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Idées, débats... - Page 408

  • Cinéma • Yéti & compagnie

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : Yéti & compagnie, un film d’animation américain de Karey Kirkpatrick.


    GT Champagne !.JPG« J’aurais pu ne pas le voir »…. Evidemment puisque c’est un film pour enfants…

    Eh bien Non ! Précisément, puisque c’est un film pour enfants, j’aurais pu passer, à tout le moins, une bonne soirée, m’amusant d’entendre s’esclaffer deux de mes abominables yétis-enfants, pardon, charmants petits enfants, âgés de 8 et bientôt 6 ans, que j’y avais emmenés.

    smallfoot-2-photo6-2000x940.jpgCertes, ils ont ri deux ou trois fois, certes la salle a pu rigoler devant tel ou tel gag, et moi-même j’ai pu sourire… mais la récolte est quand même bien maigre avec ce scénario compliqué à loisir, qui inclut comédie musicale, chanteur déjanté et rap, inaudibles, pour raconter l’histoire bien simple d’un yéti qui découvre l’existence du « petit-pied », l’homme.

    Oui, mes petits-enfants m’ont dit « avoir aimé…, sans plus » précise le plus jeune… Mais je ne les ai pas entendus en parler sur la route du retour, sauf ma petite-fille qui s’est plainte, à juste titre, d’une musique trop forte qui lui a donné mal à la tête. 

    sans-titre.pngIl manque à ce réalisateur d’être comme un enfant, aussi naïf et innocent qu’un enfant… Une innocence qu’il prend d’ailleurs en otage quand, sous prétexte de les faire rire, il diffuse des messages non seulement politiquement corrects, comme le « vivre ensemble » - on a peur de l’être différent parce qu’on ne le connaît pas -, mais aussi un discours plus radicalement révolutionnaire contre « ce qui est gravé dans la pierre », et donc le refus de tout dogme.

    On notera par surcroît - féminisme oblige - que le premier yéti qui s’oppose au « gardien de la pierre » est une première…   

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Le prince Jean de France sur France 2 en conclusion du dernier Secrets d'Histoire ...

     

    Le blog La Couronne indique que cette émission a été regardée par plus de  1 775 000 téléspectateurs.

    Elle a été conclue par une courte interview de S.A.R. le prince Jean de France sous la coupole de la chapelle royale de Dreux.

    Vous pouvez voir ou revoir cette intervention du Prince dans la vidéo qui suit.   

     
    Secret d'Histoire sur « Louis-Philippe et Marie-Amélie, notre dernier couple royal », visite de la Chapelle Royale de Dreux avec intervention de S.A.R. le prince Jean de France duc de Vendôme dans l'émission du 30.10.2018

    La Couronne

  • Destins français ...

    Charles Mauras et Stephen Miller, l'Américain 

     

    580234331.2.jpgOn a beau avoir voulu étouffer la pensée de Maurras sous des reproches d'infamie, avoir cru s'en être débarrassé en le réputant coupable d'une vilaine affaire de trahison à quoi personne n'a pu croire, sa pensée, comme une source dont on voudrait arrêter de force le jaillissement, ne cesse de se répandre, d'exercer, comme jadis, son influence sur les esprits les plus lucides, les mieux informés, les plus agiles et, finalement  les plus influents du moment parmi ceux qui refusent la perspective d'un dépérissement français définitif.   

    Il arrive même que l'impact des idées maurrassiennes atteigne les plus hautes sphères de l'appareil d'État, le sommet des rouages de la République, comme cela fut le cas sous la présidence de Nicolas Sarkozy, lorsque Patrick buisson fut son principal conseiller, en tout cas le plus écouté. En vain, mais la filiation maurrassienne de Patrick Buisson, pour qui l'a lu et a lu Maurras, est des plus évidentes. On sait que même Outre-Atlantique, de grands lecteurs de Maurras, Steeve Banon, Steffen Miller, ont entouré le président Trump, écrit ses discours ...

    Ce n'est pas un hasard si ces penseurs ou ces praticiens de la chose politique prennent les doctrines de Maurras pour l'une de leurs références. Ces gens-là ne sont pas issus des vieilles fidélités maurrassiennes qui, de toute façon, ont déjà quitté ou sont en train de quitter la scène du monde. C'est parce que ces doctrines sont une des clefs de lecture du monde actuel tel qu'il est réellement et non pas fantasmé. L'une des plus fécondes, des plus efficaces pour comprendre nombre de situations et de phénomènes contemporains.

    De sorte que se reconnaître héritiers de la pensée de Maurras, comme nous-mêmes, ce n'est pas se raccrocher au passé, à une pensée d'un temps stupidement dit révolu, c'est parler de l'actualité. Et dans l'actualité.

    Cw4dB_kXEAASYVP.jpgLes trois auteurs de livres politiques de très loin les plus lus, ceux qui font les plus grands tirages, les succès les plus spectaculaires, sont aujourd'hui Philippe de Villiers, Patrick Buisson et Éric Zemmour. Tous trois - quoique très différemment - pétris de culture et d'influences maurrassiennes et bainvilliennes. A en faire frémir d'horreur Raphaël Glucksmann et susciter ses larmes faciles. Lacrimae rerum .. ?

    Éric Zemmour, dans ses textes aussi bien que dans les innombrables débats auxquels il est invité parce qu'il est gage d'audience, ne cesse de se référer à l'Action française, au grand Bainville, à Maurras, reprenant ses analyses, ses expressions, implicitement ou explicitement. Il a même le courage de le défendre jusque dans ses aspects les plus contestés. Courage intellectuel et compétence historique qui manquent à beaucoup et jusque dans les rangs de l'Action française stricto sensu.

    destin-francais-1118916-264-432 - Copie.jpgDans Destin français,  cette présence « Action Française » a aussi ému Laurent Joffrin qui s'est offert le luxe (il est né dedans, dit-on) de publier dans Libération, le 16 octobre, un article intitulé Charles Zemmour et Eric Maurras, reprenant ainsi une formule qu'il doit trouver spirituelle puisqu'il l'avait déjà utilisée en février de cette année. De cet article, la dernière phrase dit tout : « le livre s'appelle Destin français. Il y avait un meilleur titre : Action française. » Une obsession, décidément. Mais oui, pourtant, action française c'est très bien.   

    En somme, si nous parlions moins ou pas du tout de Maurras, comme on nous y invite parfois, nous finirions par être les seuls ... Qu'y gagnerions-nous ? Ni la bienveillance de nos adversaires, ni celle des médias, ni la considération de quiconque. Pas même la nôtre propre.

    Ignorer Maurras, ce pourrait être, après tout, une tactique. On aura compris que ce n'est pas celle que nous retenons.  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (101 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • « Charles Zemmour - Eric Maurras » et ... Laurent Joffrin. Y a pas photo !

    Entre Maurras et Joffrin, la différence est entre un maître de la pensée et un comique-troupier 
    Par Laurent Joffrin
    Libération, 1

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgLibération étant plutôt en perdition - à vendre au premier milliardaire de passage - on est plus habitué à voir Laurent Joffrin sur les plateaux de télévision qu'à le lire dans son journal. Il y donne toujours l'impression de se payer la tête de son voisin, prend l'air supérieur, goguenard, dispensateur de leçons, définisseur du Bien et du Mal, distribue les bons et les mauvais points avec une autorité détachée des choses mineures et parle la langue de bois universelle des bobos friqués de la gauche fraternelle.  

    Nous ne commenterons pas cet article, archétype de polémique langagière et de mauvaise foi. Il faut le lire pour se faire une idée de la chose. Le lecteur appréciera, rectifiera ! Lafautearousseau

     

    logo-LIBERATION.jpgCharles Zemmour et Eric Maurras

    Le livre du polémiste favori de l’extrême droite se présente comme une contre-histoire. Il ressuscite en fait un récit nationaliste et autoritaire, remplaçant la haine des Juifs par la dénonciation de l’islam. 

