Un grand intellectuel royaliste à connaître et faire connaître !
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Pierre Debray (écrivain) — Wikipédia
Et le lien vers Une politique pour l'an 2000
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Pierre Debray (écrivain) — Wikipédia
Et le lien vers Une politique pour l'an 2000
C'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, dont nous commençons aujourd'hui la publication. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR
L’essai que Paul Sérant consacre au « Romantisme fasciste »* a sans doute le mérite de lever un tabou.
Qu’on le veuille ou non, le fascisme s’inscrit dans l’histoire contemporaine et il importe d’en traiter objectivement, comme d’un fait. Paul Sérant expose le dossier. Il ne plaide, ni davantage ne requiert. Tant de sérénité surprendra et peut-être choquera. Elle n’a de sens que si l’on est persuadé, comme c’est le cas pour Paul Sérant, que le fascisme appartient à un passé désormais révolu. On ne parle avec tant de détachement que des morts. Je crois d’ailleurs que, sur ce point, Sérant se trompe, et que le fascisme demeurera, longtemps encore, la tentation permanente de l’Europe.
D’ailleurs, le titre de l’ouvrage risque de provoquer quelques déceptions. Il fait attendre une étude générale du fascisme alors que Sérant ne traite que de l’œuvre politique de six écrivains de valeur, de valeur très inégale : Alphonse de Chateaubriant, Drieu la Rochelle, Brasillach, Céline, Abel Bonnard et Lucien Rebatet. Ce choix surprend. Abel Bonnard, Sérant le reconnaît lui-même, ne s’est jamais réclamé du fascisme, et pas davantage Céline. Par contre, on s’étonne qu’un doctrinaire tel que Marcel Déat, autrement représentatif, ait été négligé. C’est d’autant plus regrettable que Marcel Déat est le seul à avoir compris que le fascisme français sera jacobin ou ne sera pas, ce qui explique que les plus lucides des écrivains politiques fascistes de l’Occupation vinrent de la gauche plutôt que de la droite. Il est vrai que les transfuges de la droite apportaient le talent avec eux. Paul Sérant paraît avoir préféré le talent à la lucidité. C’est un tort quand on traite de l’histoire des idées.
Certes, ces transfuges de la droite ont tous, plus ou moins, fleureté avec l’Action française. De loin parfois, comme Drieu. « Sa première expérience, écrit Paul Sérant, fut celle de l’Action française. Mais tout en étant séduit par elle, il lui fut impossible d’y adhérer, sentant trop bien ce qui l’en séparait. “ D’abord je n’étais pas monarchiste. J’ai toujours méprisé les Orléans dont l’un vote la mort de Louis XVI et l’autre, l’ancien combattant de Jemmapes, finalement s’en va sans avoir su garder sa couronne. Je tiens aussi que le sens de la continuité du commandement n’est pas trop étroitement lié à l’institution monarchique ; en témoignent quelque peu Rome et l’Angleterre ” ». Et il ajoute qu’il détestait la politique étrangère de l’Action française. À l’inverse, Abel Bonnard « s’il fut monarchiste de conviction, il ne le fut pas totalement d’espérance. Faisant allusion à la réhabilitation des rois de France par certains historiens, il s’exprime en ces termes : “ En voyant ces fantômes couronnés s’assembler en silence autour du pays qui a existé par eux, on craint parfois de trop bien entendre ce que le destin veut nous dire ; mais parfois aussi nous penchons à croire que c’est là le gage d’une continuité retrouvée ; alors l’espérance ouvre un instant son aile pleine d’arc-en-ciel. ” ». « Nous sommes tout de même loin, conclut Paul Sérant, des affirmations péremptoires de Daudet et de Maurras sur le prochain retour du roi. »
Sans doute, Brasillach et Rebatet (photo) apportèrent-ils, un moment, leur collaboration au quotidien. Cependant, Brasillach, ainsi que le rappelle Paul Sérant, n’a « jamais donné son adhésion aux formations de militants, à la Ligue d’Action française ou aux Camelots du roi ». De même, Rebatet écrit, en évoquant ces années : « Nous étions plusieurs aux alentours de l’Action française. » Aux alentours seulement. Quoiqu’il en soit, l’un et l’autre ne passèrent au fascisme qu’au prix d’une rupture complète avec Charles Maurras. On ne sait que trop de quelles injures Rebatet recouvrit dans Les Décombres celui qu’il appelait fallacieusement, en d’autres temps, son maître. Brasillach qui avait, sur le misérable, la supériorité d’avoir une âme, montra dans son éloignement plus de noblesse. « Sous l’Occupation, écrit Sérant, Maurras qui désapprouve formellement la politique de collaboration (celle du “ clan des ja ” qu’il réprouve au même titre que le “ clan des yes ”) ne peut plus aimer Brasillach ; lorsque celui-ci se rend à Lyon, devenu la résidence provisoire de l’Action française, il refuse de le recevoir. L’Occupation ne faisait que rendre évidente une divergence déjà sensible avant la guerre. »
Ce qui n’empêcha pas les tribunaux révolutionnaires de 1944 de reprocher à Maurras d’être responsable de l’erreur intellectuelle qui conduisit les « romantiques fascistes » à s’enrôler, par sympathie doctrinale, et peut-être, dans le cas de Rebatet, pour des raisons plus basses, dans le parti de l’occupant. Il faut louer Paul Sérant d’avoir, dans sa probité d’historien, fait justice de cette accusation partisane. Il convient, cependant, de n’en point rester là et de se demander pourquoi l’adhésion au fascisme, romantique ou pas, implique nécessairement une rupture avec l’école d’Action française.
Maurras et Mussolini
Lors de la marche sur Rome (photo), Maurras avait sans doute de fortes raisons, des raisons françaises, de se féliciter de l’avènement du régime fasciste. Il ne faut pas oublier, en effet, que Mussolini avait rompu avec la social-démocratie italienne, dont le pacifisme dissimulait mal les sympathies allemandes, afin de mener campagne en faveur de l’entrée en guerre de son pays aux côtés du nôtre. C’était là un service qu’un nationaliste français n’avait pas le droit de méconnaître, d’autant qu’il permettait d’espérer, dans la mesure où notre diplomatie ferait preuve de sagesse, une entente durable entre deux pays que rapprochait tout à la fois leur communauté de culture et d’intérêts.
