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Idées, débats... - Page 399

  • VIE D'UN HOMME ILLUSTRE

    Hélie de Saint Marc

    Par Jean-Christophe Buisson

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    C'est ce soir ...

    Un documentaire réalisé à partir des textes laissés par Hélie de Saint Marc, qui met en lumière le destin de ce grand soldat au sens de l'honneur aigu. 

    CHERS ORPHELINS DE GRANDS HOMMES, le documentaire de 52.minutes (Histoire, ce 15 mars, à 21 h 35) consacré au commandant Hélie de Saint Marc, disparu en 2013 après une vie exemplaire, ne va pas aider à vous faire admirer notre époque où les héros à chanter sont aussi nombreux que les parents donnant à leurs enfants le prénom de Marie en Seine-Saint-Denis (voir à ce sujet l'étude de Jérôme Fourquet).

    Même si Hélie de Saint Marc, témoin du siècle n'apporte pas d'éléments nouveaux sur cette figure incarnée de l'honneur et de la droiture, il a notamment pour mérite de ne donner la parole qu'à l'officier lui-même. A partir de ses écrits — nombreux et superbes —, lus par Jean Piat, Marcela Feraru et Jean-Marie Schmitz reconstituent, images d'archives parfois inédites à l'appui, la trajectoire singulière d'un homme qui, 91 ans durant, s'en tint à un principe d'airain : ne pas décevoir, ne pas déchoir.

    Enfance bordelaise où naît sa passion (méconnue) pour la nature et se développe, grâce aux « hussards noirs de la République », un haut sens de la morale et de la patrie.

    Désespoir où se mêlent dégoût et fascination pour « la force joyeuse du vainqueur allemand », en 1940. Résistance et déportation à Buchenwald avec cet apprentissage de la grandeur et de la misère de l'homme, ce « regard fixe retourné vers l'intérieur » qui devient le sien malgré lui, cette révélation de « l'absolue vérité des êtres ».

    L'engagement dans la Légion, « la grande affaire de ma vie ». L'Indochine, histoire de troquer la noirceur des camps de la mort avec la lumière du Tonkin. Le traumatisme d'avoir à abandonner au couteau viêt-minh ces milliers de supplétifs dévoués de l'armée française.

    45273.jpgPuis l'Algérie, les rêves de fraternisation sans lendemain en mai 1958, le putsch — seule manière de ne pas trahir à nouveau la parole donnée, seule réponse possible à « l'abus de confiance » du général de Gaulle —, le procès, la prison, le statut de réprouvé jusqu'à la réhabilitation des années 2000 avec le prix Femina, la grand-croix de la Légion d'honneur. Cet honneur enfin, et légitimement, retrouvé.

    Ce destin raconté et montré est exceptionnel. Il eût mérité une hagiographie. Il n'en est rien.

    Ce documentaire remarquable est une leçon de vie. Et de philosophie de la vie.  

    Source : Figaro magazine, dernière livraison. 

    Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l'émission hebdomadaire Historiquement show4 et l'émission bimestrielle L'Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d'une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l'émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l'année qui a changé le monde, vient de paraître aux éditions Perrin.

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    1917, l'année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d'illustrations, 24,90 €.
  • Cultivé Trudeau ? Il n'a pas du lire Claude Lévi-Strauss... Macron non plus. Nous leur conseillons ce qui suit !

     

    « Il n'est nullement coupable de placer une manière de vivre ou de penser au dessus de toutes les autres et d'éprouver peu d'attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, s'éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. (...) Cette incommunicabilité relative n'autorise pas à opprimer ou à détruire les valeurs qu'on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n'a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement. » 

    Claude Lévi-Strauss

    Conférence à l'UNESCO, Race et culture

  • Patrimoine cinématographique • L’esquive

     

    Par Pierre Builly

    L’esquive d’Abdellatif Kechiche (2004)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgQu'est-ce qu'on peut faire ? 

    Je n'avais pas détesté La graine et le mulet, et l'idée de voir Marivaux en banlieue me semblait être une idée singulière mais admissible. Après tout, pourquoi pas ? Mon âge me donne tout le temps de regarder n'importe quoi, y compris les choses les plus incongrues. 

    Passé l'agacement de ne pas comprendre une phrase sur deux, phrase hachée, mâchée, grognée, hurlée, aboyée par des gamins qui n'ont avec ma propre manière de s'exprimer qu'une parenté lointaine, je me suis pris au jeu. Je n'ai pas détesté, je n'ai pas méprisé, j'ai même compati devant ces pauvres gamins à qui notre décadence n'offre aucune échappatoire que le football ou le gangsta-rap (sélection autrement plus rigoureuse, au demeurant, que celle des concours des meilleures grandes écoles). 

    72266242-13db-4f16-81dc-5f2053d09664_2.jpgPauvres petits enfants perdus de nos banlieues, si lointaines et si proches, à qui des professeurs fous furieux et magnifiques essayent d'inculquer un peu de ce bagage qui n'a cessé de s'éparpiller depuis cinquante ou soixante ans sur les routes de l'exploitation mondialiste et de la destruction des identités... Elle est parfaite, cette prof' de Lettres qui croit encore à une sorte de mission sacrée et qui, alors que la barbarie est à la porte essaye de replonger ses chers et pauvres sauvageons dans le raffinement de siècles qui leur sont étrangers... Sauvageons touchants, émouvants, pathétiques même lorsqu'ils ne s'expriment que dans la rage de leur pauvre vocabulaire, même lorsqu'ils ne parlent que de niquer la race de l'autre et que se battre les couilles (même et surtout pour les filles) leur semble être l'ultima ratio de la désinvolture. 

    Je ne sais pas trop ce qu'il faut faire, là-bas, de l'autre côté du Périphérique : envoyer les gosses se mesurer à Marivaux, dans le raffinement superbe de la fin d'un monde civilisé ou se mettre au niveau de leur sous-culture, leur enseigner les textes de Nique ta mère et de Grand corps malade... Je ne sais pas. Je trouve beau qu'on essaye de leur faire toucher du doigt l'élégance, la sophistication, la perversité subtile, la finesse des grands textes décadents. Beau et désespérant. 

    arton40-1450x800-c.jpgDans une des scènes les plus fortes du film, le professeur (Carole Franck) aborde vraiment le sujet : la détermination sociale. Dans la pièce (et toujours chez Marivaux), les valets ont beau se déguiser en maîtres et les maîtres en valets, ce jeu artificiel d'échange et de surprise ne va pas bien loin : à la fin de la pièce, chacun retrouve son milieu, son territoire, sa race. Dommage que Kechiche, peut-être effaré par la désolation de ce qu'il va dire, s'arrête au bord du précipice, recule à l'idée de désespérer les Francs-Moisins... Et là c’est lui qui esquive. Je songe que Belvaux dans Pas son genre a eu davantage de courage (de rage ?) en montrant la résignation de Jennifer la coiffeuse (Émilie Dequenne) qui n'a pas pu malgré tous ses efforts et son enthousiasme amoureux, marcher au même pas que son  Clément le professeur de philosophie (Loïc Corbery) : il y a des choses qui ne se rattrapent pas... 

    hqdefault.jpgQu'est-ce qui va se passer après que les gamins auront joué devant les familles assemblées les entrelacs compliqués de l'écriture classique ? Peut-être si Lydia (Sara Forestier) qui semble avoir en elle la rage et la volonté d'aller plus loin, pourra traverser le périph'... Mais les autres resteront confinés dans leur relégation, entre trafics, petits et grands, chômage endémique, puis confinement à la maison, pour les filles, avec trop de mômes à torcher et petits boulots de rien du tout pour les garçons, avec trop de crédits à rembourser... 