    652850-france-media-nouvel-observateur-jofrin.jpgCette fois la pensée de droite a franchi la ligne rouge. On le pressentait depuis que l’obsession de l’identité - que certains, hélas, encouragent à l’extrême gauche - a conduit au procès oblique de « l’idéologie des droits humains ». Avec Zemmour c’est chose faite. Son Destin Français, dernier opus du publiciste favori de l’extrême-droite, ne livre qu’un seul message : les libertés publiques sont désormais un obstacle au salut de la nation. Une phrase résume le livre (p. 191) : « Ignorant les leçons du passé et oubliant les vertus de son histoire, la France saborde son État au nom des droits de l’homme et l’unité de son peuple au nom de l’universalisme. » La liberté : voilà l’ennemie.

    Après une introduction personnelle, plutôt bien troussée, Zemmour livre un essai chronologique, de Clovis à nos jours. Le livre se présente comme une contre-histoire qui dégonfle les mythes officiels - ce qui se conçoit. Il déterre en fait l’histoire monarchiste nationaliste telle qu’elle fut diffusée par Maurras, Bainville et quelques autres entre les deux guerres. Une histoire cursive, soigneusement écrite, mais une histoire à œillères, outrageusement partisane.

    Pour Zemmour, l’histoire de France commence avec Clovis. Choix significatif. Bien sûr, le roi franc a étendu par la guerre son petit fief de Belgique à un territoire qui évoque l’actuel hexagone, il a choisi Paris pour capitale et, surtout, il s’est converti au christianisme. Pour le reste, le choix est arbitraire : Clovis n’a rien de français (il s’appelle Chlodowig et parle une langue à consonance germanique) et n’a aucunement l’idée d’un pays qui pourrait s’appeler la France. A sa mort, son royaume se désunit et il faut attendre deux siècles pour que Charles Martel reconstitue une entité hexagonale, elle-même englobée dans l’empire de Charlemagne - Karl der Grosse pour les Allemands, qui le revendiquent tout autant - puis de nouveau divisée après le traité de Verdun de 843. A vrai dire, les historiens s’accordent pour dater de Bouvines, ou de la guerre de Cent Ans, l’apparition d’un royaume qui annonce la future France, avec un début de sentiment patriotique. Le choix de Clovis n’a qu’une seule origine : la volonté de célébrer « les racines chrétiennes » du pays.

    « Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis choisi comme roi de France par la tribu des Francs qui donnèrent leur nom à la France...» 

    Charles de Gaulle, 1965

    Tout est à l’avenant : on met en scène un peuple catholique par nature patriote, opposé à des élites cosmopolites. Jeanne d’Arc mobilise le camp armagnac, plus conservateur, contre les Bourguignons alliés aux Anglais, pourtant tout aussi « français » que leurs adversaires. Louis XIII et Richelieu ont cent fois raison de réprimer les protestants, accusés de séparatisme ; Catherine de Médicis tente la réconciliation pendant les guerres de religion, mais bascule du côté des catholiques avec la Saint-Barthélémy que Zemmour justifie à mots couverts pour approuver ensuite l’instauration de l’absolutisme - éloge ému de Bossuet -, régime régressif qui a pour seul mérite d’unifier la future nation. Louis XIV, autre héros zemmourien, expulse les protestants, œuvre pie. Il a pourtant ruiné son peuple et mené des guerres incessantes et vaines. Pas un mot sur le Code noir et l’essor de l’esclavage organisé par Colbert au nom du Roi-Soleil.

    Louis XIV, des guerres incessantes et vaines ?

    Relire Louis Bertrand ! Et tous les historiens honnêtes … Le Roussillon, l’Artois, la Franche-Comté, l’Alsace … et surtout un prince français sur le trône d’Espagne. Louis XIV a reconnu avoir trop aimé la guerre mais les guerres qu'il a menées n'ont pas été « vaines » ...

    Les Lumières inoculent à la vieille France l’illusion universaliste qui corrompt l’identité française. Le chapitre sur Voltaire (qui avait certes des défauts) n’est qu’une démolition systématique ressuscitant le vieux réquisitoire réactionnaire contre le philosophe et son « hideux sourire ». Robespierre bénéficie d’un éloge paradoxal pour avoir incarné une République impérieuse et nationale. Sans craindre la contradiction, Zemmour porte aux nues l’insurrection vendéenne (classique de la littérature monarchiste) alors qu’elle fut massacrée sans retenue sous l’égide du même Robespierre. Bonaparte est célébré pour avoir mis fin à la Révolution et étendu sur l’Europe une tyrannie dont Zemmour passe sous silence les tares les plus évidentes. Les Anglais puis les Américains sont fustigés comme agents de la mondialisation sans âme. Le Front populaire disparaît, comme sont effacées du récit les conquêtes du mouvement ouvrier. Pétain est réévalué (réhabilité ?) parce qu’il a opposé aux Allemands son « bouclier » complémentaire du « glaive » de la France libre, vieille thèse maréchaliste qui revient à jeter aux orties le travail des historiens contemporains. La théorie du « bouclier » s’effondre d’elle-même quand on remarque que Pétain a poursuivi la collaboration jusqu’au bout pour finir à Sigmaringen après avoir prêté la main à la déportation des Juifs. Drôle de bouclier…

    Pétain a été emmené de force par les Allemands à Sigmaringen. Il y était prisonnier ...

    Bref, Zemmour ressuscite la vieille histoire maurrassienne, autoritaire, traditionaliste et antisémite, se contentant de remplacer la haine des Juifs par la dénonciation de l’islam. Le livre s’appelle Destin français. Il y avait un meilleur titre : « Action française ».   

    Destin français, Eric Zemmour  Albin Michel, 576 pp., 24,50 €

  • Mini-dossier : Le militantisme végan, un nouveau terrorisme ?

     

    Par Philippe Granarolo
     

    4e64ba1f939c6823d708fbf5bae82f44_400x400.jpgComment nier l’indignation qu’ont suscitée les vidéos publiées par le collectif L214 sur les réseaux sociaux, vidéos mettant en évidence l’intolérable violence faite aux animaux dans certains abattoirs ? Y a-t-il cependant le moindre lien logique entre cette émotion légitime et ce qu’on dénomme aujourd’hui « animalisme », autrement dit cet ensemble d’hypothèses selon lequel les humains devraient cesser de se considérer comme des animaux particuliers ? 

    Y a-t-il le moindre lien logique entre l’émotion suscitée par les violences marginales commises dans quelques abattoirs et le fait que des boucheries soient régulièrement attaquées par des militants végan ? Que les professionnels de la viande aient récemment lancé un appel aux autorités pour les protéger peut-il être accepté dans notre démocratie ? Nous allons démontrer qu’il n’en est rien et que le lien supposé est irréel. 

    D’inquiétantes dérives intellectuelles caractérisent tous les courants animalistes, et si des excès doivent bien sûr être dénoncés dans les traitements infligés parfois aux animaux, les excès aussi inquiétants de l’idéologie animaliste doivent l’être avec la même vigueur. 

    Le véganisme : une idéologie inquiétante 

    L’animalisme (1) présente toutes les caractéristiques des idéologies qui ont fait tant de ravages au cours du XXe siècle. En premier lieu, les animalistes constituent une infime minorité de la population, comme ce fut le cas pour les « avant-gardes » idéologiques qui les ont précédés. D’après toutes les études dont nous pouvons disposer, les végétariens déclarés représentent environ 1.4 % de la population française, la part des végétaliens et des véganiens étant proche du 0 %. Or ces minorités, qui ont bien entendu le droit absolu de se nourrir comme elles l’entendent, veulent imposer à tous leur régime alimentaire. Quant à l’hypothèse selon laquelle, en dépit de ces pourcentages ridicules, une forte demande sociale existerait dans la population pour exiger les mesures recommandées par les animalistes, rien ne permet de la défendre. Ce fut précisément le propre des idéologies les plus nauséabondes que de prétendre être la voix de la majorité silencieuse. 