Maurras ne cessera de combattre pour empêcher que, par haine idéologique du fascisme, nos dirigeants républicains ne jettent Mussolini dans une alliance contre nature avec le Reich hitlérien. Le Duce, ne l’oublions pas, se défiait des ambitions allemandes, au point que ce fut lui, qui, lors de l’assassinat du chancelier Dollfuss, empêcha l’annexion, par Hitler, de l’Autriche, en envoyant ses troupes sur le Brenner. Ce qui prouve assez combien Maurras était justifié de combattre, à l’occasion de l’affaire éthiopienne, l’absurde politique des sanctions, que commandait seule la jalousie britannique.
Non qu’il ne se défiât du principe d’aventure que portait, en lui, le fascisme. ■ (A suivre)
* En 1959, chez Fasquelle.
Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]
Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973]
Une page Wikipédia sur Pierre Debray
Pierre Debray, auteur, journaliste et penseur royaliste très important des années 1950-2000, vient d'être créée par les soins du Café Histoire de Toulon. Cette page manquait. Elle pourra sans-doute être complétée, mais est désormais consultable. C'est un succès.
Pierre Debray retient particulièrement l'attention des Toulonnais. Le jeune groupe d'Action française de Toulon (Union Royaliste Provençale) vient en effet de créer un cercle sous son patronage, le Cercle Pierre Debray.
Rappelons que Lafautearousseau a publié nombre de ses grands textes, notamment son étude magistrale Une politique pour l'an 2000. Et de nombreuses photos, discours, etc. ■
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Et vers Une politique pour l'an 2000
Lorsque, dans bien longtemps, on demandera aux garçons et aux filles de France qui ont sept ans aujourd'hui s'ils conservent un souvenir de 2018, qui a vu la victoire française en Coupe du monde de football, la démission du Gouvernement de Nicolas Hulot et les évolutions nationales de plusieurs pays européens, je ne suis pas certain que beaucoup se rappelleront tout cela comme je me rappelle les pleurs de ma mère apprenant la chute de Dien Bien Phû.
Nous n'y avions pourtant pas de proche, de cousin, de parent englué dans la boue des collines du Tonkin et si un de mes grands-pères avait été fonctionnaire des Postes à Hanoï, c'était avant la première guerre mondiale.
La censure, mais aussi l'éloignement, l'indifférence ou l'hostilité à ce qui était perçu comme une guerre incompréhensible expliquent cette stupeur devant l'événement : on n'imaginait pas que nos soldats, appuyés par la logistique étasunienne, pussent être battus par un ennemi si exotique, fût-il aussi fortement aidé par l'Union soviétique et la Chine populaire. Stupeur et accablement du 7 mai 1954. Six mois après, c'était la Toussaint rouge en Algérie, le mitraillage du couple d'instituteurs Monnerot dans les Aurès. L'impuissance de la IVème République permettait tout.
Donc, Dien Bien Phû ; et Diên Biên Phu, le film de Schœndœrffer ; si j'en fais la distinction, c'est à dessein, et comme le fait le réalisateur dans un des suppléments de l'édition DVD. Il ne faut pas voir dans le film une reconstitution historique qui s'efforcerait de reposer le contexte géopolitique, d'expliquer les tenants et aboutissants de la guerre d'Indochine (la sale guerre comme l'appelait le Parti Communiste qui faisait saboter par ses militants les armes destinées à l'Extrême-Orient), ni même de justifier ou d'accabler le choix de la position stratégique, pas davantage de relater le déroulement d'une bataille qui dura près de deux mois.
Schœndœrffer évoquant son film, dit Grâce à tous ces jeunes hommes, la guerre d'Indochine a bien su mourir. La partie raisonnable de mon cerveau ne peut ni comprendre, ni expliquer. La partie émotionnelle de mon cerveau peut y adhérer, y dessiner un sens comme il y a un sens aux grandes symphonies de Beethoven. Dès lors, ce montage parallèle de séquences entre les collines de Dien Bien Phû, aux noms de femmes choisis comme des nostalgies, Béatrice, Anne-Marie, Claudine, Éliane... et la touffeur civilisée d'Hanoï prend tout son sens.
Hanoï, où l'on vit encore, d'apparence comme au doux temps des colonies, entre l'Opéra (copie en modèle réduit du Palais Garnier), le pont Paul Doumer, la cathédrale Saint-Joseph... Mélange, dans les rues toujours mouillées, des cyclo-pousse et des Traction Avant Citroën, bars à soldats, aventurières opiomanes, goût des Asiatiques pour le jeu poussé jusqu'à la folie, complets blancs des coloniaux, breuvages alcoolisés improbables... Toute la fascinante galerie de ce qui fut ce pays, étrange, intelligent, aussi impossible à être conquis par quiconque, Chinois, Français, Étasuniens, que ne l'est le farouche, sauvage et hideux Afghanistan...
Donc, entre les collines inondées de pluie chaude et la capitale de l'Indochine, la ville fascinante qui touche mortellement au cœur ceux qui l'ont approchée, il y a cet aller-retour, peut-être un peu maladroit au début du film, mais qui prendra graduellement de la gravité, lorsque ces beaux soldats de fortune, qui se sont battus dans l'escadrille Normandie-Niemen, dans le Fezzan et sur le Rhin avec la 2ème DB, dans la plaine des Jarres (et, sûrement, pour beaucoup d'entre eux, dans la Guerre d'Espagne, ou sur le Front de l'Est, frères jadis ennemis réconciliés dans le culte de Legio, patria nostra), lorsque tous ces types de qualité auront été hachés dans l'enfer où ils se sont précipités.
Ciels de suie, moussons lointaines, étouffement des hommes au fin fond des boyaux creusés dans les collines. Les esprits forts trouveront que tout cela est bien vieillot, et peut-être que Béatrice Vergnes (Ludmila Mikaël), musicienne virtuose et cousine du capitaine Jégu de Kerveguen (Patrick Catalifo) en fait trop dans la grâce fragile et séduisante. N'empêche que quand de son violon s'échappent les notes brillantes et désespérées du concerto que Georges Delerue a écrit magnifiquement pour Dien Bien Phû, on songe que ce n'est pas trop mal que la fin de ce monde ait eu lieu sur cette musique-là. ■
DVD disponible autour de 10 €
Par Jean Sévillia
Une recension à lire parue dans la dernière livraison du Figaro magazine [31.08]. Une remarquable leçon d'histoire.
Trois jours après que les Tuileries eurent été prises d'assaut, en août 1792, la famille royale, déchue, était conduite au Temple.
