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Idées, débats... - Page 410

  • Patrimoine cinématographique • Capitaine Conan

     

    Par Pierre Builly

    Capitaine Conan de Bertrand Tavernier (1996) 

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgL’âme du guerrier

    Conan 1.jpgEst-il si étrange que ça que Bertrand Tavernier ait consacré deux de ses films, et parmi les plus réussis, La vie et rien d'autre et Capitaine Conan aux années qui ont suivi la Première Guerre ? Lui-même fils d'un grand résistant, sans doute a-t-il tôt perçu ce que le massacre de 14-18, événement traumatique du siècle pour la France, portait en germe d'horreurs suivantes... 

    Est-il si étrange, aussi qu'un film qui présente un personnage si ambigu que Conan, admirablement joué par Philippe Torreton, ait pour cadre d'opération les lointains du conflit, l'Orient balkanique, si oublié et si extérieur, en apparence, aux buts immédiats des luttes, la défense du sol sacré du territoire ? On ne peut pas ne pas s'attacher à Conan, à Conan 2.jpgson courage, à sa vitalité, à sa capacité à entraîner, à protéger ses hommes - jusqu'à l'absurdité -, à sa clairvoyance sur les tueries... et en même temps, et parallèlement, on ne peut pas ne pas s'effarer devant son aveuglement, sa furie meurtrière, sa violence, l'espèce de jouissance sacrée qu'il éprouve lorsqu'il plonge un poignard dans le ventre d'un ennemi... 

    Montherlant, qui a beaucoup réfléchi sur la guerre et le goût monstrueux, irraisonné et irrépressible que les hommes en ont, écrit quelque part La guerre fait jouer un rôle aux gens qui ne sont pas capables de s'en fabriquer un eux-mêmes. Et ce rôle, quoi qu'on dise, est et sera éternellement, de ceux qui leur relèvent la tête. Conan, petit mercier d'un coin perdu de Bretagne, le dit au début du film à son camarade Norbert (Samuel Le Bihan) : il est fait pour ça, conduire une troupe à l'assaut, préparer les pièges, les traquenards, monter les embuscades, mener les coups de main, se faire aimer d'une bande de loups dont il canalise le goût du sang. Il n'y a pas plus poignant que les dernières images où, alcoolique, vieilli, bouffi, il est retrouvé par Norbert à quelques mois de cette mort qu'il sait prochaine et qui sera bienvenue... 

    Conan 4.jpgIl est tout de même dommage que Tavernier ait gardé les gros sabots qu'il affectionne pour un sujet si grave et si complexe : la veulerie des chefs, tous fantoches ridicules et odieux est trop habituelle pour ne pas lasser et le parti-pris de montrer les aspects grotesques de la guerre (l'épidémie de dysenterie, la comptabilité sans fin des formulaires d'intendance) est filmé sans trop de finesse ; je pense aussi qu'on pourrait chipoter sur quelques détails para-historiques (qu'est-ce que c'est que cette abondance de Médailles militaires sur les poitrines des officiers ? Seul Conan devrait pouvoir la porter puisque les bataillons de chasseurs à pied, arme dont il est issu, l'ont reçue en janvier 18 ! Rappelons que la Médaille militaire n'est décernée qu'aux sous-officiers et aux généraux ayant commandé en chef. Et puis de Scève (Bernard Le Coq), officier de carrière, ne devrait pas, vu son âge évident, n'être que lieutenant !). 

    Torreton est parfait et les scènes de combat, qui ont bénéficié d'importants moyens sont saisissantes ; le reste de la distribution est moins homogène, à l'exception du rôle secondaire de l'aumônier, Claude Brosset, que j'ai trouvé excellent... 

    Un disque de suppléments offre notamment une intervention tout à fait claire et remarquablement intéressante de Stéphane Audoin-Rouzeau, directeur de l'Historial de la Grande Guerre de Péronne, qui situe fort bien la chronologie et la particularité du théâtre d'opération.  

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    DVD disponible autour de 10 €

  • Livres & Actualité • Foutriquet II en marche... funèbre

     

    Par Rémi Hugues 

    Nos lecteurs seront heureux de retrouver ici Rémi Hugues qui, dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, nous a proposé, chaque jour du mois de mai dernier, une série d'articles qui ont fait date, formant un substantiel dossier Spécial Mai 68, rédigé pour Lafautearousseau, toujours consultable sur le blog ... Le temps a passé. Il s'agit ici des tribulations d'Emmanuel Macron, à travers une intéressante recension du dernier opus de Jean-Michel Vernochet.  LFAR

     

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    « Notre » président est en chute libre. Lâché par l’opinion publique, dont on mesure l’humeur par des sondages, desquels sortent depuis quelques semaines des résultats catastrophiques pour l’exécutif, Macron voit chaque jour que Dieu fait les défections se succéder. À la rentrée l’écolo businessman Nicolas Hulot a quitté le gouvernement. Puis ce fut le tour, Christian Estrosi, le puissant maire de Nice, d’exprimer sa décision de cesser de soutenir Macron, passant de « constructif » à opposant. Et maintenant, Gérard Collomb, en première ligne durant l’affaire Benalla, de s’évader du navire, faisant fi de l’injonction élyséenne qui l’intimait de rester aux avant-postes de la « Macronie ». 

    La grande affaire de l’été, ce scandale monté en neige par les médias, a gravement endommagé la start-up gouvernementale de Monsieur Macron. Elle résulte certainement de la rivalité mimétique qu’entretiennent ce dernier et Matthieu Pigasse, qui en tant que co-propriétaire du journal – Le Monde – déclencha l’hallali estival, par l’intermédiaire de la plume d’Ariane Chemin. Cette affaire, qui a fait d’un vulgaire chargé de la sécurité de Jupiter Ier une star nationale, aussi célèbre que MʼBappé et consorts... un homme, qui, a-t-on appris récemment, aime sortir son pistolet, non quand il entend le mot « culture », mais lorsqu’il pose pour un selfie ! 

    Alexandre Benalla est un immigré qui s’est choisi un prénom français – le vrai serait Hacène. Avec son prénom yncrétique l’homme semble tout droit sorti du roman d’anticipation Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley.