    En second lieu, animalistes et véganiens disposent d’une incontestable caisse de résonance médiatique. D’abord parce qu’ils savent jouer à merveille du « politiquement correct » qui nous submerge. Depuis une trentaine d’années, un brouillage généralisé des différences entre les sexes, entre les civilisations, entre les générations, s’est imposé comme la seule forme de pensée respectable. L’Europe est colonisée par une mode américaine, par cet hyperrelativisme né dans les campus des États-Unis qui, après avoir nié la dualité des sexes (par le biais des fameuses gender studies), s’attaque aujourd’hui aux différences entre l’homme et les animaux (on parle à présent des animal studies sur le modèle précédent). Cet hyperrelativisme qu’a si bien dénoncé le regretté Jean-François Mattei dans ses principaux ouvrages (2) a ceci de redoutable qu’il frappe d’anathème quiconque n’y souscrit pas, nouvelle déclinaison de la vieille stratégie totalitaire invitant à qualifier de « fascistes » tous ceux qui s’opposaient de près ou de loin à l’idéologie communiste. 

    En troisième lieu, on notera que la puissance médiatique de l’hyperrelativisme est d’autant plus grande que nous vivons dans la contestation des compétences et que la parole, à propos de n’importe quel sujet, de tout individu ayant acquis une reconnaissance médiatique (généralement télévisuelle) est considérée comme aussi pertinente et digne d’intérêt que celle d’un spécialiste ayant passé sa vie à explorer le domaine en question. Nier cette équivalence serait faire preuve d’un monstrueux élitisme et d’une atteinte insupportable à l’égalité républicaine. 

    caca.jpgViolents et hypermédiatisés alors qu’ils ne représentent qu’une portion infinitésimale de la société, animalistes et véganiens affichent toutes les caractéristiques des idéologues fascistes.

    Énoncée aussi brutalement, la thèse paraîtra peut-être d’un simplisme grossier. Comment, va-t-on m’objecter, des convictions refusant la violence faite aux animaux pourraient-elles avoir quoi que ce soit de commun avec les idéologies mortifères qui ont ensanglanté le siècle dernier ? Avant d’argumenter, je me contenterai de rappeler que la compassion envers les animaux n’a jamais garanti le respect dû aux êtres humains. Ainsi que le signale avec pertinence Jean-Pierre Digard dans L’animalisme est un anti-humanisme, il faut garder en mémoire « qu’Hitler était végétarien et qu’aucun régime politique n’eut une législation plus favorable aux animaux que le IIIe Reich » (3). 

    Animaux de compagnie et anthropomorphisme 

    La première cause historique de l’animalisme est sans doute l’explosion du nombre des animaux de compagnie qui a débuté au Moyen Âge et qui s’est accentué à partir du milieu du XXe siècle. Les populations contemporaines, très majoritairement citadines, ne connaissent guère le monde animal qu’à travers les animaux de compagnie dont le nombre a augmenté de façon exponentielle. En France, leur nombre a plus que doublé en un demi-siècle, passant de 30 millions en 1960 à 62 millions en 2014 : ils sont presque aussi nombreux que les humains peuplant notre territoire. 

    L’une des conséquences de cette évolution est l’aveuglement à l’égard de la violence faite aux animaux de compagnie. Victimes d’un anthropomorphisme outrancier, quantité de ces animaux de compagnie subissent une violence au moins aussi choquante que les violences dénoncées dans les abattoirs par le collectif L214. Au lieu de cibler systématiquement les éleveurs professionnels, les militants animalistes ne devraient-ils pas s’inquiéter d’abord de la terrifiante maltraitance que subissent dans notre société tant d’animaux de compagnie ? Combien de chiens, pour ne citer que ce seul exemple, servant de substituts aux enfants absents du foyer, présentent des troubles comportementaux gravissimes qui exigent le recours à un vétérinaire comportementaliste ? Combien d’animaux sauvages pris comme animaux de compagnie (amphibiens, reptiles, iguanes, serpents, etc.) meurent-ils d’être enfermés dans des espaces réduits ? 

    Humanisant leur animal de compagnie, à quelque espèce qu’il appartienne, nos contemporains, même très éloignés des convictions animalistes, sont tout près de sombrer dans un dualisme naïf proche de celui professé par les militants animalistes les plus radicaux. Il n’y aurait sur la planète que deux types de vivants, l’Homme et l’Animal. Alors qu’il existe des millions d’espèces animales toutes différentes, avec chacune ses spécificités, son mode de vie, son écosystème, l’animaliste fonde en effet son discours sur la notion aberrante de l’« Animal ». 

    Ceux qui voudraient rapprocher antiracisme et animalisme oublient un « détail » : le racisme est absurde parce que rien ne justifie scientifiquement l’idée de « races » au sein de l’espèce humaine, tandis que les espèces animales sont une réalité indiscutable. L’argument majeur en faveur de cette réalité des espèces est l’impossibilité pour celles-ci de copuler, et si elles le font, d’avoir une descendance qui soit le fruit des deux géniteurs. Tandis que deux humains, à quelque ethnie qu’ils appartiennent, peuvent avoir une descendance, ce qui apparemment n’a guère troublé les esclavagistes qui ont si souvent engrossé des femmes supposées d’une race inférieure à la leur. 

    Évoquer un droit des animaux relève du même anthropomorphisme, car la notion de droits, ainsi que l’ont démontré nos meilleurs philosophes, ne saurait se concevoir sans celle de devoirs. Les humains, dotés d’une conscience morale, ont des devoirs envers les animaux : avant toute chose le devoir de les traiter en respectant leurs particularités, en prenant en compte les caractères de l’espèce à laquelle ils appartiennent. On ne doit pas traiter un chien comme un chat, une vache comme un cheval. Encore faut-il connaître les espèces, et non pas l’« Animal » qui n’existe pas. Et reconnaître l’ineffaçable frontière entre les humains et les animaux, à propos de laquelle la remarque ironique du philosophe Fabrice Hadjadj vaut les démonstrations les plus abouties : « Avouons-le, nous ne rendrons jamais un lion végétarien » (4). 

    L’ignorance de la domestication et de l’élevage 

    Ne connaissant du monde animal que leurs animaux domestiques, nos contemporains ne s’intéressent guère à l’histoire de la domestication. Sans doute nos paysans ne possédaient-ils eux non plus aucune connaissance scientifique de cette histoire. Mais d’une part leur ignorance ne se prenait jamais pour un savoir, et la proximité dans laquelle ils vivaient avec les animaux de la ferme tenait lieu de substitut partiel au savoir qu’ils ne possédaient pas. Rien de tel avec nos animalistes, qui croient connaître l’« Animal » à l’aune de leur chien ou de leur chat. 

    Tout démontre que nos animaux domestiques ont d’une certaine manière participé activement à leur domestication, ce que savaient intuitivement nos paysans qui partageaient leur vie avec leurs vaches, leurs cochons et leurs poules. En spécialiste incontesté de la question, Jean-Pierre Digard nous apprend que « si la domestication a pu être réalisée, c’est que les animaux concernés y ont, en quelque sorte, consenti et même participé. Eux aussi partisans du moindre effort, bovins, ovicapridés, porcins et équidés ont vite perçu qu’en échange de leur liberté, ils s’assuraient nourriture régulière et protection contre les prédateurs : c’est ainsi que l’espérance de vie d’un cheval domestique (une vingtaine d’années) est le double de celle d’un cheval sauvage ». Il ajoute que « le cheval aurait probablement disparu s’il n’avait pas été domestiqué ». 

