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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Jean-Frédéric Poisson : « La prolifération de l’islam ne se nourrit que de la faiblesse de notre propre conviction à déf

    Jean-Frédéric Poisson a été député et maire de Rambouillet dans les Yvelines. Un territoire qui, une fois de plus, a été endeuillé par l’égorgement d’une fonctionnaire de police dans les locaux du commissariat. Quelques mois avant, le même département avait connu l’assassinat du couple de policiers de Magnanville et l’égorgement de Samuel Paty.

    Qui sont les responsables ? Nos principes républicains sont-ils taillés pour faire rempart à la menace islamiste ? La fermeture des frontières suffirait-elle à protéger les Français ?

    Réponses de Jean-Frédéric Poisson au micro de Boulevard .

    Vendredi, la ville de Rambouillet se retrouvait endeuillée. Un clandestin tunisien tout juste régularisé a égorgé une fonctionnaire de police de 49 ans, mère de deux enfants, au sein du commissariat de Rambouillet. C’est la première fois qu’une telle chose se produit dans cette ville.

    C’est la première fois, et si la preuve devait être faite que cela peut maintenant frapper n’importe où n’importe quand et sur n’importe qui, on le savait déjà. On se considère toujours comme un peu à l’écart de ces coups du sort. Il faut avoir en tête que le département des Yvelines n’est pas, non plus, n’importe quel département. C’est le département qui a envoyé le plus grand nombre de en Irak et en Syrie. Dans ce département, il y a des foyers de de l’ conquérant très actifs, des agressions régulières contre les forces de l’ordre et des actes de répétitifs. Les Yvelines ne sont donc pas un département aussi calme et aussi tranquille que ce que nous pourrions croire. Ce département est très bigarré, dans lequel l’ conquérant est extrêmement présent. Les Yvelines ne sont pas épargnées par tout cela. On aurait préféré rester à l’écart de cette folie.

     

    Selon vous, qui est responsable de ce qui s’est passé, vendredi, à Rambouillet ?

    La très belle chanson de Bob Dylan « Qui a tué Davey Moore » est l’histoire d’un boxeur mort sur le ring. Son entraîneur, son adversaire et l’arbitre n’ont pas fait attention et il est mort. Il y a une forme de dilution de la responsabilité. Personne ne peut prétendre sérieusement qu’aucune mesure ne garantira jamais qu’un de cette nature puisse se reproduire. Personne ne peut empêcher quelqu’un de déterminé de donner la mort à quelqu’un d’autre. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas traiter les causes. Je vois deux types de causes.

    La première, c’est la complaisance que nous continuons d’avoir à l’égard de l’islam conquérant, de l’islam tout court comme système politique et comme idéologie. Dans le cœur de l’islam sont inscrits des ferments de violence. Dans la politique de l’islam est inscrite la volonté de dominer tous les esprits et de soumettre, dans la loi islamique, tous les comportements individuels. Dans la diplomatie des États musulmans est inscrit le projet de faire dominer la charia en Europe.

    Le président Erdoğan n’est que le porte-voix d’un certain nombre de pays sunnites qui veulent faire régner la loi islamique sur l’Occident. Nous ignorons tout cela et n’avons pas pris la mesure de ce bras de fer de engagé par l’islam à notre encontre. Nous faisons comme si cette percussion n’existait pas, qu’elle était aimable et comme si elle pouvait être résolue, atténuée ou amortie par des accommodements raisonnables. On nous dit que ces fameux accommodements raisonnables pourraient améliorer la situation. Je n’y crois pas du tout.

    Autant je crois que le dialogue avec les musulmans est indispensable, autant je pense que la conciliation avec l’islam est impossible.

     

    Marine Le Pen face à Gérald Darmanin avait pris grand soin de dissocier l’islamisme et l’islam.

    Cela n’existe pas. Je suis curieux de savoir ce qu’il y a derrière ces termes. Il y a une différence entre l’islam et les musulmans. Il y a l’islam comme système et doctrine d’un côté et, de l’autre côté, le rapport qu’entretiennent les croyants à ce système et à cette doctrine. Politiquement, vous pouvez travailler sur la doctrine si vous engagez un combat culturel contre les idées. C’est cela qui n’existe pas, en France. Malgré les annonces et les coups de menton, la détermination sans faille, etc., on ne voit toujours pas de grands courants orientalistes renaître en France et toujours pas de soutien à ceux qui engagent une critique rationnelle de l’islam en tant que système.

    Par ailleurs, il y a ce qui est à faire contre les foyers de résonance de cet islam conquérant. La loi contre le séparatisme a essayé d’engager deux ou trois choses assez timides. Je ne suis pas certain qu’elles produiront des effets. C’est bien sur cette relation entre les musulmans et le système intellectuel qu’est l’islam qu’il faut travailler. La distinction islam/islamisme n’a aucun sens !

     

    Ce message porté par les gens du printemps républicain démontre que la République telle qu’elle est vue et interprétée aujourd’hui n’est peut-être pas armée pour lutter contre cet islamisme radical ?

    C’est un formidable signe de faiblesse. Quel plus grand signe de faiblesse que de vouloir faire taire celui qui ne pense pas comme vous ? Trouvez-vous que cette attitude est une attitude de force ?

    Pensez-vous que c’est l’attitude de quelqu’un qui est sûr de ses propres principes et qui est à l’aise avec sa propre doctrine ?

    Quelle est cette République, paraît-il, de la tolérance, de la liberté d’expression, de la liberté de croyance et de la liberté d’association ? Quelle est cette République qui, tout d’un coup, se met à interdire ?

    Plus on renonce à traiter cette question et plus on est obligé d’entrer sur un régime d’interdiction, de privation et de contrainte pour expliquer aux musulmans qu’ils ne pensent pas droit.

    On est en train de se rendre compte que ces fameuses valeurs de la République ne veulent rien dire. Pour beaucoup de Français, c’est du vent ! Les valeurs de la République répétées en particulier aux Français musulmans ne leur parlent pas. Je ne dis pas que cela ne parle à personne, je dis simplement que cela n’a aucune efficacité sur le plan de la capacité à refaire corps et à essayer de vivre les uns à côté des autres et, encore mieux, les uns avec les autres.

    Au fond, plus on est faible sur les finalités que l’on doit poursuivre, plus on doit devenir fort sur les procédures et les méthodes. Lorsque vous êtes forts sur les fins que vous poursuivez et lorsque vous savez les énoncer clairement, vous avez besoin de moins de procédures. Je peux comprendre l’agacement des gens qui voudraient voir interdire, une fois pour toutes, le voile dans l’espace public. Mais au nom de quoi ? Je me mets à la place de certains musulmans. Pourquoi des personnes pourraient porter des voiles sur la tête lorsque des processions sont faites dans la rue pour des fêtes religieuses chrétiennes, alors que les femmes musulmanes ne le peuvent pas ? On va me dire que c’est à cause de la civilisation.

    Si vous imaginez la variété des raisons pour lesquelles les femmes musulmanes se mettent à porter le voile, vous seriez surpris. Il n’y a pas qu’une logique de soumission. Il y a aussi une logique de protection, de pudeur et d’affirmation identitaire. C’est parce que nous avons renoncé à notre idéal de civilisation que les gens vont chercher ailleurs. Au fond, la prolifération de l’islam et sa capacité à s’installer en France durablement ne se nourrissent que de la faiblesse de notre propre conviction à défendre notre civilisation.

     

    D’un point de vue très pragmatique, que faudrait-il mettre en place ? Est-ce que la fermeture des frontières et les contrôles d’immigration sont efficaces ?

    Il faut faire tout cela en ayant conscience que ce sont des signaux politiques et que cela ne va rien régler du jour au lendemain. Comme je le disais tout à l’heure, le meurtrier de Rambouillet est en France depuis dix ans. Même si vous fermez les frontières maintenant, cela ne réglera rien pour ceux qui sont déjà rentrés. Mais c’est un signal politique et l’affirmation d’une volonté. Si, effectivement, vous cessez les naturalisations pendant un temps, vous envoyez un signal politique. Si vous décidez de faire une vraie bagarre aux clandestins, et peu importe que vous n’en expulsiez que 2 ou 3 %, cela envoie tout de même des signaux politiques. Cela ne traite pas la question des attentats terroristes, mais cela envoie des messages à ceux venant des pays étrangers qui pourraient considérer qu’ils peuvent être les bienvenus en France. Cela ne peut plus être le cas.

    L’attentat de vendredi est encore une manifestation qui fait suite aux dizaines d’agression, toutes les semaines, sur tout le territoire, contre les forces de police. Un de mes amis m’expliquait que, dans la métropole lyonnaise, les forces de l’ordre sont agressées presque tous les soirs. La seule réponse du gouvernement est de dire « on sera ferme ». Mais lorsqu’on est ferme comme au tribunal de Créteil, lorsque les criminels de Viry-Châtillon ont été blanchis pour certains d’entre eux par la , ce n’est pas formidable en termes d’efficacité. Au fond, c’est la réflexion sur les causes de cette violence et sur la désespérance qui atteint le peuple français et sur le fait que nous sommes en train de toucher la limite d’un système matérialiste et d’un système de consommation. Nous sommes en train de toucher la limite de la vision individualiste du corps . Tout cela n’engendre que de la violence. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de régulation spirituelle, et je ne parle même pas de religion. Nous avons renoncé à notre ferment de civilisation, donc nous n’avons plus de régulation spirituelle. Par conséquent, la violence s’installe.

    Il y a quelque chose de presque mécanique. C’est une constante historique que nous voyons à peu près partout. Qui s’apprête à traiter ce sujet politique ? Qui s’apprête à placer le débat sur ce bon niveau politique ? Les autres sont des enjeux de gestion. Je ne suis pas contre la fermeture des frontières, je l’approuve. Je suis d’accord pour que l’on arrête de naturaliser. Je ne peux pas être accusé de complaisance à l’égard de l’islam comme doctrine. Mais la racine de tout cela est le fait que nous ne savons plus qui nous sommes. Nous sommes diversement entendus. Peut-être que, cette fois-ci, nous le serons un peu plus et, malheureusement, la fois d’après, encore davantage.

     

    Jean-Frédéric Poisson

    Président de VIA | la voie du peuple, candidat à l'élection présidentielle de 2022
  • Politique écologique : lourde de risques, mais nécessaire, par Yves Morel.

    Aux grands maux, les grands remèdes : continuer sur notre lancée libérale et consumériste, c’est aussi, fatalement, en accepter les effets pervers, comme ces lois liberticides. Embrassons l’écologie avant que ses partisans ne nous étouffent.

    En raison de l’importance cruciale des questions environnementales, les écologistes ont le vent en poupe et engrangent les succès électoraux. Mais ils suscitent des inquiétudes. Car si nos contemporains sont convaincus de l’urgence de la résolution du problème, ils sont également conscients des contraintes qu’une politique écologique leur imposera. Ils savent que si une telle politique n’est pas menée à bien, la planète deviendra un chaudron, un cloaque et un bouillon de culture. Mais, assez lucides pour gonfler les scores électoraux et le nombre d’élus des écologistes, et pour participer à une convention citoyenne pour le climat, ils ne peuvent se résoudre aux lendemains qui déchantent consécutifs à une politique sérieuse en la matière. Ils en comprennent la nécessité, mais veulent qu’elle ne change en rien leur mode de vie. Et d’aucuns fustigent l’« écologie punitive », d’inspiration idéologique et totalitaire.

    Des restrictions douloureuses et inductrices d’un changement de civilisation

    De prime abord, leur appréhension paraît fondée. Le projet écologiste implique, en effet, toute une série de règles, interdictions et autres contraintes. Tout le monde s’accorde à dire qu’aucune société ne peut se maintenir ni assurer la sécurité et un minimum de tranquillité sans l’édiction de règles tendant à la restriction des libertés individuelles (ou de groupes donnés) et de sanctions visant à réprimer les infractions pouvant leur être faites. Mais, objectent les anti-écologistes, ces règles et interdictions ne portent en rien atteinte aux libertés publiques telles que les définissent la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et notre constitution. Or, les projets écologistes remettent en question ces libertés universellement reconnues. Ils restreignent notablement les libertés de se déplacer, de consommer (en particulier dans le domaine de l’eau et des sources d’énergie), de créer et faire vivre une entreprise. Par là, et de par les coûts de leur mise en œuvre, ils ont des conséquences sur nos conditions de vie et de travail, sur nos revenus et notre niveau de vie. Ils nous oppriment et nous appauvrissent. Et ils nous traitent en coupables. Durant des décennies, nous avons pillé et gaspillé les ressources naturelles, pollué notre environnement, détruit d’innombrables espèces, voire des écosystèmes entiers, engendré un réchauffement climatique aux effets désastreux ; et, en conséquence, nous devons payer ces fautes, qui sont des crimes et font de nous des « assassins de la planète », suivant le mot d’écologistes extrémistes. Nous devons nous couvrir la tête de cendres, faire acte de repentance et de contrition, et réparer nos erreurs en acceptant une existence faite de sacrifices, condition de notre salut. Le projet écologiste revêt souvent un caractère religieux, ce qui peut choquer un peuple aussi pénétré d’esprit laïque – donc libéral et individualiste – que le nôtre. Et il peut sembler totalitaire. D’autant plus qu’il est global, et susceptible de modifier toute l’organisation de notre société, jusque dans ses principes éthiques. Effectivement, il engendrerait un véritable changement de civilisation. Il nous ferait passer d’une société libérale, individualiste et hédoniste, soit à un nouveau Moyen Âge, soit à une société socialiste spartiate. La crainte de nos semblables à l’égard de ces sombres perspectives est donc compréhensible. Mais sans doute est-elle excessive. Mais la vraie question est : avons-nous le choix ? Et les réponses à cette question sont sans appel.

    L’impossibilité d’ajourner une politique écologique contraignante mais indispensable

    Les atermoiements et demi-mesures nous sont désormais interdits. Le choix n’est plus entre la préservation des libertés et leur disparition, mais entre leur réglementation nécessaire et des conditions d’existence si pénibles qu’elles menaceraient notre survie même et détruiraient définitivement tout libre exercice de nos facultés. De quelle utilité nous serait notre liberté dans un monde caniculaire cinq mois sur douze, affecté partout par des hivers de type nord-américain ou sibérien, submergé par des océans en crue, irrémédiablement pollué, arrosé de pluies acides, et devenu le royaume de virus générateurs d’épidémies mortelles ? On ne peut être libre en enfer. Et, cette abolition de la liberté par la nature serait redoublée par les mesures qu’il faudrait bien prendre pour essayer tout de même (mais trop tard) d’enrayer la catastrophe écologique. Car pense-t-on que, dans ce but, les pouvoirs publics n’adopteraient pas alors des mesures infiniment plus répressives qu’aujourd’hui, et destructrices des libertés les plus sacrées et consacrées ? Plus on différera l’adoption de mesures écologiques sérieuses, plus ce sera trop tard, et plus l’humanité s’acheminera vers des politiques oppressives (en même temps qu’inutiles). Il convient donc d’accepter, fût-ce à contrecœur, une politique écologique devenue indispensable, et qui apparaît comme le seul moyen de préserver tant notre liberté que notre survie.

    Les illusions des solutions alternatives et de la « croissance verte »

    Mais il est toujours tentant de s’abandonner aux contempteurs de l’écologie punitive. Le malheur de l’écologie tient d’une part à ce qu’elle ne devient crédible, dans l’esprit du grand public, que lorsque les désastres qu’elle annonce commencent à se faire sentir, et, d’autre part, à ce qu’on s’accroche toujours à l’idée qu’une politique environnementale minimale est possible, qui ne changerait en rien notre mode de vie. On parle alors de « croissance verte » à base de véhicules électriques, de vastes champs d’éoliennes et de panneaux solaires, de bioéthanol, d’installations aspirant les émissions de CO2, etc. Il faut dissiper les illusions qui font croire que ces initiatives suffiront. Nous savons que la résolution (très imparfaite, du reste) du problème exige une réduction mondiale de 6 % des émissions annuelles de CO2, cependant que la capacité d’amélioration de l’efficacité écologique de l’économie est limitée, en quantité d’euros de PIB, à 1,5 % par an. Ceci implique que nous devrons réduire notre PIB de 4,5 % par an, toujours au niveau mondial, et ce jusqu’en 2050. Il s’agit là d’un impératif incompatible avec le maintien – même approximatif – de la croissance actuelle. D’ailleurs, les énergies alternatives citées plus haut seraient fort loin de couvrir les besoins de celle-ci.

    L’indispensable changement de modèle économique et social

    Un changement de modèle économique et social est donc inévitable. Cela implique de détacher nos valeurs du modèle libéral. Celui-ci est fondé sur l’idée d’une complémentarité naturelle entre l’intérêt individuel bien compris et l’intérêt général, la satisfaction du second découlant mathématiquement de celle du premier par le jeu du marché libre, et l’État intervenant à titre de régulateur de l’activité économique et de correcteur ou compensateur de ses conséquences nocives. Le principe directeur est alors celui de la liberté individuelle (d’entreprendre, de travailler, de consommer, etc.), la solidarité nationale et la justice sociale n’intervenant que par surcroît, à titre d’exigences éthiques et politiques introduites dans le jeu économique. Telle est la base du fonctionnement de notre société contemporaine. Ceci entraîne la subordination du politique à l’économie, et justifie donc une vision « économiste » du monde (qui fit la fortune du marxisme comme du libéralisme). L’intérêt général n’est alors envisagé qu’à l’aune des intérêts individuels, dont il est la somme.