    Et là, Marivaux !...                                      

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    DVD disponible autour de 8 € .

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Les Tambours de Bâle : voilà l'Europe que nous aimons, que nous voulons...

    Cette Europe, c'est l'Europe des Nations, des Traditions, des Cultures : toutes différentes, mais issues de fondamentaux commun, jaillissant d'un même tronc solide et puissant, comme les multiples branches d'un arbre vigoureux qui élance ses branches haut vers le ciel, parce qu'il pousse ses racines profondément dans la Terre...

    Vive l'Europe des peuples, non à la semble-Europe de la commission de Bruxelles...

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    Passez donc 6*31** époustouflantes avec eux ! : 

    https://vimeo.com/20408504

  • Livres & Actualité • Sionismes

    Par Charles de MEYER*

    web-charles-de-meyer-c2a9-sos-chretiens-dorient.jpgIsräel et le sionisme sont le territoire de bien des fantasmes.

    D’une doctrine mal connue, et plus complexe que son résumé hâtif, beaucoup tirent des admirations et des détestations excessives. Et si l’affirmation que certains biberonneraient à l’antisémitisme dans « les territoires perdus » est polémique en France, c’est une réalité constante du Proche-Orient. Je connais même des généraux libanais qui parlent hébreu et n’ont pas de mots assez durs pour le monde juif. Mais c’est une autre histoire.

    Le livre de Jean Pierre Filiu sur Benjamin Netanyahou, Main basse sur Israël, se lit donc en restant sur ses gardes. « L’Orient compliqué » n’a pas gagné en simplicité avec la création de l’État d’Israël et son évolution implique l’intégralité des états voisins. Des implications souvent cachées pour continuer à attirer les plus de 3000 juifs Français qui émigrent vers Israël chaque année.

    800px-Al-Husayni1929head.jpgJean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain. Il est peu de dire que nous ne partageons pas la même expérience de la région et que nos vues divergèrent largement sur le sort de la Syrie. Il n’en reste pas moins intéressé de longue date à l’histoire d’Israël et de la Palestine, au point de s’étrangler quand il entendit Benjamin Netanyahou affirmer, le 20 octobre 2015, que la Solution Finale fut susurrée à Hitler des lèvres du Grand Mufti de Palestine [Photo]. S’il y vit les excès électoralistes d’un homme politique roué, il en profita pour disséquer de manière très intéressante les débats à l’œuvre en Israël et auprès de la diaspora juive du monde entier.

    Embourbé dans les polémiques contemporaines, le lecteur oublierait vite que cette histoire fut aussi faite de dissensions juives. Les rapports avec la puissance mandataire anglaise des divers partis sionistes furent diamétralement opposés, entre ceux qui collaborèrent avec la Grande-Bretagne et les forces comme l’Irgoun, qui multiplia les attentats en 1938, ou d’autres équipées extrémistes qui allèrent jusqu’à assassiner le ministre résident britannique au Caire en novembre 1944. Pour Jean-Pierre Filiu, la famille Netanyahou s’inscrit clairement dans l’héritage des camps les plus fanatiques, notamment sous la houlette d’un pur et dur, Zeev Jabotinsky. Ce dernier, inventeur d’un courant dit révisionniste, fut très actif auprès de la communauté juive polonaise, dont il était originaire, et milita en faveur de la colonisation de la Transjordanie.

    Bibi-grave-TN.jpgPour Filiu, « Bibi » Netanyahou est « un alliage de perversité et de médiocrité » qui a utilisé ses années de diplomate aux États-Unis pour forger un réseau international. Pendant les années Reagan, il aurait tourné le dos aux progressistes et transformé l’AIPAC, le lobby américain de la diaspora juive, en organe fanatique. Élu en 1988 à la Knesset, Netanyahou ne reculera devant aucune bassesse et aurait quasiment provoqué l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Il sera élu Premier ministre en mai 1996 pour trois ans avant de revenir à la tête du gouvernement de mars 2009 à aujourd’hui. Jean-Pierre Filiu écrit : « au-delà de la défaite de Pérès, c’est bel et bien le symbole de Rabin et son héritage politique que Netanyahou terrasse en prenant la tête du gouvernement ». Dès lors, Netanyahou appliqua une politique extrémiste. Il négligea ostensiblement un cinquième des habitants d’Israël : les Arabes restés depuis 1948, qu’il décrirait encore comme un ennemi de l’intérieur, une menace existentielle inassimilable car non juive.

    maxresdefault.jpgLà où Jean-Pierre Filiu n’est plus crédible, c’est quand il crée une manière de nouvel orientalisme, dont le référent ne serait plus une civilisation française arrogante mais les fantasmes de la gauche. En somme, le professeur forge un Israël à la mesure de ses idées comme les Orientalistes fabriquèrent une question d’Orient à la sauce bourguignonne. Ce n’est plus l’exotisme des ruines et des coutumes qui fascine, mais un hypothétique mouvement en faveur des droits de l’homme. La paix d’Israël ? Elle sera rétablie au sortir d’une ouverture à « l’Autre palestinien ». Les liens du Premier ministre avec Viktor Orban et Steve Bannon ? Une tolérance pour les antisémites. Les excuses télévisées de Netanyahou pour son infidélité envers sa femme Sarah ? Une manipulation obscène. La lutte contre l’OLP ? « Une diabolisation incendiaire ». La haine de Netanyahou pour Damas et Téhéran ? Une simple manipulation. Si la politique des Nations orientales souffre de bien des maux, elle est encore épargnée par les interdits du gauchisme français. Pour la plus grande tristesse de Jean-Pierre Filiu.  

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    Jean-Pierre Filiu, Main basse sur Israël, Netanyahou et la fin du rêve sionisteLa Découverte, 2019, 215 p., 16 €.

    * Président de SOS Chrétiens d’Orient
    Charles de Meyer
    PM
  • Une intime conviction

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : Une intime conviction, un film français d’Antoine Raimbault, avec Olivier Gourmet (Dupont-Moretti), Marina Foïs (Nora), Laurent Lucas (Jacques Viguier) et Philippe Uchan (l’amant de Suzanne Viguier, Olivier Durandet).

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    Les voix, l’intonation, le rythme, la musique de l’éloquence ...

    Une intime conviction… Au vu de la bande-annonce, dans le prétoire, avec Olivier Gourmet, j’étais en effet persuadé d’un très bon film, et les deux seules scènes du témoignage de la baby-sitter ou de la plaidoirie de Me Dupont-Moretti (est-ce véritablement la reprise de sa plaidoirie ?) valaient la peine de me rendre à ce tribunal.

    image_content_24823375_20190205182840.jpgC’est vrai que j’aime les beaux discours, les belles plaidoiries ; je suis très sensible aux voix, à l’intonation, au rythme, à la musique de l’éloquence, et j’avais bien aimé sur ce sujet, en 2017, Le Brio d’Yvan Attal avec Daniel Auteuil. 

    J’avoue n’avoir aucun souvenir de ce « fait divers » de l’an 2000, et le nom de Viguier ne m’évoque rien. Cette affaire n’a pas été élucidée, et le scénario reste sur un point d’interrogation, même s’il me parait à charge contre Olivier Durandet ; toutes les hypothèses restent cependant ouvertes jusqu’à la « dernière déclaration » de « l’accusé » qui demande qu’on lui rende « sa dignité » sans pour autant redire qu’il est « innocent ».