    Réclamer la « libération » d’animaux vivant en symbiose avec les humains depuis au moins dix millénaires relève sinon de l’ignorance, du moins d’un manque évident d’empathie véritable avec les espèces en question. Ayant passé toutes les vacances de mon enfance à proximité de fermes savoyardes, ayant côtoyé plusieurs mois par an les fermiers de Savoie et partagé leur quotidien, je peux témoigner de l’immense tendresse qu’ils éprouvaient à l’égard de leurs animaux. Ainsi chaque vache du troupeau avait un prénom auquel elle répondait. Pour ces fermiers non seulement l’« Animal » n’existait pas, mais même la « Vache » n’avait pas la moindre réalité, et ils avaient le cœur déchiré quand il fallait se séparer de l’une de leurs bêtes. S’il m’arrivait un jour de croire en la réincarnation, je préférerais mille fois renaître dans le corps d’une vache savoyarde achevant son existence à l’abattoir, que dans celui d’une gazelle africaine fuyant toute sa vie les prédateurs pour finir déchiquetée par une lionne ! 

    Une même ignorance pèse sur le monde de l’élevage. Quiconque a fréquenté ce monde a pu se rendre compte de la passion que les éleveurs ont pour leurs animaux. Et il convient de rappeler que la profession d’éleveur connaît un taux de suicide anormalement élevé découlant de la terrible pression que subissent des professionnels se sentant désignés à la vindicte populaire. Les éleveurs mériteraient de la part des animalistes la même compassion que celle qu’ils prétendent témoigner à l’égard des animaux d’élevage. 

    Les principaux mensonges des véganiens 

    Comme toute idéologie, l’animalisme construit son édifice en opérant un subtil mélange de vérités et de mensonges. Les véganiens voudraient nous interdire toute consommation carnée sous prétexte que les animaux subissent dans de rares abattoirs des violences intolérables. C’est un peu comme si l’on voulait nous interdire de circuler en voiture sous prétexte qu’il y a parfois des accidents, nous interdire l’avion au lendemain d’une catastrophe aérienne, supprimer tous les ponts de la planète après l’effondrement du viaduc de Gênes. Les véganiens en particulier justifient leur violence en sélectionnant, dans l’immense ensemble des élevages, des abattoirs, des transports d’animaux, les quelques faits révoltants qu’ils mettent en exergue. Dénoncer, précisément parce que nous sommes des humains dotés de conscience, les violences injustifiées faites ici ou là, est une chose. Imposer par la violence un régime végan à toute la population en est une autre ! 

    Un autre mensonge est l’affirmation selon laquelle une alimentation végétalienne ou végan serait sans danger. Notre espèce, omnivore depuis plus de deux millions d’années, trouve dans les produits animaux plus de la moitié des protéines nécessaires à son équilibre. Il suffit au demeurant de parcourir les sites de ceux qui prétendent nous interdire la consommation de viande pour découvrir qu’ils recommandent presque tous l’ingestion de compléments alimentaires comblant les carences d’un régime non carné.

    Troisième mensonge : nous serions des consommateurs frénétiques de viande, et cette hyperconsommation expliquerait pour une large part les maltraitances subies par des animaux victimes de notre hubris. Or la consommation de viande dans tous les pays développés n’a cessé de régresser. En France, par exemple, la consommation de viande est tombée de 100 kg par personne et par an à environ 60 kg par personne et par an aujourd’hui. Seule l’explosion démographique est responsable d’une hausse en valeur absolue de la consommation de viande : mais il faudrait alors dénoncer toutes les consommations qui augmentent du fait de l’augmentation de la population. 

    Véganisme et holocauste 

    Terminons notre propos par un raisonnement par l’absurde. Si nous cédions aux exigences des véganiens, quel sort devrions-nous réserver aux dizaines de millions d’animaux d’élevage de la planète ? Faudrait-il les éliminer et pratiquer un holocauste animalier digne des heures les plus sombres du nazisme ? Faudrait-il simplement les stériliser et les laisser vivre sans se reproduire, autre technique chère aux nazis ? Faudrait-il imaginer des maisons de retraite pour bovidés et ovins ? Faudrait-il les relâcher dans une nature sauvage qui n’existe pratiquement plus, et laisser vaches et moutons se faire dévorer par des prédateurs peu sensibles à la compassion ? 

    Le premier de tous les droits pour quelque vivant que ce soit est le droit à l’existence. Imposer à l’humanité entière de renoncer à manger de la viande, c’est retirer à tous les animaux domestiqués le droit à l’existence. Ceci bien entendu au nom de l’amour qu’animalistes et véganiens prétendent leur porter. Laissons une dernière fois la parole à Jean-Pierre Digard : « Ignorant à peu près tout de la réalité des animaux […] les animalistes ne les aiment pas vraiment ; sinon, ils commenceraient par se demander ce que deviendraient les milliards d’animaux domestiques dans le monde ». 

    Le tabou de la viande hallal 

    Les mouvements animalistes, en concurrence les uns avec les autres, se livrent à une incessante surenchère. Ils s’inscrivent par-là dans une tendance caractéristique de notre temps : la tendance à la radicalisation qui pousse les militants de certaines causes à juger insupportable que d’autres puissent avoir des idées ou des pratiques différentes des leurs. Les États-Unis ont classé le terrorisme de type écologiste au deuxième rang des menaces les plus grandes auxquelles le pays est confronté juste après l’islamisme radical. Cette proximité dans les menaces terroristes qui pèsent sur les pays développés serait-elle une simple coïncidence ? 

    Comparables aux islamistes radicaux qui ne veulent que notre bonheur en nous égorgeant, nous épargnant ainsi la monstruosité de la mécréance, les animalistes prétendent incarner une « avant- garde » éclairée agissant pour notre bien. N’y aurait-il pas une certaine connivence des islamo-fascistes et des végano-fascistes ? Comment comprendre autrement le fait que l’abattage hallal, de tous les modes d’abattage le plus barbare et le moins respectueux du bien-être de l’animal, ne soit jamais dénoncé par les militants véganiens ? À chacun de s’interroger …  

    1. Dans cette chronique, nous utiliserons indifféremment les mots « véganisme » et « animalisme », considérant le véganisme comme une forme radicale de l’animalisme. Cet usage sera peut-être jugé contestable : si nous avons fait ce choix, c’est seulement pour éviter de nous lancer dans des subtilités sémantiques qui auraient alourdi notre propos.
    2. Jean-François Mattei a magistralement dénoncé l’hyperrelativisme dans la plupart de ses ouvrages, les pages les plus convaincantes me semblant être celles qu’on peut lire dans La barbarie intérieure (Paris, P.U.F., 2004, p. 241-247) et dans Le regard vide(Paris, Flammarion, 2007, p. 273-275).
    3. L’ouvrage récent de Jean-Pierre Digard L’animalisme est un anti-humanisme (Paris, C.N.R.S. Editions, 2018) est l’étude la plus rigoureuse publiée sur ce sujet ces dernières années. Je recommande la lecture de cet essai auquel ma chronique doit beaucoup.
    4. L’homme est-il un animal comme un autre ? Figaro Littéraire, 23 octobre 2014.
    5. L’animalisme est un anti-humanisme, op. cit., p. 68-69.
    6. Ibidem 96.  
    Docteur d’Etat ès Lettres et agrégé en philosophie, Philippe Granarolo est professeur honoraire de Khâgne au lycée Dumont d’Urville de Toulon et membre de l’Académie du Var. Spécialiste de Nietzsche, il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment Nietzsche : cinq scénarios pour le futur (Les Belles Lettres, 2014), Le manifeste des esprits libres (L’Harmattan, 2017) et dernièrement Les carnets méditerranéens de Friedrich Nietzsche. Nous vous conseillons son site internet. Suivre surTwitter : @PGranarolo
    iphilo.fr
  • Sur sa page Facebook, le prince Jean de France a signalé l'émission Secrets d'Histoire ce soir sur France 2 et souhaité qu'on l'y retrouve ...

