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Idées, débats... - Page 401

  • Cinéma •Colette

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : Colette, un film de Wash Westmoreland, avec Keira Knightley (Colette), Dominic West (Willy), Denise Gough (Missy, marquise de Belbeuf).  

    GT Champagne !.JPG

    Colette , née Sidonie-Gabrielle Colette (1873-1954) : une femme de lettres française…

    Mais le film, en VO, est américain avec un réalisateur britannique !

    Un train peut en cacher un autre et, après La Favorite, les héroïnes se suivent et se ressemblent… Vraiment le sujet n’est plus tabou… le lobby étale sa puissance qui nous pousse à demander qui ne l’est pas ?

    Moi qui ai fait une longue partie de ma carrière dans l’ancienne propriété et à côté du château construit au XVIIIe siècle par le Marquis de Belbeuf… J’ignorais l’existence de cette Missy ! 

    Je l’ai déjà écrit, j’aime les biopics qui vous font connaître plus intimement – si, en l’occurrence, je peux me permettre ce mot – des personnages dont on connaît seulement le nom et – plus ou moins - l’œuvre.

    colette.jpgPour moi, Colette, c’était un auteur de dictées… de longues phrases avec un vocabulaire choisi pour faire transpirer le blé en herbe dans les collèges. J’ai d’ailleurs aimé revoir dans le film ces cahiers d’écoliers et ces belles pages d’écriture avec des pleins et des déliés… (que je n’ai, personnellement, jamais su reproduire).

    Mon épouse se rappelle n’avoir trouvé aucun intérêt à la lecture d’un Claudine, et j’ai appris par elle que à l’école ou à Paris, celle-ci n’était pas un petit livre pour jeunes colette 6.jpgenfants, ni un personnage du Club des Cinq d’Enid Blyton. Le scénario porte précisément, et seulement, sur la petite quinzaine d’années où c’est son mari (le premier de 1893 à 1906), Henry Gauthier-Villars dit Willy, qui les signe… Comme quoi l’on peut être bisexuelle et femme soumise…

    Un film intéressant pour un personnage qui l’est peut-être un peu moins.   

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Nietzsche par temps bleu [6]

    Par Rémi Hugues

    images.jpgÀ l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec NietzscheRémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu ». Il s'agit de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie.  Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture !  LFAR    

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    Culture ou barbarie   

    Nietzsche se montre de surcroît lucide en écartant dʼun revers de main le mythe du progrès.

    La science peut aussi bien être « lʼennemie de la vie » (p. 201), comme lʼaffirment ceux qui tiennent le discours apocalyptique suivant lequel lʼamélioration des connaissances scientifiques et de la technique qui en découle amènera à la destruction de lʼhumanité par elle-même. Lʼexistence de la bombe atomique rend ces personnes-là plus que crédibles. Dans Aurore (fragment posthume), Nietzsche sʼécrie : « Un âge de barbarie commence, les sciences se mettront à son service ! » (cité p. 201) 

    Culture ou barbarie 

    Deux voies sʼouvrent pour lʼhumanité du temps de Nietzsche, qui se trouve donc à la croisée des chemins. Ce temps est marqué par le primat du scientisme, le règne de la science. Soit la voie de la culture, soit la voie de la barbarie, comme il le souligne dans Considérations inactuelles : « Dʼoù vient, où va, à quoi sert la science si elle nʼaboutit pas à la culture ? Serait-ce à la barbarie ? » (cité p. 178)

    À la différence des modernes stricto sensu, Nietzsche ne croit pas que lʼhistoire est écrite dʼavance. Le paradis terrestre quʼils annoncent est pour lui de lʼordre du possible mais pas du certain. Nietzsche « ne cesse de rappeler que lʼavenir nʼest pas joué et quʼil appartient à lʼhomme de donner un sens à un processus historique qui en soi nʼen a aucun » (p. 211), explique Granarolo. Dʼaprès son maître, lʼavènement dʼun âge de la barbarie correspondrait à la régression de lʼhomme, qui redeviendrait un singe évoluant dans un monde comparable à une jungle, cʼest-à-dire sauvage et impitoyable.

    Humaintrophumain.pngOr dans Humain, trop humain il envisage cette funeste fin pour mieux lʼéviter, quand il écrit que « cʼest justement parce que nous pouvons envisager cette perspective que nous serons peut-être en état de parer à un tel aboutissement de lʼavenir » (cité pp. 211-2).

    Utopia.jpgCet avenir radieux qui lʼenchante, cet âge de la culture fort désirable, ressemble beaucoup à lʼunivers imaginé par Thomas More dans Utopia (1516), lequel inspira lʼEldorado, où des fontaines sourd un délicieux sirop et où le sol regorge dʼor et de moult autres pierres précieuses. Ce pays du luxe et de lʼabondance a été imaginé par Voltaire dans Candide (1759).

    JohnLocke.jpgNietzsche était justement un grand admirateur de Voltaire, à qui il dédia Humain, trop humain. Cet extrait dʼAurore (fragment posthume) est une profession de foi nietzschéenne en faveur de la pensée progressiste, que Voltaire découvrit durant ses années dʼexil en Angleterre, auprès des Henri Bolingbroke, John Locke (Photo), Alexander Pope et Jonathan Swift, et quʼil exprima dans Le Mondain (1736) :

    « Au cours du prochain siècle, lʼhumanité accumulera peut-être par la domination de la nature plus de force quʼelle nʼen peut consommer, et il y aura alors chez les hommes une nuance de luxe dont nous ne pouvons avoir aucune idée aujourdʼhui. » (cité p. 178) Mais cela ne signifie pas que Nietzsche se serait rallié au courant dominant du progressisme, pour qui le nouvel Éden ne saurait quʼêtre intrinsèquement cosmopolitique, autrement dit sans frontières. Granarolo précise que Nietzsche nʼaurait pas soutenu le globalisme, sʼappuyant sur des passages où son maître « met en évidence que lʼunification technologique et commerciale de la planète pourrait prendre la forme dʼune effrayante uniformisation » (p. 178). 

    Un art nietzschéen 

    Lʼœuvre multiforme et polycéphale de Nietzsche a pu ainsi être aisément récupérée par les modernistes (ou progressistes), qui ne se sont pas embarrassés des subtilités de sa pensée. Elle a également été une très féconde source dʼinspiration pour les praticiens dʼarts typiquement modernes.

    2001lodysseedelespace.jpgQuand le rappeur MHD claironne dans La puissance quʼil nʼa « jamais connu la défaite de son existence », il est quelque peu nietzschéen sans le savoir. Outre le rap, le cinéma, qui a célébré sa pensée par le truchement de lʼun de ses géants, Stanley Kubrick, dont les 2001, lʼOdysée de lʼespace et Eyes Wide Shot sont des films éminemment nietzschéens. Et en France, le film Lʼéternel retour de Jean Delannoy (1943), qui est une adaptation du mythe de Tristan et Iseult, sʼinspire de lʼœuvre de Nietzche, comme lʼa admis Jean Cocteau. Enfin, dans le domaine littéraire, la science-fiction : les grands auteurs du genre font lʼobjet dʼun formidable name dropping de la part de Granarolo, qui donne à son lecteur une profusion dʼidées de romans à dévorer.

    Peut-être manque-t-il à sa pléthorique liste le pionnier Cyrano de Bergerac, qui rédigea entre 1657 et 1662 lʼouvrage LʼAutre Monde ou Histoire comique des États et Empires du Soleil, ainsi que Louis Sébastien Mercier dont le livre LʼAn 2440 ou rêve sʼil en fut jamais (1786) imagine le monde du IIIème millénaire. Mais mentionner ces auteurs aurait atténué lʼidée dʼun Nietzsche pionnier du genre. À noter aussi Pierre Boulle, dont le célèbre La Planète des Singes nʼest pas sans rappeler certains passages dʼHumain, trop humain. (À suivre  

    A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...

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  • Nietzsche par temps bleu [5]

    Par Rémi Hugues

    images.jpgÀ l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec NietzscheRémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu ». Il s'agit de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie.  Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture !  LFAR    

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    Nietzsche ou lʼinterminable laïcisation du christianisme   

    La laïcité, religion de la sortie du christianisme, reposant sur un certain nominalisme (au sens quʼHenri Poincaré (Photo) donne à ce HenriPoincaré.jpgvocable dans La Science et lʼhypothèse), elle sʼaccomode voire requiert des prêtres laïcs dʼécoles de pensée diverses pour donner lʼillusion de la liberté dʼexpression, principe qui lui est constitutif, dans la mesure où ce principe est la sécularisation de celui de libre-examen.

    Et, sous la plume de notre auteur, Nietzsche de devenir un « humaniste » (p. 68), un instrument de lʼ « interminable laïcisation du christianisme » (p. 68), un énième avatar de ces « ombres de Dieu » (p. 68) qui pullulent depuis lʼirruption de la modernité afin de brouiller le sens exact de la Bonne Nouvelle[1]. 

    Ecce Homo Deus 

    Page 88 notre auteur pose cette étrange question : « Quʼest la religion de lʼesprit libre sinon le mythe du Surhomme donnant sens à la Terre et reliant à nouveau lʼindividu savant au cosmos ? » Pour lui ce concept relevant du mythos de Surhomme est une « image religieuse qui échappera inévitablement à son créateur, image qui engendrera une piété » (p. 88). Le champ lexical est résolument numineux ; lʼhomo religiosus Granarolo dévoile la subtile nature de la laïcité : non un processus de désacralisation en général, car Dieu est désacralisé – parce quʼanéanti – au profit de lʼhomme. Au théisme se substitue lʼhumanisme : Homo Deus voici venu ton âge !

    Granarolo ne peut sʼempêcher dʼériger son maître en figure religieuse : « Nietzsche est aussi prophète », écrit-il page 107. Nous aurions dit, nous, Nietzsche est aussi poète. Un poète à rapprocher du courant des symbolistes, à propos desquels MauriceBarrès.pngMaurice Barrès écrivit :

    « Gardons-nous peut-être de les saluer trop vite chrétiens, ces poètes. La liturgie, les anges, les satans, tout le pieux appareil, ne sont quʼune mise en scène pour lʼartiste qui juge que le pittoresque vaut bien une messe. Leur religion nʼa pas surgi soudain par la grâce dʼun élan de foi, cʼest la tristesse qui développa dans lʼintimité de leur âme des germes pieux héréditaires. »[2] 

    Nietzsche prophète donc ? Or selon Granarolo lʼune des vertus du nietzschéisme est son absence de finalisme. Comment dès lors admettre quʼil disposait de la faculté de savoir annoncer le futur, si ce futur est par nature indéterminé, le produit de la contingence la plus fortuite ? La notion de prophète ne présuppose-t-elle pas nécessairement un certain providentialisme ?