Elle devait y loger dans le donjon médiéval qui était inutilisé depuis des lustres.
Dans ce lieu sinistre sont donc enfermés Louis XVI et Marie-Antoinette, Madame Elisabeth, la soeur du roi, ainsi que les deux enfants royaux, Louis et sa soeur Marie-Thérèse.
Le roi, la reine et Madame Elisabeth finiront sur l'échafaud, tandis que le petit Louis XVII, n'ayant pas résisté aux mauvais traitements, mourra de maladie et d'épuisement. Seule la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, remise aux Autrichiens au début du Directoire, survivra à la Révolution.
Entre le 13 août 1792, date de l'incarcération des Bourbons au Temple, et le 19 décembre 1795, jour du départ de Marie-Thérèse, plus de trois années se sont écoulées. Un laps de temps plus long que la Convention, plus long que la dictature de Robespierre ou que la Terreur elle-même. La captivité de la famille royale forme par conséquent une séquence historique en soi, dotée d'une logique propre qui interagit avec le développement de la Révolution.
C'est à analyser cette relation que s'est attaché Charles-Eloi Vial, un jeune historien dont les premiers travaux - une étude de la Cour à la fin de la monarchie et une biographie de Marie-Louise - étaient extrêmement prometteurs.
Sur un sujet en apparence rebattu - qui ne connaît les adieux de Louis XVI à sa famille, le départ de Marie-Antoinette pour la Conciergerie ou le martyre de Louis XVII, scènes déchirantes qui ont eu le Temple pour cadre - l'auteur, recourant à des archives inexploitées, parvient encore une fois à offrir des perspectives nouvelles en reconstituant la vie des prisonniers royaux, mais également l'enjeu politique qu'ils ont représenté jusqu'au bout.
Au-delà de leurs fautes personnelles, Louis XVI et les siens ont en effet été condamnés non pour ce qu'ils avaient fait, mais pour ce qu'ils étaient. Leur captivité a donc été le révélateur d'un système prêt à broyer tous les Français aspirant à la liberté. « Ce rapport entre l'intérieur et l'extérieur de la prison, souligne Charles-Eloi Vial, est essentiel à comprendre : la détention au Temple est l'envers de la Révolution. » Une remarquable leçon d'histoire. ■
La Famille royale au Temple. Le remords de la Révolution, 1792-1795, de Charles-Eloi Vial, Perrin, 432 p., 25 €.
Par Guilhem de Tarlé
A l’affiche, Alpha, un film d’aventure américain d’Albert Hughes, avec Kodi Smit-McPhee (Keda).
Pour fêter le départ en vacances de notre M. Hulot, cette histoire de chasse tombait à pic comme ces bisons que poursuivaient nos ancêtres d’il y a 20 000 ans, et ce malheureux Keda.
L’histoire, qui se veut bêtement – c’est le cas de le dire - la Genèse du chien, est cousue de fil blanc, pleine d’invraisemblances, mais riche des grands espaces qui manquent au Dogman, le huis clos, lui aussi canin, vu la veille.
La violence y est différente, celle de la chasse et de la préhistoire, finalement « en même temps » plus et moins animale, mais le regard d’Alpha rappelle celui des clients du toiletteur.
C’est en quelque sorte un nouveau Croc-Blanc (photo) pour jeunes adolescents qui ne seraient pas trop sensibles, en tout cas une belle histoire de volonté et de fidélité, un film sain dans un monde brutal qui n’est pas de brutes.
Nous avons d’ailleurs un bon souvenir du Livre d’Éli, du même réalisateur avec son frère Allen. ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
Par Marc Froidefont
Un article qui nous fait découvrir un grand auteur russe pratiquement inconnu en France. Poète et contre-révolutionnaire. Et qui nous renseigne aussi sur la Russie. Sur son âme, sa profondeur. LFAR
Les éditions Interférences viennent de publier un livre, intitulé sobrement Poèmes, et qui est un recueil de quelques poésies de Fiodor Tiouttchev, élégamment traduites par Sophie Benech. Cet ouvrage est remarquable.
En tant que livre, on ne peut que féliciter les éditions Interférences pour le soin apporté à la présentation, à la mise en page, à la beauté même du papier utilisé. Remarquable aussi en tant que texte, chacun sait, ou du moins devine, les difficultés qu’il y a à traduire la poésie russe ; les précédents traducteurs de Tiouttchev, tant Paul Garde que François Cornillot avaient déjà averti leurs lecteurs des difficultés d’une telle entreprise. Remarquable, enfin et surtout, est l’idée même d’éditer un livre de Tiouttchev, car, comme l’écrit Sophie Benech dans son avant-propos : « Le nom de Fiodor Tiouttchev est peu connu des lecteurs français, pour ne pas dire totalement inconnu ».
Cette ignorance du public français est regrettable, car de l’avis même des écrivains et des poètes russes, Tiouttchev (1803-1873) est l’un des plus importants d’entre eux. Tolstoï a été jusqu’à affirmer que « sans lui, on ne peut pas vivre … ». Une telle appréciation est largement partagée, Paul Garde rappelle que Dostoïevski l’appelait « notre grand poète » et que Tourguéniev disait : « On ne discute pas Tiouttchev, celui qui ne le sent pas ne fait que montrer qu’il ne sent pas la poésie elle-même ». Il est vrai que Tiouttchev n’a jamais cherché la célébrité. Né dans une famille noble, Tiouttchev entre à 19 ans dans la carrière diplomatique, il est en poste pendant de très longues années à Munich, retourne enfin en Russie où il est nommé responsable de la censure au ministère des affaires étrangères. Il a écrit de nombreux poèmes, souvent courts, mais n’a pas cherché ni à les faire connaître ni à les publier. Ce sont d’autres poètes qui ont édité quelques-unes de ses poésies, l’auteur lui-même ne parlant que peu de son œuvre. La renommée de Tiouttchev a donc été relativement tardive et d’abord limitée à un public restreint. Aujourd’hui il est, en Russie, assez connu, certaines de ses poésies ont été accompagnées de musique, et d’autres sont particulièrement célèbres parce qu’elles expriment certains aspects de la nature humaine, mais aussi de la Russie.