    Il sera impératif non d’abolir les libertés individuelles, mais de les accorder à l’intérêt général.

    Une telle vision de l’ordre politique et social s’est soutenue aussi longtemps que la continuité globale de la croissance n’était pas mise en question (sinon lors de crises momentanées). Mais la situation actuelle remettant en cause cette croissance continue, c’est, du même coup, toute notre conception de la société et de la politique, et toutes nos habitudes de vie et de pensée qui sont à reconsidérer. Il conviendra d’accorder la prééminence à l’éthique et au politique, et de leur subordonner le jeu économique. Et il sera impératif non d’abolir les libertés individuelles, mais de les accorder à l’intérêt général. Le principe de solidarité devra prévaloir dans les rapports sociaux. L’histoire ne se répétant jamais, cela ne donnera lieu ni à un système socialiste, ni à un nouveau Moyen Âge. L’écologie devra devenir une composante essentielle de la politique, mais pas la seule ; et la priorité écologique ne devra pas devenir unique, malgré sa prééminence indiscutable. Elle devra se garder de toute dérive dogmatique.

    La nécessité d’intégrer l’écologie à une politique globale

    Surtout, elle devra être cohérente afin d’être juste et efficace. Lorsqu’une politique écologique procède de manière pointilliste, par diverses mesures particulières non intégrées à la politique globale d’un gouvernement, elle a des effets nocifs. C’est ce qu’a montré l’institution de la taxe carbone qui, non incluse dans une politique générale, risquait d’aggraver les difficultés des chefs d’entreprise, transporteurs, VRP et innombrables actifs contraints, par nécessité, de se déplacer avec leur véhicule. Une politique écologique doit, pour rencontrer l’assentiment de la population, prévoir des mesures d’adaptation et d’accompagnement pour les gens qu’elle affectera en premier lieu. Des gens qui triment pour survivre, consomment de l’énergie, et polluent parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, sous peine de perdre leur emploi ou de périr, ne peuvent accepter une politique écologique qu’à condition que cessent de peser sur eux les contraintes économiques, l’obsession du rendement, la menace du chômage, la peur de la fermeture de leur entreprise.

    Se garder des dérives idéologiques et sectaires

    Cette insertion de l’écologie dans une politique globale tendant à modifier notre système économique et notre mode de vie heurte certains, qui voient en elle la résurgence d’un socialisme totalitaire régissant un univers aseptisé et réglementé, intermédiaire entre le meilleur des mondes d’Huxley, la social-démocratie étouffante de la Suède et les dictatures communistes. Assurément, une politique écologique sectaire et imbibée d’idéologie pourrait y mener. Et il faut bien admettre que nombre d’écologistes ont cette conception de l’écologie, et entendent nous préparer doucement à l’avènement d’un monde de cauchemar, normalisé, codifié, prohibant toute consommation de chair animale, restreignant les libertés et le nombre de loisirs permis, et régi par un politiquement correct égalitariste et uniformisateur. Il y a là un danger à dénoncer.

    Ne pas refuser l’écologie au motif des excès de certains

    Cela ne doit néanmoins pas mener au dénigrement systématique du nécessaire combat écologique. L’existence de fanatiques partisans d’un monde totalitaire vert ne doit pas nous inciter à méconnaître la nécessité urgente d’une politique écologique sérieuse, et à accorder crédit à ses contempteurs, qu’ils soient complotistes, adeptes d’une illusoire croissance verte, ou libéraux individualistes. En particulier, il serait tout de même aberrant que des hommes et femmes de la droite nationale, ennemis depuis toujours du libéralisme sans frein, se muassent, par peur d’un socialisme vert, en défenseurs tardifs de la société de consommation.

    Illustration : TOUS LES RISQUES NE SONT QUAND MÊME PAS À PRENDRE, ET PEUT-ÊTRE POURRAIT-ON S’ÉPARGNER SANDRINE ROUSSEAU, « ÉCONOMISTE ET ÉCOFÉMINISTE » ?

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    Source : https://politiquemagazine.fr/

  • Droite, gauche : la grande confusion, par Pierre de Lauzun.

    La droite peine, la gauche s'éparpille, le paysage politique est en fusion. Le système bi-partisan profite de lois électorales mais exaspère les divisions, on a le sentiment d'un système sur le point de se désagréger. Que choisir ?

    4.jpgJ’ai évoqué dans un précédent article l’information selon laquelle il y aurait une droitisation de l’opinion, ce qui laisse entendre qu’on aurait une idée claire de ce qu’est la droite. Or sur la base de la traditionnelle division tripartite de la droite dans ce qu’on appellera pour simplifier les conservateurs, les libéraux et les populistes, un examen plus détaillé montre que seuls ces derniers ont vu leur rôle et influence s’accroître, du moins pendant un temps, sur la base d’ailleurs d’un corps d’idées passablement flou.

    Mais, pour compléter l’analyse, il faut voir ce qui se passe à gauche. On sait que la gauche est intellectuellement hégémonique : elle domine la production intellectuelle et l’expression publique des idées et informations de façon croissante avec le temps. Dominer ne veut pas dire qu’elle est supérieure, encore moins qu’elle a raison ; mais elle contrôle la production et la dissémination des idées. Sur la scène politique, cela s’est traduit non pas par la domination de ce qu’à un moment donné, on appelle politiquement la gauche, ou pas automatiquement, mais par le glissement de l’arc politique : l’axe droite/gauche garde son rôle prépondérant dans la définition de la polarité politique, mais les idées de gauche anciennes dépassées par de nouvelles idées de gauche glissent sur la droite de l’arc politique. Après tout, même les bonapartistes (ancêtres des populistes) et les orléanistes (libéraux) viennent en partie appréciable de la gauche, ou en tirent une partie de leurs idées ; ils ne sont pas compréhensibles sans le rappel de cette origine – le glissement ayant été suivi d’une mutation, avec hybridation et fixation sur la droite. Et inversement, les seuls à toujours avoir été classés à droite, les anciens légitimistes, ou encore les héritiers de la pensée classique, sont refoulés plus sur la droite, et s’hybrident dans ce qu’on appelle les conservateurs.

    Les dilemmes croissants de la gauche

    Et à gauche ? Face à la division tripartite de la droite, on constate un phénomène différent, car la gauche, elle, est entièrement un lieu d’origine. On pouvait jusqu’à récemment y discerner trois grands courants, quoique de poids très différents. Il y a d’abord un courant libéral de gauche/républicain/radical, tourné vers la mise en place de la démocratie libérale comme régime politique, attaché à l’émancipation, très hostile à la religion, avec des nuances internes entre libéraux et républicains. Dominant sous la IIIe République, il a beaucoup perdu de sa pertinence politique et tend à se faire refouler à son tour sur la droite (où il contribue au syncrétisme : ce fut le cas du parti radical intégré dans l’UDF). Mais il reste important sur le plan des idées, en tant que tradition libérale de gauche, émancipatrice ; on le voit actuellement en matière de mœurs.

    Un deuxième courant est le socialisme au sens large, de plus en plus prépondérant depuis le siècle dernier, avec trois variantes nettement différenciées, sociale-démocrate, communiste et gauchiste. Mais comme on sait, il est à son tour touché par l’obsolescence. On peut même parler d’un effondrement historique du socialisme, successivement sous ses deux formes pertinentes au niveau gouvernemental : la communiste, évidemment, et plus récemment la sociale-démocrate, pour des raisons combinées : épuisement du ressort budgétaire, réduction de la classe ouvrière, et adhésion à la mondialisation, liée au refus du patriotisme ; or la nation est désormais la seule base de protection des travailleurs locaux. Le gauchisme subsiste mais reste périphérique.

    Un troisième courant est l’anarchisme, généralement négligeable politiquement mais distinct des précédents, sauf hybridation éventuelle avec le gauchisme.

    S’y ajoute bien sûr l’émergence plus récente d’un nouveau courant, l’écologisme. Mais à regarder de près, son positionnement à gauche ne devrait pas aller de soi, sur la base de ce seul souci écologique. Certes cela remet en question l’économie dominante, et donc conduit à prendre un positionnement contestataire, ce qui s’apparente à la gauche. Mais surtout il y a eu dans l’écologisme politique une greffe massive d’idées de gauche nullement liées en soi à l’écologie, et notamment libérales/libertaires (questions de mœurs). Cela dit, au total, dans aucun pays le courant écologique ne paraît en passe de jouer le rôle politico-idéologique central que jouait à gauche le socialisme. Il reste donc une tendance globale à l’affaiblissement relatif de la gauche politique.

    La situation se complique encore de façon déterminante par l’émergence d’une autre problématique, qui touche cette fois à la composition de la population elle-même. Problématique qui est double : celle des migrants, et celle de la critique woke/intersectionnelle. La problématique des migrants n’est pas facile pour les courants de gauche établis, et notamment les socialistes. Le migrant a une origine, des vues et des intérêts qui divergent sensiblement de ceux des milieux populaires traditionnels, notamment ouvriers. Mais le réflexe dominant de la gauche politique, son mode de pensée spontané, émancipateur et cherchant sa base dans ce qu’il pense être les victimes, le conduit à voir les migrants comme on voyait le prolétariat. Outre que cela accroît le divorce entre la gauche et sa base populaire d’origine, cela ne lui donne pas une base de rechange, car cela se fait en bonne partie sans les migrants eux-mêmes (même s’ils votent à gauche quand ils votent) ; et il n’y a rien ici d’équivalent à ce qu’étaient les syndicats. En outre la fascination des émancipateurs pour les évolutions sociétales est diamétralement contradictoire avec les préférences spontanées des migrants, musulmans notamment. Une nouvelle synthèse est rendue dès lors difficile et la problématique des migrations accélère l’évolution des socialismes et leur désagrégation.

    S’y ajoute, plus récemment en France, la problématique de l’intersectionnalité et de l’idéologie woke. Elle aussi séduit la gauche car elle se présente comme une nouvelle vague d’émancipation, combinant les préoccupations sur les mœurs et le souci des “minorités” raciales, ethnique, sexuelles ou autres. Mais de ce fait non seulement la gauche abandonne le terrain de l’universalisme, qu’elle revendiquait, mais surtout elle s’enferme dans des revendications contradictoires, ainsi entre le féminisme et la fascination étrange que l’islam, perçu comme religion des dominés, exerce sur elle.

    Il résulte de toute ceci une très grande confusion à gauche au niveau politique, même si son hégémonie idéologique reste intacte, voire est plus ambitieuse dans sa radicalité et son intolérance.

    Conséquences pour la scène politique

    On comprend dans un tel contexte les velléités de remise en cause du clivage droite-gauche ; mais il subsiste comme facteur majeur de polarisation de la vie politique. D’autant qu’il recouvre et exprime les nouvelles polarités, ainsi sur les questions de mœurs et de société, sur l’immigration et les thèmes « woke ». En revanche on a vu de plus en plus en plus et logiquement le glissement du vote populaire à droite, essentiellement au profit du populisme, au moins pendant un temps. Les dernières élections ne remettent pas en cause cette constatation : outre que la faible participation rend leur pertinence contestable, elles marquent surtout la stabilité de la politique locale et en aucun cas un renouveau des idées dites de droite. D’ailleurs la persistance de l’hégémonie des idées de gauche ne permet pas une affirmation d’idées plus véritablement de droite dans l’opinion. Le glissement s’est donc fait donc sans contenu nouveau, en tout cas sans élaboration de la pensée.

    De leur côté, les immigrés et leurs descendants ne jouent pas encore comme tels de rôle majeur. S’ils votent à gauche, de façon prévisible vu l’état de l’arc politique, leur identification réelle aux traditions de gauche n’est en rien acquise, notamment en contexte musulman. On sait que Houellebecq a imaginé une situation où ils prendraient position sur la droite, dans un cadre politique qui leur serait propre. C’est concevable intellectuellement, mais loin de la réalité actuelle. En dominante ils restent donc des supplétifs passifs de la gauche. Et si on peut penser qu’à terme ils devraient avoir leurs propres partis, ce serait sans doute au début plutôt à gauche, accroissant par-là la confusion de ce côté.

    En résumé donc, si la scène idéologique, médiatique ou éducative reste dominée par la gauche, cela ne donne pas à celle-ci les moyens de se reconstituer une base politique solide, tout au contraire. Mais à droite la situation n’est pas meilleure : elle reste intellectuellement divisée, dominée, et le courant qui montait, populiste, est le plus faible sur ce plan.

    Devant une telle situation, la scène politique est nécessairement confuse. Aucune formule ne permet de reconstituer un bloc dominant analogue à ce qu’ont établi, en leur temps, les radicaux ou les gaullistes en France, ou les sociaux-démocrates scandinaves. Ou la tranquille alternance conservateurs/sociaux-démocrates des Allemands ou des Britanniques. Mais, inversement, cela permet des combinatoires multiples, dont le point commun est la précarité relative de chaque formule. Ainsi le macronisme au profit du centre : exploitant à fond la faiblesse des gauches et droites historiques, et jouant sur l’anathémisation du populisme, il agrège libéraux de gauche et libéraux de droite avec des fragments d’autres courants pour obtenir une majorité relative, le tout saupoudré d’européisme, ce qui permet un temps de garder le pouvoir par défaut – avec l’aide des mécanismes électoraux.

    À partir de faits analogues, la combinatoire peut être différente dans d’autres pays. Le maintien du cadre formel bipartisan permet, en pays anglosaxon, que subsiste une alternance, même si de façon sous-jacente les deux camps sont désormais très hétérogènes,
    notamment aux États-Unis où, paradoxalement, cette hétérogénéité se combine avec une radicalisation et une polarisation bien plus grandes qu’autrefois. Le schéma Biden a quelques affinités avec le macronisme (la comparaison avec Roosevelt est très exagérée), même si la mécanique bipartisane le déporte quelque peu sur la gauche. Inversement, au Royaume-Uni Boris Johnson a réuni les droites sur un thème national (Brexit) avec des emprunts à gauche (questions de mœurs). Dans les deux cas, rien ne garantit que cela dure. Sans parler de l’Italie, où les technocrates ont provisoirement repris la main sur un arrière-plan politique et idéologique particulièrement confus et instable. Instabilité qu’on retrouve de façon atténuée en Espagne, et même en Allemagne.

    Une vraie clarification peut donc demander du temps, en attendant que des dominantes émergent. Dans une large mesure, la question n’est pas uniquement de savoir si la gauche, le centre ou la droite politiques l’emporte, mais laquelle. Dans l’état actuel des choses, les partisans d’une option claire ne peuvent être que déçus. Je plaide comme on sait, pour la pensée politique classique et conservatrice (ainsi dans mon dernier livre Le grand retournement). Mais le vent ne lui est apparemment pas favorable. Dans l’intervalle, il s’agit alors de faire au mieux, malgré le contexte. Ce sera une affaire de conjoncture, et de personnes ; c’est important car c’est l’affaire de tous, mais cela ne sera sans doute que des palliatifs. Sur le fond, il faut en revanche recourir à la vieille sagesse chinoise : dans les temps défavorables, il s’agit de survivre et de préserver ce qui importe, et donc de transmettre l’essentiel. Sans s’affoler : la roue de l’histoire tourne.

    Illustration : On se perd en conjectures sur le nouveau culte gauchiste francilien, qui témoigne d’une certaine confusion des esprits.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Éphéméride du 8 septembre

    1830 : Naissance de Frédéric Mistral

     

     

     

     

     

    1239 : Première représentation du Miracle de Théophile, de Ruteboeuf 

     

    8 septembre,mistral,lamartine,daudetSi l'on connait relativement bien la vie même de Ruteboeuf, et en tous cas ses moments les plus importants, on ne dispose, curieusement de presqu'aucune date en ce qui le concerne. C'est dans l'exposé suivant - très intéressant malgré son aspect un peu austère - que l'on trouve la date du 8 septembre pour la première représentation publique, à Paris,  sur le parvis de Notre-Dame, du Miracle de Théophile, oeuvre commandée au poète par l'évêque de la ville lui-même (ci contre, une partie du vitrail de la cathédrale de Beauvais, racontant le Miracle) : 

     http://books.openedition.org/pup/4481?lang=fr 

    On trouvera ce merveilleux vitrail, expliqué et commenté dans notre Ephémeride/Evocation du 28 mai : 

     

     Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile 

     

    Et, sur le lien suivant - très technique et sans intérêt pour le grand public et les non-spécialistes - un petit tableau, en haut à droite, qui donne accès à tous les textes de Ruteboeuf :  

     

    http://www.arlima.net/qt/rutebeuf.html 

     

    Bien sûr, pour le grand public, aujourd'hui, Ruteboeuf reste d'abord connu pour sa Griesche d'Hiver, ou Complainte Ruteboeuf (chantée ici par Léo Ferré) :  

    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    L'amour est morte
    Ce sont amis que vent me porte
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta

    Avec le temps qu'arbre défeuille
    Quand il ne reste en branche feuille
    Qui n'aille à terre
    Avec pauvreté qui m'atterre
    Qui de partout me fait la guerre
    Au temps d'hiver
    Ne convient pas que vous raconte
    Comment je me suis mis à honte
    En quelle manière

    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    L'amour est morte
    Le mal ne sait pas seul venir
    Tout ce qui m'était à venir
    M'est advenu

    Pauvre sens et pauvre mémoire
    M'a Dieu donné, le roi de gloire
    Et pauvre rente
    Et droit au cul quand bise vente
    Le vent me vient, le vent m'évente
    L'amour est morte
    Ce sont amis que vent emporte
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta 

     

     

     8 septembre,mistral,lamartine,daudet

     

    1830 : Naissance de Frédéric Mistral

     

    Mistral reçut le Prix Nobel de Littérature 1904.