    1708406.jpgA vrai dire, les véritables coupables dénoncés par Me Dupont-Moretti, de cette très longue procédure judiciaire et de cette disparition qui reste inexpliquée, semblent être à la fois la Police et le juge d’instruction, qui n’auraient pas pris la peine d’écouter les enregistrements téléphoniques tellement ils auraient eu l’intime conviction de la culpabilité de Jacques Viguier.

    Finalement, ce long-métrage ne fait-il pas le procès de l’intime conviction ?  

     PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Passé-Présent • Les parlements d'Ancien régime... L'ancienne France avait une constitution !

    Les Etats-Généraux de 1789 à Versailles 

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgQue devrait être la monarchie que nous souhaitons pour la France ?

    Le débat - nécessairement théorique et abstrait - ne manque jamais de se raviver â la moindre occasion surgissant de l'actualité. Et chacun se hâte de faire entendre sa propre musique. Monarchie « absolue » ou monarchie « constitutionnelle « de « droit divin » ou « parlementaire » ? Etc. 

    Mais que recouvrent vraiment ces notions si peu définies ? Lorsqu'on se réfère à des modèles historiques - notamment la France d'Ancien Régime par opposition aux divers régimes qui ont suivi - le risque est grand de prendre pour argent comptant les lieux-communs de l'opinion courante, peu soucieuse de la vérité historique. Il y a d'autre part les comparaisons que l'on établit ou croit établir entre la monarchie qui conviendrait à la France et les monarchies étrangères. Ici, le risque est la méconnaissance des équilibres institutionnels, de l'histoire, des traditions politiques et sociales des pays concernés. Par ailleurs, les monarchies étrangères sont dissemblables entre elles, toutes ne se valent pas. Et, de toute façon, avons-nous à chercher nos modèles à l'étranger ? 

    Voici un document qui nous renseigne sur ce que furent vraiment les institutions de l'Ancien Régime français : une vidéo de TV Libertés où Pierre de Meuse expose quelle était la constitution de l'Ancien régime. Car ce dernier en avait une. Et Pierre de Meuse décrit les principales institutions - notamment parlementaires - qui constituaient l’Ancien régime. . Ce sont là des vérités d'histoire très mal connues. On le verra : la monarchie d'Ancien Régime n'était ni un despotisme ni une tyrannie.     

    C'est un exposé d'Histoire qui parle à nos esprits modernes, nous qui sommes spectateurs et parfois acteurs des débats qui occupent en ce moment plus ou moins superficiellement la société française. Ces derniers rappellent étrangement les débats qui préparèrent les États-Généraux de 1789. Le peuple français y était directement consulté et, comme aujourd'hui, il s'exprimait non plus via les parlementaires, mais en rédigeant, encore comme aujourd'hui, des cahiers de doléances. Peuple d'une France organique et pleine de vie. Au point que les  rituels figés du vieux parlementarisme façon XIX et XXe siècle n'ont plus aujourd'hui la confiance des Français. 

    Bonne écoute !   

    De 01:20 à 28:13 – Les parlements de l’ancien régime (présenté par Pierre de Meuse)
    L'émission traite ensuite de deux autres sujets fort intéressants mais ne sont pas pas le nôtre, en l'occurrence.
    Après écoute, revenir sur Lafautearousseau 

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     Photographies .... Splendeur des parlements de l'Ancienne France

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    Le parlement de Normandie à Rouen

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    Le parlement de Bretagne à Rennes

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    Grande salle du parlement de Bretagne à Rennes

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    Le parlement de Bourgogne à Dijon

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  • Humeur • Pouvoir d’achat

    Par Guy Adain 

    3759264560.jpgVous le cherchez encore ?

    Moi, je l’ai trouvé !

    C’est peut-être un peu présomptueux de le dire, mais pourtant, c’est l’exacte vérité. Je vais faire comme les bonimenteurs de foire ou les « Docteurs Miracles » qui vous vantent la potion qui guérit tout, de la chute des cheveux aux cors aux pieds.

    Ah, vous le voulez ce Pouvoir !

    Pouvoir : les « politiques » ne pensent qu’à ça !

    Le Peuple veut tout pouvoir lui aussi, et avec tous les pouvoirs bien sûr !

    Pouvoir tout faire, tout décider, tout dire, sans entraves, et par dessus tout : Pouvoir Acheter !

    Le Pouvoir d’achat, le seul qui vaille !

    On n’ose le dire, mais tout le monde le sait et le croit fermement : Tout s’achète et donc, tout se vend !

    Même les âmes, que l’on peut vendre au Diable !

    Alors, voilà votre solution, voilà le secret le mieux gardé, voilà la solution à tout !

    pouvoir d'achat.jpgVendez votre âme au Diable, Satan est acheteur, et il payera le juste prix ! « Le Pouvoir d’Achat », c’est lui qui le détient. Il peut tout, c’est le maître du Monde. Il crée l’inconcevable, et fait pire encore ! Allez, prosternez-vous devant Lucifer, le Roi du « laissez-faire », et vous aurez ce Pouvoir dont vous rêvez !

    . Pouvoir de tout rendre vénal.

    . Pouvoir de tout acheter : La Beauté, la Jeunesse, l’Amour…

    . Pouvoir de tout vendre aussi, son Corps, son Âme !!!

    Voilà deux magnifiques « Droits » de la République :

    « Droit d’Acheter et Droit de Vendre »,

    Pouvoir d’Achat et Pouvoir de Vendre. »

    L’un est Sodome l’autre est Gomorrhe  ! 

    « Bon appétit M’sieurs Dames ! »  

  • Régis Debray dit en 1984 à peu près ce que dira Macron en 2015 ... Convergences !

  • Patrimoine cinématographique • Le promeneur du Champ de Mars

     

    Par Pierre Builly

    Le promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian (2005)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgLe vieil homme et la mort 

    Pour une fois, Robert Guédiguian n’évoque pas l'Estaque, le boulevard Michelet, le glorieux Olympique de Marseille et le cours Belzunce. 

    Mais il réalise un film sans aucun rapport avec les docks, la brise marine, le mistral et les calanques. Un film tout entier consacré à un homme. Que cet homme soit alors, et pour quelques mois encore Président de la République n'est pas sans importance, mais n'est pas si décisif que ça. 

    C20eSMOUkAAF46y.jpgAucune ennuyeuse rétrospective, dans Le promeneur du Champ de Mars, de l'action du quatrième chef d’État de la Vème République, aucun jugement de valeur, ni d'appréciation des forces politiques en présence : c'est à peine si est évoquée la réalité, l'actualité ennuyeuse et fébrile : c'est la marche vers la mort évidente et annoncée d'un lettré qui a vécu une vie intense, grisante, éblouissante. 

    D'ailleurs, le film commence par deux éblouissements : le survol de la Beauce et de Chartres à la scansion des mots de Charles Péguy et la présentation des gisants de la basilique de Saint-Denis, nécropole des Rois de France. Celui qui va mourir, et qui le sait, se pétrit encore de la force et de la beauté de ce qu'il a aimé, sans doute de singulière façon, comme il a passionnément aimé le Pouvoir, avec orgueil, cynisme, distance, hauteur. 

    le-promeneur-du-champ-de-mars.jpgFrançois Mitterrand aura été le dernier Président lettré de notre pays, sans doute, et même sûrement pour toujours (si, par malheur, l'agrégé de Lettres classiques François Bayrou était élu, en mai prochain, il ferait tout pour passer pour inculte, n'en doutons pas !) ; un Président qui avait le sens et le goût de l'Histoire et de la permanence des peuples, et celui de la transcendance, aussi (à la fin de son dernier message de vœux, le 31 décembre 1994 Je crois aux forces de l'esprit, et je ne vous quitterai pas !). 

    Du cinéma, tout ceci ? Et comment ! L'ivresse et la vanité du Pouvoir, la solitude du chef, la perspective de la mort douloureuse (et surtout de la perspective d'abandonner tout ça - ainsi que disait Mazarin, autre grand homme d’État -, c'est-à-dire toutes les beautés et les douceurs de la vie...) Du cinéma, bien sûr, quand un réalisateur trouve un acteur aussi exceptionnel que Michel Bouquet, prodigieux de ressemblance, de force intériorisée, de sens du sacré et de sens du dérisoire... 

    le-promeneur-du-champ-de-mars-01.jpgDeux réticences, toutefois : l'ennui de l'anecdote sentimentale qui secoue le confident (Jalil Lespert) du Président, anecdote d'une banalité peu soutenable au regard de la lente agonie du vieil homme (mais, après tout, c'est peut-être voulu, cette juxtaposition), et la trop lourde insistance sur le passé trouble, ou prétendu tel de François Mitterrand, regard vertueux, donc agaçant. 

    Un vieillard hédoniste, ambitieux, secret, cynique et profond meurt devant nous, désespéré, à sa façon, de n'être parvenu au faîte de l’État qu'à l'heure où l'action politique n'avait plus d'existence, avait disparu, noyée par l'omnipotence du Marché et des multinationales. Il aurait été un parfait Capétien. 

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    DVD épuisé, qu’on peut néanmoins trouver autour de 35 € .

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  • Livres & Actualité • Alain de Benoist contre le libéralisme (et ce qu’il a fait de nous)

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgNous avons mis en ligne, vendredi, une vidéo dans laquelle Alain de Benoist présente lui-même le livre qu'il vient de publier, Contre le libéralisme.

    Voici ce qu'en a pensé Jean-Paul Brighelli. Nous avons dit souvent aimer son style, son humour, son expression directe et sans ambages, son érudition, son bon sens, son non-conformisme et jusqu'à la verdeur de son langage. Cette excellente recension - parue sur son blog le 25 février - ne manque pas à la règle. Voici !  LFAR  

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    Tous les hommes ne sont pas interchangeables

    Seule l’extrême densité de l’actualité m’a fait retarder le compte-rendu déjà écrit du dernier livre d’Alain de Benoist, Contre le libéralisme.

    FIC147777HAB0-768x1234.jpgUne actualité si épaisse qu’elle a permis le déferlement de la sottise la plus élémentaire, non pas celle supposée des « gilets jaunes », qui n’en sont pas encore à formaliser l’ensemble de leurs revendications, et auxquels il est un peu vain de reprocher en bloc les bêtises de quelques-uns, mais celle des commentateurs : faut-il qu’ils aient peur pour qu’on lise sous la plume de gens ordinairement mieux avertis (Jean-François Kahn ou Jacques Julliard, par exemple) des pauvretés idéologiques d’un tel calibre… Cela me rappelle les éructations de la bonne madame Sand au moment de la Commune (lire absolument Les Ecrivains contre la Commune, de Paul Lidsky) : la « socialiste » de Nohan a soudainement craint que le peuple dont elle chantait les louanges tant qu’il fermait sa gueule ne vienne dévaster sa gentilhommière… Que voulez-vous, le peuple braille, gueule, éructe, et parfois même coupe des têtes. Et parfois, il n’a pas tort de le faire : nous exaltons la Révolution chaque mois de Juillet selon un rite magique – pour qu’elle ne se reproduise pas.

    Nous ne sommes pas des Alain Minc

    Contre le libéralisme donc… Entendons-nous : Alain de Benoist n’a rien contre l’idée que son boulanger ou son menuisier soient des entrepreneurs libéraux — tant qu’ils ont du talent. Un homme qui cite si souvent Ayn Rand (si vous n’avez pas vu le Rebelle, de King Vidor, empressez-vous !) n’a rien contre l’expression du génie, de l’individu porté à son plus haut point d’incandescence. Mais il s’agit ici de l’individuation libérale, l’assurance fournie par le libéralisme actuel que la médiocrité de chacun pourra s’exprimer sans contrainte, pourvu que chacun soit libre de consommer, c’est-à-dire au fond d’être asservi à l’objet, à l’avoir, faute d’être, qui est au cœur de son ouvrage. L’autre versant, c’est l’économisme, c’est-à-dire la tendance à remplacer le politique par un prêt-à-porter financier : « It’s the economy, stupid ! » beuglait James Carville, l’organisateur de la campagne de Clinton en 1992 — en écho au « There is no alternative » de Thatcher — « affirmation impolitique par excellence ». Ou à l’idée que, comme le proclame Alain Minc, « le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société ». L’illibéralisme contemporain, la pensée alter-mondialiste, le souverainisme sous toutes ses formes, nourrissent leurs critiques et leurs révoltes de ces affirmations péremptoires qui font les beaux jours des banques, mais pas les nôtres.

    Loana, c’est Jeremy Bentham

    Qu’est-ce que l’individu libéral ? « La culture du narcissisme, la dérégulation économique, la religion des droits de l’homme, l’effondrement du collectif, la théorie du genre, l’apologie des hybrides de toute nature, l’émergence de « l’art contemporain », la télé-réalité, l’utilitarisme, la logique du marché, le primat du juste sur le bien (et du droit sur le devoir), le « libre choix » subjectif érigé en règle générale, le goût de la pacotille, le règne du jetable et de l’éphémère programmé, tout cela fait partie d’un système contemporain où, sous l’influence du libéralisme, l’individu est devenu le centre de tout et a été érigé en critère d’évaluation universel. »

    C’est ce qu’il y a de bien avec les philosophes (et beaucoup moins avec les penseurs d’opérette qui se répandent en éditos chiasseux), c’est qu’ils savent poser un problème, pour en détortiller les nœuds dans les pages suivantes. Alain de Benoist montre avec une grande rigueur le lien qui unit Jeremy Bentham et John Stuart Mill à Loana ou à Macron (dont Marcel Gauchet dit qu’il est « le premier vrai libéral, au sens philosophique du terme, à surgir sur la scène politique française »).

    « L’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse des consommateurs »

    Comment ? protestent déjà les demi-habiles (rappelons au passage que le demi-habile pascalien est, comme le « presque intelligent », un gros connard qui se croit habile). Vous êtes contre la liberté ? Oui — chaque fois que, comme l’explique Pierre Manent, le règne sans partage des droits individuels fait automatiquement périr l’idée de bien commun. L’idée quantitative de l’individu, qui finalement renonce à être pourvu qu’on le laisse avoir, explique par exemple l’accueil que le libéralisme fait à l’immigration incontrôlée : « Le libéralisme, explique Alain de Benoist, aborde cette question dans une optique purement économique : l’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse potentielle des consommateurs grâce à des individus venus d’ailleurs, ce en quoi elle est positive. Elle se justifie en outre par l’impératif de libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, et permet aussi d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des autochtones ». Et d’ajouter : « On raisonne ainsi comme si les hommes étaient interchangeables ». L’idéologie des Droits de l’homme, appliquée de façon aveugle, finit par nier ces droits mêmes. Carton plein pour le vendeur d’i-phones et autres babioles onéreuses et jetables – mais pour nous ?