     

    C'est ce soir, sur France 2, à 20 h 55 et, bien-sûr, nous y retrouverons le Prince.

    Lu sur la page Facebook du Prince ...  

    Publications 

    Le prince Jean de France a partagé une publication —  en train de regarder Secrets d'Histoire, à Chapelle Royale de Dreux. 

    12 h · Dreux. 

    Retrouvez-moi demain soir dans Secrets d'Histoire sur France 2, depuis la Chapelle Royale Dreux et accompagné de Stéphane Bern pour évoquer le roi Louis-Philippe et la Reine Marie-Amélie. Bonne semaine à tous !

    #viveDreux#vivelhistoire

     
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    Dreux Officiel  

    Ne loupez pas le prochain Secrets d'Histoire présenté par Stéphane Bern sur Louis-Philippe et Marie-Amélie. L'émission tournée en partie à Dreux sera diffusée le mardi 30 octobre à 20h55 sur France 2. Vous pourrez notamment y voir Le prince Jean de France en interview dans la chapelle royale !

    Le prince Jean de France
    (Page facebook)

     

    Le Site Dreux Officiel a par ailleurs publié l'annonce ci-après ...  

    944564_495138517220052_655744072_n.pngCHAPELLE ROYALE

    Pour faire suite à la diffusion du prochain Secrets d’Histoire, la Fondation Saint-Louis a décidé d'ouvrir exceptionnellement la Chapelle Royale, selon les horaires suivants :

     Mercredi 31 octobre, jeudi 1 et vendredi 2 novembre de 13h30 à 17h30

     Samedi 3 et dimanche 4 novembre de 10h00 à 12h00 et 13h30 à 17h30

    Bonne visite !

    L’image contient peut-être : ciel, nuage, arbre, plein air et nature
  • Bainville : « Qu’est-ce qu’une Constitution ? Les peuples ne voient que les hommes ... »

     

    XVM2382f324-05e2-11e5-b131-51c251e5568d.jpg"Qu’est-ce qu’une Constitution ? Aimons-nous beaucoup la nôtre ?

    Pour aimer, il faut d’abord connaître. Et qui donc connaît les lois constitutionnelles sous lesquelles nous vivons ?

    Demandez au monsieur qui passe. Il y a des chances pour qu’il connaisse mieux les règles du football ou des courses que celles qui définissent les rapports du président de la République et du Parlement. À la vérité, les légistes font attention aux textes, les peuples ne voient que les hommes.

    Ils trouvent que celui-ci est courageux et que celui-là est lâche. Ils admirent le plus énergique ou le plus rusé. Un ancien l’avait déjà dit : les chefs combattent pour la victoire, et les soldats pour les chefs. Quand le chef reste sous sa tente, ou quand il a pour armes des plaidoiries, il n’y a plus beaucoup de soldats."

     

    Jacques Bainville
    Doit-on le dire ? (Candide, mai 1924)

  • Exceptionnel un lundi : un dessin mais de qualité, de goût et qui a (toujours) du sens ... Normal : il est de Faizant !

     

    Jacques Faizant, l'homme aux 50 000 dessins

    Le 30 octobre, le dessinateur aurait eu 100 ans. C'est ce jour-là que la Maison Art Valorem mettra en vente 300 de ses dessins à l'hôtel Drouot.

    Publié en 1979 dans Le Figaro, celui-ci met en scène Valéry Giscard d'Estaing et Simone Veil, alors présidente du Parlement européen. Il s'est inspiré d'une réflexion du général de Gaulle datant de 1965 : « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri, en disant l'Europe, l'Europe, cela n'aboutit à rien ».  

  • Patrimoine cinématographique • L'impératrice rouge

     

    Par Pierre Builly

    L'impératrice rouge de Josef von Sternberg (1934) 

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    Du sang, de la volupté et de la mort 

    1934. Au Kremlin règne Staline et on ne peut certainement pas penser que les studios hollywoodiens, pas davantage que le juif viennois Jonas Sternberg - qui s'appelle désormais Josef von Sternberg - aient une particulière sympathie pour lui. Et puis, d'ailleurs, on se demande si l'immense Russie a jamais été comprise par qui que ce soit, sinon un peu par la France, qui partage avec elle un profond ancrage monarchique. Mais la Russie c'est encore différent, c'est le pays du despotisme plus ou moins éclairé, mais absolument indissociable de ses grandes heures : rien qui soit admissible à un libéral. D'où la présentation du pays, au début de L'impératrice rouge comme une sorte d'enfer de tortures où, depuis Ivan le Terrible et Pierre le Grand des souverains buveurs de sang prennent plaisir à torturer leur peuple. Les premières images du film sont d'ailleurs assez étonnantes : scènes de supplices divers, de viols et de rapines, knout, pal, brodequins, sarcophages de bronze, décapitations et tout le toutim. Une représentation de l'Enfer ne serait pas plus terrible. 

    Il faut bien se garder de voir L'impératrice rouge au demeurant, comme un film historique. Ce n'était sûrement pas le souci de Sternberg et pas davantage celui des péquenots de l'Arkansas ou du Wyoming (qui, de toute façon ne sont pas allés le voir, le film ayant été un échec public). Indifférence complète à la véracité historique, évidemment, ne serait-ce que, dès le générique, l'arrangement musical issu d'une mélodie de Tchaïkovski, la Marche slave, écrite en 1876, alors que le film commence en 1745. Puis - et ceci est autrement important - dans l'indifférence complète à la vraisemblance chronologique. 

    Scarlet5.pngRésumons un peu cela : la jeune luthérienne saxonne Sophie d'Anhalt (Marlene Dietrich) est choisie en 1744 pour devenir l'épouse du Grand duc Pierre (Simon Jaffe), neveu de l'Impératrice Élisabeth Ière (Louise Dresser), fille de Pierre le Grand, grande souveraine cultivée et francophile, qui n'a pas d'autre héritier que cet individu brutal et inculte et qui est lui-même adulateur de la Prusse. Sophie d'Anhalt se convertit à l'orthodoxie en 1744, prend le prénom de Catherine et se marie avec son triste époux en 1745. Elle n'a pas 16 ans. 

    maxresdefault.jpgAlors que l'Impératrice régnante et toute la Russie attendent impatiemment un héritier mâle (depuis la mort de Pierre le Grand plusieurs femmes ont occupé le trône), Catherine donne jour à son fils Paul neuf ans après son mariage et il y a tout lieu de présumer que le père en est un officier noble de la Cour, Sergeï Saltikov. En 1761, Élisabeth tsarine meurt et Pierre lui succède sous le nom de Pierre III. Il y a longtemps que les époux se détestent et que Catherine, dotée, paraît-il d'un tempérament insatiable, multiplie les amants, notamment parmi les beaux militaires. C'est sur la caste des officiers qu'elle s'appuiera pour détrôner son mari, le faire assassiner et lui succéder sous le nom de Catherine II. 

    s,725-30d984.jpgC'est là-dessus que le film de Sternberg s'arrête, en 1762. Catherine régnera encore durant 34 ans. Tous les événements relatés ci-dessus figurent, il est vrai dans le film et Sternberg ne dissimule en rien, ce qui n'était pas vraiment commun dans le cinéma étasunien, les débordements sexuels de son héroïne (il est vrai que le film est sorti avant le vertueux Code Hayes). Mais le cinéaste les présente comme s'ils s'étaient déroulés en quelques mois alors qu'il y a un espace de 17 ans avant l'arrivée de Catherine en Russie et sa prise de pouvoir. Et puis, par exemple il n'y a pas un mot sur la guerre de 7 ans, conflit majeur du 18ème siècle, menée par la Russie aux côtés de la France, qui aurait permis un durable écrasement de la Prusse si, à peine couronné Pierre III ne s'était empressé de capituler alors que nos forces alliées étaient presque victorieuses.

    Toutes choses égales par ailleurs, c'est un peu comme si Harry Truman, devenu président des États-Unis le 12 avril 1945 à la suite de la mort de Franklin Roosevelt, avait offert la victoire à Adolf Hitler. 

    sjff_03_img1057.jpgAucune prétention historique dans le film, donc, mais un véritable enchantement de mise en scène, d'images et d'acteurs. Au début de ce message j'ai écrit que la Russie présentée paraissait être une image de l'Enfer ; c'est exactement la même chose dans la somptuosité baroque des palais, dans leur décoration grotesque, au sens originel du terme, surchargés de motifs étranges, d'icônes terrifiantes, de statues contrefaites menaçantes (j'ai d'ailleurs trouvé une certaine ressemblance avec la demeure des Chasses du comte Zaroff, pareillement hostile et inquiétante). Et tout autant la violence des comportements, la tension irrespirable lors de plusieurs scènes capitales (notamment celle, à la fin du film, où les deux époux s'affrontent avec une haine tangible), l'atmosphère perpétuellement sanglante et la folie qui rode. Au rebours des minimalismes, la qualité des décors, des costumes, des scènes de foule donne à ce récit une ampleur grandiose et maléfique. Et tout cela enluminé par les somptueuses liturgies orthodoxes. 

    Et les acteurs, tous de qualité. Mais essentiellement deux : Sam Jaffe est absolument inoubliable dans le rôle du Grand duc, puis Tsar Pierre III fou, malsain, purulent. Grand acteur, assurément dont je n'ai vu que deux autres interprétations en second ou troisième rôle, dans Quand la ville dort de John Huston et dans Les espions d'Henri-Georges Clouzot, où il impose sa marque à chaque fois et chaque fois dans ce registre glauque. 

    Et puis Marlene Dietrich qui est absolument étincelante, d'une beauté à couper le souffle et d'un jeu d'une infinie subtilité, sachant tout à la fois interpréter la jeune fille naïve, rêveuse, puis désenchantée des débuts et la dévoreuse d'hommes et d'ambition de la fin, sachant faire donc accepter au spectateur les ellipses de Sternberg. Actrice magistrale tout autant qu'étoile éternelle du cinéma.   

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    DVD autour de 10 €

     
    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Livres & Histoire • Le Mystère Clovis, de Philippe de Villiers

     

    Par Gabrielle Cluzel  

    C'est une intéressante recension du dernier livre de Philippe de Villiers que Gabrielle Cluzel nous donne ici. [Boulevard Voltaire, 24.10].  

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel participe - d'ailleurs toujours brillamment - à certains de nos colloques et conférences, dont quelques unes sont les siennes propres.   LFAR 

     

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    Avant d’être « Le Mystère Clovis », ce livre est le « mystère Villiers », la recette inimitable, à chaque ouvrage, réinventée qui a fait l’immense succès de sa Jeanne d’Arc et de son Saint Louis.

    Ce n’est pas un roman historique, en tout cas pas au sens communément admis du terme : le genre, qui fait florès depuis trente ou quarante ans, prend des libertés et extrapole – parce que roman – et vous habille tout cela en costume d’époque – parce qu’historique. Intrinsèquement chronocentré, il plaque sur ses héros la psychologie de l’homme moderne et prête aux événements des problématiques contemporaines.

    C’est la démarche parfaitement inverse que fait Philippe de Villiers, et quand il imagine – des dialogues, des rencontres, des sentiments -, c’est pour combler les non-dits de l’Histoire avec rigueur, dans le respect du climat, du vocabulaire, du mode d’expression et des croyances de l’époque. Les pages consacrées, en addendum, à la juste datation du baptême de Clovis en sont la preuve.

    Pour ne pas être chronocentré, et donc anachronique, ce livre est cependant lié par mille fils à notre monde. « La nature a horreur du vide. L’Empire romain est mort en Occident. » Clovis est une charnière, la fin d’un cycle et le commencement d’un autre, cette heure un peu sombre, entre chien et loup, qui angoisse. Et ce n’est pas trop s’avancer que d’affirmer que nous y sommes aussi. Nous aussi savons ce qu’est une civilisation qui s’essouffle et s’étiole, qui, comme un vieillard, se crispe et se caricature, dont le raffinement devient perversion, le savoir-vivre hédonisme, la miséricorde faiblesse, le doute désespoir suicidaire. « Les chanteurs ont chassé les philosophes et les professeurs d’éloquence ont cédé la place aux maîtres en fait de volupté. »

    Et voici Clovis, jeune et barbare, doté d’une assurance, une rustrerie, un appétit, une énergie vivifiants : « J’accède au pouvoir au moment même où l’ancien monde bascule dans le vide. Mes impatiences font couler dans mes veines des lames en fusion. » Rien de tout cela – au contraire ! – ne pouvait laisser prévoir qu’il embrasserait la religion du Christ. C’est bien pour cela qu’il fut tenté par l’arianisme. C’est bien pour cela qu’il sembla s’engouffrer dans une manière de théologie de la rétribution résumée par Grégoire de Tours – « Tout lui réussissait car il marchait le cœur droit devant Dieu » -, et pourtant, la mort, sitôt baptisé, du premier enfant que lui donna Clotilde avait de quoi ébranler moins incrédule. Clovis commença d’ailleurs, tel Monsieur Jourdain, par faire du christianisme sans le savoir : ainsi le loue-t-on pour avoir accordé la liberté aux Alamans vaincus… « Je ne voulais pas m’encombrer de captifs », avoue-t-il, candide. « Parfois dans la vie, lui répond l’ermite Vaast, il arrive que l’acte soit plus fort que l’intention. »

    Et voici la vaillante Clotilde, justement, avec la clairvoyante Geneviève, parce que, comme l’écrivait Jacqueline Pascal, « quand les évêques ont des courages de femmes, il faut que les femmes aient des courages d’évêque », et que, précisément, les « druides mitrés », comme les appelait Childéric, père de Clovis, ne sont pas tous de la trempe de saint Remi.

    Quand il s’adresse là-haut, c’est le « Dieu de Clotilde », et lui seul, qu’il interpelle. Preuve que c’est avant tout par elle que la France fut christianisée.

    Philippe de Villiers ne fait jamais rien au hasard, et l’on plonge dans son livre comme l’on rentre au Puy du Fou : pour se divertir, apprendre, en avoir plein les yeux, admirer, retrouver la fierté du passé, mais aussi pour réfléchir et espérer.

    Ce livre sort presque en même temps que le Destin français, où tout semble déjà scellé et plié… à vue humaine, c’est vrai, et Éric Zemmour n’aime rien tant que la rationalité. Mais le mystère est ce que l’on ne peut expliquer. Ou seulement après.

    C’est ainsi que Clovis devint le père d’un Occident que l’on aurait pu croire définitivement condamné. 

    Ecrivain, journaliste
    Son blog
  • Livres & Mémoire • Les martyrs d’Algérie

     
    Par  Bruno de Chergé
     

    Photo-actu-10.jpgLe Vatican avait annoncé samedi 27 janvier 2018 que le pape François a autorisé la promulgation du décret de béatification de Mgr Pierre Claverie, ancien évêque d’Oran, et de dix-huit autres religieux et religieuses morts en martyrs en Algérie entre 1994 et 1996.

    Le décret avait été signé sans date ni lieu de béatification, contrairement aux usages en la matière. Les évêques d’Algérie souhaitaient que la béatification se passât en Algérie. Des discussions ont eu lieu avec les autorités algériennes, en lien étroit avec le Vatican, c’est-à-dire la Congrégation pour la Cause des Saints.

    Le temps passait et les espoirs de voir cette béatification se dérouler rapidement s’amenuisaient. En effet, se profile en 2019 une année d’élection présidentielle en Algérie, avec des interrogations sur la possibilité pour le Président Bouteflika de se représenter malgré son état de santé. Et, puis, coup de théâtre, après une réunion début septembre à Rome et de nombreux échanges avec le Ministre des Cultes algérien, la date et le lieu sont enfin tombés : ce sera le 8 décembre à Oran, en la Basilique Santa Cruz qui vient d’être rénovée.

    Des rumeurs insistantes évoquaient la venue du Pape à cette béatification. Si le Pape est incontestablement derrière l’accélération du calendrier de la béatification de ces 19 martyrs d’Algérie, il est difficile pour le chef de l’Église de se rendre ainsi dans un pays dont l’Islam est devenue la religion d’État par la Constitution de 1963. L’Église n’a pas pu officiellement perdurer en Algérie pour le moment, à la différence des coptes d’Égypte. En 1964, 900.000 chrétiens quittent le pays. Il ne reste alors que 100.000 chrétiens et moitié moins dès 1970.

    Qui sont ces 19 martyrs de la foi honorés par l’Église ? Il y a des Maristes et des Petites Sœurs de l’Assomption, tués ensemble à Alger, le 8 mai 1994. Deux sœurs Augustines Missionnaires tuées le 23 octobre 1994, sur la route, tandis qu’elles se rendaient à la messe dominicale. Quatre Pères Blancs, tués le 27 décembre 1994 à Tizi-Ouzou, tandis qu’ils fêtaient ensemble leur confrère Jean Chevillard. Les Sœurs de Notre-Dame des Apôtres ont aussi deux martyres. Elles ont été tuées le 3 septembre 1995, alors qu’elles sortaient de la messe du dimanche. Sœur Odette Prévost, des Petites Sœurs du Sacré-Cœur, a été tuée à Alger, le 10 novembre 1995, tandis qu’elle se rendait à la messe. Le groupe le plus nombreux est formé par les sept Frères trappistes du monastère de Tibhirine : Christian de Chergé, le prieur ; Frère Luc Dochier, le médecin ; Père Christophe Lebreton, poète ; Frère Michel Fleury ; Père Bruno Lemarchand qui se trouvait à Tibhirine de passage, pour l’élection du prieur. Le père Célestin Ringeard et le Frère Paul Favre-Miville complètent le groupe. Ils ont été pris en otages la nuit du 26 mars 1996 et ils vont vivre cette tragique situation pendant 56 jours. On ne retrouva que leurs têtes, le 21 mai 1996. Le dernier du groupe est Monseigneur Pierre Claverie, évêque d’Oran, tué à Oran le 1er août 1996.

    Pour découvrir l’itinéraire des moines de Tibhirine, l’Association pour les Écrits des sept de l’Atlas vient d’éditer Autobiographies spirituelles, Heureux ceux qui espèrent aux éditions du Cerf. Un beau livre qui permet de les connaître, d’entrer dans leur intimité et de cheminer avec eux vers le Golgotha, jusqu’aux instants ultimes où ils furent enlevés puis exécutés.

    On retrouve le portrait rugueux et généreux de Frère Luc, la quête mystique de Christian de Chergé. On vit avec cette Église d’Algérie qui fait sienne l’enfouissement post-Vatican II, dans un pays totalement musulman, et déchiré par une guerre civile initiée par les islamistes du GIA. 

    Mais, ces moines restaient un signe dans la montagne de l’Atlas. La Communauté du Chemin Neuf essaie de continuer une vie chrétienne à Tibhirine.

    Heureux ceux qui espèrent, Autobiographies spirituelles, Editions du Cerf, Bayard, Abbaye de Bellefontaine, 757 p, 29 €.

    Bruno de Chergé
    Politique magazine
  • Cinéma • First Man, le premier homme sur la lune

     

    Par Guilhem de Tarlé

    A l’affiche : First Man, le premier homme sur la lune, un film de Damien Chazelle, avec Ryan Gosling (Neil Armstrong), Claire Foy (Janet Armstrong), Corey Stoll (Buzz Aldrin) et Lucas Haas (Mike Colins)


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    « On a décroché la lune »… C’est, dans le film, la réponse de Janet Armstrong aux journalistes qui l’interviewaient alors qu’elle partait retrouver son mari, durant la « quarantaine » qui suivit la mission Apollo 11.

    Je doute que la formule soit historique… Et c’est dommage car elle aurait été très belle. 

    Depuis « mon ami Pierrot » jusqu’à Tintin, en passant par Jules Verne et aussi les « six moyens de violer l’azur vierge » dont Cyrano de Bergerac choisit le septième pour l’atteindre, la lune a toujours été, jusqu’à Neil Armstrong, dans notre imaginaire.

    19895927_437007ff7d87a8439239ac5e1e862c35_wm.jpgCe long-métrage entame brillamment les cérémonies du jubilé des « premiers pas sur la lune » qu’on ne manquera pas de célébrer dans 9 mois.

    J’ai vu avec ravissement, dans la fusée, les hommes et les objets voler comme le capitaine Haddock derrière sa boule de whisky ; j’ai apprécié le fond musical de Justin Hurwitz, et c’est une première car je n’entends rien à la musique et d’habitude je ne l’entends pas… cette fois-ci, j’ai aimé en pensant avec amusement à « Radio-Klow » qui diffusait, pour les astronautes d’Hergé, « Avant de mourir, de Boulanger ». 

    Bref un film passionnant, remuant et stressant, à la réserve près qu’on en connaît la fin, à la gloire du héros…

    Mais les autres ? car, à bien y réfléchir, Buzz Aldrin qui foula, le deuxième, le sol lunaire est tout autant héros que le premier… quant à Michael Collins, le « troisième homme », qui resta en orbite dans le module de commande, il a eu la même formation, il a subi le même entrainement, particulièrement lourd et difficile, et pris les mêmes risques que les autres, sans avoir l’honneur et le bonheur d’y poser son pied.

    first1.jpgCurieux cet hommage justifié, que je recommande évidemment, mais sélectif. 

    Se souvient-on, aussi, qu’après ces deux (ou trois) pionniers, de 1969 à 1972 avec Apollo 17, dix autres astronautes ont marché sur la lune ?

    Et depuis ? plus rien ? 

    J’en reviens au Capitaine qui avait sans doute raison : « ON N’EST VRAIMENT BIEN… QUE SUR NOTRE BONNE VIEILLE TERRE ! ».   

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • La France et son destin

     

    PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS

    Nation. Car il s’agit de savoir si elle peut vivre encore et si les Français sont décidés à la faire vivre. Il faut qu’ils y croient. 

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    Le dernier livre d’Éric Zemmour, Un destin français, tranche avec sa production antérieure. Le journaliste est à l’apogée de son talent et sa plume rejoint celle de l’écrivain. Est-il historien ? Les spécialistes diront que non. Mais il connaît l’histoire, la lit et la relit et, surtout, il la met en perspective avec ce que nous vivons. Il lui donne un sens. En somme, il nous instruit.

    Bien sûr, il a son style, fait de raccourcis et de fulgurances. Il a son point de vue, souvent original, mais dont le lecteur découvre, au fur et à mesure qu’il déroule le panorama, qu’il était judicieux et faisait mieux voir que la banalité sans cesse recopiée sur le même sujet. Ce point de vue le conduit souvent à la polémique, car d’un fait ancien rapproché des événements actuels, il fait une charge contre nos inconsciences, nos mensonges et nos lâchetés. L’histoire n’est pas neutre. Clio est une muse terrible. Elle porte le jugement et ce jugement s’exerce, non pas tant sur ceux qui ont fait le passé, mais sur ceux qui font ou défont le présent. A la lumière de notre passé, que pèsent les célébrités d’aujourd’hui ? La leçon est rude. D’où les cris qui jaillissent de tous côtés. Car Zemmour est lucide. Il a le mot juste, donc cruel pour les menteurs et les lâches. Et il aime la vérité qu’il va chercher jusqu’au fond des époques les plus discutées, les plus diffamées : « les heures les plus sombres de notre histoire ».

    D’où parle cet écrivain ?

    Il parle de sa place de jeune juif algérien, berbère, devenu, sous la conduite de ses parents et sous un charme qui l’a saisi, enfant, et ne s’est jamais démenti, un Français éperdument amoureux de la France. « Je ne suis pas un Juif français, disait son père, excédé par cette formule, je suis un Français juif ». Le fils ajoute « de culture catholique ».

    Son chapitre sur Charette se termine par cette phrase, détachée comme une sentence qui résume l’ensemble, ou comme un point d’orgue :

    « Nous sommes tous des catholiques vendéens. »

    Dans cette symphonie tragique, plusieurs mélodies s’entrecroisent mais une revient, comme un thème central qui ressurgit à chaque chapitre – c’est-à-dire à chaque époque… –, les élites, en France, ont une appétence particulière à la trahison. Est-ce leurs grands biens ? Leurs espérances immédiates ? Un souvenir de la féodalité écrasée par le pouvoir central ?

    Les motifs varient suivant les moments, mais la constante se dégage. Que l’ennemi soit espagnol, autrichien, allemand ou anglais, « le parti de l’étranger » est toujours là pour lui donner un coup de main, et ce « parti de l’étranger » est le plus souvent composé des élites en place.

    C’est le peuple, avec son Roi, qui résiste, et, malgré elles, continue l’histoire du Royaume de France. Quand il n’y a plus de Roi et que le peuple, lui-même, se dissout, l’avenir du royaume qui, selon saint Remi, « durera jusqu’à la fin des temps », se fait très incertain.

    Bien sûr, pour Zemmour, il y a des rois de substitution. Napoléon a pris la suite de Capet et la République a voulu continuer, sous d’autres habits, « le roman national ». C’est même elle, la IIIe, qui a forgé avec Ernest Lavisse, ce roman, chargé de remplacer le Roi disparu.

    Chef-d’œuvre d’art politique en péril.

    Le roman national devait être le ciment qui, auparavant s’appelait la fidélité au Roi. Car la France, rappelle-t-il, n’est ni une race ou une ethnie, ni un impératif géographique.

    C’est une construction politique, disons mieux, un chef-d’œuvre comme on le disait des artisans-compagnons qui en faisaient un pour devenir maître, un chef-d’œuvre d’art politique.

    Quand l’art politique n’est plus là, la France se défait.

    On pourra discuter, dans le détail, de telle ou telle appréciation, trouver que le procédé se répète à chaque chapitre, a quelque chose de systématique…, chercher à y mettre quelque nuances. Il n’en reste pas moins que cette charge, conduite au galop – car la plume de Zemmour a quelques ressemblances avec les compagnons de Jeanne dans la plaine de Patay ou les soldats de Napoléon à Austerlitz – finit par emporter l’adhésion du lecteur, même si elle le laisse parfois pantelant et quelque peu essoufflé.

    Ce thème de la trahison des élites rejoint celui de la guerre civile larvée ou éclatée dont même la guerre étrangère ne nous protège pas. Au contraire ! Sauf à quelques moments tragiques et miraculeux – 14-18 –, la guerre étrangère devient la guerre civile. Ceux que Jeanne appelait « les faux Français » jouent le rôle de la cinquième colonne : les intérêts partisans, religieux, économiques, féodaux, idéologiques, l’emportent sur la nécessaire unité nationale.

    Seul un roi, un empereur, un dictateur momentané fait – parfois par la Terreur… - valoir cette unité. Mais, à chaque fois, il y parvient, parce qu’il a, avec lui, le consentement de la nation, ce qu’Homère appelait « le murmure approbateur du peuple ».

    Dans cette cavalcade glorieuse et tragique qui va de Vercingétorix à nos jours, Zemmour mène lui-même sa propre guerre, qui est celle de l’historien. Il rappelle le mot de Fustel de Coulanges selon lequel notre histoire est elle-même une guerre civile.

    Je me souviens d’un fascicule aperçu dans ma jeunesse, sous la signature de Charles Maurras, La bagarre de Fustel. On se battait, à l’époque, dans les réunions des Sociétés savantes, sur la façon de traiter l’histoire… Les adversaires d’hier se sont accordés. Michelet et Fustel, Lavisse et Péguy, après les combats de l’instant, se retrouvent, car ils ont en commun, comme Clemenceau et Daudet, « la passion de la France ».

    Zemmour livre une nouvelle bataille, celle qui pourfend les « déconstructeurs de la France ». Nous n’en sommes plus aux trahisons classiques, ni même aux collaborations avec l’ennemi. Nous en sommes à la volonté de détruire la France, de faire qu’elle n’existe plus, d’abord dans les esprits et dans les cœurs.

    Le rêve de ces déconstructeurs est qu’elle ne soit plus qu’un hexagone sur la carte, un lieu tempéré, au climat agréable, où se retrouvent ceux qui s’y trouvent bien et s’essaient à vivre ensemble. Cette utopie est sanglante. Le rêve devient cauchemar. Le « vivre ensemble » est mortifère.

    Il n’y a donc plus, conclut le lecteur, en refermant le récit saccadé de cette tragédie, qu’à mourir ou qu’à retrouver les promesses de saint Remi au baptême de Clovis, la toujours lumineuse Jeanne, la majesté du roi Louis le quatorzième, le génie de Napoléon…

    Et si, achevant les propos, nous concluions simplement que les rois ont fait la France, qu’elle se défait sans roi, … et qu’il est urgent de travailler, une fois encore, au retour du Roi.  

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    Éric Zemmour, Le destin français, Éd. Albin Michel, 576 pages, 24,50 € 

    Jacques Trémolet de Villers

  • Où Péguy parle comme Montherlant, avec plus de simplicité, du souci de ne pas paraître assez « avancé » ...

     

    « On ne saura jamais tout ce que la peur de ne pas paraître assez avancé aura fait commettre de lâchetés à nos Français. »

    Charles Péguy

    Notre Patrie, 1905

    Merci à Jean de Maistre 

    Montherlant_par_J-Emile_Blanche_1922.jpgLire aussi dans Lafautearousseau ...

    Dédié à toutes les Mlles. (& MM.) de Bauret qui s'ignorent

  • « Personnes LGBT » ? Honte et misère de l'expression postmoderne

    Le chagrin et la pitié

     

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    Pour dire les choses simplement, nous sommes passablement fatigués d'entendre parler indéfiniment par la nébuleuse prétentieuse et sotte des médias audio-visuels, de personnes LGBT

    Vous croyez que des personnes peuvent s'appeler LGBT ? Comme un matricule en prison, comme une marque au fer rouge dans les camps de concentration ou au goulag, comme un substitut aux patronymes interdits dans le Cambodge de Pol Pot, comme la SNCF ou la RATP ? Comme le CAC 40 ou le G 20 ? 

    Quel mépris pour les personnes ! Quel abaissement ! Quelle réduction ! Quel manque d'épaisseur et de substance infligé aux personnes dans leur vraie et entière substance ! Et quelle médiocrité, quelle misère ! 

    870x489_homophobie3.jpgNotre époque sera sans-doute, de toute l'Histoire, celle qui aura le plus stupidement exalté la personne humaine, ses droits, sa dignité, et tout cet attirail de mots creux. Mais ce sera aussi celle qui l'aura le plus dépouillée, abaissée, réduite à l'épaisseur d'un papier à cigarette.  

    La modernité ? La postmodernité ? Il n'y a vraiment pas de quoi s'en gargariser. 

     

    Retrouvez l'ensemble des chroniques En deux mots (101 à ce jour) en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité