Éphéméride du 9 février
Jacques Bainville, portrait par Marie Lucas-Robiquet
9 Février 1879 - 9 Février 1936 : Naissance et mort de Jacques Bainville
"Il faisait, à la fois, de l’histoire un théorème par la logique de la pensée et une oeuvre d’art par la pureté de son style" (Duc de Lévis-Mirepoix, Discours de réception a l’Académie, Éloge de Maurras).
Il ne faut pas s'étonner que l'un des plus grands historiens de tous les temps soit à ce point ignoré - malgré quelques entorses de taille à cette conspiration du silence - par le Système en place, l'idéologie dominante et la police de la pensée : jusqu'à sa mort (en 1936) et depuis la fondation du quotidien L'Action française (en 1908) Jacques Bainville a signé - pendant vingt-huit ans - un article quotidien sur la Une du journal, aux côtés de Charles Maurras et Léon Daudet, les amis de toute sa vie : une amitié qu'il a magnifiquement évoquée dans les quelques mots de remerciements qu'il prononça au siège du journal, à l'occasion de son élection à l'Académie française :
Que trois hommes aussi différents et, chacun, d'une personnalité aussi affirmée aient pu durant toute leur vie - à partir du moment où ils se sont rencontrés - être et rester amis au quotidien, dans le même mouvement et les mêmes locaux, sans la moindre "dispute" notable, voilà qui constitue une exception remarquable dans l'histoire politique.
Lorsqu'on parle de Charles Maurras, de Léon Daudet et de Jacques Bainville, ce cas unique dans les annales du journalisme - français et international... - est peut-être la première chose qu'il convient de signaler (voir l'Éphéméride du 9 février - naissance et mort de Jacques Bainville; l'Éphéméride du 20 avril - naissance de Charles Maurras; l'Éphéméride du 1er juillet - mort de Léon Daudet; et l'Éphéméride du 16 novembre - naissance de Léon Daudet et mort de Charles Maurras).
C'est bien connu : la République gouverne mal, mais se défend bien ! Comment le Système pourrait-il honorer comme il se doit, et mettre à la place qui est la sienne - la première - un homme qui est à lui seul un reproche permanent à ce même Système, à son aveuglement, à ses erreurs, à ses trahisons ?
À côté de son article quotidien dans L'Action française, Jacques Bainville a tenu un Journal (du 30 août 1901, date de la première note qu'il y a rédigée, et jusqu'au au 11 octobre 1935, quatre mois avant sa mort). De ce Journal, d'ailleurs, nous avons extrait - pour commémorer à notre façon la Grande Guerre - les notes publiées durant l'année 1914 qui s'achèvent, précisément, sur la terrible prémonition du 31 décembre 1914 :
"...Car, dans cette hypothèse, chacun rentrant chez soi après cette vaine débauche de vies humaines, cette consommation d'énergies et de richesses, la carte de l'Europe étant à peine changée, les problèmes irritants demeurant les mêmes, on se trouve conduit à prévoir une période de guerres nouvelles où l'Allemagne humiliée, mais puissante encore et prompte à réparer ses forces, où l'Angleterre tenace, où les nationalités insatisfaites engageraient de nouveau le monde..."
La France a gagné la guerre, au prix de souffrances effroyables, d'un héroïsme immense, de la perte de sa jeunesse, mais la République, son Système et sa classe politique incompétente, aveugle et sourde aux avertissements de Bainville, ont perdu la paix, et créé les conditions de la Seconde Guerre mondiale, dont elles sont directement responsables : comment pourraient-elles célébrer celui qui les en avait averti ?
De même, Bainville - dans L'Action française et dans son Journal - fut le premier à dénoncer Hitler ("l'énergumène", "le monstre", le "Minotaure", en 1930 !) et les persécutions juives (en 1933 !).
Comment un Système qui a eu tort à ce point, se trompant toujours et sur tout, refusant d'écouter celui qui prévenait - et qui, lui, a eu raison - comment ce Système qui a si gravement failli pourrait-il mettre à l'honneur, et à sa juste place, celui qui le mériterait, sans se condamner lui-même ?
Pourtant, pendant quelques années, après la guerre, Bainville fut reconnu et honoré par la République : on le sait, en 14, L'Action française avait adopté comme ligne de conduite l'union sacrée. C'était à la fois la seule solution possible - puisque l'Allemagne nous avait déclaré la guerre - et un piège redoutable, puisque cela contribuait à renforcer la République, victorieuse, alors que, dans le même temps, le mouvement royaliste se faisait décimer sur les champs de bataille...
Cette attitude courageuse valut au mouvement une grande estime dans l'opinion, et le président de la République lui-même (Poincaré) fit l'éloge de l'attitude adoptée par Maurras, Daudet et toute L'Action française, dont, bien sûr, Jacques Bainville.
Celui-ci fut envoyé en mission officielle, par le gouvernement de la République, en Russie puis il fut même fait Chevalier de la Légion d'honneur, en 1920, sur proposition d'Alexandre Millerand, qui devait devenir président de la République juste après...
Cependant, cette période de reconnaissance de fait n'eut qu'un temps, et cessa vers la fin des années vingt : en cause, la versatilité de l'opinion publique et sa lassitude, après l'intense effort consenti pendant la guerre; la force du pacifisme et de l'internationalisme; le manque de courage et de continuité de la classe politique; et, bien sûr, la malfaisance intrinsèque du Système et de ses jeux internes, fort éloignés de l'intérêt national et du Bien commun.
À partir de là, et malgré la justesse et la pertinence de ses analyses, Bainville - comme toute l'Action française - fut la vox clamanti in deserto, l' "inutile Cassandre" (pour reprendre le mot de Chateaubriand) jusqu'à sa disparition prématurée en 1936, à l'âge de cinquante-sept ans...
Le désastre survenu - comme il l'avait annoncé dès 1918, "dans les vingt ans" - on sait comment finit la guerre et comment la très puissante machine révolutionnaire emmenée par le PCF, appuyée par un Staline non moins puissant à l'époque, réussit à soviétiser une large part de la société française, non seulement dans l'économie mais surtout dans l'Éducation et les médias : plus question, après la sanglante et sordide Épuration menée par le Parti communiste et ses alliés, de parler aux Français de ceux qui avaient vu juste pendant l'entre-deux guerres, et dont les conseils, s'ils avaient été suivis, auraient justement permis d'éviter cette calamiteuse guerre de 39.
Si un rideau de fer - comme le disait Churchill - venait de s'abattre sur la moitié de l'Europe, une chape de plomb venait de s'abattre sur la France, et c'était désormais une vérité officielle qui régnait sans partage, L'Action française, et sa contestation radicale du Système ayant été liquidée par les révolutionnaires...
C'est pour pallier cet ostracisme hérité de 45, cette l'alliance entre l'historiquement et le politiquement correct, que nous proposons en permanence - sur lafautearousseau - un Album de 188 photos, pour permettre à ceux qui ne le connaissent pas, ou souhaiteraient mieux le connaître, de partir à la découverte de Jacques Bainville, de sa vie, de son oeuvre :
Album Jacques Bainville : Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.
Vous y découvrirez un Bainville dont la capacité de travail fut étonnante, tout au long de son existence : en plus de sa collaboration quotidienne à L'Action française, il collabora assidûment à Candide, à La Liberté, au Petit Parisien, à La Nation belge, à Excelsior ou à La Revue des Deux mondes; à deux reprises il refusa d'écrire dans Le Figaro, dont il pouvait devenir le directeur, en 1922, s'il l'avait souhaité; il tint - on l'a vu - un Journal durant trente-cinq ans; il fonda, avec Henri Massis, La Revue universelle; et ses dons ne se limitaient pas à la seule Histoire : il avait de solides compétences dans des domaines aussi variés que l'économie, la politique étrangère, la critique littéraire; sa lucidité était telle que Marcel Proust (ci contre) lui envoya cette superbe dédicace, en 1922 :
"A monsieur Jacques Bainville, à la raison anticipatrice dont les événements suivent après coup l'ordre infaillible, effroyable et gracieux"
Henri Massis et Léon Daudet, son complice et ami de toujours - comme on vient de le voir dans Vertu de l'amitié - confirment devant l'Histoire le courage personnel et le stoïcisme dont Bainville fit preuve dans sa dernière année : atteint d'un cancer de l'oesophage, "sa dernière année fut atrocement pénible : de mois en mois, presque de jour en jour, on le voyait devenir de plus en plus translucide. Dans son fin visage sec brillaient ses longs yeux mystérieux. Il souffrait beaucoup, et pourtant il continuait à vivre, à écrire ses articles prophétiques..." dit Henri Massis. Et Léon Daudet écrit : "Sa plume ne tomba de ses mains qu'à la dernière minute".
C'est d'ailleurs Léon Daudet qui prononça l'un des deux discours d'adieu à Jacques Bainville, devant son cercueil exposé dans la cour de la maison de la rue Bellechasse : l'Église, en ce temps-là, avait privé de sacrements les lecteurs de L'Action française, par ses iniques sanctions du 29 décembre 1926, aggravées en mars de l'année suivante. "J'ai peine à croire que quand on est devenu, par l'âge, un peu meilleur, ce soit pour la destruction." : rapportées par Henri Massis, ces paroles sont parmi les dernières prononcées par Bainville, un Bainville dont la dépouille mortelle quitta donc directement sa demeure parisienne pour être inhumée dans la petite patrie de son épouse, à Marigny, en Normandie : un enterrement civil, donc, et non religieux, puisque ce ne sera que trois ans après sa mort que le nouveau Pape, Pie XII - dont ce fut l'un des tous premiers actes - lèvera immédiatement ces iniques sanctions vaticanes...
• Lorsqu'il mourut, Jacques Bainville venait juste d'être élu à l'Académie française : dans notre Catégorie Grandes "Une" de l'Action française, voir :
Grandes "Une" de L'Action française : Jacques Bainville élu à l'Académie française...
• Élu le 28 mars 1935 à l'Académie, il y fut reçu le 7 novembre suivant, et décéda quatre mois après sa réception; il ne fut donc membre de cette prestigieuse Académie qu'un petit peu plus de dix mois; dans notre Catégorie Grandes "Une" de l'Action française, voir l'Introduction de cette Catégorie, qui commence justement avec les numéros du quotidien consacrés à Jacques Bainville; vous pourrez y consulter, entre autres, les neufs numéros consacrés à "La semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française..." :
Classées par thèmes, nos 117 "Grandes "Une" de L'Action française"...
Vous pouvez aussi consulter, en permanence, sur lafautearousseau :
• une Chronique, Lire Jacques Bainville
• un second Album, Le dernier livre de Jacques Bainville...
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