    Il s’agit, à cet égard, de s’intéresser au milieu d’origine de ce Huxley, frère de l’ardent supporter du darwinisme, pour savoir qui sont les véritables commanditaires du « Grand Remplacement », un concept forgé par Renaud Camus, plutôt que de s’imaginer la tenue d’une réunion de chefs du village africain imitant la scène des protocoles des sages de Sion, où la délibération consisterait à trouver la meilleure solution pour faire disparaître les Européens, fautifs d’avoir colonisé le continent noir. 

    À leur place, disent les tenants de cette théorie du « Grand Remplacement », doit émerger un homme nouveau, fruit d’un métissage, qui serait relié à ses semblables non par un lien social au sens fort où l’entendait Augustin d’Hippone, mais par le fétichisme de la marchandise, c’est-à-dire l’attraction qu’exercent piscines à débordement, smartphones dernier cri et berlines luxuriantes. 

    Il suffit de se promener dans le centre-ville de Marseille (bientôt la Canebière, au nom peu hallal, sera-t-elle rebaptisée Cane-thé-à-la-menthe ?) ou dans les transports en commun franciliens pour s’apercevoir ce qu’il nous est promis, à nous, descendants des Hyperboréens. 

    Le « Grand Remplacement » est précisément le premier sujet traité par l’iconoclaste essayiste traditionaliste Jean-Michel Vernochet dans L’imposture (chez l’éditeur Kontre-Kulture), ouvrage dans lequel il s’efforce de déterminer la nature réelle du projet que Macron dessine pour la France. Selon cet ancien journaliste au Figaro Magazine et à Radio Courtoisie, Macron ambitionne tout bonnement de parachever sa destruction. 

    1901356836.jpgLa feuille de route de l’énarque ex-fondé de pouvoir de la banque Rothschild n’est pas seulement de renforcer la soumission du pays réel (la France) au pays légal (la République) mais l’anéantissement pur et simple de ce vieux pays qui jadis s’enorgueillissait d’être la fille aînée de l’Eglise. d’où son tropisme cosmopolite et même sa « négrophilie » un tantinet lubrique signalée par l’humoriste Patrice Éboué dans une vidéo diffusée sur Twitter. Mais essaye-t-il seulement de la dissimuler au public ? 

    La crise migratoire actuelle parachève cette entreprise de démolition. L’État français voit ainsi, note Vernochet, les instruments de sa souveraineté lui être ôtés, notamment les services publics. Or la puissance publique ne disparaît pas pour autant, elle passe juste sous pavillon européen, onusien ou américain. Ce serait une erreur de penser que la « décomposition de l’État souverain » décrite par l’auteur coïnciderait avec l’accroissement des libertés publiques. Celui-ci avance que Macron est l’intendant d’un ordre qui entend « régenter le moindre détail de nos vies » (p. 58). 

    Les deux hommes, bien que l’un soit progressiste et l’autre réactionnaire, s’accorderaient néanmoins sur une chose : l’importance du pouvoir médiatique. Cette puissance qui contribua de manière décisive à l’élection de Macron, souvenez-vous des affaires Pénélope Fillon et Étienne Chatillon, ce même Macron la dénonça au moment de l’affaire Benalla. Vernochet soutient que le Quatrième pouvoir, la presse, est devenu le Premier. Lors de l’élection présidentielle de 2017 elle a « fait d’un presque inconnu un chef d’Etat en brûlant toutes les étapes d’un ordinaire cursus honorum. » (p. 103) Le vrai titulaire du pouvoir n’est pas Macron, il n’est que le polichinelle de Rothschild & Cie, le fidéicommis, pour reprendre un vocable cher à notre auteur, des bancocrates qui règnent par le truchement des médias qu’ils contrôlent. 

    Et cette réalité existe depuis de nombreuses années : dans L’argent d’Émile Zola l’homme d’affaires Saccard achète un journal catholique en difficulté, « L’espérance », pour faire la promotion de sa Banque Universelle. Le romancier était naturaliste, la collusion entre la finance et les médias qu’il mit en lumière, n’était en rien le fruit de son imagination mais un fait réel qu’il avait découvert dans le cadre de ses recherches préalables à l’écriture de son livre. 

    Si le volume de Jean-Michel Vernochet manque d’un réel fil conducteur explicitement posé dans un exorde introductif – on pense d’après le titre que le livre est un portrait de Macron, puis le début se focalise sur le « Grand Remplacement » sans aucune mise en perspective entre les deux éléments –, ce qui lui donne un côté brouillon ; il est utile dans le sens où il présente des faits et des réflexions originales. 

    Il nous renseigne, en particulier, sur ces lois qui sont votées en toute discrétion, parce qu’elles revêtent une dimension totalitaire, ou carrément anti-nationale. Qui a entendu parler du décret n° 2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire, mentionnée page 52 ? Ou de la loi du 7 mars 2016 instituant un contrat d’intégration républicaine (C.I.R.), en lieu et place du contrat d’accueil et d’intégration (C.A.I.), évoqué page 94 ? 

    Il nous invite en outre à s’essayer toujours à penser au-delà de la doxa ; par exemple, l’obligation des 11 vaccins pour les écoliers n’est peut-être pas tant un complot contre l’intégrité physique de nos enfants fomenté par l’industrie pharmaceutique avec la complicité de la ministre stipendiée ès Santé Agnès Buzyn, qu’un moyen de prévenir les risques d’épidémies venues de l’étranger. Le choléra qui sévit actuellement en Algérie est là pour le souligner. Certaines écoles ont dû traiter cette très inquiétante problématique à la rentrée 2018.      

    Et Vernochet nous fait découvrir, enfin, en vertu de sa grande érudition, des pépites qu’il déterre du vaste terrain en friche de la connaissance universelle. L’idole de la sociologie française, Émile Durkheim, un misogyne ? Oui, il écrivit la chose suivante : « L’inégalité [entre les deux sexes] va également en s’accroissant avec la civilisation, en sorte qu’au point de vue de la masse du cerveau et, par suite, de l’intelligence, la femme tend à se différencier de plus en plus de l’homme. La différence qui existe par exemple entre la moyenne des crânes des Parisiens contemporains et celle des Parisiennes est presque double de celle observée entre les crânes masculins et féminins de l’ancienne Égypte. » (cité p. 14) N’y aurait-il pas lieu dès lors d’ôter le nom de ce descendant « d’une lignée de rabbins » des manuels de Sciences économiques et sociales (S.E.S.) ? Voilà un nouveau combat à mener, chères féministes ! 