    À cet égard nous sommes convaincus que toutes les idéologies modernes ont en commun de prophétiser un paradis terrestre. Marc-Alain Ouaknine note que le mouvement vers Olam haba (le monde futur, à venir) « est le ʽʽpoint messianiqueʼʼ de lʼhomme »[3]

    En ce qui concerne le lien entre temporalité et modernité, Granarolo avance que « le manque de sens historique » (p. 111) est un trait distinctif de toute « idéologie moderne » (p. 111) à partir de la lʼétude dʼHumain, trop humain. Ce qui est faux sʼagissant du futur, comme nous venons de le voir. Les idéologies (religions profanes, sécularisées) portent la promesse des lendemains qui chantent. En revanche cʼest juste pour ce qui est du passé : elles tendent à nous couper du « lien qui nous unit inconsciemment au passé immémorial de nos ancêtres, et au-delà des humains qui nous ont précédés, à la totalité de lʼaventure de la vie terrestre » (p. 111). 

    Nietzsche et la modernité 

    Michéacomplexedorphée.pngLʼattitude proprement moderne, Jean-Claude Michéa lʼa exprimée par la métaphore du complexe dʼŒdipe, à qui il est interdit de se retourner, de regarder derrière lui. La modernité nous intime in fine de devoir « haïr le passé » (p. 127). Sur ce point la critique nietzschéenne de la modernité est précieuse. De même quʼest précieuse son étude de la science, domaine qui sʼest substitué depuis lʼâge moderne à la religion en tant que source légitime de la connaissance, que vecteur conduisant à la Vérité.

    Certes il y a un Nietzsche scientiste, rationaliste, celui de la période dite du « positivisme » (p. 182) – terme que notre auteur préfère à celui dʼAufklarüng, choisi par Eugen Fink –, qui veut poursuivre « la libération de lʼesprit entamée par la philosophie française du XVIIIème siècle » (p. 183), qui dédie son Humain, trop Voltairesalonphilosophes.jpghumain à Voltaire (Photo) et enfin qui écrit ceci : « Je sais si peu de choses des résultats de la science. Et pourtant ce peu me semble déjà dʼune richesse inépuisable pour éclairer ce qui est obscur et pour éliminer les anciennes façons de penser et dʼagir. » (Aurore, fragment posthume, cité p. 182)

    Mais cet éloge de la tabula rasa permise par la science est à confronter avec dʼautres textes. Le jeune Nietzsche la qualifie de « barbare » (p. 108). Granarolo indique en outre que Nietzsche voyait dans la science un facteur du nihilisme et soulignait « lʼillusion du jugement objectif » (p. 122), thèse que lʼon trouve notamment dans Par delà bien et mal, où les systèmes philosophiques (prétendument scientifiques, ce qui vise en particulier le marxisme) sont réduits à de pures subjectivités, à des auto-portraits de leur auteurs.  (À suivre  

    [1]  Jacob Boehme, un cordonnier allemand de la Renaissance, développa une pensée hétérodoxe. Dans une étude sur celle-ci, Nicolas Berdiaeff écrivit : « Le Mal est lʼombre du Bien » cité par Jean Phaure, Le cycle de l' humanité adamique. Introduction à l' étude de la cyclologie traditionnelle et de la fin des Temps, Paris, Dervy, 1994, p. 224. Et Carl Jung dit :« Dʼaprès les Pères de lʼÉglise, le Christ ʽʽa coupé son ombre de lui-mêmeʼʼ. Si nous accordons quelque poids à cette affirmation, nous pouvons reconnaître sans difficulté dans lʼAntéchrist la contrepartie ainsi coupée. LʼAntéchrist se développe dans la légende comme un imitateur pervers de la vie du Christ. Il est […] un esprit mauvais qui imite, qui suit en quelque sorte le Christ pas à pas, comme lʼombre suit le corps. », Aïon. Études sur la phénoménologie du soi, Paris, Albin Michel, 1983, p. 56. 
    [2]  LʼŒuvre de Maurice Barrès, t. 1, Paris, Club de lʼHonnête Homme, 1965, p. 398.
    [3]  Lire aux éclats..., ibid., p. 236. 

    A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...

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  • Nietzsche par temps bleu [4]

    Par Rémi Hugues

    images.jpgÀ l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec NietzscheRémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu ». Il s'agit de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie.  Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture !  LFAR    

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    Nietzsche poète-philosophe protestant 

    Ne peut-on pas considérer au fond Nietzsche comme un poète-philosophe protestant, très marqué par les textes vétérotestamentaires, et qui voit dans lʼÉglise de Rome une institution corrompue par le mal ?

    51iO7kpwSIL._SX210_.jpgEn témoigne son livre LʼAntéchrist. Lequel manque cruellement dans la partie consacrée par notre auteur au thème de lʼapocalypse, dʼoù est née la figure de lʼantéchrist. Seul un passage de lʼavant-propos est reproduit (p. 147), mais aucune mise en perspective nʼest faite entre ce volume de Nietzsche et le célébrissime texte johannique. 

    Un poète imprégné de protestantisme 

    Sʼil était indéniablement un anti-catholique rabique, il nʼest pas pour autant évident quʼil y ait chez Nietzsche « un véritable athéisme axiologique » (p. 68), comme lʼaffirme Granarolo. Peut-être plaque-t-il chez son maître à penser son propre athéisme, puisque dire que Dieu est mort présuppose quʼil a existé.

    À cet égard on peut comprendre la thèse présente dans le Gai Savoir et Ainsi parlait Zarathoustra de la « mort de Dieu » comme un constat dʼordre sociologique, qui ne réjouit ni nʼexcède Nietzsche, sa réaction face au phénomène de sécularisation étant « tantôt celle de lʼangoisse, tantôt celle de lʼespoir » (p. 68). 

    unnamed.jpgPuisque « Hegel et Feuerbach (Photo) ont contribué à lʼavènement de la pensée nietzschéenne » (p. 238), celle-ci est assimilable au protestantisme, qui est dʼessence adogmatique car prescrivant le libre-examen.

    Et si Dieu a progressivement disparu des sociétés protestantes, qui sont fortement sécularisées aujourd’hui, nʼest-ce pas le résultat dʼun croyance Extrait_Altona_1785_v3.jpgkabbalistique reprise par le rosicrucisme, lequel pava la voie au luthérianisme, en un retrait de Dieu, ou tsimtsoum ?

    Nietzsche, de notre point de vue, a su de manière remarquable exprimer la signification de la modernité. Il nʼa pas manqué de signaler quʼil avait aperçu « lʼapparition dʼune civilisation factice dissimulant derrière la frénésie de ses actions et de ses progrès scientifiques et techniques, derrière le bonheur matériel offert à la plupart de ses membres, un nihilisme profond sʼétendant peu à peu à lʼensemble de la société. » (pp. 180-1). 

    Toutefois, il a omis le fameux adage selon lequel la nature a horreur du vide. Il a buté sur le sens précis du mot civilisation, pensant à tort que la disparition était consubstantielle à la mort du dogme. Alors que « la civilisation qui se met en place sous ses yeux » (p. 181) est à lʼimage de celle quʼelle remplace, fondée sur un dogme. Elle est un système social et historique semblable aux religions cimentant les sociétés traditionnelles, « qui toutes sʼenracinent dans un texte sacré inaugural et immodifiable » (p. 126).

    Ledit écrit que Granarolo mentionne sans le mettre en questions au sujet de la « biurgie », à la page 113, est « notre Déclaration des droits de lʼhomme » à laquelle il suggère dʼajouter un droit nouveau, celui de ne pas subir des manipulations génétiques. 

    Les droits de lʼhomme négligés 

    la-promesses-de-la-fayette.jpgLa Déclaration des droits de lʼhomme, véritable impensé de la vision du monde post- nietszchéenne de notre auteur, est lʼÉvangile de la modernité, le Décalogue de lʼâge de la mort de Dieu. En ayant recours aux termes « cloître laïc », il montre quʼil nʼa pas pris la mesure de lʼimportance de cette notion de laïcité. Il utilise cet adjectif sans se douter de son absence de neutralité. La laïcité nʼest pas neutre, nʼest pas absence de la religion, mais elle la religion des droits de lʼhomme, comme lʼa reconnu Vincent Peillon dans son ouvrage La Révolution française nʼest pas terminée[1].

    Et cʼest la seule objection que lʼon pourrait faire à Granarolo, qui au demeurant a signé un livre de très haut niveau. Il nʼa pas respecté lʼinjonction nietzschéenne suivante : « Il faut donner à lʼhomme le courage dʼun nouveau grand mépris, par exemple à lʼégard des riches, des fonctionnaires, etc. » (p. 64) En devenant agent de la fonction publique, il a choisi la voie de la soumission à lʼordre philosophique établi, en dépit de lʼavertissement lancé par son maître. Se méprise-t-il lui-même pour avoir sciemment repris dans son livre ces lignes publiées à titre posthume ?

    En les mentionnant ne suggère-t-il pas à son lecteur quʼil a vidé le nietzschéisme de sa substance radicale en contrepartie de sa participation récompensée par des avantages matériels et symboliques à lʼentreprise idéologique de lʼÉtat républicain ?  (À suivre  

    [1] https://www.youtube.com/watch?v=4xluF5WOOJw 

    A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...
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  • Alain de Benoist : « Si le référendum d’initiative populaire existait en France, les gilets jaunes ne seraient jamais descendus dans la rue »

    Par Alain de Benoist

    Alain de Benoist a donné à Boulevard Voltaire cet intéressant entretien qui peut donner matière à débat. [5.02]. Lisez !  LFAR 

     

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    Vous disiez, il y a peu, que les gilets jaunes devraient faire primer leur revendication en faveur d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC). Or, voici qu’on nous annonce qu’Emmanuel Macron envisage lui-même de faire un référendum. Qu’en penser ?

    Le chef de l’État est aujourd’hui en campagne électorale. S’il va jusqu’au bout de son projet, on sait par avance qu’il y a des sujets qui ne seront pas soumis aux Français, à commencer par l’immigration. Édouard Philippe l’a dit clairement : pas question de faire un référendum « sur n’importe quel sujet ». La grande caractéristique du référendum d’initiative citoyenne, que je préfère appeler référendum d’initiative populaire, est au contraire qu’il permet aux citoyens de susciter une consultation sur tous les sujets d’intérêt collectif qu’ils veulent, dans le domaine politique, économique ou social.

    En France, le philosophe Emmanuel Mounier fut l’un des premiers à théoriser cette forme de référendum dans son Manifeste au service du personnalisme, paru en 1936. Il n’a rien à voir, bien entendu, avec le référendum d’initiative partagée mis en place en 2008 par Nicolas Sarkozy, dont la complexité et la lourdeur rendaient l’application impossible – ce qui était, d’ailleurs, le but recherché, car il est très difficile à un gouvernement de s’opposer à une majorité référendaire (encore que le même Sarkozy n’ait tenu aucun compte du « non » au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen en faisant adopter, trois ans plus tard, le traité de Lisbonne par le seul Parlement).