Remercions donc les éditions Interférences de contribuer à faire connaître la poésie de Tiouttchev et félicitons-la du choix qu’elle a fait parmi les poèmes. On peut ainsi lire une nouvelle traduction de Larmes humaines :
« Larmes humaines, ô larmes des hommes, / Vous coulez au matin et au soir de la vie … / Vous coulez inconnues, vous coulez innombrables, / Vous coulez invisibles et intarissables, / Vous coulez comme coulent les ruisseaux de pluie, / Dans la profonde nuit, à la fin de l’automne. »
Certes, ce livre contient moins de poèmes que les traductions précédentes de Paul Garde et de François Cornillot, mais si le but est de faire connaître Tiouttchev, l’ensemble est appréciable, et l’on peut même découvrir dans ce recueil une poésie qui n’était pas encore traduite, à savoir celle consacrée à Cicéron.
Si Tiouttchev a été un grand poète, il a été surtout apprécié en son temps pour ses engagements en faveur de la politique russe, en tant que cette dernière défendait la chrétienté, contre tout ce qui venait de l’influence révolutionnaire. Sophie Benech reconnaît que Tiouttchev était même plus connu en tant qu’écrivain politique qu’en tant que poète : « De fait, ses interlocuteurs, qui font tous partie du grand monde, le connaissent plus pour ses prises de position et ses écrits slavophiles et absolutistes que pour ses vers lyriques ». Le livre édité par les éditions Interférences n’aborde pas cet aspect de l’oeuvre de Tiouttchev, les traducteurs antérieurs non plus, François Cornillot ayant privilégié les poésies se rapportant à la nature, ou plutôt aux éléments de la nature, comme l’eau, l’arbre etc. voyant dans l’évocation de la nature, la présence d’une transcendance, et quant à Paul Garde, tout ce qui est politique a été mis par lui de côté, au prétexte, à notre avis discutable, que les poésies politiques ou de circonstance sont « bien inférieures aux autres ».
Si donc le livre Poèmes de Tiouttchev publié par les éditions Interférences a le mérite d’attirer l’attention du public français sur une partie de l’oeuvre du poète russe, il ne sera peut-être pas inutile, dans les quelques lignes qui suivent, de présenter, brièvement, l’autre aspect de l’oeuvre de Tiouttchev, à savoir ses idées politiques et philosophiques. Tiouttchev a écrit la plupart de ses poésies en langue russe, il a cependant rédigé ses textes politiques dans une langue française pure et élégante, telle qu’on la pratiquait dans les milieux russes cultivés du XIX° siècle. On peut les lire aujourd’hui dans le tome 3 des Oeuvres Complètes de Tiouttchev, éditées à Moscou.
Par sa position de diplomate russe à Munich, ville dans laquelle il a été en poste pendant vingt-deux ans, Tiouttchev était bien placé pour connaître les événements européens tant politiques que philosophiques. Il a connu personnellement Schelling et d’autres écrivains allemands, notamment Heine avec lequel il fut assez proche, mais c’est surtout à la culture française que Tiouttchev était sensible. François Cornillot, que nous avons cité plus haut comme traducteur, a aussi écrit une thèse volumineuse sur notre poète russe, dans laquelle il note qu’à Munich « On se tenait au courant de tout ce qui se publiait à Paris, on lisait surtout les journaux de Paris […] ». Ce n’est pourtant qu’à son retour définitif en Russie, que Tiouttchev développe ses analyses politiques.
Il existait alors, si nous nous permettons de schématiser, deux grands courants chez les penseurs russes, ceux qui souhaitaient que la Russie s’inspirât de l’Occident, et ceux qui, à l’inverse, voulaient que la Russie restât elle-même, et fût fière de sa propre culture et de sa religion orthodoxe. Ce deuxième courant regroupait ceux que l’on nommait les slavophiles, dont la figure la plus célèbre a été Khomiakov. Il est à noter que, d’une certaine manière, cette division se retrouvait dans la politique du gouvernement russe, hésitant entre la défense des intérêts de la Russie et une influence non négligeable de l’Occident.
Tiouttchev se range résolument dans le camp des slavophiles et exalte les valeurs de la Russie en tant qu’empire chrétien :
« La Russie est avant tout l’empire chrétien : le peuple russe est chrétien non seulement par l’orthodoxie de ses croyances, mais encore par quelque chose de plus intime encore que la croyance. Il l’est par cette faculté de renoncement et de sacrifice qui fait comme le fond de sa nature morale. »
Contemporain de la Révolution française de 1848, Tiouttchev en dénonce les effets, lesquels ne concernent pas seulement la France, mais l’Europe entière. C’est tout l’Occident qui est contaminé par le poison révolutionnaire : « la Révolution est la maladie qui dévore l’Occident ». Cette révolution cependant n’est que la suite de celle de 1789, c’est donc de cette dernière qu’il importe de montrer le principe, si l’on veut comprendre ses suites au siècle suivant. La Révolution française de 1789 n’est pas seulement un événement politique au sens où il ne s’agirait que d’un changement de régime, elle est bien plus que cela : elle est une insurrection contre la religion.
« La Révolution est avant tout anti-chrétienne. L’esprit anti-chrétien est l’âme de la Révolution ; c’est là son caractère essentiel. Les formes qu’elle a successivement revêtues, les mots d’ordre qu’elle a tour à tour adoptés, tout, jusqu’à ses violences et ses crimes, n’a été qu’accessoire ou accidentel ; mais ce qui ne l’est pas, c’est le principe anti-chrétien qui l’anime […] ». La Révolution est donc un événement capital dans l’histoire de l’humanité : « Ce qui fait de la première révolution française une date à jamais mémorable dans l’histoire du monde, c’est qu’elle a inauguré pour ainsi dire l’avènement de l’idée anti-chrétienne aux gouvernements de la société politique.»
Comment se caractérise cet anti-christianisme ? C’est bien sûr le refus de toute transcendance divine, mais Tiouttchev décrit cela d’une manière saisissante, en empruntant un mot fort employé dans la philosophie de son époque, d’abord par Fichte, puis par Stirner, un mot dont l’usage et les ravages n’ont fait que grandir jusqu’à nos jours, un mot pourtant tout simple : le moi.
« Le moi humain, ne voulant relever que de lui-même, ne reconnaissant, n’acceptant d’autre loi que celle de son bon plaisir, le moi humain, en un mot, se substituant à Dieu, ce n’est certainement pas là une chose nouvelle parmi les hommes, mais ce qui l’était, c’est cet absolutisme du moi humain érigé en droit politique et social et aspirant à ce titre à prendre possession de la société. C’est cette nouveauté-là qui est appelée la Révolution française. »
Tiouttchev ne manque pas de fustiger certaines caractéristiques de la mentalité révolutionnaire. L’idée de souveraineté du peuple tout d’abord, laquelle n’est que le corollaire du triomphe du moi, car qu’est-ce que le moi, sinon « cette molécule constitutive de la démocratie moderne » ? La souveraineté du peuple n’est rien d’autre que « celle du moi multiplié par le nombre ». Autre caractéristique de la mentalité révolutionnaire : la prétendue neutralité religieuse de l’État républicain, neutralité qui n’est qu’un mensonge : « Rétablissons donc la vérité des faits. L’État moderne ne proscrit les religions d’État que parce qu’il a la sienne, et cette religion, c’est la Révolution ».
Selon Tiouttchev, tout l’Occident est corrompu ou va être corrompu par l’idéologie révolutionnaire ; si la France a une grande part de responsabilité, l’Allemagne n’est pas en reste, une philosophie destructive y a « complètement dissous toutes les croyances chrétiennes et développé, dans ce néant de toute foi, le sentiment révolutionnaire par excellence : l’orgueil de l’esprit, si bien qu’à l’heure qu’il est, nulle part peut-être cette plaie du siècle n’est si profonde et plus envenimée qu’en Allemagne ».
Face à cette débâcle, à cet Occident où l’on voit « la civilisation se suicidant de ses propres mains », que faire ? Avoir confiance en la Russie, ou plus exactement dans la mission qu’a la Russie, et cette mission est de sauvegarder la chrétienté. Il s’ensuit qu’entre les idées révolutionnaires venant de l’Occident et la chrétienté russe, il ne peut qu’y avoir conflit. Tiouttchev le dit sans aucun détour :
« Depuis longtemps il n’y a plus en Europe que deux puissances réelles : la Révolution et la Russie. Ces deux puissances sont maintenant en présence, et demain peut-être, elles seront aux prises. Entre l’une et l’autre il n’y a ni traité, ni transaction possibles. La vie de l’une est la mort de l’autre. De l’issue de la lutte engagée entre elles, la plus grande des luttes dont le monde ait été témoin, dépend pour des siècles tout l’avenir politique et religieux de l’humanité. »
Que la Russie ait confiance en sa mission, cela implique qu ‘elle soit forte politiquement et militairement, et l’expression de cette puissance doit d’abord être la reconquête par les chrétiens de Constantinople, vœu qui était aussi celui de Joseph de Maistre.
Tiouttchev espère l’union des deux Églises, la latine et l’orientale, et il va de soi qu’en tant que russe et orthodoxe, cette union est comprise comme le retour de l’Église de Rome vers l’orthodoxie.
Les événements ont durement éprouvé les idées de Tiouttchev. De son vivant, comme beaucoup d’autres Russes, il a été fort dépité quand, lors de la guerre entre les Russes et les Turcs, le gouvernement russe a finalement laissé Constantinople aux Turcs. Plus tard, l’issue de la guerre entre Napoléon III et la Russie a été aussi amèrement vécue. Qu’eût pensé Tiouttchev s’il avait pu voir les événements de 1917 et l’emprise du communisme en Russie? Sans doute eût-il vu là une épreuve, une douloureuse épreuve. Il est aisé de voir cependant que si Tiouttchev s’est trompé pour ce qui est de l’histoire immédiate, ce qu’il a écrit de son temps n’est pourtant pas sans intérêt pour le nôtre. Le triomphe de l’individualisme, ce que Tiouttchev appelait le moi, est patent en Occident, tout autant que sa décadence spirituelle, bien que les prémices d’un renouveau puissent çà et là apparaître. En Russie, ce renouveau est d’une certaine manière déjà là, ou du moins en marche, puisque le pouvoir politique semble s’appuyer de plus en plus sur la chrétienté. Tiouttchev avait donc raison de croire en la Russie. Une de ses poésies les plus célèbres l’exprime, voici la traduction littérale qu’en donne Sophie Benech :
« La Russie ne se comprend pas par l’intelligence / Ni ne se comprend à l’aune commune / Elle possède un statut propre / La Russie, on ne peut que croire en elle. » ■
Domaine natal du poète à Ovstoug
Ayant écrit deux essais sur l'auteur des Misérables, le journaliste et écrivain, fondateur de l'hebdomadaire Marianne, décrit l'incroyable trajectoire politique de Victor Hugo - du monarchisme conservateur au républicanisme très avancé. [Les éditions Pluriel viennent de rééditer dans un même tome deux essais de Jean-François Kahn consacrés à Victor Hugo : « Hugo, un révolutionnaire » et « L'Extraordinaire Métamorphose »].
De l'entretien qu'il a donné à Alexandre Devecchio pour le Figaro Magazine (dernière livraison - 24.08) nous retenons les passages les plus actuels. Toutes réserves faites, évidemment, sur la pensée politique de Victor Hugo comme de Jean-François Kahn. Intéressantes malgré leur manque de cohérence ! LFAR
Hugo croyait dans les États-Unis d'Europe. Serait-il toujours européen, actuellement ?
Il ne se reconnaîtrait pas dans l'Europe d'aujourd'hui qui synthétiserait, à ses yeux, le pire de la chèvre et le pire du chou. Il y a d'ailleurs chez Hugo ambivalence. Il n'a de cesse d'appeler de ses vœux les États-Unis d'Europe, à quoi succédera la « République universelle », mais, ultrapatriote, il n'imagine pas un instant que Paris n'en soit pas la capitale et le français la langue officielle. Il préside régulièrement le Congrès de la paix mais, en 1870, il appelle à la guerre totale contre l'envahisseur prussien.
Vous soulignez la radicalité et la modernité de son œuvre. Que nous dit Hugo de notre époque? Les Misérables est-il toujours un livre d'actualité ?
Je suis convaincu qu'il aurait stigmatisé la dérive monarchico-présidentialiste (les institutions de la Ve République n'auraient pas été sa tasse de thé) que révèle le fait qu'un simple subalterne se croit tout permis dès lors qu'il est le chouchou du roi, mais qu'il aurait dénoncé tout autant la déconnexion entre cette affaire de cornecul et l'hystérie politico-médiatique qui en a fait un mixte de l'affaire Dreyfus et de l'incendie du Reichstag.
Il faut lire certains poèmes tardifs ou posthumes : on a l'impression qu'ils dénoncent le stalinisme (ou même le communisme en général : « ayant vu les abus, ils disent - supprimons ! Puisque l'air est malsain retranchons les poumons ! »), les Khmers rouges et Daech, l'intervention américaine en Irak, la financiarisation néolibérale, l'intégrisme islamique, le « politiquement correct », la réaction droitière et le gauchisme (« l'un refait le donjon, l'autre refait le cloître »). On croit ici qu'il évoque Laurent Wauquiez ou Jean-Luc Mélenchon, parfois Emmanuel Macron. ■
Le vendredi 9 février 2018, Franz-Olivier Giesbert est à Martigues, pour la chaîne C8. Il doit y réaliser un court reportage sur Charles Maurras destiné à l'émission de Thierry Ardisson Salut les terriens programmée le surlendemain dimanche en soirée.
Franz-Olivier Giesbert souhaite visiter, sinon la maison, en travaux, du moins le jardin de Maurras, chemin de Paradis. Il se rend à la mairie de Martigues pour en obtenir l'accès - dont il sait par avance qu'il lui sera refusé. A lui, à son cameraman et aux personnes qui l'accompagnent, dont un jeune cadre de l'Action française qu'il interviewera.
La mairie lui refusera effectivement l'accès au jardin dans les termes étonnants qu'on peut lire en exergue de cet article. Et ce via un agent municipal chargé de cette réponse évidemment marquée par le sectarisme, l'ignorance et le simple déni de réalité. Franz-Olivier Giesbert filmera la maison et le jardin de Maurras de l'extérieur...
Le déni de réalité porte sur bien des éléments littéraires, poétiques, historiques, dont la mairie de Martigues semble ignorante. Mais le déni de réalité porte aussi sur l'histoire municipale elle-même. Notamment sur les circonstances même du transfert de propriété de la maison de Maurras, de sa famille à la municipalité de Martigues.
Ce transfert eut lieu le 27 septembre 1997, au cours d'une cérémonie tenue dans les jardins de la maison du Chemin de Paradis, en présence de Paul Lombard, maire (communiste) de Martigues (de 1968 à 2009), de Jacques Maurras, neveu de Charles Maurras et de Michel Déon, de l'Académie française. Michel Déon avait été secrétaire de Charles Maurras à Lyon pendant l'Occupation. Il était de l'Académie française, institution à laquelle Maurras avait appartenu. De nombreuses personnes, assistaient à la cérémonie dans le jardin dont l'actuelle équipe de Lafautearousseau.
Des allocutions furent échangées entre Jacques Maurras et Paul Lombard qui fit part de la qualité de ses relations avec Jacques Maurras. Paul Lombard était sans-doute un homme intelligent, cultivé et dénué du sectarisme dont font preuve ses successeurs, ou une partie d'entre eux. Michel Déon prononça enfin un superbe discours, de pleine fidélité au maître de sa jeunesse. Ce discours, Paul Lombard l'entendit. Nous comptons bien le publier un jour prochain. Il y a de nombreux témoins de cet après-midi de septembre 1997 qui ne laissait pas présager l'ostracisme de tout ou partie de l'actuelle équipe municipale.Une plaque apposée sur la maison (ci-dessous) commémore cette journée.
Pourquoi avons-nous rappelé, raconté cela ? Parce qu'il faut « refuser l'interdit jeté sur Maurras et sur sa maison à Martigues ! » et s'employer activement à ce qu'il soit levé. On lira les articles que nous avons déjà publiés sur ce sujet*. Et bien-sûr nous y reviendrons. ■
* Lire aussi dans Lafautearousseau ...
Refuser l'interdit jeté sur Maurras et sur sa maison à Martigues !
Refuser l'interdit jeté sur Maurras et sur sa maison à Martigues ! Suite et précisions ...
Par Anne Bernet
Dès les années 30, il n’ était question que du marxisme-léninisme. Lénine a été statufié, y compris par nos intellectuels français. On sait, aujourd’hui, tout sur l’idole. La Russie officielle ne célèbre plus la révolution d’Octobre, on comprend pourquoi.
Journaliste au style imprécatoire, agitateur qui préférait préparer « le grand soir » loin d’un pays où il risquait la prison, mais surtout idéologue prisonnier de sa vision fantasmatique du monde, Vladimir Ilich Oulianov, dit Lénine, n’aurait jamais dû parvenir au pouvoir. Un concours de circonstances néfastes devait pourtant l’y conduire en octobre 1917, pour le plus grand malheur de son pays, et du monde.
Stéphane Courtois fut communiste ; il rêva de dictature du prolétariat ; il admira Lénine. Il en est bien revenu et a eu le courage, non seulement de le dire mais de partir en guerre contre une conception de l’homme porteuse des crimes les plus sanglants de l’histoire de l’humanité. Continuant son implacable étude du communisme, il publie un Lénine, inventeur du totalitarisme (Perrin), qui met à mal, une fois pour toutes, la vulgate selon laquelle Oulianov aurait été dépassé sur sa gauche par Staline, véritable créateur d’un modèle politique de type dictatorial. Courtois l’affirme, et le prouve, loin d’avoir servi de prête-nom à Staline, Lénine fut le seul responsable de la mise en place du régime de terreur qui s’abattit bientôt sur le pays.
Rien ne prédisposait pourtant Vladimir Ilich, fils d’enseignant anobli, propriétaire foncier, à devenir maître d’œuvre d’une révolution.
Né en 1870 à Simbirsk, sur la Volga, Vladimir a une enfance heureuse dans un milieu préservé. Ses parents, qui lui transmettent du sang russe, allemand et juif, soutiens fidèles de la monarchie et de l’église orthodoxe, sont ouverts aux idées nouvelles et aux réformes mais rejettent avec indignation les méthodes des groupuscules d’extrême gauche qui veulent obtenir la chute du régime à grand renfort de crimes politiques et de terrorisme.
Tout bascule lorsqu’en 1886, M. Oulianov est foudroyé par une hémorragie cérébrale. La mort du père arrache aux adolescents leurs repères traditionnels. Quelques mois plus tard, les aînés, Alexandre et Anna, étudiants à Saint-Pétersbourg, sont arrêtés pour avoir participé à une tentative de régicide. Considéré comme l’artificier du groupe, – il étudie la chimie –, Alexandre revendique sa responsabilité dans l’attentat manqué. La vague terroriste qui secoue alors la Russie, causant des milliers de mort n’incite pas la justice à l’indulgence ; condamné à mort, le garçon est pendu en mai 1887, à 21 ans.
Ce drame décide de l’avenir de Vladimir. L’on peut se demander ce qu’il serait advenu si Alexandre avait été gracié, imaginer son frère se consacrant à ses brillantes études, vivant l’existence protégée d’un « fils de noble héréditaire », ainsi qu’il aime à se décrire. Mais Alexandre est exécuté et le cadet, qui s’identifie désormais à lui, part dans une dérive vengeresse, se vouant à la cause pour laquelle il est mort. Son renvoi de l’université pour activisme n’arrange rien ; il occupe ses loisirs à dévorer la littérature révolutionnaire dont, bientôt, il se fera le théoricien. Stéphane Courtois, qui a choisi d’écrire, non une biographie classique, mais une histoire de l’idéologue, analyse par le menu ces lectures, leur influence. Très vite, le jeune homme théorise sa propre vision de la révolution, qui ne saurait admettre aucun compromis, aucune solution pacifique, aucune évolution lente, aucune entente avec les mouvements socialistes réfutant l’action violente.
Comme l’explique Dominique Colas dans une étude serrée des années qui suivent la Révolution d’Octobre, Lénine (Fayard), Vladimir Ilich, qui ne sera jamais un homme d’action, – Courtois souligne combien le courage physique lui fait défaut … – est un maître du discours et de l’écriture, un imprécateur, et il s’en servira afin d’éliminer tous ceux qui se mettront en travers de ses projets et de ses ambitions.
Pourtant, en dépit de ses incontestables qualités, son intelligence, son charisme, ses dons oratoires, Oulianov semble voué à la descente aux enfers des déclassés et des ratés. S’il a pu reprendre ses études universitaires et devenir avocat, il est arrêté en 1895 pour son action subversive et déporté en Sibérie, près de la Lena, fleuve qui lui inspirera son nom de guerre. Détention plutôt douce, qui lui permet de vivre aux frais de l’État, de continuer à lire, écrire, préparer la révolution, et d’épouser une camarade de lutte, Nadedja Krouspkaia, vertueux laideron marxiste qui lui servira de femme à tout faire avec un dévouement aveugle. Elle l’accompagne dans un exil qui, d’Autriche en Pologne, de Finlande en France, de Suisse en Allemagne, même adouci par les subventions du Parti révolutionnaire dont il a réussi à prendre la direction, semble ne devoir jamais finir. En 1916, alors que la guerre, en empêchant que lui soient versés ses subsides, met Lénine dans une position financière intenable, il désespère complètement de la révolution.
Comme déjà en 1905, les événements de 1917 prennent de court cet homme détaché de la réalité. Mais, cette fois, Lénine est en Russie, où il s’est fait rapatrier d’urgence par les Allemands, contre promesse, s’il prend le pouvoir, de faire sortir son pays du conflit. Les tombeurs de la monarchie, pétris de principes bourgeois, ne tarderont pas à comprendre qu’ils ne sont pas de taille à lutter contre un adversaire pour qui arriver au pouvoir et le conserver excuse et justifie tout.
Courtois a des pages flamboyantes et terrifiantes sur la pensée de Lénine, son opportunisme glacial, son caractère, son incapacité voulue et assumée à éprouver des sentiments normaux, à commencer par la compassion, qu’il abhorre. Cela explique la suite.
Lénine, il le reconnaît lui-même, ne connaît rien ni de la vie réelle, à laquelle il ne s’est jamais frottée, ni de la Russie, imaginée à travers ses fantasmes. Fils de bonne famille, il déteste la paysannerie. En 1891, il a froidement laissé mourir de faim ses moujiks sans fournir le moindre secours. Désormais, il doit confronter son idéologie à la réalité. Bien entendu, elle s’y brisera mais, en révolutionnaire conséquent, il fera en sorte, non de réformer sa pensée fautive, mais d’épurer la société russe qui ne sait pas s’adapter aux grandioses visions de son génie.
Pour cela, il a besoin d’armes ; ce seront la Tcheka et l’Armée rouge, dont il couvrira sans états d’âme les pires exactions. À l’instar de Robespierre, son idole, il sera toujours informé des crimes commis par ses agents sur le terrain, prévenu qu’il a donné les pleins pouvoirs à des bandits de grand chemin défoncés à la cocaïne et la vodka. Il laissera faire. Pareillement, et Courtois est sur ce point formel, il prendra seul, en juillet 1918, la décision de liquider la famille impériale sans procès, faisant poursuivre et exécuter tous les Romanov encore présents sur le territoire soviétique. Toujours inspiré par Robespierre, il entreprend d’anéantir les « Vendée russes », qu’il s’agisse des armées blanches ou des cosaques du Don. Ainsi forge-t-il en peu de temps tous les instruments de coercition qui permettront, entre les mains de Staline et de ses successeurs, de durer par la terreur.
Mais les faits sont tenaces. La construction du paradis rouge se révèle plus difficile que prévu, impossibles peut-être. Effet de la désillusion, et du surmenage, Lénine meurt, victime d’accidents cérébraux répétés qui l’ont laissé intellectuellement amoindri, le 21 janvier 1924.
Restait à rendre à sa dépouille momifiée un culte idolâtrique, satanique eût dit le cher Volkoff, qui compte encore des adeptes.
Quant au bilan de sa tyrannie, Witte, le ministre de Nicolas II, l’avait prophétisé dès 1905 : « Ces tentatives (pour mettre en œuvre le « socialisme ») échoueront, mais elles détruiront la famille, l’expression de la foi religieuse et tous les fondements du droit. » Il avait raison. Cent ans après, nous le constatons tous les jours. ■
Lénine inventeur du totalitarisme
Stéphane Courtois – Perrin, 500 p, 25 €.
Lénine
Dominique Colas – Fayard, 525 p, 25 €.
« La grande valeur, voire l'idée fondamentale de la monarchie, me semble reposer sur ceci que, comme les hommes restent des hommes, il faut en placer un dans une position si élevée, lui donner tant de pouvoir, de richesse, de sécurité et d'absolue inviolabilité, qu'il ne lui reste plus rien à souhaiter, à espérer, à craindre pour lui-même ; de ce fait, l'égoïsme, qui lui est inhérent comme à chacun, se trouve anéanti comme par neutralisation, et il devient désormais apte, comme s'il n'était pas un être humain, à exercer la justice et à ne plus viser son bien-être privé, mais le bien-être public. Voici l'origine de cette présence pour ainsi dire surhumaine qui accompagne toujours la dignité royale et la distingue si profondément de la simple présidence. C'est aussi pourquoi elle doit être héréditaire, c'est-à-dire non élective : en partie pour qu'aucun sujet ne puisse voir dans le roi son égal, en partie pour que le roi ne puisse s'occuper de ses descendants qu'en s'occupant du bien de l'État, lequel bien ne fait qu'un avec le bien de sa famille. » •
Schopenhauer
Le Monde comme volonté et comme représentation
Merci à Jean de Maistre
De retour de leurs vacances en Lauragais puis au bord de la Méditerranée, le prince Jean et la princesse Philoména ainsi que leurs enfants ont fait une étape au Château de Chambord.
Ils ont assisté au spectacle de chevaux et de rapaces qui se tenait dans les écuries du Maréchal de Saxe.
Dans une ambiance qui transporte le public à la cour de François Ier, on reconnaît de gauche à droite les quatre enfants du Dauphin et de la Dauphine de France : la Princesse Louise-Marguerite, le Prince Joseph, le Prince Gaston et la Princesse Antoinette. (Source Noblesse & Royautés).
L'information a été donnée également par La Couronne, qui l'a accompagnée d'une petite vidéo présentant le spectacle auquel ont assisté les jeunes princes de France.
Ce spectacle - Chevaux et rapaces à Chambord : François Ier, le roi chevalier - est présenté jusqu’au 30 septembre. ■
Merci aux deux blogs sus-cités.
Par Corse Matin du 23 août 2018
Une conversation inédite, qui prend racine a la terrasse d'un café sur la place Porta. Avec comme ombre tutélaire, Cicéron, l'avocat, consul, philosophe, mort en - 43 av J-C.
Jacques Trémolet de Villers, avocat pénaliste et écrivain, a imaginé une conversation avec l'auteur latin, qui se déroule dans le village de Vivario, dans le livre paru en avril aux éditions Belles Lettres, En Terrasse avec Cicéron.
À la terrasse du « Bien Assis », bondée, on entend parler d'Aristote, de la Grèce antique et d'amitié.
Avec Olivier Battistini, Sartenais, helléniste, enseignant à l'université de Corte, (qui publie le 6 novembre, Alexandre le Grand, le philosophe en armes), les deux hommes ont accueilli lecteurs et amis, pour un moment d'échange et de dédicaces.
Le rendez-vous des lettrés
Comme dans la tradition des conversations chez les anciens, Jacques Trémolet de Villers qui a grandi à Vivario, donne la parole à Cicéron. Il déroule des échanges sur la vie, la souffrance, le bonheur, la richesse et la gloire. « Cicéron à Vivario comme à Sartène, est au coeur des conversations ordinaires, notait Oliver Battis-tini. Toute la sagesse des philosophes, c'est d'être capables d'apprécier par la conversation éphémère et essentielle. l'instant présent, qui se déroule ur place, pour aller dans le futur.»
Jacques Trémolet de Villers, sur l'invitation de son éditeur après son précédent ouvrage, Jeanne d'Arc. Le procès de Rouen, a relu l'oeuvre complète de Cicéron. « J'ai recherché les passages qui me parlaient et semblaient le plus actuels », dit-il, entouré d'amis, pour la plupart avocats ou professeurs de littérature, qui s'empressent autour de lui pour une dédicace.
Une conversation, au bar, avec Cicéron
L'action se déroule à Vivario, de nos jours, et Cicéron ne converse qu'avec les disparus du village. « Les paroles de Cicéron sont toujours de lui et s'accordent merveilleusement avec les sujets d'aujourd'hui. II discute avec les anciens de Vivario. Souvent dans le livre ce sont des dialogues qui ont vraiment existé et que j'ai entendus », raconte l'avocat.
Un précepte qui a éclos naturellement hier en fin de matinée à la terrasse du café. "
« L'amitié, la « phiia », c'est surtout la rencontre avec l'autre, et donc la rencontre avec soi-même. Comme si l'autre nous tendait un miroir ».
Dans cet ouvrage (le 10e de l'auteur), Trémolet de Villers montre que Cicéron, athlète de la parole et maître des avocats, est encore aujourd'hui au centre des conversations ordinaires. « Dans les cafés de Corse, les conversations nous opposent, nous rassemblent. Elles sont au coeur du monde politique, et la phiia est le fondement même de la chose politique », explique Oliver Battistini. lL place publique est le lieu central au sens géométrique, là où le pouvoir et la parole sont associés.
Chaque chapitre est illustré par un dessin réalisé par Axelle, la belle-fille de Jacques Trémolet de Villers. Une idée originale. « J'ai retransmis la vision du village souhaitée par mon beau-père », indique l'illustratrice. Une promenade dans Vivario, un dialogue au bar du village, et Cicéron s'est assis près de nous. A-F.I ■
En terrasse avec Cicéron, Jacques Trémolet de Villers, Les Belles Lettres, 160 p, 15,90 €
Par Guilhem de Tarlé
Tully : un film américain de Jason Reitman, avec Charlize Theron (Mario, la mère de famille), Mark Duplass (Craig, son mari) et Mackenzie Davis (Tully)
Une comédie dramatique difficile à cataloguer… j’y suis allé sur la pointe des pieds – mais il fallait bien profiter d’une soirée sans petits-enfants.
La question posée du burn-out de la mère de famille était intéressante, mas je craignais un scénario très scabreux et, en cours de séance, dans notre société souvent contre-nature, j’ai même redouté le pire… j’étais donc assez stressé durant toute la projection, pressé d’en voir la fin… certes je ne m’ennuyais pas, mais je ne trouvais aucun intérêt à l’histoire qu’on me racontait…
C’est donc soulagé que je suis sorti de la séance, en constatant que j’avais été manipulé par le réalisateur dans un monde onirique ou cauchemardesque avec une « employée » aussi fictive qu’une certaine Pénélope.
A quel moment s’est fait la bascule du monde réel dans le virtuel ? Je n’en ai aucune idée, et peut-être finalement faudrait-il revoir ce film (?)
C’est du moins mon interprétation de ce long-métrage, que mon épouse a du mal à partager…
Que ce commentaire ne vous trompe pas, c’est un film peut-être à revoir mais que je ne vous recommande pas de voir ! ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
Sans commentaire. Il nous semble que ce débat (env. 25 minutes) mérite d'être écouté, médité, discuté. Du grand Zemmour ! LFAR
[Janvier 2018]