    L’imposture prédit l’impopularité actuelle du chef de l’État, qui, paraît-il, est de plus en plus isolé. Si les Français n’ont pas attendu sa sortie pour réaliser que le président qu’ils ont choisi est un imposteur dont le profil est à mi-chemin entre Benjamin Braddock (Le Lauréat) et Jordan Belfort (Le loup de Wall Street), ceux qui voudront comprendre les ressorts de cette disgrâce spectaculaire auront à lire ce précieux nouvel opus de Jean-Michel Vernochet.  

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    L'imposture,
    de Jean-Michel Vernochet,
    107 p., éd. Kontre-Kulture, 2018, 13 €  

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    Affiche d’information de l’école primaire « National » (Marseille)

  • Cinéma • Mademoiselle de Joncquières

     

    Par Guilhem de Tarlé

    A l’affiche, Mademoiselle de Joncquières, un film d’Emmanuel Mouret, avec Cécile de France (Mme de La Pommeraye), Edouard Baer (le marquis des Arcis), Alice Isaaz (Mademoiselle de Joncquières), adapté de Jacques le Fataliste, de Diderot.


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    Vengeance, VENGEANCE, VENGEANCE… j’ai déjà eu l’occasion de rappeler cette fureur du Capitaine Haddock dans Le crabe aux pinces d’or.

    La vengeance dit-on est un plat qui se mange froid, et Mme de la Pommeraye s’en délecte avec l’élégance du 18ème siècle dans le conte du « mariage saugrenu » que l’hôtesse nous rapporte au hasard d’un gite où Jacques et son maître avaient la nuit à passer.

    68ba53e_4QcayNVxbGf9VHSGQcFbCfYl.jpgA vrai dire, je partage le sentiment du valet sur cette « diable de femme ! Lucifer n’est pas pire » qui, sous le couvert très actuel du « Balance ton porc », assouvit en réalité un orgueil bafoué (« Cette merveilleuse Madame de La Pommeraye s’est donc faite comme une d’entre nous… ») et sa jalousie de n’être pas autant aimée que Mademoiselle de Joncquières, pour laquelle elle éprouve le plus grand mépris : « Qui êtes-vous ?  Que vous dois-je ? A quoi tient-il que je ne vous renvoie à votre tripot ?  Si ce que l’on vous offre est trop pour vous, c’est trop peu pour moi ».

    582375.jpgC’est ce « mariage singulier » qu’Emmanuel Mouret nous restitue en images magnifiques et avec  les dialogues mêmes de Diderot… à voir absolument, et à faire voir aux collégiens et lycéens qui ont « le siècle des Lumières » au programme…

    Une seule question : d’où vient ce nom de Joncquières que je n’ai pas retrouvé dans le roman où l’on lit pourtant bien ceux de La Pommeraye et du marquis des Arcis, tandis que la mère et la fille s’appelaient Duquênoi, qui tenaient leur commerce sous le nom de Mme et Mlle d’Aisnon ?    

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Prochain « Secrets d’Histoire » sur « Louis-Philippe et Marie-Amélie, notre dernier couple royal »

     

    C'est le blog La Couronne qui nous l'apprend en ces termes :

    Monsieur Stéphane Bern vient d’annoncer que le prochain numéro de son émission « Secrets d’Histoire », diffusé sur France 2, le mardi 30 octobre à 21h, sera consacré à « Louis-Philippe et Marie-Amélie, notre dernier couple royal ». 

    photo-blog3.pngEn janvier dernier, Son Altesse royal le Duc de Vendôme avait  reçu au Domaine Royal de la chapelle de Dreux, Stéphane Bern et son équipe pour le tournage de plusieurs séquences de cette émission avec notamment une interview du Prince Jean qui connaît parfaitement l’histoire du Domaine Royal puisqu’il y réside à l’année avec sa famille.

    Après le tournage avec le Dauphin de France à Dreux, Stéphane Bern avait poursuivi son périple au château d’Eu afin de narrer aux téléspectateurs la vie et les tribulations du Roi Louis-Philippe et de la Reine Marie-Amélie. Le dernier couple royal français appréciait vraiment cette demeure de campagne normande où régnait une vie familiale harmonieuse au milieu des collections de tableaux de la Grande Mademoiselle. 

    Une belle émission historique avec en bonus la présence du Dauphin de France… Bref une belle émission à ne rater sous aucun prétexte.    

  • Aznavour, l'art d'être Français

    « Je suis devenu Français d'abord, dans ma tête, dans mon cœur, dans ma manière d'être, dans ma langue… J'ai abandonné une grande partie de mon arménité pour être Français… Il faut le faire. Ou alors il faut partir. »

    Charles Aznavour

     

     

  • Où Léon Bloy (avril 1914) donne une assez exacte description de notre chienlit

    Léon Bloy (1846-1917)

    Publié le 27 mars 2017 - Actualisé le 2 octobre 2018 

    « Atrophie universelle des intelligences, avachissement inouï des caractères, exécration endémique de la Beauté et de la Grandeur, obsèques nationales de toute autorité humaine ou divine, boulimie furieuse de jouissances, destruction de la famille et vivisection de la patrie, moeurs de cochons enragés, empoisonnement systématique de l'enfance, élection de chenapans ou de goîtreux dans les cavernes de la politique ou sur le trottoir des candidatures, etc., tels sont les fruits de l'arbre de la Liberté ».

            

    Léon Bloy, avril 1914

  • Claude Lévi-Strauss à propos des « idées de la Révolution »

     

    Publié le 3 juillet 2017 - Actualisé le 1er octobre 2018

    « La révolution a mis en circulation des idées et des valeurs. On peut toutefois se demander si les catastrophes qui se sont abattues sur l'Occident n’ont pas trouvé aussi là leur origine. On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite, alors qu'elle est faite d'habitudes, d'usages, et qu'en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on réduit les individus à l'état d'atomes interchangeables et anonymes. »  ■ 

     

    Claude Lévi-Strauss 

    De près et de loin, entretiens avec Claude Lévi-Strauss par Didier Eribon, Odile Jacob, 1988 ; rééd. 2008.

  • Histoire • Saint-Roch : Les canons contre la démocratie

     

    Par Patrick Barrau

     

    LA VEDETTE SOURIANTE.JPGÀ la fin du Directoire, Sieyès, « homme sentencieux » selon Jacques Bainville, murmurait : « Il me faut une épée ! »

    Il constatait par là le rôle essentiel que l’armée, qui constituait avec les révolutionnaires un véritable « parti de la guerre », jouait désormais dans la vie politique de « l’après Convention », d’abord comme bras armé de l’exécutif, puis comme acteur politique direct. Cela allait conduire, après le coup de force du 18 fructidor (4 septembre 1797) au coup d’Etat du 18 brumaire. La première étape Royaliste numero 1150.jpgde cette intervention se trouve dans la sanglante répression de la manifestation des sections royalistes parisiennes du 5 octobre 1795, qui n’est pas, comme on la présente généralement, un coup d’arrêt à une tentative de prise de pouvoir, mais bien la suppression à coup de canon d’une revendication démocratique et une véritable « école du coup d’Etat ».

    Dans la « mélancolie des derniers jours de la Convention » qu’évoque Mathiez et dans le souci affirmé de « terminer la Révolution », la Constitution de l’an III fit l’objet de discussions vives entre le 23 juin et le 22 août 1795. Élaborée par une commission de onze membres, majoritairement modérés, elle confiait le pouvoir à un directoire de cinq membres et l’élaboration des lois à deux assemblées, le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens.

    La rédaction du texte se fit dans un contexte économique difficile, marqué par la perte de valeur de l’assignat et la hausse du coût de la vie qui frappèrent les masses populaires et les petits propriétaires.

    Lors des débats s’opposèrent le « parti de la guerre » représenté par les militaires affirmant la consubstantialité de l’armée avec la Révolution et le parti de la paix, royalistes et modérés, brocardés par les militaires comme étant « la Faction des anciennes limites », s’exprimant par la voix des sections parisiennes devenues royalistes. Beaucoup de Français aspiraient à l’ordre et à la paix et les concevaient sous la forme d’un retour à la royauté.

    Craignant que les élections aux nouvelles assemblées n’amènent une majorité d’élus royalistes ou modérés, le député Baudin préconisa dans un premier projet de décret** que les deux tiers des membres des deux Conseils, soit 500 sur 750, soient réservés aux membres de l’ancienne Convention. Puis, face aux protestations des sections, il prescrivit dans un autre projet que les assemblées électorales commenceraient leurs opérations par l’élection des deux tiers au début du processus électoral qui devait se dérouler du 20 au 29 Vendémiaire (12 au 21 octobre 1795). Il justifiait cette mesure comme le moyen de garantir un ordre stable et de poser « une barrière contre l’esprit d’innovation ».

    On peut pourtant s’étonner de voir des hommes habitués à gouverner de manière révolutionnaire vouloir gouverner constitutionnellement et constater qu’un régime qui se méfiait du peuple qu’il venait de proclamer « souverain » allait lui imposer ses propres choix.

    On peut aussi, avec Mona Ozouf, être surpris de voir « des constituants être constitués et des mandataires être mandatés ». Il y a une différence profonde entre permettre la rééligibilité et l’imposer sans donner au peuple la possibilité de se prononcer. C’est au nom du « salut public » qu’est justifiée cette atteinte au libre choix des citoyens. Mais peut-être s’agissait-il surtout pour eux, selon la formule de Taine, de « rester en place pour rester en vie ».

    Le premier décret fut adopté avec la Constitution du 5 Fructidor (22 août). Le second fut adopté le 13 Fructidor (30 août). Ces textes témoignent de la désinvolture avec laquelle on traitait le droit d’élire et la souveraineté nationale, portant ainsi la responsabilité du développement d’un courant antiparlementaire. Le 28 Fructidor (6 septembre) les assemblées primaires se déterminèrent au suffrage universel, sans condition de cens, sur la Constitution et les deux décrets. La ratification des deux textes fut plus difficile que celle de la Constitution. Avec un taux d’abstention de 95%, les textes furent rejetés par 19 départements et par 47 sections parisiennes sur 48. Les royalistes, qui espéraient rétablir la monarchie par des voies légales, s’insurgèrent contre ce déni de démocratie et appelèrent à l’insurrection pour forcer la Convention à révoquer ces décrets avant les élections.

    Le soir du 11 vendémiaire (3 octobre) sept sections se déclarèrent en insurrection. Le 13, la Convention, inquiète du mouvement populaire, chargea Barras du commandement des troupes de Paris. Celui-ci proposa à Bonaparte, qu’il avait connu lors du siège de Toulon, d’être son adjoint. Après réflexion Bonaparte accepta en déclarant à Barras : « Si je tire l’épée, elle ne rentrera dans le fourreau que quand l’ordre sera rétabli ». Celui-ci ordonna à Murat de récupérer 40 canons au camp des Sablons qui furent placés au petit jour aux extrémités des rues menant aux Tuileries où siégeait la Convention, en particulier à l’angle de la rue Saint Roch et de la rue Saint Honoré ainsi qu’au couvent des Feuillants pour couvrir la rue Saint Honoré. Les sectionnaires, auxquels s’étaient joints des gardes nationaux, soit 25 000 hommes s’organisèrent en deux colonnes, l’une partant de l’église Saint Roch, l’autre partant du Pont Neuf. À 15 heures les sectionnaires encerclèrent la Convention. À 16 heures 30 Bonaparte commanda aux canonniers de tirer des plombs de mitraille. La canonnade dura trois quarts d’heure et l’on releva près de 300 morts sur les marches de l’église Saint Roch. Ce massacre, qui valut à Bonaparte le surnom de « Général Vendémiaire », constitue la première illustration de la survie problématique d’un régime suspendu à l’intervention militaire.