    Comme près de 80 % des Français, je suis pour ma part très favorable à ce type de référendum, qui existe déjà (sous différentes formes) dans une quarantaine de pays et qui, dans la mesure même où il résulte de l’initiative populaire, sans que soit nécessaire l’accord du Parlement ou du chef de l’État, n’a pas le caractère plébiscitaire des référendums organisés par un gouvernement. Il a, en revanche, une légitimité supérieure dans la mesure où il réunit des gens qui peuvent par ailleurs voter pour des partis différents, voire opposés. Un tel référendum doit pouvoir être à la fois législatif, abrogatif, révocatoire et constitutionnel. S’il existait en France, les gilets jaunes ne seraient jamais descendus dans la rue.

    Quels sont les arguments que l’on oppose au référendum d’initiative populaire, voire à toute forme de référendum ?

    Passons sur les obstacles d’ordre technique, qui peuvent aisément être surmontés dès lors qu’un quorum de voix raisonnable (700.000 signatures, par exemple, soit 1,5 % du corps électoral) est fixé pour déclencher la procédure et que sont instaurés les délais nécessaires à la mise en œuvre de la « votation ».

    Viennent ensuite des arguments classiques : le peuple serait incompétent pour traiter des choses « complexes », il serait versatile, sensible aux simplifications outrancières des « démagogues », il s’empresserait d’exiger l’impossible, etc. On notera que ces objections pourraient tout aussi bien s’appliquer à n’importe quelle consultation électorale. Il est facile d’y répondre : la politique n’étant pas réductible à la technique dans la mesure même où elle doit arbitrer entre des idées ou des intérêts divergents, le peuple est certainement plus compétent que les élites pour décider de ce qui le concerne, et surtout mieux placé qu’elles pour dire ce qui, dans sa vie de tous les jours, lui apparaît ou non comme insupportable. Le but du référendum n’est, en outre, pas de dégager une « vérité » mais de faire en sorte que coïncident le plus possible la volonté populaire et la politique des dirigeants. Quant à l’« irréalisme » des électeurs, je rappellerai seulement qu’en mars 2012, une proposition visant à instituer une sixième semaine de congés payés a été rejetée par une forte majorité du peuple suisse.

    Il y a, enfin, les objections d’ordre idéologique. Les libéraux sont opposés au référendum parce qu’ils sont par principe hostiles à toute forme de souveraineté populaire, ce qui suffit d’ailleurs à montrer que libéralisme et démocratie ne sont pas synonymes. Les peuples ne sont, dans l’optique libérale, que des agrégats d’individus : le tout n’est que la somme de ses parties et les collectivités ne peuvent, en tant que telles, exprimer une opinion. « De cette question de souveraineté, bien sûr, le libéral se fiche totalement », lisait-on, le 30 janvier dernier, sur le site libéral Contrepoints ! Une autre officine libérale, l’IREF, écrit sans rire que le référendum est inutile puisque « le marché est déjà l’expression des choix permanents et spontanés des consommateurs » ! Le libéralisme dénonce volontiers le « despotisme de la majorité », mais s’accommode fort bien de la dictature des minorités. Il récuse, en outre, toute décision, même démocratique, qui irait à l’encontre de l’idéologie des droits de l’homme – ce qui pose la question de la légitimité d’une assemblée non élue telle que le Conseil constitutionnel. L’article 3 de la Constitution dit que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Les libéraux, qui ne reconnaissent que la souveraineté de l’individu sur lui-même, s’en remettent aux seuls représentants, même (et surtout) lorsque ceux-ci ne représentent plus rien.

    Le référendum est-il pour autant la panacée ? Et la démocratie directe peut-elle se réduire à ce même référendum ?

    Évidemment pas. La démocratie directe est celle qui permet à un peuple d’être politiquement présent à lui-même. Elle a d’abord une dimension locale, voire communale, ce qui lui permet d’irriguer politiquement toute la vie sociale. Le référendum n’a pas non plus pour but de se substituer aux élections. Mais la loi électorale doit être modifiée par l’institution du mandat impératif, qui permet de destituer ou de révoquer tout représentant élu qui viole délibérément ses engagements ou engage une politique allant à l’encontre de ce que veulent ceux qui l’ont élu : le vote n’est, dès lors, plus un blanc-seing. L’autorité du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et des institutions supranationales du type de la Cour européenne des droits de l’homme devrait, par ailleurs, ne plus avoir la toute-puissance qu’on lui attribue actuellement. 

    Intellectuel, philosophe et politologue
     Revue Eléments
     
     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier 
  • Nietzsche par temps bleu [3]

    Par Rémi Hugues

    images.jpgÀ l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec NietzscheRémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu ». Il s'agit de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie.  Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture !  LFAR    

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    Le concept de Surhomme 

    Cʼest dans Ainsi parlait Zarathoustra que sont contenues les réflexions les plus fécondes sur le Surhomme, qui est « la figure du lʼhomme du futur » (p. 125) espéré par Nietzsche, à qui, dʼaprès lʼauteur, « une ʽʽfuturationʼʼ du voir […] a été octroyée. » (p. 126) 

    zarathoustraT2.jpgToutefois ce dernier insiste sur « la ʽʽgrande nostalgieʼʼ éprouvée par Zarathoustra après quʼil ait été visité par lʼombre de la beauté du Surhomme » (p. 209). La nostalgie renvoie au passé, au regret que lʼon ressent vis-à-vis dʼune chose révolue, disparue. Le Surhomme nʼest en fait pas une figure de lʼavenir. Il est une figure du temps passé. 

    Nietzsche a projeté dans le futur un événement survenu à lʼorée des temps et négligé par la théologie chrétienne : lʼapparition dʼAdam parmi une masse de pré-adamites, apparition dont témoigne le septième verset du chapitre II de la Genèse, ultérieurement à lʼhumanité plurielle, « mâle et femelle », du vingt-septième verset du 1er chapitre de ce livre inaugurant le Pentateuque. 

    À la différence de cette humanité primitive, Adam a reçu un souffle divin dans ses narines, le pneuma. Le prédicateur Paul de Tarse nʼa pas manqué de prodiguer ce savoir, lorsque dans la 1ère épître aux Corinthiens (15 : 47) il dit : « Le premier homme est terrestre ; le second homme est du ciel ». 

    En outre, dans le 5ème chapitre de lʼépître aux Romains, il pointe du doigt cet homme supérieur, ce Surhomme, quʼest Adam : au verset 12 il écrit que « par un seul homme le péché est entré dans le monde ». La « transgression » – mot que lʼon retrouve au verset 14 – commise par Adam a consisté à se mêler génétiquement à lʼhumanité originaire ; moment tragique dʼ « innocence animale à tout jamais perdue » (p. 122) pour les descendants de ce croisement entre Adam et les hominiens, autre vocable qui pourrait désigner les pré-adamites.      

    Portrait_of_Friedrich_Nietzsche.jpgCe funeste épisode, la théologie chrétienne lʼappelle « péché originel ». Dans Humain, trop humain Nietzsche reprend cette expression pour signaler « le manque de sens historique » qui caractériserait « la totalité de lʼidéologie moderne » (p. 111), considération sur laquelle nous reviendrons. Mais avant cela, notons lʼusage que fait Nietzsche, le philosophe de la « mort de Dieu », du Dieu-fait-homme, du Dieu chrétien, de ce concept purement chrétien ; comme le mit en évidence Sigmund Freud dans LʼHomme Moïse et la religion monothéiste, alors que le texte de la Genèse est antérieur au christianisme. Freud y soutient que lʼidée de péché originel est née avec le christianisme, quʼelle en constitue même lʼun des deux maître piliers, le second étant dʼaprès lui le rachat du sacrifice. 

    Le vieux fonds chrétien de Nietzsche   

    718g67jMWXL._UX250_.jpgTelle est la deuxième grande leçon que lʼon peut tirer sur la pensée de Nietzsche à la lecture de lʼexcellent essai de Philippe Granarolo, qui depuis des années, sous le ciel azur et le soleil radieux de la Provence sʼacharne à aider chacun qui le souhaite à penser avec Nietzsche, de la manière correcte. Lʼœuvre du philosophe allemand est imprégnée dʼun christianisme latent, presque inconscient. La prose nietzschéenne porte indéniablement la marque de la culture chrétienne de son créateur. 

    Par exemple, ce passage du Gai Savoir, mentionné deux fois (pages 79 et 183) : « Que lʼon accorde à ce germe encore quelques siècles et plus, et il se pourrait quʼil finisse par produire une plante merveilleuse et dʼune non moins merveilleuse odeur, propre à rendre la terre plus agréable à habiter quʼelle ne le fut jusquʼalors ». Nietzsche caresse lʼespoir de lʼexistence à terme dʼune terre paradisiaque. Il emploie la métaphore de la merveilleuse odeur, qui est profondément biblique. 

    2964906227.jpgDu jardin dʼÉden exhalaient de délicieuses senteurs, dit la tradition, comme lʼatteste cet extrait de la Genèse, où Jacob bénit son fils Isaac, quʼil prend pour lʼaîné Édom : « ʽʽAvance-toi donc et baise-moi, mon fils !ʼʼ Il sʼavança et le baisa. Isaac sentit lʼodeur de ses habits et le bénit. Il dit : ʽʽVoici que lʼodeur de mon fils est comme lʼodeur dʼun champ que Iahvé a béniʼʼ » (Gen 27 : 26-27) 

    Au XVIIème siècle, le messie mystique Sabbataï Tsevi et ses fidèles se souvenaient bien de cela, quand ils prétendaient quʼun parfum fort agréable sortait naturellement de ses pores : « Coenen  rapporte […] un détail […] quand il nous dit quʼaprès 1648, le corps de Sabbataï exhalait une odeur très agréable et très parfumée (le fait est également mentionné par les sources sabbataïstes : les disciples prétendirent plus tard quʼil sʼagissait de lʼodeur du Jardin dʼÉden. »[1] 

    On peut citer de plus ces lignes de Généalogie de la Morale : « Pour pouvoir ériger un sanctuaire, il faut briser un sanctuaire : cʼest la loi » (p. 88). Elles renvoient implicitement au livre de lʼExode, quand Moïse brise les Tables de la loi. Le Midrach formule cette hypothèse : « Dieu aurait dit à Moïse : ʽʽBravo ! Tu as bien fait de les briser.ʼʼ »[2] Dans le Talmud, Rech Lakich affirme que « parfois lʼannulation de la loi constitue son fondement même. »[3] Et dans Ménahot 99b, figure cette réflexion : « Parfois, lʼannulation de la loi constitue son accomplissement. »[4] 

    0f3464c1f8d2fce7e2f31ce8a7ca83ed3ab706d3fb9848cce198c0c30700.jpgCette imprégnation du christianisme est dʼailleurs admise par Granarolo : « Quʼil sʼagisse du ʽʽSermon sur la montagneʼʼ et de son ʽʽlaissez venir à moi les petits enfantsʼʼ, ou de cette autre formule du Nouveau Testament qui nous exhorte à vivre sans souci du lendemain ʽʽcomme le font les oiseaux du cielʼʼ, nʼy a-t-il pas dans le Nouveau Testament des formules qui ont séduit le jeune Nietzsche et dont il a inconsciemment reproduit la structure dans son œuvre philosophique ? » (p. 240)    (À suivre  

    [1]  Gershom Scholem, Sabbataï Tsevi. Le messie mystique 1626-1676, Paris, Verdier, 1983, p. 150.

    [2]  Cité par Marc-Alain Ouaknine, Lire aux éclats. Éloge de la caresse, Paris, Seuil, 1994, p. 275.

    [3]  Cité par ibid., p. 276.

    [4]  Cité par ibid., p. 279.

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  • Nietzsche par temps bleu [2]

    Par Rémi Hugues

    images.jpgÀ l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec NietzscheRémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu ». Il s'agit de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie.  Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture !  LFAR    

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    Ce n'est pas un philosophe mais un scientifique qui a le plus profondément marqué Nietzsche

    Un autre grand mérite de Granarolo, qui, en plus dʼêtre un élu municipal, anime un café philosophique dans le Var, est dʼindiquer quels sont les auteurs qui ont le plus influencé Nietzsche. Et il ressort que ce nʼest pas un philosophe (comme par exemple Schopenhauer, comme on lʼentend souvent) mais un scientifique qui a profondément marqué sa pensée : cet homme cʼest Charles Darwin. 

    Charles_Darwin_painting_by_Walter_William_Ouless,_1875.jpgLʼinfluence du darwinisme 

    Page 92 Granarolo écrit que la « science du XIXème siècle, et le darwinisme en particulier » libèrent la philosophie. Il reprend ainsi à son compte la « préhistoriographie » actuelle fondée sur la théorie de lʼévolution qui veut que des « milliards dʼannées ont pu conduire de lʼêtre monocellulaire originaire à lʼanimal humain »[1].

    La théorie de lʼévolution est le principe – au sens à la fois de point de départ et de pierre angulaire – du nietzschéisme. Notre auteur nous apprend que le « premier texte philosophique écrit par Nietzsche alors quʼil avait à peine dix-sept ans (Fatum et histoire) inscrit ses première intuitions dans le cadre de ce quʼil convient de qualifier dʼévolutionnisme » (p. 104) Selon cette vision des choses la détermination de la nature des êtres vivants est « livrée au jeu du hasard » (p. 104), et non plus à lʼUn omnipotent, omniscient et omniprésent, Dieu.

    1280px-Lepas_anserifera.jpgPlus loin, lʼauteur relève ce fragment posthume, que Nietzsche a écrit en 1881 : « Lʼépoque des expérimentations ! Les affirmations de Darwin sont à vérifier – par des expérimentations ! De même la naissance dʼorganismes supérieurs à partir des plus bas. Il faut inaugurer des expérimentation pour plusieurs millénaires ! Éduquer des singes pour en faire des hommes ! » (cité p. 106).

    Lʼimportance dans le darwinisme du principe de struggle for life (« lutte pour la vie ») plaît à Nietzsche : « Une formidable cruauté a existé depuis le début de la vie organique, éliminant tout ce qui ʽʽressentaitʼʼ autrement – La science nʼest peut-être quʼun prolongement de ce processus éliminatoire, elle est totalement inconcevable, si elle ne reconnaît pas lʼʽʽhomme normalʼʼ en tant que la ʽʽmesureʼʼ suprême, à maintenir par tous les moyens » (cité p. 109), écrit-il durant cette même année 1881. 

    Nietzsche, en sʼécartant du fixisme de lʼanthropologie classique (ou adamisme) – Granarolo précise quʼil craignait une « immobilisation de lʼhumanité » (p. 112) –, a participé à la négation de la nature divine de lʼhomme, à sa désacralisation, et donc à la sécularisation des esprits. « Rien dʼimmuable, et pas la moindre origine transcendante, dans lʼhumain » (p. 112), pour citer lʼécrivain varois.

    Fruit de nombreuses mutations, nous, êtres humains, ne serions ainsi quʼun « terme provisoire » (p. 114) – dans le sens de « nouveau-né dans une chaîne biologique de plusieurs milliards dʼannées » (p. 210) – que « lʼhominsation (nous) a séparés des singes. » (p. 130)

    Humain-trop-humain.jpgEt Nietzsche dʼaller jusquʼà dire que le singe est non seulement notre ancêtre, mais aussi notre descendant ! Dans Humain, trop humain on peut effectivement lire que « lʼhomme sorti du singe redeviendra singe, sans que personne ne prenne le moindre intérêt à ce bizarre dénouement de la comédie. » (cité p. 151)

    De surcroît, dans un fragment posthume rédigé vers 1888-1889 il montre quʼil ne fait pas sienne la thèse du progrès inéluctable de la condition humaine : « Quel type prendra un jour la relève de lʼhumanité ? Mais ce nʼest là quʼidéologie de darwiniste. Comme si une espèce avait jamais été remplacée ! Ce qui mʼintéresse, cʼest le problème de la hiérarchie au sein de lʼespèce humaine, au progrès de laquelle, dʼune manière générale, je ne crois pas, le problème de la hiérarchie entre types humains qui ont toujours existé et qui existeront toujours. » (cité pp. 151-2)

    Granarolo admet volontiers lʼinfluence quʼa exercée Darwin dans la pensée de Nietzsche, quand page 210 il évoque les « découvertes biologiques et la théorie évolutionniste : « Darwin a, nul ne lʼignore, profondément marqué la pensée nietzschéenne » (p. 210). Il dit même quʼà certains égards Nietzsche était « profondément darwinien » (p. 114). 

    Nietzsche, un darwinien critique 

    Cependant il faut nuancer cette assertion car ce dernier reprochait à Darwin de présenter la sélection naturelle comme un processus aboutissant à la pérennité du plus fort, ayant pour effet lʼamélioration nécessaire des espèces. Dans Crépuscule des idoles, Nietzsche note que la vie naturelle régie par lʼimpitoyable loi de la jungle « se termine au détriment des forts, des privilégiés, des heureuses exceptions ! Ce nʼest pas en perfection que croissent les espèces. Les faibles lʼemportent de plus en plus sur les forts. » (cité p. 114)

    En considérant que le darwinisme était avant tout un « avatar de lʼhégélianisme » (p. 114), Nietzsche ne négligeait-il pas les origines essentiellement hobbesiennes de la Weltanshauung (ou « conception du monde ») de lʼauteur des Origines des espèces ? Il avait fait état à son élève bâlois Baumgartner de la grande admiration quʼil éprouvait pour Thomas Hobbes, nous indique notre auteur page 64.

    800px-Thomas_Hobbes_(portrait).jpgOr le darwinisme se situe dans le droit fil de pensée de lʼauteur du Léviathan. Karl Marx avait relevé ce lien, lorsquʼil écrivait à son ami Friedrich Engels que la théorie de Darwin nʼétait rien d’autre que la « transposition pure et simple du domaine social dans la nature vivante, de la doctrine de Hobbes (Photo) : bellum omnium contra omnes, et de la thèse de la concurrence chère aux économistes bourgeois, associée à la théorie malthusienne de la population. »[2]

    Si Nietzsche se détache du darwinisme stricto sensu, il conserve son évolutionnisme qui se rapporte à toutes les espèces dont lʼhomme, ainsi quʼun déterminisme qui sʼaffranchit du providentialisme pour ériger le « hasard heureux »[3] en cause première et décisive.

    Et ce darwinisme partiel représente la condition de possibilité de ce concept qui est sans doute le plus célèbre de Nietzsche, celui de Surhomme. Granarolo avance à ce sujet que « lʼévolutionnisme biologique et culturel […] éclaire sa venue. » (p. 67)  (À suivre  

    [1]  Il fait référence à A. Giudicelli qui estime que « la vie terrestre a des milliards dʼannées, que la vie de lʼespèce  humaine au moins trois millions dʼannées », p. 111.
    [2]  Lettre à Engels (1862), citée par André Pichot, Aux origines des théories raciales, de la Bible à Darwin, Paris, Flammarion, 2008, p. 167.
    [3]  Termes que lʼon retrouve dans LʼAntéchrist, cité pp. 114-5.
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  • « Djihadistes français : de la trahison »

    Par Mathieu Bock-Côté 

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    CHRONIQUE - La France doit-elle accepter le retour de combattants qui ont renié la nation et ses valeurs ? Les grilles d'analyse traditionnelles ne permettent pas d'apporter une réponse efficace et satisfaisante. Car les djihadistes français ne sont pas simplement des criminels, mais des traîtres. [Le Figaro, 8.02]. On verra que Mathieu Bock-Côté repousse très loin ou très profond les limites de son analyse. De sorte qu'elle sous-tend une seconde question : n'y a-t-il pas aussi trahison de la part de ceux - gouvernants, élites, médias - qui leur ouvrent les portes de leur retour ? C'est très clair pour nous : la réponse est oui.   LFAR 

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    L'impuissance politique et intellectuelle des nations occidentales

    Il y a peu de questions aussi délicates que celle du retour des djihadistes occidentaux dans leurs pays respectifs, et elle fait débat en France en particulier. Faut-il accepter qu'ils reviennent, et si oui, à quelles conditions ? Que faire de ceux qui se sont engagés dans une « guerre sainte » contre leur civilisation et leur pays, et qui aujourd'hui, espèrent souvent y revenir en étant traités comme des citoyens de plein droit.

    Dans-son-coeur-sommeille-la-vengeance.jpgMême la question des enfants, aussi déchirante soit-elle, ne se laisse pas traiter en des termes simplement humanitaires, comme l'a finement posé Sonia Mabrouk dans son roman Dans leur cœur sommeille la vengeance, consacré aux lionceaux de Daech. Mais ce qui frappe, surtout, au-delà des questions prosaïques posées par le retour des djihadistes, c'est la confusion intellectuelle qui l'entoure. Comment les considérer du point de vue de la communauté nationale ? C'est là que surgit un terme que la philosophie politique contemporaine semble proscrire : la trahison. Nous avons une étrange difficulté à dire : ce sont des traîtres. Comme si ce terme heurtait la conscience contemporaine, qu'il était trop dur. Raymond Aron était le premier à convenir du flou qui entoure la notion de trahison, mais il ne la congédiait pas pour autant. Une philosophie politique incapable de la prendre au sérieux est une philosophie politique de temps de paix. 

    On a tendance à dissoudre la question de la trahison dans une forme de relativisme reconnaissant à chacun de bonnes raisons à son engagement. Le djihadiste français ne trahirait que de notre point de vue. Du sien, il servirait une cause légitime justifiant le plus grand sacrifice, ce qui devrait presque nous pousser à le comprendre, voire à le respecter. C'est oublier que la nation n'est pas qu'une fiction historique mais qu'elle nous engage dans le monde et qu'on ne saurait se retourner contre elle en lui déclarant la guerre sans rompre radicalement avec elle, de manière irréversible.

    Certes, après une guerre civile, il peut être nécessaire de rassembler des fils divisés, qui se sont accusés mutuellement de trahison pendant un temps. C'est le rôle d'un grand réconciliateur, capable de réparer la pire des fractures, celle du corps politique. Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit ici. Nous sommes devant de vrais renégats, qui se sont rendus coupables de félonie. Cette déloyauté absolue n'entre pas dans les catégories ordinaires du droit. Quel que soit le traitement qu'on leur réserve, on ne saurait les considérer comme des citoyens parmi d'autres. Il y a des limites à l'humanitarisme sénile. Un juridisme extrême condamne à l'impolitique. Leur geste implique un traitement d'exception qui ne relève pas de l'évidence. Quand elle est possible, la déchéance de nationalité devrait au moins aller de soi.

    On ne saurait se laisser bluffer non plus par cette mauvaise blague en forme de théorie de psychologie populaire qu'est la déradicalisation. La déradicalisation postule que l'homme parti faire le djihad est un dérangé, troublé psychiquement, et non pas, tout simplement, un ennemi qui a consciemment décidé de s'enrôler dans une « guerre sainte ». On s'imagine qu'il suffirait de trouver les bons arguments, et les bons mots, pour qu'au terme d'une thérapie modératrice, il réintègre la communauté nationale. Ici, le djihadiste est victimisé. Justin Trudeau, au Canada, a même laissé entendre que les ex-djihadistes repentis pouvaient servir d'exemple à leurs concitoyens, pour les dissuader de basculer dans le terrorisme. Au mieux, cela relève du comique involontaire. 

    Ce qui surgit en fin d'analyse, c'est la question de la nation, qu'on ne saurait plus enfermer dans une définition strictement juridique, seule censée correspondre aux « valeurs républicaines ». Quoi qu'on en dise, la nation n'est pas qu'une construction formelle. Elle a une part charnelle, affective, qui engage le cœur et l'âme. Mais rappeler cela fait désormais scandale.

    18076816lpw-18077004-article-arrestation-jihadiste-syrie-jpg_5940006_660x281.jpgOn est en droit de se demander si les djihadistes n'étaient pas que des Français entre guillemets, jouissant de droits qu'ils n'ont jamais équilibrés avec quelques devoirs, qu'ils n'ont jamais aimés non plus. Leur cas n'est-il pas symptomatique d'une décomposition identitaire grave  ? Ces hommes auraient-ils senti monter en eux la vocation au djihad s'ils avaient vécu dans un environnement culturel cultivant une représentation du monde qui lui est favorable ?

    Dès lors, la question des djihadistes français qui après leur aventure syrienne, espèrent revenir chez eux, et trouvent des alliés pour les soutenir, révèle surtout l'impuissance politique et intellectuelle des nations occidentales, et leur difficulté à comprendre leur basculement dans des temps tragiques.    

    Mathieu Bock-Côté 
    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).  

     

    À lire dans Lafautearousseau ...
    La justice ou la guerre
  • Nietzsche par temps bleu [1]

    Par Rémi Hugues

    images.jpgÀ l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec Nietzsche, Rémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu » dont voici le premier. Il s'agira de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie.  Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture !  LFAR    

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    Tout philosophe nʼest pas poète, mais tout poète expose sa philosophie à travers ses œuvres.

    À peu près au même moment que lʼépigone de Charles Baudelaire et amant de Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, composait les Illuminations ou Une Saison en Enfer, de lʼautre côté du Rhin Friedrich Nietzsche lutinait Sophia en remplissant des cahiers entiers de prose irrévérencieuse et dʼaphorismes percutants, elle qui nʼaime que les guerriers insoucieux, moqueurs et violents.      

    9782343155708r.jpgLe premier mérite du dernier opus du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec Nietzsche et que la maison dʼédition LʼHarmattan vient de publier, est de nous plonger dʼemblée dans ce qui fonde la puissance de la pensée de Nietzsche, à savoir, pour employer un vocable à la mode, son côté disruptif. La méthode de ce dernier est restée au fil de ses œuvres la même : chercher à nier lʼévidence, à tordre la doxa, à remettre en question les postulats qui semblent indiscutables. 

    Apollon et Dionysos 

    Le livre commence par la contestation de lʼopposition qui est généralement faite entre la vie à lʼétat éveillé et la vie onirique. Lʼauteur souligne que chez Nietzsche le rêve est comme lʼéveil un état « apollinien » c’est-à-dire un état de sobriété. 

    220px-StatueApollon2.jpgLes mots Apollon et apparence commencent tout deux par le préfixe « ap- » : veille et rêve participent du même ordre. Ils forment un tout, un réel perceptible par le truchement de notre raison, qui coordonne lʼactivité sensorielle. Il nʼy a ainsi selon Nietzsche non point une différence de nature mais seulement de degré entre ces deux états de lʼapparence ; le rêve étant ainsi lʼapparence de lʼapparence. Or lʼusage raisonné de nos sens peut déraisonner, être affecté par des passions, telles la force, lʼinstinct ou la nature. 

    Amoureux de lʼhéritage grec, Nietzsche se sert de la syzygie, (paire dʼopposés) Apollon – Dionysos comme pilier de son raisonnement[1]. On accède au monde dionysiaque par lʼivresse, la musique et la tragédie. 

    La tragédie est le thème du premier succès littéraire de Nietzsche. Dans Naissance de la tragédie, sʼappuyant sur les écrits de Lucrèce, il soutient la thèse dʼaprès laquelle les divinités grecques sont apparues dans lʼesprit des hommes lors des rêves. 

    La tragédie, voie dʼaccès vers le « dionysiaque » prend donc sa source dans lʼ « apollinien ». Il nʼy a donc pas étanchéité stricte entre ce couple de contraires imaginé par le philologue de profession Nietzsche. Et cette syzygie est déterminante pour comprendre lʼensemble de sa pensée, dont le fil conducteur consiste à batailler contre la philosophie depuis Platon, taxé de « mauvaise métaphysique, parce quʼelle nie ou du moins sʼefforce de nier le fonds dionysiaque de lʼunivers. » (p. 19) 

    Lʼessence du nietzschéisme 

    Au cœur de la pensée de Nietzsche il y a lʼidée que lʼémergence du christianisme nʼa pas marqué de rupture philosophique. La théologie a repris la conception socratique et platonicienne dʼun homme défini comme un animal rationnel. En attestent les mots dʼAugustin dʼHippone, pour qui lʼhomme est un « être raisonnable et mortel »[2]. 

    Nietzsche entendait rappeler à lʼhomme sa dimension irrationnelle (dionysiaque), ce qui lʼamena à développer une nouvelle anthropologie. Celle-ci pose que lʼessence de lʼhomme nʼest pas sa rationalité mais sa « libido dominandi », sa volonté de puissance. 

    Martin Heidegger examina cette leçon centrale de Nietzsche et lui objecta quʼune telle conception ne clôt pas le cycle inauguré par le platonisme, car elle conserve lʼidée dʼanimalité de lʼhomme. 

    À rebours, Heidegger considère que lʼhomme est lʼ « un-tout », du fait de sa spécificité qui est de disposer dʼun logos[3], singularité que le philosophe désigne par le concept de Zusammengehörinkgkeit (appartenance mutuelle de lʼêtre et de lʼhomme). On retrouve cette  anthropologie qui pose lʼhomme comme point de rencontre du microcosme et du macrocosme dans dʼautres cultures, notamment dans la tradition asiatique (Tao-te-king, XXV) à travers la notion de Wang (« Roi »), la sagesse arabo-musulmane à travers le vocable El-Insânul-kâmil (« Homme universel ») ou la kabbale, à travers le concept dʼAdam Qadmôn. 

    94395237_o.jpgQuand, à ce sujet, Emmanuel Lévinas (Photo) écrit les lignes qui suivent – « « lʼhomme serait le lieu où passe la transcendance […]. Peut-être tout le statut de la subjectivité ou de la raison doit-il être révisé à partir de cette situation »[4] – est-ce dans le but dʼopérer la synthèse entre la critique heideggerienne du nietzschéisme et lʼésotérisme juif ? En tout cas toutes ces références ébranlent la vision selon laquelle lʼhomme serait une « créature orgueilleuse qui se croit beaucoup plus distincte des autres espèces quʼelle ne lʼest en réalité. » (p. 127) 

    Nietzsche ne pouvait en revanche en aucun cas concevoir la part acosmique – transcendante – de lʼhomme, puisquʼil envisageait lʼenfer et le paradis comme des arrière-mondes, autrement dit pures fictions, pures inventions, pures illusions. (A suivre)   

    [1] Dichotomie féconde, puisque le syndicaliste révolutionnaire Édouard Berth lʼutilise dans Les méfaits des intellectuels (1914) pour établir un parallèle entre Charles Maurras et son maître Georges Sorel : « LʼAction française, qui, avec Maurras, est une incarnation nouvelle de lʼesprit apollinien, par sa collusion avec le syndicalisme qui, avec Sorel, représente lʼesprit dionysien, va pouvoir enfanter un nouveau grand siècle, une de ces réussites historiques qui, après elles, laissent le monde longtemps ébloui et comme fasciné. », cité par Georges Navet, « Le cercle Proudhon (1911-1914). Entre le syndicalisme révolutionnaire et lʼAction française » in Mil neuf cent, n°10, 1992, 62. Ce numéro de la revue est dʼailleurs résolument nietzschéen, car son titre est « Proudhon, lʼéternel retour ». 
    [2]  La Cité de Dieu,  II, Paris, Gallimard, 2000, p. 661.
    [3]  Dans La dévastation et lʼattente, il soutient que lʼhomme recueille « lʼun-tout unitivement ajointé en son jaillissement originel. » Dans Être et Temps il qualifie lʼhomme de Dasein, dʼ « étant exemplaire », sa spécificité impliquant quʼune partie de lui-même ne lui appartient pas.
    [4] LʼAu-delà du verset, Paris, Minuit, 1982, p. 175.
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  • Société & Islam • « L’Islam à la conquête de l’Occident. La stratégie dévoilée »

    Par Annie LAURENT  

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    Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate (PCD), publie un livre « explosif » révélant un document stratégique adopté en 2000 par les États musulmans pour installer en Occident une « civilisation de substitution ». Explications.

    poisson-islam-conquete-occident-757x1024.jpgVotre livre examine un document intitulé « Stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique », qui a été élaboré par l’ISESCO, département culturel de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), regroupant 57 Etats musulmans. Dans quelles circonstances avez-vous découvert ce texte dont personne ne parle et pour quels motifs avez-vous décidé d’en faire connaître le contenu au plus grand nombre ? 

    C’est en lisant un livre de l’universitaire libanaise Lina Murr Nehme (Tariq Ramadan, Tareq Obrou, Dalil Boubakeur – Ce qu’ils nous cachent, ed. Salvator) que j’ai découvert le titre de ce document auquel elle faisait référence. Ma curiosité a fait le reste : je suis allé le consulter sur internet (il est disponible sur le site isesco.org) et sa lecture m’a édifié. Il n’est pas fréquent que la deuxième plus importante organisation d’Etats au monde, en l’occurrence l’OCI, élabore un document stratégique visant purement et simplement à assurer la domination de sa civilisation sur le reste du monde, et le disant ouvertement. L’origine de ce texte, son caractère officiel et son objectif universaliste me sont apparus comme autant de raisons de le faire connaître au grand public… et aussi aux responsables politiques français ! On ne sait jamais… 

    Pouvez-vous esquisser rapidement les principes énoncés dans cette Stratégie ? 

    Chaque musulman a le devoir de protéger et de fortifier partout sa communauté (l’Oumma) et d’assurer la propagation de tous ce qui la constitue. Il y a une vingtaine d’années, les Etats islamiques constataient que les communautés musulmanes occidentales n’étaient plus en situation de transmettre l’Islam dans de bonnes conditions aux nouvelles générations, et donc de répondre à cette double obligation. La Stratégie culturelle islamique vise donc d’abord à ré-enraciner les musulmans occidentaux dans leur culture et leur foi, pour qu’ils soient acteurs de l’islamisation universelle. La déréliction actuelle de l’Occident, le vide que représente la société de consommation, ont évidemment, aux yeux des responsables musulmans, vocation à ouvrir la voie au seul projet de civilisation qui soit à la fois exigeant et profitable à l’homme : l’Islam. Le document que je commente dans mon livre planifie ce remplacement. Il évoque lui-même la volonté « d’installer une société islamique pure et saine » en Occident. Difficile d’être plus clair ! 

    Selon vous, pourquoi ce document, malgré son caractère officiel, n’a jamais été pris en considération par les dirigeants politiques occidentaux, français en particulier, et par les élites en général, depuis sa publication en 2000 ? 

    D’abord la majorité des responsables politiques français considèrent l’islam comme une sorte de christianisme des Arabes. Et qu’il évoluera donc comme le christianisme – à leurs yeux tout au moins – a évolué, c’est-à-dire dans le sens d’un adoucissement, pour ne pas dire d’un affadissement progressif de ses principes. En un mot, ils ne connaissent ni ne comprennent la nature profonde de l’islam. Ensuite, beaucoup d’entre eux sont tout de même biberonnés aux bienfaits du multiculturalisme, consciemment ou non. Et cette doctrine, qui est le premier moment de la conquête de l’Europe par l’Islam, entre facilement en résonance avec ce que souhaite ce dernier. Enfin, il y a le pire : la couardise, face à un phénomène – la progression de l’islam en France – qu’ils renoncent à traiter dans le débat public, à cause de la pression médiatique qui existe sur ce sujet. Tout cela est en train de changer un peu, mais très lentement. 

    Vous affirmez sans ambages, preuves à l’appui, que l’islam est porteur d’un projet conquérant. Votre position est rarissime chez les responsables politiques occidentaux. Comment expliquez-vous leur passivité face à cette menace, que je qualifierais volontiers d’« existentielle », alors que tant d’études sérieuses sur ce sujet ont été publiées par des experts ? 

    Aux raisons que je viens d’évoquer s’ajoute une stratégie de la réduction au silence menée par les Frères musulmans, en particulier contre leurs opposants. J’ai rencontré récemment un historien spécialiste de l’antisémitisme islamique qui subit procès sur procès dans le but de le faire taire : les musulmans français l’empêchent de dénoncer ce qui est une évidence pour tous. À l’intérieur même de la communauté musulmane, les promoteurs de l’islamisation de la France et de l’Europe exercent une forme de terreur, parfois physique, sur ceux qui voudraient les critiquer ou les empêcher de remplacer la loi française par la charia. Quant aux intellectuels musulmans, en France comme ailleurs, qui sont conscients des impasses de la doctrine islamique et du danger de son application politique, ils sont eux aussi réduits au silence, en particulier parce qu’en France, l’État ne les aide pas à prendre la parole et à promouvoir leurs travaux. 

    Vous estimez que le dialogue des responsables musulmans avec les non-musulmans s’inscrit dans le cadre d’un rapport de forces destiné à lever la méfiance des Occidentaux. Sur quoi repose cette conviction ? 

    Il n’y a pas à proprement parler de dialogue dans la conception islamique. Plutôt, l’islam ne reconnaît la légitimité du dialogue avec les non-musulmans que pour s’assurer leur conversion ou leur soumission. De sorte que, du point de vue de la doctrine islamique, il n’y a que deux issues au dialogue : l’islam (qu’on s’y convertisse ou qu’on s’y soumette) ou la mort (qu’elle soit purement et simplement physique ou qu’elle prenne la forme du bannissement). Tout cela s’explique d’ailleurs parfaitement : dans la mesure où l’Islam se perçoit comme la religion naturelle des hommes, la seule voulue par Dieu, on ne voit pas pourquoi ses fidèles perdraient leur temps à discuter avec des personnes qui croient dans des ersatz de religion, dépourvus de valeur. Le Coran est très clair sur le sujet : il appelle à combattre les adeptes d’autres religions ou les incroyants, pas seulement en situation de légitime défense mais du simple fait qu’ils ne sont pas musulmans.

    Le projet conquérant de l’islam est simple : dominer culturellement et juridiquement l’Europe et convaincre les Européens non musulmans d’agir en sa faveur. Il s’agit de rééditer la stratégie et l’œuvre de Mahomet, en sa double qualité de chef politique et militaire, qui sut utiliser les ressources des peuples conquis ou asservis. L’islam veut soumettre l’Occident à la dhimmitude, statut juridique qui autorise les juifs et les chrétiens à conserver leurs croyances moyennant le versement un impôt per capita. Tel est le sort des « mécréants » en pays musulman. En attendant que cette soumission s’instaure en Occident, nos pays sont très vivement priés de laisser s’installer sur leur sol les communautés musulmanes régies par leur droit propre et disposant de leurs écoles. Cette logique séparatiste n’est pas seulement destinée à conforter l’identité des musulmans occidentaux, elle vise aussi à fracturer nos sociétés pour permettre à l’islam de s’y installer plus facilement. Telle est l’essence même du projet politique de la Stratégie. 

    On est donc en train de passer du multiculturel au multi-juridisme ? 

    Oui, et c’est d’ailleurs ce passage qui fait la différence entre le communautarisme et le séparatisme. Indéniablement, il existe dans le projet de l’OCI la volonté d’installer une justice interne à la communauté musulmane, et par conséquent complètement séparée des institutions judiciaires françaises. Cette séparation existe d’ailleurs d’ores et déjà au Royaume-Uni. Avec elle, on transforme une communauté en un quasi proto-Etat, dont la vocation consiste à se débarrasser de la tutelle du pays-hôte. Cette transformation, à la fois juridique et politique, prouve que les motivations des musulmans – du moins leurs représentants et leurs militants - ne sont pas que religieuses mais qu’ils sont bel et bien dans une démarche de conquête du pouvoir. 

    Depuis quelques années, les souffrances endurées par les chrétiens ressortissants de pays musulmans, au Proche-Orient mais aussi en Afrique et en Asie (cf. le cas d’Asia Bibi au Pakistan), semblent avoir réveillé la conscience des Français sur des réalités de l’islam qu’ils ne voyaient plus. Ce réveil serait-il dû, selon vous, à la présence croissante de musulmans dans nos pays, ou bien lui attribuez-vous d’autres causes plus désintéressées ? 

    La générosité habituelle des Français lorsqu’il s’agit de soutenir des opprimés partout dans le monde se vérifie envers les chrétiens d’Orient. Mais si l’expansion de l’islam dans notre pays a pu favoriser la solidarité envers les chrétiens orientaux, je ne reconnais pas dans cet intérêt pour eux la cause que j’aimerais y voir : la conscience de partager un héritage civilisationnel commun et par conséquent le devoir strict de tout faire pour que ne disparaissent pas du Levant les traces de cette civilisation. Il reste, malgré tout, que les injustices et les cruautés que les chrétiens d’Orient ont subies dans l’histoire, et qu’ils endurent encore, sont très certainement une marque de ce dont l’islam est capable envers les non-musulmans. Cette dimension interroge sans doute nos compatriotes et accroît leur mobilisation. 

    En réfléchissant aux probables adaptations de la loi de 1905 envisagées par le président Emmanuel Macron, vous suggérez des révisions compatibles avec l’esprit de cette loi. Le contrôle des associations cultuelles que vous préconisez ne risque-t-il pas de conduire à un contrôle identique de l’Etat sur l’enseignement dispensé dans les institutions chrétiennes, si celui-ci contredit les évolutions législatives, notamment en matière de droit de la famille ou de bioéthique ? 

    Ce n’est jamais sans risque qu’on encadre une liberté. Toutefois, il existe une différence importante entre les associations cultuelles islamiques relevant par nature de la loi de 1905, et les écoles relevant par nature de la loi de 1901.
    Et par ailleurs, il est tout de même difficile, même avec la plus parfaite mauvaise foi, de considérer qu’une opinion différente de la pensée unique sur les questions de bioéthique, par exemple, a le même statut politique et représente pour la cohésion sociale le même risque qu’un discours ouvertement anti-occidental, fondé sur la violence et le mensonge comme des outils légitimes ! Le problème, pour la puissance publique française, n’est pas d’apprendre à traiter avec la plus grande fermeté les doctrines considérées comme adversaires. Elle le fait déjà. Le problème est de considérer que l’Islam comme doctrine fait partie de ces adversaires. Or, nous en sommes très loin. C’est pourquoi toutes les démarches pédagogiques portant sur le contenu et les stratégies de l’islam sont bienvenues : il s’agit d’éclairer autant que possible le peuple français comme ses responsables.
     

    Vous-même, en tant qu’homme politique, que préconisez-vous comme mesures politiques concrètes face à l’extension de l’islam en France ? 

    Poisson©F.Ayroulet-620x330.jpgLe document de l’ISESCO montre que l’islamisation de la France relève d’une volonté stratégique portée par des Etats, agissant sur le champ culturel, et soutenue par des moyens financiers importants. Par conséquent, si la France veut y répondre, elle doit le faire sur ces trois plans.

    D’abord, faire de l’islamisation un enjeu de politique publique, porté par le gouvernement, et ne pas laisser les maires se débrouiller seuls. Il est aussi impératif de réinvestir le champ culturel par la promotion de notre civilisation, notamment à travers les réformes des programmes de l’Education nationale, en histoire comme en français. Il faut réapprendre à nos jeunes la fierté d’un héritage si beau malgré ses imperfections et ses dérives. Enfin, des moyens conséquents doivent servir cet objectif afin de répondre d’égal à égal aux pays musulmans qui, au moins sur ce plan, sont nos adversaires. Nous ne pouvons pas accepter que les Etats du Golfe continuent d’acquérir les plus beaux fleurons de notre hôtellerie et de nos châteaux, ou nos clubs de football – pour ne citer que ces exemples.

    Ensuite, l’islamisation relève d’un « gagne-terrain » favorisé par le renoncement de la puissance publique à appliquer la loi française, dans sa lettre et son esprit. Ainsi, même s’il n’est pas illégal de réserver des horaires de piscine aux musulmanes, une telle pratique est violemment contraire à l’esprit d’égalité et de confiance dans la personne humaine qui est la marque de notre civilisation. Il convient donc, là aussi, de réaffirmer la force de l’Etat.

