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  • RECONSTRUIRE LA DEFENSE DU TERRITOIRE, par le Général (2s) Vincent Desportes.

    Général (2s) Vincent Desportes (*)
    Ancien directeur de l’Ecole de Guerre

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    Il y a quelques semaines, le général Desportes nous alertait sur le risque croissant d’un conflit de haute intensité (voir le numéro 150 d’ESPRITSURCOUF). Poursuivant son analyse, il en vient à souhaiter la résurrection d’un ancien concept, qu’on appelait autrefois la D.O.T., la Défense Opérationnelle du Territoire.

    Nos belles armées ont d’immenses qualités, dont celle de l’excellence. Elles ont quelques défauts, le moindre n’étant pas leur manque d’épaisseur, donc leur manque de résilience et de capacité à durer dès lors que les opérations changeraient de nature, de volume et de rythme.

    Mais elles ont un autre défaut, beaucoup plus grave. Le système de forces est organisé sur un modèle dépassé, dont l’économie générale n’a pas varié depuis un quart de siècle. L’environnement, lui, a changé, profondément. Les risques ont grandi et muté, drastiquement. Pourtant, le modèle d’armée est resté identique, ne subissant que de marginales évolutions, techniques et non stratégiques.

    Nos forces armées doivent changer rapidement d’échelle, à l’instar des menaces, mais également intégrer, non par défaut mais par volonté, la menace directe sur le territoire national, avérée et permanente aujourd’hui, menace qui d’ailleurs s’amplifierait dramatiquement en cas de conflit de haute intensité.

    Il faut donc revaloriser l’idée de défense opérationnelle du territoire. Elle est devenue aujourd’hui un concept creux, sans substance, puisque dépouillé de moyens d’action sérieux. La puissance de nos armées doit au contraire reposer sur une base arrière solide, dotée de forces d’active dédiées à sa protection.


    Des modèles dépassés

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    Quel est le problème des armées françaises, qui est en fait celui de la France ? C’est que leur modèle, inchangé depuis la professionnalisation il y a vingt-cinq ans, est fondé sur un monde qui a aujourd’hui disparu.

    Le modèle de la Guerre froide, c’était trois éléments. Un : l’outil central de la dissuasion nucléaire dans ses différentes composantes avec leurs vastes soutiens. Deux : quelques moyens destinés aux opérations extérieures liées, soit à nos responsabilités africaines ou moyen-orientales, soit aux manœuvres de contournement périphériques soviétiques. Trois : un corps de bataille capable d’arrêter (très hypothétiquement) un flux blindé soviétique qui aurait percé les forces alliées dans la « bataille de l’avant », ou bien destiné à être détruit de manière à justifier aux yeux du monde et des générations futures le déclenchement de l’Apocalypse. On conserva quelque temps des forces dites de Défense opérationnelle du territoire, qui avaient toute leur nécessité mais qui, pour préserver l’essentiel supposé et moderniser les parcs et les flottes, furent bientôt offertes en sacrifice aux comptables de Bercy.
    Retournement complet de situation à la chute du mur de Berlin. D’une part l’ennemi n’est plus à « une étape du tour de France », selon l’expression du général De Gaulle. D’autre part, le constat est fait que les armées françaises se battront désormais à l’extérieur du territoire national pour des enjeux qu’il sera difficile de présenter comme vitaux aux citoyens-électeurs. Les présidents Mitterrand (à l’occasion de la Guerre du Golfe) et Chirac prennent acte du fait que le modèle de la conscription est momentanément condamné, d’autant qu’aucune menace ne vise plus directement le territoire national et sa population. En 1996, décision est prise, à juste titre dans les circonstances du moment, de professionnaliser l’armée. Et d’en réduire drastiquement le format. D’abord parce que les temps sont aux illusoires « dividendes de la paix ».  Ensuite parce qu’une armée professionnelle coûte beaucoup plus cher qu’une armée de conscription. Enfin pour préserver les moyens de tenir notre rang, en particulier vis-à-vis de notre grand protecteur d’outre atlantique, dans la course ruineuse à l’hyper-technologie.

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    Une armée professionnelle, mais à effectifs limités. Photo DR

    Année après année nos forces perdent de l’épaisseur, avec deux décrochages terribles sous les présidences Sarkozy et Hollande. Qui pourrait s’y opposer ? Il est impossible de prouver que leur volume est insuffisant pour les opérations somme toute modestes dans lesquelles elles sont engagées. Le modèle est donc celui d’une dissuasion nucléaire réduite mais maintenue, ce qui est parfaitement raisonnable, et d’un corps expéditionnaire à trois composantes – terre, air, mer – apte à mener à bien des engagements interarmées mineurs, mais incapable de conduire des opérations d’ampleur et même de protéger l’intégralité de l’espace national, qu’il soit terrestre ou maritime.


    Un problème de volume

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    Le modèle qui vient d’être décrit n’a pas changé mais, pour leur part, les circonstances ont profondément évolué.


    Il existe d’abord un problème de volume. Nous l’avons dit, nos forces conventionnelles ont d’ores et déjà un format inadapté à la montée des menaces et à la guerre qui vient. Les volumes qui peuvent être engagés à l’instant « T » sont certes à peu près appropriés à nos opérations courantes. Mais ils ne le sont pas du tout à celles que nous pourrions avoir à conduire dans un avenir, peut-être plus proche qu’on ne le pense. Elles manquent d’épaisseur pour être capables de faire face et de durer, d’encaisser le premier choc puis de rebondir afin d’assurer leur mission première de protection de la France et des Français.

    Elles ne sont plus « résilientes » parce que la résilience suppose de l’épaisseur et qu’elles n’en ont pas ; or, la résilience est la vertu capitale des armées qui doivent continuer à opérer dans les pires conditions, lorsqu’autour d’elles plus rien ne fonctionne. Les armées doivent être dissuasives – cela dépasse de très loin la force nucléaire qui n’est qu’une composante du système de dissuasion globale – pour prévenir le danger mais être également capables de s’engager en force dans un conflit de haute intensité. Nous en sommes tellement loin que de simples adaptations incrémentales seraient irréalistes : il faut désormais changer d’échelle.

    On peut jurer comme le ministre de la guerre de Napoléon III à la veille de l’infamante défaite de 1870 : « Nous sommes prêts et archi-prêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats ». Ou encore affirmer haut et fort à l’instar du Président du Conseil Paul Reynaud en septembre 1939 (au moment où la France, malgré son armée inadaptée à la confrontation imminente, vient de déclarer la guerre à l’Allemagne) : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». Ces déclarations tonitruantes ne remplacent ni la clairvoyance ni les efforts ; La France, inclinant aisément à la posture de l’autruche en ce qui concerne ses politiques militaires, doit s’en rappeler. Maintenant !


    Un problème de modèle

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    Il y a ensuite ce problème de modèle. Les armées actuelles ont été construites à partir de 1996 sur la présupposition qu’il n’y avait pas, et qu’il n’y aurait pas, de menaces internes, et qu’elles n’auraient donc pas à s’engager sur le territoire national. Sauf à la marge. Dans ce cas, la ponction minime pratiquée sur les forces expéditionnaires n’en affecterait ni les capacités opérationnelles, ni l’entraînement. Ce postulat est faux désormais.

     

    3.jpgD’abord parce que la menace terroriste, loin de s’estomper, a changé de nature. Elle s’est déployée sur l’intégralité du territoire national et pérennisée sous la forme de frappes individuelles imprévisibles. Cette situation conduit aujourd’hui les armées à immobiliser soit directement sur le terrain, soit en réserve immédiate ou stratégique, dix mille hommes environ. Ce prélèvement, bien qu’utile et légitime, diminue d’autant la capacité d’intervention externe. Mais surtout, en ce temps d’opérations extérieures permanentes, altère profondément la capacité à maintenir l’entraînement au niveau qu’exigent les opérations du moment, sans parler de celles, beaucoup plus violentes et massives, qui sont à venir.

    Ensuite, on ne peut imaginer un conflit de haute intensité qui se contenterait d’être un affrontement de laboratoire, hors sol, entre deux forces de haute technologie, un moderne « combat des Trente ». Immédiatement, l’ensemble du territoire national serait affecté. Il deviendrait la proie d’attaques ponctuelles dans la profondeur et le terrain de crises humanitaires volontairement déclenchées par la cyber-altération des réseaux, voire la cible d’éventuelles agressions d’une « 5ème colonne » dont on aurait tort d’affirmer l’impossible émergence.


    Un problème de forces

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    Le gouvernement devrait assurer la défense aérienne et la défense maritime, mais également déployer sur de vastes zones des volumes de forces importants pour assurer l’ordre sur le territoire et la survie des populations, la sauvegarde des organes essentiels à la défense de la nation, le maintien de sa liberté et la continuité de son action.


    Où trouverait-il ces volumes de forces ? Ils n’existent pas ! Deux solutions s’offriraient alors à lui. Ou bien effectuer des prélèvements importants sur le corps expéditionnaire et de ce fait, le rendre inapte à sa mission première alors qu’il n’est pas préparé pour une bataille de haute intensité (les armées de terre, de l’air et la marine ont commencé à « durcir » leurs entrainements). Ou bien « laisser tomber l’arrière », ce qui se traduirait à court terme par l’effondrement de l’avant. Pour sortir de ce dilemme, il faut adapter le modèle.

    Dans une logique purement comptable, nous avions, pendant la Guerre froide, préféré faire l’impasse sur les forces du territoire en niant une menace pourtant avérée, celle des Spetsnaz, ces forces spéciales russes entraînées en nombre et que la doctrine soviétique prévoyait de déployer chez l’ennemi dès le début d’un conflit pour y assassiner les responsables et y semer le chaos et la panique. Notons au passage que ces forces d’élite existent toujours et qu’elles ont récemment fait merveille tant en Géorgie, en Crimée, en Ukraine qu’au Moyen-Orient.

    Peut-on reconduire aujourd’hui la même tromperie ? Porter nos maigres forces au niveau qui leur permettrait de conduire efficacement leurs combats de haute intensité, sans se préoccuper du problème de l’arrière ? Autant imaginer qu’un boxeur peut se passer de ses jambes !


    Nos forces doivent donc être rapidement restructurées autour de trois composantes : nucléaire, expéditionnaire « de haute intensité » avec leurs trois dimensions terre, air, mer, et défense opérationnelle du territoire. Seul ce système ternaire, coordonné avec les remarquables capacités complémentaires de la gendarmerie dans le domaine de la défense intérieure, est adapté à la réalité des menaces, donc à la dissuasion globale, à la résilience et à l’action. C’est possible, pour un coût minimal. Voici comment.


    Quelles forces, quel volume, quel équipement ?

     

    4.jpgL’effet à obtenir est de déployer sur très court préavis des troupes suffisantes, organisées, sur un terrain reconnu afin de pouvoir quadriller, circonscrire, contrôler, éventuellement réduire, ou bien tenir jusqu’à l’arrivée de forces plus puissantes. Il faut donc des forces territoriales, connaissant parfaitement leur terrain (campagne et agglomérations), rustiques et robustes, autonomes, équipées d’un matériel performant mais sans sophistication inutile.

    Le couple cavalerie légère/infanterie motorisée, accompagné de ses appuis organiques (artillerie, génie, transmission) est adapté à ces missions. Ces forces pourraient être regroupées soit en régiments interarmes, soit en régiments d’armes embrigadés, dotés de matériels performants mais rustiques, véhicules 4×4, mortiers, camionnettes et automitrailleuses en particulier. Il serait dans un premier temps raisonnable de disposer dès que possible du volume d’une demi-brigade à deux régiments et leurs appuis pour chacune des sept zones de défense et de sécurité. Elles seraient placées sous le commandement des officiers généraux de zone de défense et de sécurité (OGZDS) pour la conduite de la défense d’ensemble, les cinq zones ultramarines faisant l’objet d’adaptations locales. La force ainsi constituée serait, dans un premier temps, de l’ordre de la vingtaine de milliers d’hommes.

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    Le CENZUB (centre d’entrainement en zone urbaine) dans les camps de Champagne. On y a construit de toutes pièces un gros bourg avec immeubles pour entrainer l’armée de terre aux combats en ville. Photo JPF

    D’où proviendraient ces forces ?

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    La solution la moins onéreuse serait, comme d’habitude en France, de faire appel à des réservistes locaux convoqués régulièrement pour entraînement. C’est parfaitement illusoire. Tous ceux qui ont vécu la chimère des régiments dérivés connaissent ce qu’ils coutaient en temps et en substance aux régiments dérivants. Ils savent que leur valeur opérationnelle était extrêmement faible, voire nulle, qu’ils étaient équipés de matériels le plus souvent parfaitement vétustes et que leurs tableaux d’effectifs étaient aussi indigents que leur entrainement. Par ailleurs, si haute intensité il y a, elle sera par nature brutale, foudroyante, ce qui est incompatible avec les délais de montée en puissance des régiments de réserve.


    Méfions-nous, donc : la France a déjà trop souffert de sa croyance dans les réserves. En 1940, c’était « nous tiendrons ; en cas de percée allemande, il y aura une deuxième Marne ; nous nous rétablirons ; à l’abri de nos casemates, nous monterons en puissance avec nos réserves pendant un à deux ans avant de refaire du Foch jusqu’à la victoire ». Terrible illusion : le 24 mai 1940 à l’aube les chars allemands étaient devant Dunkerque, le 14 juin le gouvernement français était à Bordeaux, le 16 juin Philippe Pétain devenait président du Conseil. On connait la suite. Évacuons l’hypothèse.


  • Erdogan ou l’islamo-nationalisme en marche, par Antoine de Lacoste.

    Du XVIe siècle au XXIe, la Turquie n'a cessé de décroître. Erdogan, conscient que son pays est un pivot entre l'Europe et l'Asie, veut lui redonner une place prépondérante. La faiblesse de l'Union européenne favorise ses desseins de nostalgique ottoman.

    antoine de lacoste.jpgLe sultan Erdogan rêve souvent de l’Empire ottoman. Durant plusieurs siècles, cet empire régna sur d’immenses territoires comprenant le Proche-Orient, la péninsule arabique et une partie de l’Afrique du nord où il avait dominé les tribus arabes ou supplanté des califats déclinants. L’Europe fut aussi sa proie avec les Balkans et plus au nord jusqu’aux portes de Vienne. Rome fut un moment un objectif avoué. Après avoir transformé Sainte-Sophie en mosquée, pourquoi ne pas faire la même chose avec Saint-Pierre de Rome ? Le triomphe serait complet.

    La Méditerranée n’échappait pas à la voracité ottomane et, soit directement soit par le biais des barbaresques, les galères d’Allah faisaient régner la terreur. C’est pourtant là que le déclin commença avec l’échec du siège de Malte en 1565 puis la destruction de la flotte turque à Lépante en 1571.

    La défaite devant Vienne en 1683 amorça le reflux définitif et, jusqu’à la première guerre mondiale, l’Empire ottoman traîna sa misère d’« homme malade de l’Europe ». Les convoitises étaient multiples. Les Russes rêvaient de reconquérir Constantinople et de refaire de Sainte-Sophie la grande basilique du monde orthodoxe. La funeste guerre de Crimée les en empêcha.

    Mais l’histoire s’accéléra au XXe siècle. Les Italiens conquirent la Libye en 1911, puis Rhodes et le Dodécanèse. Les guerres balkaniques de 1912-1913 entraînèrent le départ définitif de cette région. Enfin, le Traité de Sèvres en 1920 dépeça totalement la Turquie, cœur de l’Empire. Les Français reçurent la Cilicie ; les Grecs, Constantinople, la Thrace et l’Anatolie égéenne ; l’Italie, le sud-ouest de l’Anatolie. La création d’un État arménien à l’est compléta le tableau et la Turquie fut réduite à l’Anatolie centrale avec Ankara.

    Un homme va inverser le cours de l’histoire : Mustapha Kemal. Depuis son réduit, il part à la reconquête des territoires perdus et profite de la mollesse des Occidentaux en traitant avec eux séparément. Les Français notamment abandonnent la Cilicie et les chrétiens qui la peuplaient. Seuls les Grecs se battent, mais ils sont vaincus et doivent quitter l’Anatolie égéenne après des millénaires de présence. Leur ville, Smyrne, est détruite et deviendra Izmir.

    Parallèlement, Mustapha Kemal proclame la république et entreprend une politique de laïcisation à marche forcée : interdiction du voile et de tout costume religieux, abolition des tribunaux coraniques, occidentalisation généralisée. Malgré plusieurs révoltes religieuses menées notamment par les Kurdes et différentes confréries religieuses, Kemal tient bon et réprime durement. Il s’appuie sur son immense aura de sauveur du pays.

    À sa mort, il laisse un État-nation laïque et une armée puissante, chargée de veiller à la laïcité du pays. Au fond, Kemal n’aimait pas l’islam, religion arabe dont les Turcs auraient dû selon lui rester à l’écart.

    La révolution religieuse d’Erdogan

    Ce rappel historique était nécessaire si l’on veut comprendre l’ampleur de la révolution religieuse voulue par Erdogan.

    Ce militant islamiste de la première heure va patiemment tisser sa toile et enchaîner les mandats : maire d’Istanbul en 1994, premier ministre de 2003 à 2014, puis président de la République. Seul accroc : quelques mois de prison en 1998 pour propos islamistes (« Les minarets seront nos baïonnettes »). C’est l’armée turque qui avait organisé la procédure, comme la constitution le lui permettait, et Erdogan lui vouera une haine profonde.

    Le coup d’État kémaliste de 2016 et son échec seront l’occasion pour Erdogan de se venger et d’épurer l’armée de ses éléments laïques. L’islamisation de la société turque s’accélère alors.

    Parallèlement, Erdogan déploie une politique étrangère particulièrement hégémonique, ce qui est tout à fait nouveau depuis un siècle.

    Certes, la Turquie avait été très active auprès des musulmans bosniaques qu’elle arma, finança et islamisa dans les années 90 mais c’était avec la bénédiction des États-Unis dont l’obsession était de détruire la puissance serbe. L’expansion n’était en rien le cœur de la diplomatie turque. Erdogan va s’y atteler, là aussi avec méthode.

    La guerre en Syrie, qui éclate en 2011, va être le premier acte de cette omniprésence. Soutenant les milices islamistes turkmènes, et celles liées au Qatar, la Turquie ne ménagera pas ses efforts et son argent pour tenter de renverser Bachar el-Assad. Ce dernier, alaouite donc proche des chiites, sera l’objet d’une haine toute particulière. Au-delà des principes religieux, il y a l’enjeu du gaz. Le Qatar a joué un rôle actif en Syrie avec pour objectif d’y installer un régime sunnite permettant de faire un jour passer des gazoducs. C’est pour l’instant impossible car, alliée de la Russie, elle aussi exportatrice de gaz, la Syrie ne permettra jamais au Qatar de faire passer son gaz chez lui.

    La Turquie et le Qatar ont des liens étroits car leur idéologie relève de la même obédience, celle des très politiques Frères musulmans. Cette confrérie, récente mais fort active dans le monde musulman, est en conflit ouvert avec les wahhabites saoudiens, et lorsque Mohamed ben Salman (MBS), prince héritier d’Arabie Saoudite, décrètera un blocus terrestre et maritime contre le Qatar en 2017, Erdogan volera au secours de son frère en islamisme. Aujourd’hui, un important contingent turc campe au Qatar, lui assurant une solide protection. En échange, le Qatar investit beaucoup en Turquie et a aménagé chez lui un port en eau profonde afin de permettre à la marine turque d’y mouiller.

    Grâce à la Russie, l’opération syrienne va échouer malgré les efforts d’Erdogan qui laissera passer sur son sol des dizaines de milliers de volontaires de Daech en route pour le grand djihad syrien. Il finira, sous la pression des Occidentaux, par bloquer les accès, et Daech l’en punira par une série d’attentats sanglants perpétrés sur le sol turc.

    Profitant des multiples rebondissements de cette guerre sans fin, la Turquie va envahir le sol syrien à plusieurs reprises : au nord-ouest, dans la province d’Idleb, pour protéger les milices turkmènes, et au nord sous prétexte de lutter contre Daech et d’empêcher les Kurdes, considérés comme terroristes, de créer un territoire autonome au nord de la Syrie.

    Seuls les Russes aujourd’hui contrôlent l’invasion turque. Au nord, Poutine a clairement signifié à Erdogan de ne pas aller plus loin et à Idleb, la partie turque a été rognée à deux reprises en 2019 et 2020 par des attaques russo-syriennes qu’Erdogan n’a pu empêcher. Des dizaines de soldats turcs ont été tués et Erdogan a compris qu’il avait trouvé un adversaire supérieur.

    Russie forte, Europe faible

    Ce n’est pas le cas des Occidentaux bien sûr. La guerre en Syrie a provoqué l’afflux de plusieurs millions de réfugiés (on parle de 3 à 4 millions). Le désordre qui prévaut dans la région fait qu’à ces Syriens (bien souvent islamistes) se sont ajoutés des Irakiens, des Afghans, des Iraniens, des Kurdes, des Pakistanais et d’autres encore.

    Cette Tour de Babel est, il est vrai, un poids très lourd pour la Turquie, mais elle est surtout une bombe à retardement pour l’Europe occidentale. Les négociations entre l’Europe et Erdogan se sont résumées à un chantage éhonté de la part de ce dernier qui a reçu quelques milliards d’euros (on parle de 6 ou 7, et ce n’est sûrement pas fini) en échange du contrôle de ses réfugiés. Et lorsque le chèque tarde, Erdogan envoie quelques milliers d’entre eux vers la Grèce. La dernière tentative s’est toutefois soldée par un échec grâce à l’énergie des Grecs (dont on ferait bien de s’inspirer chez nous) qui ont bloqué les réfugiés à leurs frontières. La violence avec laquelle ces derniers ont attaqué la police grecque en dit long sur leur état d’esprit…

    Tous ces épisodes ont convaincu Erdogan de deux principes : la Russie est forte et l’Europe est faible. Ses initiatives suivantes prouveront qu’il sait très bien s’adapter.

    Il a d’autant plus intérêt à soigner sa relation avec la Russie que la Turquie souffre d’un déficit énergétique très coûteux alors que ses besoins sont en croissance constante et les finances du pays médiocres. Les deux ennemis en Syrie se sont parfaitement entendus sur cette question et un gazoduc appelé Turkstream partant de Russie, traversant la Mer Noire et finissant son trajet près d’Istanbul a été solennellement inauguré début 2020.

    Mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi Erdogan s’intéresse de très près aux affaires gazières de Méditerranée.

    Depuis quelques années, plusieurs gisements de gaz ont été découverts en Méditerranée orientale. Israël, l’Egypte, la Grèce et Chypre en sont les heureux bénéficiaires. Ils s’entendent si bien qu’ils ont créé en 2019 le Forum du gaz de la Méditerranée orientale (FGMO) en invitant en outre la Jordanie, l’Autorité palestinienne et l’Italie. L’idée est de construire un gazoduc appelé Eastmed qui partirait de Chypre, longerait la Crète puis la Grèce pour finir en Italie.

    Tous ces pays ont décidé d’écarter la Turquie pour un bon motif : elle ne peut prétendre à aucun gisement faute d’eaux territoriales concernées par les gisements et surtout d’entente avec les autres pays. L’occupation illégale de la partie nord de Chypre ne saurait être créatrice de droits. L’affaire aurait tout de même pu s’arranger par le biais de négociations. En effet, au-delà des eaux territoriales, il y a les ZEE (Zones économiques exclusives), tracées à la suite de négociations entre États.

    Erdogan ne peut accepter d’être ainsi mis à l’écart. Il faut donc bien comprendre que l’activité de la Turquie en Méditerranée n’est pas seulement liée à une volonté d’expansion mais aussi à la tentative de forcer les pays du FGMO à l’inclure dans le partage du gâteau. Ceux-ci n’étant guère décidés à faire des concessions à l’ombrageux ottoman, ils subissent régulièrement des coups de force de la marine turque qui procède à des forages illégaux ou à des agressions contre d’autres navires de forage.

    De ce fait, l’implantation en Libye relève quant à elle de cette double ambition : redonner à la Turquie un statut de grande puissance et diminuer sa dépendance énergétique

    En intervenant militairement en Libye, Erdogan a sauvé le premier ministre Sarraj qui, en échange, a accepté de parapher avec son sauveur une ZEE parfaitement illégale car elle ne tient compte que des droits maritimes de la Libye et de la Turquie. Toutes les îles grecques ont coulé, en quelque sorte !

    La “diplomatie religieuse” turque

    Le bras de fer maritime ne fait que commencer et il s’agrémente de livraisons d’armes massives à la Libye protégées par la marine de guerre turque. Cette violation d’un embargo d’ailleurs peu respecté a entraîné une réaction pour une fois courageuse de la France, qui dut cependant reculer devant la pression américaine. Le secrétaire d’État Pompéo a subtilement rappelé à cette occasion que le seul ennemi en Méditerranée était la Russie qui ne devait pas s’implanter en Libye.

    C’est pourtant chose faite. Poutine soutient Haftar, vaincu en Tripolitaine par les Turcs et les islamistes syriens arrivés dans leurs bagages, mais tenant l’est de la Cyrénaïque. Les champs de pétrole libyens se trouvent entre les deux, près de Syrte et il est frappant de constater que les hommes d’Erdogan se sont arrêtés juste avant Syrte, alors que les hommes d’Haftar étaient en déroute.

    Turcs et Russes se partagent donc aujourd’hui la Libye, excepté le sud (Fezzan) où, de ce fait, un retour de Daech est observé.

    On mesure en passant l’invraisemblable stupidité de l’intervention franco-anglo-américaine de 2011 : avoir détruit l’État libyen pour laisser les Turcs et les Russes se le partager ensuite, cela laisse pantois. Vraiment cette guerre est « rationnellement inexplicable » selon le bon mot de Bernard Lugan.

    Quoi qu’il en soit, les deux adversaires/partenaires se retrouvent à nouveau face à face. Il faut bien reconnaître que si en Syrie les succès turcs sont modestes, en Libye ce fut une réussite qui permet à la Turquie de posséder un solide point d’appui en Méditerranée.

    Il faut enfin aborder un aspect moins connu de l’expansion turque que l’on pourrait baptiser (si l’on ose dire) « diplomatie religieuse ». Ce terme délicat recouvre habituellement la façon dont l’Arabie Saoudite a financé à travers le monde des mosquées, des imams et des écoles coraniques d’obédience wahhabite. Les Turcs font exactement la même chose dans les Balkans, en Afrique de l’Est, au Liban et en Europe, particulièrement en Allemagne et en France (dernier exemple, la grande mosquée de Strasbourg avec l’aide de la municipalité).

    On en parle peu et on a tort. Un nombre inconnu d’imams turcs prêchent dans des mosquées financées par la Turquie ; ils sont souvent fonctionnaires turcs et leurs propos relèvent d’un islamo-nationaliste turc dont on ferait bien de se préoccuper. Parallèlement, le mouvement des « Loups gris », composé de nationalistes turcs, s’implante en France et certains de ses membres ont attaqué cet été un rassemblement arménien à Décines, près de Lyon.

    C’est peut-être moins spectaculaire que les drones turcs en Libye ou en Syrie, mais peut-être plus dangereux à long terme. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’Erdogan se donne la peine de faire de nombreuses réunions publiques en France et en Allemagne dès qu’une élection a lieu en Turquie.

    La politique hégémonique turque mise en place par Erdogan ne fait que commencer et son caractère islamo-nationaliste ne doit échapper à personne.

     

    Illustration : À Varna, en Bulgarie, le navire d’assaut amphibie turc Sancaktar, capable de transporter blindés, troupes et barges de débarquement.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Sur le site officiel de l'Action française : « Séparatisme » : les catholiques et la France, premiers visés, l’éditorial

    L’éditorial de Fran­çois Marcilhac

    Le pro­jet de loi « confor­tant le res­pect des prin­cipes de la Répu­blique », qui entre en dis­cus­sion publique ce lun­di 31 jan­vier à l’Assemblée natio­nale en pre­mière lec­ture, ne laisse pas d’inquiéter pour nos liber­tés fon­da­men­tales, d’une part, pour notre iden­ti­té natio­nale d’autre part, sous pré­texte de lut­ter contre le sépa­ra­tisme isla­miste.

    françois marcilhac.jpgFran­çois de Rugy, en com­mis­sion spé­ciale char­gée d’instruire le texte, a ven­du la mèche : les catho­liques sont les pre­miers visés, si bien que nos évêques s’inquiètent légi­ti­me­ment d’une ins­tru­men­ta­li­sa­tion du ter­ro­risme isla­mique pour atten­ter à la liber­té du culte catho­lique et au droit, pour des parents, de don­ner à leurs enfants une ins­truc­tion conforme à leurs convic­tions chré­tiennes. La liber­té d’instruction est en effet dans la ligne de mire de Macron, Blan­quer étant char­gé d’achever le tra­vail com­men­cé par Bel-Kacem en 2016. L’article 22 pré­voit ain­si la fer­me­ture admi­nis­tra­tive des éta­blis­se­ments hors contrat.

    Qu’on se ras­sure, d’ailleurs : avec Macron, dans le droit fil de Hol­lande, la Répu­blique a défi­ni­ti­ve­ment pris la place de la France. La défense de sa culture qui, il est vrai, n’existe pas, ou celle de son iden­ti­té, qui n’existe pas davan­tage, n’intéresse pas un pays légal mon­dia­liste qui ne pense qu’en termes idéo­lo­giques. Nous écri­vions dans notre pre­mier édi­to­rial de l’année 2020 : « Car l’essentiel est là : dans la prise de conscience pro­gres­sive par nos conci­toyens de la séces­sion du pays légal et de la faillite, sub­sé­quente, de nos ins­ti­tu­tions à assu­rer le bien com­mun. » Si la prise de conscience du pays réel est encore trop pro­gres­sive à notre goût, la séces­sion du pays légal, elle, est deve­nue com­plète, comme l’indique cette indif­fé­rence totale à défendre la civi­li­sa­tion fran­çaise face à l’agression isla­miste. Le mot « France » n’apparaît d’ailleurs pas une seule fois dans l’exposé des motifs du texte.

    LA RÉPUBLIQUE : UN PROJET INDÉFINI, JAMAIS ACHEVÉ

    Concept éva­nes­cent, avons-nous dit, à pro­pos de la Répu­blique : l’exposé des motifs non seule­ment le confirme, mais le reven­dique. On nous excu­se­ra de repro­duire une logor­rhée qui serait ridi­cule si elle n’apportait pas la preuve que le pou­voir en place, dans la suite des grands ancêtres, consi­dère la répu­blique comme une religion.

    « Notre Répu­blique est notre bien com­mun. » Mer­ci pour le pléo­nasme ! Respu­bli­ca, en latin, signi­fiant « Bien com­mun » … Et c’est en ce sens que, pour Bodin, la monar­chie royale était pré­ci­sé­ment l’expression la plus ache­vée de la répu­blique. Ce qu’ignorent évi­dem­ment nos répu­bli­ca­nistes rédac­teurs de la prose qui suit, pour laquelle la répu­blique, ce « bien com­mun » est tout autre chose ! Car tout déraille aus­si­tôt : « Elle s’est impo­sée » — ça, c’est vrai ! — « à tra­vers les vicis­si­tudes et les sou­bre­sauts de l’histoire natio­nale parce qu’elle repré­sente bien davan­tage qu’une simple moda­li­té d’organisation des pou­voirs : elle est un pro­jet. » Et voi­là bien ce qui nous inquiète : en quoi la répu­blique se per­met-elle d’être un « pro­jet » ? Et de pour­suivre : « Mais ce pro­jet est exi­geant ; la Répu­blique demande une adhé­sion de tous les citoyens qui en com­posent le corps. » : Voca­bu­laire reli­gieux… ins­pi­ré du chris­tia­nisme. Et voca­bu­laire mili­tant, ins­pi­ré des idéo­lo­gies sécu­laires. La répu­blique, en tout cas, est une église, dont les citoyens sont le corps, et une église à laquelle il est impos­sible d’échapper. Ce qui s’appelle une secte. « Elle vit par l’ambition que cha­cun des Fran­çais désire lui don­ner. Et c’est par cette ambi­tion qu’elle se dépasse elle‑même. » Ah, trans­cen­dance (humaine, trop humaine), quand tu nous tiens !  « Ain­si que le disait le Pré­sident de la Répu­blique » — la pen­sée divine de Jupi­ter nous est livrée — « à l’occasion de la célé­bra­tion du 150ème anni­ver­saire de la pro­cla­ma­tion de la Répu­blique le 4 sep­tembre 2020 : « la Répu­blique est une volon­té jamais ache­vée, tou­jours à recon­qué­rir » ». Ter­rible aveu :  la répu­blique, pour Macron, est bien un mil­lé­na­risme, une de ces reli­gions sécu­laires en cours per­pé­tuel d’achèvement et qui doit, de ce fait, exi­ger tou­jours davan­tage de ses adeptes plus ou moins contraints, les citoyens que nous sommes, les « Mal­gré-nous » de la Répu­blique. Telle fut la révo­lu­tion fran­çaise, jamais ache­vée ; telle fut la révo­lu­tion bol­che­vique, jamais ache­vée ; telle fut la révo­lu­tion natio­nale-socia­liste, jamais ache­vée ; telle est la répu­blique, jamais ache­vée, puisque pro­jet indé­fi­ni, de ce fait tou­jours mena­cé puisque tou­jours incer­tain, tou­jours « à recon­qué­rir », en pre­mier lieu contre les Fran­çais eux-mêmes, tou­jours trop fran­çais, jamais encore suf­fi­sam­ment répu­bli­cains, qui doivent le deve­nir chaque jour davan­tage en se déles­tant du far­deau de leur culture, de leurs habi­tudes ances­trales, de leur iden­ti­té, voire de leur langue.

    UNE RÉÉCRITURE DE L’HISTOIRE

    Le dan­ger isla­miste est dès lors per­çu comme mena­çant non pas une civi­li­sa­tion sécu­laire, une nation dont l’histoire et la culture sont si riches, un peuple libre à la forte iden­ti­té, mais un pro­jet indé­fi­ni. Il est vrai que, pour­suit l’exposé des motifs : « Notre Répu­blique s’est construite sur des fon­da­tions solides, des fon­de­ments intan­gibles pour l’ensemble des Fran­çais : la liber­té, l’égalité, la fra­ter­ni­té, l’éducation, la laï­ci­té. » On ne peut s’empêcher de pen­ser à ce ver­dict du phi­lo­sophe Pierre Manent : « La laï­ci­té est un dis­po­si­tif de gou­ver­ne­ment qui n’é­puise pas le sens de la vie com­mune, et qui d’ailleurs en donne une repré­sen­ta­tion abs­traite et fort pauvre. On n’habite pas une sépa­ra­tion. […] Lorsqu’on nous demande d’adhérer aux valeurs de la Répu­blique, on ne nous demande rien ou on ne nous demande que des abs­ten­tions. » (Situa­tion de la France)

    C’est pour­quoi, comme on n’est jamais aus­si bien ser­vi que par soi-même, l’exposé des motifs réécrit l’histoire : « Tout au long de son his­toire, notre Répu­blique a su être à la fois intran­si­geante sur les prin­cipes et géné­reuse dans son action. Au fil des ans, patiem­ment, elle a ras­sem­blé tout un peuple et, par­mi ce peuple, mêmes [sic] ceux qui au départ lui étaient hostiles. »

    Oublié le pre­mier grand géno­cide de l’ère moderne, en Ven­dée, oubliés les mariages répu­bli­cains de Nantes entre prêtres réfrac­taires et reli­gieuses célé­brés dans la Loire, quand ils n’étaient pas dépor­tés, oubliée Lyon « Ville affran­chie », oublié le mas­sacre des ouvriers pari­siens au prin­temps 1848 et celui des com­mu­nards au prin­temps 1871, oubliée l’éradication des langues régio­nales sous la IIIe répu­blique (com­pa­rées à des cra­chats, puisqu’il était inter­dit aux éco­liers à la fois de par­ler « patois » et de cra­cher en classe), oublié l’exil for­cé des reli­gieux et des reli­gieuses sous la IIIe Répu­blique… Oui : « Tout au long de son his­toire, notre Répu­blique a su être à la fois intran­si­geante sur les prin­cipes et géné­reuse dans son action… » Oui : « Au fil des ans, patiem­ment » — « l’adjectif est admi­ra­ble­ment bien choi­si — « elle a ras­sem­blé tout un peuple et, par­mi ce peuple, même ceux qui au départ lui étaient hostiles. »

    VERS DES PRÊTRES ASSERMENTÉS ?

    Faute de cibler un enne­mi pré­cis, l’islamisme, par peur d’amalgamer tous les musul­mans dans cette répro­ba­tion, Macron a, par inté­rêt bien com­pris, pré­fé­ré faire un autre amal­game : celle des reli­gions, comme si « la » reli­gion, cela exis­tait, comme si, sur­tout, le catho­li­cisme, qui, à la fois, a pré­si­dé à la nais­sance de notre pays et est au fon­de­ment de la notion même d’une saine laï­ci­té, pou­vait être com­pa­ré aux dérives extré­mistes d’une reli­gion étran­gère à notre culture et à notre iden­ti­té. Mais il avait pré­ve­nu, aux Ber­nar­dins : le seul ave­nir pos­sible de l’église catho­lique en France, c’est celui d’une ONG. Cette loi l’y aide­ra, à coup sûr, en pré­voyant des mesures qui pour­ront être diri­gées contre les catho­liques — comme, pour un juge, la pos­si­bi­li­té d’interdire à un fidèle de se rendre à la messe (article 42 du pro­jet de loi), comme si une obli­ga­tion reli­gieuse (la messe domi­ni­cale) pou­vait être du res­sort d’un juge. Les tra­di­tion­na­listes seront évi­dem­ment visés, dans un pre­mier temps, amal­ga­més aux isla­mistes, avant que — on est tou­jours le tra­di­tion­na­liste de quelqu’un —, l’ensemble des catho­liques ne le soient. La pos­sible fer­me­ture admi­nis­tra­tive des églises (article 44) y aide­ra gran­de­ment, comme les nou­velles contraintes finan­cières et admi­nis­tra­tives sur les asso­cia­tions cultuelles. C’est la loi de 1905, qui est visée, de même que le concor­dat d’Alsace-Moselle, qui se trouve mena­cé. Le nou­veau monde macro­nien vise-t-il, à tra­vers l’obligation per­ma­nente de chan­ter les louanges de la tri­ni­té répu­bli­caine « Liber­té, éga­li­té, fra­ter­ni­té », l’instauration d’une nou­velle église offi­cielle, comme sous la révo­lu­tion, avec, bien­tôt, l’obligation pour les prêtes de prê­ter ser­ment à la Répu­blique ? C’est du moins la logique du texte.

    QUEL GRAND REMPLACEMENT ?

    Quant à tous les articles ciblant l’instruction à la mai­son ou les écoles hors contrat (articles 21 et sui­vants), ils achèvent la besogne de Jules Fer­ry : faire des petits Fran­çais des répu­bli­cains sou­mis à l’ordre éta­bli. Car l’exposé des motifs, encore lui, l’avoue sans ambages : la répu­blique a tou­jours pen­sé l’école comme un lieu de pro­pa­gande, avec ses esca­drons for­més par les hus­sards noirs : « Au cœur de la pro­messe répu­bli­caine, l’école est le lieu des appren­tis­sages fon­da­men­taux et de la socia­bi­li­té, où les enfants font l’expérience des valeurs de la Répu­blique. » Dom­mage que cette concep­tion de l’école, dans laquelle les appren­tis­sages des savoirs fon­da­men­taux deviennent de plus en plus anec­do­tique au pro­fit de l’endoctrinement socié­tal, nous place dans les der­niers rangs des éva­lua­tions inter­na­tio­nales. Encore une réus­site du pro­jet républicain…

    Inef­fi­cace et dan­ge­reux : tel paraît déjà ce pro­jet de loi. Inef­fi­cace contre l’islamisme qui gan­grène les quar­tiers immi­grés et impose de plus en plus sa loi dans l’ensemble du pays ; dan­ge­reux pour nos liber­tés fon­da­men­tales et notre iden­ti­té. La « Répu­blique » cherche à prendre défi­ni­ti­ve­ment prendre la place du peuple fran­çais. Car le seul vrai grand rem­pla­ce­ment que nous connais­sions, c’est bien celui de la France par la Répu­blique comme « pro­jet » indé­fi­ni — la forme poli­tique du nihi­lisme. Tout le reste n’en est que la conséquence.

    Fran­çois Marcilhac

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Le peuple français acceptera volontiers un Roi-conscience de la Nation ...

     

    Par Pierre Renucci 

    C'est une réflexion particulièrement intéressante - ce que pourrait être une monarchie pour la France d'aujourd'hui - que nous propose ici Pierre Renucci. Certes nous ignorons tout des circonstances dans lesquelles la nécessité de la monarchie pourrait apparaître aux Français ; nous ne savons pas à quelles nécessités, à quels besoins du moment, elle aurait à répondre, ni pour quelles urgences elle serait appelée et donc quelles formes elle pourrait prendre. Mais, fût-ce en se fondant sur les réalités d'aujourd'hui, politiques, sociales et institutionnelles, l'idée monarchique prend corps et crédibilité si l'on tente d'en définir les contours et si l'on expose quel pourrait être le fonctionnement d'une monarchie pour notre temps. C'est ce que fait ici Pierre Renucci suscitant notre réflexion et peut-être le débat. Sa conviction est que, pour peu qu'on lui en expose les réels avantages, le peuple français acceptera volontiers un roi conscience du pays.  LFAR 

     

    IMG_20180129_195658 (002).jpgQuand, au détour d’une conversation avec une personne raisonnablement ouverte d’esprit, je m’aventure à évoquer l’hypothèse du retour du Roi, la réaction immédiate se traduit invariablement par cette question : « Le Roi ? Mais que ferait-il ? » Question qui ne révèle pas d’hostilité de principe, mais un scepticisme non dénué de bon sens. Il faut bien comprendre que le Français a deux images du Roi. L’une, contemporaine, que lui renvoient les monarchies constitutionnelles européennes. L’autre, historique, celle de nos rois absolus de droit divin. Or aucune ne lui convient vraiment. La première lui paraît sympathique, esthétique, utile comme symbole national, voire non dépourvue de quelque influence sur le pouvoir. Mais au Roi-symbole, il préfère son Président-monarque détenteur du pouvoir. La seconde, quoique toute française, ne lui paraît plus adaptée à son époque. Au Roi-monarque héréditaire, il préfère son Président-monarque élu. Bref le Français n’est pas royaliste, il est monarchiste et veut choisir son monarque. Alors, utopie que le retour de la Couronne ? Non point. Sans parler de circonstances gravissimes qui en feraient l’ultime recours, le Roi remplirait une fonction en toute période. Une fonction bien supérieure à la simple représentation symbolique de la Nation, bien supérieure aussi à celui de gouverner. Je le vois comme une conscience active, c’est-à-dire à la fois un modérateur lorsqu’il s’agit de dénoncer un danger et un incitateur lorsqu’il s’agit de provoquer un bienfait. Il serait celui qui introduirait dans la constitution la mixité qui lui manque. Mais précisément, avant de déterminer comment lui donner ce rôle de conscience, il faut expliquer ce qu’est une constitution mixte. Ce préalable est hélas indispensable puisque nos régimes occidentaux n’en connaissent plus, et que l’idée même s’est effacée de nos cerveaux.

    Le concept remonte à l’Antiquité grecque. Aristote l’utilisait déjà, par exemple pour vanter la réforme de Solon qui avait aboli à Athènes la toute-puissance oligarchique « en pratiquant un mélange [‘‘mixanta’’ en grec] constitutionnel heureux ». La mixité consistait ici en ce que l’Aréopage était oligarchique, l’élection des magistrats aristocratique et l’organisation des tribunaux démocratique. Hélas, continue Aristote, Éphialte et Périclès bouleversèrent l’équilibre, notamment en « mutilant les pouvoirs de l’Aréopage » au profit de l’assemblée populaire. Alors on passa de la « démocratie de nos pères », cette démocratie équilibrée par la mixité, à la « démocratie actuelle », celle qui « flatte le peuple comme un tyran ». Retenons donc qu’une constitution mixte mélange des éléments de nature différente afin de ne donner l’omnipotence à aucun. Bien sûr la chimie s’effectue différemment selon le lieu et l’époque, mais toujours avec un élément dominant, qui peut être monarchique, aristocratique, démocratique, oligarchique. L’essentiel est que l’élément dominant –la démocratie dans l’exemple d’Aristote- accepte le garde-fou de la mixité.

    Le plus bel exemple de constitution mixte offert par l’Antiquité reste la république romaine du III° siècle av. J.-C. L’historien grec Polybe écrira au siècle suivant que « personne […] n’aurait pu dire avec certitude si l’ensemble du régime était aristocratique, démocratique ou monarchique […] Car lorsqu’on regardait le pouvoir des consuls, le régime paraissait parfaitement monarchique ; mais d’après le pouvoir du Sénat, c’était cette fois une aristocratie ; et si maintenant on considérait le pouvoir du peuple, cela semblait nettement une démocratie ». Cette mixité permit un équilibre entre les éléments interdépendants. : impossible pour aucun de prédominer à l’excès, car sa tentative serait « contrebalancée et entravée par les autres […]. Tous restent en l’état, réfrénés dans leur élan ou craignant dès le début l’opposition du voisin ».

    Une correction à cette excellente description de Polybe : ce régime était de dominante aristocratique, ce que chacun savait avec certitude et acceptait. La devise même de la République l’atteste : Senatus Populusque Romanus (S.P.Q.R.). Le Sénat aristocratique est nommé avant le Peuple au sens institutionnel (c.-à-d. les assemblées populaires).

    Précision très importante pour ce qui va suivre. Le Sénat ne votait pas les lois, n’élisait pas non plus les magistrats. Il rendait des avis appelés senatus consulta qui ne liaient pas les assemblées populaires en droit ; toutefois leur autorité était suffisamment forte pour qu’un magistrat ne pût leur proposer une loi ou un candidat contraires au souhait des sénateurs. En langage juridique moderne on dirait que le magistrat était lié à l’avis conforme du Sénat. Retenons cela : il n’est pas nécessaire d’avoir le pouvoir pour détenir du pouvoir.

    Avec l’éphémère cité solonienne et la magnifique république romaine, la monarchie française reste le modèle le mieux accompli de la mixité constitutionnelle, celle-là même à laquelle Érasme pensait lorsqu’il écrivait dans son Institution du prince chrétien, « Le prince préfèrera que sa monarchie soit adoucie par des emprunts à l’aristocratie et à la démocratie, afin de ne pas tomber dans la tyrannie ».

    À la même époque, Claude de Seyssel, analysant le régime français dans sa Grant monarchie française discerne trois retenails (freins) à l’absolutisme royal : d’abord la religion qui, si le Roi se fait tyran, permet à « tout prélat […] et à un simple prêcheur de le reprendre et arguer publiquement et en sa barbe » ; ensuite les parlements dont il « n’est en la puissance des roys les déposer sinon par forfaicture » ; enfin la police (c.-à-d. les lois fondamentales), si solide « que les princes n’entreprennent pas d’y déroger, et quand le vouldroient faire, l’on n’obéit point à leurs commandements ». Ces lois ne sont pas seulement ce qu’on nommerait aujourd’hui constitution, elles sont aussi dans l’esprit de Seyssel, celles qui garantissent les libertés des corps intermédiaires (provinces, villes, corporations…) et des individus.

    Laissons le juriste Charles Dumoulin résumer, à la manière d’Aristote et Polybe, la formule politique française : « Royaume de France, c’est monarchie avec un assaisonnement, composition et température d’aristocratie et démocratie des estats ». Telle était le système français bien équilibré que Bossuet rappellera avec force. Il durera jusqu’à Louis XV.

    Aucun des trois systèmes évoqués ne serait viable aujourd’hui. La démocratie solonienne, l’aristocratie républicaine romaine, la monarchie française étaient belles parce qu’en harmonie avec leurs temps. Mais leurs temps sont révolus et leur retour serait anachronique. Ainsi, ne rêvons pas au Roi-monarque : aujourd’hui le pouvoir use trop vite son détenteur pour être viager. En revanche, aurait toute sa place un Roi qui, sans détenir le pouvoir, aurait l’autorité pour le canaliser, le modérer et plus encore, l’orienter et l’inspirer. Mutatis mutandis, un Roi qui jouerait le rôle du Sénat romain…

    Nous en avons grand besoin. Sous le nom de démocratie, ce que nous connaissons aujourd’hui n’est qu’une oligarchie élective. Cette « partitocratie », assise sur une classe politico-médiatique qui se reproduit en vase clos, gouverne sans qu’aucun frein ne la retienne, même quand elle se vend à la ploutocratie mondialisée. Quant à la votation, elle s’y réduit à la légitimation rituelle de l’alternance d’équipes semblables.

    Seul un roi héréditaire, libre de sa parole et disposant d’une autorité garantie par la constitution aurait les moyens de policer cette classe dirigeante. Certes il ne gouvernerait ni ne légiférerait mais, si je puis me permettre cette image, sans avoir la main sur le timon, il aurait l’œil sur le timonier. Pas seulement pour le sermonner, mais pour le conseiller, l’inciter et lui montrer les limites à ne pas dépasser.

    Sur le plan institutionnel, l’idée est simple. La pratique constitutionnelle actuelle est celle d’un régime parlementaire dualiste c.-à-d. un parlementarisme dans lequel le Gouvernement est responsable devant la chambre basse et devant le chef de l’État. Je dis la pratique, parce que la lettre est, elle, moniste : rien en effet dans la constitution n’autorise le Président à démettre le Premier ministre et rien ne l’autorise à gouverner à sa place. Au contraire, d’une part l’art. 20 dispose que le « Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et qu’« il est responsable devant le Parlement » ; d’autre part l’art. 21 précise que le « Premier ministre dirige l’action du Gouvernement ». Ce n’est qu’en période de cohabitation que la lettre moniste s’appliquait.

    Partant, l’avènement d’un Roi qui ne soit ni un Roi-monarque, ni un Roi-symbole, mais un Roi-conscience, nécessite qu’il s’inscrive dans un parlementarisme qui ne soit ni moniste, ni dualiste. Ni moniste, parce que ce serait en faire un Roi-symbole, ni dualiste parce que ce serait en faire un Roi-monarque. Ce nouveau parlementarisme, appelons-le parlementarisme mixte. Comme le moniste, il donnerait le pouvoir au Premier ministre, et au Parlement seul le droit d’accorder ou non la confiance au Gouvernement. Comme le dualiste, il donnerait au chef de l’État des prérogatives qui en ferait un acteur incontournable.

    Peu d’articles de la constitution de la V° République seraient à modifier pour réaliser ce bouleversement :

    - Art. 18 : L’actuel droit de message du chef de l’État au Parlement doit permettre un authentique discours du Trône annuel. Entendons une déclaration de politique générale dans laquelle le Roi exprime en toute liberté sa vision de l’état de la France et indique les réformes dont il souhaite que le Gouvernement se saisisse. Hormis le discours du Trône, le Roi pourrait adresser ponctuellement des messages sur les sujets de son choix. Bien sûr ce droit de message resterait un pouvoir propre, c.-à-d. non soumis à contreseing.

    - Art. 44 : Le droit d’amendement qui appartient aujourd’hui au Gouvernement et au Parlement sera élargi au Roi. Il pourrait ainsi intervenir dans l’élaboration de la loi en proposant des modifications aux projets ou propositions déposés.

    - Art. 10, al.2 : Ce texte autorise le Président à demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette sorte de véto suspensif est toutefois soumise à contreseing. Il conviendra d’en faire un pouvoir propre du Roi, lequel pourra ainsi relancer le débat sur un sujet dont il estime qu’il n’a pas été convenablement traité par le Parlement et le Gouvernement.

    - Art. 11 : Le référendum législatif est aujourd’hui proposé par le Gouvernement ou les deux assemblées au Président, lequel accepte ou refuse (laissons de côté l’initiative populaire qui ne nous intéresse pas directement ici, et reste inutilisée pour l’heure). Dans les faits, la proposition gouvernementale est purement formelle : tous les référendums furent lancés à l’initiative du Président. Afin que le Roi conserve cette liberté, l’article 11 devra mentionner expressément son droit propre d’appeler le peuple à référendum. Ainsi il pourra non seulement proposer directement au peuple une loi qu’il estime nécessaire, mais aussi lui demander de trancher sur un projet de loi, à son avis mauvais, que le Parlement s’apprête à voter.

    - Art. 9 : Le Président préside le conseil des ministres. Cela n’apparaît pas anormal puisqu’il est le véritable chef de la majorité parlementaire et donc le principal décideur politique. Ce n’est que lors des cohabitations, que sa présidence du conseil devenait nominale face au Premier ministre. Le Roi n’aura aucun besoin de cette présidence qui serait, elle, toujours nominale, puisque le nouveau chef de la majorité parlementaire et principal décideur politique sera désormais le Premier ministre. En revanche, le Roi devra assister de droit aux conseils des ministres et participer aux délibérations pour exercer son autorité modératrice et inspiratrice.

    - Art. 12 : La dissolution de l’Assemblée nationale est un pouvoir propre du Président qui l’exerce après simple consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées. Dans un régime parlementaire moniste, la dissolution de la Chambre par le Gouvernement est le pendant du renversement du Gouvernement par la Chambre. L’initiative de la dissolution revient donc normalement au Premier ministre, le prononcé de la dissolution par le chef de l’État n’étant que formel. Sous la V° République il n’y eut que cinq dissolutions, dont deux avaient simplement pour but de mettre l’Assemblée en adéquation avec le Président Mitterrand nouvellement élu (1981 & 1988). Les trois autres furent plus typiquement parlementaires et effectuées en accord avec le Premier ministre.

    Pas plus qu’il n’a le droit de renvoyer le Gouvernement, le Roi n’aurait celui de dissoudre la chambre basse. Cela relèvera du seul Premier ministre. En revanche, le Roi pourra le lui proposer officiellement, si les circonstances lui semblent exiger que le Peuple se prononce.

    - Art. 16 : En cas de péril grave, le Président peut décider d’exercer les pleins-pouvoirs, entendons la dictature au sens romain du terme. Cette possibilité doit-elle passer au Roi ? La question est délicate. Un roi-conscience qui ne gouverne pas en période normale, devrait-il gouverner en dictator en période anormale ? D’un point de vue strictement logique, non. Mais n’est-ce pas justement, parce qu’un péril grave voire mortel menace le pays, que le roi-conscience, chef d’État parfaitement libre, sera le mieux à même de le conjurer ? On a envie de répondre oui ; mais le risque serait grand pour le Roi. Le péril grave nécessite des réactions brutales voire sanglantes, qui engageraient sa responsabilité tôt ou tard. Or, le Roi étant constitutionnellement irresponsable, la crise pourrait s’achever avec sa chute.

  • Grandes ”Une” de L'Action française : le premier article du premier numéro...

    Voici donc le premier numéro de L'Action française quotidienne, en date du samedi 21 mars 1908, jour du Printemps. Le dernier sera celui du jeudi 24 août 1944, que nous verrons prochainement : la série des quotidiens s'étale donc sur une période de trente sept années, pour 13.000 numéros...

    Dans ce premier de la longue série, l'intégralité des deux colonnes de gauche est consacrée non pas à un article proprement dit, mais plutôt à une sorte de "manifeste", signé collectivement par douze personnes, et intitulé "Le nationalisme intégral".

    Après avoir donné le texte intégral de ce Manifeste, nous évoquerons ici quelques aspects de la vie quotidienne du journal, et au journal, avec une série de photos tirées de notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet (321 photos)...

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

     

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    Le texte du Manifeste "Le nationalisme intégral"

     

    Obscurément, mais patiemment, avec la persévérance de la passion, voilà bien des années que l'Action française travaille : elle n'a jamais cessé de redire qu'elle s'adresse au Peuple français tout entier.

    Elle l'a dit dans sa Revue. Elle l'a enseigné dans son Institut. Elle l'a crié dans ses réunions et sur ses affiches. En tête du journal destiné à propager quotidiennement sa pensée, l'Action française a le devoir de répéter qu'elle n'a jamais fait appel à un parti. Vous sentez-vous Français ? Traitons des affaires de France au point de vue des seuls intérêts du pays. Voilà le seul langage que nous ayons tenu. Ce sera notre langage de tous les jours. Il ne s'agit pas de mettre en avant nos préférences personnelles, nos goûts ou nos dégoûts, nos penchants ou nos volontés. Nous prenons ce qu'il y a de commun entre nous — la patrie, la race historique — et nous demandons au lecteur de se placer au même point de vue fraternel.

    Ni les rangs sociaux, ni la nuance politique ne nous importent. La vérité se doit d'avancer dans tous les milieux. Nous savons qu'il y a partout du patriotisme et que la raison peut se faire entendre partout. Quelles que soient les différences des mœurs ou des idées, il existe des principes supérieurs et des communautés de sentiment plus profondes : là disparaît l'idée de la lutte des classes ou de la lutte des partis. Toutes nos conclusions politiques dérivent de ce principe fondamental : il faut que notre France vive, et de cette question posée non point par nous mais par les circonstances : comment la préserver de toutes ces forces de mort ?

    Assurément, comme nos camarades de la presse nationaliste et conser­vatrice, nous mènerons de notre mieux la guerre à l'anarchie. Si tout patriote français nous est ami, si toute idée sérieuse nous paraît digne d'examen et de discussion, nous ne ferons aucun quartier aux idées, aux hommes, aux partis qui conspirent contre l'intérêt du pays. Vive l'unité nationale ! Périssent donc tous les éléments diviseurs ! Nous n'épargnerons ni cette anarchie parlementaire qui annule le pouvoir en le divisant, ni l'anarchie économique dont l'ouvrier français est la plus cruelle victime, ni l'anarchie bourgeoise qui se dit libérale et qui cause plus de malheurs que les bombes des libertaires.

    Nous combattrons, comme nous le fîmes toujours, cette anarchie cosmopolite qui remet à des étrangers de naissance ou de cœur le gouvernement de la France, l'anarchie universitaire qui confie l'éducation des jeunes français à des maîtres barbares, les uns juifs, d'autres protestants, lesquels, avant d'enseigner parmi nous, devraient eux-mêmes se polir au contact de la civilisation, de l'esprit et du goût de la France. Nous montrerons dans la clarté qui suffit à leur faire honte, les plaies d'anarchie domestique, tuant l'autorité des pères ou l'union des époux, et, la pire de toutes, l'anarchie religieuse acharnée à dissoudre l'organisation catholique ou tentant de refaire contre l'Église une unité morale en la fondant sur des Nuées.

    Allons au fond du vrai : parce que, au fond, ce qui nous divise le plus est le régime républicain et parce que cet élément diviseur par excellence est aussi celui qui organise, qui règle et qui éternise l'exploitation du pays qu'il a divisé, l'Action française appelle tous les bons citoyens contre la République.

    Mais, dit-on, quelques-uns croient encore à la République. — Possible : ils se font rares. Ces derniers croyants perdront vite leur foi dès qu'ils nous auront accordé quelques minutes de l'attention et de la réflexion qu'un électeur doit accorder à la chose publique. Sans y passer huit heures par jour, comme Louis XIV, tout Français intelligent comprendra bien que ce qu'il y a de mieux à faire est de donner sa démission de souverain et de se décharger des besognes d'État sur quelqu'un de plus apte et de plus compétent. L'évidence lui fera dire, comme à l'un des plus grands amis de l'Action française : « quand je songe que j'ai été républicain, je me battrais. »

    Ce regret si noble est d'un ancien radical qui lutta contre le second Empire et la politique du maréchal (1). Et nous pourrons citer des regrets du même ordre émanant d'anciens libéraux, ou d'anciens collectivistes, ou d'anciens démocrates plébiscitaires. Ne les appelez pas convertis de l'Action française : ils sont des convertis du bon sens français. Nos vérités politiques ne sont tirées d'aucun fonds d'imagination qui nous soit personnel. Elles vivent dans l'âme de nos auditeurs et de nos lecteurs. La seule chose dont on puisse se prévaloir ici, c'est d'avoir obligé le lecteur patriote à découvrir au fond de ses propres pensées et de ses propres sentiments élevés au maximum de la conscience lucide… — Quoi donc ? — La nécessité d'un recours au Roi.

    Qui veut bien quelque chose en veut la condition. La condition de ce qu'on veut quand on réclame le respect de la religion, ou la paix sociale, ou la restitution de la France aux Français, cette condition préalable, c'est le Roi. Pas de Roi, pas de puissance nationale, pas de garantie pour l'indépendance de la nation. Pas de Roi, pas d'anti-maçonnisme efficace, pas de résistance à l'étranger de l'intérieur, pas de réformes bien conduites ni sérieusement appliquées.

    C'est en cela précisément que réside le nationalisme intégral. Il met en ordre les problèmes français, il permet de les comprendre, et ce qu'ils peuvent offrir de contradictoire sans lui s'accorde en lui parfaitement ; par exemple, un Pouvoir central très fort et des Villes, des Provinces, des Corporations entièrement libres, au lieu de se détruire comme en République, se prêtent un appui réciproque et se consolident par l'opération de la monarchie.

    C'est un fait ; nous le ferons voir. Mais c'est un autre fait que beaucoup de gens en sont frappés. C'est un troisième fait que, en tout temps, nos Princes, du fond de leur exil, ont senti cet accord et l'ont inscrit dans leur programme, qui n'a pas été fait pour les besoins de nos polémiques de 1908. Nos querelles du mois courant seraient réglées par l'application d'un principe posé, posé voici dix, vingt ou quarante ans, dans une lettre du comte de Chambord, du comte de Paris ou de Monseigneur le duc d'Orléans.

    Les Français à qui cette évidence deviendra claire feront honneur à la vivacité d'esprit de leur race. Ensemble, diront-ils, nous avons fait une sottise noire en nous séparant de nos Rois : puisque rien de sérieux ne saurait se faire sans eux, le plus simple est de nous dépêcher de les rappeler, et avec eux, de nous remettre le plus tôt possible au travail.

    À ce langage de bon sens, on n'objecte que la prudence des timides, ceux qui tremblent que la monarchie ne signifie « pour le public » le gouvernement des nobles et des curés (simple sottise de primaires), ou ceux qui (moins ignorants et plus imprudents) savent combien ce préjugé est faux, mais qui en craignent la puissance. Nous ne craignons, pour notre part, aucune puissance d'erreur. Notre devoir est de les réduire l'une après l'autre en leur opposant l'évidence. Mais une évidence militera, dès l'abord, en notre faveur : c'est le recrutement du personnel de l'Action française.

    Ceux que le nationalisme intégral rallia nous sont venus de toutes les classes et de tous les mondes. Ces hommes qui, depuis des années, travaillent, sans un désaccord, à la même œuvre de reconstitution nationale, sont le produits d'éducations et de milieux aussi différents que les Jésuites et la Sorbonne, le barreau et l'armée, l'Union pour l'Action morale et la Gazette de France. On pourrait dire qu'ils ne s'accordent sur rien, hors de la politique, et que, en politique, ils s'accordent sur tout. Car non seulement leur politique économique ou militaire, mais leur politique morale, leur politique religieuse est une. On a remarqué, dans leurs rangs, des hommes étrangers à la foi du catholicisme. On n'en signale pas un seul qui n'ait mille fois déclaré que la politique religieuse de notre France est nécessairement catholique et que le catholicisme français ne peut être soumis à un régime d'égalité banale, mais y doit être hautement et respectueusement privilégié. De sorte que l'accord intellectuel et moral déterminé par le nationalisme intégral de l'Action française peut être envisagé tout à la fois comme le dernier mot de la tolérance et comme le triomphe du Syllabus.

    Et ces deux aspects ne sont pas contradictoires. Nous apportons à la France la Monarchie. La Monarchie est la condition de la paix publique. La Monarchie est la condition de toute renaissance de la tradition et de l'unité dans notre pays. C'est pour l'amour de cette unité, de cet ordre, que commence aujourd'hui notre guerre quotidienne au principe de la division et du mal, au principe du trouble et du déchirement, au principe républicain.

    À bas la République ! et, pour que vive la France, vive le Roi !

    Henri Vaugeois,
    Léon Daudet,
    Charles Maurras,
    Léon de Montesquiou,
    Lucien Moreau,
    Jacques Bainville,
    Louis Dimier,
    Bernard de Vesins,
    Robert de Boisfleury,
    Paul Robain,
    Frédéric Delebecque,
    Maurice Pujo.

    (1) Patrice de Mac Mahon. 

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    Quelques photos de notre Album Daudet pour illustrer les premiers moments de l'aventure...

     

    1. Samedi 21 mars 1908 : premier numéro du journal

    1A.jpg

    De "Vers le Roi", pages 37/38 (premières lignes du Chapitre II) :

    "Le 21 mars 1908 parut le premier numéro de l'Action française quotidienne, organe du nationalisme intégral, portant, comme devise, la fière parole de Monseigneur le duc d'Orléans : "Tout ce qui est national est nôtre".
    Nos bureaux étaient donc Chaussée d'Antin. Notre imprimerie se trouvait 19, rue du Croissant, dans la rue Montmartre.
    La déclaration, qui ouvrait le journal, était signée des douze noms suivants : Henri Vaugeois, Léon Daudet, Charles Maurras, Léon de Montesquiou, Lucien Moreau, Jacques Bainville, Louis Dimier, Bernard de Vesins, Robert de Boisfleury, Paul Robain, Frédéric Delebecque, Maurice Pujo.
    Nous avions campé la "Dernière Heure" au milieu de la première page, ce qui, par la suite, parut moins intéressant quant à l'aspect extérieur, ou "oeil", de notre feuille, que nous ne l'avions espéré.
    Je signais du pseudonyme de "Rivarol" des échos, censés divertissants, mêlés de prose et de vers.
    Criton-Maurras inaugurait une Revue de la Presse, avec exposé et discussion des confrères, qui a été souvent reprise ailleurs et imitée depuis, jamais égalée.
    Nous annoncions, pompeusement, deux feuilletons, l'un, "Marianne", de Marivaux, recommandé par Jules Lemaître, lequel excita peu d'intérêt, comme trop long et digressif, l'autre, "Mes Pontons", de Louis Garneroy, qui plut davantage.
    Il y avait aussi une déclaration de Jules Lemaître, adhérant à la monarchie, et qui scandalisa pas mal de "républicains" ou prétendus tels, dont Judet, directeur de "L'Eclair", considéré alors comme un patriote éprouvé, reconnu depuis comme une variante de Judas..."



    Illustration : "cela ne durera pas six mois...", disaient certains. Malgré la résistance acharnée du Système - et l'infinité de ses "coups bas.." - qui finit tout de même par "avoir sa peau" en 44; malgré l'hécatombe de 14; malgré les injustes sanctions vaticanes; malgré les brouilles et les départs inhérents à toute formation politique... l'extraordinaire aventure de l'Action française dura presque 36 ans; et 13.000 numéros : c'est le 24 août 44 que parut, en plein climat de Terreur dûe à la sinistre "Epuration", le 13.000ème et dernier numéro.
    Mais les choses qui devaient être dites avaient été dites; les démonstrations qui devaient être faites avaient été faites; les preuves qui devaient être apportées avaient été apportées : "Les bâtisseurs sont morts, mais le Temple est bâti..."

     

    2. Maurras à l'imprimerie...

    Dans son "Maurras et notre temps", Henri Massis dit, à un moment, de Bainville et de Daudet, qu'ils "étaient de vie régulière".
    C'est-à-dire que, leur après-midi de travail terminé, ils rentraient, tout simplement, chez eux, en famille...
    Rien de tel pour Maurras, célibataire : son rythme de travail était radicalement différent, et s'apparentait d'avantage à celui d'un "oiseau de nuit", comme le montre Daudet, dans cette fin du chapitre VI de son "Vers le Roi", pages 201/202/203 :

    "...Maurras en use aussi, à sa façon (de la répétition, ndlr), qui est de varier les sujets, au cours d'un même article, et de servir chaque matin, en plusieurs paragraphes, un menu politique presque complet...
    Maurras travaillant toute la nuit et passant presque toute la nuit à l'imprimerie (ce qui est phénoménal et unique dans les annales de la presse !), l'Action française est le seul journal dont les nouvelles soient contrôlées.
    Chez la plupart de nos confrères, ces nouvelles, transmises par les agences, sont insérées en vrac, par le secrétaire de rédaction, sous la rubrique "Dernière heure", et c'est au lecteur à se débrouiller dans leur énoncé blafard, absurde, contradictoire ou confus.
    Rien de tel chez nous : l'oeil de Maurras, servi par une mémoire effarante, a vite fait de relever l'erreur de fait et de la corriger, l'interprétation tendancieurse et de la barrer.
    On n'imagine pas l'utilité de cette surveillance, surtout dans les moments graves ou critiques.
    L'Action française n'est pas seulement un quotidien. Elle est aussi une ligue et un organisme d'action. Elle a des ramifications innombrables dans tous les milieux et dans toutes les provinces. D'où la nécessité, pour elle, d'insérer les communiqués de ses amis et les comptes rendus de

  • Vers le krach du siècle, l’explosion du Système et l’hyper-inflation, par Marc Rousset

     

    L’arbre qui cache la forêt en matière de crise systémique, c’est ce que l’on peut lire, voir ou écouter tous les jours dans les médias lorsqu’ils traitent des problèmes de l’inflation, des taux des banques centrales, de la situation des banques, des taux de croissance. Nous ferons un bref rappel de ces questions avant de nous intéresser au problème fondamental de l’hyper-endettement et à différentes annonces de crise systémique à venir par plusieurs économistes de renommée internationale.

    Christine Lagarde, une pure juriste sans formation économique, très habile politicienne, d’origine normande au sens propre et figuré, ne se « mouille » pas trop en nous promettant une « instabilité » accrue avec des « chocs répétés » dans les années à venir. Afin de combattre l’inflation en Europe, la BCE va de nouveau augmenter très probablement les taux d’intérêt de 0,50 % en mai, après les avoir déjà augmentés de 3,50 % depuis juillet 2022. Selon Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, « il est clair que de nouvelles hausses de taux sont nécessaires, mais l’ampleur de ces hausses dépendra des données à venir ».

    MARC ROUSSET.jpgLes investisseurs gardent un œil inquiet concernant les perspectives économiques aux États-Unis et en Europe, suite aux incertitudes sur les banques, l’inflation et la croissance à venir. Aux États-Unis la croissance s’est effondrée au premier trimestre 2023 en passant de 2,6 % à seulement 1,1 %. En France, la croissance au premier trimestre n’a été que de 0,2 % tandis que l ‘Allemagne stagne, échappant de peu à la récession. Les pertes latentes dans les actifs des banques et des assureurs, essentiellement sous forme de baisse du prix des obligations car il y a très peu de cadavres boursiers jusqu’à ce jour, suite aux augmentations des taux d’intérêt, sont aussi très préoccupantes ; rien que pour les compagnies d’assurance en France, elles s’élèvent à 438 milliards d’euros.

    Aux États-Unis, les taux d’intérêt étant plus élevés qu’en Europe, il est probable que la Fed augmentera les taux de 0, 25 % seulement en mai, pour les porter à 5 – 5,25 %, tout en annonçant la fin de la hausse des taux, afin de rassurer les investisseurs et le Système. Les taux pourraient même ensuite rebaisser en cas de menace de trop grande dépréciation des obligations à l’actif des bilans, ce qui pose de graves problèmes aux banques régionales américaines, ou en cas de forte récession de l’économie américaine. Il faut entre 18 et 24 mois pour connaître les effets d’une hausse des taux sur l’économie.

    Les banques inquiètent davantage aux États-Unis qu’en Europe. La banque américaine First Republic, 14e banque du pays, est au bord du précipice, avec des retraits de plus de 100 milliards de dépôts pour ne laisser plus que 75 milliards dans les coffres, malgré une aide de 30 milliards d’un pool de grandes banques américaines menées par JP Morgan. L’action a encore plongé vendredi de 43 % pour finir à 3,51 dollars, soit une valorisation de la banque à 654 millions de dollars, alors qu’elle valait plus de 40 milliards en novembre 2021 ; la situation de cette banque est désespérée ; le problème de son sauvetage par la FDIC, l’agence américaine en charge de garantir les dépôts bancaires est posé, avec un dilemme : va-t-elle sauver tous les dépôts, y compris ceux au-delà de 250 000 dollars, comme cela été pratiqué pour SVB et Signature Bank, alors qu’elle n’en a pas le droit ! Mais si la FDIC ne rembourse pas finalement tous les dépôts sans exception aucune, cela pourrait très rapidement déclencher une panique bancaire aux États-Unis pour les banques moyennes et petites ! Sur le plan macro-économique, la hausse des taux d’intérêt ainsi que ces trois récentes faillites bancaires ont conduit à un durcissement des conditions des prêts bancaires, ce qui fragilise l’économie américaine.
    Selon Warren Buffet, « les faillites bancaires ne sont pas terminées ». La garantie des dépôts par le gouvernement américain au-delà de 250 000 dollars est très probable en cas de panique, mais elle n’est pas officielle et garantie. Le rétablissement souhaité par Biden d’une surveillance accrue pour les petites banques dont les actifs atteignent entre 100 milliards et 250 milliards de dollars, suite à l’erreur de Donald Trump qui les a exemptées des règles et ratios financiers de Bâle, contrairement aux banques importantes, va dans le bon sens.

    Le sentiment dominant sur les marchés est que les cygnes noirs en matière bancaire vont momentanément regagner leurs tanières, d’autant plus que les banques centrales sauront s’arrêter ou revenir en arrière pour les taux d’intérêts, malgré l’inflation, si cela devait engendrer de trop nombreuses faillites bancaires. Le secteur bancaire européen a connu cependant encore, ce vendredi 28 avril, des regains de tensions avec la banque britannique Natwest qui a fait état d’une baisse de 20 milliards de livres (22,7 milliards d’euros) de ses dépôts au premier trimestre. Le Système n’a pas les moyens aux États-Unis, comme en Europe, de couvrir l’ensemble des dépôts en cas de panique totale et de perte de confiance.
    Le danger de l’explosion du système bancaire est donc toujours là, mais en apparence sous contrôle car les banques centrales veillent comme le lait sur le feu, avec des réactions immédiates et très rapides, ce qui fut le cas pour Crédit Suisse. Mais le problème de l’hyper-endettement, lui, peut devenir très rapidement hors de contrôle, tel un tsunami qui ravagerait tout sur son passage, toutes les banques s’écroulant alors, les unes après les autres, comme un château de cartes !

    JP Morgan considère comme « cataclysmique » à juste titre la combinaison de la hausse des taux, de la crise des dettes publiques et de l’hyper-endettement tous agents confondus. Financer en 2023 un nouveau plafond de la dette publique américaine actuellement à 31 400 milliards de dollars qui représente 121 % du PIB, ce n’est pas la même chose à 5,1 % qu’à 1 %. En France, comme l’a souligné Villeroy de Galhau, le Président de la Banque de France, toute augmentation de taux d’intérêt de 1 % représente au bout de 10 ans, une charge supplémentaire d’intérêts de 39 milliards d’euros. Pour un taux normal historique à long terme de 6 %, cela représenterait donc environ 240 milliards d’euros de charges d’intérêt à terme, au bout de 10 ans, soit environ 80 % du des recettes du budget régalien de l’État (environ 300 milliards d’euros). Autant dire que la messe est déjà dite, que ce serait l’explosion et la faillite assurée pour la France ! À fin 2022, l’endettement de la France représentait 111,6 % du PIB.

    La dette de l’État italien est encore plus pharaonique (135 % du PIB) que la dette française. Le montant d’intérêts que l’Italie doit verser chaque année atteint 3,5 % du PIB. Le taux italien d’emprunt à 10 ans est déjà à 4,27 % ! Ce taux n’est donc déjà plus supportable pour les finances du pays, sauf si la BCE continue à acheter la dette italienne dont elle détient actuellement 31 % du stock.
    Bruno Le Maire et tous les gouvernements européens affichent sans vergogne une baisse en trompe-l’œil de la dette publique. L’endettement diminue en pourcentage du PIB grâce à l’inflation qui gonfle le PIB d’une façon artificielle, tandis que les déficits s’accroissent pour de bon en raison des boucliers énergétiques. Macron est resté ferme pour les retraites car sans cette réforme qui marque l’esprit des investisseurs, la note de la France aurait été encore plus dégradée, ce qui aurait signifié un taux d’emprunt encore plus élevé. Cela n’a pas empêché cependant l’agence Fitch, suite aux manifestations et au mécontentement social, de dégrader la note de la France à « AA – » avec « appréciation pessimiste ».

    La France avec un déficit de – 6,1 % du PIB au quatrième trimestre 2022, 53,5 % du PIB de dépenses publiques, 44,4 % du PIB de prélèvements obligatoires, n’est pas un pays sérieux depuis 40 ans ! Pour l’instant, le taux à 10 ans payé par la France est de 3,03 %, avec des projections à 3,4 % pour 2027, si les vents sont très favorables, ce qui n’est pas du tout certain ! De plus selon le FMI, la France est le seul pays incapable réduire régulièrement son déficit public pour le faire passer sous la barre des 3 %. La France devrait théoriquement atteindre en 2028, un taux d’endettement de 115 % du PIB. Dans le cadre d’une réforme de la zone euro, l’Allemagne exige des règles de désendettement strict (une réduction d’un point de PIB par an) que la France, structurellement insouciante et gaspilleuse, est incapable de mettre en œuvre, ne faisant rien pour combattre l’immigration ruineuse et suicidaire, ni pour diminuer le nombre de ses 2 millions de fonctionnaires en trop.

    Selon l’économiste américain Peter Schiff, la plus grande crise financière de mémoire d’homme se précipite vers nous ; sauve qui peut car un Méga-Krach avec une inflation à 2 chiffres se profile à l’horizon. Le choc sera d’une plus grande envergure qu’en 2008. Au moment de l’effondrement des « subprimes » en 2007, les décideurs affirmaient également qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. L’argent n’est plus en sécurité dans une banque car soit votre banque fera faillite et vous perdrez votre argent, soit votre banque ne fera pas faillite parce que votre gouvernement se portera garant pour elle. Dans ce cas, votre argent perdra son pouvoir d’achat. Quoi qu’il en soit, vous devriez mettre votre argent à l’abri dès maintenant. Mais ne le placez pas sous votre matelas, car il y perdra également son pouvoir d’achat. Vous devriez donc, toujours selon Peter Schiff, le convertir en actifs durables ou en or physique.

    L’analyste suisse internationalement reconnu Egon von Greyerz estime aussi qu’un méga krach est inévitable. Les banques centrales ont pris l’habitude de faire face à chaque crise en imprimant de l’argent. L’émission incontrôlée d’argent et l’accumulation de montagnes de dettes, à des niveaux jamais atteints auparavant, se terminera inévitablement par un énorme effondrement. Les actifs des marchés financiers perdront jusqu’à 70 % de leur valeur et certains deviendront même totalement sans valeur.
    Selon Jacques Attali, une immense crise financière menace. À moins d’agir vite, elle frappera probablement au cours d’un été, à partir de cette année 2023 incluse. Et si, par procrastination générale, elle est reportée, elle n’en sera, plus tard, que plus sévère. Nous avons tout pour la dominer vraiment, à condition de comprendre que c’est tout notre modèle de développement qui est en cause. La crise se déclenchera, comme beaucoup d’autres avant elle, dans la deuxième quinzaine d’un mois d’août : comme en 1857, en 1971, en 1982 et en 1993, sans pouvoir prédire l’année exacte.

    Dans une interview accordée à CNBC, Patrick Carroll, PDG de la société d’investissement immobilier Carroll, prédit que le marché immobilier se retournera d’une façon désastreuse dans les prochaines années, car d’énormes quantités de dettes hypothécaires commerciales arrivent à échéance. La Banque Morgan Stanley alerte aussi sur l’immobilier commercial aux États-Unis en disant que ce sera pire que lors de la grande crise financière de 2008. Les économistes de Morgan Stanley sonnent l’alarme à propos du risque que représente l’immobilier commercial, entrevoyant des difficultés à venir en matière de refinancement.

    Quant au journaliste financier américain John Rubino, il prévoit l’éclatement de la bulle des milliers de milliards de dollars des produits dérivés. On assistera soit à des faillites massives, soit à un gonflement mondial supplémentaire des monnaies ; c’est aussi simple que ça ! 2023 sera une année passionnante car il nous sera possible de savoir dans quel type de crise nous nous trouvons. Si nous continuons à augmenter les taux d’intérêt, nous aurons une dépression déflationniste, comme dans les années 1930. Sinon nous aurons une hyperinflation comme sous la République de Weimar, en cherchant à sortir de nos problèmes de dettes par l’inflation.

    L’économiste américain Michael T Snyder estime aussi qu’on ne peut pas ignorer les signes avant-coureurs de la tempête qui se prépare. Ces dernières années, les investisseurs ont été gâtés par les banques centrales. Les marchés ont été inondés d’argent liquide et c’est de cette façon que des indices comme le Dax, Nasdaq et le S&P 500 ont constamment atteint de nouveaux sommets, alors que les crises ne manquent pas. Un sondage CNBC a révélé que les Américains « n’ont jamais évalué les perspectives économiques de manière aussi négative ». Ceci est effrayant car même à l’époque de la crise financière de 2008/2009, les Américains étaient beaucoup plus optimistes quant à l’état de l’économie.
    Selon Ray Diallo, le fondateur de Bridgewater Associates, les niveaux d’endettement sont devenus insoutenables. Les dettes augmenteront tellement que les banques centrales devront les acheter. Les taux d’intérêt sont suffisamment élevés pour lutter contre l’inflation et fournir aux prêteurs des rendements réels adéquats, mais ils sont insupportablement élevés pour les emprunteurs-débiteurs. Le système devra donc subir de grandes restructurations sous le poids de la dette. Nous allons tout droit vers une contraction économique.

    L’économiste le plus pessimiste et alarmiste est Harry Dent, fondateur de HS Dent Investment Management et auteur de plusieurs livres à succès. Le plus grand krach de notre vie « va se produire entre aujourd’hui et la mi-juin 2023. Il ne s’agira pas en fait d’une correction importante, mais d’un krach majeur que vous n’avez jamais vu de votre vivant ». Le plus grand krach qui se prépare est celui qui aurait dû avoir lieu en 2008-2009, notant que le S&P 500 avait chuté de 57 % à l’époque. Environ un an et demi après le début de ce krach, les banques centrales sont intervenues et ont commencé à imprimer de l’argent à des rythmes sans précédent. Cette récession n’a donc pas vraiment réussi à éliminer la plus grande bulle d’endettement de l’histoire. Plus précisément Dent s’attend à un effondrement de 86 % pour le S&P 500 et de 92 % pour le Nasdaq. Il anticipe aussi une chute du Bitcoin à 95 % pour atteindre les 4000 $ par BTC.

    Ma vision défendue depuis plus de 5 ans sur Boulevard Voltaire et Riposte Laïque est très proche de ce que disent tous les économistes cités ci-dessus. Nous pensons pour notre part comme Jacques Attali que tout peut arriver à partir d’août 2023, sans pouvoir dire si ce sera 2023, 2024 ou 2025. Il ne faudra pas cependant attendre les calendes grecques ; il suffira d’un gros cygne noir quelconque, d’un événement politique, économique, financier, bancaire, géopolitique, social imprévisible pour mettre le feu aux poudres.

    Il semble que pour l’instant les cygnes noirs économiques et bancaires aient regagné leurs tanières, mais la crise à venir est latente et inéluctable. J’ai la certitude absolue que le quinquennat Macron se terminera dans le chaos économique, social, sociétal et économique, avec une révolution conservatrice possible à la clé, soit par les votes, soit par la rue. La France vit sur un baril de poudre et ne l’aura pas volé, suite à notre lâcheté qui consiste à nier le réel pour tous les problèmes, à ne pas réagir dans la rue par millions sur les Champs-Elysées et dans toutes les grandes villes françaises lorsque l’on assassine nos enfants au Bataclan, lorsque l’on voit notre pays se faire envahir tous les ans par 500 000 extra-européens de plus ! Pour les retraites à 62 ans et travailler moins longtemps que la plupart des autres pays européens, il y a par contre beaucoup de monde dans la rue ! Les réalités, comme le cours de l’or, finissent toujours par se venger un jour !

    Je crois, sur le plan économique et monétaire, à l’explosion inéluctable de la zone euro, aux très fortes dévaluations successives à venir après un retour forcé au franc, bref au schéma final République de Weimar pour la France, avec les billets que l’on utilisait en 1923 pour tapisser les murs en Allemagne ! Seuls l’or et les actifs réels détenus en dehors du Système bancaire apporteront une garantie efficace et certaine aux Français lors du méga-krach à venir. Il n’est pas étonnant que les économistes et conseillers de gestion recommandent de plus en plus l’or physique pour diversifier les investissements des particuliers. La banque suisse UBS prévoit que l’or, malgré les hausses d’intérêt et des replis techniques passagers, atteindra bientôt les 2100 $ l’once !

    Marc Rousset

  • Vers l’explosion de l’économie française : douze preuves que Macron a tout faux ! par Marc Rousset

     

     

    Les 700 milliards d’euros minimum que les pays de l’UE, dont la France, vont mettre sur la table pour faire face à la crise énergétique en 2023

    La somme minimale en 2023, au-delà d’autres dépenses probables à venir, serait de 264,2 milliards d’euros pour l’Allemagne et 71,6 milliards d’euros pour la France. Fin octobre 2022, les gouvernements des pays de l’UE ont déjà dépensé 576 milliards d’euros pour la protection des ménages et des entreprises.

    En Allemagne, l’énergéticien ancien importateur de gaz russe Uniper a déjà perdu 40 milliards d’euros sur les neuf premiers mois de l’année 2022, ce qui constitue le record historique des pertes d’entreprise détenu jusqu’à présent par Deutsche Telekom en 2002 (25 milliards d’euros)

    MARC ROUSSET.jpgLes stocks de gaz de la France et de l’Europe vont s’effondrer pour l’hiver prochain 2022-2023, selon l’AIE

    L’hiver 2023-2024, selon l’agence internationale de l’énergie, s’annonce encore plus dangereux que l’hiver 2022-2023. L’UE sera confrontée à un déficit de 30 milliards de m3 à l’été 2023 car cette année l’UE a pu encore bénéficier, début 2022, de 60 milliards de m3 de gaz russe. L’UE a pu importer beaucoup de GNL en 2022 en raison de la baisse de la demande chinoise, suite à la politique « zéro covid » ; mais si la Chine retrouve son activité normale, il n’y aura plus assez de gaz GNL pour tout le monde. Pour l’instant, les prévisions de remplissage à l’automne 2023 sont au maximum de 65 %. Les prix du gaz vont remonter à la verticale lors de l’été 2023.

    La crise de l’énergie ne fait que commencer

    L’UE, avec sa folle et prétentieuse politique de sanctions, qui nous reviennent à la figure telles un boomerang, a décidé aussi qu’il n’y aurait plus d’achat de pétrole brut russe dans l’UE après le 5 décembre 2022. Mais elle souhaiterait que le pétrole russe soit vendu à un prix maximum sur d’autres marchés, avec des armateurs européens (souvent grecs), pour éviter que les prix s’envolent ! De la folie technocratique pure et simple à la Macron ! Il faut pour tous ces imbéciles à Bruxelles que le pétrole russe coule vers des marchés non européens, mais à un prix très bas non inflationniste pour ne pas alimenter les caisses du Kremlin !

    Bien évidemment Poutine n’est pas d’accord et il va trouver des « tankers » dans le monde entier pour vendre son pétrole hors Europe où il veut et au prix maximum souhaité. Il peut aussi décider de fermer partiellement le robinet du pétrole d’un million de barils en accordant que de très faibles rabais sur les marchés non européens ! Bref, une autre bombe du prix du pétrole va exploser en 2023 à la face des Occidentaux, suite à une politique stupide et suicidaire !

    Et cerise sur le gâteau, l’UE a aussi décidé d’une façon aussi folle et irréfléchie de ne plus acheter de produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023 ! Il est possible que ce jour-là des Français frigorifiés, déjà excédés par le scandale de l’invasion migratoire, de la violence et de l’insécurité croissante dans nos villes et banlieues, descendent dans la rue pour prendre l’Élysée d’assaut ! L’impact inflationniste, tout comme la pénurie de gazole et d’essence, risquent d’être immédiats avec en plus, pour tous les Français, comme horizon indépassable pour l’été 2023, la pénurie de gaz décrite ci-dessus au paragraphe 2.

    L’UE et Macron sont donc dans l’œil du cyclone de la crise énergétique qui ne fait que commencer.  Une motion de censure votée par LR, le RN et la Nupes peut même conduire à la chute du gouvernement Borne, voire de Macron !

    L’épée de Damoclès sur la France de l’éclatement de la zone euro avec l’hyper-inflation et dévaluations en chaîne
    Certains parlent de Gerxit (Allemagne), d’Italexit, de Grexit. L’Allemagne et la France ne sont plus au diapason et l’Allemagne est tombée pour la première fois dans une crise sans précédent. Ce qui menace le plus, c’est l’Italexit, mais la France suivra dans la tourmente. Giorgia Meloni, afin d’aider les ménages et les entreprises face à la flambée des prix de l’énergie, vient de porter le déficit du pays à 4,5 % du PIB (au lieu de 3,4 % avec Mario Draghi) avec un endettement supérieur à 150 % du PIB.

    La crise industrielle s’accentue dans la zone euro et dans le peu d’industrie qui reste en France

    La baisse d’activité de plus en plus importante dans le secteur manufacturier de la zone euro indique en fait le début d’une récession. Les fédérations patronales en France alertent contre le risque d’un tsunami de faillites et d’un effondrement systémique de l’industrie ; elles réclament un plafonnement des prix de l’énergie.

    ArcelorMittal a annoncé l’arrêt temporaire d’un de ses deux hauts-fourneaux à Fos-sur-Mer. ÀDunkerque, le plus important site du groupe en Europe, un des trois hauts-fourneaux est aussi à l’arrêt. La liste des industriels étranglés par les prix stratosphériques de l’énergie s’allonge semaine après semaine. Le verrier Duralex a arrêté sa production pour 5 mois minimum au 1er novembre, car le prix de l’énergie qui représente habituellement 5 % à 7 % du chiffre d’affaires est aujourd’hui de l’ordre de 40 %, ce qui n’est plus tenable.

    Aluminium Dunkerque, dont la production est très énergivore, a réduit sa production de 22 %. Quant au groupe allemand BASF, il a même prévenu que des prix du gaz et de l’électricité aussi élevés le poussaient à réduire sur le long terme ses implantations industrielles en Europe. Sur le marché français, les prix du gaz ont été multipliés par cinq depuis le début de la crise, atteignant 118 euros le mégawattheure en 2023 ; ceux de l’électricité ont été multipliés par dix, soit 481 euros le mégawattheure.

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    Macron n’a toujours pas compris que Washington veut la mort économique du concurrent Europe et que seule une alliance avec la Russie peut nous sauver

    L’Amérique veut non seulement établir un protectorat militaire, mais aussi favoriser la mort de nos industries technologiques et de défense, créer une dépendance énergétique envers les États-Unis, bref la mort du « peer competitor ». Seule l’alliance avec la Russie et le protectionnisme européen peuvent nous permettre de trouver une place dans le monde.
    Alors qu’une entreprise spécialisée dans le véhicule électrique veut investir et créer 5 000 emplois en France avec une subvention d’un milliard d’euros, les États-Unis sont prêts par exemple à donner 4 fois cette somme et à financer l’intégralité de l’investissement,

    L’immobilier pourrait bien finir aussi par craquer

    Macron taxe l’immobilier tous azimuts directement ou indirectement (impôt foncier des mairies suite à la suppression de la taxe d’habitation), impose des normes énergétiques excessives, trop chères, stupides ; il veut faire de l’immobilier une vache à lait car il n’en dispose pas à titre personnel.
    Les taux d’intérêt étant toujours en hausse, l’indice 100 de l’immobilier en 2000 qui est aujourd’hui à 320 aux États-Unis pourrait bien s’écrouler puisque le retournement de la courbe a déjà commencé. La France pourrait suivre d’autant plus qu’en raison du taux d’usure décalé, on assiste à un blocage des financements pour les acquéreurs.

    Les bobards du réchauffement climatique par l’homme : coût pour la France, plus de 10 milliards d’euros par an

    Le changement climatique existe depuis le début de la création de la planète Terre, il y a 4 milliards d’années. Il y a 10 000 ans, les glaciers du Pôle Nord s’étendaient jusqu’à l’Allemagne ! Le réchauffement a été une chance pour les Européens et une catastrophe pour le Sahara qui était verdoyant ! Le Spitzberg, île norvégienne, a connu un climat tropical plus chaud que celui de l’Afrique de nos jours ! Sous Louis XIV, la Seine et la Tamise gelaient en hiver !
    Le réchauffement ou refroidissement climatique est donc cyclique (soleil, lune, volcans, oscillations océaniques, cycles astronomiques de Miilankovic) au fil des siècles, des millénaires et des millions d’années ; il n’a que faire des agitations humaines sur la planète. Les Français doivent mettre fin aux mensonges de la nouvelle religion des bien-pensants, des écologistes, des médias et des Khmers verts !

    La folie des voitures électriques pour les beaux yeux des Chinois !

    Les technocrates idéologues Macron, von der Leyen et Cie veulent imposer les voitures électriques qui coûtent au minimum 10 000 euros de plus que les voitures thermiques. Ces véhicules sont peu autonomes et terriblement polluants en raison de la fabrication des batteries (extraction par des enfants dans des conditions abominables au Congo ou déplorables écologiquement en Amérique latine, Chine, lors de l’extraction de métaux rares tels que le cobalt, lithium, nickel dont les prix vont de plus s’envoler). Les batteries sont impossibles à recycler, sans oublier l’équipement insuffisant en bornes de rechargement (300 000 théoriquement pour la France en 2025). Il va falloir également produire des milliers de mégawatts nucléaires pour faire le plein des voitures électriques, alors que Macron et Cie depuis 20 ans, avec les écolos gauchistes, a tout fait pour casser les reins du nucléaire (Fessenheim aurait pu produire pendant encore 20 ans, l’ASN ayant donné son approbation).

    Économiser chaque année au moins 200 milliards d’euros du gaspillage actuel de 400 milliards d’euros d’argent public

    On peut estimer que la France gaspille chaque année allègrement d’une façon scandaleuse environ 400 milliards d’euros de la façon suivante : 83 milliards d’euros pour l’invasion migratoire souhaitée par Macron en vue de la disparition programmée des Français de souche européenne, 84 milliards d’euros pour le coût de la suradministration par rapport à la moyenne de l’OCDE (2 millions de fonctionnaires en trop), 50 milliards d’euros pour les retraites par rapport à un départ à 65 ans et en supprimant les régimes spéciaux, soit pour ces 3 premiers postes prioritaires, plus de 200 milliards d’euros d’économies potentielles .

    Viennent ensuite s’ajouter 200 milliards d’euros d’économies supplémentaires explicitées dans mon ouvrage : « Comment sauver la France/ Pour une Europe des nations avec la Russie » : la fraude sociale  d’environ 44 milliards d’euros pour les cotisations et les prestations, les subventions aux associations (42 milliards d’euros), le coût des subventions à la SNCF (17 milliards d’euros), les aides aux médias bien-pensants (5,6 milliards d’euros), les subventions aux syndicats idéologues et irresponsables (4 milliards d’euros), etc., ce qui représente en tout avec les dépenses mentionnées au paragraphe ci-dessus un total gaspillé tous les ans de 400 milliards d’euros.

    Si nous avions un bon gestionnaire patriote au lieu de Macron comme Président, il pourrait prétendre pendant un quinquennat redresser la France en économisant la moitié de ces 400 milliards d’euros d’argent public gaspillé, soit 200 milliards d’euros, c’est-à-dire 13,3 % de la totalité des dépenses publiques qui s’élèvent à environ 1500 milliards d’euros (dépenses sociales en plus du budget régalien de 300 milliards d’euros). Si la France, au lieu d’être gérée par des incapables avait été bien administrée avec ces 200 milliards d’euros d’économies tous les ans, comme sous de Gaulle et Pompidou, elle n’aurait que quelques immigrés extra-européens parfaitement intégrés sur son sol, pas de banlieues de non-droit, pas de dettes, des familles nombreuses européennes, moins d’impôts et de charges sociales, serait aussi riche et industrialisée que l’Allemagne car ayant pu investir dans des activités d’avenir, pas endettée, la nation la plus puissante d’Europe avec un budget militaire annuel de 3 % minimum du PIB !

    Un endettement public démentiel de 7 000 milliards d’euros, soit 100 000 euros par Français

    La dette publique française va bientôt atteindre avec la crise énergétique causée par l’imprévoyance nucléaire et la politique suicidaire des sanctions envers la Russie les 3 000 milliards d’euros (soit 40 000 euros par Français), mais si l’on ajoute les engagements hors bilan (retraites des fonctionnaires, garanties données par l’État français, etc.), la dette publique française s’élève effectivement à 7 000 milliards d’euros (soit 100 000 euros par Français).
    L’Agence de notation Fitch vient de confirmer la perspective « négative » de la note AA de la France et d’alerter sur la dette souveraine.

    Signes croissants de tensions sur les marchés et dans le système financier

    Selon Jamie Dimon, le président américain de JP Morgan, les craintes que les marchés soient proches de la rupture s’intensifient. Quant à Nouriel Roubini, « le Docteur réaliste » qui avait anticipé la crise de 2008, il prédit une crise de stagflation « pire » que celle des années 1970.

    Conclusion : Alors que le très courageux et très sain d’esprit Poutine est en train de restaurer victorieusement la puissance russe historique en Ukraine, nous sommes dirigés en France depuis de Gaulle et Pompidou par des incapables, des idéologues, des lâches, des irréalistes, des inconscients, des fous, des droit-de-l’hommistes, des progressistes qui se sont trompés de direction, des traîtres, dont le plus beau spécimen est Macron, ce technocrate inspecteur des Finances de l’ENA qui rêve seulement d’Europe fédérale et de mondialisme, s’exprime chaque fois que possible en anglo-américain, n’aime pas la France, n’a pas d’enfants. Macron a tout faux sur le plan sociétal, démographique, migratoire, sécuritaire, économique, géopolitique, après avoir tué délibérément la langue française à Bruxelles, où, malgré les traités, tout le monde parle maintenant l’anglo-américain, suite au coup d’État de madame von der Leyen, une Allemande francophone élevée à Bruxelles, nommée par ses soins à la tête de l’UE !

    Marc Rousset

    Auteur de « Comment sauver la France/ Pour une Europe des nations avec la Russie »  

  • Alignez-vous !, par Régis Debray.

    Source : https://www.marianne.net/

    Dans un texte fleuve d'une grande richesse, Régis Debray, auteur de "Civilisation. Comment nous sommes devenus américains", dresse le portrait de notre société qui, de l'importation des luttes antiracistes en "épidémie de mea-culpa", se métamorphose à la vitesse grand v en "régime d’américanité".

    Tournant en 1943, peu avant de mourir, ses yeux vers l’après-guerre, Simone Weil a dit sa crainte qu’une fois le danger hitlérien écarté, ne survienne « une américanisation de l’Europe qui préparerait sans doute une américanisation du globe terrestre ». Elle ajoutait que dans ce cas « l’humanité perdrait son passé ».

    2.jpgOn peut se demander si ce n’est pas la sujétion du globe à la loi du Capital, via le dollar, la world music et le Web, qui a rendu possible la mutation de l’ethos européen, mais peu importe la cause et l’effet, l’admirable Simone avait vu juste. Il n’y a plus lieu de craindre mais simplement de prendre acte que notre présent est désormais au standard, et notre passé (bien au-delà de quelques statues, mortelles comme nous tous) fort mal en point. Le processus séculaire d’absorption entamé en 1919 (avec l’arrivée à Paris du charleston et la version du Traité de Versailles en anglais exigée par le président Wilson, première entaille à la tradition séculaire du français comme langue officielle de la diplomatie) semble être parvenu non à ses fins, car n’ayant rien d’un complot, il n’en avait probablement pas, mais à sa conclusion historique.

    Marée montante

    La séquence américanisation achevée, nous sommes en mesure de jouir d’une américanité heureuse, devenue force tranquille et seconde nature. La romanisation de l’œkoumène entre le premier et le troisième siècle de notre ère – de la Tamise à l’Euphrate en passant par l’Afrique numide – n’a nullement pâti d’un Caligula ou d’un Héliogabale foldingue au Capitole. L’américanisation du monde occidental se moque d’un éphémère Père Ubu à la Maison-Blanche. L’écume politique est une chose, l’attraction de la lune et du soleil sur les us et coutumes en est une autre. Nous parlons ici non d’une loufoquerie passagère, mais des façons de vivre et de penser, de parler et de rêver, de protester et d’acquiescer. D’une marée montante et non d’une vaguelette au bassin des enfants.

    Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel.

    Un phénomène d’ordre et d’envergure anthropologique n’appelle pas plus de jugement de moralité, louange ou condamnation, qu’un solstice d’été ou d’hiver. Il a suscité, dès ses prodromes, chez quelques « nez » prémonitoires, l’intérêt d’un Valéry pour la fin d’un monde en 1945, ou encore l’étonnement d’un Jean Zay (le ministre du Front populaire assassiné par la milice en 1944) débarquant du Normandie à New York en 1939 et notant dans son Journal : « quand on quittait la vieille Europe aux nerfs malades, rongée de folie fratricide, pour aborder cette Amérique éclatante de jeunesse et de puissance créatrice, toute entière tournée vers l’avenir, on comprenait que l’axe de la civilisation se déplaçait peu à peu, pour finir par passer l’Atlantique avec les prochains clippers. » La translatio imperii et studiorum est un passage obligé du devenir historique, depuis Sumer et Babylone jusqu’à l’Angleterre de la reine Victoria et les États-Unis du président Wilson, la Chine attend son tour.

    formater les autres

    Chaque époque a son caput mundi, sa culture rectrice et directrice, sa civilisation la mieux dotée en capacité d’absorption et d’émission (l’une parce que l’autre), la plus apte, de ce fait, à irradier, informer, formater les autres, soit qu’elles aient vieilli, soit qu’elles peinent à naître. Les captations d’hégémonie, y compris picturale et musicale, épousent les rapports de force monétaires et militaires. Derrière Périclès, il y a l’hoplite, derrière Virgile, le légionnaire, derrière Saint-Thomas, le Chevalier, derrière Kipling, la Royal Navy et derrière Hollywood, la Silicon Valley et Marilyn Monroe, le billet vert et dix porte-avions. Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste. Rien de nouveau dans la ritournelle. Jérémiades inutiles. C’est la loi immémoriale du Devenir. Et nous avons assez d’orgueil, ou de pudeur, pour nous voiler la marque du remorqueur qui nous a pris dans son sillage en parlant de « mondialisation ». Dans le vague, l’honneur est sauf.

    Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste.

    Le succès d’une domination par le centre nerveux de la planète à tel ou tel moment se reconnaît à ceci qu’elle est intériorisée non comme une obligation mais comme une libération par les innervés et les énervés de la périphérie ; quand un nous exogène devient le on de l’indigène, sans marque de fabrique, sorti de nulle part et libre d’emploi. Quand M. Macron écoute La Marseillaise en mettant la main sur le cœur, quand M. Mélenchon met un genou à terre, quand Mme Hidalgo donne le plus bel emplacement parisien aux tulipes en bronze de Jeff Koons ou quand un dealer honore ses juges d’un « Votre honneur », ils n’ont pas tous conscience d’imiter qui que ce soit. Ils veulent être dans le ton.

    Quand le lycée Colbert de Thionville, région Grand-Est, se rebaptise, à l’initiative du président « républicain » de la région, Rosa Parks (ou tel autre, Angela Davis), c’est sans doute pour être smart, pour faire comme tout le monde mais c’est d’abord pour vivre avec son temps, parce qu’un monde est devenu le monde. Se rebaptiser, pour ce lycée, Toussaint Louverture, Pierre Vidal-Naquet (qui mériterait le Panthéon) ou bien Sonthonax, le jacobin qui fut l’initiateur de l’abolition de l’esclavage en 1793 (ou pour un autre, Che Guevara), eut été contre-nature. Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel. Quand les journaux de notre start-up nation cessent de mettre en italiques running, cluster, prime time, ou mille autres scies de notre globish quotidien.

    métamorphose

    Au terme de trois siècles de romanisation, les « Barbares » ont envahi la botte italienne par amour, pour devenir enfin de vrais romains. Le souci des Pères conscrits du Mont Palatin était de freiner ce désir unanime d’assimilation, comme celui de Washington, à présent, d’empêcher les « Barbares » immigrés de devenir Américains, avec un mur au Texas et des rafles ailleurs. Ils ont peut-être tort de regarder seulement vers le Sud, en négligeant leur Occident. Après seulement cinquante ans de séries US à la télé, de Débarquement chaque soir en Normandie et de Young Leaders aux postes de commande, nos traders, nos managers, nos spin-doctors rêvent eux aussi de pouvoir s’installer à Manhattan, tout comme les membres du groupe « Sexion d’assaut » (la France est le pays où le rap, la musique la plus vendue au monde, est le plus écouté), tout comme les fans de Heavy Metal de Clisson, notre Rock City.

    Avec « l’accélération de l’histoire », les délais de la translation d’axe ont raccourci. Il a fallu quatre ou cinq siècles à la Grèce pour devenir romaine (de la mort d’Alexandre à la mort de Philpœmen, « le dernier des Grecs »). Trois siècles pour transformer la romanité en chrétienté. Un siècle à la grand-mère des arts, des armes et des lois pour assimiler les normes et réflexes de l’hyperpuissance, mais comparaison est à demi-raison. Le Grec vaincu a donné pour une très longue durée sa langue aux élites victorieuses. On ne sache pas que les Marc-Aurèle de la Maison Blanche méditent dans la langue de Molière, mais la French theory, les Foucault et Baudrillard, ont trouvé bon accueil dans les universités de pointe du XXe siècle (moyennant de sérieux contresens), tout comme la physique épicurienne et la morale stoïcienne, Zénon de Cittium et Chrysippe sous les portiques romains les plus huppés du IIIe siècle.

    classer les individus d’après leur « race » ?

    Il y a une originalité dans la présente phagocytose. On procédait jusqu’ici, dans tous les cas de figure (y compris, quoi qu’on ait dit du rôle des femmes et des esclaves dans la métamorphose du Romain en chrétien), du fort au faible, des centres vers les marges. La règle du jeu, pour nous, les contemporains, c’eut été qu’Homo œconimicus pour nous convertir à ses vues et ses valeurs, nous délègue ses meilleurs éléments, le haut du panier (disons, pardon pour le prosaïsme, ses Alain Minc, BHL ou Moscovici). Généralement, il y a de la résistance au nouveau, chez les retardataires. Ici, en France, c’est l’enthousiasme qui frappe. Homo academicus, réputé jadis anticonformiste, en rajoute dans le mimétisme avec nos gender et cultural studies, et fait de nos campus des annexes de Harvard ou Stanford.

    Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal.

    La protestation antisystème s’exprime, chez les plus radicaux, dans les termes du système central, où le fin du fin consiste à classer les individus d’après leur « race », leur sexe, leur handicap physique ou leur provenance, une manie jusqu’ici réservée, dans nos provinces reculées, à l’extrême-droite. Maurras a remplacé Jaurès. Montaigne avait raison : l’histoire est une branloire pérenne. Et peu importe aux esprits avancés si la « diversité » peut servir d’alibi au maintien des inégalités économiques, conformément au nouvel esprit du capitalisme. Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal. Et peu importe si au jeu des minorités, tournant le dos à l’idée d’une même citoyenneté pour tous, le petit Blanc majoritaire, misogyne, homophobe et raciste, ne tardera pas à se poser en minorité victimisée, et à sortir, pour nous culpabiliser, une Tea Party de sa poche.

    mise aux normes

    « L’Europe, disait Valéry dès 1930, aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine, tant sa politique s’y dirige ». Il ne pouvait prévoir que cette Commission serait en fait, cinquante ans plus tard, installée à Bruxelles, siège du quartier général de l’Otan, pour faire respecter les règles de la concurrence libre et non faussée entre les pays et les individus aussi, les desiderata des lobbies et la privatisation des services publics. Ce que nous, nous n’avions pas prévu, c’est que la mise aux normes s’avère aussi irrésistible dans les marges et chez les opprimés que dans le centre-ville et chez les grands patrons. Que la langue du maître – Black lives matter – devienne, sans traduction, celle de l’esclave, et son drapeau aussi. Aux États-Unis, beaucoup de manifestants, Noirs et Blancs réunis, brandissent le drapeau étoilé parce qu’ils sont fiers de leur pays auquel ils demandent d’être fidèle à ses valeurs proclamées. Ils ont encore en tête et dans leur cœur l’Amérique de Roosevelt, si chère à mon ami Stéphane Hessel auquel elle donnait toujours espoir, mais qui m’eût sans doute fait remarquer, s’il était vivant, qu’au moment où George Floyd était ignoblement asphyxié, un handicapé palestinien sur sa chaise roulante seul dans une rue de Jérusalem, était tué par balle, ce qui n’a ému personne en France. Il s’en serait, lui, ému mais sans illusion, car il est dans l’ordre des choses que ce qui se passe à New York fasse un gros titre à Paris, mais que ce qui se passe à Paris, à peine un entrefilet à New York.

    On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile.

    Il y a une géopolitique à la verticale des événements, des mots et des images ; le haut déverse les siens vers le bas, ceux des contrebas ne remontent pas. On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile. Martin Luther King a mené son combat en tant que Noir et en tant que patriote, indissolublement. Là est la différence entre un centre qui aspire et des pourtours qui s’inspirent. C’est comme si, chez nous, Spartacus se dressait contre son ennemi Cassius, le consul romain, avec les codes, les images et les enseignes de Cassius (qui fera crucifier 6000 révoltés le long de la route). Les voies de la suprématie – en l’occurrence de la Manifest Destiny – sont décidément impénétrables, encore que l’Ambassade US à Paris sait donner des coups de pouce à la divine Providence en allant recruter dans les banlieues, pour des camps d’été décoloniaux et des séminaires de formation à l’antiracisme en métropole, tous frais payés. Le Nord ne perd pas le nord. Il veille à son image et à l’avenir en draguant côté Sud. Le contrôle préventif des éléments possiblement contestataires témoigne d’un remarquable sens stratégique.

    Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page.

    Le mode de domination du XXIe siècle n’est plus militaire (sauf en cas d’urgence, au Moyen-Orient ou en Amérique latine), mais culturel. Préventif et non répressif. Surveillance en amont des communications et formatage des mentalités (les GAFA). L’imprégnation visuelle, en vidéosphère, est décisive. Aucun médiologue ne peut s’étonner de voir Minneapolis à Paris, et le Bronx dans le quartier des Grésilles, à Dijon. L’Est européen fut jadis kidnappé par l’Empire des Soviets ; l’Ouest européen est médusé par l’empire des images. Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page. Elle le fait sur l’instant, en live, ce qui est irrésistible, et réduit encore plus les frais de transport et de traduction. Là où il a fallu trois décennies pour importer le identity politics (expression forgée en 1977 par des Afro-Américains), encore une dizaine d’années pour déployer à Paris la Gay Pride (inaugurée à New York en 1979), mais seulement un mois pour traduire le #metoo en #balancetonporc, c’est à présent en 24 heures que nous sont fournis le slogan et le geste qui s’imposent. Nos maîtres et magistères locaux sont ainsi pris à revers par les outils de leur maîtrise, le clip, le spot, les flashes et les news en direct. Inversion du jour et de la nuit.

    Les people confisquaient la visibilité sociale à leur profit – à eux le buzz et les caméras –, et voilà que les paumés jusqu’ici invisibles, ont trouvé, en surdoués du visuel, les moyens de la voyance, et l’art de passer au journal de 20 h, avec le show-biz en garant. Les gilets jaunes et les peaux noires, les femmes à la maison et les aides-soignants, les livreurs de pizza et les derniers de cordée, les réfugiés et les sans-papiers avec leur smartphone en poche, retournent l’impolitesse aux premiers de cordée. Vous gouvernez en mode image ? Nous nous soulevons en mode image. Un prêté pour un rendu. Chapeau.

    Épidémie de mea-culpa

    C’est l’intelligence des exclus. Quand une nation a été construite par un État et que l’État démissionne, la nation se disloque. Plus de peuple mais des populations, c’est-à-dire des communautés, c’est-à-dire des clientèles. Les ex-colonisés, victimes de violences policières, sont alors fondés à se mettre sur les rangs, et à réclamer le respect dû autant à leurs épreuves actuelles qu’aux souffrances ancestrales, blessures inscrites au fond de l’âme des descendants d’esclaves. L’Élysée et Matignon vont avoir un agenda chargé, ironiserait un chroniqueur un peu cynique. Déjà requis par le CRIF pour s’asseoir sur la sellette et rendre des comptes aux représentants officiels de la communauté, nos gouvernants doivent désormais prévoir, outre l’assistance déjà obligatoire au Nouvel an chinois et à la rupture du jeûne, le dîner du CRAN (conseil représentatif des associations noires), celui du CFCM (conseil français du culte musulman), celui du CCOAF (conseil de coordination des organisations arméniennes de France), celui du CNEF (conseil national des évangéliques de France), en attendant les Manouches et les Tchétchènes en voie d’organisation. Épidémie de mea-culpa. Les communautés vont-elles faire la chaîne ? Du online shaming en perspective (en patois, du pain sur la planche).

    C’est le

  • Dans notre Éphéméride de ce jour..

    Écu de Robert de Clermont, aux origines de la Maison de Bourbon

     

    1317 : Mort de Robert de Clermont, aux origines de la 3ème maison de Bourbon, aujourd'hui Famille de France 

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonPendant plusieurs siècles, le titre de Maison de Bourbon fut porté par celles et ceux qui possédaient la seigneurie de Bourbon l'Archambault et du Bourbonnais, ensuite appelée Duché de Bourbon, dans le nord de l'Auvergne, coeur de l'ancienne province du Bourbonnais.

    Il y eut d'abord deux premières familles de Bourbon, qui s'éteignirent assez rapidement et n'eurent jamais une grande importance, avant que le titre de sire de Bourbon n'entrât dans la famille des Capétiens directs, par le mariage de Robert de Clermont avec Béatrice de Bourgogne, dernière héritière de la deuxième famille propriétaire du duché :

    la première famille de Bourbon, qui s'éteignit du côté des mâles en 1171, puis du côté des femmes en 1216; par le mariage de la dernière descendante de cette famille, Mahaut de Bourbon, avec Guy de Dampierre, la seigneurie de Bourbon passa à une branche de la famille de Dampierre, en 1196;

    • fondant la deuxième famille de Bourbon, le fils de Guy de Dampierre et de Mahaut de Bourbon, Archambaud VIII, ajouta le nom (et les armes) de sa mère à ceux de son père; mais cette Maison de Bourbon-Dampierre s'éteignit à son tour assez rapidement : du côté des mâles, en 1249 puis, du côté des femmes vers 1287. Par le mariage de la dernière héritière de cette famille, Agnès de Bourbon-Dampierre (morte vers 1287), avec Jean de Bourgogne, la seigneurie de Bourbon passa à leur unique enfant, leur fille Béatrice de Bourgogne. C'est cette dernière qui fit entrer le nom et titre de "Bourbon" dans la famille capétienne;

    • fondateur, par son mariage avec Béatrice de Bourgogne, de la 3ème famille de Bourbon, Robert de Clermont était le dixième et avant-dernier des onze enfants de Louis IX (futur saint Louis) et Marguerite de Provence), et leur sixième et dernier garçon; il fut reconnu sire de Bourbon en 1283, possédant la terre de Bourbon par "le droit de la femme" ("de jure uxoris").

    Cette troisième Maison de Bourbon accédera au trône de Navarre en 1555, puis au trône de France en 1589, avec Henri IV.

    La famille que fonda Robert de Clermont est donc ainsi, aujourd'hui encore, la Famille de France, et elle essaima également à l'étranger : Espagne, Parme, Naples (ou Sicile), et - par les femmes, et le jeu des alliances matrimoniales - Belgique, Luxembourg, Brésil... 

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon

    Forteresse de Bourbon l'Archambault :

    http://www.forteressebourbon.fr/

     

    Des origines à nos jours : de l'humble seigneurie de Bourbon à la Famille de France...

     

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDans leur acharnement "rattachiste", les plus enragés des généalogistes pensent pouvoir faire remonter la famille de Bourbon à... Childebrand, frère cadet de Charles Martel (c'est-à-dire à la première moitié du VIIIème siècle) ! Laissons les chercheurs chercher, et tenons-nous en à ce qui est avéré : comme l'écrit Michel Mourre : "Le premier membre de la famille connue dans l'Histoire est Adhémar, sire de Bourbon (début XIème siècle)". Pour le reste, pas grand-chose de réelle importance, jusqu'à la date de 1272 : cette année-là - comme on l'a vu plus haut - alors que la maison n'a plus d'héritiers mâles, la dernière représentante de la lignée, Béatrix de Bourbon, seule et unique héritière du nom et des biens, épouse Robert de Clermont, le dernier garçon du roi Louis IX et de son épouse, Marguerite de Provence.

    (Illustration : "d'azur semé de fleurs de lys d'or et à la bande de gueules", les armoiries du Bourbonnais sont celles de Robert de Clermont, qui a brisé les lys de France en ajoutant une bande de gueules.)

    Toujours de Michel Mourre : "De ce mariage naquit Louis, premier duc de Bourbon (1327), qui mourut en 1341 en laissant deux fils : Pierre 1er, sire de Bourbon, et Jacques, comte de la Marche, qui furent la tige de deux branches" :

    1 : la branche aînée, fondée par Pierre 1er, dura environ deux siècles, et s'éteignit, faute de postérité, avec Suzanne de Bourbon, épouse de son cousin Charles, mort en 1527, le couple n'ayant pas eu d'enfant. Un membre de cette branche fut tué au désastre de Poitiers; sa fille épousa le roi Charles V; un autre membre de cette branche combattit les Anglais avec du Guesclin; un autre, fait prisonniers lors du désastre d'Azincourt, mourut, captif, à Londres; le membre le plus important de cette branche fut peut-être Pierre II : sire de Beaujeu, il épousa Anne, fille du roi Louis XI, et, à ce titre participa à l'excellente régence qu'exerça, pour le plus grand bien de la France, son épouse Anne de Beaujeu. C'est ce couple qui n'eut qu'une fille, Suzanne (voir plus haut), laquelle épousa son cousin Charles mais n'eut pas de postérité, ce qui marqua, donc, après deux siècles, l'extinction de la branche aînée...

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyon2 : la branche cadette : à la différence de celle que fonda son frère Pierre, et qui ne dura que deux siècles, la deuxième branche de Bourbon fondée par Jacques, comte de la Marche - le deuxième enfant du premier duc de Bourbon, Louis premier - s'est perpétuée jusqu'à nos jours, atteignant la puissance et la grandeur que l'on sait, et débordant même très largement le cadre du seul territoire national.

    C'est dans cette branche que naquit - et mourut sans héritier - le Connétable de Bourbon (ci contre), qui devait trahir François premier et la France : après avoir largement contribué à la victoire de Marignan, le Connétable s'allia à Charles Quint et Henri VIII, fut le principal artisan de la victoire de nos ennemis à Pavie, et envahit la Provence, qu'il avait conquise presque entière lorsqu'il échoua devant Marseille (voir l'Éphéméride du 19 août); il se retira alors, mais en désordre, en Italie, et trouva une fin sans gloire dans Rome, alors qu'il mettait à sac la Ville éternelle... (sur la trahison du Connétable de Bourbon, voir l'Éphéméride du 18 juillet)...

    À la mort - sans héritier - de l'ex-Connétable (en 1527), Charles de Bourbon (1489-1537) devint chef de toute la Maison : François 1er le titra duc de Vendôme.

    C'est à partir de ce moment-là que les choses s'accélérèrent, pour la Maison de Bourbon, et que la roue de l'Histoire se mit à tourner, de plus en plus vite, en sa faveur.

    7 fevrier,françois premier,le havre,normandie,salamandre,henri iv,lyonDix-huit ans à peine après la mort de Charles, Antoine de Bourbon, par son mariage avec Jeanne d'Albret, devint roi de Navarre (1555). Le mariage fut, d'abord, très heureux, et les époux eurent un premier fils, qui vécût très peu, puis un second, qu'ils appelèrent Henri. Peu à peu, cependant, les liens se distendirent dans le couple : de fait, Antoine de Bourbon était roi de Navarre par sa femme (devenue Jeanne III à la mort de son père, la "loi salique" n'existant pas en Navarre) qui détenait donc le pouvoir réel, lui-même n'étant que le prince consort; ensuite, la France étant entrée dans l'épisode tragique des Guerres de religion, la rupture fut définitivement consommée lorsque Jeanne choisit la réforme, Antoine restant fidèle au catholicisme...

    Mais Henri de Navarre était né, au château de Pau, et sous un jour favorable, malgré les épreuves qu'il eut à subir. D'abord, à la différence de son père, il fut pendant quelques années, à la mort de sa mère, roi véritable de Navarre, et non roi nominal ou roi consort, sous le nom de Henri III de Navarre. Ensuite, le fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, devait devenir roi de France, cette fois sous le nom d'Henri IV, après l'assassinat d'Henri III de France en 1589 (et c'est pourquoi on l'appellera "Roi de France et de Navarre") : voir l'Éphéméride du 2 août...

    Cette année-là, pour les Valois, se reproduisit exactement le même scénario qui avait mis fin à la branche des capétiens directs : de même qu'après Philippe le Bel ses trois fils lui succédèrent l'un après l'autre sans descendance, de même les trois fils de Henri II - François II, Charles IX et Henri III - régnèrent à tour de rôle, sans postérité. Même éloigné, le parent qui se rapprochait le plus du dévoué Henri III était... le descendant du sixième et dernier garçon de Saint Louis : Henri de Navarre...

    Ainsi donc, si, durant cinq siècles, le nom et titre de Bourbon ne fut jamais attaché à une grande prospérité, il devait, en cinquante-deux ans et comme d'un coup, atteindre les sommets...

    Henri IV fut le père de Louis XIII, lui-même père de deux garçons : Louis (le futur Louis XIV) et son frère Philippe, titré du beau nom historique - et qui éveille tant de grands souvenirs de notre roman national... - de duc d'Orléans.

    C'est de ce frère de Louis XIV, fils de Louis XIII et petit-fils d'Henri IV, que descendent les représentants actuels de notre Famille de FranceJean, comte de Paris et son fils Gaston Dauphin, de France... (pour l'histoire plus détaillée de la branche d'Orléans, voir l'Éphéméride du 21 septembre).

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    Du sixième fils de Saint Louis à nos jours : le défunt Comte de Paris (à gauche) et l'actuel, le prince Jean, à droite, le prince Gaston dans ses bras : huit siècles d'Histoire de France qui se perpétuent...

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    Le prince Jean, Comte de Paris, à droite, à côté de son fils le prince Gaston, Dauphin de France, devant l'une des cheminées du château d'Amboise

     

    À propos de la Navarre, de ses Armes et de l'expression "Roi de France et de Navarre"...

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     "de gueules aux chaînes d'or posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d'une émeraude au naturel"

    L'écu de Navarre se rattache aux armoiries que le roi navarrais Sanche VII le Fort adopta après l'immense victoire de Las Navas de Tolosa (près de Jaén, en Andalousie), remportée sur l'Islam par la chrétienté de l'Europe toute entière, venue au secours des Espagnols menacés d'être écrasés par la puissante invasion des Almohades, venus d'Afrique du Nord et de Mauritanie. C'était en 1212, un an avant la bataille de Muret (décisive pour le Royaume de France, car elle ouvrait la voie à une réunion prochaine des provinces du Sud-Ouest à la Couronne...), et deux ans avant la non moins décisive journée de Bouvines, dont on sait l'importance capitale...

    Lors de cette bataille de Las Navas de Tolosa, des chaînes défendaient la tente du sultan musulman Miramamolin, entouré (dit-on...) d'une garde personnelle de dix mille noirs farouches... Imité par les chevaliers chrétiens - qui puisaient leur énergie furieuse dans la parfaite connaissance du fait que l'issue du combat ne pouvait être que la mort ou la libération de l'Espagne chrétienne - l'une et l'autre définitives... - Sanche le Fort rompit les chaînes du camp retranché de Miramamolin avec sa propre épée. Le sultan vaincu portait (là-aussi, dit-on...) une émeraude verte sur son turban : elle figure au centre du blason...

    De Michel Mourre : "...Le royaume de Navarre se constitue obscurément vers 830 et entre dans l'histoire avec Sanche 1er Garcia ( 905/925). Sous le règne de Sanche III le Grand (1000/1035) la Navarre s'étendit des Pyrénées vers le sud jusqu'à Tudela, sur l'Èbre supérieur, et au-delà des Pyrénées sur la région de Saint-Jean-Pied-de-Port (qui signifie "au pied du col, de la montagne, ndlr), qu'on appellera plus tard Basse Navarre ou Navarre française. Après Sanche IV, la Navarre se réunit à l'Aragon (1076/1134), puis redevint un royaume séparé. En 1234 la couronne passa à Thibaut de Champagne, fils de l'héritière de Navarre et fondateur de la dynastie champenoise dont la dernière descendante Jeanne 1er, reine de Navarre, épousa en 1234 Philippe le Bel. La Navarre se trouva ainsi réunie à la France jusqu'en 1328; à cette date, Jeanne, fille de Louis le Hutin, et petite-fille de Philippe le Bel, exclue du trône de France par la loi salique, garda la Navarre. Celle-ci passa successivement par mariages aux comtes d'Évreux (1329), à Jean II d'Aragon (1425), aux comtes de Foix (1479), enfin à la maison d'Albret (1484). Mais en 1512 Ferdinand le catholique enleva à Henri II d'Albret toute la haute Navarre, restée depuis à l'Espagne. La maison d'Albret ne conserva plus que la basse Navarre, située au nord des Pyrénées. À la suite du mariage de Jeanne III d'Albret et d'Antoine de Bourbon, la Navarre passa à la maison de Bourbon, et Henri III de Bourbon, roi de Navarre, devenu roi de France en 1589, réunit définitivement la basse Navarre à la France...."

  • GRANDS TEXTES (21) : Amis ou Ennemis ?, de Charles Maurras.

    (Texte paru pour la première fois le 23 septembre 1901 dans la Gazette de France, puis repris en 1931 dans le recueil Principes, en 1937 dans Mes idées politiques, et enfin dans les Œuvres capitales).

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    Les philosophes traditionnels refusent constamment de parler des hommes autrement que réunis en société. Il n'y a pas de solitaire. Un Robinson lui-même était poursuivi et soutenu dans son île par les résultats innombrables du travail immémorial de l'humanité. L'ermite en son désert, le stylite sur sa colonne ont beau s'isoler et se retrancher, ils bénéficient l'un et l'autre des richesses spirituelles accumulées par leurs prédécesseurs ; si réduit que soit leur aliment ou leur vêtement, c'est encore à l'activité des hommes qu'ils le doivent. Absolument seuls, ils mourraient sans laisser de trace. Ainsi l'exige une loi profonde, qui, si elle est encore assez mal connue et formulée, s'impose à notre espèce d'une façon aussi rigoureuse que la chute aux corps pesants quand ils perdent leur point d'appui, ou que l'ébullition à l'eau quand on l'échauffe de cent degrés.

     

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    Saint Siméon le stylite

               

     

    L'homme est un animal politique (c'est-à-dire, dans le mauvais langage moderne, un animal social), observait Aristote au quatrième siècle d'avant notre ère. L'homme est un animal qui forme des sociétés ou, comme il disait, des cités, et les cités qu'il forme sont établies sur l'amitié. Aristote croyait en effet que l'homme, d'une façon générale et quand toutes choses sont égales d'ailleurs, a toujours retiré un plaisir naturel de la vue et du commerce de son semblable. Tous les instincts de sympathie et de fréquentation, le goût du foyer et de la place publique, le langage, les raffinements séculaires de la conversation devaient sembler inexplicables si l'on n'admettait au point de départ l'amitié naturelle de l'homme pour l'homme.

     

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    Aristote: L'Homme est un animal social...

               

     

    — Voilà, devait se dire ce grand observateur de la nature entière, voilà des hommes qui mangent et qui boivent ensemble. Ils se sont recherchés, invités pour manger et boire, et il est manifeste que le plaisir de la compagnie décuple la joie de chacun. Cet enfant-ci s'amuse, mais il ne joue vraiment que si on lui permet des compagnons de jeux. Il faut une grande passion comme l'avarice ou l'amour pour arracher de l'homme le goût de la société. Encore son visage porte-t-il la trace des privations et des combats qu'il s'est infligés de la sorte. Les routes sont devenues sûres ; cependant les charretiers s'attendent les uns les autres pour cheminer de concert, et ce plaisir de tromper ensemble l'ennui est si vif que l'un en néglige le souci de son attelage, l'autre l'heure de son marché. La dernière activité des vieillards dont l'âge est révolu est d'aller s'asseoir en troupe au soleil pour se redire chaque jour les mêmes paroles oiseuses. Tels sont les hommes dans toutes les conditions. Mais que dire des femmes ? Leur exemple est cependant le plus merveilleux car toutes se détestent et passent leur vie entière à se rechercher. Ainsi le goût de vivre ensemble est chez elles plus fort que cet esprit de rivalité qui naît de l'amour.

    Les pessimistes de tous les temps ont souvent contesté à Aristote son principe. Mais tout ce qu'ils ont dit et pensé a été résumé, vingt siècles après Aristote, par l'ami et le maître de Charles II Stuart, l'auteur de Léviathan, le théoricien de la Monarchie absolue, cet illustre Hobbes auquel M. Jules Lemaître aime trop à faire remonter les idées de M. Paul Bourget et les miennes sur le caractère et l'essence de la royauté.

     

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    Thomas Hobbes

               

     

    Hobbes a devancé les modernes théoriciens de la concurrence vitale et de la prédominance du plus fort. Il a posé en principe que l'homme naît ennemi de l'homme, et cette inimitié est résumée par lui dans l'inoubliable formule : l'homme est à l'homme comme un loup. L'histoire universelle, l'observation contemporaine fournissent un si grand nombre de vérifications apparentes de ce principe qu'il est presque inutile de les montrer.

    — Mais, dit quelqu'un, Hobbes est un pessimiste bien modéré ! Il n'a point l'air de se douter qu'il charge d'une calomnie affreuse l'espèce des loups lorsqu'il ose la comparer à l'espèce des hommes. Ignore-t-il donc que les loups, comme dit le proverbe, ne se mangent jamais entre eux ? Et l'homme ne fait que cela. 

    L'homme mange l'homme sans cesse. Il ne mange que de l'homme. L'anthropophagie apparaît aux esprits superficiels un caractère particulier à quelques peuplades, aussi lointaines que sauvages, et qui décroît de jour en jour. Quel aveuglement ! L'anthropophagie ne décroît ni ne disparaît, mais se transforme.

    Nous ne mangeons plus de la chair humaine, nous mangeons du travail humain. À la réserve de l'air que nous respirons, y a-t-il un seul élément que nous empruntions à la nature et qui n'ait été arrosé au préalable de sueur humaine et de pleurs humains ? C'est seulement à la campagne que l'on peut s'approcher d'un ruisseau naturel ou d'une source naturelle et boire l'eau du ciel telle que notre terre l'a distillée dans ses antres et ses rochers. Le plus sobre des citadins, celui qui ne boit que de l'eau, commence à exiger d'une eau particulière, mise en bouteille, cachetée, transportée et ainsi témoignant du même effort humain que le plus précieux élixir. L'eau potable des villes y est d'ailleurs conduite à grands frais de captation et de canalisation. Retournez aux champs, cueillez-y une grappe ou un fruit ; non seulement l'arbre ou la souche a exigé de longues cultures, mais sa tige n'est point à l'état naturel, elle a été greffée, une longue suite de greffages indéfinis ont encore transformé, souvent amélioré, le bourgeon greffeur. La semence elle-même, par les sélections dont elle fut l'objet, porte dans son mystère un capital d'effort humain. En mordant la pulpe du fruit, vous mordez une fois encore au travail de l'homme.

     

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    "Existe-t-il une poésie des paysages lunaires ? - demande, ingénument, Jacques Bainville -. Si elle existe, elle est bien pauvre...".
    C'est, en effet, en grande partie, l'Homme qui fait et qui a fait la beauté de la Nature, de la Création qui lui fut confiée...

               

     

    Je n'ai pas à énumérer toutes les races d'animaux qui ont été apprivoisées, domestiquées, humanisées, pour fournir à la nourriture ou au vêtement des humains. Observez cependant que ces ressources qui ne sont pas naturelles doivent recevoir un second genre d'apprêt, un nouveau degré d'humanisation (pardon du barbarisme) pour obtenir l'honneur de nous être ingérées. Il ne suffit pas de tondre la laine des brebis, il faut que cette laine soit tissée de la main diligente de la ménagère ou de la servante. Il ne suffit pas d'abattre la viande, ou de la découper ; c'est une nécessité universelle de la soumettre au feu avant de la dévorer : travail humain, travail humain. On retrouve partout cet intermédiaire entre la nature et nos corps.

    Non, les loups ne se mangent pas de cette manière ! Et c'est parce que le loup ne mange pas le travail du loup qu'il est si rarement conduit à faire au loup cette guerre qui est de nécessité chez les hommes. Le loup trouve dans la nature environnante ce que l'homme est forcé de demander à l'homme. La nature est immense, ses ressources sont infinies ; le loup peut l'appeler sa mère et sa bonne nourrice. Mais les produits manufacturés, les produits humanisés, ceux que l'homme appelle ses biens, sont en nombre relativement très petit ; de là, entre hommes, une rivalité, une concurrence fatales. Le festin est étroit ; tout convive nouveau sera regardé de travers, comme il verra d'un mauvais œil les personnes déjà assises.

    Mais l'homme qui survient n'apparaît pas à l'homme qui possède déjà comme un simple consommateur dont l'appétit est redoutable ; c'est aussi un être de proie, un conquérant éventuel. Produire, fabriquer soi-même est sans doute un moyen de vivre, mais il est un autre moyen, c'est ravir les produits de la fabrication, soit par ruse, soit par violence. L'homme y a souvent intérêt, en voici un grand témoignage : la plupart de ceux qui ne sont ni voleurs ni brigands passent leur vie à craindre d'être brigandés ou volés. Preuve assurée que leur réflexion personnelle, leur expérience, la tradition et la mémoire héréditaire s'accordent à marquer l'énergie toujours subsistante des instincts de rapine et de fraude. Nous avons le génie de la conquête dans le sang.

     

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    Homo homini lupus 
    Proverbe latin populaire rapporté par Plaute (184 après JC) dans son Asinaria, et repris par Hobbes ("Man is a wolf to man")
     dans son "De cive, Epistola dedicatoria".
     
     
     
     
               
    L'homme ne peut voir l'homme sans l'imaginer aussitôt comme conquérant ou conquis, comme exploiteur ou exploité, comme victorieux ou vaincu, et, enfin, pour tout dire d'un mot, comme ennemi. Aristote a beau dire que l'homme est social ; il ne serait pas social s'il n'était industrieux, et les fruits de son industrie lui sont si nécessaires ou si beaux qu'il ne peut les montrer sans être maintes fois obligé de courir aux armes. La défense de ces biens ou leur pillerie, c'est toute l'histoire du monde.

    Il y a une grande part de vérité dans le discours des pessimistes qui enchérissent de la sorte sur Hobbes et sur les siens. Je voudrais qu'on se résignât à admettre comme certain tout ce qu'ils disent et qu'on ne craignît point d'enseigner qu'en effet l'homme pour l'homme est plus qu'un loup ; mais à la condition de corriger l'aphorisme en y ajoutant cet aphorisme nouveau, et de vérité tout aussi rigoureuse, que pour l'homme, l'homme est un dieu.

    Oui, l'industrie explique la concurrence et la rivalité féroces développées entre les hommes. Mais l'industrie explique également leurs concordances et leurs amitiés. Lorsque Robinson découvrit, pour la première fois, la trace d'un pied nu, imprimée sur le sable, il eut un sentiment d'effroi, en se disant selon la manière de Hobbes : « Voilà celui qui mangera tout mon bien, et qui me mangera… » Quand il eut découvert le faible Vendredi, pauvre sauvage inoffensif, il se dit : « Voilà mon collaborateur, mon client et mon protégé. Je n'ai rien à craindre de lui. Il peut tout attendre de moi. Je l'utiliserai.… »

    Et Vendredi devient utile à Robinson, qui le plie aux emplois et aux travaux les plus variés. En peu de temps, le nouvel habitant de l'île rend des services infiniment supérieurs à tous les frais matériels de son entretien. La richesse de l'ancien solitaire se multiplie par la coopération, et lui-même est sauvé des deux suggestions du désert, la frénésie mystique ou l'abrutissement. L'un par l'autre, ils s'élèvent donc et, si l'on peut ainsi dire, se civilisent.

     

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    Le cas de Robinson est trop particulier, trop privilégié, pour qu'on en fasse jamais le point de départ d'une théorie de la société. La grande faute des systèmes parus au dix-huitième siècle a été de raisonner sur des cas pareils. Nous savons que, pour nous rendre compte du mécanisme social, il le faut observer dans son élément primitif et qui a toujours été la famille. Mais c'est l'industrie, la nécessité de l'industrie qui a fixé la famille et qui l'a rendue permanente. En recevant les fils et les filles que lui donnait sa femme, l'homme sentait jouer en lui les mêmes instincts observés tout à l'heure dans le cœur de Robinson: « Voilà des collaborateurs, des clients et des protégés. Je n'ai rien à craindre d'eux. Ils peuvent tout attendre de moi. Et le bienfait me fera du bien à moi-même. » Au fur et à mesure que croissait sa famille, le père observait que sa puissance augmentait aussi, et sa force, et tous ses moyens de transformer autour de lui la riche, sauvage et redoutable Nature ou de défendre ses produits contre d'autres hommes.

    Observez, je vous prie, que c'est entre des êtres de condition inégale que paraît toujours se constituer la société primitive. Rousseau croyait que cette inégalité résultait des civilisations. C'est tout le contraire ! La société, la civilisation est née de l'inégalité. Aucune civilisation, aucune société ne serait sortie d'êtres égaux entre eux. Des égaux véritables placés dans des conditions égales ou même simplement analogues se seraient presque fatalement entre-tués. Mais qu'un homme donne la vie, ou la sécurité, ou la santé à un autre homme, voilà des relations sociales possibles, le premier utilisant et, pourquoi ne pas dire « exploitant » un capital qu'il a créé, sauvé ou reconstitué, le second entraîné par l'intérêt bien entendu, par l'amour filial, par la reconnaissance à trouver cette exploitation agréable, ou utile, ou tolérable.

     

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    La Civilisation créerait l'inégalité ? C'est tout le contraire:
  • GRANDS TEXTES (24) : Politique naturelle et politique sacrée, par Charles Maurras

    (Ce texte est tiré de l'Introduction générale à l'ouvrage intitulé Le Bienheureux Pie X, Sauveur de la France, Plon, éditeur, Paris 1953).

               

    On ne croit pas être contredit par personne de renseigné si l'on juge que la politique catholique pose toute entière sur le mot de Saint Paul que tout pouvoir vient de Dieu, OMNIS POTESTAS A DEO. La légitimation du pouvoir ne peut venir que de Dieu.

    Mais, dans le même domaine catholique, ce pouvoir divin est entendu d'au moins trois manières et vu sous trois aspects.

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    Christ pantocrator,
    Basilique Saint Paul hors les murs, Rome;
    Mosaïque de l'abside

    Il est d'abord conçu comme l'expression de volontés particulières impénétrables, insondables, décrets nominatifs qui ne fournissent pas leurs raisons, qui n'en n'invoquent pas non plus: choix des hommes providentiels, les César, les Constantin, les Alexandre, vocation des peuples, libre et souveraine grâce accordée ou refusée, profondeur et sublimité que l'on constate sans avoir à les expliquer ni à les commenter. Une volonté divine toute pure s'y donne cours (O altitudo !) qui provoque la gloire et l'adoration. 

    Secondement, l'exercice ou le spectacle de ces volontés suprêmes peut devenir, pour l'esprit ou le coeur de l'homme, un thème d'instruction, de moralisation et d'édification, tantôt pour étonner l'orgueil ou honorer l'humilité, tantôt pour les confondre l'un et l'autre et les persuader d'une sagesse qui manifeste la hauteur de ses conseils mystérieux. Nous avons dans l'oreille les magnifiques alternances de Bossuet: "Soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse...", "de grandes et de terribles leçons". Là le Potestas a Deo semble attesté pour l'enseignement de la morale et de la justice, le progrès des vertus personnelles de l'homme et son salut éternel. L'argument vaut pour discipliner ou discriminer les valeurs vraies et fausses. C'est aussi un thème de confiance et d'espoir pour ceux qui traversent une épreuve et qui appellent, d'en bas, l'innocence un vengeur et l'orphelin un père.

    Une haute éthique politico-métaphysique s'en déduit régulièrement.

    Mais, en sus des premiers déploiement des pouvoirs de la gloire de Dieu, comme des manifestations exemplaires de sa bienfaisance protectrice de l'homme, un troisième aspect doit être retenu: il arrive que l'OMNIS POTESTAS A DEO découvre un arrangement supérieur divinement établi. Ce qui est alors évoqué, c'est une suprême raison, la raison créatrice d'un plan fixe, clairement dessiné, d'un ordre stable et défini: de ce point de vue, les familles, les corps, les cités, les nations sont soumis de haut à des constantes d'hygiène, à des lois de salut, qui règlent leur durée et leur prospérité. Le substances vivantes, les corps physico-chimiques, même les arts humains, ont leurs conditions de stabilité et de progrès. De même les sociétés s'élèvent ou s'abaissent selon qu'elles se conforment ou non à cet ordre divin.

    Les deux Testaments s'accordent à dire: que les foyers soient bien assis, et vos enfants pourront être nourris, dressés, et éduqués; que les parents ne mangent pas de raisins verts, et leurs enfants n'auront pas les dents agacées; que l'Etat ne soit point divisé, il ne sera pas menacé de périr; que les corps sociaux naturels ne soient ni asservis ni desséchés par l'Etat, celui-ci et ceux-là auront ensemble la vigueur, l'énergie, la luxuriance; que la nation soit soutenue par l'expérience des Anciens et la force de la jeunesse, ses ressources en recevront le plus heureux emploi; que la tradition règle et modère les initiatives; que la jeune vie spontanée ravive et renouvelle les habitudes traditionnelles, les groupes sociaux en seront sains, solides, puissants; qu'au surplus le tendre amour de l'ascendance et de la descendance, comme celui du sol natal, ne cesse de gonfler le coeur de tous, le bien public s'en accroîtra du même mouvement, etc... etc...

    Mais surtout qu'on ne perde pas de vue qu'il y a ici un rapport d'effets et de cause ! Le bon arbre porte un bon fruit. Que le mauvais arbre soit arraché et jeté au feu. Si vous voulez ceci, il faut vouloir cela. Vous n'aurez pas de bon effet sans prendre la peine d'en cultiver la haute cause génératrice. Si vous ne voulez pas de celle-ci, la sanction du refus est prête, elle est très simple, elle s'appellera la "fin". Non votre fin, personne humaine, mais celle du composé social auquel vous tenez et qui dépérira plus ou moins lentement, selon que le mal, non combattu, aura été chronique ou aigu, superficiel ou profond. Les conditions de la société, si on les transgresse, laissent la société sans support, et elle s'abat.

     

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    "On s"en convaincra par une rapide lecture de la Politique tirée de l'ecriture sainte, où l'optime arrangement terrestre ne cesse d'être illustré, soutenu et, rappelons-le, légitimé, par un ordre du ciel..."

               

    Ce langage, nourri des "si" qui sont propres aux impératifs hypothétiques de la nature, n'est aucunement étranger aux théologiens dont je crois extraire ou résumer les textes fidèlement. Ce qu'ils en disent n'est pas tiré en en corps du Pater ni de Décalogue. Ils n'en signifiant pas moins un "Dieu le veut" indirect, mais très formel. On s'en convaincra par une rapide lecture de la Politique tirée de l'écriture sainte, où l'optime arrangement terrestre ne cesse d'être illustré, soutenu et, rappelons-le, légitimé, par un ordre du ciel.

    Or, s'il est bien curieux que cette POLITIQUE sacrée ait été inscrite par Auguste Comte dans sa bibliothèque positiviste, il ne l'est pas moins que tous les physiciens sociaux, qui se sont succédé depuis Aristote, ne parlent guère autrement que le docteur catholique Bossuet. A la réflexion, c'est le contraire qui devrait étonner: à moins que, victimes d'une illusion systématique complète, les théologiens n'eussent enchaîné ces déductions au rebours de toute réalité, l'accord n'était guère évitable. Les phénomènes sociaux se voient et se touchent. Leurs cas de présence, d'éclipse ou de variations, leurs durées, leurs disparitions, leurs croissances ou décadences, tombent sous les sens de l'homme s'il est normal et sain. Comment, s'il existe un ordre des choses visibles, ne serait-il pas déchiffré de quiconque a des yeux pour voir ? Bien entendu, il ne s'agit en ceci d'aucun Surnaturel révélé. C'est la simple lecture du filigrane de l'Histoire et de ses Ordres. Que disent-ils ? Quel est leur texte ? Voilà la question, non une autre. Car la question n'est pas ici de savoir quelle main a écrit cet ordre: qualem Deus auctor indidit, dit Léon XIII. Est-ce Dieu ? Ou les dieux ? Ou quelque nature acéphale, sans conscience ni coeur ? Cet Être des Êtres, créateur ou ressort central, peut, quant à lui, se voiler, Deus absconditus, qu'on affirme ou qu'on nie. Ce qui n'est pas caché, ce qui n'est pas niable, ce que voit un regard clair et pur, c'est la forme ou figure du plan (crée ou incréé, providentiel ou aveugle) tel qu'il a été invariablement observé et décrit jusqu'à nous. Quelques uns de ces impératifs conditionnels apparaissent comme des "aphorismes" à La Tour du Pin. Or cette rencontre, où convergent la déduction religieuse et l'induction empirique, est encore plus sensible dans ce qu'elle critique et conteste de concert que dans ce qu'elle a toujours affirmé.

    Le coeur de cet accord de contestation ou plutôt de dénégation entre théologiens et naturalistes porte sur le point suivant: LA VOLONTE DES HOMMES NE CREE NI LE DROIT NI LE POUVOIR. NI LE BIEN. PAS PLUS QUE LE VRAI. Ces grandes choses-là échappent aux décrets et aux fantaisies de nos volontés. Que les citoyens s'assemblent sur l'Agora et le Forum ou leurs représentants dans le palais de Westminster ou le Palais-Bourbon, il ne suffira pas d'accumuler deux séries de suffrages, de soustraire leur somme et de dégager ainsi des majorités. Si l'on veut "constituer" un pays, lui donner une législation, ou une administration qui vaille pour lui, c'est-à-dire le fasse vivre et l'empêche de mourir, ces dénombrements de volontés ne suffisent pas; aucun bien public ne naîtra d'un total de pures conventions scrutinées s'il n'est participant ou dérivé d'un autre facteur. Lequel ? La conformité au Code (naturel ou divin) évoqué plus haut: le code des rapports innés entre la paternité et la filiation, l'âge mûr et l'enfance, la discipline des initiatives et celle des traditions. Le code inécrit des conditions du Bien est le premier générateur des sociétés. Si le contrat envisagé ne se subordonne, en tout premier lieu, à ce Code, il ne peut rien, il ne vaut rien. L'esprit éternel de ce Code se rit des prétentions volontaristes, du Contrat, comme des contractants. Telle est la moelle intérieure des leçons que recouvrent ou découvrent les faits.

    Oublions tous les faits, dit Jean-Jacques au début du plus fameux et du plus funeste des CONTRATS. Son système exige cet oubli des faits. Si, en effet, on ne les excluait pas, les faits viendraient en foule revendiquer dans la fondation des sociétés une très grande part du volume et de l'importance que s'est arrogés le contrat.

     

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    "Oublions tous les faits, dit Jean-Jacques au début du plus fameux et du plus funeste des Contrats..."

     

     

    Il n'est pas question de méconnaître le nombre ou la valeur des pactes et des conventions auxquels donne lieu la vie sociale de tous les temps. L'erreur est de prétendre ne former cette vie que de contrats. Énorme erreur. Car le contrat ne représente ni le plein de la vie sociale, ni la partie la plus vaste ou al plus profonde. Quand l'homme se sera entendu répéter cent fois que son vote choisit et crée le bien ou le mal social, il n'en sera pas beaucoup mieux obéi par les faits: pas plus que ses préférences ne seront suivi des obédiences de la pluie et du beau temps, il ne sera pas rendu maître de l'heur ou du malheur de sa ville ou de son pays qui, l'un et l'autre, dépendront non pas de la loi qu'il édicte, mais de celle qu'il tire de l'expérience de son passé, comme le physicien de l'observation des astres en courses et des tensions de l'air supérieur.

    Pour mieux saisir cette société-née, et la distinguer de nos contrats voulus, voyons-en les effets capitaux.

    Ma vie d'animal social compte deux grands évènements qui la fondent.

    Le premier m'a fait naître dans une famille plutôt que dans une autre, et cela s'est fait sans l'ombre de consultation ou de consentement de ma part; le groupe élémentaire que j'ai formé, enfant, avec mes parents, n'a rien de contractuel. Personne n'est alllé demander au marchand le garçon ou la fille qui lui convenait; personne n'est allé solliciter une père et une mère à son goût, et à sa mesure. Je n'ai signé ni pétition ni postulance. S'ils ont désiré de m'avoir, c'était de façon très confuse et très générale, sans la moindre possibilité de rien stipuler sur mon personnage, caractère, poids, taille, visage, couleur de teint. Ni d'eux à moi, ni de moi à eux, pas trace d'option libre ! Nous avons été tous les trois serfs de nécessités aussi inéluses qu'invoulues. Eh bien ! vus d'un peu haut, ce sont pourtant là les faits dont le genre humain se trouve le moins mal et se plaint dans la plus faible mesure. A peine leur étais-je tombé de la lune, et même un peu avant, mes père et mère se sont mis à m'aimer inconsidérément. De mon côté, je me suis mis à les préférer au reste du monde, ce qui ne pouvait être en raison du don de la vie: j'ignorais si c'était un bien ou un mal. Leurs bons traitements, leurs caresses agissaient beaucoup moins que cette forte idée confuse de leur appartenir et de les posséder dans une étroite correspondance, non de devoirs et de droits, mais de besoins et de services, qui s'imposaient tout seuls, et sans que j'eusse idée de les compter sur mes doigts. Donc, rien qui ressemblât au contrat avec ou sans notaire. Qu'il se trouve des idiots pour dire après cela: Familles, je vous hais ! ils ont eu rarement le front d'appliquer ce principe. Gide, qui le posait, l'a contredit à tous les instants de sa vie. Pas plus que moi, ni personne, il ne s'était pourtant choisi son toit. A lui, à moi, à tous, la plus forte partie de notre destin nous fut imposée avec notre sang.

    Un autre très grand évènement de ma vie de société aura été l'échéance de ma patrie. Je ne l'ai demandée, ni personne la sienne, sauf la troupe, abusive mais négligeable, de nos métèques; encore leurs enfants doivent-ils rentrer dans la règle. Il n'y a pas eu de plébiscite prénatal (ou prénational), comme l'exigerait la clause du juste contrat. L'honneur, la charge, les devoirs d'une patrie si belle sont des grâces imméritées. Pour être Français et non Huron, je me suis donné la peine de naître. Ce n'est pas 'juste", s'accorderont à dire Basile et son souffleur. Mais non ! Mais pas du tout ! Seulement il n'aurait pas été plus juste de naître Boche ou Chinois.

    Donc, inférieur ou supérieur au juste ou à l'Injuste, ce "fait" auquel ma volonté individuelle n'a rien apporté, dans lequel nul contrat n'est entré absolument pour rien, ce "fait" vraiment gratuit ne se contente point de devoir figurer entre ceux qui ont le plus d'influence sur tout le cours de la vie: il a aussi le caractère d'inspirer à des millions d'hommes des sentiments de profonde et haute satisfaction, au point de leur faire risquer l'intégrité de leur corps, leur vie elle-même, pour en attester l'énergie. Pour déployer plus fièrement ce que l'on est sans avoir voulu l'être, on trouve naturel, heureux et glorieux d'affronter mille morts. Cela fut instinctif avant d'avoir été appris. Ce vieil instinct peut être combattu par des sentiments artificiels, acquis, formés sur des systèmes. On ne les trouve pas au départ. Le départ, le voilà ! Dans les méandres de la longue histoire humaine, il arrive d'acheter et de vendre des guerriers mercenaires. Le cas des guerriers volontaires est le plus fréquent: ils se donnent pour rien. Le conscrit fait de même neuf fois sur dix. L'idée de la justice est-elle donc étrangère à l'homme ? Point du tout. Mais l'idée de la Patrie et du sentiment qu'il lui doit est fort antérieure et tient bien autrement à la racine de la vie ! Qu'il en soit demandé de durs sacrifices, nul n'en doute. Mais, au total, il est plus honteux de les refuser que pénible de les consentir. Tel est l'homme. Fait comme il est, selon sa norme, ce goût fait partie de son être, et même de son bien-être.  

    Devant ces deux piliers d'angle de notre vie, berceau et drapeau, maison et cité, qui échappent si complètement l'un et l'autre au cycle de l'adulte vivant capable de contrat, c'est tout au plus s'il doit être permis de se fâcher un peu contre le bon Dieu, ou tout autre mainteneur de l'Ordre des formes crées. C'est la déclamation de Job. C'est le chant de Byron. Je ne vois pas du tout quelle interpellation en serait valablement portée, ni à quel parlement de planètes, ni quel questionnaire de Théodicée générale, quelle objection au gouvernement temporel de la Providence pourraient être dressées en notre nom dans une affaire où nous sommes agis et poussés sans doute, mais aussi, et de toute évidence, avec des résultats que nous acceptons sans nous plaindre et tout au rebours. Si nous nous étions mis en tête de les fabriquer de nos propres mains, que seraient ces résultats, que vaudraient-ils ? Je pense à Caro, à son gland, à sa citrouille: cela règle tout. Ce que j'ai fait par liberté ne m'a pas toujours servi, ni même toujours plu. Ce que j'ai fait par force ne m'a pas toujours nui, ni froissé, ni meurtri. Bien au contraire. 

     

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    "L'homme est d'abord un héritier. La fiction la plus dévastatrice de notre époque est celle du spontanéisme : « Je suis qui je suis, et cet être que je suis doit pouvoir s’exprimer pour s’épanouir. » Il suffit de regarder la télévision, tout le monde est spontané et tout le monde dit la même chose, car la spontanéité a partie liée avec la banalité. L’homme est d’abord un héritier. Mais, aujourd’hui, on rêve de se soustraire à tout ce que l’on a reçu pour décider de son être, alors que notre civilisation s’est fondée sur l’idée que la culture était la médiation nécessaire à chacun pour accéder à lui-même..."

  • GRANDS TEXTES (17/1) : Naissance d’une nation : Clovis et les principes fondateurs de l’identité française, d'Hilaire de

    En ces temps de crise globale -qui bien plus que simplement économique est une crise anthropologique et ontologique- les instances du Pays Légal ont voulu un débat sur l'identité nationale; ce débat a permis - au moins en partie - l'expression des inquiétudes et, parfois, des doutes et du découragement d'un très grand nombre de nos concitoyens, à propos justement de cette identité nationale.

    Hilaire de Crémiers a quelque chose à dire à tous ceux qui doutent ou qui sont dans l'angoisse. Il le fait dans un texte fort, qu'il est bon de lire et dont il est bon de méditer la leçon :

    Naissance d’une nation : Clovis et les principes fondateurs de l’identité française.

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     Cet article a été publié dans Renaissance Catholique

      (http://www.renaissancecatholique.org/)

               

    Dans une ample vision de notre Histoire, avec le recul que lui donne le survol des siècles, Hilaire de Crémiers redonne le sens profond de l'aventure de Clovis, dont il situe bien le caractère éminemment politique -au sens fort et noble du terme- et ouvre à ces sentiments d'espérance qu'évoquait Jacques Bainville, lorsqu'il écrivait "Pour des renaissances, il est encore de la foi..."

    On écoutera la version orale, si l'on peut dire, de ce Grand Texte en cliquant sur le lien ci-après, qui restitue le discours prononcé par Hilaire de Crémiers aux Baux de Provence, lors du Rassemblement Royaliste de 1996  :

                http://vimeo.com/11860504

    “Spes unica rerum, Arverne”. “Arverne, unique espoir de l’ordre du monde” ! Arverne, c’est-à-dire Auvergnat, autrement dit Gaulois.

    “Unique espoir du monde”  ! Nous sommes en l’an 455. La dynastie Théodosio-valentinienne vient de finir avec le meurtre de Valentinien III dans le stupre et dans le sang. Encore un empereur assassiné ! Et non sans motifs. Les Barbares, installés dans l’Empire sous le titre de fédérés, en prennent à leur aise avec les traités d’alliance, les fœdera, qui les lient en principe à la puissance impériale. Ils se constituent en royaumes indépendants dans les provinces des Gaules, notamment les Wisigoths en Aquitaine, les Burgondes en Sapaudie, entre le Rhône et les Alpes. Ils profitent de la moindre occasion pour s’étendre. Et puis voilà que Genséric, à la tête de ses Vandales qui conquièrent et ravagent la Méditerranée et ses pourtours, a fait le sac de Rome. Quinze jours durant ! Il entasse des dépouilles colossales en poursuivant ses brigandages. Ce n’est pas le premier sac de Rome depuis 410, ni le dernier !

     

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    "Ils se constituent en royaumes indépendants dans les provinces des Gaules, notamment les Wisigoths en Aquitaine, les Burgondes en Sapaudie, entre le Rhône et les Alpes..."

               

     

    Rome n’est plus rien : le patrice qui lui tenait lieu d’empereur, Petronius Maximus, est lapidé par les Romains eux-mêmes. Que reste-t-il du vieil ordre romain ? Eh bien, malgré tout, la Gaule. Il y a un peuple gallo-romain, il y a une aristocratie gauloise et qui se sait romaine. Elle se sent attachée à Rome, à l’ordre civilisé, comme elle se sent attachée à sa terre qu’elle aime, romaine et gauloise.

    Alors, pourquoi pas un empereur gaulois ? Une idée mûrit chez quelques-uns : la Gaule va sauver Rome. Et comme l’amplification oratoire est de mode dans les écoles de rhétorique et surtout chez les Gaulois, l’idée se hausse : “La Gaule va donner à Rome un nouveau Trajan” ! Ainsi s’exprime Sidoine Apollinaire, au nom de la Gaule. Né à Lyon vers 431, il est de bonne noblesse gallo-romaine. Son père et son grand-père exercèrent la charge de préfet du prétoire des Gaules. Il a vingt-cinq ans et il est poète. C’est lui qui s’écrie : “Spes unica rerum, Arverne” ! A qui s’adresse-t-il ? Quel est cet Auvergnat, ce futur Trajan ? Son propre beau-père : Flavius Eparchius Avitus, qui a exercé lui aussi la charge de préfet du prétoire des Gaules et qui en est maintenant “magister militum”, maître de la milice, chef des armées en Gaule, per Gallias.

     

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    Caius Sollius Apollinaris Sidonius, homme politique, évêque, écrivain gallo-romain, saint de l'Eglise catholique (Lyon, 430, Clermont, 486).
     Préfet de Rome en 468, évêque d'Auvergne en 471, également connu pour son œuvre littéraire (Lettres et Panégyriques).

               

     

    Avitus, de famille de haute noblesse arverne, s’impose. N’a-t-il pas repoussé aux frontières les nouveaux envahisseurs : Saxons, Huns, Alamans, Francs Rhénans ? N’a-t-il pas colmaté les brèches ? N’a-t-il pas rendu la justice en Gaule ? Assuré la sécurité ? Et surtout, n’est-il pas influent sur la cour wisigothique de Toulouse ? Théodoric, le roi Wisigoth, n’a-t-il pas appris naguère de sa bouche même, mot à mot, les poèmes de Virgile ? Il civilise les Barbares et il les ramène à leurs devoirs de fidélité romaine. Lui, le gallo-romain, il fait l’œuvre de Rome. D’ailleurs, le roi barbare n’a-t-il pas soufflé lui-même à l’oreille d’Avitus ce projet d’assumer le souverain principat ? “Tibi pareat orbis, ne pereat”, que le monde t’obéisse s’il ne veut pas périr. Ces Barbares, installés dans cette plaisante Gaule, n’ont-ils pas eux-mêmes intérêt à maintenir l’ordre romain ? Ne l’ont-ils pas prouvé, il y a quatre ans, en 451, quand ils se sont retrouvés tous unis derrière Aetius pour écraser les Huns, les Mongols, les nouveaux arrivants ? Mais il n’y a plus d’Aetius, lui-même d’ailleurs Hun par son père ; il a été assassiné et par l’empereur romain lui-même, Valentinien. Il y a Avitus, ce bon Auvergnat. Alors oui, c’est décidé, la Gaule unie va sauver Rome.

     

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    Préfet du prétoire des Gaules, Eparchus Avitus conclut la paix avec les Wisigoths en 439 et aide à la coalition autour d'Aetius contre Attila.

               

     

    Toute la noblesse des Gaules accourt au nom d’Avitus. Sidoine les décrit, ces sénateurs gallo-romains, “ceux qui dominent les rochers neigeux des Alpes Cottiennes, ceux qui habitent les régions si diverses que baignent la Méditerranée et le Rhin, ceux enfin que la longue chaîne des Pyrénées sépare du diocèse d’Espagne”. Les voilà rassemblés à Beaucaire. Ils désignent Avitus qui en Arles est acclamé empereur, devant les troupes, revêtu des insignes impériaux et du collier gaulois, le fameux torque à deux boules. Voilà, Rome et la Gaule sont sauvées.

    Sidoine suit son beau-père à Rome ; il en prononce le panégyrique devant le Sénat : “Spes unica rerum, Arverne”. Rome, il faut sauver Rome et la romanité. Sidoine fait parler la Ville éternelle dans une longue prosopopée. Elle appelle le ciel à son secours, elle veut retrouver sa force originelle : “Mea redde principia”, rends-moi mes origines, rends-moi mes enfances, s’écrie-t-elle. Elle n’a plus de frontières : “Nec limes nunc ipsa mihi”, et maintenant je ne suis plus moi-même pour moi-même une frontière.

    Rome est-elle encore une réalité politique, un projet politique ? C’est toute la question. Désespoir, angoisse, “inter clades ac funera mundi” au milieu des désastres et des funérailles du monde. Mais Jupiter répond par la bouche de Sidoine : “il est une terre qui s’enorgueillit d’être de même sang que les Latins, une terre illustrée par des héros, à laquelle la nature, la bienfaisante créatrice de toutes choses, n’a pas donné d’égale”, elle est incomparable, elle est d’une si généreuse fécondité !

     

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    "Il y a un peuple gallo-romain, il y a une aristocratie gauloise et qui se sait romaine. Elle se sent attachée à Rome, à l’ordre civilisé, comme elle se sent attachée à sa terre qu’elle aime, romaine et gauloise..."

               

     

    C’est donc à la Gaule d’envoyer un vainqueur : “Tu, Gallia, mittas qui vincat”, car “c’est ici que se trouve aujourd’hui la tête de l’Empire”. “Si vous êtes le maître, je serai libre : Si dominus fis, liber ero”. On a trop cru, à mon avis, sur la foi de cette parole mise dans la bouche du Gallo-romain à l’expression d’une volonté de sécession de la Gaule. A ce moment-là, non. En tout cas, ce n’est absolument pas le sens du texte : il s’agit d’une exaltation, certes exagérée, de la Gaule. “La Gaule, dit Sidoine, c’est du monde qu’elle aurait pu s’emparer si elle avait combattu pour son propre compte”. Vanité, ou juste fierté, comme on voudra, du Gallo-romain, mais dans son esprit, la Gaule vient au secours de Rome. Il s’agit de sauver la romanité et le monde civilisé. Ce n’est pas pour rien que Sidoine a été appelé le dernier des Romains. “Spes unica rerum, Arverne”. Si Rome n’est pas sauvée par la Gaule, alors c’est la fin du monde ; la barbarie triomphera. C’est le thème du panégyrique.

    Le poète aura droit à sa statue de bronze sur le forum de Trajan, à côté de Claudien et de Merobaude ; Claudien, poète officiel de la grandeur romaine, Merobaude qui était un général franc tellement romanisé qu’après avoir manié la francisque, il maniait le vers latin pour la défense et l’exaltation de Rome.

    Oh certes, le panégyrique de Sidoine se ressent du style officiel, et du style officiel du Ve siècle, affecté et déclamatoire, à la recherche perpétuelle de l’effet. La phrase sent l’école de rhétorique. Mais, dès qu’apparaît une pensée forte, un sentiment puissant chez Sidoine comme chez tous les autres auteurs de la décadence, le latin retrouve sa vertu naturelle : vigueur des formules bien martelées, et aussi finesse des tournures aux équilibres délicats qui font le ravissement du lecteur dont l’attention se penche sur ces terribles et surtout fastidieuses périodes de décadence. La décadence n’est donc pas totale, loin de là ! Il y a dans l’élite encore une réelle culture, un goût de la civilisation. Une littérature est toujours un témoignage.

     

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    Sidoine Apollinaire, vitrail de la cathédrale de Clermont-Frerrand

               

     

    Mais il est vrai, Sidoine ne voit pas l’avenir. Il met son unique espoir dans le maintien du passé, et ce passé, il l’a comme rigidifié dans ses formules. Il faut avouer que sa mythologie, ses évocations de l’histoire ne sont plus qu’une froide rhétorique ; il est bien le dernier des poètes et des prosateurs de l’antiquité latine.

    Cependant, une autre source d’inspiration jaillit, qu’il ne perçoit pas, du moins pas encore. Alors qu’il gémit sur la barbarie où s’enfonce le monde, un surgeon dans le vieux terreau culturel de la latinité va pousser, et alors qu’il pleure sur une mort qui lui paraît inéluctable, il se produit une naissance qui, à très longue échéance, mais il ne le sait pas, accomplira ses vœux d’homme policé : “l’urbanitas”, la courtoisie qui lui est si chère avec toutes les qualités qui l’accompagnent, reparaîtra, ainsi qu’une pensée forte, latine, gauloise, gallo-romaine, française. Elles vaudront mieux que les mièvreries et les entortillements d’une littérature à bout d’inspiration.

    Pour en être convaincu, il suffit de lire, ne serait-ce que les lettres ou les œuvres des évêques de ces temps troublés. Par exemple, les lettres du célèbre neveu de ce même Sidoine, l’évêque Avitus de Vienne plus connu sous le nom de saint Avit, portant le même patronyme que son oncle, l’empereur auvergnat, ou encore les lettres de Remi, le fameux évêque de Reims.

    Au-delà des procédés de l’époque, il y a du style, comme on dit. C’est qu’ils ont quelque chose à dire, un message à faire passer. Ils croient, ils ont des convictions, ils aiment, ils ont un projet. Et puis, leur langue est celle qui a façonné déjà, et qui va façonner dans les siècles suivants la liturgie, spécialement la superbe liturgie gallicane, langue pleine de dignité, qui ne méprise ni l’ample magnificence oratoire, ni le trait acéré d’éloquence. A la vérité, elle est marquée par un Esprit de feu, l’Esprit qui animait les œuvres des premiers Pères et Docteurs de l’Église latine, langue vivante, tendre et brûlante, qui exprime la foi, qui scande la vérité dogmatique, qui précise les plus justes finesses de la morale, langue ferme et subtile, logique et psychologique : langue des Ambroise, des Augustin et pour rester dans cette Gaule qui nous est si chère, langue des Honorat et de cet Hilaire de Poitiers qui sauva la foi catholique de la Gaule romaine et que Jérôme qualifia de Rhône de l’éloquence latine, “Rhodanus eloquentiae latinae”  ! Langue des Fortunat ! Cette langue latine d’Église va se maintenir vaille que vaille dans le renouveau carolingien, pour rejaillir aux XIe et XIIe siècles en fontaine vive et pure dans le latin mystique d’un saint Bernard ou d’un Guillaume de Saint-Thierry.

     

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    Saint Hilaire de Poitiers. Grandes heures d'Etienne Chevalier - Jean Fouquet. XVe.

               

     

    Mais surtout la langue vulgaire, ce latin qui se délite en ces siècles changeants dans les milieux populaires, ou plus exactement, dans les territoires de l’ancienne Gaule divisée, se fraie un passage, va muer dans l’épreuve pour apparaître en nouvelle jeunesse et dans le cours de la même renaissance du XIIe siècle en littérature de langue d’oïl, de langue d’oc, dont la vitalité d’une fécondité extraordinaire et quasiment indéfinie prouvera que la vie n’était pas morte, que l’esprit n’avait pas disparu. “Omnia renascentur”, chantait déjà le vieil Horace qui savait bien qu’il est dans l’ordre que les semences meurent pour porter du fruit.

    Mais en 455, ces renaissances n’apparaissent pas. Sidoine Apollinaire est l’interprète de l’angoisse de la Gaule, de la détresse de la romanité. Il ne voit de salut qu’immédiat. Il a l’œil fixé sur le présent, et comme toujours dans un pareil cas, quand on croit voir un salut, alors c’est un enthousiasme juvénile : “Spes unica rerum, Arverne”. Quelle illusion ! Ce fut un échec pitoyable. Est-il besoin de le raconter ? Cela ne dura pas même un an. Un aventurier, général goth, Ricimer, mit fin à l’expérience. Avitus, qui n’était jamais qu’un bon sénateur et rien de plus, transformé d’abord en évêque selon l’habitude du temps, périt. Et le peuple gallo-romain souffrit à nouveau du désordre, de l’insécurité, de l’injustice, du pillage. Et le moyen de ne pas souffrir quand on se sait une terre bénie et un peuple aimable ? La terre, la Gaule, elle est là, avec ses productions essentielles, déjà, céréales, vignobles, le pain, le vin. Oh certes, il y a la bagaude, la révolte paysanne en plus de la guerre étrangère et des luttes intestines. La bagaude, bien sûr quand un peuple paysan est poussé à bout, exténué ! Elle est terrible, la bagaude !

  • Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP (64) : L'Almanach d'Action française pour l'année 1928 raconte l

     

    (retrouvez notre sélection de "Documents..." dans notre Catégorie "Documents pour servir à une histoire de l'URP"...)

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    Deux remarques importantes avant de laisser lire le compte-rendu enthousiaste qui suit (de la page 344 à la page 354 de l'Almanach) :

    1. L'Action française, dans son numéro du Lundi 30 Mai 1927, relata le Rassemblement (en "Une", avec la suite sur l'intégralité des deux colonnes de gauche de la page deux). Certains passages sont identiques, forcément, mais l'Almanach ajoute de nombreux détails, informations et jugements qui ne figurent pas dans le compte-rendu du quotidien; comme, par exemple, les noms des localités constituant "la Vendée provençale", ou les noms des Maires royalistes présents, et ceux des villes qu'ils représentent : Reillanes, Mazan, Jonquerette, Jonquières, Barbentane, Graveson, Boulbon, Maillane, Mollèges, Rognonas, Vendargues, Villeveyrac, Saint-Drézéry et le Premier adjoint de Monteux; et il propose huit photos, dont une "double" : celle du Commandant Dromard, organisateur/fondateur de l'Union Royaliste Provençale, et d'André Vincent... :

    Grandes "Une" de L'Action française : à Barbentane, le 29 mai 1927, 30.000 Provençaux acclament le Roi et l'Action française"...

    2. L'Almanach insiste beaucoup sur "l'affaire Daudet" : il s'agit évidemment de l'assassinat du petit Philippe, 14 ans, premier enfant des Daudet, par la police politique du Régime, alliée aux anarchistes. Ces élans de sympathie et d'affection envers "ce père douloureux el meurtri" sont plus nombreux dans le compte-rendu de l'Almanach que dans celui du quotidien...

    Les photos sont malheureusement de mauvaise qualité; nous en mettons trois, cependant, pour l'instant, et malgré tout, en plus de la "double (Dromard/Vincent); celle présentée ci-dessous n'est pas fameuse non plus : elle est parue dans Le Petit Marseillais, le 31 Mai 1927 :

    19270531 Léon Daudet et Antoine Schwerer dans Le Petit Marseillais

     

    344  ALMANACH D'ACTION FRANCAISE

    (ndlr : une photo de Daudet, debout à la Tribune, remplit la totalité de cette page 344, entre la ligne ci-dessus et la ligne ci-dessous; elle ne "rend" pas du tout...°

    LÉON DAUDET A LA TRIBUNE

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    345   DANS LA LUMIÈRE PROVENÇALE...

    L'ACTION FRANÇAISE A BARBENTANE

    par F. DESVIGNES  - Clichés Mougins

    Barbentane ! Un village aux maisons blanches dont les
    toits rouges s'étalent ainsi que d'énormes coquelicots parmi
    la verdure des cyprès. Une fontaine qui pleure ou qui
    chante sur une placette se cachant sous l'ombre grecque
    des platanes. Une rue interminable servant de déversoir
    central à une quantité de "traverses" lumineuses et fleuries
    montant vers l'église coquette et la vieille tour bâtie par
    "Mounsen Grimau", évêque d'Avignon, dont on admire
    encore la mître sculptée sur les vieilles pierres roussies par
    le soleil...
    Barbentane, c'est aussi le cœur de la Vendée provençale.
    Les localités qui l'entourent apparaissent comme les grains
    divins d'un rosaire : le rosaire de la Fidélité catholique et
    royaliste. Arles, Montmajour, Fontvieille, Les Baux, Saint-
    Remy, Maussane, Mouriès, Aureille, La Roque·d'Anthéron,
    Beaucaire, Graveson, Maillane, Chateaurenard, Rognonas,
    Noves, Cabannes, Saint·Andiol, constituent quelques-uns
    des grains du chapelet magnifique. 

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    346  ALMANACH D'ACTION FRANÇAISE 

    (ndlr : pas de photo dans cette page)


    C'est dans ce cadre merveilleux de la Foi et de la Tradition que, le dimanche 29 mai, la Fédération des sections
    d'Action Française de Provence conviait les populations
    méridionales à venir entendre André Vincent, délégué
    régional de Monseigneur le Duc de Guise, Paul Rohain,
    l'amiral Schwerer, Bernard de Vesins et Léon Daudet.

    AVANT LA RÉUNION


    Il convient tout d'abord de rendre un hommage mérité
    aux organisateurs de la splendide manifestation. Au premier
    rang, il faut citer le commandant Dromard, président de la
    Fédération provençale; Me Amic, président de la section
    d'Avignon; Régis d'Oléon, l'actif et distingué maire de'
    Rognonas; le commandant Olivier, de la section de Toulon;
    Léon Charlet, président de la Fédération des commissaires
    d'Action Française; Duneau et Lavalade, dont lés activités
    conjuguées firent face admirablement à l'ingrate et obscure
    besogne de préparation; de Gerin-Ricard, président des
    Étudiants d'Action Française de Marseille; Henri Martin, etc., etc...
    Quant au service d'ordre, placé sous la compétente direction
    de Lucien Lacour et de Pierre Lecœur, qu'assistaient
    Léon Charlet, André Guignard, Philippe Roulland, Darnand,
    de La Roque, de La Rochefordière, Riasse, Lamy, Bergeaud,
    de Caumont, commandant Ollivier, Mœttinger, Aitelli,
    Duneau, etc., il suffira de dire qu'il a recueilli l'admiration
    de tous, amis ct adversaires. A Barbentane comme à Paris,
    l'ordre, la méthode et la discipline apparurent bien comme
    les qualités essentielles des troupes d'Action Française.
    Indiquons encore à titre documentaire que la Provence avait
    fourni neuf cents commissaires. 

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    L'ACTION FRANÇAISE À BARBENTANE  347
    • • •
    Dès le matin, en Avignon, les trains déversaient d'importants contingents d'auditeurs ou de commissaires. Le siège
    de la section locale connut une affluence aussi persistante

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    qu'énorme. Le soleil est radieux qu'assombriront à peine
    durant quelques instants des nuages fugaces et chagrins.
    Nous allons accomplir une randonnée automobile à travers
    la campagne provençale. Sur toutes les routes, nous croisons des véhicules de tous genres. 
    Aux , alentours immédiats de Barbentane a été installé le
    service spécial chargé de canaliser et de diriger sur les
    divers garages les voitures et autres engins de locomotion
    qui affluent par centaines.
    Arrivé à Barbentane dans la matinée, Léon Daudet y fut reçu par les acclamations de la population en fête. Accompagné de M. Lautier, maire, et de M. Daire, président de la
    section locale, l'illustre patriote se rendit à l'église où il
    entendit la messe.
    A l'issue de l'office, vers 11 heures, devant toute la population du village et les milliers d'auditeurs déjà présents
    pour le meeting, eut lieu une touchante cérémonie. Sur la
    place aux platanes centenaires, tandis que flottait sur les 

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    348   ALMANACH D'ACTION FRANÇAISE

    têtes le drapeau blanc fleurdelysé de la section de Barbentane, relique sans prix transmise en mains en mains pieuses de génération en génération, des jeunes filles offrirent à Léon Daudet, avec de splendides gerbes fleuries, une palme de bronze où se lisaient ces simples mots : "Les royalistes de Barbentane à Philippe Daudet."

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    En termes singulièrement émouvants, le père douloureux remercia. Des larmes coulaient des yeux du rude lutteur quand il parla de son fils, petit martyr assassiné à s a place. La minute est d'une grandiose et tragique beauté. Mais soudain, en rafales puissantes et mille fois répétées, montent vers les feuillages ombrageant la placette les cris vengeurs : "Vive le Roi ! Vive l'Action française ! Vive Daudet !" Le maire de Barbentane, M. Lautier, étreint longuement Léon Daudet, ainsi que M. Daire. La foule française a commencé la révision d'un odieux arrêt de justice.  
    Puis, tandis que l'auto du chef royaliste le ramène en
    Avignon, l'auditoire se disperse. Des groupes, envahissent les terrasses des cafés et des restaurants. D'autres, les plus nombreux, vont faire la dînette dans les champs et les prés proches. Et, souriant à tant d'estrambord, René Benjamin passe, les yeux vifs et fureteurs derrière le rempart du lorgnon. 

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    L'ACTION FRANÇAISE À BARBENTANE  349


    SUR LE TERRAIN
    Certes, la Fédération Provençale des sections d'Action française escomptait un succès. Ce fut un triomphe qui l'attendait à Barbentane. La réunion est annoncée pour 3 heures. Dès midi 30, il devient très difficile de circuler dans la longue et large avenue traversant le village, tant

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    est compacte la foule se dirigeant vers le lieu du meeting.
    Les gendarmes qu'on rencontrait sur toutes les routes, le
    matin, en sombres bouquets d'un bleu presque de roi, sont
    invisibles. Cette absence, est-il utile de le dire, n'enlève rien
    à l'ordre et au calme dans lesquels sc meut l'immense torrent
    humain. L'animation devient de plus en plus intense.
    De minute en minute, les délégations arrivent, quelques
    unes précédées de leur drapeau. Il en est venu du Gard, de
    l'Hérault, des Alpes-Maritimes, de Vaucluse, du Var, de
    toute la Provence et du Languedoc maritimes.
    Une joyeuse rumeur plane sur l'interminable cortège qu'on
    aperçoit s'étendant plus de deux kilomètres, des fenêtres de
    la mairie. Des sections défilent en chantant la "Royale". Les
    applaudissements crépitent au passage des étendard, et des

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    350  ALMANACH D'ACTION  FRANÇAISE

    (ndlr : pas de photo dans cette page)
    fanions émergeant de la houle fantastique des têtes. Voici des délégués de Grenoble, Chambéry, Lyon, Vienne, Yssingeaux, Le Puy, etc. .
    Pendant trois heures, le gigantesque flot ne cessera de
    déferler vers le pré immense mis à la disposition des organisateurs par M. le marquis de Barbentane. Sur le terrain
    situé en contre-bas de la route d'Aramon, une tribune a été
    dressée dont les piliers supportent des gerbes de fleurs de
    lys naturelles. Du haut de cette tribune, le regard découvre
    la formidable marée humaine aux vagues toujours nouvelles. Un clair soleil ajoute encore à la gaîté ambiante; les
    drapeaux frissonnent, sous la caresse d'un vent léger.
    Tout là-bas, le regard découvre la procession sans fin des
    groupes d'auditeurs dévalant vers le terrain. Jullian, le
    ténor du Roi, en attendant l'ouverture du meeting, chante
    au microphone des chants royalistes dont les refrains sont
    repris par des milliers de voix. 
    Sur la tribune prennent, place les représentants du Prince :
    MM. de Fraysse de Monval, F. Rocher. (Grenoble); marquis
    de Forton, président du Comité royaliste de Montpellier;
    de Bernis, Eugène Magne, anciens députés; Henri Lacour.
    On remarque également la présence de divers maires royalistes. Citons parmi eux M. le vicomte de Salve, maire de
    Reillane;, Chareyre, maire de Mazan; Guintrand, maire de
    Jonquerette; Farjon, maire de Jonquières; Lautier, maire de
    Barbentane; Petit, maire de Graveson; Barberin, maire de
    Boulbon; Gauthier, maire de Maillane; le maire de
    Mollèges; de Régis d'Oléon, maire de Rognonas; Martin Dupuy, maire de Villeveyrac; Jean Claret, maire de,
    Vendargues; Berger, maire de Saint-Drézéry; le premier
    adjoint de Monteux; M. Daire, président de la section d'A, F.
    de Barbentane et Mlle de Ribbes, présidente des Jeunes Filles
    royalistes. Citons encore parmi les présidents de la Fédération : MM. Louis Dromard, président de la Fédération
    provençale; Amic, président de la Fédération du Vaucluse;
    Richaud, président de la Fédération du Var; Ferlin, président de la Fédération des Alpes.Maritimes; Jean de Saporta,
    président de la Fédération de Haute-Provence; commandant
    de Portalon, président de la Fédération de l'Hérault; de
    Campeau, président de la Section de Montpellier, ainsi que
    les secrétaires régionaux; Jean Austin Brunel, secrétaire de 

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    L'ACTION FRANÇAISE À BARBENTANE  351


    la 10ème zone bis; Louis Sentupéry, secrétaire de la 10ème zone;
    Louis Jasseron, secrétaire de la 8ème zone.
    Tandis que les notabilités occupent les sièges qui leur ont été réservés, la foule ne cesse d'affluer. 
    Un journaliste républicain de Marseille confie à l'oreille du signataire de ces lignes : "Je n'ai jamais vu un aussi fantastique auditoire, ni pareil "estrambord". Des divers contrôles effectués, il résulte que plus de

    (ndlr : ici, une photo de l'Amiral Schwerer à la tribune en train de parler; elle ne "rend pas du tout non plus...)

    30.000 auditeurs sont massés dans .. le champ du marquis de Barbentane.
    LA RÉUNION
    Mais soudain, formidable et ininterrompue, une clameur s'élève. C'est Daudet qui arrive, accompagné d'André
    Vincent, délégué de Monseigneur le Duc de Guise, et du
    commandant Dromard, président de la Fédération provençale des sections d'A. F., Bernard de Vesins, l'amiral
    Schwerer el Paul Robain.
    De la tribune la vision est véritablement féérique de ces
    milliers de cannes, de chapeaux et de mouchoirs s'agitant 

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    352 ALMANACH D'ACTION FRANÇAISE 


    aux extrémités des bras tendus, cependant que, sans répit,
    durant de longues minutes, trente mille voix crient: "Vive
    le Roi ! Vive Daudet ! Vive Maurras !". Les drapeaux
    s'inclinent et s'agitent en des gestes de salut. Puis, lorsque
    Léon Daudet apparaît debout à la tribune, les ovations se
    font plus délirantes encore. C'est toute la Provence qui crie
    au père de Philippe sa foi monarchique et son appel à la
    justice royale.

    (ndlr : ici, une photo de la foule, qui ne rend rien...)

    Quand les acclamations furent calmées, André Vincent prit la parole. Après lui Paul-Robain, l'amiral Schwerer,
    Bernard de Vesins se succédèrenl à la tribune.
    Quand Léon Daudet se lève pour prononce son discours,
    les interminables ovalions qui accueillent son arrivée
    reprennent de plus belle. Toute l'immense multitude est
    debout, et, de nouveau, cannes et chapeaux s'agitent. Cela
    dure plusieurs minutes. Enfin, Daudet peut parler.
    Ceux qui n'ont pas assisté à la formidable ovation qui

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (231)

     

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

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    Quatorzième partie : Léon Daudet vu par...

    Aujourd'hui : Base de données de l'Assemblée nationale...

    ---------------

    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Il y a, évidemment, du bon et du moins bon, dans cette biographie "officielle" tenue à jour par le Système. Le lecteur jugera, et, sur des points précis tel l'antisémitimse, cet Album lui apportera, nous l'espérons - et c'est son but... - de quoi se forger sa propre opinion, sans s'en remettre à la "vérité officielle"...

     

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    Base de données des députés français depuis 1789 :

    M. Léon DAUDET
    Né le 16/11/1867 à PARIS (SEINE -FRANCE)
    Décédé le 02/07/1942 à SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE - FRANCE)

    Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés :
    16/11/1919 - 31/05/1924 : Seine - Indépendants

    Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (J.Joly)

    Né à Paris le 16 novembre 1867, mort à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), le 2 juillet 1942.

    Député de Paris de 1919 à 1924.

    Léon Daudet était d'origine provençale par son père, l'illustre auteur de Tartarin de Tarascon et des Lettres de mon moulin, bretonne et tourangelle par sa mère.

    Il fit des études secondaires brillantes, d'abord au Lycée Charlemagne, puis à Louis-le-Grand, où il fut condisciple de Joseph Bédier, de Paul Claudel, de Marcel Schwob. En rhétorique, il emporta le premier accessit de composition française au Concours général. En philosophie, sous l'influence de son professeur, Burdeau, il s'enthousiasma pour la doctrine de Kant qu'il vitupérera plus tard en la qualifiant d'école de la paralysie mentale et en affirmant qu'il n'est mitrailleuse ou mortier qui porte aussi loin et fasse autant de ravages.

    Chez son père, alors au faîte d'une gloire dont on ne mesure peut-être plus exactement aujourd'hui l'éclat, il eut l'occasion de rencontrer tout ce qui comptait dans le Paris littéraire et artistique de l'époque : Flaubert, Tourgueniev, les frères Goncourt, Jules Lemaître, Anatole France, Paul Bourget, François Coppée, José-Maria de Heredia, Pierre Loti, Rodin, Mallarmé, Reynaldo Hahn, d'Annunzio, Whistler..

    En 1885, il entreprend des études de médecine qui lui permettent d'accomplis son « volontariat » comme aide-major en 1887. Mais il renoncera à les poursuivre, après avoir échoué à l'internat dans des conditions qu'il estime injustes. Il réglera sans ménagements ses comptes avec le monde médical et ses « patrons » dans Les Morticoles, livre à clefs qui connaîtra, en 1894, un vif succès de scandale.

    Ce fils bien doué d'un père illustre avait de surcroît épousé en 1891 la jeune fille la plus célèbre de France : Jeanne Hugo, petite-fille du poète, celle-là même dont tout Français apprend dès qu'il sait lire qu'elle fut un jour mise au pain sec. Le mariage, uniquement civil, avait fait scandale. Sa femme l'introduisit dans la bonne société républicaine où sa famille évoluait, la mère de celle-ci ayant épousé en secondes noces Lockroy, député et ancien ministre radical, grand ami de Maquet et de Clemenceau. Malgré la naissance d'un fils, Charles, en 1892, le ménage se brise et le divorce est prononcé en 1895. Du même coup, Léon Daudet rompt avec le milieu républicain.

    Pendant plusieurs années, il mène une vie fort agitée, marquée notamment par une liaison notoire et tapageuse avec une chanteuse de l'Opéra, Lucienne Breval.

    En 1903, il se remarie avec sa cousine germaine, Marthe Allard, dont il aura trois enfants, Philippe, François et Claire. Sa seconde femme exercera sur lui une influence très profonde. Elle le ramène au catholicisme et contribue pour beaucoup à sa conversion aux doctrines royalistes et nationalistes de Charles Maurras.

    A cette époque, Léon Daudet est déjà fort connu. Il a publié une douzaine de volumes, romans et essais, et collabore plus ou moins régulièrement à La libre parole, au Germinal de Pascal Grousset, au Soleil, au Figaro. Il appartient depuis 1896 à l'Académie Goncourt. Fort érudit, curieux de tout, causeur brillant, il est passionné de littérature et de musique : de Wagner d'abord, dont il se déprendra, pour revenir à Beethoven, puis devenir un des premiers admirateurs de Debussy. C'est aussi un bon vivant. Gastronome attentif, il est doué d'un formidable appétit, qui, joint au mépris qu'il professait pour les exercices physiques - « le sport ne m'a jamais intéressé » - lui valut, assez vite, une corpulence excessive.

    Ses opinions politiques ne paraissent pas, d'abord, très fermement assurées. En 1889, au moment de la crise boulangiste, il avait pris parti pour la République avec autant de fougue qu'il en mettra plus tard à la combattre. Cependant, il s'était inscrit à la Ligue antisémite de Drumont dès sa fondation. Le 4 janvier 1895, il assiste, avec Barrès, à la dégradation de Dreyfus et il soutiendra plus tard que l'impression fâcheuse produite sur lui par le condamné (« il paraissait plus spectateur qu'acteur de cette effroyable cérémonie dont le sens semblait lui échapper ») a déterminé son attitude ultérieure. Quoi qu'il en soit, son antisémitisme ne se démentira jamais ; il connaîtra même,. notamment sous le gouvernement de Léon Blum, en 1936, des périodes paroxystiques. Cependant, il se différenciera toujours de la frénésie hystérique de Drumont et de tant d'autres. Outre que Daudet avait, comme il est de règle, ses « bons juifs » (Georges Mandel par exemple ou son ancien condisciple, Marcel Schwob) il tentait, au moins, de raisonner sa passion, de l'intégrer dans une doctrine politique : « la démocratie est le milieu qui rend pathogène et toxique le microbe juif qui, sans elle, serait demeuré inoffensif ou à peu près. » C'est vers 1904 qu'il commence à s'intéresser à l'Action Française, dont l'organe est alors une modeste revue bimensuelle. En 1908, grâce à des capitaux fournis pour une bonne part par sa femme et par lui-même, l'Action Française devient un quotidien. Il en sera le rédacteur en chef, jusqu'en 1917, puis le codirecteur, avec Charles Maurras. Pendant trente ans, il y publiera presque chaque jour des articles qui sont autant de pamphlets et de réquisitoires souvent pleins de verve, toujours violents, parfois outranciers (ils lui vaudront, d'ailleurs, une douzaine de duels). Leur succès sera d'emblée considérable auprès des lecteurs. Sans doute, quelques romans fort audacieux, comme l'Astre noir (1893) ou Suzanne (1897) étaient-ils peu faits pour lui attirer l'estime et l'audience d'une clientèle traditionaliste et catholique. Mais, comme le disait la marquise de Mac-Mahon, « nous faisons crédit au polémiste ; quant au romancier, nous l'ignorons, c'est un autre homme. »

    En 1913, Daudet publie un livre « d'études et documents sur l'espionnage juif-allemand en France depuis l'affaire Dreyfus ». Cet ouvrage contient bon nombre d'affirmations aventurées, d'accusations gratuites, ce qui ne saurait surprendre quand on sait que l'auteur posait en principe que « tout Allemand naturalisé est suspect, et que tout Allemand vivant en France est nécessairement un espion ». Mais il valut à Daudet une grande réputation d'intransigeance patriotique et de clairvoyance. D'abord parce que certains des renseignements qu'il fournissait devaient se révéler exacts ; à cause aussi, sans doute, du caractère prophétique que l'événement devait bientôt donner à son titre même : l'Avant Guerre.

    Au moment où le conflit qu'il avait annoncé éclate, Daudet n'est pas à Paris. Il a quitté la ville, craignant qu'on ne cherche à l'abattre en représailles de l'assassinat de Jean Jaurès que beaucoup imputaient, à tort, à l'Action Française. Au cours de ce voyage, il reçoit dans un accident d'automobile une blessure à la tête qui le dissuade de s'engager. Il demeurera donc à sa table de rédacteur en chef de l'Action Française, et se servira de la tribune que lui offre son journal pour dénoncer et pourchasser sans trêve ni répit les traîtres, les défaitistes et tous ceux qu'il baptise les « embochés ». On l'appelait le « procureur du Roy », le « préfet de police in partibus ». Il se flattera plus tard d'avoir fait condamner 43 espions ou agents de l'Allemagne au prix de procès dont, en 1926, il estimait le nombre entre 350 et 400. Là encore, il accuse souvent à tort et à travers, reproduisant sans les contrôler les dénonciations que lui adressaient des « informateurs » trop bien intentionnés, et à plusieurs reprises, il est contraint de se rétracter. Il n'en a pas moins joué un rôle déterminant dans la fameuse affaire du Bonnet rouge. Il mena à cette occasion contre le Ministre de l'Intérieur radical Malvy une virulente campagne de presse qui finit par le contraindre à démissionner, le 31 août 1917.

    Daudet ne cesse pas pour autant ses attaques, et à la fin de septembre il adresse au Président de la République une lettre dont le président du Conseil Painlevé devait, quelques jours plus tard, donner lecture devant une Chambre houleuse. Daudet y accusait formellement Malvy d'avoir fait renseigner le commandement allemand sur le projet d'attaque du Chemin des Dames et d'avoir fomenté les mutineries de juin 1917. L'enquête devait révéler par la suite que ces accusations étaient sans fondement, Malvy ayant certes péché par légèreté et incurie, mais sans jamais commettre aucun acte de trahison caractérisée. L'affaire n'en donna pas moins lieu à des débats passionnés, qui marquèrent la fin de l'Union sacrée et la désagrégation de la majorité qui soutenait le Cabinet Painlevé. Celui-ci fut mis en minorité le 13 novembre 1917 à propos d'une interpellation relative d'ailleurs aux « persécutions » qu'il avait fait subir à l'Action Française. Il devait être remplacé par le Ministère Clemenceau, auquel les socialistes ne participaient pas.

    Daudet s'en prit également à Joseph Caillaux, et fut pour beaucoup dans son arrestation, opérée en janvier 1918.

    Cependant, il soutenait fermement Clemenceau, oubliant qu'il avait naguère encore tiré sur lui à boulets rouges le traitant de « ganache » (1915), de « démolisseur » (1916), de « sinistre vieux » (1917). Quant à Malvy, renvoyé devant le Sénat constitué en Haute Cour, il fut condamné à cinq ans de bannissement. Ce fut un triomphe pour Daudet, qui avait été longuement entendu comme témoin. Les élections générales législatives du 16 novembre 1919 se soldèrent par un demi-échec pour les royalistes. Tenus. à l'écart du Bloc National, ils présentèrent leurs propres candidats avec l'espoir d'en faire entrer une centaine au Palais-Bourbon. Trente à peine furent élus. A Paris, il n'y en eut qu'un seul : Léon Daudet lui-même, tête de la liste « d'Action française et d'Union nationale » du 3e secteur (16e arrondissement). Encore fût-ce de justesse puisque, des quatorze candidats proclamés élus c'est lui qui obtint, et de loin, le plus petit nombre de voix : 19.691 (sur 186.015 suffrages exprimés) alors que le moins favorisé, après lui, Ferdinand Buisson, en a 37.790, et qu'Emmanuel Evain, tête de la liste d'Entente républicaine, de tendance conservatrice et catholique, en compte 77.772.

    A la Chambre, il siège à l'extrême-droite, parmi les quelque trente députés proches de l'Action française, qui prirent le nom d'Indépendants. Malgré cet isolement relatif, il allait se faire entendre, en se montrant, comme le dit l'historien américain Eugen Weber dans son ouvrage sur l'Action française « le plus puissant porte-parole du nationalisme extrémiste, en un temps où le nationalisme extrémiste était fort à la mode ». Là encore, son talent de polémiste le servit. Son à propos, sa verve caustique, sa violence même le rendaient redoutable. Surtout, il est vrai, dans l'interruption et l'apostrophe, car, de l'aveu même de l'un de ses biographes, pourtant fort bien disposé à son égard, M. Paul Dresse, il était « moins attachant dans les grands développements ».

    Quoi qu'il en soit, il se posa vite en chef de file de l'opposition de droite. Dès la formation du cabinet Millerand, le premier de la législature, il attaque. Il interpelle le Gouvernement pour critiquer l'attribution du portefeuille de l'Intérieur au radical Théodore Steeg, qu'il accuse d'une part d'être d'origine allemande, d'autre part d'être le tuteur d'un enfant naturel que Malvy aurait eu d'une « espionne » allemande. L'opération était habile, car les catholiques du groupe de l'Entente conservaient une méfiance profonde pour quiconque se réclamait du radicalisme, et ils furent nombreux à s'abstenir dans le vote de confiance. Daudet avait marqué un premier point. Il ne devait pas s'en tenir là, et son action de harcèlement se poursuivit sans relâche.

    Ses interventions sont innombrables. C'est, notamment, un interpellateur infatigable. Au cours de la seule année 1920, par exemple, il interpelle le Gouvernement à cinq reprises. D'abord, comme nous l'avons déjà rappelé, sur l'attribution du portefeuille de l'Intérieur à Steeg ; puis « sur les mesures à prendre pour empêcher le retour de grèves politiques et révolutionnaires nuisibles au redressement du pays » ; puis « sur les moyens à employer pour mettre fin aux attentats révolutionnaires contre la Nation » ; « sur la démission du Ministre de la Guerre, André Lefèvre » ; et enfin « sur les facilités accordées aux agents allemands et bolcheviks pour pénétrer en France ». Ceci sans compter de très nombreuses interventions sur le budget, et dans des discussions relatives aux réparations, au rétablissement d'une ambassade auprès du Saint Siège, etc.

    Mais il faudra attendre 1922 pour que Daudet et ses amis puissent inscrire à leur actif un succès parlementaire important.

    On sait qu'en janvier de cette année là, à Cannes, Aristide Briand, alors Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères, cédant aux instances de Lloyd George, hostile au principe même des réparations mises à la charge de l'Allemagne par le traité de Versailles, avait consenti à la convocation d'une Conférence internationale, qui devait se tenir à Gênes en mars, en réunissant sur un pied d'égalité complète les représentants des Alliés, ceux de l'Allemagne et ceux de la Russie soviétique. C'était, semblait-il, le premier pas vers une amputation de la dette allemande. L'émotion fut très vive dans les milieux politiques français. Le Président de la République, Millerand, télégraphia à Briand pour lui demander des explications. Ce qui, d'ailleurs, lui sera par la suite âprement reproché. Mais c'est Daudet qui porta l'estocade, en développant, à propos de la fixation de l'ordre du jour de la Chambre, une véritable interpellation.

    L'Action Française put ainsi se targuer d'avoir provoqué la démission de Briand, et son remplacement par Poincaré, qui devait se refuser à toute concession sur les réparations et, le 11 janvier 1923, occuper la Ruhr. C'est au cours de son mandat de député que s'est abattue sur Léon Daudet l'épreuve atroce qui devait le marquer profondément et assombrir toute la fin de sa vie : la mort de son fils Philippe. Sans entrer dans les arcanes de cette affaire dont certains détails demeurent aujourd'hui encore fort mystérieux, rappelons-en brièvement les grandes lignes. Philippe Daudet avait quatorze ans. Fugueur récidiviste, il avait disparu depuis plusieurs jours quand, le 24 novembre 1923, un taxi l'amena à l'hôpital Lariboisiére. Selon les dires du chauffeur, Bajot, il venait dans la voiture, de se tirer une balle dans la tête. L'enfant mourut sans avoir repris connaissance. On apprit bientôt, à la stupeur générale, qu'il avait passé les dernières heures de sa vie en compagnie d'anarchistes, qu'il s'était- notamment rendu au journal le Libertaire, et dans la boutique d'un certain Le Flaouter, qui cumulait les « qualités » de libraire spécialisé dans la pornographie, d'anarchiste notoire et... d'indicateur de police. Ne pouvant croire au suicide de son fils, Léon Daudet fut toute de suite convaincu qu'il s'agissait d'un « crime policier » . Selon lui, la police « aux ordres des francs-maçons » aurait abattu le petit Philippe chez Le Flaouter, afin de se venger de son père et de tenter de le compromettre dans une affaire scandaleuse. Puis, elle l'aurait mis dans un taxi conduit par un homme à sa solde, pour tenter de camoufler l'assassinat en suicide. Pendant des mois, l'enquête

  • Éphéméride du 29 février

    Le pavillon de la reine Jeanne, aux Baux de Provence, qui a servi de modèle au tombeau de Mistral à Maillane

     

     

     

    1904 : Frédéric Mistral reçoit son Prix Nobel de Littérature 

     

    mistral mireio.jpgLe premier prix Nobel avait été remis en 1901, et Mistral était alors en compétition avec Sully Prudhomme, qui lui fut finalement préféré (voir l'Éphéméride du 6 septembre).

    Le jury du Prix Nobel ne souhaitant pas distinguer deux fois de suite un même pays, Mistral ne fut pas retenu en 1902. En 1903, de nouveau candidat, Mistral arriva deuxième, et dut laisser la place à un auteur scandinave.

    Ce fut donc en 1904 que - Miréio étant enfin disponible en langue suédoise - Mistral reçut la distinction prestigieuse, qu'il partagea cependant avec le poète espagnol José Echegaray : de nombreuses coquilles dans le texte, des maladresses ou erreurs de traduction avaient joué contre lui...

    Les Nobel sont attribués en décembre (généralement vers le 10, voir notre Éphéméride du 1O Décembre), mais Mistral était trop fatigué pour faire le voyage de Stockholm (il devait mourir dix ans après, juste avant le début de la Grande Guerre...) : il reçut donc son prix en différé, en quelque sorte, le 29 février 1904...

    Frederic-Mistral.jpgÀ ce moment-là, il reste donc dix ans à vivre au poète provençal, qui a écrit la quasi totalité de son œuvre :

    Mirèio (Mireille), en 1851;

      Calendau (Calendal), en 1866;
     
      Lis Isclo d'Or (Les Îles d'Or), en 1875;
     
      Memòri e raconte (Mémoires et récits), en 1906; 
     
     Lou Tresor dòu Felibrige (Le Trésor du Félibrige), de 1878 à 1886. 
     
    Son dernier recueil, Lis Oulivado (Les Olivades, 1912) commence par ces vers :  
    "Lou tèms que se refrejo, e la mar que salivo / Tout me dis que l'ivèr es arriba per ièu / E que fau, lèu e lèu, acampa mis òulivo / E n'òufri l'òli vierge à l'autar dou bon Diéu."
     
    (Le temps qui fraichît et la mer qui gronde / Tout me dit que l'hiver est arrivé pour moi / Et qu'il faut, vite, vite, ramasser mes olives /Et en offrir l'huile vierge sur l'autel du Bon Dieu).  
     
    Mistral consacrera l'intégralité de son Prix à réaliser le projet qui lui tenait à coeur : agrandir et re-créer le Muséon Arlaten, l'un des tous premiers musées d'ethnographie créé en France... (achat du Palais Laval-Castellane, acquisition des collections...) 

    mistral museon arlaten.jpg

    Le Muséon arlaten, déjà créé en 1896 par Mistral, fut donc installé dans l’hôtel Laval-Castellane du XVème siècle; il présente costumes, mobilier, outils de travail, objets de culte... et illustre la vie des provençaux du XIXème siècle  
     

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    À partir d'aujourd'hui, nous allons évoquer Frédéric Mistral, à travers sa poésie, et nous déclinerons cette évocation en trois temps :

    • aujourd'hui, 29 février (réception du Prix Nobel de Littérature);

    • puis, le 25 mars, jour anniversaire de sa mort;

    • et, enfin, le 8 septembre, date anniversaire de sa naissance;

     

    mistral timbre.jpg

    Et nous évoquerons cette poésie au moyen de deux poèmes (ou extraits) à chaque fois, soit au total six textes majeurs, qui permettent de se faire une première idée du fond de ses inspirations :

    1. Aujourd'hui, 29 février, nous allons lire un poème que l'on qualifiera de chrétien, tant est forte et sous-jacente partout chez Mistral cette source d'inspiration : La coumunioun di sant (La communion des saints) de 1858. Puis l'enracinement dans l'Histoire provençale et dans cette Provence charnelle, à travers ses paysages et ses villes. L'amour profond pour sa terre transparaît évidemment lui aussi partout chez Mistral : "...Se quauque rèi, pèr escasènço..." (Si Clémence était reine..., Mireille, Chant II);

    2. Le 25 mars, nous lirons un extrait d'un poème de combat, pourrait-on dire : I troubaire catalan (Aux troubadours catalans, partie I) de 1861. Puis, un poème peut-être un peu plus politique : A la raço latino (Ôde à la race latine) de 1878.

    3. Enfin, le 8 septembre, nous lirons le Mistral virgilien et homérique, paysan au sens fort et grand du terme, de l'Invocation de Mirèio (Mireille). Et le Mistral épique et historique, avec l'Invocation de Calendau (Calendal).

     

     

    I : Un poème chrétien, La coumunioun di sant (La communion des saints)

     
    Ci dessous, le portail de la Cathédrale Saint Trophime d'Arles, puis deux vues du cimetière antique des Alyscamps (Elysii Campi, les Champs Élysées des Grecs et des Romains) : des tombeaux, et l'église Saint Honnorat...
     

    MISTRAL 3.JPG


     
    Davalavo, en beissant lis iue,                 Elle descendait, en baissant les yeux,
    Dis escalié de Sant-Trefume;                  L'escalier de Saint-Trophime.
    Ero a l'intrado de la niue,                       C'était à l'entrée de la nuit
    Di Vèspro amoussavon li lume.               On éteignait les cierges des Vêpres.
    Li Sant de pèiro dou pourtau,                 Les Saints de pierre du portail,
    Coume passavo, la signèron,                  Comme elle passait, la bénirent
    E de la glèiso a soun oustau                   Et de l'église à sa maison
    Emé lis iue l'acoumpagnèron.                 Avec les yeux l'accompagnèrent.
     
    Car èro bravo que-noun-sai,                   Car elle était sage, vraiment,
    E jouino e bello, se pou dire;                  Et jeune, et belle, on peut le dire;
    E dins la glèiso res bessai                       Et dans l'église nul peut-être
    L'avié visto parla, vo rire;                       Ne l'avait vu parler ou rire.    
    Mai quand l'ourgueno restountis,            Mais quand l'orgue retentissait,       
    E que li saume se cantavon,                   Pendant que l'on chantait les psaumes,
    Se cresiè d'èstre en paradis                    Elle croyait être en Paradis
    E que lis Ange la pourtavon !                  Et que les anges la portaient ! 
     
    Li Sant de pèiro, en la vesènt                 Les Saints de pierre, la voyant
    Sourti de-longo la darriero                     Sortir tous les jours la dernière
    Souto lou porge trelusènt                      Sous le porche resplendissant
    E se gaudi dins la carriero,                     Et s'acheminer dans la rue,
    Li sant de pèire amistadous                   Les Saints de pierre bienveillants
    Avien pres la chatouno en gràci;            Avaient pris en grâce la fillette;
    E quand, la niue, lou tèms es dous,        Et quand, la nuit, le temps est doux,
    Parlavon d'èlo dins l'espàci :                  Ils parlaient d 'elle dans l'espace :
     
    - La vourriéu vèire deveni,                     "Je voudrais la voir devenir
    Disié sant Jan, moungeto blanco,           - Disait Saint Jean- nonette blanche,
    Car lou mounde es achavani,                 Car le monde est orageux,
    E li couvènt soun de calanco.                 Et les couvents sont des asiles.
    - Sant Trefume diguè : - Segur !            - Saint Trophime dit : "Oui, sans doute !
    Mai n'ai besoun, iéu, dins moun tèmple, Mais j'en ai besoin, moi, dans mon temple,
    Car fau de lume dins l'escur,                  Car dans l'obscur il faut de la lumière,
    E dins lou mounde, fau d'eisèmple.        Et dans le monde il faut des exemples."
     

    MISTRAL ALYSCAMPS.JPG


    - Fraire, diguè sant Ounourat,                "Ô frères - dit Saint Honnorat -
    Aniue, se'n-cop la luno douno                Cette nuit, dès que luira la lune
    Subre li lono e dins li prat,                     Sur les lagunes et dans les prés,
    Descendren de nosti coulouno,               Nous descendrons de nos colonnes,
    Car es Toussant : en noste ounour          Car c'est la Toussaint: en notre honneur
    La santo taulo sara messo...                   La sainte table sera mise....
    A miejo-niue Noste Segnour                   A la mi-nuit Notre-Seigneur
    Is Aliscamp dira la messo.                      Aux Alyscamps dira la messe."
     
    - Se me cresès, diguè sant Lu,                "Si vous m'en croyez - dit Saint Luc -
    Iè menaren la vierginello;                       Nous y emmènerons la jeune vierge;
    Ié pourgiren un mantèu blu                     Nous lui donnerons un manteau bleu
    Em'uno raubo blanquinello.                     Avec une robe blanche."
    E coume an di, li quatre Sant                  Et cela dit, les quatre Saints
    Tau que l'aureto s'enanèron;                   Tels que la brise s'en allèrent;
    E de la chatouno, en passant,                  Et de la fillette en passant,
    Prenguèron l'amo e la menèron.              Ils prirent l'âme et l'emmenèrent.
     
    Mai l'endeman, de bon matin,                 Mais le lendemain, de bon matin,
    La bello fiho s'es levado...                       La belle fille s'est levée...
    E parlo en touti d'un festin                      Elle parle à tous d'un festin