se trouva contrainte de s’engager davantage dans la lutte contre l’Etat Islamique. »

    Il aurait pu ajouter que c’était aussi l’occasion pour les Américains d’occuper illégalement un tiers de la Syrie, mais ne soyons pas trop gourmands.

    Surtout, Sylvain Tesson nous livre le précieux témoignage de l’archevêque gréco-melkite d’Alep, Monseigneur Jeanbart : « J’ai six chantiers [de reconstruction] en cours. Le monastère de Saint Basile est déjà relevé. Je veux aller vite. Pour l’exemple. Les exilés font une erreur pour eux-mêmes de rester en Europe. L’exil n’est une solution pour personne. »

    Comme l’observe finement Tesson, comment lui expliquer que l’Occident aujourd’hui a institué « une mystique du déplacement » : « Elle est davantage célébrée que l’éthique de la résistance ou l’esthétique ulyssienne du retour…Jacques Julliard disait que l’immigré était devenu le prolétaire de substitution pour une classe politique qui ne s’intéresse plus aux petites gens. »

    Le vent a tourné. N’en déplaise à Laurent Fabius, le Front al-Nosra n’a pas fait « du bon boulot » et sera vaincu. N’en déplaise à Donald Trump, « l’animal » Bachar est toujours en place.

    Et contrairement à la doxa journalistique, c’est la civilisation qui a gagné. ■

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Écoutez bien, lisez bien ! C'est un condensé de l'idéologie dégoûtante qui tue l'Europe ! Et que nous combattons !

    Eglise accueillant des migrants à Madrid © Getty / Mario Gutiérrez 

     

    Mardi 20 novembre 2018, 7h20 - L'ÉDITO CARRÉ

    par Mathieu Vidard

    Manifeste migrations

    2 minutes 

     

    Et si visionner ne vous suffit pas, voici le texte. Tout y est. Rien n'y manque. Sans commentaires... Vous les ferez !

    Complément d'information en cours de journée : Inutile de regarder la vidéo. Sans en changer le titre, France Inter l'a fait disparaître d'Internet, et l'a remplacée par une autre anodine et banale, datant du 18.12.2017 ... Y-a-t-il eu des critiques, des protestations ? Lire le texte, tout simplement. Scripta manent.  LFAR 

    « Ce matin dans l’édito carré la publication d’un manifeste consacré aux migrations.

    400x400_vidard_mathieu.jpgEt c’est le Muséum National d’Histoire naturelle qui est à l’initiative de cet opuscule de 80 pages dont l’ambition est d’apporter un éclairage scientifique sur ce thème universel des migrations qui suscite beaucoup de fantasmes. 

    Le Muséum a donc réuni une douzaine de scientifiques dans des disciplines allant de la génétique à la démographie en passant par l’archéologie, l’anthropologie et la sociologie pour faire le point sur les résultats de la recherche avec des faits et des chiffres vérifiables autour des formes très diverses de migrations. 

    Un travail très utile lorsque les loupes médiatiques et politiques nous parlent à longueur de journée de la « crise migratoire » en cours. 

    Et c’est l’occasion de se rappeler que s’il existe une propriété spécifique à tous les êtres vivants, c’est bien leur propension à se propager dans l’espace et dans le temps. La mobilité est même une condition au maintien de la vie sur terre. Et qu’il s’agisse des plantes, des animaux ou des hommes, la nature et les sociétés se sont construites sur un équilibre entre les déplacements et la stabilité. 

    Et que nous apprend ce manifeste sur les migrations humaines ? 

    Eh bien ! d’abord que le phénomène est une constante dans notre histoire. 

    Les femmes et les hommes bipèdes ont passé l’essentiel de leur temps à se déplacer. Nous sommes d’infatigables voyageurs. Et cela ne date pas d’hier. Il y a 1,8 millions d’années, les premiers représentants du genre homo ont quitté le berceau africain pour migrer vers l’Eurasie.

    Ces déplacements qui n’ont plus cessé depuis, nous ont beaucoup enrichis biologiquement et culturellement. 

    Car une population isolée sans apport migratoire est une société qui s’appauvrit génétiquement au fil des générations. A l’inverse, lorsque les populations se dispersent, se différencient et échangent leur patrimoine génétique avec l’arrivée de nouveaux arrivants ; l’évolution adaptative s’en trouve favorisée. 

    La dispersion des graines chez les plantes ou des individus chez les animaux est un phénomène dynamique indispensable au maintien des populations. Particulièrement en cas de changement environnemental. Et ils ont été nombreux au cours de l’évolution. 

    D’autres faits intéressants dans cet ouvrage ? 

    Oui par exemple pour les phobiques des mouvements migratoires le manifeste précise que 97% des humains, vivent sur terre dans leur pays de naissance et que ce chiffre est étonnamment stable depuis plusieurs décennies. 

    Il nous rappelle aussi que les termes hospitalité et hostilité ont la même origine sémantique précisant que l’hospitalité est une crête sinueuse où entrent parfois en collision la nécessité d’ancrage des sociétés à des territoires pour construire des identités individuelles et collectives mais aussi la nécessité morale de responsabilité envers autrui fondée sur la conviction d’une humanité commune. 

    L’éthique de l’hospitalité figure dans l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme signée en 1948. Son 70e anniversaire sera célébré le 10 décembre prochain. 

    En attendant le Manifeste du Muséum, sur les migrations sort jeudi dans les librairies et je vous le conseille chaudement.  

     
    NDLR - Nous avons corrigé une foultitude de fautes d'orthographe et de langue, en tout cas celles  que nous avons vues. Si, compte-tenu de leur foisonnement, d'autres nous ont échappé, les rédacteurs de Lafautearousseau ayant accès au bureau les corrigeront ou bien nos lecteurs nous les signaleront. A noter que c'est un texte à prétention culturelle et scientifique !
  • Le nationalisme peut conduire à la guerre, mais le pacifisme plus sûrement encore

     

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    Opposer patriotisme et nationalisme, pacifisme et nationalisme, comme le fait plus ou moins inconsidérément le président Macron, ce sont des mots, des phrases, des idées en l'air et, en dernière analyse, de la propagande. Électorale, rien d’autre. 

    Il y a des personnes paisibles et il y a des personnes agressives. Ces dernières ne disqualifient pas l’universalité des personnes ... 

    Il y a ainsi des nationalismes raisonnables et paisibles, comme il y en a d'exaltés et agressifs. Et il y a des pacifismes qui conduisent à la guerre plus sûrement encore que le nationalisme le plus exalté ... 

    top-hs-6-624i-e13947929522761.jpgLorsque Hitler décida de remilitariser la Rhénanie, en mars 1936, contre l'avis de ses généraux, l'Allemagne n'était pas prête à la guerre et il confiera plus tard que si la France était intervenue alors, conformément aux traités et surtout à sa sécurité, l'Allemagne n'eût pas tenu le choc.

    Il avait sciemment parié sur l'inertie de la Rassemblement-populaire-14-juillet-1936.jpgFrance, sur le pacifisme idéologique de ses dirigeants et la suite lui donna raison. Pari gagné ! Il avait pourtant joué gros car un échec en Rhénanie aurait sans-doute stoppé l'élan de son régime et la marche â la guerre. Le pacifisme des Blum et consorts y conduisit tout droit, tout autant sinon davantage que la soif de revanche de l’Allemagne et son expansionnisme. 

    Emmanuel Macron aurait raison de faire comme Zemmour, c'est à dire de lire Bainville. Il y verrait comment l'on évite la guerre ou comment l'on y sombre, comment, si l'on ne peut l'éviter, l'on se prépare à la gagner ou à la perdre.  Macron a dit et répété que l'Histoire est tragique. Il devrait aussi savoir que ses épisodes tragiques ont toujours résulté d'une rupture d'équilibre des forces entre puissances rivales. Aucun pacifisme, aucun angélisme naïf ne l'en ont jamais sauvée. 

    Prêcher aux quatre coins du monde que le nationalisme c’est la guerre n'est rien d'autre qu'une sottise. ■ 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (106 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité