Nietzsche dit bien des choses en six mots
« Plèbe en haut, plèbe en bas »
Nietzsche
Merci à Jean de Maistre
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Merci à Jean de Maistre
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TRIBUNE - À l'occasion du dixième anniversaire de la mort d'Alexandre Soljenitsyne et du quarantième anniversaire de son discours d'Harvard, Laurent Ottavi revient sur les maux occidentaux que pointait le dissident russe. Il y voit une dimension prophétique. [Figarovox 3.08]. « Ne pas vivre dans le mensonge » où, de fait, nous vivons de tant de manières. Soljenitsyne peut aider notre monde à le détruire.
Ce 3 août 2018 [était] le dixième anniversaire de la mort d'Alexandre Soljenitsyne. Le dissident russe, auteur d'Une journée d'Ivan Denissovitch et de L'Archipel du Goulag, fût une figure controversée, souvent qualifiée de « réactionnaire ». Le ressentiment de l'élite libérale américaine à son égard remonte à un discours retentissant, Le déclin du courage, dont c'est le 40ème anniversaire cette année. Le texte de ce discours prononcé à Harvard a été réédité en 2017 aux éditions des Belles lettres.
Il faut le resituer dans son contexte et dans la biographie de son auteur, pour en saisir toute la portée.
Du Goulag à Harvard
À la veille de la victoire des Alliés, Alexandre Soljenitsyne écrit dans une correspondance que Staline est un chef de guerre incompétent, qui a affaibli l'Armée rouge par les purges et s'est imprudemment allié à Adolf Hitler. Cette critique le conduit pendant huit années dans l'enfer du Goulag, « où ce fut, écrit-il, mon sort de survivre, tandis que d'autres - peut être plus doués et plus forts que moi - périssaient ». Il révèle l'existence des camps de travaux forcés au monde dans Une journée d'Ivan Denissovitch. Staline, depuis, est mort. Ce texte est publié dans une revue littéraire avec l'autorisation de Nikita Khrouchtchev. Il donne à son auteur une renommée en Russie mais aussi dans le monde.
Alexandre Soljenitsyne est récompensé du prix Nobel de littérature en 1970. Après d'autres écrits et sa demande de supprimer toute censure sur l'art, il fait paraître en 1973, à Paris, son livre le plus connu, L'Archipel du Goulag. Le dissident est déchu de sa nationalité et exilé. Il vit d'abord à Zurich puis s'installe aux États-Unis. Il y réside depuis deux ans, dans la plus grande discrétion, quand il est invité par l'université d'Harvard à prononcer un discours lors de la séance solennelle de fin d'année, le 8 juin 1978.
La parole du dissident, dans le contexte de guerre froide, est très attendue. Alexandre Soljenitsyne, pensent les Occidentaux, est venu faire l'éloge du monde libre. Quelle ne fût pas leur surprise ! Le dissident ne fait pas le procès du communisme ; il fait un portrait à charge de l'Occident.
L'amère vérité
Il le fait « en ami », mais avec l'exigence, presque toujours amère, de la vérité, qui est la devise (Veritas) d'Harvard. Le texte qu'il prononce ce jour-là a traversé le temps de la guerre froide pour nous renseigner, encore aujourd'hui, sur ce que nous sommes. C'est pourquoi il mérite encore toute notre attention. Il n'est pas, comme a pu le penser l'élite américaine, celui d'un réactionnaire ou d'un homme ingrat à l'égard du pays qui l'a accueilli. Alexandre Soljenitsyne reste fidèle dans ce discours à sa ligne de conduite passée, à l'honneur, à la Vérité.
« Ne pas vivre dans le mensonge » était le nom de son dernier samizdat paru en URSS. Qu'est-ce que le totalitarisme, en effet, sinon essentiellement un mensonge en ce qu'il cherche à dénaturer l'homme en faisant fi de sa condition et à transfigurer le monde ? Alexandre Soljenitsyne parle d'autant plus librement pendant son discours d'Harvard qu'il se trouve dans une démocratie. La réception si controversée de ce discours l'amènera à faire cette réflexion dans ses mémoires : « Jusqu'au discours d'Harvard, écrit-il, je m'étais naïvement figuré vivre dans un pays où l'on pouvait dire ce qu'on voulait, sans flatter la société environnante. Mais la démocratie, elle aussi, attend qu'on la flatte ».
Le discours d'Alexandre Soljenitsyne, à la fois méditatif et audacieux, est une alerte, une mise en garde, un avertissement. Comme la vigie, son auteur envoie des signaux. Ce qu'il pointe n'a fait que s'aggraver depuis. A posteriori, le discours d'Harvard s'est donc avéré, en grande partie, prophétique. Soljenitsyne voit suffisamment bien ce qui est, pour anticiper ce qui sera. « En ami », il a le courage de le dire.
Le déclin du courage
Dès le début de son texte, il remet l'orgueil du « monde libre » à sa place, en affirmant qu'il ne recommanderait pas la société occidentale comme «idéal pour la transformation» de la sienne : « Étant donné la richesse de développement spirituel acquise dans la douleur par notre pays en ce siècle, le système occidental dans son état actuel d'épuisement spirituel ne présente aucun attrait ». Le caractère de l'homme s'est affermi à l'Est et affaibli à l'Ouest. Il vise ici, à la fois la prétention des Occidentaux à se croire la pointe avancée du Progrès dans ses multiples dimensions et à vouloir imposer leur modèle - les autres pays étant jugés « selon leur degré d'avancement dans cette voie » - mais aussi la décadence de l'Occident. Il souligne sa débilité, c'est-à-dire sa faiblesse, liée à ce qu'il nomme le déclin du courage, « qui semble, dit-il, aller ici ou là jusqu'à la perte de toute trace de virilité » et qui « a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ». Pour lui, l'esprit de Munich continue à dominer le XXe siècle.
Alexandre Soljenitsyne cible plus particulièrement la couche dirigeante et la couche intellectuelle dominante, c'est-à-dire ceux qui donnent « sa direction à la vie de la société ». Il parle notamment des mass-médias qui (dés)informent avec hâte et superficialité. La presse, alors qu'elle n'est pas élue, est d'après lui la première force des États occidentaux et encombre l'âme de futilités au nom du « droit de tout savoir ». Elle est marquée par l'esprit grégaire, comme le milieu universitaire, empêchant aux esprits fins et originaux de s'exprimer.
La lâcheté, l'indisposition au sacrifice des classes les plus socialement élevées trouvent évidemment un écho dans notre monde contemporain marqué par la révolte des élites des pays occidentaux et l'expansion de l'islamisme, qui a su habilement tirer parti de nos lâchetés. Aujourd'hui comme hier, le défaut de courage et le refoulement du tragique de l'Histoire se paient par le grossissement du monstre. Que l'on songe à l'après-Bataclan et aux injonctions au «tous en terrasse ! » qui l'ont accompagné en lisant ces lignes : « un monde civilisé et timide n'a rien trouvé d'autre à opposer à la renaissance brutale et à visage découvert de la barbarie que des sourires et des concessions (…) vos écrans, vos publications sont emplis de sourires de commande et de verres levés. Cette liesse, c'est pourquoi ? ».
Juridisme sans âme
L'Occident, nous dit Soljenitsyne, s'est perdu en atteignant son but. Dans la société d'abondance déchristianisée, l'homme est amolli. Son confort sans précédent dans l'histoire lui fait rechigner au sacrifice et perdre sa volonté, ce qui est un problème bien plus grave que l'armement : « quand on est affaibli spirituellement, dit-il, cet armement devient lui-même un fardeau pour le capitulard ». Il a l'illusion d'une liberté sans borne (« la liberté de faire quoi ? ») mais il ne fait que se vautrer dans l'insignifiance. Comme l'homme-masse décrit par le philosophe espagnol Ortega y Gasset, il réclame sans cesse des droits et délaisse ses devoirs. Les grands hommes, dans ce contexte, ne surgissent plus.
Cette société d'abondance déchristianisée est le fruit d'une conception du monde née avec la Renaissance et qui « est coulée dans les moules politiques à partir de l'ère des Lumières ». C'est le projet d'autonomie : l'homme est sa propre loi. De l'Esprit (Moyen Âge), le curseur a été excessivement déplacé vers la Matière (à partir de la modernité), au risque de la démesure. L'érosion de ce qu'il restait des siècles chrétiens a ensuite amené, selon Soljenitsyne, à la situation contemporaine.
Corollaire de la société de l'abondance où le marché est roi, le droit est omniprésent en Occident. Ne permet-il pas de compenser la dégradation des mœurs ? Autant l'URSS est un État sans lois, autant l'Occident est aujourd'hui, selon Soljenitsyne, un juridisme sans âme. Il est dévitalisé par un droit « trop froid, trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique ». Il encourage la médiocrité, plutôt que l'élan. Il ne peut suffire à mettre les hommes debout, comme l'exigent pourtant les épreuves de l'Histoire.
Pour se hisser, l'homme a besoin de plus. Chez le chrétien orthodoxe qu'est Soljenitsyne, le remède est spirituel. En conclusion de son discours, il juge que « nous n'avons d'autre choix que de monter toujours plus haut », vers ce qui élève l'âme, plutôt que vers les basses futilités. Ce plus-haut est un frein aux pulsions, aux passions, à l'irresponsabilité. Il donne du sens. Il donne des raisons de se sacrifier, de donner sa vie. Le propos de Soljenitsyne est condensé dans la célèbre phrase de Bernanos : « on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Cette vie intérieure, chez le dissident passé par l'enfer du Goulag, est ce qui nous est le plus précieux. À l'Est, elle est piétinée par la foire du Parti, à l'Ouest ; elle est encombrée par la foire du commerce.
« Ne soutenir en rien consciemment le mensonge »
La philosophe Chantal Delsol, en s'appuyant en grande partie sur les dissidents de l'est (dont Soljenitsyne), a démontré dans La Haine du monde que la postmodernité poursuivait les mêmes finalités que les totalitarismes. Celles de transfigurer le monde et de renaturer l'homme. Seulement, elle le fait sans la terreur mais par la dérision.
La postmodernité, comme le communisme, engendre des démiurges qui font le choix du mensonge. Le démiurge se désintéresse de sa vie intérieure. Il veut, non pas se parfaire, mais être perfection. Il veut, non pas parfaire le monde, mais un monde parfait. Les apôtres de la gouvernance mondiale jettent les nations aux poubelles de l'Histoire. Les idéologues du gender font fi des différences sexuelles. Les transhumanistes promettent « l'homme augmenté » débarrassé de sa condition de mortel et capable de s'autocréer.
Comme Chantal Delsol, Alexandre Soljenitsyne explique l'attraction longtemps exercée par le communisme sur les intellectuels occidentaux par le lien avec les Lumières françaises, et leur idéal d'émancipation perverti, excessif, qui est toujours celui de la postmodernité. Dans ce cadre, l'enracinement est l'ennemi à abattre. Le matérialisme, qu'il soit communiste ou postmoderne, se déploie sur la destruction de ce qui ancre l'individu à un lieu et à une histoire et de ce qui le relie à un Plus-haut que lui-même.
Dans un autre discours, celui relatif à son prix Nobel qu'il n'a jamais prononcé, Alexandre Soljenitsyne écrit que seul l'art a le pouvoir de détruire le mensonge. L'homme simple, cependant, peut et doit le refuser: « par moi, ne soutenir en rien consciemment le mensonge ». Relire le discours du dissident russe, c'est retrouver la source de vérité et de courage. Sans elle, l'Occident ne se remettra pas debout face à ceux qui ne lui laissent le « choix » qu'entre deux options : la soumission ou la mort. ■
Laurent Ottavi est journaliste à la Revue des Deux Mondes et à Polony TV.
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Notre article « Refuser l'interdit jeté sur Maurras et sur sa maison à Martigues ! », paru jeudi dernier 2 août, a provoqué différentes réactions sur lesquelles nous sommes revenus en publiant le commentaire qu'on va lire. Précisons et confirmons : nous ne comptons pas nous en tenir là. Nous voulons susciter une campagne si possible intelligente et organisée pour restaurer l'image de Maurras comme citoyen de Martigues, comme Provençal, et libérer sa maison du Chemin de Paradis. Ce n'est qu'un début ! Nous y reviendrons ! LFAR
Le legs de la maison de Charles Maurras à la ville de Martigues ?
Ce qui est fait est fait et il n'est pas sûr qu'à long terme ce ne soit pas un bien. La municipalité communiste ne sera pas éternelle et même celle-ci, qui fut très raisonnable et positive sous le maire précédent, Paul Lombard, ne restera peut-être pas toujours sous l'influence des éléments sectaires qui y sévissent à ce jour. La municipalité de Martigues est une institution pérenne, tandis que les maurrassiens, il faut le reconnaître, n'ont pas été assez riches, assez nombreux ou assez généreux pour se charger de façon stable de la maison de Maurras.
Ce qui nous intéresse ici ce n'est pas de revenir sur le colloque à charge, tout à fait raté, du 30 mai dernier, à Marseille, au Mucem. Un débat avec ses protagonistes peut être formateur pour nos amis mais il n'y a aucune chance d'une discussion objective et honnête avec ses protagonistes. Ainsi en fut-il du procès Maurras que celui-ci, à juste titre, qualifiait de « fumisterie ». C'était un règlement de comptes.
Ce qui nous intéresse ici c'est de rechercher les voies et moyens de restaurer l'image de Maurras comme citoyen de Martigues et comme Provençal. Et de la restaurer en particulier à Martigues même, contre le clan municipal sectaire. Différents moyens existent. La période préélectorale des municipales sera favorable. Maurras ne compte pas à Martigues que des adversaires, loin de là. De nombreux arguments d'ordre littéraire, historique, culturel et communal, peuvent être avancés, diffusés, opposés aux sectaires. Il s'agit aussi et peut-être surtout de libérer la maison du Chemin de Paradis. Du travail en perspective mais passionnant, juste et noble. L'aide de tous sera utile, bienvenue ! ■
Ci-dessus : aquarelle de l’artiste avignonnais Louis Montagné
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Refuser l'interdit jeté sur Maurras et sur sa maison à Martigues !
Par Péroncel-Hugoz
Construire et déconstruire
De la dizaine de princes turcs qui, de Méhémet-Ali à Fouad II (1805-1953), régnèrent sur l’Egypte moderne en construction (le dictateur socialiste Nasser, lui, devait s’évertuer, de 1954 à 1970, à « déconstruire » ce grand œuvre), Ismail-Pacha, khédive régnant au Caire de 1863 à 1879, fut sans doute le plus francophile et le plus entreprenant. Ami de Napoléon III et de Ferdinand de Lesseps (lui-même apparenté à l’impératrice Eugénie), il ouvrit le Canal de Suez, remit bellement en marche l’un des plus vieux Etats-nations du monde, en dormition depuis le XV° siècle, et épaula militairement la France lors de nos expéditions de Crimée et du Mexique. Ajoutons que le khédive Ismaïl, comme les autres souverains de sa dynastie, avant ou après lui, traita bien la minorité chrétienne nilotique - Les Coptes, descendants directs du peuple pharaonique - , contrairement à ce qui s’était passé depuis la conquête de l’Egypte par les Arabo-musulmans, survenue peu après la mort de Mahomet.
Titres changeants, un même pouvoir
Les princes régnants de la dynastie anatolienne (et non pas albanaise, selon une erreur mille fois reprise) égyptianisée des Méhémetalides portèrent successivement les titres de vice-roi, pacha, khédive, sultan ou roi, au gré de l’évolution de leurs relations avec leur suzerain nominal, le sultan-calife ottoman de Stamboul. « Khédive » est un vieux mot persan signifiant « Seigneur » et qui fut choisi à un moment donné pour ne pas utiliser le terme de « Sultan » ce qui aurait alors risqué de froisser les dynastes ottomans, dont la susceptibilité protocolaire s’estompa ensuite.
Caroline Kurhan est française et elle a longtemps vécu en Egypte où elle a épousé un descendant colatéral de Méhémet-Ali, d’où son patronyme à consonance turque. Imprégnée de ce milieu, porteur d’une ample tradition historique ayant survécu à la destructrice révolution nasserienne, Mme Kurhan a publié, en France, près d’une dizaine d’ouvrages sur l’Egypte royale moderne, notamment Méhémet-Ali et la France (Maisonneuve et Larose, 2005), Une saga égyptienne 1805-2010 (Riveneuve, 2010) et Le roi Farouk. Un destin foudroyé (Riveneuve 2013).
Le grand siècle Méhémetalide
Lors de ses recherches, l’historienne s’est rendue compte qu’un des personnages-phare du XIX° siècle égyptien, le « Grand Siècle » de la dynastie méhémetalide, disparaissait et de l’actualité et de l’édition, après sa déposition faite à l’instigation de l’Angleterre, alors toute-puissante sur la Route des Indes, et comme toujours, partout, acharnée à nuire aux amis et aux intérêts de la France. Co-administrateur de la Dette égyptienne, consécutive aux immenses dépenses pour la modernisation technique de la vallée du Nil, Paris aurait pu tenir tête à Londres et sauver le trône d’Ismaïl. La Troisième République ne leva pas le petit doigt pour protéger ce prince égyptien qui avait vu un modèle en Napoléon III et invité l’impératrice à co-présider l’inauguration du Canal. Cette politique de « soumission » aux Anglais avait plus ou moins commencé, il faut le reconnaître, dès la Monarchie de Juillet et s’était poursuivie cahin-caha sous Napoléon III. L’empereur, comme le roi des Français, avait pour point faible son « anglomanie ». Sous le régime républicain ce serait, jusqu’à de Gaulle non compris une attitude presque toujours complaisante de la France face aux « perfidies » d’Albion (Fachoda, Dunkerque, Mers-el-Kébir, Communauté européenne): et ça repartit de Giscard d’Estaing jusqu’à Macron compris (1) (mais celui-ci pourrait peut-être revenir à une diplomatie plus indépendante), cette « complaisance » française s’étant déplacée du Royaume-Uni vers les Etats-Unis… De Charybde en Scylla, en somme…
Réfugié en Italie
Toujours est-il que Caroline Kurhan a voulu connaître et nous faire connaître les tribulations du khédive déchu après avoir dû céder le trône à son fils l’émir Toufik et s’exiler. Son livre ou plutôt livre-album d’une centaine de pages grand format est novateur tout à son long. On suit les activités et aléas du monarque déposé de l’Egypte à l’Italie, de l’Italie à la France, et à la Turquie, l’exilé songeant même à un moment à rallier Alger, alors chef-lieu d’une possession française, anciennement turque. Ismaïl était accompagné de plusieurs de ses épouses et concubines (en Islam ces « épouses secondaires », peuvent être aussi nombreuses que le mari peut en entretenir et tous leurs enfants sont automatiquement reconnus par leur géniteur, la loi coranique ne connaissant pas « l’enfant naturel ») ainsi que de nombreux collaborateurs et serviteurs. Tout ce monde fut d’abord installé à Naples, au palais Favorita puis le ci-devant khédive acquit d’autres résidences dans la Botte, séjourna à Vichy, en cure, dans un ancien « chalet » ayant été utilisé par Napoléon III (photo), enfin dans des hôtels parisiens cinq étoiles. Cette errance fut constamment entrecoupée, ce qu’on ignorait, de tentatives politico-diplomatiques d’Ismaïl pour remonter sur son trône, son fils Toufik devant alors le lui restituer au moins provisoirement. La France républicaine se montra très « molle » en cette affaire. Finalement l’ex-khédive fit de chaleureux adieux à son hôte principal en Europe, le roi Humbert 1er d’Italie, et gagna Constantinople, où il avait encore une résidence. L’exilé emmenait alors avec lui, sur le vapeur italien Regina-Margherita, 70 personnes, 20 chevaux et des tonnes de bagages. Enfin, résigné il devait mourir en 1895 (relativement jeune encore puisqu’il était né en 1830) dans la capitale de l’Empire ottoman. Il eut quand même la satisfaction posthume d’être inhumé au Caire où l’on peut voir son tombeau à six petits étages, de pur style oriental. Le harem du défunt rentra alors aussi au pays, étant composé, in-fine, de 83 épouses, concubines, suivantes et servantes… Le très « européanisé » khédive, le père du Canal des Deux-Mers, était, dans sa vie privée, resté très oriental. ■ Péroncel-Hugoz
Caroline Kurhan. Ismaïl-Pacha, un khédive en exil. 1879-1895. Maisonnneuve et Larose et Hémisphères Editions. 106 pages illustrées noir et blanc, 15 €
(1) Le mémorable refus français de participer à l’invasion états-unienne de l’Irak de Saddam Hussein, attribué à tort au président Chirac, fut une idée du seul ministre Dominique de Villepin, mais elle fut sans lendemain, tant les mauvaises habitudes de soumission étaient (et restent) ancrées chez une bonne partie des dirigeants français.
Le canal de Suez
Par Gabrielle Cluzel
C'est un bel et bon conseil que Gabrielle Cluzel nous donne pour cet été, avec son talent et son bon-sens habituels. [Boulevard Voltaire, 5.06]. Suivons-le !
Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel participe - d'ailleurs toujours brillamment - à certains de nos colloques et conférences, dont quelques unes sont les siennes propres. LFAR
Ainsi, donc, la moisson continue : alors que la saison bat son plein, TripAdvisor vient de classer le Puy du Fou troisième meilleur parc mondial, et en tête du classement en France et en Europe.
Le classement, explique Ouest-France, est fixé par un algorithme qui prend en compte quantité et qualité des évaluations des parcs d’attractions du monde entier. Bref, non seulement la foule se presse, mais elle ressort éblouie par le « Miracle de saint Philbert », le « Secret de la lance », le « Mystère de La Pérouse », le « Dernier Panache », le « Signe du triomphe », ou encore la « Renaissance du château »…
Et le Puy du Fou, c’est en effet tout cela à la fois.
Un mystère : comment une France biberonnée à Hanouna peut-elle goûter l’élégance, la culture, la profondeur, la piété dont est pétri le Puy du Fou ?
Un miracle : et en plus, ça fonctionne !
Un secret : qui n’appartient qu’à Philippe de Villiers mais dont on devine cependant une clé : parler aux tripes et au cœur, dans une communion de toutes les générations.
Une renaissance : celle de l’esprit français.
Un signe : en vingt… combien, au fait ? Encore combien d’années ? Quand la France, ayant retrouvé fierté, dignité et identité, sera à nouveau ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être – et n’en déplaise aux bonnets de nuit, cela arrivera -, on dira que le Puy du Fou permettait, pardi, de le prévoir et qu’il n’y avait que les aveugles ou les idiots pour ne pas s’en apercevoir.
Un panache : il faut bien dire que cet immense cortège, tantôt recueilli, tantôt trépidant, de chevaliers, de mousquetaires, de moines, de gentes dames, de soldats, de paysans, a une sacrée gueule, la vache !
L’Histoire de France est peuplée de serviteurs fidèles qui, dans l’adversité, quand le tonnerre gronde, les alentours sont assiégés et que le sol semble se dérober sous les pieds, enveloppent à la hâte une relique, un statue, un joyau, un symbole, ou même le Saint-Sacrement pour l’emporter au fond des bois, le préserver et continuer à l’honorer dévotement le temps que l’ennemi passe sa route et que le calme revienne. Philippe de Villiers est le serviteur fidèle, et son précieux dépôt l’âme française. Et quand la foule vient se presser de plus en plus nombreuse, comme aujourd’hui au Puy du Fou, c’est que, pour le trésor, l’heure de retrouver triomphalement sa châsse approche. Le nom d’un des prochains spectacles du Puy du Fou mériterait de contenir, pour que la litanie soit complète, le mot espérance.
Grands-parents, si vous ne deviez faire, avec vos petits marmousets, cet été, qu’une seule activité, ce serait celle-là : ils y trouveront de quoi devenir des hommes, et vous de quoi (re)devenir des enfants. ■
Ecrivain, journaliste
Par Guilhem de Tarlé
Hedy Lamarr : From Extase to WIFI, un film d’Alexandra Dean, dont le titre original est Bombshell, the Hedy Lamarr Story
« Je sais que je ne sais rien », et il date, mon souvenir de Samson et Dalila réalisé par Cecil B. DeMille…
Ce film confirme donc à la fois mon inculture cinématographique et mon inculture scientifique puisque ce nom de Hedy Lamarr, alias Hedwig Eva Maria Kiesler, ne me dit rien.
L’autre jour Giacometti, aujourd’hui Hedy Lamarr… je regrette de ne pas avoir pris ma retraite plus tôt, à courir les biopics pour découvrir des personnalités dont j’ignorais tout.
Je n’avais non plus jamais entendu parler du « saut de fréquence »… Peut-être une leçon de physique que j’ai oubliée ou, plus probablement, que j’ai oublié d’apprendre.
A Georges Brassens qui chantait - « on ne demande pas aux filles d’avoir inventé la poudre » -, et à tous les adeptes du « sois belle et tais-toi », l’actrice démontre, scientifiquement, qu’on peut être belle et, « en même temps », intelligente.
Un documentaire très intéressant, malheureusement distribué en VOST alors que l’essentiel est dans le commentaire et les entretiens qui accompagnent la mise en scène, par elle-même remarquable. Dommage qu’il faille se polariser, le cou tendu vers l’écran, sur des bouts de phrases, souvent mal tronqués, qui défilent trop vite, image après image, au lieu d’écouter le propos en en regardant l’illustration cinématographique.
Je le répète, je vais au cinéma pour voir, et non pas pour lire.
Sous cette réserve, on peut s’extasier devant une telle femme. ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
Le 23 avril dernier, des militants proches du Parti des indigènes de la République donnaient une conférence à l'université de Nanterre, en plein blocage
Mathieu Bock-Côté s'alarme des nouvelles réductions de la liberté d'expression au nom de l'idéologie diversitaire [Le Figaro, 2.08]. Au Québec, plusieurs spectacles ont été annulés en raison de l'« appropriation culturelle » dont ils feraient preuve. Analyse, comme toujours, brillante, juste, qui va au fond des choses. LFAR
L'été 2018, à Montréal, aura été celui de la censure, et sa principale victime, Robert Lepage, un dramaturge québécois, dont deux pièces ont été annulées coup sur coup. La première, SLAV, se voulait un hommage aux victimes de l'oppression et tournait autour de chants d'esclaves, alors que la seconde, Kanata, renversait le regard historique traditionnellement posé sur le Canada, en privilégiant celui des Amérindiens par rapport aux Blancs.
Lepage reconduisait, avec un génie dramaturgique indéniable, une lecture culpabilisante de l'histoire occidentale. Mais, sans le savoir, il était en retard sur la radicalisation du multiculturalisme. La controverse, chaque fois, s'est présentée de la même façon : un groupuscule prétendant représenter une communauté « minoritaire » a surgi pour accuser la pièce de se rendre coupable d'appropriation culturelle, c'est-à-dire d'une forme de pillage symbolique propre à la domination néocoloniale que subiraient les populations « racisées ». Dans un tel contexte, la peur de paraître raciste gagne alors l'espace public et un réflexe d'autocensure s'empare des esprits. Telle est la loi du politiquement correct.
Ainsi, les militants anti-SLAV ont-ils soutenu qu'il était absolument illégitime qu'une Blanche puisse reprendre des chants composés par et pour des Noirs. Cet argumentaire prônant un principe d'étanchéité ethnique et réhabilitant la race comme catégorie politique est typique de l'extrême gauche racialiste qui entend légitimer par là un authentique racisme anti-Blancs. Il confirme l'américanisation mentale de la société québécoise, poussée à plaquer sur sa réalité une grille de lecture qui lui est totalement étrangère.
Dans le deuxième cas, les militants amérindiens réclamèrent non seulement d'être consultés à propos du spectacle, mais de participer à sa confection. Certains se demandèrent si, dans cette logique, il fallait accorder un droit de veto aux groupes minoritaires lorsqu'une œuvre prétend traiter de son histoire ou de sa réalité. Chose certaine, l'espace public est aujourd'hui patrouillé par des milices identitaires toujours prêtes à s'indigner dès lors qu'on questionne l'image qu'elles prétendent projeter de leur «communauté».
Malgré les passions soulevées par le débat, la classe politique, dans son immense majorité, s'est montrée très discrète, à l'exception du chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, qui a dénoncé vigoureusement la situation. Du côté des artistes, rares sont ceux qui ont dénoncé la censure, et les dirigeants du Festival international de jazz de Montréal et du Théâtre du Nouveau Monde, qui devaient accueillir SLAV, se sont même excusés d'avoir heurté la communauté noire montréalaise et de ne pas avoir tenu compte suffisamment de ses préoccupations.
Ils s'accusèrent ainsi d'insensibilité à la diversité et auraient mérité leur mauvais sort. Plusieurs éditorialistes ont repris ce créneau. Sans endosser la censure, ils dénoncèrent la représentation médiatique insuffisante des minorités, qui serait à l'origine de leur colère légitime. Croyant se placer au-dessus du débat, ils ont repris le discours d'autoflagellation qui s'alimente à une terrible haine de soi. On peut voir dans cette lâcheté une forme de déclaration d'allégeance implicite au nouveau régime multiculturaliste, dont on ne contestera plus les dogmes et dont on reprend le langage.
Cette querelle est absolument typique de la décomposition de l'espace public en contexte diversitaire, qui met en scène la grande revanche contre la civilisation occidentale, dont on dénonce pêle-mêle la « blanchité », la « binarité », le caractère « hétéropatriarcal » et ainsi de suite. L'heure serait venue de la décolonisation de la vie publique, ce qui supposerait d'abord la censure de la perspective majoritaire, nécessaire à la multiplication des paroles minoritaires.
Les doléances s'accumulent publiquement avec la multiplication des catégories les plus improbables de dominés, comme on l'a vu avec l'emballement récent, dans le monde anglo-saxon, autour d'une pétition pour que Netflix suspende la diffusion d'Insatiable , une série annoncée pour le mois d'août accusée de «grossophobie». Pour sauvegarder l'estime de soi des différentes identités engendrées par la société diversitaire, leurs représentants autoproclamés seront en droit de déterminer en quels termes on devra parler d'elles. Celui qui prend la pose victimaire s'assure un privilège moral dans la vie publique.
L'œuvre d'art n'a plus d'autonomie propre: elle n'a de valeur qu'à travers la mission idéologique qu'on lui prête. Fait-elle la promotion de la diversité, de l'inclusion, des migrants, de la fluidité des identités sexuelles et ainsi de suite ? Si elle peut être mise au service de la bonne cause, et pour peu qu'elle soit autorisée par les comités diversitaires consacrés, elle sera célébrée, et probablement même financée.
Le Conseil des arts du Canada (CAC), d'ailleurs, a ainsi précisé que ceux qui veulent réaliser une œuvre d'art concernant les populations amérindiennes devront manifester publiquement leur respect à leur endroit, sans quoi leur demande de financement ne sera pas considérée. Comme l'a expliqué il y a quelques mois le directeur du CAC, « ce qu'on dit, c'est que, quand la proposition vient d'artistes qui sont blancs, il faut qu'on ait une preuve, une démonstration que, dans leur démarche artistique, les artistes qui proposent quelque chose soient en lien, en discussion, soient en consultation avec les autochtones ». On comprend jusqu'où mènera la généralisation de ce principe, qui consiste à réintroduire le délit de blasphème au nom du respect de la diversité.
On en tirera une leçon d'ordre général, valable pour les deux côtés de l'Atlantique : la question de la liberté d'expression pose directement celle du régime dans lequel nous vivons. Quelles sont les conditions d'entrée dans l'espace public ? Qui est autorisé à se prononcer sur les questions d'intérêt général ou particulier ? Faut-il élargir ou rétrécir les paramètres de l'espace public ? La tendance lourde, aujourd'hui, est à leur rétrécissement. Tout pousse à une forme nouvelle de censure, qui justifie même l'ostracisation médiatique des mal-pensants et leur disqualification morale. Tôt ou tard, il faudra, pour assurer la revitalisation démocratique de nos sociétés, entreprendre la restauration des conditions nécessaires à la liberté d'expression et à une délibération publique délivrée du chantage des groupuscules fanatisés qui réclament le droit de faire taire ceux qui ne chantent pas leurs vertus. ■
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf [2016].
Par Anne Bernet
Anne Bernet a interrogé Annie Laurent à l’occasion de la publication de son livre l’Islam aux Editions Artège, un livre clair qui s’adresse à tous ceux qui veulent comprendre le pourquoi et le comment de la situation actuelle, en Europe et particulièrement en France.
Annie Laurent, vous publiez un nouveau livre sur l’islam*, issu des textes que vous écrivez dans le cadre de l’association Clarifier**. Quel est le rôle de cette dernière ?
Comme son nom l’indique, cette association, que j’ai fondée avec quelques amis, a une vocation pédagogique qui concerne explicitement l’islam dans toutes ses dimensions.
Partant du constat que beaucoup de nos compatriotes sont déconcertés par le développement de cette religion en Europe, et qu’en même temps, ils errent dans le maquis des confusions, des approximations, des discours convenus et autres faux-semblants, nous voulons leur offrir des informations et des analyses fiables pour leur permettre de porter un regard lucide et vrai sur cette nouveauté à laquelle ils n’étaient pas préparés. L’association Clarifier espère aussi contribuer à l’élaboration d’attitudes fondées sur la raison et non seulement sur l’émotion, car il ne s’agit pas d’opposer un système à un autre, sous peine de céder à une approche idéologique. C’est pourquoi l’intelligence des réalités islamiques est indissociable d’un regard de bienveillance à porter sur les musulmans.
Vous tenez sur l’islam un discours clair, justement. Et vous n’hésitez pas à démontrer l’erreur qui consiste à considérer la violence et l’intolérance islamistes comme des dévoiements d’une « religion de paix et d’amour ». Pouvez-vous nous expliquer comment s’est forgé ce mythe bien-pensant ?
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident s’est laissé gagner par le pacifisme, attitude qui nie l’existence d’ennemis. Mais, malheureusement, cette utopie ne correspond pas à la réalité. Depuis le péché d’Adam et Éve, le mal est entré dans le monde. Il ne va pas s’évaporer comme par enchantement ! Par ailleurs, la décolonisation a engendré chez les Européens un complexe qui les pousse à l’auto-culpabilisation, au dénigrement de leur histoire et de leur identité, et à l’idéalisation de la culture des « autres », même si celle-ci comporte des aspects incompatibles avec les fondements de notre civilisation. Il est urgent d’en finir avec ces idées malsaines et mortifères.
Précisément, pouvez-vous nous donner un aperçu de ces incompatibilités ?
Selon moi, la plus importante concerne l’anthropologie et c’est peut-être la moins perçue. L’Europe, largement façonnée par la culture chrétienne, a mis la personne au centre de son projet civilisationnel. Ce concept s’enracine dans l’enseignement biblique selon lequel l’homme et la femme sont créés « à l’image de Dieu » (Gn 1, 27). Or, Dieu, tel qu’Il se révèle, est un Dieu personnel, Un en Trois Personnes, comme l’exprime le dogme de la Trinité. C’est de là que découle la dignité inviolable et inaliénable de l’homme, ainsi que sa liberté jusque dans sa conscience. Le Coran fait l’impasse sur ces magnifiques réalités : Allah soumet l’individu à une adoration servile et à l’autorité arbitraire d’une Loi (la charia) qui ne cherche pas forcément son bonheur, l’être humain étant inapte au dépassement moral ; Il l’enferme dans un carcan de devoirs, sous la surveillance constante de l’Oumma (la Communauté des musulmans) qui veille à ce qu’il ne s’écarte pas de sa religion, considérée comme « naturelle » ; Il instaure une supériorité des musulmans sur les non-musulmans, de l’homme sur la femme ; Il justifie le recours à la violence et l’injustice, notamment pour faire triompher l’islam. D’où bien des malentendus dans un langage qui semble partagé avec une religion comme le christianisme. Ainsi en est-il de la miséricorde (en islam, le pardon de Dieu est aléatoire et le talion entre hommes autorisé), de la paix (concevable là où l’islam domine), etc. Ces exemples illustrent l’aspect totalisant de l’islam, idéologie religieuse qui mêle le temporel et le spirituel, excluant donc la laïcité.
Bizarrement, nos féministes ne s’insurgent guère contre la place faite aux femmes dans l’islam. Pourtant, elle n’est guère avantageuse…
On retrouve là l’expression du complexe dont j’ai déjà parlé, à quoi il faut sans doute ajouter le rejet de tout ce qui peut provenir de la conception chrétienne. Mais le jour où nos féministes subiront le joug de l’islam, elles déchanteront peut-être…
L’on évoque parfois la nécessité d’une « modernisation » de l’islam. Vous en démontrez pourtant l’impossibilité…
Plutôt que d’impossibilité, je préfère parler d’obstacles, afin de ne pas enfermer tous les musulmans dans un cadre immuable et de ménager la liberté de ceux qui oeuvrent avec sincérité et courage à cette rénovation, indispensable à la paix du monde. Je vois deux obstacles structurels aux blocages qui entravent cette évolution. Il y a d’abord le statut « incréé » du Coran, considéré comme un Livre dicté en toutes lettres (arabes) par Allah Lui-même, donc sans que l’homme ait eu sa part dans la rédaction, comme c’est le cas avec la Bible. L’islam ignore d’ailleurs le concept d’inspiration. Ce Livre est réputé immuable et intangible. En outre, l’islam, du moins dans le sunnisme, que professent la plupart des musulmans, ne s’est pas doté d’une autorité magistérielle habilitée à délivrer une interprétation revêtue du sceau de l’authenticité. C’est pourquoi les intellectuels qui veulent vraiment adapter l’islam aux nécessités de notre temps, courent un double risque : soit être considérés et parfois jugés et condamnés pour ce crime comme des apostats, soit demeurer marginaux.
Vous êtes l’une des meilleures spécialistes du drame des chrétiens d’Orient. Qu’en est-il, au fait, de leur sort en terre d’islam ?
Depuis l’apparition de la religion de Mahomet, au VIIe siècle, et les conquêtes qui ont suivi, les chrétientés des pays concernés au Proche-Orient (Etats arabes, Iran, Turquie) et en Afrique n’ont cessé de décliner numériquement. Outre le djihad, la dhimmitude imposée par les pouvoirs musulmans a été – et demeure parfois – l’une des causes principales de cette diminution. Ce statut juridique impose aux chrétiens (mais aussi aux Juifs et aux Sabéens) des servitudes dans tous les domaines (religieux, politique, social, etc.), le but étant de les humilier jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, ils abjurent leur foi pour embrasser l’islam. Demeurer chrétien en terre d’islam relève de l’héroïsme et nous devons admirer les disciples du Christ qui tiennent à rester chez eux pour témoigner de l’Évangile, ceci jusqu’au risque du martyre.
Vous vous adressez en particulier aux catholiques, en posant les limites du dialogue interreligieux avec les musulmans. En quoi, selon vous, l’Église actuelle fait fausse route ?
La Bible nous montre un Dieu qui n’a cessé d’aller à la rencontre de l’humanité jusqu’à s’incarner Lui-même en Jésus-Christ. Les chrétiens, enfants de Dieu par le baptême, sont donc invités à imiter leur Seigneur, comme l’ont d’ailleurs fait les apôtres, puis les missionnaires de tous les temps. La mondialisation actuelle a poussé l’Église, attentive aux signes des temps, à élargir cette démarche à tous ses fidèles et à l’organiser. Cependant, les maux dont j’ai déjà parlé, tels que le pacifisme et le complexe post-colonial, ont aussi pénétré les milieux chrétiens, si bien que l’on a perdu de vue la finalité du dialogue qui est d’annoncer le salut à tous les hommes, donc aussi aux musulmans car ils y ont droit. Il en est résulté le relativisme actuel. Or, un dialogue qui exclut la vérité devient une démarche mondaine dépourvue d’une authentique charité, comme l’ont rappelé plusieurs documents magistériels depuis le concile Vatican II.
Comment voyez-vous l’avenir proche de l’Europe confrontée à l’islam et quels remèdes préconisez-vous ?
Il est indéniable que l’heure est grave. Si l’Europe veut vraiment relever le défi de l’islam, elle doit donner aux musulmans qu’elle accueille un vrai désir de s’intégrer en renonçant à leur culture. Pour cela, les sociétés européennes doivent proposer un modèle de société attrayant. Cette démarche passe par un renoncement au laïcisme et la restauration d’une saine laïcité (unité-distinction, selon la formule de Benoît XVI) ainsi que par la restauration d’une Cité vertueuse, sans craindre la vertu de force, qui n’est pas synonyme d’agressivité mais revêt une réelle dimension morale. La réponse au défi de l’islam est donc tout à la fois politique, morale et spirituelle. ■
* L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaîsent pas encore), Préface de Rémi Brague, Éd. Artège, 287 p, 19,90 €
** Association Clarifier, Galaxy 103, 6 bis rue de la Paroisse, 78000 Versailles
www.associationclarifier.fr
Aquarelle de l’artiste avignonnais Louis Montagné
Refuser que Maurras soit rejeté de Martigues sous divers prétextes, que sa maison du Chemin de Paradis, si chargée de symboles et d'histoire, soit interdite aux visiteurs, que l'accès en soit refusé même aux équipes de télévision et aux journalistes, que l'existence de cette maison puisse être menacée, le tout en raison du sectarisme d'une certaine partie de l'équipe municipale (communiste), nous paraît être un devoir et une urgence, non seulement envers la mémoire de Charles Maurras, mais surtout envers les lettres françaises et le patrimoine philosophique et politique de notre pays. Enfin, envers Martigues dont Maurras est l'un des fils les plus illustres.
Lors d'un colloque à charge organisé à peu près sans public le 30 mai dernier au Mucem à Marseille, avec la participation d'un aréopage d'universitaires* proches de la mouvance municipale martégale citée plus haut, il a été affirmé que Maurras n'avait pratiquement pas vécu à Martigues et qu'il ne parlait pas le provençal ... Cette dernière assertion apparaît à proprement parler ridicule : Maurras, disciple et ami de Mistral, était majoral du félibrige. Il n'aurait pu l'être s'il n'avait pas parlé et écrit le provençal. Son oeuvre, de sa jeunesse à sa mort, illustre, en maints ouvrages, en prose ou en vers, l'histoire et les beautés de Martigues. Son renom immense au cours du XXe siècle a immanquablement rejailli sur Martigues. Nous y reviendrons, preuves à l'appui.
Nous élever contre ce sectarisme qui voudrait exclure Maurras - et sa maison - du patrimoine de Martigues nous paraît s'imposer comme une réaction d'honnêteté et d'intelligence. Cette question apartisanne - axée sur le seul respect dû à Maurras, à son oeuvre et à sa demeure de Martigues - ne devrait pas manquer d'être posée, notamment dans la période préélectorale qui conduira aux municipales de 2020. Nous la posons et la reposerons, ici. Mais sans-doute sera-t-elle aussi soulevée sur place, sur le terrain à Martigues, en Provence et ailleurs. Souhaitons que ce soit de façon intelligente et constructive.
On lira ou relira aujourd'hui le poème dédicatoire d'Anatole France écrit en guise de préface à la première édition du Chemin de Paradis, le premier livre de Charles Maurras, publié en 1894. Maurras a vingt-six ans, France est l'un des plus illustres écrivains du temps. Les eaux de lumière fleuries qu'il évoque en ouverture du poème, ce sont celles de Martigues. Le chemin de Paradis où se trouve la maison de Maurras les longe. A vingt-six ans, déjà, Maurras contribue à la gloire de Martigues. A suivre ! Lafautearousseau
* Jean-Louis Fabiani (sociologue), Bruno Goyet (agrégé et docteur en histoire), Sébastien Ledoux (historien), Florian Salazar-Martin (adjoint à la mairie de Martigues, délégué à la culture). Modérateur : Eduardo Castillo (journaliste et écrivain)
« Au bord des eaux de lumière fleuries,
Sur l’antique chemin où le Vieillard des mers,
Entre les oliviers de la Vierge aux yeux pers,
Vit dans leur manteau bleu passer les trois Maries,
Tu naquis. Ton enfance heureuse a respiré
L’air latin qui nourrit la limpide pensée
Et favorise au jour sa marche cadencée.
Le long du rivage sacré,
Parmi les fleurs de sel qui s’ouvrent dans les sables,
Tu méditais d’ingénieuses fables,
Charles Maurras ; les dieux indigètes, les dieux
Exilés et le Dieu qu’apporta Madeleine
T’aimaient ; ils t’ont donné le roseau de Silène
Et l’orgue tant sacré des pins mélodieux,
Pour soutenir ta voix qui dit la beauté sainte,
L’Harmonie, et le chœur des Lois traçant l’enceinte
Des cités, et l’Amour et sa divine sœur,
La Mort qui l’égale en douceur. » ■
Lire aussi dans Lafautearousseau ...
Nouvelle « affaire Maurras » : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...
« Prenons par exemple le Coran : ce mauvais livre a suffi à fonder une religion universelle, à satisfaire le besoin métaphysique de millions de personnes depuis plus de 1200 ans, et à devenir le fondement de leur morale, à leur inspirer un mépris considérable pour la mort, ainsi qu'un enthousiasme pour les guerres sanglantes et les plus vastes conquêtes. Nous trouvons en lui la figure la plus triste et la plus misérable du théisme. Sans doute, beaucoup de choses se sont perdues dans la traduction, mais je n'ai pu y découvrir une seule pensée de valeur.. Cela prouve que le besoin métaphysique et l'aptitude métaphysique ne vont pas de pair. » •
Schopenhauer
Le Monde comme volonté et comme représentation
Merci à Jean de Maistre
Un entretien du Cercle Henri Lagrange avec Philippe Conrad
Disons d'abord que les entretiens du Cercle Henri Langrage sont en général d'une grande qualité. Celui-ci n'échappe pas à la règle. Selon le formule habituelle, on n'est pas forcément d'accord sur tout. Mais il y a là de la part de Philippe Conrad une réflexion de fond sur le nationalisme - histoire, idéologie, avenir - qui nous intéresse au premier chef. A propos de plusieurs sujets, Philippe Conrad met en garde contre deux écueils pouvant affecter notre perception de l'histoire du nationalisme français : l'anachronisme et le manichéisme simplistes. Par paresse d'esprit ou information insuffisante. Ceux qui se donneront la peine d'écouter cet entretien très substantiel de près d'une heure et demie en tireront le plus grand bénéfice. Recommandé aux cadres du mouvement royaliste ! LFAR
Philippe Conrad est essayiste, historien et journaliste français, professeur d’histoire et directeur de séminaire au Collège interarmées de défense de 2003 à 2007, rédacteur en chef de La Nouvelle Revue d’histoire de 2013 à 2017, professeur d’histoire de l’Église au séminaire Saint-Philippe-Néri, président de l’Institut Iliade depuis 2014.
0:22 Définition du nationalisme
2:29 Nationalisme et révolution française
6:09 La Révolution française fut-elle nationaliste ?
9:07 Le nationalisme de gauche au XIXeme siècle
14:39 Le nationalisme français germanophobe
19:43 Le nationalisme français et le colonialisme
23:47 Le général Boulanger
27:56 L’affaire Dreyfus
32:32 Édouard Drumont
34:23 Déroulède et Barrès
38:39 Le nationalisme français et la question de la race
42:15 Charles Maurras
45:15 Le nationalisme français : une préfiguration du fascisme ?
49:24 Le colonel de La Rocque
52:37 La tentation fasciste
56:03 Le Parti populaire français
1:00:47 Marcel Déat
1:03:49 Gaullistes et pétainistes : une lutte pour la légitimité
1:08:46 Le discrédit du nationalisme après-guerre
1:10:45 le renouveau du nationalisme en France dans les années 60
1:13:52 Le Front National
1:18:43 La « Nouvelle Droite » et la voie européenne
1:23:18 Souverainisme et nationalisme
1:25:04 L’avenir du nationalisme
Le tome II des Œuvres capitales de Charles Maurras, sous-titré Essais politiques, s’achève par un texte court au titre prometteur : L’Avenir du nationalisme français.
En exergue, on y lit la mention suivante : Ces pages forment la conclusion du mémorial publié sous le titre POUR UN JEUNE FRANÇAIS chez Amiot Dumont, Paris, 1949.
Maurras y démontre comment « le nationalisme français se reverra, par la force des choses…» Force des choses qui, aujoud'hui, semble bien s'exercer sur la France avec intensité, avec caractère de gravité, de divers ordres, intérieurs et extérieurs.
Et justifier la permanence ou le retour d'un nationalisme français, tel que Maurras l'illustre et le redéfinit ici.
Par quoi ce très beau texte trouve toute son actualité.
Lafautearousseau
Par Christian Tarente
Publié le 22 juin 2018 - Réactualisé le 29 juillet 2018
LE CENT-CINQUANTENAIRE DE CHARLES MAURRAS Ses adversaires s'inquiètent. On ne saurait leur donner tort : leur principal atout était de voir Maurras condamné non seulement à la dégradation nationale, mais surtout à la mort éditoriale. Une peine de mort qu'on a oublié d'abolir ! Il y eut, certes, des tirages confidentiels, mais les grands éditeurs étaient peu soucieux de laisser ce nom honni compromettre leur image. Or les choses bougent...
C'est un modeste mais réel printemps éditorial maurrassien qui nous est offert aujourd'hui.
Une petite flottille d'ouvrages, sortie de l'enfer, a appareillé et vogue vers la haute mer. À vrai dire, seul le vaisseau amiral - l'anthologie publiée dans la collection « Bouquins » - répond directement à l'urgence d'une réédition des textes. Les autres, des navires d'accompagnement, relèvent surtout du commentaire, mais tous profitent du vent favorable suscité par l'affaire du « livre des commémorations ».
Avant d'entrer au gouvernement, Mme Nyssen dirigeait les éditions Actes Sud : commémorer l'enfant de Martigues, provençal de naissance et de coeur, était pour elle une exceptionnelle occasion d'agir pour le Sud... Elle y a réussi - malgré elle, dirait-on... - au-delà de toute espérance !
DIVINE SURPRISE : LA COLLECTION « BOUQUINS » CRÉE L'ÉVÉNEMENT
Mais saluons d'abord la sortie du livre-événement. Le travail effectué par l'universitaire Martin Motte pour réunir en un seul volume de 1200 pages l'essentiel de l'opus maurrassien force le respect. De même que la préface de plus de trente pages de Jean-Christophe Buisson, du Figaro magazine, sous le titre - certes un peu discutable - d'Un prophète du passé, constitue un essai complet sur le sujet, plein de vie et de richesses multiples. À ce double travail, accueilli chez Robert Laffont dans la collection Bouquins, ne manquent sans doute pas les critiques à faire. Elles le seront en temps utile. Mais il s'agit le plus souvent d'observations passionnantes et propres à susciter et enrichir le débat. Or rien n'a plus nui à Maurras depuis un demi-siècle que la conspiration du silence. On l'avait jeté au fond du puits, mais c'était « le puits et le pendule » d'Edgar Poe, les enfouisseurs le vouaient à une mort inexorable. La vérité, cependant, finit toujours par sortir du puits !
En feuilletant ce livre, en parcourant sa table des matières, en lisant les introductions proposées par Martin Motte avant chaque partie, en consultant les notes en bas de page, on devine déjà le colossal travail consenti pour choisir et ordonnancer les textes d'un homme qui a publié, sa vie durant, plus de pages que Voltaire. Sa vie s'est confondue avec son oeuvre, avec cette conséquence que ses livres pouvaient ne jamais être achevés. Les textes - souvent des articles commandés par l'actualité - se chevauchaient au fil des différentes éditions d'ouvrages, qui semblaient ne jamais le satisfaire. Quand, peu avant sa mort, il conçut ses Œuvres capitales, il pensa qu'elles constitueraient son « avenir total ».
Erreur : les choix de Martin Motte se révèlent assez largement divergents. Un seul exemple : Mes idées politiques, ouvrage paru en 1937, composé de morceaux choisis et d'une préface inédite (son célèbre texte sur la politique naturelle) n'était pas retenu par Maurras sous cette forme. En revanche, l'édition « Bouquins » a estimé que la popularité de ce livre et de son titre justifiait son maintien : un choix défendable... autant que discutable, comme le sont tous les choix.
Les lecteurs les plus attachés à Maurras regretteront les manques énormes - aussi inévitables que les regrets qu'ils suscitent -, et les grands livres dont ne figurent que des extraits : mais nombre de jeunes lecteurs, et même de moins jeunes, y trouveront sûrement un accès plus aisé. Il nous faudra revenir sur ce livre, notamment sur la préface de Jean-Christophe Buisson. Ce sera dans les années à venir un indispensable manuel pour découvrir et fréquenter l'oeuvre d'un homme qui, à l'orée du XXe siècle, eut un regard si pénétrant qu'il nous concerne tous encore aujourd'hui. Un dernier mot : le livre s'achève sur le procès de 1945, avec les textes du réquisitoire et de la plaidoirie. Ils sont précédés d'une présentation qui dit, avec une grande précision et une louable modération de ton, toute l'iniquité de ce qui n'a été qu'une parodie de justice.
AU TEMPS DE LA « REVUE GRISE »
Parmi les ouvrages qui font le mieux revivre les débuts remuants de l'Action française - comme ceux de Léon S. Roudiez et de Victor Nguyen - L'Âge d'or du maurrassisme de Jacques Paugam a pris toute sa place avec un singulier mélange de vive sévérité critique et de générosité du regard. En cet « entre-deux-siècles » si agité et si fécond des années 1900, la Revue d'Action française - bimestriel vite surnommé la Revue grise - apparaît comme un « think-tank », un laboratoire d'idées tout à fait innovant. Paugam a ce mot qui peut donner une idée du ton de son livre : « À travers cette lutte permanente, le véritable portrait de Charles Maurras se dessine, assez peu conforme à l'idée qu'on se fait généralement de lui : on est frappé par sa modestie. » La réédition de ce livre datant de près d'un demi-siècle, est bienvenue, d'autant plus qu'elle bénéficie d'une très remarquable préface, inédite, de Michel De Jaeghere, dont le long passage consacré à l'antisémitisme d'État maurrassien est exemplaire. Ce sujet qui, sur le fond, n'avait pas une telle importance pour Maurras, est devenu, pour nous, hypersensible. Porter un jugement vrai et pouvant être compris aujourd'hui apparaît toujours très difficile. Il n'est pas sûr que De Jaeghere y parvienne totalement, mais peu ont avancé aussi loin que lui sur ce terrain qui a été systématiquement miné.
MAURRAS CONDAMNÉ À ÉCHOUER ?
Un petit ouvrage pédagogique a connu un grand succès chez les jeunes militants depuis les années 70, Maurras et la pensée d'Action française, dû à un juriste universitaire, Maurice Torrelli. En cent pages, l'essentiel est dit sur la démocratie et les libertés, le nationalisme, la monarchie, et les mérites de l'empirisme organisateur. Devenu introuvable, le « Torrelli » vient d'être réédité par les toutes jeunes Éditions de Flore, dont c'est la première publication. En le faisant, lui aussi, bénéficier d'un remarquable avant-propos, dû cette fois à François Marcilhac.
Il ne faudra pas non plus laisser passer cette « année Maurras » sans avoir lu les douze textes d'hommage réunis par Marc-Laurent Turpin pour les éditions Apopsix. Axel Tisserand décrit la fidélité du Martégal à la Maison de France, Paul-Marie Coûteaux et Christian Vanneste analysent (chacun à sa manière) les influences maurrassiennes sur de Gaulle. D'autres - Anne Brassié, Philippe Prévost, Michel Fromentoux...- témoignent, ou évoquent Maurras, le Provençal, la question religieuse, l'homme... Hilaire de Crémiers, qui passe en premier, a cette phrase qui pourrait être de conclusion (provisoire...) : « Ne fallait-il pas sortir de l'échec répété ? Puisque, malgré le prestige de l'homme et le rayonnement de l'oeuvre, une sorte de fatalité les a condamnés à ne pas réussir. À jamais ? C'est une grave question à laquelle l'homme a répondu, mais à sa manière. Étonnante, mystérieuse ! » •
L'AVENIR DE L'INTELLIGENCE ET AUTRES TEXTES, DE CHARLES MAURRAS
Édition établie par Martin Motte,
préface de Jean-Christophe Buisson
Éditions Robert Laffont,
coll. Bouquins, 2018,
1226 p. 32 €
L'ÂGE D'OR DU MAURRASSISME,
de Jacques Paugam
Préfaces de Michel De Jaeghere et Jean-Jacques Chevallier Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018,
402 p. 25 €
MAURRAS
ET LA PENSÉE D'ACTION FRANÇAISE,
de Maurice Torrelli
Avant-propos de François Marcilhac
Éditions de Flore, 2018,
104 p. 10€
REGARDS SUR MAURRAS
(12 auteurs)
Ouvrage collectif d'hommage
pour un cent-cinquantenaire
Éditions Apopsix, 2018,
284 p. 20 €
Nîmes - La romanité aux prises avec « la diversité » [1]
Des Africains jeunes et moins jeunes
Nîmes - La romanité aux prises avec « la diversité » [2]
Auguste et Antonin
Nîmes - La romanité aux prises avec « la diversité » [3]
De Napoléon III à Vichy
Nîmes - La romanité aux prises avec « la diversité » [4]
Un duo à la mode bobo
Nîmes - La romanité aux prises avec « la diversité » [5]
Des Africains jeunes et moins jeunes
Bonne lecture ...
Le Musée de la Romanité à Nîmes est ouvert tous les jours de 10 h à 19 h en juin, de 10 h à 20 h en juillet-août. Ensuite, tapez ou cliquez museedelaromanite.fr
Par Guilhem de Tarlé
Mamma mia ! Here we go again : un film américain de Ol Parker, avec Meryl Streep
Autant j’aime la bonne chanson française, autant je ne suis pas fan des étrangères que je suis incapable de fredonner moi-même…
Seules peuvent ressortir du lot certaines mélodies, certains rythmes et, maintenant, une certaine nostalgie.
Le groupe Abba avait, en son temps, produit quelques musiques que j’avais pu entendre avec plaisir…
Je n’ai jamais vu la comédie musicale éponyme, et j’ai regardé le premier Mamma mia en DVD seulement lundi dernier. Parmi les dizaines de titres repris par ces deux long-métrages je n’en ai reconnu que quelques-uns… C’est dire si je suis peu amateur.
Un beau spectacle, dans un beau paysage, avec de belles chorégraphies, que mon épouse, bien meilleure connaisseuse que moi, a beaucoup aimé.
Heureusement les filles étaient jolies. ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.