    Enfin, tout doit être fait pour soutenir notre démographie. Il y a longtemps que, pour le bien commun de notre pays, nous réclamons un contrôle strict des flux migratoires, la suspension du droit du sol pour l’acquisition de la nationalité française et le renforcement de la politique familiale. Ces dispositions ne portent pas directement sur la contention de l’islam, mais leurs effets permettraient de lutter contre le déséquilibre démographique alimenté par sa progression. Evidemment, la dénonciation sans réserve du Pacte de Marrakech sur les migrations que la France a récemment signé, s’inscrit dans cette perspective.  

    Article paru dans La Nef, n° 310 – Janvier 2019. 

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    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

    Annie Laurent
    Spécialiste du Proche-Orient, des chrétiens d’Orient et de l’islam, Annie Laurent est à l’origine de l’association Clarifier et est l’auteur notamment de L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore) (Artège, 2017), L’islam peut-il rendre l’homme heureux (Artège, 2012), Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? (Salvator, 2017). 
  • Patrimoine cinématographique • Soy Cuba

    Par Pierre Builly

    Soy Cuba de Mikhaïl Kalatozov (1964)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgEt à la fin, c'est l'Oncle Sam qui gagne 

    Personne ne met en doute que le régime de Fidel Castro, épine plantée dans l'appendice nasal floridien des États-Unis, n’ait tenu bon, malgré l'hostilité vertueuse du monde occidental, que grâce aux perfusions financières et technologiques soviétiques.

    À tout le moins jusqu'à ce que l'empire russe éclate et cesse d'acheter le sucre très au delà des cours mondiaux. Personne ne met en doute, au moins depuis quelque temps, que le castrisme soit un régime autoritaire, assez brutal et dur à l'opposant, mais personne n'a jamais prétendu qu'il avait atteint les sommets d'horreur de la Chine maoïste, de la Corée du Nord autocratique ou - le pire - du Cambodge des Khmers rouges. 

    cada89684992cf8c_large1.jpgMais aujourd'hui personne ne paraît avoir en tête l'état épouvantable où se trouvait Cuba avant la chute de Batista (Photo), le 1er janvier 1959, ce statut, à la fois presque officiel et totalement hypocrite de bordel des États-Unis, où l'omniprésence du jeu, de la prostitution et de la drogue permettait à de vertueux baptistes ou presbytériens de s'envoyer en l'air sans courir le moindre risque. Personne ne paraît avoir en tête, non plus, que malgré son isolement mondial, malgré l'évidence que, dès que les Castro auront disparu, l'île reviendra à son statut de capharnaüm exotique et qu'elle a descendu, déjà, une bonne partie de la pente, personne, donc, ne rappelle que son système éducatif demeure extrêmement performant et que sa première ressource, avec le tourisme, est l'exportation de médecins compétents vers des pays riches en pétrole (Venezuela) qui lui assurent ainsi son approvisionnement. 

    Fidel Castro, lorsqu’il a pris le pouvoir, apparaissait moins comme un leader marxiste que comme un chef nationaliste qui s’opposait à la dictature ploutocratique de Batista ; mais les premières mesures économiques prises, la neutralité plutôt bienveillante des États-Unis s’est vite transformée en opposition de plus en plus virulente, poussant, dans l’autre sens, le castrisme à un durcissement dont l’Union soviétique a vite profité. On connaît la suite, la radicalisation du régime, devenu une sorte de modèle pour l’intelligentzia progressiste des années 60 (Salut les Cubains ! d’Agnès Varda me reste en tête) puis sa graduelle ossification. 

    e9b2835d1620ee96e7d58f0dc0f070db4698a859.jpgCe long commentaire dévidé, venons au film magnifique de Mikhail Kalatozov qui est, assez certainement, une commande passée par l'Union soviétique pour l'édification des masses cubaines (et sans doute au delà, pour celle du Tiers-Monde), une œuvre de propagande délicieusement manichéenne, caricaturale et naïve. C'est là tout le charme de ces pamphlets filmés et je renvoie ceux qui ne la connaissent pas à la rigolote et sympathique Vie est à nous, confectionnée par Jean Renoir pour le compte du Parti Communiste. 

    Mais, au delà du discours convenu, volontiers exalté et même emphatique, Soy Cuba est une symphonie esthétique, un exercice de style superbe de fluidité, de qualité, de beauté.

    p3.jpg-r_640_600-b_1_d6d6d6-f_jpg-q_x-20030715_051537_1.jpgLa caméra survole, ondoie, navigue avec une aisance magistrale et, grâce à une photographie magique qui fait par exemple apparaître blanches les feuilles des palmiers sans qu'il y ait pour autant surexposition de la pellicule. On peut quelquefois estimer que Kalatozov abuse un peu des images décentrées, des prises de vue obliques, des angles volontairement excessifs. Mais c'est si beau, si bien filmé, si intelligent dans la mise en œuvre qu'on en est sidéré. 

    Je n'ai vu de Kalatozov, que Soy Cuba et son chef-d’œuvre, Quand passent les cigognes. Deux films, deux merveilles. S'il n'avait pas été soviétique, à quelle place fastueuse serait-il dans le panthéon du cinéma ?  

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    DVD disponible pour environ 20 € .

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Médias & Actualité • Éloge du mur

    Mur d'Hadrien

    De Guillaume Roquette

    Nous ne sommes pas toujours d'accord. Son libéralisme droitier n'est pas le nôtre. Pas plus que son conservatisme selon nous trop complaisant envers la modernité. Mais quand nous sommes d'accord, nous sommes d'accord. Pourquoi ne le dirions-nous pas ? Ici, il ne s'agit pas d'accord sur des broutilles. Comme Régis Debray a fait l'éloge des frontières, Guillaume Roquette fait dans cet article du dernier Figaro magazine l'éloge du mur. N'en déplaise au pape à qui il n'hésite pas à dire son fait. L'éloge du mur, ce n'est pas rien. C'est peut-être même l'essentiel. Et nous sommes d'accord.   LFAR

    XVM0e3451c0-d466-11e7-8428-569ae9712d9b.jpgLes applaudissements ont été immédiats.

    Emmanuel Macron s'est taillé un beau succès cette semaine en expliquant, lors d'un déplacement en banlieue, qu'il ne croyait pas aux gens qui font des murs. « Ça marche pas » (sic), a-t-il expliqué à un public conquis. Quelques jours plus tôt, le pape François affirmait pour sa part que « ceux qui construisent des murs sont dans la peur et dans la crainte ». L'un et l'autre pensaient évidemment à Donald Trump, ce grand méchant loup que toutes les belles âmes de la planète se plaisent à sermonner ad nauseam.

    Chacun pensera ce qu'il voudra des analyses psychologiques de François, mais on peut en tout cas soutenir qu'Emmanuel Macron se trompe. En Hongrie, Viktor Orbàn a réduit drastiquement l'immigration clandestine en rendant étanches ses frontières. En Italie, les demandes d'asile ont baissé de 58 % depuis l'arrivée au pouvoir de Matteo Salvini. Et aux Etats-Unis, il est pour le moins prématuré de nier l'efficacité du mur voulu par Donald Trump puisque celui-ci n'existe pas encore. Les démocrates, majoritaires à la Chambre des représentants, font d'ailleurs tout ce qui est en leur pouvoir pour en retarder la construction. Par peur de devoir en reconnaître l'efficacité ?

    Il n'en reste pas moins, n'en déplaise à l'estimable corporation des maçons, que les murs ont mauvaise presse ces temps-ci. Chez les élites, le grand déménagement du monde est considéré comme le progrès ultime. L'enracinement est devenu haïssable, comme si l'un des premiers droits de l'homme n'était pas de pouvoir vivre chez lui. Comme si nous n'avions pas le devoir de dissuader, y compris par des barrières physiques, les immigrants non éligibles au droit d'asile qui rêvent de venir dans nos pays. Culpabilisés par le souvenir du mur de Berlin, biberonnés à l'universalisme, nous feignons de croire que les migrations sont devenues inéluctables, alors qu'il nous appartient de les réguler.

    L'hospitalité est une magnifique vertu, mais il faut être chez soi pour héberger l'autre. L'accueil ne se conçoit que de manière volontaire : s'il est subi, c'est une intrusion, voire un envahissement. C'est bien pour cela que les accords de Schengen, en abolissant les frontières intérieures sans sécuriser les entrées dans l'Union, ont provoqué un rejet inédit du projet européen chez tous les peuples du continent. Les électeurs « populistes » ne sont pas devenus racistes, ils veulent simplement contrôler qui entre chez eux.

    Une question pour finir : avez-vous déjà visité la maison Sainte-Marthe, résidence du pape au Vatican ? Non, et pour cause : elle est jalousement protégée par des gardes suisses empêchant d'approcher quiconque n'a pas montré patte blanche. Et c'est la même chose à l'Elysée : en plus de ses hauts murs, le palais présidentiel est même cerné désormais par une clôture de barrières grises solidement fichées dans le sol. Personne ne reproche au pape ou à notre président de vouloir se protéger. Mais pourquoi auraient-ils droit à des murs et pas nous ?  

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  • IDÉES • GUERRE CULTURELLE, FAUT-IL DIABOLISER LA NOUVELLE DROITE ?

    Alain de Benoist

    Entretien avec Édouard Chanot journaliste chez Sputnik

    Publié dans Le bien commun* - N° 4 - février 2019

    Les lecteurs de Lafautearousseau liront, commenteront.

    téléchargement.pngÉdouard Chanot est journaliste chez Sputnik. Il a mené l’enquête sur les idées de la Nouvelle Droite dans un reportage remarquable. Jeune journaliste, passionné de philosophie politique, il a accepté de répondre au Bien Commun pour expliquer sa démarche. Un reportage intitulé : Guerre culturelle, Faut-il diaboliser la nouvelle droite ? Fidèle à la tradition d'Action française, Le Bien Commun discute avec toutes les intelligences.

    unnamed.jpgAlors que la nouvelle droite a ébranlé le débat intellectuel français, il y a maintenant quelques décennies, pourquoi leur avoir consacré un reportage ?

    La renaissance d'un mouvement, où tout du moins son retour, est en soi un phénomène assez rare et remarquable. La Nouvelle Droite ébranle de nouveau le débat, ne serait-ce que par les inimitiés qu’elle s’attire. Tout cela peut sembler marginal bien sûr – les intellectuels accompagnent ou expriment les bouleversements davantage qu’ils ne les provoquent… Mais quand même, quelquefois tiennent-ils des propos prémonitoires. Alors dans notre pays qui affectionne les polémiques et traverse une crise du sens, les intellos ont leur mot à dire et l’on ne perd jamais son temps à lire ceux de la nouvelle droite.

    Raphael-Glucksmann-a-gauche-et-tres-adroit.jpgEn fait, trop de contre-vérités, mêlant diabolisations calomnieuses et ignorances délibérées, circulent sur celle-ci. La palme revenant à Raphaël Glucksmann (Photo) , qui fit d’Alain de Benoist le père du poutinisme… Il est évidemment possible de critiquer la ND, mais dans ce cas faisons-le sans moralisme. Le philosophe Léo Strauss pensait en premier lieu nécessaire, pour saisir un penseur, de le comprendre tel qu'il se comprenait lui-même. Je suis journaliste, et non inquisiteur, j'ai tâché de faire de même. Il fallait traiter les Neo-droitiers honnêtement. J’espère y être parvenu.

    La pensée de la nouvelle droite put paraître hégémonique dans son camp lors de son apparition. En un temps d’hégémonie politique de la gauche ces questions étaient elles intéressantes d’un point de vue journalistique ?

    La ND était, me semble-t-il, plus avant-gardiste qu’elle n’était hégémonique à ses débuts. Elle a cherché à ouvrir des pistes à une droite dominante au début du siècle dernier, mais a été peu à peu brisée par ses défaites successives. Ses inspirations très nietzschéennes, son européisme, son néopaganisme, qui peuvent paraître étranges, exprimaient aussi l'air du temps New Age et la révolution
    sexuelle. Bien qu’elle prît le contre-pied du libéralisme conquérant à droite, elle a épousé son époque plus aisément que d'autres, qui rechignaient à abandonner des combats perdus.

    Aujourd’hui, l’hégémonie de la gauche est déjà fissurée – d’ailleurs, il me semble plus juste de qualifier de libérale libertaire la doxa hégémonique, ce qui revient à relativiser qu’elle soit purement de gauche. Dès lors, l’intérêt actuel de la ND devient plus évident : ses idées centrales remettent justement en cause cette doxa.

    buisson-zemmour.jpgIl me semble aussi que la droite, au sens le plus large, a remporté trois grandes victoires conceptuelles et sémantiques depuis une décennie : d’abord, le concept d’identité, ensuite celui de grand remplacement et, plus récemment, celui de désignation de l’ennemi, à la suite des attaques dhihadistes. Deux des trois sont le fait de la ND et l’autre, vous le savez bien sûr, provient de Renaud Camus. Car c'est le GRECE qui a lancé le concept d’identité dans les années 70, et c’est Julien Freund et Alain de Benoist qui ont rendu Carl Schmitt et sa désignation de l’ennemi accessibles en France. On la retrouve désormais dans les essais de Zemmour ou de Buisson (Photo)pourtant étrangers au courant révolutionnaire conservateur germanique dont la ND est l’héritière.

    Vous faites intervenir Charles Gave en réponse aux arguments d’Alain de Benoist. La réponse libérale à ces arguments est de plus en plus minoritaire L’école libérale française est-elle encore partie prenante du débat intellectuel ?

    Grand paradoxe en effet : Charles Gave est une figure d’un libéralisme théoriquement pur et dur, classique et orthodoxe, mais libéralisme néanmoins minoritaire parmi les libéraux de nos jours. L’école libérale française est numériquement faible, sur le déclin, même si des personnalités comme Agnès Verdier-Molinié ou cet enfant gâté de Gaspard Koenig ont leurs ronds de serviette aux bonnes enseignes médiatiques. Mais au fond peu importe : le libéralisme ne s’impose pas en France par les intellectuels et le débat public hexagonal, il l’a perdu depuis belle lurette. A quoi bon débattre là, quand la classe dirigeante se forme dans les business schools et lit The Economist, avant de rejoindre les firmes américaines ou les institutions supranationales ? Tout cela est bien plus efficace pour modifier ouvertement les moeurs et les esprits des Français.

    On a souvent reproché à la nouvelle droite de cacher une critique racialiste derrière la dénonciation de l’idéologie du même. Cette critique vous semble-t-elle fondée ?

    Vous me contraignez là à un procès d’intention ! Cela étant dit, le discours caché de la ND est inconcevable : par définition, comme tous les -ismes, le racialisme circonscrit une cause première et unique de l'histoire humaine, en l’occurrence la race. Or, il suffit de lire les revues de la ND pour se rendre compte de son sens extrême des pluralités. Ses intérêts et ses perspectives sont innombrables. 

    Bien sûr, Alain de Benoist évoque le métissage dans cette idéologie du même. Mais cela fait quand même trois décennies qu’il se préoccupe bien peu des questions ethniques, même si l'on trouve une petite page sur les avancées génétiques dans Eléments. Je crois Alain de Benoist très honnête quand il critique l’ethnocentrisme,
    et il a eu une influence considérable à cet égard, en éloignant les efforts des intellos de la droite radicale vers d’autres problématiques, 
    plus économiques ou philosophiques. 

    4609OB0.jpgIndéniablement, un basculement s’est opéré dans les années 80 au sein de la mouvance, entre le racialisme (porté vers la hiérarchisation) et l'ethno-différentialisme, conséquence d’une lecture de Claude Levi-Strauss (Photo). Il n’y a donc rien de caché, et Jean-Yves Camus l’explique très bien dans le reportage [références ci-dessous ndlr], je vous laisserai donc l’écouter !

    Cela dit, je parierais que les questions ethniques reviendront peu à peu, sous la contrainte des circonstances. Certains le font déjà sur internet, en général avec maladresse, mais il est à la fois possible et souhaitable de traiter la question sérieusement. Peut-être les revues de la ND seront-elles en mesure de le faire et de montrer l’exemple… sans oublier ce qu’écrivait Spengler : « qui parle trop de race n’en a plus »

    Propos recueillis par Charles du Geai.
    Reportage à retrouver sur
    https://fr.sputniknews.com

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  • Livre • Les prophètes de l’homme-dieu

    par Claude Wallaert 

    2939591524.jpg

    Que se passe-t-il en ce début du XXIe siècle ?  

    Prosternation générale devant le dieu Progrès, avortement en passe de devenir un droit universel et imprescriptible, mariage dénaturé, eugénisme de plus en plus intrusif, invasion imminente du transhumanisme… Que se passe-t-il donc en ce début du XXIe siècle ? 

    Par cet ouvrage de très haut intérêt, rayonnant de limpidité, et d’une lucidité tout éclairée par un esprit profondément chrétien, Grégor Puppinck nous propose ses réponses et il nous fait découvrir de l’intérieur une religion radicalement étrangère à celle de l’Église catholique.

    Il s’agit de la religion des droits de l’homme, avec son clergé, ses catéchistes et ses prosélytes. « Il y a d’abord, en bas de l’échelle, les cavaliers légers […] Commissaires aux droits de l’homme, […] Ambassadeurs spéciaux, ou encore personnalités éminentes, chargés à titre personnel de se faire l’apôtre des libertés, ou de l’une d’entre elles. […] Viennent ensuite les multiples comités d’experts et groupes de travail chargés d’émettre des avis et des recommandations…Viennent enfin les quasi-juridictions et les juridictions, tels les Comités des Nations unies et la CEDH, chargées d’évaluer et de juger l’action des gouvernements. » (p. 254).

    Quelle est donc cette religion ? Héritière à la fois des Lumières, de l’évolutionnisme darwinien et de l’antique gnosticisme, elle traduit dogmatiquement une vision de l’homme réduit à sa stricte individualité, qu’il s’agit de sculpter avec le ciseau du droit, de manière à le libérer du carcan de la matière et de sa part d’animalité ; l’esprit, siège unique de la dignité humaine, triomphera de ces pesanteurs et conduira l’homme à devenir son propre créateur ; le droit redéfinira sans cesse la nature humaine, dans un cadre politique providentiel et mondialisé.

    Telle est la dynamique actuelle des juridictions évoquées plus haut, qui démolit peu à peu, malgré, il est vrai, de notables résistances, les données de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948. Cette Déclaration a été rédigée dans un contexte encore marqué par l’horreur des massacres de la seconde guerre mondiale imputée principalement à l’époque au totalitarisme nazi ; en partie inspirée par des chrétiens comme Jacques Maritain, elle visait à protéger l’homme de l’emprise du matérialisme et d’un retour des idéologies ; elle procédait d’une vision de ses droits ajustée sur sa nature, en laquelle réside sa dignité. Cependant, cette Déclaration restait déconnectée du fait religieux, et par là même demeurait très peu précise quant à la définition de la notion de nature humaine. Jacques Maritain notait lui-même, concernant les droits de l’homme, l’opposition entre deux groupes, « ceux qui acceptent plus ou moins explicitement, ceux qui refusent plus ou moins explicitement la loi naturelle comme fondement de ces droits. »

    Notre auteur nous fait voir, par une analyse précise et documentée, comment le groupe du refus semble aujourd’hui en passe de l’emporter au fil de la jurisprudence grossissante de la CEDH, du Comité des droits de l’homme de l’ONU, et autres cours de justice qui fonctionnent en réseau malfaisant.

    Ce constat peu réjouissant ne laisse pas d’inquiéter, bien sûr. Mais en vrai chrétien, notre auteur ne désespère pas ; il nous rappelle de belles victoires comme l’affaire Lautsi contre Italie, dite des crucifix, en 2010, relève pour nous la fronde de pays comme la Russie ; enfin, il conclut en nommant le seul vrai remède à la démesure orgueilleuse de la puissance désincarnée : la charité incarnée.   

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    Les droits de l’homme dénaturé de Grégor Puppinck, Éditions du Cerf, 2018, 286 pages, 22 €
  • Cinéma • L’intervention

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : L’intervention, un film de Fred Grivois, avec Alban Lenoir (le capitaine), Olga Kurylenko (la maîtresse d’école), Michaël Abiteboul (un gendarme, tireur d’élite), Josiane Balasko (qui transmet les ordres de l’Élysée).

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    À la frontière entre Djibouti et la Somalie...

    L’intervention, c’est une reconstitution libre de la prise d'otages de Loyada à la frontière entre Djibouti et la Somalie, le 3 février 1976.

    Le protectorat français de Djibouti date de la fin du Second Empire, sous le nom de Côte française des Somalis, et obtint le statut de Territoire d’Outre-Mer en 1946 ; il décida de rester français lors du référendum de 1958  et encore en 1967, pour devenir le fameux Territoire français des Afars et des Issas dont les députés, la même année, sauvèrent la majorité parlementaire de Gaulle-Pompidou à L'assemblée nationale. 

    maxresdefault.jpgEn fait, contrairement à l’ethnie des Afars, celle des Issas voulait se « libérer » de la tutelle française et cette prise en otage d’un bus scolaire entre dans le cadre de leur lutte pour l’indépendance, qui fut proclamée moins d’un an et demi plus tard, le 28 juin 1977… Comme quoi la violence paye ! 

    L’intervention est  donc un film de guerre, qui met en présence d’un côté des militants indépendantistes du Front de Libération de la Côte des Somalis (FLCS), de l’autre trois entités distinctes, d’abord un groupe de tireurs d’élite de la gendarmerie nationale, qui deviendra peu de temps après le GIGN, ensuite des paras de la Légion étrangère, et enfin… (j’allais écrire malheureusement)… l’Élysée du Président Giscard d’Estaing.

    3332222.jpgCe docu-fiction oppose ainsi la pusillanimité politique et diplomatique du pouvoir central, qui croit tout savoir mieux que les autres et veut tout diriger… de loin…, à la réalité que vivent les soldats sur le terrain, lesquels auraient d’abord besoin qu’on leur fasse confiance et qu’on leur laisse une véritable liberté de décision et d’action. 

    L’arrogance du pouvoir central, en effet, ne date pas de Macron !   

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.