    Un exemple qui a surgi au fil de ma lecture — et c’est toujours bon signe quand un livre agite en vous des idées. On propose plusieurs dates pour la fin de l’empire romain : 410, avec le sac de Rome par les Wisigoths d’Alaric, ou 455 avec les Vandales de Genséric, ou 476, avec l’abdication du dernier empereur, Romulus Augustule. Mais pour moi, le début de la fin, c’est, en 212, l’édit de Caracalla, faisant de chaque habitant de l’Empire un citoyen romain. Ce n’était plus la peine désormais de chercher (souvent en servant dans l’armée) à devenir romain. Et on eut très vite recours à des Barbares pour remplacer les citoyens qui pouvaient dès lors se contenter de péter dans leurs toges. On leur avait donné un droit, et supprimé les devoirs. Le reste n’est qu’histoire des cataclysmes et de la décadence, comme le peignait Thomas Couture. 

    Que la liberté de consommer soit un asservissement est une évidence qui n’échappe qu’aux libéraux, pour qui « la liberté est en fait avant tout liberté de posséder. » Caracalla, le premier, en banalisant le « citoyen », a proclamé l’avènement de l’individu — rendant, du coup, le plaisir vulgaire et la citoyenneté obsolète.

    Y a-t-il de l’espoir ? Eh bien oui : le système est en train d’atteindre ses limites. « À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’un dépit des politiques d’austérité, elle ne sera jamais payée. » Plus vite on la dénoncera, plus vite nous récupèrerons le droit d’être des individus ré-organisés en société, unus inter pares, comme on disait à l’époque où « aristocratie » n’était pas un vain mot. Et nous balaierons les oligarques qui se prennent pour des élites auto-proclamées.

    Quant à savoir où se situe Alain de Benoist dans l’échiquier politique… Un homme qui cite souvent Jean-Claude Michéa ne peut être tout à fait mauvais. Mais j’imagine que Jacques Julliard et Jean-François Kahn doivent penser qu’il est le diable — contrairement aux esprits éclairés qui lisent ou écrivent dans son excellente revue, Eléments, en vente dans tous les kiosques.  

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    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur
  • Société • « Conspirationnisme » macronien

    Par Luc Compain

    Si LREM dénonce le conspirationnisme de ses adversaires, ses chefs aiment jouer avec l’idée du double complot intérieur et extérieur. Conspirationnistes eux-mêmes, les peu vraisemblables puissances de l’ombre qu’ils évoquent sont en fait autant de prudentes explications préventives de leurs échecs. 

    show.png« 40% des Gilets jaunes sont très complotistes », s’inquiète Le Point, qui veut nous convaincre que les Français adhèrent massivement aux théories du complot, « ce conspirationnisme étant nettement plus fort [chez les opposants au Président] que dans le reste de la population ». Ce chiffre « alarmant », « glaçant », relayé par toute la presse, est tiré d’un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et Conspiracy Watch qui ne doit pas être pris au sérieux¹ : entre autres défauts, ce sondage ne se préoccupe pas de toutes les théories du complot existantes² mais uniquement de celles qui sont a priori populaires – et donc plus susceptibles de toucher un public moins élevé socialement, et de définir le profil type du complotiste comme « un jeune pauvre peu diplômé » d’extrême-droite ou d’extrême-gauche qui s’informe sur les réseaux sociaux.

    Pour autant, il existe un conspirationnisme chic, politiquement admis et socialement recommandé, qui sévit jusqu’au sommet même de l’État. Cela peut paraître surprenant, dans la mesure où les « théories du complot » sont généralement construites en opposition aux « thèses officielles » – et qui pourrait être davantage officiel que le président de la République ? Ensuite parce que selon une répartition des tâches bien établie le conspirationnisme est le privilège des « gens qui sont faibles, ou fragiles, ou en colère », selon la formule d’Emmanuel Macron, les élites étant par définition responsables, rationnelles et raisonnables, en bref dépositaires d’une pensée complexe. Le conspirationnisme est supposé chose trop vile pour les contaminer. Leur anti-complotisme plaiderait d’ailleurs en leur faveur, bien que l’on s’aperçoive qu’il est avant tout utilisé comme un moyen pour disqualifier un adversaire ou une opinion concurrente.

    Cependant, dès que l’on a à l’esprit que le conspirationnisme est moins une idée ou un thème qu’une manière de déchiffrer le monde, on s’ouvre à la possibilité que les élites puissent partager la mentalité conspirationniste, en lui donnant une coloration particulière. En effet, le conspirationnisme met en scène un groupe agissant dans l’ombre en vue de réaliser un projet de domination. Le conspirationniste a la conviction que la marche du monde est contrôlable et que tous les événements fâcheux, sans lien apparent, ont une cause unique cachée, se rapportent à un projet maléfique et s’expliquent par lui. Un bouc émissaire incarne ce mal et est désigné responsable des événements négatifs.

    Le complot russe

    Russia-Today-Tele-Poutine-sous-haute-surveillance.jpgAvant même l’élection présidentielle, le candidat Macron et son équipe de campagne avaient désigné leur bouc émissaire. Le 14 février 2017, Richard Ferrand, alors secrétaire général d’En Marche !, publiait dans Le Monde une tribune intitulée « Ne laissons pas la Russie déstabiliser la présidentielle en France ! » En cause, les cyberattaques contre son mouvement en provenance… d’Ukraine – « comme par hasard cela vient des frontières russes » : outre qu’une pareille déclaration revient à juger la Russie responsable des agissements ayant lieu dans les quatorze pays qui lui sont voisins, on soulignera le faussement ironique « comme par hasard » qui traduit la connaissance du complot -, les déclarations de Julian Assange à propos d’informations qu’il disposerait sur Macron et, enfin, la « volonté d’influencer l’élection » prêtée à Russia Today et à Sputnik, c’est-à-dire leur refus de participer au concert de louanges médiatique.

    L’affaire Benalla est une nouvelle occasion pour la Macronie d’agiter le spectre de l’influence russe. L’écho considérable que le scandale rencontre sur Twitter (4,5 millions de tweets en français postés par plus de 270 000 utilisateurs différents) laisse apparaître que 1 % des comptes a publié 47 % du contenu. Qu’une ONG belge, DisinfoLab, émette l’hypothèse de comptes pro-Mélenchon, pro-RN ou russophiles (et non russes, ce qui sous-entend que partager des articles de RT ou de Sputnik revient à travailler pour la Russie), il n’en fallait pas davantage pour que la majorité se mette à dénoncer une manipulation russe. Que DisinfoLab ait finalement conclu à l’absence de preuve d’une tentative d’ingérence organisée, que l’influence des robots ait été infinitésimale ou que des spécialistes en communication politique en ligne aient estimé qu’il n’y avait pas lieu d’y voir la main des Russes, aura en revanche laissé indifférents les macronistes.

    3113bc8_13178-1rvuta3.aaci5asjor.pngLorsqu’en décembre 2018 le JDD demande : « La Russie est-elle derrière de faux comptes qui attisent la contestation sur les réseaux sociaux ? », il ne fait que mettre un point d’interrogation là où Macron n’a aucune incertitude : « Dans l’affaire Benalla comme [dans celle des] Gilets jaunes, la fachosphère, la gauchosphère, la russosphère représentent 90 % des mouvements sur Internet », ce qui prouve que « ce mouvement est fabriqué par des groupes qui manipulent » (Le Point, 1/02/2019). Les Gilets jaunes sont « conseillés » par l’étranger, ça saute aux yeux : « Regardez, à partir de décembre, les mouvements sur Internet, ce n’est plus BFM qui est en tête, c’est Russia Today ».

    Le complot russe comme clef d’explication universelle des difficultés rencontrées par Macron peut prêter à sourire. Télérama ne s’en prive pas : à propos d’un échange âpre entre Macron et les élus d’outre-Mer portant sur un insecticide, dans le cadre du grand débat national, l’hebdomadaire ironise sur « cette histoire de chlordécone, […] complot de la russosphère antillaise pour déstabiliser notre Président ». Il faut toutefois noter que cette obsession d’une influence russe maléfique connaît une bienheureuse exception : alors que, selon Médiapart, Alexandre Benalla a été, depuis l’Élysée, l’architecte de contrats avec deux oligarques russes, dont Iskander Makhmudov, réputé proche de Poutine et soupçonné de liens mafieux, l’ouverture par le parquet national financier d’une enquête pour corruption n’a pas eu l’heur de déclencher une réaction de Jupiter et de sa galaxie, sinon celle, railleuse, de Christophe Castaner, évoquant une « affaire de cornecul ».

    La prolifération des complots

    images.jpgPour nos élites, il n’existe pas seulement des complots de l’étranger, il y a aussi des complots intérieurs, bien que la frontière qui les sépare soit purement formelle. Depuis peu, les Russes doivent partager le rôle de bouc émissaire avec les fameux extrêmes qui se rejoignent. Macron a ainsi estimé que Christophe Dettinger « a été briefé par un avocat d’extrême-gauche. Ça se voit ! Le type, il n’a pas les mots d’un Gitan. Il n’a pas les mots d’un boxeur gitan ». Plus encore, l’extrême-droite est désignée coupable d’un commun accord entre les responsables de LREM et ceux de la gauche institutionnelle, ce qu’illustre parfaitement le communiqué de la CGT s’inquiétant des « ressorts obscurs d’une colère » pour laquelle l’extrême-droite serait à la manœuvre. Quoi qu’il en soit, les extrêmes ont partie liée avec des « puissances étrangères », notamment les responsables italiens, selon Marlène Schiappa qui prétend, au micro de France Inter (9/01/2019), qu’ils ont peut-être « financé les casseurs ». Sur quels éléments s’appuie-t-elle ? Nous ne le saurons pas. Et l’Italie de rejoindre l’axe du Mal.

    La présidence, en déficit de confiance, a également trouvé un bouc émissaire idéal à la crise des Gilets jaunes en dénonçant l’omnipotence de la technocratie (Le Figaro, 14/01/2019) : tout est de la faute de « Bercy », mystérieux Léviathan qui empêche les Français de connaître le bonheur. Les conseillers de l’Élysée ont ainsi mis en cause « l’inspecteur des finances sortant de l’ENA qui décide de tout, alors qu’il n’a jamais mis un pied sur le terrain », symbole d’« une fonction publique toute-puissante ». Il serait vain de croire que les complots ne visent que la France. Macron en est conscient et, à la dénonciation du complot étranger, il substitue le temps d’un instant celle du complot à l’étranger, affirmant que le référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne avait été « manipulé » et qu’on avait « menti aux gens » (Le Parisien, 15/01/2019). L’accusation est grave. On ne saura malheureusement pas qui elle visait ni sur quoi elle se fondait, les « Décodeurs » du Monde ayant oublié d’enquêter.

    Finalement, ce conspirationnisme élitaire peut être l’expression d’un machiavélisme, la Macronie surfant sur l’idée que les Français seraient complotistes pour rappeler à l’ordre les journalistes : « Ce mouvement [les Gilets jaunes] est fabriqué par des groupes qui manipulent, et deux jours après, ça devient un sujet dans la presse quotidienne nationale et dans les hebdos ». Pour parer à ces manipulations, les médias doivent « hiérarchiser ce qui, dans l’info, est accessoire et ce qui est important ». À charge pour Benjamin Griveaux de le déterminer. La manipulation n’est d’ailleurs pas à sens unique puisque, le 8 février, le porte-parole du gouvernement a accusé les médias d’alimenter les croyances complotistes dans l’opinion, au sujet de l’affaire Benalla et de la question de l’indépendance de la justice.

    1156973.jpgLa dénonciation d’un complot fictif est aussi la réaction des vaincus de l’histoire. L’insatisfaction éprouvée à l’égard de l’évolution du monde – en l’occurrence, l’opposition croissante des peuples au mondialisme – est un carburant du conspirationnisme. Les éventuelles défaillances de la société ou les échecs répétés des politiques gouvernementales ne peuvent en être la cause, seule une influence maligne peut l’expliquer. À cet égard, l’histoire de la taxe carbone est exemplaire : deux mois après son abrogation par le Premier ministre et alors même qu’elle est à l’origine de la mobilisation des Gilets jaunes à laquelle il n’a toujours pas été mis un terme, le ministre François de Rugy et les secrétaires d’État Brune Poirson et Emmanuelle Wargon militent ouvertement pour son retour (Le Figaro, 12/02/2019). C’est une mesure excellente, et si elle a suscité des oppositions, qui ont été « entendues », c’est par manque de « pédagogie », dont ont profité des manipulateurs. En effet, il est impensable que les Français s’opposent à la taxe carbone, imaginée par ceux-qui-savent. Outre qu’elle permet de ne pas avoir à réévaluer ses présupposés en prenant en compte le réel, l’explication conspirationniste offre l’avantage de donner du sens à l’événement, et donc de consoler, de justifier sa position malheureuse de victime subissant les événements, ne parvenant pas à faire preuve d’initiative – il n’est plus question de maître des horloges –, incapable d’être force de transformation. En somme, le conspirationnisme macronien serait un symptôme d’impuissance politique, aveu élégamment maquillé.   

    1. Nous renvoyons à la critique d’Olivier Berruyer, « Analyse du Sondage “Êtes-vous un con ?” de Conspiracy Watch », publiée sur le blog Les Crises.
    2. Il est question de Big Pharma, de l’implication américaine dans les attentats du 11 septembre 2001 ou du complot sioniste mondial, et non de Trump comme agent russe, de l’équipement télécoms Huawei comme espion chinois ou de l’obsolescence programmée.
    Luc Compain
    pour Politique magazine
  • Cinéma • La Favorite

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : La Favorite, un film Yorgos Lanthimos, avec Olivia Colman (la Reine Anne), Rachel Weisz (Lady Sarah), Emma Stone (Abigail Hill).

    GT Champagne !.JPG

    Deux regards sur cette production ...

    Un film pervers avec des personnages pervers, un spectacle pas recommandable aux dialogues crus et scabreux.

    Certains me reprochent ma « bonne soirée » avec Ma Loute... Je crains des désabonnements avec ce « bon film ».

    On peut jeter en effet deux regards sur cette production.

    La-Favorite-Lanthimos.jpgElle répond sans doute, de la part du réalisateur, au désir de fric facile en salissant la dernière des Stuart, la reine Anne d'Angleterre (1702-1714), malade de la goutte, flirtant avec la folie (mais peut-être pas que…), sujette à des caprices et des accès de colère, qui laisse le gouvernement du royaume à ses deux confidentes successives, « gardiennes de la bourse privée », avec lesquelles elle entretient des relations lesbiennes.

    363-img_3_l.jpgJe préfère occulter cet aspect nauséabond de la réalisation pour m'intéresser à la guerre de succession d'Espagne que mène contre la France de Louis XIV, le royaume d'Angleterre, dont l'armée est commandée par le duc de Malborough (Malbrough  s'en va-t-en guerre, mironton, tonton, mirontaine).

    À Londres, auprès de la Reine, la duchesse de Malborough, Sarah Churchill (ancêtre de Winston, née Jennings) intrigue avec les Whigs mais aussi Godolphin, le chef des Tories, pour lever des impôts nécessaires à la poursuite de la guerre... jusqu'à ce que sa cousine Abigail, qui est aussi parente et alliée d'Harley, autre dirigeant des Tories, partisan de la paix, ne prenne sa place.

    1120816.jpgC'est l'évolution contrastée de ces deux favorites, cousines ennemies, que raconte ce film...

    Certes, ça conforte l'air du temps présent, mais est-il historique ďen faire des g... ? Même s’il semble, qu’historiquement, la première en ait accusé la seconde…  

    la-favorite.20190201000000.jpg

     PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Entretien • Frédéric Rouvillois : « Le débat public est forcément une impasse et, au fond, une duperie »

    ooooooooooooo

    Entretien avec Frédéric Rouvillois, professeur de droit public et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. 

    dossier-2A.jpgGrand Débat National, possibilité de référendum… Les consultations populaires sont-elles un succès, en France, depuis les États généraux convoqués par Louis XVI ?

    La question est double : comment donner la parole au peuple, qui a le sentiment de ne plus l’avoir, et peut-on comparer ce Grand Débat National avec les états-généraux qui se mirent en place à partir du XIVe siècle et se pratiquèrent jusqu’à la Révolution ? La différence fondamentale entre les deux consultations, c’est que dans le cadre des états-généraux chaque ordre, dont le Tiers État, élisait ou désignait des représentants pourvus d’un mandat impératif (les représentants devaient dire ceci ou cela) consigné dans les cahiers de doléances. Les gens qui venaient parler, débattre, choisir des solutions, étaient donc connus, et l’on savait au nom de qui ils parlaient. Dans ce Grand Débat d’aujourd’hui, on ne sait jamais qui parle, de quoi on parle, au nom de qui, si on représente quelqu’un, ou soi-même, ou un lobby quelconque… Cela ressemble en revanche à quelque chose qui fut imaginé sous la Révolution française par l’un de ses pires représentants, celui que l’on surnomma le « mouton enragé », le marquis de Condorcet. En 1792, au lendemain de l’instauration de la république, celui-ci est chargé par ses amis girondins d’élaborer la nouvelle constitution. En scientifique obsédé par la mathématique sociale, il va intégrer dans le projet un dispositif qui ressemble à “notre” Grand Débat à nous, avec tous ses défauts : un système d’initiative législative dans lequel une personne propose une loi à l’assemblée locale dont il est membre, laquelle en débat et, le cas échéant, décide de pousser cette question qui devient alors le sujet de toutes les assemblées locales du département qui, à leur tour, etc. Cela remonte en quelques mois jusqu’au sommet, avec à l’arrivée un objet juridique non-identifiable, la somme pharamineuse des débats et des réponses suscités par la question initiale, qu’il s’agira alors de débrouiller en lui donnant une forme juridique claire. Les ennemis des Girondins expliqueront non sans raison que c’est une idée aberrante : pour établir une seule loi, dit Marat, des millions de personnes auront été tenues sur le qui-vive pendant des mois, éléphant monstrueux accouchant dans la douleur d’une souris dérisoire à la viabilité très incertaine. Selon Marat, qui ne fait pas dans la dentelle, les promoteurs d’une telle méthode mériteraient l’asile ; Condorcet, au Monopoly de la Révolution, ne passera pas par la case prison, ou asile, mais ira directement à la mort, un an et demi plus tard.

    Rittinghausen1.JPGQuelques cinquante ans après, un aristocrate allemand, mathématicien lui aussi, Rittinghausen (Photo), imagine un système encore plus farfelu, et encore plus proche du Grand Débat macronien : le peuple est divisé en sections de mille personnes, chaque section s’assemble dans son propre local, nomme son président, débat sur un principe soumis à sa sagacité. La discussion close, le maire de la commune fait le relevé des votes, le communique à l’administration supérieure, etc. L’ensemble des milliers de procès-verbaux remonte peu à peu jusqu’à un Ministère élu par le peuple, dont les services se chargeront d’élaborer une synthèse : « la loi sortira d’une manière organique des discussions mêmes », assure Rittinghausen, d’une manière parfaitement claire et acceptée par tous – puisque toute la population aura le sentiment d’être le véritable auteur de cette loi.

    Dans ces deux cas, deux personnalités imaginent des systèmes qui, à chaque fois, conduisent manifestement dans le mur, et pour les mêmes raisons : ils font confiance à la sagesse des individus, à la bonne foi des gouvernants – comme nous en ce moment… – et aux mathématiques, bien sûr, comme nous le faisons avec les algorithmes pour ce qui va sortir du Grand Débat. Mais au fond, comme à l’époque, l’organisation de ce dernier pose la question de ce qu’il recouvre : de la naïveté, comme dans le cas de Condorcet ? De la folie, comme le prétend Louis Blanc à propos de Rittinghausen ? Ou plus simplement de la duplicité, le Grand Débat comme moyen rêvé d’étouffer la parole du peuple par le déchaînement de cette parole ? Des millions d’opinions plus ou moins divergentes sur des sujets plus ou moins variables finissent par s’écraser les unes les autres, ce qui démontrera en définitive que seuls les experts sont capables de dire quelque chose de sensé et que le peuple doit revenir sagement chez lui, remiser ses gilets jaunes et faire confiance aux dirigeants éclairés qu’il a élus – selon l’idée aussi vieille que Montesquieu que le peuple est incapable de se gouverner mais qu’il sait parfaitement désigner les représentants qui gouverneront à sa place.

    Macron lance une consultation qui n’a aucune valeur légale, purement consultative. Est-ce une manœuvre de tribun de la plèbe ou de César ?

    Chez Macron, le tribun de la plèbe et le César sont les deux faces du même personnage fabriqué, du même Janus artificiel. On est au fond dans la perspective populiste d’un césarisme démocratique : à beaucoup d’égards, Macron est en effet un populiste sans le savoir, ou en le sachant mais ne l’avouant pas, ou juste un peu. Ce terme de jupitérien qu’il a inventé en 2016, n’étant alors pas même candidat, désigne à la fois celui qui incarne le peuple et celui devant lequel le peuple doit se prosterner. Quant au Grand Débat, c’est en définitive le populisme sans les ennuis. César pose des questions au peuple, il le fait parler, mais n’est pas tenu de l’écouter, mais surtout de lui obéir. C’est tout bénéfice, du point de vue politique comme de celui de la communication.

    Le Grand Débat fait le pari que quiconque peut intervenir, y compris sur une plateforme numérique. L’immense masse des contributions, qui se comptent déjà en centaines de milliers, fait apparaître que des associations, ou des groupes de pression, ont mobilisé leurs militants : est-ce odieux ou légitime ?

    Ni l’un ni l’autre, c’est juste inévitable. Interdire aux lobbys d’intervenir dans le Grand Débat National reviendrait à interdire aux partis d’intervenir dans une quelconque élection.

    Le CESE, qui avait lancé sa propre consultation, avait expliqué, après avoir constaté que l’abrogation de la loi Taubira venait en tête des propositions, qu’il tiendrait compte (mystérieuse formulation) d’une évidente action militante.

    En un sens, on peut en effet considérer comme anti-démocratique que des groupes, des coagulations de personnes qui défendent certaines idées ou certains intérêts particuliers (d’où le terme de parti, du reste) puissent intervenir dans le processus de décision populaire : pour Rousseau, c’est parce qu’elle procède directement des décisions que chaque individu aura pris librement, sans aucune interférence extérieure, seul face à sa propre conscience, que la volonté générale est forcément juste et bonne, c’est pour cela qu’elle ne peut « errer ». En revanche, soulignent Rousseau et ses successeurs jacobins, dès qu’il y a des partis, dès lors que l’on crée au sein du peuple des groupes spécifiques qui vont empêcher chaque individu de s’exprimer en son âme et conscience, le jeu est faussé, le processus d’accouchement de la volonté générale est bloqué, bref, on n’est plus en démocratie. Mais si on allait dans ce sens, qui est celui que semblent reprendre le CESE et tous ceux qui reprochent aux conservateurs d’agir de concert, alors on devrait en déduire que tout parti politique est incompatible avec la démocratie – ce qui paraît d’autant plus insoutenable que la démocratie, d’un autre côté, ne peut pas se passer des partis.

    De son côté, le gouvernement a décidé de garder le maximum de contrôle, juge Dimitri Courant, doctorant en science politique à l’université Paris 8 et à l’université de Lausanne, et spécialiste de la démocratie délibérative. Il a volontairement créé une masse de données sans critères de hiérarchisation, et donc quasi-impossibles à traiter autrement que par l’intelligence artificielle et des algorithmes ou bien par un effectif élevé de personnes mobilisées à plein temps. Pour le citoyen lambda, il est impossible de voter, de commenter ou de mesurer le poids d’une contribution. C’est dommageable, notamment pour la crédibilité du débat.

    Pourquoi ajouter un référendum au Grand Débat National, pourvoyeur d’idées superflues pour un dirigeant qui a dit qu’il ne changerait pas de cap ? À quoi sert cette part de démocratie directe, plus contraignante ?

    Ce référendum, qui n’est pas un référendum d’initiative populaire, sera strictement encadré, et les questions qui seront posées sont en réalité celles sur lesquelles on pense que le peuple donnera une réponse favorable, a fortiori si c’est un questionnaire à plusieurs questions. Sur un plan institutionnel, la possibilité pour le peuple de s’exprimer directement, de ne plus être ce « souverain captif » qu’évoquait André Tardieu durant l’entre-deux-guerres, revient souvent dans les revendications des Gilets jaunes, et Macron n’a rien à y perdre. Les Gilets jaunes auront l’impression de s’exprimer tandis que les technocrates auront ficelé le référendum de sorte qu’il n’y ait aucune mauvaise surprise à l’arrivée. Et ceci permettra de laisser de côté les véritables outils de la démocratie directe, comme le référendum d’initiative populaire ou, pire encore (mais encore plus démocratique) le référendum révocatoire, qui permet aux électeurs de mettre fin avant terme au mandat d’un de leurs élus, une perspective qui, comme on l’imagine, fait se dresser les cheveux sur la tête à la totalité de la classe politique.

    dossier-2B.jpgOn comprend qu’aucun politique français ne propose cette évolution. En revanche, Macron remet en cause le nombre de sénateurs, par exemple, et tout ce qui touche, en fait, l’organisation de la vie politique autour des partis. Un antiparlementarisme sous-jacent se ferait-il jour ?

    Je dirais qu’il y a chez Macron un antiparlementarisme à peine inavoué, comme le montre de manière frappante son projet de révision constitutionnelle du 9 mai 2018, qui représente sur ce point une volte-face spectaculaire par rapport au mouvement de réhabilitation du parlement qui avait été initié par Chirac à partir de 1995. Au lieu de restaurer le corps législatif, on fait marche arrière, notamment sur le droit d’amendement, réduit à la portion congrue. Ensuite, que Macron ait ou non des « convictions » antiparlementaires, peu importe : il sait qu’un antiparlementarisme de bon aloi est assez largement partagé par les Français, qui ne voient plus très bien à quoi servent leurs députés et leurs sénateurs, mais qui en revanche savent parfaitement qu’ils leur coûtent cher. Macron joue donc sur du velours quand il propose de réduire le nombre des parlementaires, et donc de réduire la facture. Sur ce genre de questions, il sait sans risque d’erreur que les Français répondront « Oui », qu’ils soient ou non Gilets jaunes.

    Les dirigeants français ont tendance à considérer que le référendum est un plébiscite et, en conséquence, utilisent peu cet outil.

    de-gaulle-visuel2.jpgLa distinction entre référendum et plébiscite est très contestable. Tout référendum est forcément un plébiscite, sauf quand c’est un référendum automatique ou d’initiative populaire, puisqu’alors c’est le peuple qui se pose la question à lui-même. En revanche, dès lors que la question est posée par quelqu’un, on comprend qu’il n’y a pas vraiment de différence entre référendum et plébiscite : on répondra toujours à la question en fonction de celui qui la pose. Maintenant, ce qu’il faut noter, c’est que la dimension tragique du référendum introduite par De Gaulle en rapport avec la notion de responsabilité politique – autrement dit, je pars si les Français ne répondent pas par « un oui franc et massif » –, cette dimension, donc, qui donne un caractère révocatoire au référendum, a été complètement évacuée par tous ses successeurs. Chirac, lors des référendums de 2000 sur le quinquennat et de 2005 sur la constitution européenne, va jusqu’à préciser à l’avance qu’il restera en place quels que soient les résultats, déclarant que ces derniers ne peuvent avoir aucune incidence sur sa situation. En somme, si le référendum a été écarté par les dirigeants, ce n’est pas en raison de son côté « mise à mort », qu’ils ont écarté depuis belle lurette, mais parce que les élus de la république ont toujours eu une sainte horreur du référendum, qui contredit leur sentiment bien ancré que c’est à eux de décider : à eux, et pas au peuple ! On le voit bien en matière de démocratie locale où, depuis 2003, le référendum local aurait dû être utilisé de manière massive, alors qu’il ne l’a quasiment jamais été : le peuple, pensent spontanément les élus, n’a pas à usurper un pouvoir qu’il leur a légitimement délégué. Vous vous souvenez de la formule des cours de récréation : donner, c’est donner, reprendre, c’est voler.

    Dans le cadre d’une démocratie contemporaine où l’on a de plus en plus la faculté de consulter réellement tout le peuple, la forme de ce Grand Débat a-t-elle quelques mérites ?

    Non, car le vrai problème, c’est le fait de choisir, de décider. Autant une question posée par référendum permet de savoir qui est d’accord et qui ne l’est pas, autant un débat ne produit que de l’indécision : on ne peut synthétiser juridiquement le débat, pas plus que, selon Rousseau, on ne peut représenter la volonté. Un débat peut et même doit avoir lieu avant de répondre à la question, mais lui-même, en tant que tel, n’est pas susceptible d’être pris en compte. En clair, le débat public, quel qu’il soit, est forcément une impasse et, au fond, une duperie (on l’a vu avec celui qui vient d’être organisé sur la bioéthique). Ceux qui l’organisent savent ce qu’ils veulent obtenir, et le débat n’est là que pour donner au bon peuple l’impression qu’il n’est pas laissé pour compte, une fois de plus.  

    Propos recueillis par Philippe Mesnard