    Il consacra la totalité de la somme d'argent qui accompagne ce prix à la réalisation de ce qui lui tenait, alors, le plus à coeur : la création du Muséon arlaten tout entier dévoué à la Provence...

    8 septembre,mistral,lamartine,daudet

    Le Mas du Juge, à Maillane, maison natale de Mistral

     

    C'est Lamartine qui l'a lancé, en le faisant connaître à la France entière par son Quarantième Entretien (extraits) :

    "...Je vais vous raconter aujourd'hui une bonne nouvelle ! Un grand poète épique est né. La nature occidentale n'en fait plus, mais la nature méridionale en fait toujours : il y a une vertu dans le soleil. Un vrai poète homérique en ce temps-ci; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d'un cailloux de la Crau; un poète primitif dans notre âge de décadence; un poète grec en Avignon; un poète qui crée une langue d'un idiome comme Pétrarque a créé l'italien; un poète qui, d'un patois vulgaire, fait un langage classique d'images ravissant l'imagination et d'harmonie l'imagination et l'oreille; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven; un poète de vingt-cinq ans qui, de son premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l'Odyssée d'Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l'aveugle de Chio, Est-ce là un miracle ? Eh bien ! ce miracle est dans ma main : que dis-je ? Il est déjà dans ma mémoire, il sera bientôt sur toutes les lèvres de toute la Provence...

    ...Sa physionomie, simple, modeste et douce, n'avait rien de cette tension orgueilleuse des traits ou de cette évaporation des yeux qui caractérise trop souvent ces hommes de vanité, plus que de génie, qu'on appelle les poètes populaires : ce que la nature a donné, on le possède sans prétention et sans jactance. Le jeune provençal était à l'aise dans son talent comme dans ses habits; rien ne le gênait, parce qu'il ne cherchait ni à s'enfler, ni à s'élever plus haut que nature.

    La parfaite convenance, cet instinct de justesse dans toutes les conditions, qui donne aux bergers, comme aux rois, la même dignité et la même grâce d'attitude ou d'accent, gouvernait toute sa personne. Il avait la bienséance de la vérité; il plaisait, il intéressait, il émouvait; on sentait dans sa mâle beauté le fils d'une de ces belles arlésiennes, statues vivantes de la Grèce, qui palpitent dans notre Midi."

    (Alphonse de Lamartine, Cours familier de littérature : un entretien par mois. Tome septième).

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    Léon Daudet en parle ainsi dans Souvenirs et polémiques ( Robert Laffont, collection Bouquins, 1993, p. 36-37) :


    "On l'a comparé souvent à Goethe. Il est lui-même. Ce qui frappe le plus, dans ses propos, c'est l'harmonie des plans, la perspective qu'il a dans l'esprit, comme un descendant d'aïeux qui ont longtemps contemplé le ciel étoilé et la plaine. Tel il était il y a trente ans, et plus loin encore dans mon souvenir, jugeant équitablement les hommes et les choses, célébrant son pays et poursuivant avec méthode son plan de reconstruction provinciale, dont ses amis eux-mêmes n'apercevaient peut-être pas toute l'ampleur. Il est clair, limpide comme la source, mais profond, et sa bonhomie n'exclut pas la méfiance.

    À Paris, on le discutait, on harcelait mon père : "Pourquoi n'écrit-il pas en français, votre Mistral ? Relever la langue d'oc, un patois, c'est une chimère, c'est un rêve... Daudet, votre amitié vous aveugle sur l'importance de ce mouvement." On a vu depuis qu'au contraire l’œuvre de Mistral était et est des moins chimériques, des plus utiles qui soient. Le maître de Maillane est pour la moitié dans la superbe résistance de l’Alsace-Lorraine. C'est aux armes forgées par lui, à ses méthodes, à ses principes qu'ont eu recours les mainteneurs malgré tout de l'âme héroïque de l'Alsace, de ses coutumes, de ses aspirations.

    Poète et le plus doué de tous, Hugo compris, sans comparaison possible, Mistral connaît en outre les secrets de la cité et ceux du verbe, les moyens d'étayer la cité par le verbe et réciproquement. C'est un sorcier, au sens étymologique du mot, un trouveur d'ondes jaillissantes. Il ne frappe pas en vain le roc stérile. Si vous voulez mon avis, Mistral est bien grand, mais l'avenir le fera plus grand encore. Dans les abris posés et chantés par lui, les nations opprimées iront, au cours des âges, chercher un refuge contre la force brutale. Dictionnaire, poèmes, drames, propagande, fêtes commémoratives, costumes, allocutions, exemple de la longue vie passée au même endroit, tombeau, tout cela se complète et défie le temps et l’oubli."

        "Sount mort li béu diséire, mai li vouès an clanti.

          Sount mort li bastisséire, mai lou temple es basti." 

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         Chez lui, à Maillane : "...longue vie passée au même endroit..."                 

        Voir notre album Maîtres et témoins (I) : Frédéric Mistral. (90 photos)       

     

     

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    Voici la suite - et la fin - de notre évocation de Frédéric Mistral, à travers sa poésie, que nous avons décliné en trois temps.

    Aujourd'hui, 8 septembre, date anniversaire de sa naissance, nous achevons la lecture commencée le 29 février (attribution du Prix Nobel de littérature), et poursuivie le 25 mars, jour anniversaire de sa mort.

    Et nous évoquons cette poésie au moyen de deux poèmes (ou extraits) à chaque fois, soit au total six textes majeurs, qui permettent de se faire une première idée du fond de ses inspirations

    1. Le 29 février, nous avons lu un poème que l'on qualifiera de chrétien, tant est forte et sous-jacente partout chez Mistral cette source d'inspiration : La coumunioun di sant (La communion des saints) de 1858. Puis l'enracinement dans l'Histoire provençale et dans cette Provence charnelle, à travers ses paysages et ses villes. L'amour profond pour sa terre transparaît évidemment lui aussi partout chez Mistral: "...Se quauque rèi, pèr escasènço..." (Si Clémence était reine..., Mireille, Chant II)

    2. Le 25 mars, nous avons lu un extrait d'un poème de combat, pourrait-on dire : I troubaire catalan (Aux troubadours catalans, partie I) de 1861. Puis, un poème peut-être un peu plus politique : A la raço latino (Ôde à la race latine) de 1878.

    3. Enfin, aujourd'hui - 8 septembre - nous allons voir le Mistral virgilien et homérique, paysan au sens fort et grand du terme, de l'Invocation de Miréio (Mireille). Et, pour finir - épique et historique - l'Invocation de Calendau (Calendal).

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     Illustration de Gustave Fayet, pour Mireille
     
     
     
     
        V : L'invocation de Mirèio. Le Mistral Virgilien et Homérique. 
     
     
     
    Cante uno chato de Prouvènço.                  Je chante une fille de Provence.
    Dins lis amour de sa jouvènço,                   Dans les amours de sa jeunesse,
    A travès de la Crau, vers la mar, dins li bla         À travers la Crau, vers la                                                                                   mer, dans les blés,
    Umble escoulan dòu grand Oumèro,         Humble écolier du grand Homère,
    Iéu la vole segui. Coumo èro                     Je veux la suivre. Comme c'était
    Rèn qu'uno chato de la terro,                    Seulement une fille de la glèbe,
    En foro de la Crau se n'es gaire parla.      En dehors de la Crau il s'en est                                                                          peu parlé.
     
     
    Emai soun front noun lusiguèsse            Bien que son front ne resplendît
  • Parution de ”Notre Faux Ami l'Amérique/ Pour une Alliance avec la Russie”, de Marc Rousset (Préface de Piotr Tolstoï)...

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    Nombre de pages: 369 - Prix de vente : 24,90 euros 

     

    Le livre “ Notre Faux-Ami l'Amérique / Pour une Alliance avec la Russie” de Marc Rousset, préface de Piotr Tolstoï, arrière-petit-fils de Léon Tolstoï, Vice-Président de la Douma, explique d'une façon complète, érudite, claire, pourquoi la France et l'Europe libérées du protectorat américain doivent se rapprocher de la Russie et conclure à terme une Alliance.

    Cet ouvrage, c’est 30 ans de réflexion géopolitique, le point Oméga de la réflexion de l’auteur. Les 33 chapitres de ce livre posent le problème pour un Français ou un Européen du choix de l’Alliance avec les Etats-Unis (Bilan calamiteux depuis la fondation des Etats-Unis – Titre I) ou avec la Russie (Alliance prometteuse pleine d’Avenir -Titre II).

    L’ouvrage est la suite logique, l’aboutissement des premières réflexions de l’auteur avec Raymond Barre en 1987, de la « Nouvelle Europe de Charlemagne » préface d’ Alain Peyrefitte, couronné par le Prix de l’Académie des Sciences Morales et Politiques sous la Coupole, en 1995, puis du livre « Les Euro-ricains » préfacé par l’Académicien et ancien Président du MEDEF Yvon Gattaz (2001), puis  du livre pionnier « La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou » , préface de l’Académicien russe Youri Roubinski, en 2008, et  enfin du dernier ouvrage « Pour une Europe des nations avec la Russie », paru en 2021.

    Ce livre a un intérêt équivalent, pour un Européen, au “Choc des Civilisations” d'Huntington ou au “Grand Echiquier ” de Zbigniew Brzezinski. Cet ouvrage grand public est donc aussi un livre de référence qui mérite de rentrer dans la mémoire collective des Européens.

    Résumé, par l'auteur :

     

    Notre Faux-Ami l’Amérique/ Pour une Alliance avec la Russie/Préface de Piotr Tolstoï

    Sommes-nous des citoyenstransatlantiques ou des citoyens paneuropéens ? Pourquoi les Européens devraient-ils s’insérer dans un Commonwealth du XXI° siècle piloté par Washington ? L’avenir de l’Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique.

    L’Europe ne va pas de Washington à Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok. L’Océan Atlantique sépare l’Amérique de l’Europe, alors que l’Europe et la Russie sont deux grands voisins complémentaires. La Grande Europe doit devenir « notre Maison Commune et non pas un théâtre d’opérations militaires » a pu dire Mikhaïl Gorbatchev.

    Si la France n’a pas été rayée de la carte de l’Europe pendant les deux dernières guerres mondiales, c’est aux 1700 000 Russes tués pendant la première et aux 27 millions pendant la deuxième, qu’elle le doit, pas à l’Amérique !

    La Russie est le bouclier protecteur de l’Europe à l’Est face à la Chine, à la Turquie, au Caucase, au Moyen-Orient et au monde musulman de l’Asie centrale. L’Europe doit se considérer comme l’« Hinterland » dela Russie, les grands espaces de  cette dernière étant son « Far-East ». Le contrôle de la Sibérie sera l’enjeu stratégique du XXI° siècle entre la Grande Europe et la Chine.  L’Europe doit donc cesser de jeter la Russie dans les bras de la Chine ! En Asie, l’Européen, c’est le Russe !

    L’avenir de l’Europe n’est pas dans une Union Européenne fédéraliste qui gonfle démesurément jusqu’à l’éclatement, mais dans une Confédération européenne des nations qui rivalise et coopère amicalement avec la Russie

    L’Europe doit rompre avec l’Occident, l’ennemi des peuples. Tout se passe commesi l’Européen avait fait son temps et devait devenir une relique de l’histoire face à la Chine, à l’Inde, aux pays émergents et au Brésil.Seulela Grande Europe avec la Russie est susceptible de redonner aux nations européennes en déclin un sentiment d’espoir, de grandeur, de puissance, de renouveau exaltant ! L’homme européen a besoin de retrouver ses racines et sa foi en l’Avenir qui est à l’Est !

    La voix de l’Europe ne portera qu’en fonction de son retour aux valeurs traditionnelles européennes, à une démographie en expansion,au développement de son économie et de son industrie, au rayonnement de sa culture et de ses technologies, à une  politique de  défense puissante et autonome .

    La seule vraie question pour les Européens,c’est de faire le choix suivant :Rester Européen en se rapprochant de la Russie ou devenir Américain en acceptant le protectorat de l’OTAN, en perdant leur identité européenne. La Russie et l’Europe ont des intérêts communs et un Avenir commun sur ce grand continent paneuropéen qui va de l’Océan Atlantique jusqu’à l’Océan Pacifique¨

    Marc Rousset

    --------------------

    La Préface, de Piots Tolstoï

    Dans son ouvrage « Notre Faux-Ami l’Amérique – Pour une Alliance avec la
    Russie », Marc Rousset constate que l’Europe ne va pas de Washington à
    Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok. L’Océan Atlantique sépare l’Amérique de
    l’Europe, alors que l’Union Européenne et la Russie, le plus grand pays de
    l’Europe, sont deux grands voisins complémentaires.
    Mikhaïl Gorbatchev a pu dire à Madame Margaret Thatcher que « l’Europe devait
    être notre Maison Commune et non pas un théâtre d’opération militaires », comme
    c’est malheureusement le cas actuellement en Ukraine
    L’Américain George Kennan, en personne, père de la doctrine du « Containment »
    s’est élevé avec force dans le New York times contre la promesse solennelle du
    secrétaire d’État américain James Baker à Mikhaïl Gorbatchev, non tenue par les
    États-Unis, que l’OTAN ne chercherait pas à s’étendre aux autres États du Pacte
    de Varsovie.
    En conclusion de son ouvrage, Marc Rousset nous dit que la seule vraie question
    pour les Européens, c’est de faire le choix suivant : Rester Européen en se
    rapprochant de la Russie ou devenir Américain en acceptant le protectorat de
    l’OTAN et en perdant leur identité européenne. La Russie et l’Europe ont des
    intérêts communs et un Avenir commun sur ce grand continent paneuropéen qui
    va de l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique.
    Piotr Tolstoï
    Vice-président de la Douma d’État de la Fédération de Russie

    ------------------------

     

     

    Plan de l’ouvrage

      

                                                   Table des Matières

       Préface de Piotr Tolstoï

    4 pages de citations 

    Introduction

     Titre I

        L’Amérique, un Faux-Ami de la France et de l’Europe 

    Chapitre I

    Déclin des Etats-Unis : Montée en puissance de la Chine, de la Russie et des BRICS

     Chapitre II

          Tous Citoyens transatlantiques ou paneuropéens ?

       Chapitre III

     L’espace continental paneuropéen

        Chapitre IV

        Le combat entre Terre (Russie) et Mer (Etats-Unis)

       Chapitre V

    L’Amérique ne représente pas le camp du Bien

          Chapitre VI

              L’Amérique représente le camp du Mal et des crimes contre l’humanité

            Chapitre VII

           Les sanctions économiques inacceptables du faux-ami américain

              Chapitre VIII

     Le « soft power » impérialiste et mensonger de l’Amérique en Europe

             Chapitre IX

                   De la doctrine de Monroe à l’Expédition de Suez (1823 -1956)

             Chapitre X

              L’Angleterre, cheval de Troie de l’Amérique en Europe

               Chapitre XI

            La guerre de 30 ans du général de Gaulle contre l’Amérique (1940-1969)

               Chapitre XII

                Pour une Europe des nations souveraines, non vassales des Etats-Unis

                 Chapitre XIII

            L’Allemagne, valet de l’Amérique : Berlin doit changer complètement sa politique migratoire, étrangère et de défense

                Chapitre XIV

                    Dédollarisation et nécessaire retour à l’étalon-or

               Chapitre XV

         Libre-échange ou protectionnisme dans le monde avec comme seul critère :      l’intérêt ou non de l’Amérique !

                 Chapitre XVI

           Scandaleuse expansion vers l’Est de l’OTAN : les mensonges indignes de l’Amérique à Gorbatchev, Eltsine et Poutine !

                   Chapitre XVII

             L’Europe doit cesser de jeter la Russie dans les bras de la Chine

                     Chapitre XVIII

             Vers la fin de l’OTAN : les nations européennes doivent quitter l’OTAN

                   Chapitre XIX

                      Pour une Défense européenne non intégrée des nations

                  Chapitre XX

      La langue de l’Europe : le français, sinon l’espéranto !  Jamais l’anglo-américain !

     

     

     

         TITRE II

  • Éphéméride du 15 juillet

    Napoléon à Sainte-Hélène, après s'être livré aux Anglais le 15 juillet 1815

     

     

     

     

     

    1099 : Les Croisés s'emparent de Jérusalem 

     

    Partis de France en 1096, à l'appel du pape Urbain II, qui avait prêché la Croisade à Clermont (voir l'Éphéméride du 27 novembre), les Croisés, emmenés par Godefroy de Bouillon et le comte de Toulouse, font leur entrée dans la ville (enluminure d'époque ci-dessous) : c'est la naissance du Royaume latin de Jérusalem, Godefroy de Bouillon prenant en charge l'administration du lieu, au titre d'Avoué du Saint-Sépulcre.  

     

    Écouter : Chanson de Croisade, de Thibaut IV, Comte de Champagne et Roi de Navarre : THIBAUT CHANSON 4.mp3

     

    Et, dans notre album L'Aventure France racontée par les cartes, voir les deux photos "La route des Croisades (I/II)" et "...et les Etats latins d'Orient (II/II)" 

     
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    Les Croisades, une agression de l'Occident chrétien contre les musulmans ? Contrairement à cette "idée" (?) répandue par certains, les Croisades visèrent simplement à libérer des lieux saints, interdits d'accès par un Islam fanatique.
     
    "J'ai décidé de tuer Jean-Paul II, commandant suprême des croisés" avait déclaré Ali Agca avant de tirer sur la pape le 13 mai 1981.
     
    Et, dans Les croisades vues par les Arabes, l'écrivain franco-libanais Amin Maalouf écrit :
    "Au-delà de cet acte individuel, il est clair que l'Orient arabe voit toujours dans l'Occident un ennemi naturel. Contre lui, tout acte hostile, qu'il soit politique, militaire ou pétrolier, n'est que revanche légitime. Et l'on ne peut douter que la cassure entre ces deux mondes date des croisades, ressenties par les Arabes, aujourd'hui encore, comme un viol." 
     
    Fort bien, sauf que...

    Les croisades se sont déroulées sur une période de deux cents ans, allant du XIème au XIIIème siècle : il est donc nécessaire, comme le note Jean Sévillia, dans son Historiquement correct, de "séparer le bon, grain de l'ivraie", de re-situer les croisades dans leur contexte et de rappeler leur but initial.

    15 juilllet,croisades,jerusalem,godefroy de bouillon,barnave,louis xvi,revolution,roi,paris,hotel de ville de paris,françois premier,porte saint martinDès les premiers temps de la chrétienté, les fidèles affluèrent vers Jérusalem pour se recueillir sur le tombeau du Christ, comme sainte Hélène, la mère de Constantin, vers 330.

    Or, après la mort de Mahomet (632), les musulmans lancèrent un grand mouvement de conquêtes, et s'emparèrent de Jérusalem en 638, mais aussi des deux tiers de l'Empire romain d'Orient, de toute l'Afrique du Nord, de l'Espagne et du Portugal et entrèrent même en France (carte ci dessus)...

    À Jérusalem et dans les autres lieux saints (Bethléem, Nazareth...), les chrétiens, réduits à l'état de dhimmis, conservèrent le droit de pratiquer leur culte; les pèlerins venus du monde entier, eux, conservèrent celui d'accéder aux différents lieux saints, moyennant le paiement d'une taxe.

    Mais, en 1009, le sultan Hakem ordonne la destruction de la basilique du Saint-Sépulcre et inaugure une vague de persécutions : les chrétiens doivent se convertir à l'Islam ou devenir esclaves.

    Puis, plus grave encore, les Turcs Seldjoukides s'emparent de Jérusalem en 1078 et, là, en interdisent carrément l'accès aux chrétiens : comme l'écrit encore Jean Sévillia, "la croisade, c'est une riposte à l'expansion militaire de l'Islam, une réplique à l'implantation des Arabes et des Turcs en des régions dont les villes, berceau du christianisme au temps de saint Paul, ont été le siège des premiers évêchés. Des régions où les fidèles du Christ sont désormais persécutés..."

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    Il est bien clair que l'agression première, la persécution et la provocation première sont le fait des musulmans eux-mêmes, à qui les Chrétiens n'ont fait que "répondre" par les Croisades, même si la réponse ne fut pas forcément - c'est bien clair aussi... - exempte de tout excès et de toute erreur...

    Imaginons, aujourd'hui, que l'Arabie Saoudite mène une guerre contre une puissance étrangère; que l'Arabie perde cette guerre, et se voit intégralement conquise par son adversaire, qui fermerait les lieux saints musulmans de La Mecque et Médine, et en interdirait l'accès aux musulmans du monde entier : que feraient ceux-ci ? Poser la question c'est, évidemment, y répondre, et répondre à cette autre question (en fait, la même) : pourquoi les Croisades ?...

     

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    Prenant encore un peu plus de recul historique, et un peu de hauteur, René Grousset, dans son magistral "Bilan de l'Histoire", ne dit pas autre chose :

    "...La catastrophe de 1453 qui était à la veille de survenir dès 1090 sera reculée de trois siècles et demi… Pendant ce temps, la civilisation occidentale acheva de se constituer et devint capable de recevoir l'héritage de l'hellénisme expirant… La croisade ne fut pas autre chose que l'instinct de conservation de la société occidentale en présence du plus redoutable péril qu'elle ait jamais couru. On le vit bien quand l'Occident renonça à cet effort..." 

     

      Enfin, Chateaubriand a proposé une belle "défense des Croisades" dans son "Itinéraire de Paris à Jérusalem..." : dans notre Album Écrivains royalistes (I) : Chateaubriand, voir la photo "Défense des Croisades"...

     

     

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    1533 : Pose de la première pierre de l'Hôtel de Ville de Paris

     

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    On distingue bien, au dessus de la porte centrale (ci dessus), la statue équestre d'Henri IV, aujourd'hui disparue 
     
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    Après l'incendie de la Commune (ci dessus)...
     
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    ... et état actuel...
     
     
     
     
     
     
     
     
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    1673 : Aux origines de la Porte Saint Martin...
     
     
    Le 15 juillet 1673, un Arrêt du Conseil de Ville ordonne la formation d'une rue à rampe au bas du rempart, de la Porte Saint-Antoine à la Porte Saint-Martin.
    Louis XIV et Colbert, qui viennent de faire construire un an auparavant (1672), par François Blondel, la Porte Saint Denis (voir l'Éphéméride du 15 juin), en profitent pour charger Pierre Bullet d'ériger une deuxième Porte monumentale, tout près de la précédente, afin de célébrer à nouveau les victoires du Roi sur le Rhin et en Franche-Comté.
    Il ne faudra qu'un an à Pierre Bullet pour s'acquitter de sa tâche, et la Porte Saint Martin sera inaugurée en 1674.
    Il s'agit d'un arc de triomphe de 18 mètres de haut, construit en pierre calcaire à bossages. Ses proportions sont idéales : il est percé d'une grande arcade et de deux petites. Sa hauteur et sa largeur sont chacune de 17,55 m, son épaisseur de 4,50 m; l'arcade du milieu a 9,70 m sous clef, et 4,85 m d'ouverture; les petites arcades ont 5,75 m sur 3,50 m. 

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    Côté sud

     

    Sur l'attique, en marbre, on lit l'inscription suivante :
     
    Ludovico Magno, Vesontione Sequanisque bis captis, et fractis Germanorum, Hispanorum et Batavorum exercitibus, Praefec. et oedil. poni. C. C.
    (À Louis le Grand pour avoir pris deux fois Besançon et la Franche-Comté et vaincu les armées allemande, espagnole et hollandaise, le Prévôt des marchands et échevins de Paris).
     

    Les quatre allégories en bas-reliefs représentent :

      1 et 2, au nord (côté rue du Faubourg Saint Martin) : la Prise du Limbourg en 1675 (une femme assise près d'un lion couché) et la Défaite des Allemands (Louis XIV en dieu Mars, portant l'écu de la France et repoussant l'aigle germanique pour protéger une femme et un vieillard).

    •  3 et 4, au sud : la Rupture de la Triple Alliance (Louis XIV en Hercule à demi nu, portant sa perruque et tenant sa massue tandis qu'il foule aux pieds Achéloos ou Géryon) et la prise de Besançon (Louis XIV surmonté d'une Renommée, debout devant un palmier et un olivier et recevant les clefs d'une femme portant le genou à terre).

     

    L'édification de la Porte Saint Martin est à rapprocher de celle de la Porte Saint Denis (Éphéméride du 15 juin) et, plus généralement, des travaux de démolition de l'enceinte de Louis XIII, créant le Cours Royal ou Nouveau Cours, à l'origine des Grands Boulevards (Éphéméride du 7 septembre)...

     

     

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    1737 : Naissance de Louise de France, dernière fille de Louis XV

     

    Louise-Marie de France, dite Madame Louise ou Madame Dernière, était la plus jeune des enfants de Louis XV et de Marie Leszczyńska, et le dixième enfant que la reine mit au monde. Le roi la surnommait affectueusement Chiffe : elle resta toujours une princesse à part, fuyant le monde, et attirée par la religion.

    En 1770, alors que la cour préparait le mariage du nouveau Dauphin, futur Louis XVI, et de Marie Antoinette, Louise sollicita de son père l'autorisation de se faire carmélite. Elle prit l'habit le 10 octobre 1770 et prononça ses vœux le 12 septembre 1771 au Carmel de Saint-Denis, le "plus pauvre carmel de France" d'après la rumeur, où la règle passait pour très rude. Comme nom de religieuse, elle choisit Thérèse de Saint-Augustin en hommage à sainte Thérèse d'Avila, mystique et réformatrice de l'ordre des carmélites.

  • Joseph Ratzinger : l'éminence grise, par Blandine Delplanque.

    Joseph Ratzinger devient au début des années 60 le conseiller très écouté du cardinal de Cologne, Joseph Frings. Dans sa biographie de Benoît XVI, le journaliste Peter Seewald raconte le rôle déterminant joué par le jeune théologien bavarois au sein du groupe des cardinaux allemands pour le Concile de Vatican II.

    À la surprise générale, le pape Jean XXIII convoque officiellement le Concile œcuménique Vatican II le 25 janvier 1959, quatre-vingt-dix jours après son élection. Dans son journal quotidien, il note qu’il s’agissait d’un « projet de concile œcuménique » et « d’une invitation à proposer un mouvement plus large de spiritualité pour la Sainte Église et pour le monde entier. Je craignais vraiment, écrit-il, de recevoir pour toute réponse une grimace souriante et découragée ».

    Mais l’évènement majeur dans la vie de Joseph Ratzinger, alors âgé de 32 ans, est la mort de son père qui survient le 25 août 1959. Ayant toujours soutenu son fils par l’intérêt qu’il prenait à ses travaux, il l’aura profondément influencé par sa droiture d’esprit, sa piété, sa recherche de la vérité qui lui faisait critiquer les évêques sans jamais remettre en cause son appartenance à l’Église. « Quand je revins à Bonn après cette épreuve, racontera t-il un jour, je sentis que le monde était devenu pour moi un peu plus vide, et qu’une portion de moi-même était partie dans l’au-delà ».

    La passion de son père pour la politique conduit le jeune Joseph à s’y intéresser dès l’enfance. « J’ai toujours éprouvé un grand intérêt pour la politique – et pour la philosophie qui la sous-tend. Car la politique découle bien d’une philosophie. Elle ne peut être simplement pragmatique, elle doit former un tout ». Il sera un grand admirateur d’Adenauer. Devenu professeur, il développera des analyses politiques sur l’Europe et écrira L’Unité des nations, puis Vérité, valeurs, pouvoir : pierres de touche de la société pluraliste.

    Au Collegium Albertinum de Bonn, le jeune théologien se constitue un réseau avec des historiens comme Hubert Jedin, des théologiens comme Karl Rahner ou Heinrich Schlier, luthérien évangélique qui s’était converti au catholicisme au grand dam de ses professeurs, des spécialistes de l’Inde ou de Byzance… Un brassage d’érudits qui va asseoir sa conception d’une théologie moderne et ouverte aux problèmes de son temps.

    Son discours de Gênes, une rampe de lancement

    La rencontre décisive de ces années pour Joseph est celle du vieux cardinal Frings, archevêque de Cologne depuis 1942, connu pour son opposition aux nazis, président de la Conférence des évêques allemands. Le 25 février 1961, près de Bonn, le prélat de 74 ans est venu assister à une conférence du jeune professeur sur la théologie des conciles. Il s’est assis au premier rang et écoute sans ciller son argumentation en faveur d’un concile réservé au Pape et aux évêques, ceux-ci n’étant pas des représentants du peuple mais du Christ dont ils reçoivent la mission et la consécration. Une façon de renvoyer dans ses buts son confrère, le très charismatique théologien suisse Hans Küng, qui plaide, selon lui à tort, pour un concile de l’Église toute entière.

    Après le discours de Joseph Ratzinger, le cardinal, conquis, le prend à part et prolonge la discussion avec lui dans les couloirs de l’Académie Thomas More de Bensberg. Ce que ne sait pas alors le jeune théologien, c’est que, le 20 novembre suivant, le cardinal doit prononcer un discours à Gênes à l’invitation des jésuites sur le Concile Vatican I (1869-1870) et ses différences avec le concile qui s’annonce. Et qu’il ne sait absolument pas comment s’y prendre, étant plus un homme de terrain qu’un intellectuel. Subitement, il voit son problème résolu. Presque aveugle, il ouvre la séance ce 20 novembre 1961 par quelques mots d’introduction mais laisse bientôt son secrétaire lire, dans la traduction que ce dernier a faite en italien, le texte écrit par Joseph Ratzinger. Il dure 45 minutes et est suivi d’un tonnerre d’applaudissements.

    L’auteur voit se profiler trois évolutions majeures du monde : la mondialisation, une technicité de plus en plus poussée et la foi dans la science. Propulsée par les moyens de communication de masse et par la coopération économique, une culture unique émerge.

    Un phénomène qu’il ne juge pas complètement négatif : « La relativité de toutes les formes humaines de la culture conduit aussi à une affirmation du noyau de la foi qui se manifeste dans toutes les cultures et toutes les langues en la personne de Jésus Christ et de son Corps ». Mais il voit dans la confiance de l’homme en ses propres forces la source d’un nouvel athéisme. L’antique divinisation de la nature se mue en une « autodivinisation de l’humanité ». La croyance dans l’économie ne peut donner de réponse au « besoin du combat éthique parce qu’elle ne prend pas au sérieux l’être humain en tant qu’être moral, doté d’une conscience et d’une liberté ». La tâche du concile se devrait alors de formuler, « dans un dialogue avec le monde moderne, une vraie alternative, digne d’être vécue, pour la foi chrétienne. L’Église, Peuple des peuples, devrait rendre compte de la multiplicité de la vie humaine ». Avant tout la liturgie, « sommet de l’unité, doit être l’expression appropriée de la diversité spirituelle ». Dans le futur, conclut-il, « la religion aura un tout autre aspect. Elle sera plus pauvre dans son contenu et dans sa forme, mais peut-être aussi plus profonde. L’homme de ce temps-là pourra avec raison attendre de l’Église qu’elle prenne sa part de ce changement… L’homme d’aujourd’hui doit pouvoir reconnaître que l’Église n’a pas à craindre ni ne craint le progrès scientifique parce qu’elle est en sécurité dans la Vérité de Dieu sur laquelle ne peuvent avoir prise aucune vérité ni aucun progrès ».

    Une ambiance de guerre froide

    Le combat fait rage entre la Curie et les évêques d’Europe centrale à tel point que le cardinal Frings tente de faire repousser le concile en sollicitant avec le cardinal Julius Döpfner, évêque de Berlin, une audience du Pape le 6 mai 1961. Lors de cet entretien confidentiel, le pape aurait évoqué selon Frings une révélation intime l’appelant à maintenir la réunion d’un concile. De plus, il ne veut pas entrer dans une dispute avec les cardinaux allemands. Trois mois plus tard, dans la nuit du 12 au 13 août 1961, est construit le mur de Berlin.

    Le 25 décembre 1961, Jean XXIII appelle dans la bulle Humanae salutis à reconnaître « les signes des temps » et assigne au concile à venir trois objectifs : une rénovation interne de l’Église, l’unité des chrétiens et la contribution de l’Église à la paix et aux problèmes sociaux du monde. Le 23 février 1962, le pape Jean XXIII invite à sa surprise le cardinal Frings à siéger à la commission centrale de préparation du concile. L’accueillant dans la salle d’audience, il lui confie à propos du discours de Gênes : « Che bella coincidenza del pensiero ! Vous avez dit tout ce que j’ai pensé et voulais dire, mais que je ne pouvais dire moi-même ». Et lorsque le prélat avoue qu’un jeune professeur en est l’auteur, il lui rétorque : « Monsieur le cardinal, ma dernière encyclique non plus, je ne l’ai pas faite moi-même, on se doit d’avoir les bons conseillers ». Deux mois après, le cardinal donne sub secreto les projets de textes – schemata – qui seront débattus au concile à son nouveau conseiller.

    Celui-ci va les annoter dans un premier temps puis, à la demande du cardinal, va proposer des modifications à plusieurs projets, dont celui sur la Révélation, « De fontibus revelationis » qui est un thème de prédilection du jeune théologien et qui sera l’un des documents marquants du Concile.

    Pour Joseph Ratzinger, il n’y a pas deux sources – fontis – de la Révélation qui seraient les Saintes Écritures d’un côté et la Tradition de l’autre, comme le proposait le cardinal Ottaviani du Saint-Office, car ce serait confondre la Révélation avec ses principes matériels. La Révélation, ce n’est pas seulement l’Écriture (comme le dit Luther) ou seulement la Tradition, c’est avant et au-delà : une unique source, la Parole de Dieu, qui se révèle lui-même. « Il n’y a pas une phrase qui ne soit dans l’Écriture Sainte qui ne comporte une réalité historique, ce jusqu’au temps des apôtres. S’il en est ainsi – et il en est ainsi –, alors on ne peut définir la Tradition comme une conséquence matérielle de phrases non écrites… ». D’un autre côté, « on ne peut pas, au nom de la Tradition, condamner la partie la plus importante et la plus vénérable de la Tradition », à savoir les Pères de l’Église et les théologiens scolastiques classiques, au premier rang desquels les saints Thomas d’Aquin et Bonaventure.

    Pour lui, la théologie scolastique s’est figée aux XIXe et XXe siècles, elle ne convient plus dans le monde contemporain ; l’Église a besoin d’une plus grande liberté. Une plus grande fraternité est à rechercher dans une unité avec les « frères séparés », les protestants et les orthodoxes, allant même jusqu’à recommander au cardinal de renoncer en vue du concile à un texte sur « La sainte Vierge Marie, la mère de Dieu et des hommes ».

    Au total, de novembre 1961 à juin 1962, le cardinal Frings passe 47 jours en séances à Rome, posant des « non placet » lorsque son conseiller se prononce contre les textes de la Curie et des « placet » lorsqu’il est pour.

    À l’été 1962, Joseph travaille sur les sept schemata de la première session. Puis en octobre, il s’envole pour Rome – c’est la première fois qu’il prend l’avion. À 35 ans, il est fasciné par le côté anticonventionnel du pape Jean XXIII, « un homme qui avait une formation théologique complète et en même temps qui parlait aux gens simples de façon à être compris par eux ».
    Il se réjouit à l’idée de rencontrer les théologiens Henri de Lubac, Jean Daniélou, Yves Congar et Gérard Philips dont il a lu tous les livres. Il est par ailleurs très lié avec un théologien qui passe pour un dangereux progressiste aux yeux de Rome : Karl Rahner, le conseiller du cardinal de Vienne, Franz König.

    Les membres de la Curie, autour du cardinal Ottaviani et du cardinal Siri, ce dernier étant le président de la Conférence des évêques italiens, déplorent la surreprésentation des prélats allemands. Au cours des briefings qui réunissent les évêques de langue allemande dans le quartier général du cardinal Frings, le collège Santa Maria dell’Anima, près de la place Navone, le conseiller Ratzinger joue un rôle majeur. Le 10 octobre 1962, il prononce un discours qui critique très clairement le texte proposé par les cardinaux italiens sur la Révélation. Pour le cardinal Siri, « la croix, si l’on peut dire ainsi, viendra comme d’habitude du côté franco-allemand, car on n’y fait jamais totalement abstraction de la pression protestante et de la Pragmatique Sanction ; ce sont des gens zélés mais qui ne saisissent pas qu’ils sont les protagonistes d’une faute historique ».

    Une première session explosive

    La première session du concile s’ouvre le 11 octobre 1962- quelques jours avant la crise des missiles de Cuba. Les épiscopats français, allemands, belges et hollandais sont ceux qui, aux dires de Joseph Ratzinger, sont les mieux préparés, leurs conseillers ayant travaillé d’arrache-pied pour améliorer les textes de la Curie. Au moment où le secrétaire général, l’archevêque Pericli Felici, commence à expliquer le mode de scrutin pour élire les membres des commissions, le cardinal Achille Liénart, président de la Conférence des évêques de France, se lève lentement de sa place : « Si vous le permettez, je demande la parole ». Contre lui, le cardinal Tisserant, qui dirige la réunion : « C’est impossible, l’ordre du jour ne prévoit pas de débats. Nous sommes simplement venus là pour voter ». Liénart, ancien aumônier militaire, ne se laisse pas impressionner. Il saisit le micro et lit un texte préparé pour dire que dans ces conditions on ne peut vraiment pas voter, que les pères ne connaissent pas les candidats aux commissions, et qu’il faut consulter d’abord les conférences épiscopales.

    Sous les applaudissements d’environ 2000 pères du concile, sur 2450, le cardinal Frings se lève à son tour et appuie la requête. Joseph Ratzinger reviendra en 2013 sur cette initiative personnelle de son mentor : « Tous étaient surpris et étonnés que Frings, connu pour être très strict et conservateur, prenne la tête du mouvement. Mais pour lui, être appelé par le Pape à une collaboration au concile relevait d’une responsabilité différente de celle d’administrer son diocèse ». Les candidats des évêques « rebelles » remportent 49 % des suffrages.

    Joseph Ratzinger note avec satisfaction à l’époque que « l’épiscopat a montré qu’il était une réalité qui pesait de son propre poids dans l’Église mondiale ». Mais il comprendra quelques temps plus tard que ce qui avait animé Frings et Liénart avait eu un retentissement inattendu dans l’opinion publique via la presse qui s’était emparée de l’évènement pour y voir une bronca contre la Curie. Un journaliste allemand résumera ces journées en une expression significative : « Le Rhin commence à couler dans le Tibre ».

     

    Illustration : Joseph Frings, cardinal de Cologne, avec Joseph Ratzinger, alors professeur de théologie, conseiller du cardinal, à Rome, pendant le concile Vatican II.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Il faut rouvrir Fessenheim, arrêter les éoliennes et virer Macron ! par Marc Rousset

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    La centrale de Fessenheim n’a été exploitée que pendant 42 ans de 1978 à 2020. Suite à une décision stupide de Macron, pour des raisons électoralistes vis-à-vis des Khmers verts, et afin de ménager « en même temps » la chèvre et le chou, en application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire), les réacteurs n°1 et n°2 de la centrale de Fessenheim ont été respectivement mis à l’arrêt définitif les 22 février et 30 juin 2020.

    Contrairement à ce qui avait été prévu, Macron n’a même pas pris la peine d’attendre la mise en route de Flamanville !

    MARC ROUSSET.jpgLes opérations de démantèlement de la centrale de Fessenheim devraient commencer au plus tôt en 2025, après l’évacuation du combustible nucléaire usé. Des élus alsaciens, dès novembre 2021, ont déjà proposé de reconstruire et relancer Fessenheim. Les derniers combustibles, ce qui est tout un symbole, viennent d’être convoyés tout récemment hors de Fessenheim.
    Le projet de loi du gouvernement qui sera débattu au Parlement début octobre est non seulement inacceptable, mais absolument scandaleux. Il s’agit ni plus ni moins que d’accélérer la production des énergies renouvelables, en passant outre l’avis des populations, voire certaines dispositions législatives ou administratives déjà en place, en simplifiant ou supprimant les procédures et les recours juridictionnels, afin de raccourcir les délais, d’imposer des projets aux populations locales, en essayant même parfois de les soudoyer avec des tarifs d’électricité préférentiels. La réouverture de Fessenheim n’est donc même pas envisagée par Macron, alors qu’il est pourtant question de rouvrir quelques centrales polluantes à charbon.

    Selon Agnès Verdier-Molinié « Le développement massif de l’éolien annoncé par l’exécutif n’est pas une solution. Certes, il faudrait trois à quatre ans pour la remise en route de la centrale alsacienne, mais les champs d’éoliennes, eux, mettront cinq à sept ans pour sortir de terre. ». Or le temps presse, suite aux besoins croissants en France d’énergie électrique non polluante de CO2. De plus, pour produire l’équivalent de Fessenheim avec des éoliennes, il en faudrait 5 600 de plus, alors que la France n’en peut déjà plus avec ces monstres d’acier polluants, inesthétiques, non rentables et qu’elle en compte déjà 8 000 !

    Afin de mieux comprendre la nouvelle loi scandaleuse préparée par Macron, sa nouvelle erreur qui vient se surajouter à l’erreur précédente de fermer Fessenheim, au lieu de reconnaître ses torts, rappelons très brièvement le scandale de Fessenheim qui, dans toute entreprise privée, aurait déjà amené le dirigeant responsable, soit à démissionner, soit à être démis de ses fonctions.
    Aux États-Unis où le nucléaire est considéré comme une énergie propre et durable, plus de 80 réacteurs ont déjà été autorisés à fonctionner 60 ans, et 50 sont exploités depuis plus de 40 ans. Lors de l’arrêt du premier réacteur, le samedi 22 février 2020, des associations écologistes pronucléaires ont protesté contre « cet acte d’euthanasie, de vandalisme climatique et environnemental ». « On tue une machine qui aurait pu tourner encore 20 ans et on ne sait pas pourquoi » fulminait le maire de Fessenheim.

    Quant au syndicat CFE, il a dénoncé « une absurdité industrielle et climatique » doublée d’une « hérésie électrique qui met la France à la merci d’une vague de froid ». L’électricité est un bien essentiel qui nécessite une marge de puissance pour répondre aux besoins impromptus et aux inévitables incidents techniques afin d’assurer en permanence une production correspondant aux besoins. Suite à l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, le président de Réseau de transport d’électricité (RTE) a déjà annoncé pour l’hiver 2020 un risque de coupures de courant.

    Les centrales nucléaires émettent en moyenne 80 fois moins de CO2 par kilowattheure produit que les centrales à charbon et 45 fois moins que les centrales à gaz. Fermer Fessenheim se solde donc par l’émission annuelle supplémentaire de 8 millions de tonnes de CO2 en Europe, soit l’équivalent de 15 % des émissions annuelles d’une région comme l’Île-de-France. Autre scandale : ne pouvant plus compter sur Fessenheim, l’Allemagne a ouvert en 2021, en plein milieu de la Ruhr, une énorme centrale à charbon qui relâche actuellement chaque année dans l’atmosphère la bagatelle de 6 à 8 millions de tonnes de CO2.

    Fermer Fessenheim entraînera une perte de 4 milliards d’euros pour EDF (marge brute annuelle d’exploitation de 180 millions d’euros). Fessenheim pouvait être prolongée sans problème pour une durée de 60 ans comme sa sœur jumelle de Bear Valley aux États-Unis. Fermer Fessenheim, c’est supprimer 2200 emplois non délocalisables, priver les Français d’une électricité décarbonée, rentable et bon marché, obliger l’Alsace à importer son électricité d’Allemagne. Fermer Fessenheim est une erreur économique criminelle !

    L’électronucléaire en France, c’est l’équivalent de 20 milliards d’euros d’importation de pétrole, 10 fois moins de rejets de gaz à effets de serre qu’en Allemagne, une industrie pourvoyeuse d’emplois, exportatrice et de haute technologie, un prix ultra-compétitif pour l’énergie.
    Fessenheim était une centrale nucléaire qui avait fait l’objet de l’entretien et des rénovations les plus strictes imposées par l’Autorité de sûreté nucléaire. L’ASN avait donné son feu vert pour une exploitation sur 60 ans au lieu de 40 ans. Il est clair que ce suicide économique orchestré par des incompétents démagogues n’a été justifié que par l’achat électoral des « voix vertes », une rançon donc, pour des raisons idéologiques et politiques, en dehors de tout bon sens, par Macron !

    Certains adversaires du nucléaire se moquent du réacteur EPR de Flamanville, suite aux difficultés techniques pour le construire. Ce réacteur très puissant (1 600 MW) est prévu pour résister au terrorisme, y compris la chute d’un avion. Il y a eu de nombreuses malfaçons dans le béton, dans la fabrication de la cuve, des soudures pas aux normes, ce qui a entraîné surcoûts et retards. Les difficultés sont dues à la perte de savoir-faire d’EDF, pour ne pas avoir construit de réacteurs pendant 15 ans. Deux réacteurs EPR ont été construits sans difficultés en Chine à Taishan et produisent déjà. L’EPR a donc un avenir !

    Depuis le début de leur fonctionnement, il y a près de 50 ans, les réacteurs français n’ont jamais eu d’avarie mettant en jeu la sécurité des personnes. Le seul accident important sur un PWR a eu lieu aux États-Unis, à la centrale de « Three Mile Island », en 1979 ; il a entraîné la perte du réacteur mais n’a provoqué aucune victime et a occasionné seulement une faible émission de radioactivité.
    Le drame de Tchernobyl est dû à la conjugaison d’une terrible défaillance humaine et d’un hallucinant défaut de construction. Quant à Fukushima, quelle étrange idée de bâtir une centrale nucléaire dans une zone sismique ! C’est comme si l’on mettait un récipient contenant de la nitroglycérine sur un vibro-masseur ! À noter que parmi les 20 000 morts provoqués par le tsunami, il n’y a pas eu un seul mort dû à l’accident du réacteur nucléaire et à ses émissions radioactives.

    Les déchets nucléaires cristallisent les passions alors qu’ils n’ont jamais provoqué d’accident de transport ni de stockage, ni d’aucune sorte. Et ils n’en provoqueront jamais selon toute probabilité. Les craintes suscitées par les déchets nucléaires reposent simplement sur de fausses croyances répandues par une propagande anti-nucléaire malveillante. La quatrième génération de réacteurs nucléaires (surgénérateurs) produira encore moins de déchets pour produire la même quantité d’électricité.

    De plus, selon le président d’EDF, Jean-Bernard Lévy : « Pas de neutralité carbone sans nucléaire ». Les Verts veulent décarboner notre énergie alors que le nucléaire est décarboné. Le nucléaire est la seule technologie décarbonée dont nous disposons aujourd’hui, ayant la capacité avérée de générer de façon centralisée de grandes quantités d’énergies électriques.
    Les énergies renouvelables en France ne survivent que parce que subventionnées d’une façon éhontée par l’usager dans ses factures d’électricité. Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, les coûts de production de l’énergie nucléaire en 2019 étaient de 35 dollars par mégawatt/heure, contre 53 dollars pour l’éolien terrestre, 68 pour le solaire photovoltaïque, 73 pour la géothermie et 115 pour l’éolien en mer.

    Jean-Marc Jancovici, polytechnicien, professeur d’énergétique à l’École polytechnique, a montré que les énergies intermittentes (éolien et solaire) étaient de très mauvaises solutions qui provoqueraient la multiplication par dix du prix de l’électricité, compte tenu du coût exorbitant des équipements de stockage (essentiellement hydrauliques et donc, très difficiles à créer en France car tous les sites sont déjà utilisés).

    L’objectif criminel des Verts en Europe n’est pas de diminuer le CO2, mais de supprimer le nucléaire. La sortie allemande du nucléaire a entraîné une augmentation de la consommation de charbon et une hausse importante du coût de l’électricité ; il en serait de même en France. L’énergie nucléaire reste le meilleur moyen d’assurer aux Français une électricité bon marché et de qualité. L’arrêt du nucléaire compromettrait notre indépendance énergétique.

    Quant aux éoliennes, c’est une folie ruineuse qui mutile la France et l’Europe ! Selon Jean-Louis Butré, président de la FED (Fédération environnement durable), il y a déjà 8 000 machines installées en France et il devrait y en avoir 15 000 d’ici à 2030. « Nous allons ainsi abandonner dans le sol 36 millions de tonnes de béton, soit l’équivalent de 1,8 millions de camions toupies représentant une file de 18 000 kilomètres ». Au béton viennent s’ajouter pêle-mêle  6 millions de tonnes d’acier, 435 000 tonnes d’aciers spéciaux, plusieurs centaines de milliers de tonnes de cuivre et       6 000 tonnes de terres rares extraites dans des conditions humaines et environnementales effroyables en Chine. Et aucune structure de dépollution, de traitement ou de recyclage n’a été instaurée à la hauteur du volume des déchets industriels existants et à venir. De plus :
    – l’éolien est nocif pour la santé. Les riverains souffrent par le bruit, les infrasons, l’effet stroboscopique ;
    – l’éolien consomme en masse des métaux rares ;
    – l’éolienne ne tourne en France que 22 % du temps ;
    – l’éolienne doit donc toujours être accompagnée de centrales thermiques polluantes ; il n’y a très souvent pas de vent lorsque l’on a besoin d’énergie ;
    – l’Allemagne n’a jamais autant pollué que depuis qu’elle a beaucoup d’éoliennes. Ses nuages de pollution arrivent sur la France ;
    – l’éolien rapporte des fortunes aux promoteurs ;
    – l’éolien coûte des fortunes aux citoyens qui paient l’électricité taxée de plus en plus cher ;
    – les éoliennes, « prédateurs » d’oiseaux prédateurs, bouleversent les écosystèmes ;
    – une éolienne ne fournit en moyenne annuelle que 20 à 25 % de sa puissance nominale d’1 mégawatt (1000 kilowatts) donnée pour un vent de 80 km/h, compte tenu de la faible vitesse moyenne des vents en France (20 km/h) : une puissance effective dérisoire et très variable, contrairement à la puissance de croisière constante des réacteurs nucléaires. Au-delà de 80 km/h, il faut freiner la machine pour ne pas la détruire.

    Alban d’Arquin n’a pas hésité à voir dans les éoliennes un scandale d’État. Pour Philippe de Villiers « ce mur de clignotants rouges, c’est la mort de la cinéscénie du Puy du Fou. C’est une imposture écologique avant d’être une imposture économique ».
    Le combat contre les éoliennes n’est pas seulement un combat pour préserver la beauté de la France, c’est aussi et surtout un combat contre les bobards des énergies nouvelles subventionnées par nos factures EDF, contre des escrocs financiers prédateurs, contre les écolos-pollueurs, contre des politiciens locaux peu scrupuleux ou corrompus.

    En conclusion, une politique de 20 ans, anti-nucléaire, a complètement détruit le nucléaire français, Macron représentant la cerise sur le gâteau de la catastrophe à venir ! Aujourd’hui 32 réacteurs sur 58 en comptant Fessenheim sont à l’arrêt. La France va se ruiner, se geler et manquer d’électricité, non pas à cause de Poutine et de l’Ukraine, mais à cause des écolos et de Macron ! La France a été pendant des années le plus gros exportateur du monde et exportait 10 % de son électricité il y a encore deux ans !

    Le gouvernement est à cran et comme vient de le déclarer à La Dépêche du Midi , le mardi 30 août, un membre du gouvernement : « Nous sommes très prudents parce qu’il y toujours un risque que les Français pètent les plombs ». Il aurait dû ajouter : « à juste titre » ! Et de continuer « « On doit porter une attention toute particulière aux classes moyennes qui ne bénéficient d’aucune aide sociale. C’est chez eux que ça risque de s’embraser ». Et une autre personnalité de l’exécutif de déclarer dans la même veine : « La crise des Gilets jaunes est dans toutes les têtes, un rien peut la raviver. (…) Dans mon secteur de compétence, je sens bien que l’allumette s’approche du baril de poudre. »
    Il faut donc rouvrir Fessenheim, relancer d’urgence le nucléaire avec d’énormes moyens humains et financiers, arrêter les éoliennes et virer Macron !

    Marc Rousset

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  • Les sommets de la dernière chance

    (Voici la chronique économique de François Reloujac, parue dans le numéro 103, de janvier, de Politique magazine) 

     Il a fallu moins de temps au dernier en date des sommets de "la dernière chance" pour sauver l’euro que pour tous les précédents avant de se révéler pour ce qu’il est : un trompe-l’œil.euro sommet derniere chance.jpg 

            Les Chefs d’État et de gouvernement qui ne savent pas comment sortir de l’impasse remplacent les décisions courageuses nécessaires par des déclarations solennelles qui ne débouchent sur rien. Personne ne veut en fait prendre la responsabilité d’être le premier à reconnaître que l’on fait fausse route. Chacun cherche à gagner du temps, au moins jusqu’aux prochaines élections. Du coup, au lieu de prendre les dispositions qui permettraient, au bout d’un certain temps, de sortir de la crise, ces tergiversations ne conduisent qu’à son aggravation. L’euro est mort, mais nul ne veut l’enterrer. On attendra pour cela qu’il soit en pleine décomposition.

            La récession qui guette désormais l’ensemble des pays européens, ne fera que rendre plus précaires les populations fragiles. Mais comme nul ne veut accepter de dire que le système européen de la monnaie unique n’est pas viable dans une union de pays qui gardent chacun un certain pouvoir économique, l’on va chercher à promouvoir un peu plus de fédéralisme. Derrière ce mot fétiche, chacun met ce qu’il veut. Et aucun homme politique n’ose dire de quoi il s’agit. Il ne peut pas y avoir de monnaie unique viable entre des populations qui ne sont pas solidaires entre elles ; il faut que les plus favorisés acceptent de subventionner les plus pauvres sans exiger un « retour sur investissement », ni immédiat ni futur. La solidarité n’est pas une question d’équilibre financier mais d’équilibre social. Il faut que le régime social soit le même partout et non que certains travaillent 35 heures par semaine pendant que d’autres passent plus de 40 heures en activité, que certains prennent leur retraite à 60 ans tandis que d’autres attendent plus de 67 ans avant d’y arriver, que certains bénéficient d’un salaire minimum de plus de 1 500 euros alors que d’autres n’en ont un que de 123 euros, etc. Est-il réaliste de penser que l’on pourra rapidement niveler ces divers seuils ? Tant que l’on n’y sera pas arrivé, les transferts des plus riches vers les plus pauvres seront extrêmement importants. Même lorsque les régimes sont identiques au sein d’une même zone, des transferts existent, car toutes les régions ne bénéficient pas des mêmes climats et des mêmes ressources naturelles, car toutes les activités humaines, pour utiles qu’elles soient, ne rapportent pas les mêmes revenus. Lorsque, de plus, les régimes sociaux diffèrent, l’équilibre requiert encore plus d’efforts. Est-ce vraiment cela qu’a imaginé le « couple Merkozy » ?

     

    les états ne remboursent plus leurs dettes

            On nous dit que les pays les plus endettés ne peuvent plus trouver sur les marchés financiers des taux d’intérêt qui leur permette de supporter les remboursements nécessaires. À l’inverse, l’Allemagne – qui, quoique très endettée, bénéficie d’excédents de trésorerie provenant de ses exportations – supporte des taux artificiellement bas qui ne dureront plus très longtemps puisque ses principaux clients (ses partenaires européens et les Chinois) sont menacés de s’enfoncer dans la récession ; ils achèteront donc moins. Cette différence de taux à laquelle on assiste, est la négation même de ce pourquoi l’euro a été créé. Mais il y a plus, les États européens ne remboursent plus leurs dettes ; ils les renouvellent à l’échéance. Compte tenu de la situation actuelle, ces renouvellements se font à des taux toujours plus élevés. Les États entrent en concurrence les uns avec les autres pour essayer d’obtenir les ressources qui leur permettront de « ne pas faire défaut », comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire de ne pas faire faillite. Et comme cette concurrence entre États impécunieux ne peut que pousser à une augmentation encore plus importante des taux, le président activiste a proposé la création d’« eurobonds » (sic). Une seule émission à un taux unique dont on répartit ensuite le résultat entre ceux qui en ont besoin. Puisque les financiers ne veulent plus prêter à des surendettés, il suffit de les regrouper tous en une seule association. Celle-ci n’a encore jamais emprunté quoi que ce soit. 

            Comme si deux surendettés devenaient solvables par la seule magie de leur regroupement.

     

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    que deviendront les cds ?

            Aucun chef d’État n’est aujourd’hui prêt à accepter l’éclatement de l’euro, ni même la sortie d’un seul pays. En effet, si la Grèce sortait, on risquerait de voir l’euro s’apprécier aussitôt sur les marchés rendant encore plus difficile le traitement de la récession qui commence. De plus, la Grèce serait, selon toute vraisemblance gagnée par l’inflation. À l’inverse, si l’Allemagne sortait, celle-ci sombrerait dans la déflation alors que, l’euro baissant, les autres États pourraient avoir une production dont les prix deviendraient plus attractifs. 

            Mais cela signifie-t-il pour autant que ces produits trouveraient preneurs ? Plus grave, que deviendraient les fameux CDS ? Ces produits censés servir d’assurance aux créanciers mais qui ont été vendus en très grande quantité à des personnes qui n’avaient rien prêté aux États menacés. Qui les ont souscrits, à l’origine ? Pour quel montant ? Et ces souscripteurs ne les ont- ils pas revendus à d’autres qui les détiennent aujourd’hui ? 

            Quel serait dès lors l’impact d’un « défaut » d’un État de la zone euro ?

            Même lorsque les économistes ont des analyses qui convergent vers une même solution, on n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise venant tout bouleverser. C’est que toutes leurs analyses ne portent que sur les « grandeurs » économiques et ne prennent pas en compte les relations entre les agents économiques. En évacuant ainsi toute subjectivité de l’analyse, on s’expose à être toujours démenti par les faits. C’est bien ce qui explique le constat fait par le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, dans Les Échos du 19 décembre 2011 : « le secteur financier a échoué à évaluer la solvabilité et les risques » ; l’euro est donc menacé. La cause de cet échec est simple : la solvabilité et les risques relèvent d’abord des comportements humains, donc subjectifs ; on ne peut donc pas les maîtriser sur la base de seuls rapports de grandeurs « objectifs ». Aucune politique ne peut être conduite sur le seul fondement d’un seul calcul économique.

     

    quelle règle d’or ?

            Les chefs d’État et de gouvernement font fausse route lorsqu’ils veulent imposer des mesures rigoureuses prises à partir du seul calcul économique, fût-il juste. L’exemple le plus frappant donné par le dernier en date des sommets de la dernière chance est l’imposition de la fameuse « règle d’or ». Au-delà des mots, cette « règle d’or » n’a pas le même contenu d’un État à l’autre, étant plus ou moins rigide mais toujours difficilement applicable dans le temps. Le modèle auquel se rattachent les dirigeants européens avait été inventé en Suisse, par le seul canton de Saint Gall juste après la crise de 1929. Aucun autre gouvernement ne l’avait imité avant la chute de Lehman Brothers. 

            Mais si certains États, comme l’Allemagne, s’y sont ralliés, aucun n’a décidé de le mettre en œuvre avant 2017 au plus tôt. 

            On se raccroche donc à une règle qui n’a pas fait ses preuves et qu’aucun pays, pas même l’Allemagne, n’est en état de respecter. À quoi rime une législation que seuls les successeurs seront tenus de suivre, dans plusieurs années, alors que personne ne sait comment l’économie évoluera d’ici là ? « Merkozy » l’a voulue et, pour résoudre la crise qui sévit aujourd’hui, décide d’imposer aux successeurs de demain un carcan « renforcé et sévère » en demandant aux dirigeants d’aujourd’hui de l’inscrire dans la constitution de leur pays ! Et, pour en arriver là, on prétend qu’il s’agit d’une modification de pure technique, figurant dans une simple annexe du Traité de l’Union européenne, pour laquelle les peuples n’ont pas besoin d’être consultés.

            Enfin, le dernier en date des sommets de la dernière chance a aussi montré l’opposition farouche du Premier ministre britannique au projet proposé, ce qui a valu l’échange de propos aigres-doux avec les représentants de la France. Et, depuis, « le gamin buté » que serait, aux dires de Nicolas Sarkozy, David Cameron, a commencé à chercher des alliés pour s’opposer au projet. Or, son objectif est limité : que la place financière de Londres ne soit pas soumise à la dictature administrative de Bruxelles. Le Premier ministre britannique a donc la prétention de vouloir conserver sa souveraineté financière. Force est de constater que le seul point d’accord de tous les gouvernements européens actuels – britanniques compris – est que si la politique ne se fait plus à la corbeille, elle se fait désormais pour la corbeille. ■

  • Economie libérée et souveraineté nationale par François Reloujac

    Trois jours avant le second tour des élections législatives, le nouveau président de la République, François Hollande, est intervenu pour appeler les électeurs grecs (!) à bien voter ; c’est-à-dire à voter pour des personnes désignées par des partis politiques favorables à l’euro.

     

            Que ces partis aient conduit la Grèce à la faillite avec constance et qu’ils soient, aujourd’hui, devenus les exécuteurs des instances financières internationales pour imposer aux Grecs une austérité insupportable, ne semblait pas gêner outre mesure le nouveau président. Mais ce qui est le plus choquant, c’est le principe même que le président d’un état se permette d’inciter les citoyens d’un autre pays à voter en ne tenant d’ailleurs compte que de la situation économique de partenaires de moins en moins solidaires.

            Certains objecteront que, le même jour, le FMI et l’Union européenne menaçaient les Grecs de ne pas leur verser l’aide promise s’ils votaient mal ; que les Etats-Unis font de même partout dans le monde ; que ce sont des agences de notation américaines qui ont dans le même temps dégradé la note de l’Espagne de trois crans ; que, pendant un temps, Nicolas Sarkozy avait recherché le soutien de Madame Merkel pour s’imposer face à son rival… Bien plus, ces mêmes personnes trouvent normal que, dans un monde où toutes les économies sont interpénétrées, on ne puisse pas agir sur un plan national sans tenir compte des répercussions sur les peuples voisins. Tout cela n’est que confusion ; lorsque l’on se mêle de tout, on ne s’occupe de rien. Le système volontairement mis en place en Europe depuis une trentaine d’années (depuis ce que l’on a appelé l’Acte unique) est purement et simplement un renoncement à la souveraineté nationale au profit d’un système protéiforme lui-même imbriqué dans un tissu de relations automatiques qui ne tient pas compte des hommes mais seulement des « flux » économiques. Cette évolution européenne est elle-même en conformité avec les règles mises en place par l’ONU et l’OMC.

              On en est arrivé à un système tellement complexe que plus personne ne le maîtrise, mais qui permet aux appareils des partis en place de se maintenir grâce à une manne financière discrètement distraite des flux financiers internationaux. Tout prétexte est désormais bon pour donner lieu à des flots de paroles qui n’ont pas pour but d’expliquer la situation aux citoyens mais de les faire réagir de façon spontanée… et donc de « bien » voter. Les citoyens sont de plus en plus noyés sous une masse de chiffres qui n’expriment plus rien. On assiste à une valse de milliards qui n’évoquent rien, sinon l’énormité des difficultés et l’impossibilité pour le citoyen de comprendre ce qu’il faut faire. Chacun est prié de faire confiance à ceux qui ont confisqué les pouvoirs et d’excuser leur incompétence à le sortir rapidement d’embarras.

     

    Les « grands champions nationaux » détenus par des capitaux étrangers

     

           Heureusement, dit-on, la France a de « grands champions nationaux », ces grandes entreprises que le monde entier envie et qui portent des noms prestigieux. Quand on y regarde d’un peu plus près, on constate que ces grands champions nationaux dont le capital est coté à la Bourse de Paris, sont en fait en grande partie détenus par des fonds de pension étrangers, que leurs principaux dirigeants sont de nationalités diverses, qu’ils payent en France proportionnellement beaucoup moins d’impôt que les petites entreprises – optimisant leur fiscalité par des mouvements « internes » avec des filiales bien situées dans des « paradis fiscaux », ce qui permet de faire apparaître le bénéfice dans le pays où il est le moins imposé –, qu’ils sont les premiers à réclamer des subventions dès que leur chiffre d’affaires baisse (primes à la casse !) et qu’ils n’ont aucun scrupule à délocaliser leur production si cela est plus avantageux pour eux. Où est l’intérêt national dans un tel système ? Et que peut faire un gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, pour diriger le pays ? Augmenter les impôts sur les entreprises n’est pas une solution car les plus importantes d’entre elles seront heureuses de voir le gouvernement britannique ou un autre leur dérouler le « tapis rouge », pour utiliser l’expression qu’a osée David Cameron en marge de la réunion du G20.

            Quoi qu’il en soit, toute politique d’assainissement finit toujours par peser sur le citoyen de base, que ce soit directement par l’impôt, les baisses de salaire (comme en Grèce) ou l’augmentation du chômage (cas de l’Espagne). Qu’une société qui a longtemps vécu à crédit, soit un jour amené à payer ses dettes, cela est normal même si c’est douloureux. Mais que cela entraîne un enrichissement indû de certaines institutions financières internationales (fussent-elles des fonds de pension destinés à payer des retraites dans d’autres pays du monde), cela est insupportable. Ces institutions se conduisent alors comme les usuriers du xixe siècle qui profitaient de la misère des paysans et des ouvriers pour s’enrichir sur le dos des plus pauvres. Que cela se produise aujourd’hui à une échelle internationale ne change rien à l’affaire. Sauf que l’on ne peut espérer en sortir qu’au sein de chaque société organisée et solidaire par des mesures acceptées par tous et non imposées de l’étranger. 

     

    « En l’europe nous ne croyons plus »

     

            La politique fondée sur le tout économique et sur une intégration toujours plus poussée par les marchés a fait faillite. Même l’ancienne ministre des Affaires étrangères de l’Espagne, Ana Palacio, a du le reconnaître lorsqu’elle a publié dans Le Figaro du 20 juin 2012 un article intitulé : « En l’Europe nous ne croyons plus » ! Dans chacun des pays concernés, ce n’est même plus ni le règne de l’étranger ni la domination d’une administration apatride mais l’anarchie masquée derrière une fuite en avant qui cherche simplement à faire gagner du temps. Mais pour quoi faire ? Pour continuer à laisser les grosses institutions financières anonymes faire croître leur bilan en épuisant le tissu social de tous les pays développés ?

    Dans de telles conditions, que faut-il faire ? La solution est d’abord nationale, car la douloureuse solidarité qui sera nécessaire pour en sortir met en jeu les valeurs communes dans lesquelles se reconnaissent les peuples ; de plus, elle n’est pas simplement économique. Si l’on en reste sur cet unique terrain, on ne pourra au mieux que mettre en œuvre quelques palliatifs pour le seul bénéfice des partis en place. C’est le bienheureux Pie IX qui avait déjà posé le diagnostic et indiqué en même temps la solution lorsqu’il écrivait en 1864 dans son encyclique Quanta Cura : « Qui ne voit et ne sent parfaitement qu’une société dégagée des liens de la religion et de la vraie justice, ne peut plus se proposer aucun autre but que d’amasser et d’accumuler des richesses, ni suivre d’autre loi dans ses actes que l’indomptable désir de l’âme d’être esclave de ses propres passions et intérêts ? » A son époque, Jeanne d’Arc avait résolu la crise du Royaume de France en mettant en œuvre une méthode, « Bouter l’étranger hors de France », au service d’un but : « Messire Dieu premier servi ». La leçon est toujours valable.  

     

    (Analyse parue dans le numéro d'été, juillet/août, de Politique magazine)

  • La démocratie est morte en Grèce, par François Reloujac

     Depuis le début du mois de février, les événements grecs ont pris une nouvelle tournure. Au-delà des faits en eux-mêmes et quelle que soit la situation qui en résultera à court terme, il est bon de réfléchir sur leur portée et sur leurs conséquences. 

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    Evangelos Venizelos, ministre des Finances grec, à la croisée des chemins....

            Les derniers événements grecs ont été déclenchés par la nouvelle visite des envoyés de la « troïka » (Union européenne, FMI et BCE) et des exigences qu’ils ont présentés à un gouvernement fantoche qui n’a pas su les refuser. Cette visite était elle-même dictée par le fait que la Grèce doit rembourser avant le 20 mars prochain 14,5 milliards d’euros et qu’elle ne pourra pas le faire « sans une nouvelle aide ». Traduit en français courant : la Grèce est insolvable ! Or, elle a deux types de créanciers : les créanciers publics, représentés par la « troïka », et les créanciers prétendus « privés » que sont les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance. D’un côté, le Gouvernement grec se voit obligé de passer sous les fourches caudines des créanciers publics, de l’autre, il négocie avec un unique représentant des créanciers privés pour que ceux-ci renoncent « volontairement » à se faire rembourser sans que cela n’apparaisse officiellement comme un « défaut de paiement ». En effet, comme ces crédits sont assurés, si la Grèce fait défaut, les compagnies d’assurance devront payer à sa place. Normalement, il ne devrait donc pas y avoir de difficultés pour les créanciers… mais les compagnies d’assurance ont assuré contre le risque de défaut de la Grèce des agents économiques qui n’en sont pas créanciers et personne ne sait jusqu’où le respect des contrats pourrait entraîner l’ensemble du système économique. Du coup, on exige que toutes les banques abandonnent leurs créances, y compris les banques grecques qui n’ont pas les moyens de le faire et qui devront donc être nationalisées avec des capitaux que le gouvernement grec devra encore emprunter. La Grèce est surendettée, mais les financiers internationaux ont spéculé sur sa faillite et aucun homme politique ne veut prendre la responsabilité de leur donner raison. Ce n’est pas le côté immoral de la chose qui retient les hommes politiques, c’est l’absence totale de vision des conséquences de l’opération. Résultat, on sacrifie l’intérêt des Grecs sur l’autel de la finance internationale.

     Abandon « volontaire » de créances

            Ce n’est pas la seule leçon que l’on peut tirer de ces événements. À la suite des hommes politiques, les médias font une distinction entre les créanciers publics et les créanciers privés. 

            En y regardant d’un peu plus près, il faut faire deux constatations. La première est que l’organisme chargé de négocier pour le compte de tous les « investisseurs » privés – on appelle ainsi aujourd’hui les créanciers – est une simple association à laquelle adhèrent divers établissements qui ne sont pas créanciers de la Grèce et dont tous les créanciers de la Grèce ne sont pas adhérents. On comprend pourquoi l’Élysée convoque régulièrement tous les créanciers français pour leur rappeler qu’ils doivent « volontairement » abandonner une partie, de plus en plus importante, de leurs créances.

            La deuxième observation concerne le caractère « privé » de ces créanciers. Si leur statut est bien de droit privé, encore faut-il constater qu’ils n’ont pratiquement plus aucun actionnaire privé direct et qu’ils sont dans l’immense majorité des cas dirigés – surtout en France – par des hauts fonctionnaires sortis des mêmes cénacles que ceux qui dirigent les ministères et les entreprises publiques. Depuis plusieurs années, les investissements en Bourse ne sont plus le fait de quelques particuliers fortunés mais quasiment uniquement de fonds communs de placement, fonds de pension, compagnies d’assurance ou autres investisseurs institutionnels. Peut- on véritablement qualifier de « privées » ces entités anonymes dont l’objet essentiel est de dégager des plus-values à court terme ?

            Le cas des créances sur la Grèce révèle bien qu’elles n’ont plus de « privé » que le nom : si elles étaient vraiment privées, elles auraient normalement assuré (sans plus) leurs créances et elles n’auraient rien à craindre d’un défaut de paiement de la Grèce. À l’inverse même, un abandon « volontaire » d’une partie de leurs créances, qui les priverait ainsi du bénéfice de l’assurance souscrite, constituerait au minimum un acte anormal de gestion si ce n’est un abus de biens sociaux !

            Une troisième leçon mérite encore d’être tirée. Les représentants de la « troïka » sont arrivés avec la ferme intention d’imposer un nouveau plan d’austérité. Le taux de chômage dépasse pourtant les 20 %, les salaires des fonctionnaires ont déjà été très largement amputés, les pensions de retraite diminuées, le salaire minimum garanti fortement rogné… Du coup, non seulement la Grèce n’a pas retrouvé de marge de manœuvre supplémentaire pour lui permettre de payer ses dettes, mais elle a même été bien incapable de financer totalement le coût des dites dettes (les intérêts). Vouloir imposer un tour de vis supplémentaire ne permettra pas d’en sortir, bien au contraire. 

            Cela permettra de maintenir la Grèce dans un état de sujétion jusqu’à ce qu’elle se décide enfin à vendre ses infrastructures, puis ses îles et ses monuments. Qu’un gouvernement et un Parlement se soient prêtés à ce forfait en dit long sur l’aptitude de la démocratie à défendre le Bien commun.

     Pour une relance de la production

            Ce qu’il faudrait à la Grèce c’est un plan de relance de la production (pas forcément de la consommation) qui mette les Grecs au travail, leur permettent de vendre et donc de vivre ; un plan qui surtout leur redonne espoir ! Mais cela est incompatible avec une monnaie européenne unique forte, avec la libre circulation mondiale des marchandises – qui est si favorable aux Allemands – et avec les dogmes officiels prônés par toutes les institutions internationales. Pour tout potage, les experts de la « troïka » proposent de libéraliser les pharmacies - tout en proposant de diminuer encore le remboursement des médicaments -, les taxis, les notaires… Ce n’est pas cela qui relancera l’économie grecque ni qui permettra au pays de rembourser – si cela est encore possible – une partie de ses dettes. Mais, dans le jargon des experts libéraux, « libéraliser » signifie aussi faire payer par chèque, par virement ou par carte bancaire (et non pas en espèces) de façon à obtenir une « traçabilité » des flux financiers… et à mieux faire rentrer les impôts. C’est bien pourquoi, s’il est proposé de diminuer le nombre de fonctionnaires et d’en mettre d’autres en « réserve de main d’œuvre », ce qui permettra de ne leur verser que 60 % de leur salaire, il est aussi prévu d’augmenter le nombre des contrôles fiscaux. Car il ne faut pas se tromper : ce que l’on demande aujourd’hui aux Grecs surendettés, c’est de payer plus d’impôts !

            Le plus grave dans toute cette affaire c’est que l’on présente ces mesures comme relevant d’un exercice de solidarité ayant pour but de « sauver » la Grèce. Cette Grèce qui a triché pour entrer dans l’euro, dont les enfants les plus fortunés ont délocalisés leur patrimoine, dont les élites dissimulent leurs revenus… Comme si, dans notre monde vertueux, la Grèce faisait figure d’exception ! Comment peut-on oser appeler solidarité un système qui accroît la misère de ceux qui n’ont déjà plus rien ? On ne sauvera pas la Grèce, ni demain l’Europe, si l’on ne veut mettre en place que des mesures invisibles, inodores et indolores pour ceux qui viennent en aide… surtout pour les « financiers » internationaux qui ont mis leurs biens à l’abri dans des paradis fiscaux et administratifs avec la complicité d’hommes politiques stipendiés. ■

     (Analyse économique de François Reloujac, dans Politique magazine de mars 2012, numéro 105) 

  • L'Allemagne, l'euro et la solidarité européenne, par François Reloujac

    (Voici l'analyse financière de François Reloujac, parue dans le n° 99, de septembre, de Politique Magazine)

    En cette fin d’été, toute l’Europe a les yeux tournés vers Berlin, car même si c’est la chancelière allemande qui a fait le voyage de l’Elysée le 16 août dernier, c’est bien elle qui a dicté sa volonté au président Sarkozy.

     

    Le chef de l’État est un habile récupérateur qui présente facilement toute décision comme venant de lui. Mais, force est de constater qu’il se met souvent à la remorque d’un autre : tantôt Barack Obama, tantôt Angela Merkel. Et en ce qui concerne la politique économique européenne, c’est cette dernière qui donne le ton. Or, comme l’a expliqué Jacques Delors (l’Express, 17 août), elle est plus préoccupée par les variations de l’opinion publique allemande que par l’avenir de l’Europe.

     

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    Angela Merkel a proposé aux députés de son parti de soumettre au contrôle de la Cour de Justice de l'Union Européenne le respect par les Etats membres de la zone euro du pacte de stabilité et de croissance....

     

            Pourtant, la solution de la crise actuelle qui secoue l’euro passera obligatoirement par ce qui se décidera outre-Rhin. C’est aussi de ce même côté du fleuve qu’il faut, a minima, chercher les facteurs aggravants de cette crise. En imposant un euro fort – qui ne gênait pas leurs exportations chez leurs partenaires européens du fait que tous partagent la même monnaie – les Allemands ont poussé ces derniers à la ruine. Vis-à-vis de toutes les autres monnaies du monde, « l’euro est beaucoup trop cher, ce qui signifie que nos prix et nos salaires sont plus élevés que partout ailleurs dans le monde », constataient Gérard Lafay et Philippe Villin dans Le Monde du 25 août.

     

    L’italie contrôlée

            Le gouvernement italien, quant à lui, s’est fait dicter sa politique par la Banque centrale européenne. Dans une lettre adressée par MM. Jean-Claude Trichet et Mario Dragghi le 5 août 2011 le gouvernement Berlusconi a été sommé de privatiser les sociétés municipales (transport public, voirie, fourniture d’électricité) et de rendre plus flexible les procédures de licenciement qui existaient dans le code du travail depuis 1970… ou de renoncer aux aides de la Banque centrale ! Comme la Banque centrale européenne ne veut pas attendre, le gouvernement Berlusconi a été prié d’agir par voie réglementaire, la voie législative ayant été jugée trop longue et trop risquée.

            Le 23 août 2011, Angela Merkel intervenait devant les députés de son parti pour tenter de les rassurer. En effet, plus la date fatidique à laquelle elle devra présenter le second plan de sauvetage de la Grèce approche, plus la tension monte. En échange de ce vote, elle leur a donc proposé de soumettre au contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne le respect, par les États membres de la zone euro du pacte de stabilité et de croissance (sic). 

            Désormais, les États, non seulement, devraient soumettre leur projet de budget annuel à la Commission européenne, mais encore la Cour de justice pourrait exiger qu’ils revoient leur budget si celui-ci, dans son vote ou dans son exécution, venait à sortir du carcan des critères de Maastricht ! Une perte de souveraineté supplémentaire… Il est vrai que, depuis l’adoption du premier plan de sauvetage, le 21 juillet, un certain nombre d’obstacles s’étaient levés sous ses pieds.

            En premier lieu, Nicolas Sarkozy avait été obligé de constater qu’il n’avait pas de majorité suffisante pour faire voter par le Parlement réuni en Congrès, l’insertion dans la Constitution de la « règle d’or » imposant un strict équilibre budgétaire quelles que soient les circonstances conjoncturelles. Et, comme il n’arrivait pas à faire basculer l’opinion dans son camp, il avait proposé de rendre cette mesure obligatoire dans tous les pays de la zone euro… se faisant ainsi le porte-parole de la Chancelière. 

            Seul, le Premier ministre socialiste espagnol, José-Luis Zapatero, avait répondu favorablement à cet appel, transmettant ainsi une véritable pilule empoisonnée  à son successeur potentiel, à quelques semaines d’élections législatives considérées comme perdues. Le Premier ministre portugais, quant à lui avait aussitôt émis des réserves sérieuses, entraînant derrière lui d’autres États dans la fronde.

            En second lieu, le 16 août, tandis qu’Angela Merkel s’entretenait avec le président Sarkozy à l’Élysée, on avait appris que, faisant cavalier seul, la Finlande avait négocié avec la Grèce un accord bilatéral subordonnant sa participation au plan de sauvetage à l’octroi de garanties particulières : que la Grèce dépose dans les caisses de l’État finlandais une somme suffisante pour que celui-ci puisse être sûr d’être remboursé à l’échéance, intérêts compris. Un tel accord qui constitue une entorse grave à la solidarité européenne a, aussitôt connu, suscité des vocations, notamment de la part de l’Autriche, des Pays-Bas et de la Slovaquie… et une réaction indignée de l’Allemagne.

            En troisième lieu, le remboursement par la Grèce, le 22 août, de la première grosse échéance de 6 milliards d’euros, obligatoirement accompagné d’un renouvellement « volontaire » des prêts accordés par les banques, avait suscité des critiques non dénuées de fondement de la part de certains juristes de banque dans tous les pays de l’Union. Cet abandon « volontaire » d’une partie de leur créance et leur souscription « volontaire » à un nouveau prêt assorti d’une simple promesse d’une garantie ultérieure par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) – une fois que tous les Parlements concernés auraient ratifié l’accord du 21 juillet – est-il bien conforme à l’objet social des banques ?

     

    Un plan qui divise l’allemagne politique

            Les élections allemandes approchent et Angela Merkel se doit de donner des gages, d’abord à son propre parti, ensuite à ses électeurs. D’autant que le premier plan de sauvetage de la Grèce avait lui-même déjà été déféré devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, laquelle doit se prononcer le 7 septembre : selon les cinq universitaires qui ont introduit ce recours, le montant nécessaire pour aider la Grèce devrait mener à terme, soit à une dévaluation substantielle de l’euro, soit à une forte inflation. De plus cette aide ne peut pas être réellement contrôlée par le Bundestag, ce qui viole ses pouvoirs. Il n’est pas permis à Angela Merkel de faire le moindre faux pas. Pour autant, cela sera-t-il suffisant ? On peut en douter quand on voit que, dès le lendemain, le Président de la République d’Allemagne fédérale, Christian Wulff, a jugé la situation suffisamment grave pour sortir de sa réserve et pour prendre position sur ce plan de sauvetage de la Grèce, jugeant qu’était « discutable sur le plan légal l’achat massif d’obligations de certains pays ». Et, en bon gardien de la Constitution allemande, il n’a pas manqué de rappeler à cette occasion que « c’est le Parlement qui doit prendre les décisions, car c’est là qu’est la légitimité ». 

            Il rejoint ainsi, dans la contestation de la chancelière, Helmut Kohl qui reproche désormais à celle qu’il appelait autrefois « la petite fille », de lui casser son Europe ! Il rejoint aussi, l’ancien président du Land de Bade-Wurtemberg, Erwin Teufel, qui au début du mois d’août a critiqué les mesures prises pour lutter contre la crise de l’euro : « Quand nos représentants effacent en une nuit des critères de stabilité raisonnables mentionnés dans des traités, au mépris du droit et de la Constitution, la confiance de nos électeurs s’en va ». Sur la même longueur d’onde, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, s’est opposé au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, au rachat par cette institution des dettes grecques, irlandaises et portugaises. Pour la Chancelière allemande le plus dur reste à venir. En effet ce n’est que le 23 septembre prochain que les députés du Bundestag commenceront à examiner le deuxième plan d’aide à la Grèce, quinze jours après la décision de la Cour constitutionnelle dont on peut penser qu’au minimum elle rappellera les droits fondamentaux du Parlement. 