    L’armée intervint une nouvelle fois le 18 Fructidor an V (4 septembre 1797) lors des élections suivantes qui amenèrent à nouveau une majorité d’élus royalistes à l’initiative de trois directeurs dont Barras. Les militaires dirigés par Augereau, fidèle lieutenant de Bonaparte, occupèrent Paris. Il y eut de nombreuses arrestations, y compris celle des deux directeurs hostiles à l’intervention militaire et les élections furent annulées dans quarante-neuf départements. À nouveau la République était sauvée au détriment de la légalité. Le rôle de l’armée allait s’affirmer après ces deux interventions jusqu’au 18 Brumaire et à la prise du pouvoir par Bonaparte – qui allait poursuivre la guerre révolutionnaire pour les « frontières naturelles ».

    Le 1er juillet 1791, s’adressant aux « Républicains » devant le club des Jacobins, Choderlos de Laclos eut cette phrase prémonitoire : « Je leur demanderai si nous n’aurons pas des empereurs nommés par des soldats. »

    Les 300 martyrs royalistes de Saint Roch témoignent donc du combat pour la défense de la démocratie et de la souveraineté nationale face à un pouvoir méprisant la légalité et les droits d’un peuple en s’appuyant sur la force. 

    * Historien du Droit, ancien directeur de l’institut régional du travail.

    ** Selon Mona Ozouf, l’appellation « décret » serait inadéquate : « Les deux lois […] improprement baptisées décrets des deux-tiers […].» Mona Ozouf, 1996, « Les décrets des deux-tiers ou les leçons de l’histoire » in 1795 pour une République sans Révolution, Rennes, PUR.

    Cet article est paru dans Royaliste, bimensuel de la Nouvelle Action Royaliste, numéro 1150 (10 septembre - 23 septembre 2018). La Nouvelle Action Royaliste rappelle en préambule que les royalistes d'alors préparaient le retour légal à la monarchie royale et que c’est la décision de réserver les deux-tiers des sièges aux anciens conventionnels dans les Conseils des Anciens et des Cinq-Cents pour éviter l’élection d’une majorité de royalistes qui poussa les sections parisiennes à l’insurrection. Il est indiqué que c'est ce mouvement populaire et démocratique que la Nouvelle Action royaliste va commémorer, le 6 octobre, devant l’église Saint-Roch.

  • Patrimoine cinématographique • La bataille d'Alger

     

    Par Pierre Builly

    La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo  (1971) 

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgChirurgical

    Je me demande bien pourquoi une bande d'excités (dont j'étais, il est vrai...) a prétendu faire interdire, en 1970, la diffusion en France de La bataille d'Alger, parce qu'elle estimait que c'était une œuvre partiale, agressivement antifrançaise et démesurément favorable aux tueurs fellaghas. Pour toute ma génération, l'Algérie est une blessure qui se cicatrise bien mal. 

    Qui pouvait penser, en 56, 57, 58 que l'Algérie n'était pas un des plus beaux fleurons de la capacité française à assimiler des peuples très divers, comme elle l'avait fait des Bretons, des Alsaciens, des Basques, des Corses ? Quelques altermondialistes exaltés, des agents de Moscou et le visionnaire Général de Gaulle. Pour l'opinion publique, les trois départements, français depuis 1830, c'est-à-dire trente ans avant Nice et la Savoie, étaient irréversiblement attachés à la métropole.

    41tkYb8JpML.jpgCinquante-cinq ans après l'indépendance, acquise en 1962, je ne me suis toujours pas remis de la tragédie, mais je ne puis que constater et me rendre compte que la coupure était irrémédiable et impossible à empêcher. C'est bien de cela que rend compte le film de Pontecorvo. Nullement œuvre de propagande, mais constat froid et désolant de l'inéluctabilité des choses. 

    Pour sensibiliser le monde au sort de mon pays, il faut qu'il y ait du sang, partout du sang et beaucoup de sang. Et je place une bombe dans un bistrot, et je sais que des tas de gens qui ne sont pour rien, ou pas grand chose dans ma querelle, qui n'y sont peut-être même pas hostiles vont exploser. Comment faire autrement ? 

    Et je sais que celui-là que je détiens, que j'ai entre les mains, a placé une bombe quelque part. Et peut me dire où est la bombe. Et je veux le faire parler pour sauver des vies qu'il veut perdre. Qu'est-ce qu'on fait, lorsqu'on sait que quelqu'un sait ? Et jusqu'où va-t-on pour savoir ? 

    3.jpgLe film de Pontecorvo est admirable en ceci qu'il pose ces vraies questions, sans angélisme et sans niaiserie. Le parti pris est clair, mais le constat est froid. 

    Ensuite, l'Histoire décide. Sur le point de l'Algérie, elle a tranché : tant pis pour ceux qui sont morts du mauvais côté, Pieds-Noirs, Harkis, soldats de carrière ou du contingent. C'est bien dommage, mais c'est ainsi. Je suis sûr que le colonel Mathieu du film (en fait le colonel Gardes), admirablement interprété par Jean Martin, réagirait ainsi aujourd'hui, avec cinquante ans de recul... 

    L’Algérie, fallait peut-être pas y aller. Mais quand on voit ce que c'est maintenant, on peut se demander si en partir a arrangé les choses...

    Une coïncidence me fascine : vient de paraître, chez Flammarion, une Lettre à Zohra D. de Danielle Michel-Chich ; Zohra Drif est une de ces trois jeunes filles qui, vêtues à l'européenne, déposent leurs bombes, le 30 septembre 1956, dans deux cafés de la ville européenne et à l'agence d'Air-France, comme le film le relate fort bien. Danielle Michel-Chich est une des victimes ; elle avait cinq ans et elle mangeait une glace avec sa grand-mère ; elle a perdu une jambe dans l'attentat, et sa grand-mère est morte. 

    Tout n'est pas simple.  

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    DVD disponible autour de 9 €

  • Théâtre & Cinéma • L'hommage de Philippe de Villiers à Jean Piat

     

    Par Philippe De Villiers

    Hommage au grand comédien décédé mardi soir à l'âge de 93 ans. Jean Piat avait prêté sa voix à la cinéscénie du Puy du Fou, et continue d'enchanter, depuis quarante ans, les visiteurs du parc vendéen. 

     

    XVMad399f8c-bc32-11e8-be44-0755e0b79ca2-200x300.jpgLe rideau est tombé. La scène est vide. Jean Piat est parti. Comme pour Gérard Philippe ou quelques autres célébrités artistiques qui étaient entrées dans les paysages de nos mémoires intimes, nous ressentons un grand trouble au plus profond de nos cœurs ; quelque chose de la Création s'en est allé.

    Jean Piat était beaucoup plus qu'un homme de scène, une figure émouvante, une présence vivante des moments forts de nos vies. Il avait, pour son art, des exigences qu'on dirait aujourd'hui volontiers désuètes. Ses colères allaient à son métier, dont il portait haut les prestiges à la manière de l'artisan chaisier de Charles Péguy. Il aimait la belle ouvrage. Il avait peu de goût pour le théâtre gesticulatoire où les metteurs en scène, cédant à l'hubris de l'époque, réécrivent les œuvres pour y loger de viles prétentions moitrinaires. Il était de l'ancienne école, celle de Jouvet ; «Le Théâtre, c'est le Verbe» : les mots, la musique des mots, la puissance des mots. Les périodes qui glissent en confidence. Les silences. Les éloquences de l'âme. Et puis ce timbre de velours et, un peu plus tard, qui vient s'y fondre, le bronze qui sonne dans les graves. La langue française en majesté.

    Nous venons de perdre un grand acteur. Il honorait de sa maestria, de ses fidélités, la «Maison de Molière». Il s'y sentait chez lui. C'était sa maison. Il y fréquentait le souvenir des légendes qui l'avaient précédé. Il était dans la lignée des grands. Le Répertoire venait à lui comme une deuxième nature. Il bouillait à la ville, consumant ses impatiences. La scène était son brasier quotidien, il respirait dans la coulisse le feu de la rampe, il avait besoin d'être ébloui pour éblouir. Il brûlait les planches. Il allait vers tous les auteurs. Il jouait tout, avec la même considération, et portait d'une même élégance, dans son petit théâtre imaginaire, les archétypes de sa parenté métaphorique qui était profondément française: le panache de Cyrano, les grandeurs de cœur de Musset, les impatiences du Fâcheux de Molière. Il était classique, il était moderne, il savait prendre le costume, humer l'esprit du temps et se lover, avec toutes les humilités nécessaires, dans les allégories de ses personnages qu'il grandissait encore par le jeu de son regard bleu d'orage et le port de sa noblesse. Il savait alterner la déclamation et les murmures les plus touchants.

    Sa vie ne fut qu'une suite de défis. Il s'attaquait à toutes les pointes du Hoc de son métier. Et il arrivait tout en haut en déposant un mot d'humour. Je l'ai même vu chanter dans «L'Homme de la Mancha», au théâtre Marigny. Il était splendide, faisant presque oublier Jacques Brel. Tout sonnait juste chez lui. Il trouvait toujours le bon ton. Quand il s'est essayé à l'écriture, il a laissé derrière lui des bonheurs de plume. C'était un conférencier et un écrivain de vraie culture, qui avait toujours la rime au bord des lèvres et savait faire chanter la langue de Ronsard. Naturellement, on retiendra surtout la haute figure du théâtre qui laisse aujourd'hui un grand vide. Que dire de cette voix qui, depuis Les Rois maudits jusqu'au Seigneur des Anneaux, est entrée dans toutes les chaumières? Toute la France reconnaît cet organe aux accents envoûtants. Pour beaucoup de Français, il était un grand voisin de génération ou de confuse tendresse. Il mêlait ses souvenirs aux nôtres. Il était de nos souvenirs. Il faisait partie de notre patrimoine d'affections et d'émotions.

    Pour quelques-uns d'entre nous, Jean Piat ne fut pas qu'un acteur ou un metteur en scène. C'était aussi un ami, exigeant et délicat. J'ai eu la chance de pouvoir l'approcher, un scenario sous le bras, dans sa loge, au Français. J'étais étudiant, je tremblais de tous mes membres. C'était au mois de novembre 1977. Il m'a ouvert sa porte puis il m'a écouté et regardé dans les yeux, par-dessus ses petites lunettes Grand-Siècle. J'ai commencé à lui parler de ma création artistique du Puy du Fou. Très vite, il m'a interrompu: «Vous avez la flamme, vous êtes un drôle d'énarque! laissez-moi vos textes! c'est oui! je viendrai au Puy du Fou». Ainsi Jean Piat devint l'un des premiers défricheurs de cette aventure.

    S'il peut arriver, dans des moments rares, qu'une seule voix, sur une humble colline de hêtres, parvienne à résumer une œuvre, lui donner son souffle, son élan, habiller son Verbe de lyrisme, alors la voix de Jean Piat illustre, incarne à elle seule, l'aventure artistique du Puy du Fou.

    Depuis quarante ans, sur les affleurements de granit, cette voix ne se couche jamais. De jour comme de nuit, elle est partout présente dans les allées du Légendaire français.

    Cette parole qui vient du fond des âges et n'a jamais vieilli, renouvelle sans cesse, dans le cœur de nos hôtes et mémoires en manque, les frissons de nos romances, en leur donnant forme humaine.

    Hélas, Jean Piat vient de s'éteindre. C'est un monument du théâtre et du cinéma qui disparaît. Un pan de la Comédie française qui s'abîme dans les silences éternels.

    Pour le Puy du Fou, c'est un choc. Il était de la famille, depuis le premier jour, il fut le premier Puyfolais «hors-les-murs». Le premier qui accepta d'offrir son talent à l'œuvre en gestation, en allant enregistrer, dans un studio de fortune, les intonations inaugurales et les premiers serments de la prosopopée puyfolaise.

    Il restera dans la mémoire puyfolaise comme l'un des pionniers de cette grande aventure humaine et culturelle dans l'intimité de laquelle il se reconnaissait, et à laquelle il ne cessa de manifester son attachement et sa tendresse. Son souvenir est impérissable.

    Jean Piat est parti rejoindre, dans le mystère de la voie lactée, les petites lucioles de tous ses admirateurs disparus. Mais il nous a laissé sa voix en dédicace.

    Elle est immortelle, intemporelle, c'est une voix de l'âme française qui ne mourra jamais.  

     

    Philippe De Villiers

    Philippe de Villiers, ancien ministre, est écrivain et créateur du célèbre parc du Puy du Fou, à la renommée internationale.  

     
  • Livres • Destin français, d’Éric Zemmour

     

    Par Gabrielle Cluzel  

    C'est une intéressante recension du dernier livre d'Eric Zemmour que Gabrielle Cluzel nous donne ici. [Boulevard Voltaire, 18.09].  

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel participe - d'ailleurs toujours brillamment - à certains de nos colloques et conférences, dont quelques unes sont les siennes propres.   LFAR

     

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    L’œuvre d’Éric Zemmour est un peu comme Star Wars : elle a commencé par la fin, et ce n’est qu’ensuite que l’on comprend, en revenant aux sources. Après Le Suicide français, voici Destin français, magnifique fresque historique qui tient de Bainville, de Castelot, de G. Lenotre, de Bordonove et n’est à la fois rien de tout cela. C’est l’Histoire de France incarnée, spirituelle, prophétie biblique : « Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées… » Le péché originel des parents sera expié par les fils. « L’Histoire ne repasse pas les plats », disait Céline, mais elle accommode les restes, pour les servir des siècles plus tard : « La France semble condamnée à revivre sans cesse la même histoire, à revivre sans cesse les mêmes passions délétères. »

    Zemmour compare la France à une mourante qui verrait défiler devant ses yeux toute sa vie : « Elle semble repasser par toutes les étapes de son existence millénaire. »

    Chaque chapitre est peu ou prou consacré à une figure emblématique – Clovis, Saint Louis, François Ier, Richelieu, La Pompadour, Robespierre, Napoléon, Clemenceau, Pétain, de Gaulle… – dont le destin s’est un moment confondu avec celui de la France, et dont le courage ou la pusillanimité, la clairvoyance ou l’aveuglement, la détermination ou la légèreté ont infléchi le cours de la vie de nos aïeux, et le cours de la nôtre qui lui est indissolublement lié.

    Il est des livres succincts dont on dit, riant, que s’ils tombent, ils ne risquent pas de vous casser le pied… Méfiez-vous de ne pas laisser choir celui-ci. Et pourtant, aucune longueur. Le livre est lourd mais la plume légère.

    Éric Zemmour l’a dédié à ses parents, et c’est à eux qu’il consacre les première pages, surprenant ses lecteurs qui le savent peu prompt à s’épancher – la proximité de Christine Angot, sur les plateaux, l’a sans doute vacciné. C’est qu’ils sont l’alpha et l’omega de ce bouquin-là : il leur doit son inextinguible fibre française. Pieds-noirs, descendants de Berbères soucieux de faire à Rome comme les Romains (donc, de donner des prénoms « du calendrier » à leurs enfants – confer une controverse récente), ils s’agacent de s’entendre qualifier de « juifs de France » quand ils se considèrent « Français juifs ».

    Éric Zemmour opte résolument pour le roman national, mais un roman qui ne s’inscrirait pas comme le Lavisse dans le courant romantique mais serait résolument réaliste : le féminisme beauvoirien tel que présenté par Éric Zemmour a quelque chose de bovarien, Simone aurait dû s’appeler Emma, James Rothschild a les traits de Nucingen et l’Italienne Catherine de Médicis les états d’âme d’une héroïne de Stendhal. Il les décrit comme ils sont, sans les noircir ni les idéaliser. Le manichéisme ne passera pas par lui et les titres des chapitres respectivement consacrés à Pétain et de Gaulle – « L’homme qu’il faut détester », « l’homme qu’il faut aimer » – parlent d’eux-mêmes. Il sort même du placard de grands oubliés, depuis longtemps remisés parce que trop étrangers à l’esprit du temps pour pouvoir être compris : qui connaît encore Bossuet, dont Zemmour écrit pourtant qu’il « réussit dans une langue d’une pureté inégalée la synthèse française du quadrilatère européen des racines juives, chrétiennes, grecques et romaines ». Qui sait encore que le comte de Chambord, par ce drapeau blanc dont il a fait « le test de sa liberté », a signé un « échec emblématique, matriciel même pour la droite française », « [annonçant] les défaites à venir pour pour ce courant conservateur ».

    On dit d’Éric Zemmour qu’il est misogyne ; il est surtout misanthrope. Atrabilaire amoureux d’une France volage, futile, mondaine, inconséquente et belle comme pas deux, dont il voit avec une acuité féroce tous les travers qui la font courir à sa perte mais dont il ne peut se déprendre. Et nous avec lui.   

    Ecrivain, journaliste
    Son blog
  • Cinéma • Un nouveau jour sur terre

     

    Par Guilhem de Tarlé

    A l’affiche, Un nouveau jour sur terre, un film de Peter Webber et Richard Dale.


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    « Dieu appela la lumière jour et les ténèbres nuit, il y eut un soir, il y eut un matin, et ce fut le premier jour ».

    Le cinquième jour, « Dieu dit : Que les eaux grouillent d'un grouillement d'êtres vivants et que des oiseaux volent au-dessus de la terre (...) et il en fut ainsi ».

    Le sixième jour, « Dieu dit : Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce  : bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce et il en fut ainsi (...) et Dieu vit que cela était bon ».

    Après l'excellent Les saisons de Jacques Perrin, en 2016, Un nouveau jour sur terre, un nouvel hymne à la nature, un grand film écolo,  au sens vrai du terme,  car l'écologie c'est d'abord le respect de la création ; un cours de Sciences Naturelles, pardon de SVT, Sciences de la Vie et de la Terre, (c'est  comme ça que ça s'appelle maintenant) à faire voir aux enfants en âge de rester une heure et demi au cinéma.

    Vous vous demanderez, par exemple, si l'on doit parler des cous ou des coups des girafes. En tout cas la séquence vaut le cou(p)... d'œil.

    Bref, un documentaire  animalier magnifique, bien préférable à n'importe quel « docu humanilier » qui serait  forcément plein de repentance et de culpabilisation tellement il faut « sauver la planète ».

    st_francois.jpgDommage, d'ailleurs, qu'au lieu de la conclusion  qui sent son « politiquement correct », les réalisateurs, et Lambert Wilson qui leur « prête » sa voix, n'aient pas entonné le Cantique des Créatures de Saint François d'Assise :

    « Loué sois-tu, mon Seigneur,  avec toutes tes créatures,
    Spécialement messire frère Soleil par qui tu nous donnes le jour, la lumière ».    

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Dédié à toutes les Mlles. (& MM.) de Bauret qui s'ignorent

    Henry de Montherlant 

    «La véritable tare de Mlle de Bauret, qui était en partie la tare de son âge, et en partie celle de son époque, était que pour elle nouveauté était synonyme de valeur. C'est là signe certain de barbarie : dans toute société, ce sont toujours les éléments d'intelligence inférieure qui sont affamés d'être à la page.»

    Henry de Montherlant 

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    Les Célibataires
    Grasset 1934
  • Au patrimoine cinématographique • Les Rois maudits

     

    Par Pierre Builly

    Les rois maudits de Claude Barma (1972) 

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgSomptueux 

    Plus de 1500 pages dans l'édition Omnibus ; plus de dix heures de télévision découpées en six épisodes diffusés entre décembre 1972 et janvier 1973. Du lourd, du solide, de l'abondant. Je ne connais pourtant personne qui ayant commencé à tourner les pages du Roi de fer, premier volume de la série, se soit arrêté en route ; et je ne crois pas que cinema-druon-game-thrones-2563773-jpg_2203438_660x281.jpgbeaucoup de téléspectateurs qui, aux temps anciens où la petite lucarne avait des ambitions, aient décroché de l'histoire fastueuse adaptée du roman de Maurice Druon (photo) par Marcel Jullian, mise en images par Claude Barma. 

    C'est touffu, pourtant, et c'est dense, et c'est ancien. Même en 1972, où l'on était considérablement moins ignare qu'aujourd'hui, ces histoires qui se passent au début du tragique 14ème siècle paraissaient bien anciennes. La succession de Philippe IV le Bel, les intrigues de cour, les querelles de succession, les destinées des États, tout cela pouvait paraître bien singulier et lointain. À l’inverse, il est vrai que la malédiction des Templiers, les orgies de la Tour de Nesle, l'homosexualité du roi Édouard II d'Angleterre donnaient une touche assez excitante à cette période de l'Histoire de France. 

    les-rois-maudits.jpgN'empêche que ça a dû être drôlement difficile de condenser une myriade d'aventures, dont quelques unes sont inventées ou reprennent des légendes mystificatrices et un exposé très honnête et très intelligent des grands enjeux et des grandes orientations qui ont conduit à la Guerre de Cent ans mais surtout, et au delà, à présenter la constitution de l'État moderne. 

    Le parti a été pris, à juste titre, de ne pas dépenser de sous dans des séquences de foule ou de bataille et de concentrer les moyens, importants mais nullement démesurés, sur la richesse de l'interprétation. Dès lors, les scènes sont stylisées, épurées, dénudées, les décors ne sont qu'un simple fond et les personnages s'adressent aux spectateurs ou alors une voix off (celle de Jean Desailly) intervient dès qu'il s'agit d'expliquer un point un peu complexe ou de resituer l'action dans le contexte. 

    Cette apparente théâtralisation donne, en fait, beaucoup de rythme à la série : elle permet les ellipses narratives, va au plus juste et au plus concis de l'intrigue, montre les caractères dans leur nudité. Et, pour autant, elle ne cache rien des replis de ces récits de bruit et de fureur, assassinats, empoisonnements, étranglements, jeux tragiques du pouvoir et de la trahison. 

    Philippe le Bel, à qui  Georges Marchal prête sa parfaite stature, est un des plus grands Rois de notre France, qui en compta beaucoup. Si l'esprit national est sans doute né avec son arrière-arrière grand père Philippe Auguste et la victoire de Bouvines en 1214, c'est sous son règne que se sont établies les fondations de l'État moderne et que, avec l'aide des grands serviteurs de la Couronne, Nogaret, Marigny, Châtillon, les féodalités ont commencé à être pliées et soumises. Tout cela n'est naturellement pas allé sans une certaine vigueur dans l'action. Et puis ces temps étaient rudes... 

    Une figure superbe et catastrophique domine Les rois maudits : celle de Jean Piat, immense acteur de théâtre (photo en tête) qui s'incorpore le rôle de Robert d'Artois jouisseur, buveur, ripailleur, coureur de jupons et d'aventures dont, pour notre plus grand malheur les tentatives pour récupérer la province d'Artois, dont il a été frustré, conduiront à la Guerre entre France et Angleterre. Mais toute la distribution, qui s’appuie sur de fortes personnalités issues de la Comédie française est remarquable. 

    Les-Rois-maudits-louis seigner - Copie.jpgEn premier lieu Louis Seigner (photo 1), papelard, subtil, redoutable banquier siennois, Geneviève Casile (photo 2), glacialement belle reine Isabelle délaissée par son mari sodomite et devenue la cruauté même, Hélène Duc, hautaine Mahaut (photo 3), tante et ennemie jurée de son neveu Robert. Et quelques autres, qui ne sont pas des moindres : Catherine Rouvel, sataniste empoisonneuse, Muriel Baptiste, la reine débauchée de la tour de Nesle, Henri Virlojeux, subtil pape Jean XXII... 

    La télévision française d'aujourd'hui donne à voir des adaptations, peut-être de qualité, de l'histoire des Borgia ou des Tudor, amples elles aussi de crimes, de sang et de sexe. Qu'est-ce qui l'empêcherait de montrer aux spectateurs décérébrés du siècle la naissance de notre pays ? 

    On peut bien dire que le poignard et le poison étaient monnaie courante sous nos Capétiens. Mais regardez leur œuvre : c'est la France.      

     

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    Coffret DVD autour de 20 €