            Jusqu’à cette date, non seulement la Chancelière jouera son avenir politique mais elle jouera aussi l’avenir de l’euro dans une Allemagne où la confiance dans les institutions de l’Union européenne baisse chaque jour un peu plus. Et le projet, adressé le 24 août par le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, aux leaders du Parlement, de lever le contrôle parlementaire des crédits octroyés aux pays endettés par le FESF n’est pas fait pour calmer les esprits. Le patronat allemand a lui aussi mis la chancelière en garde : nous ne défendrons pas l’euro à n’importe quel prix !

            Cela étant, comment la chancelière allemande peut-elle expliquer à ses partenaires exsangues et qui s’enfoncent dans la récession, ce refus de solidarité européenne au moment même où la Bundesbank annonce que l’indicateur de la valeur des avoirs financiers des ménages allemands n’a jamais été aussi élevé depuis qu’elle le calcule ? Alors que tous les ménages européens se sont appauvris, alors que le taux de chômage augmente partout, les avoirs financiers des ménages allemands ont augmenté de près de 4,5 % dans l’année. ■

  • Les banques, ces boucs-émissaires, par François Reloujac

     (Voici l'analyse économique de François Reloujac parue dans le numéro d'été de Politique magazine (juillet/août 2011, n° 98)

            Depuis que la crise économique a explosé dans l’actualité médiatique, on met souvent en cause le rôle joué par « les banques ». Peu d’informations qui ne fassent allusion à la responsabilité des banques. Mais, au-delà des dénonciations qui font mouche, peu d’explications réelles sur ce qui leur est reproché, aucune nuance dans les responsabilités des unes et des autres.        

     

            Les banques sont coupables, c’est entendu ! Oui ; mais quelles banques ? Car il existe de nombreuses différences entre les banques d’investissement et les banques de détail, les banques d’entreprises et les banques de particuliers, les banques régionales et les banques internationales, les banques commerciales classiques et les banques coopératives, etc. Sans entrer ici dans un détail qui risquerait d’entraîner très loin, il est important, pour bien comprendre ce qui se passe, de soulever un coin du voile sous lequel on dissimule habituellement les turpitudes économiques et financières.

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    Le Hong-Kong Stock Exchange... : désormais, des logiciels informatiques permettent de passer des ordres fianciers en seulement quelques nanosecondes. Permettant une frénésie encore plus importante pour la  spéculation sur ese titres. Et de gagner de l'argent encore plus vite...

            Le métier traditionnel des banques est d’accorder des crédits. On leur demande ainsi d’octroyer aux particuliers des crédits à la consommation pour permettre à chacun – dont le pouvoir d’achat résultant du travail est en panne – d’acheter des produits venus du monde entier pour le plus grand profit des entreprises multinationales et de soutenir ainsi la consommation… mais si l’un des consommateurs ne peut plus rembourser, c’est que la banque a favorisé le surendettement ! On leur demande de soutenir les petites, les moyennes et les grandes entreprises qui assurent le fonctionnement du système industriel et commercial et, si elles doutent de la réussite du projet économique qu’on leur demande de financer et de la solvabilité des entreprises, on les dénonce au médiateur du crédit. On leur demande de combler sans faille tous les besoins des gouvernements qui dépensent à tout va, mais on leur reproche ensuite d’être les principales responsables des dettes publiques.

            En fait, la société actuelle ne repose que sur le crédit ; il en résulte inéluctablement que le volume des dettes publiques et privées explose. Sous prétexte d’assurer la sécurité économique du système on impose aux banques d’être « transparentes » et de respecter un rapport très strict entre le volume des crédits accordés et celui des fonds propres. Mais comme le volume des crédits est en croissance exponentielle, on a commencé par imaginer des « quasi-fonds propres », qui ne sont qu’une catégorie d’emprunts que l’on baptise fonds propres uniquement pour permettre aux banques de prêter plus. Comme ce mécanisme a des limites et qu’il faut pourtant faire baisser le niveau du ratio obligatoire, on a imaginé de permettre aux banques de sortir les crédits accordés de leur bilan par la technique de la titrisation. 

            On impose ainsi aux banques de respecter des ratios de plus en plus contraignants et, dans le même temps, on les autorise à manipuler aussi bien le numérateur que le dénominateur de ces rapports arithmétiques !

     

    Des paradis administratifs

            Cette technique permet aux banques de « céder » à d’autres les créances que représente le montant des crédits qu’elles ont accordés. De prêteurs, elles sont ainsi devenues de simples « arrangeurs ». Cela signifie que les crédits en question sont désormais inscrits dans le bilan d’entreprises non bancaires (fonds spéculatifs, OPCVM, organismes de retraite) ou dans des contrats d’assurance-vie « vendus » aux épargnants. Nombre de ces opérations ayant lieu sur des marchés non organisés, non régulés, et souvent dans des « paradis administratifs », comme disait l’ancien directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, plus personne ne sait désormais quel est le créancier en dernier ressort. Quand un débiteur fait faillite, personne ne sait qui va se trouver en bout de chaîne, avec le Mistigri.

            Pour que les marchés financiers fonctionnent à peu près convenablement, on a imaginé des contrats d’assurance, les CDS, qui sont censés couvrir les créanciers en dernier ressort contre la défaillance de tel ou tel débiteur clairement identifié. Mais, comme il n’est pas toujours facile de savoir qui est créancier de qui, les CDS peuvent être vendus à des agents économiques qui ne détiennent en fait aucune créance sur l’agent économique en qui ils n’ont pas confiance. Dès lors, ces acquéreurs de CDS ont intérêt à voir les débiteurs des actifs assurés faire défaut : ils ne supportent aucune perte, puisqu’ils n’ont aucune créance sur le débiteur défaillant, mais ils gagnent beaucoup d’argent puisque le montant de l’assurance leur est versé, non en fonction de la créance compromise qu’ils détiennent, mais du montant qu’ils ont souscrit. Aujourd’hui près de 80 % des CDS ont été vendus par des banques américaines qui ne veulent surtout pas qu’un débiteur dont les créances ont été ainsi garanties – la Grèce – soit déclaré en faillite… Elles seraient obligées d’honorer leurs engagements !

            Pour que le système fonctionne, il faut que les marchés financiers soient « profonds et liquides », c’est-à-dire que les transactions quotidiennes y soient les plus nombreuses possibles. Du coup les « investisseurs » qui y sont actifs surveillent en permanence l’évolution des cours pour se dégager au moindre risque ou augmenter le volume de leurs investissements dès qu’ils pensent que les cours sont susceptibles de monter. Pour ne pas risquer de passer à côté d’une bonne affaire ou, pire, de se laisser piéger avec des titres en baisse, les gros « investisseurs » ont développé des systèmes informatiques qui surveillent en permanence l’évolution des cours et déclenchent des ordres d’achat ou de vente en quelques nanosecondes. Des systèmes aussi puissants ne sont pas à la portée du premier venu et l’on estime aujourd’hui en France que 80 % des ordres de Bourse émanent de seulement trois agents économiques. Nombre de titres changent ainsi de main plusieurs fois par jour. Les prétendus « investisseurs » ne sont plus, en fait, que de simples spéculateurs qui n’ont aucun intérêt dans les entreprises qu’ils financent mais cherchent uniquement à gagner de l’argent sur les variations de cours, même si cet argent n’est que virtuel et ne correspond à aucune richesse vive réelle. Le seul but est de gagner le plus possible dans le temps le plus bref. Les entreprises financées ne sont plus que les supports des jeux financiers et leurs titres la matérialisation des tickets de loterie.

     

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      "...Se contenter de crier haro sur le baudet et de désigner les banques comme les responsables de la situation économique actuelle, c’est les transformer en boucs émissaires de la société et les charger de tous les maux découlant de quarante ans d’égoïsme collectif..."

     

     

    Des vues court-termistes

            Les entreprises sont peu à peu devenues des personnes morales sans maître – ayant une vision à long terme et assumant une certaine responsabilité, y compris morale –, livrées à de simples gestionnaires dont l’horizon se réduit à présenter le meilleur résultat financier possible à la plus prochaine assemblée générale. Votent désormais à ces assemblées les gestionnaires des fonds qui n’ont pas à se préoccuper des résultats espérés à long terme par les entreprises mais uniquement des dividendes qu’elles serviront et qu’ils pourront redistribuer à leurs mandants. Les entreprises cotées ne sont ainsi plus portées par un projet économique à long terme mais par un simple objectif de versement de dividendes à court terme. Les banques cotées sont des sociétés anonymes gérées selon les mêmes principes et répondant aux mêmes lois. Les « managers » n’engagent pas leur argent personnel pour soutenir leurs clients ; ils jouent l’argent des fonds de pension et autres organismes de placement collectif pour distribuer des « produits » dont ils n’assument pas la responsabilité. Et ils le font contre une rémunération qui n’a aucun lien ni avec l’utilité économique dudit « produit » ni avec le risque encouru par la banque.

            En cette année 2011, l’essentiel des opérations financières se déroule en dehors des banques car si les banques sont soumises à des réglementations draconiennes et sont contrôlées par des autorités de tutelle multiples et tatillonnes, il n’en est pas de même de ce que les anglo-saxons appellent poétiquement le « shadow banking ». Au-delà des abus individuels réels, ce qui est en cause c’est d’abord le système lui-même ; ce sont les lois auxquelles les banques sont soumises et qui exemptent soigneusement les acteurs du « shadow banking », pour permettre au système de survivre encore dans une fuite en avant de plus en plus rapide, qui n’est plus qu’une vaste opération de cavalerie.

            Se contenter de crier haro sur le baudet et de désigner les banques comme les responsables de la situation économique actuelle, c’est les transformer en boucs émissaires de la société et les charger de tous les maux découlant de quarante ans d’égoïsme collectif. Les banques ne sont pas pour autant innocentes de ce qui se passe, mais elles n’ont joué, au mieux, que le rôle de cause instrumentale. Il ne faut pas en rester à cette vue superficielle des choses mais, derrière ces causes instrumentales, aller chercher la cause première qui est essentiellement politique. ■

  • D'accord avec.. l'explication de la guerre parents/profs, proposée par SOS Education...

                Aujourd'hui, sur ce sujet sensible, nous donnons encore une fois la parole à SOS Éducation, qui explique bien "la culpabilité des syndicats d’enseignants marxistes" dans la situation actuelle.

                Mais commençons d'abord par un petit retour en arrière... Le 11 mai dernier, kohnili nous envoyait le commentaire suivant: Quels tombereaux d'ordures les profs ont-ils déversés dans le crâne des élèves ? Je serais curieux de le savoir..., suite à notre note du même jour "Le Ministère de la des-Éducation nationale a encore frappé : un nouveau signal fort envoyé à la délinquance, et aux délinquants...", que nous vous remettons ici : Le Ministère de la deséducation nationale a encore frappé.pdf

                Nous avions alors suggéré alors à kohnili de se reporter à notre Catégorie Éducation, dans laquelle il trouverait 81 notes. 

                Mais on va voir que l'article de SOS Éducation que nous publions aujourd'hui répond aussi, pour une bonne part, à sa question, même si le point de départ n'est pas exactement le même.....

                Profitons de l'occasion pour signaler le nouveau site de SOS Éducation : http://www.soseducation.com/

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                Parmi les nombreux signes du pourrissement de l’Éducation nationale, on assiste à une montée des agressions de parents contre les professeurs. Le plus souvent, ces agressions se produisent quand un professeur a donné une mauvaise note ou une punition à un élève, ou encore quand il conseille de le faire redoubler.

    Parents indignes ?

                La première réaction est de condamner les parents : « Ils se mettent systématiquement du côté de leur enfant, entend-on. Ce sont des parents indignes, qui ne supportent pas qu’on touche à un cheveu de leurs « petits chéris », mais qui n’assument pas leur rôle éducatif. Autrefois, les parents avaient des principes, ils se rangeaient toujours à l’avis du professeur. Et si les enfants étaient punis à l’école, ils étaient punis une seconde fois, et beaucoup plus sévèrement, le soir à la maison ! ».

                Cette explication a le mérite d’être simple, et implique une solution tout aussi simple : il faut donc punir les parents ! La proposition de Nicolas Sarkozy qui vise à sanctionner financièrement les parents d’élèves absentéistes va exactement dans ce sens.

                Mais la vérité, c’est que les vrais coupables de cette situation sont les syndicats d’enseignants marxistes : SNI, SNUipp, SNES, et SGEN surtout.

                Et nous allons le démontrer.

                D’abord, ils sont responsables d’avoir fabriqué intentionnellement, beaucoup des « parents indignes » dont ils se plaignent aujourd’hui :

                Depuis avant mai 68, ils cherchent par tous moyens à détruire le respect de l’autorité des professeurs. Ils ont exigé qu’on supprime les estrades, le vouvoiement et toutes les prérogatives des professeurs qui risquaient d’être ressenties comme une « violence symbolique » par les élèves. Ils ont fait interdire la plupart des punitions usuelles que les enseignants avaient l’habitude de donner pour maintenir la discipline (même les lignes d’écriture et les zéros de conduite et les punitions collectives, sont désormais interdits, depuis la circulaire Ségolène Royal de 2000).

                Ils ont constamment milité pour « abolir les distances » entre professeurs et élèves, et accessoirement entre les parents et les enfants. Ils n’ont eu de cesse depuis quarante ans de vanter les vertus d’une éducation libre et sans contrainte dans les écoles. Les parents « démissionnaires » d’aujourd’hui sont le résultat direct de cette nouvelle forme d’éducation, hostile à toute forme d’exigence et de discipline envers les enfants.

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    La génération spontanée, cela n'existe pas: la démagogie....
     

                Mais la culpabilité des syndicats d’enseignants marxistes ne s’arrête pas là.

                Ce sont eux qui, depuis des dizaines d’années, ont obtenu, à coups de grèves et de manifestations, de rendre les professeurs totalement indéboulonnables. Compétents ou incompétents, ils restent en poste toute leur carrière s’ils le souhaitent, et la hiérarchie scolaire ne peut rien sur eux. Quand un parent est en désaccord avec un professeur, à tort ou à raison, il ne peut donc plus se tourner vers personne pour faire valoir ses griefs. Le chef d’établissement, en particulier, est impuissant.

                La seule possibilité qui reste aux parents est donc d’aller s’expliquer eux-mêmes avec le professeur, en absence de toute autorité qui assume la responsabilité de trancher entre les deux parties. C’est une situation qui est explosive, et il n’y a rien de surprenant à ce que la confrontation dégénère parfois. Comme à la Poste ou à la Sécurité sociale, les parents peuvent se retrouver face à un fonctionnaire qui leur donne l’impression à la fois d’avoir un pouvoir discrétionnaire sur eux, et de mal remplir ses obligations. Réciproquement, le fonctionnaire se sent agressé par l’administré, qui formule des exigences qui lui paraissent aberrantes. Mais les deux sont condamnés à traiter malgré tout l’un avec l’autre. Très vite, des noms d’oiseau, et parfois pire, peuvent fuser.

                Nous ne disons pas que ce soit toujours le cas, évidemment, mais c’est le cas parfois, et cela suffit à expliquer de nombreux conflits, aussi mal ressentis par les parents que par les professeurs. Et si les parents sont conduits, de plus en plus souvent, à porter plainte auprès de la Police, c’est précisément parce qu’ils ne veulent pas faire justice eux-mêmes. Pour compenser la vacuité du pouvoir à l’Éducation nationale, ils s’en remettent à la seule autorité sur laquelle ils pensent pouvoir encore compter pour obtenir justice (à tort ou à raison encore une fois, mais ce n’est pas la question).

                Pour sortir de cette situation, l’Éducation nationale doit exiger que les chefs d’établissements et les inspecteurs assument leurs responsabilités, et leur donner les moyens de le faire. En cas de conflit entre un parent et un professeur, ce sont eux qui doivent juger, et trancher. S’ils le font, et s’ils assument ce rôle dans un esprit de justice, cela contribuera à restaurer des relations sereines et de confiance entre les parents et les professeurs.

                Mais avançons un autre point de la culpabilité des syndicats d’enseignants marxistes :

                Ce sont eux également qui ont exigé que soit étendu le « droit à l’éducation » à tous les élèves, quelle que soit leur situation, leur comportement, et jusqu’à un âge de plus en plus tardif. Ils ont exigé, à coup de grèves, de manifestations, et de manœuvres au ministère de l’Éducation, que soient rédigés des textes de loi qui obligent l’école publique à garder dans ses murs tout enfant jusqu’à seize ans, aussi mal-élevé, paresseux et même hostile à l’enseignement qu’il puisse être, voire agressif – et même dangereux ! – pour ses professeurs et ses camarades.

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    ...et la gabégie qui en résulte, c'est quelque chose de voulu
    et de méthodiquement imposé depuis longtemps à l'EN
    par les syndicats qui y règnent en maîtres....
     
     

                Cette législation insensée a créé la situation ingérable que nous connaissons actuellement. De nombreux parents, totalement déresponsabilisés, mettent au monde des enfants qu’ils n’assument absolument pas sur le plan éducatif. Mais ils s’en débarrassent dès l’âge de trois ans, et souvent même deux ans, en les mettant dans cette garderie gratuite que sont les écoles publiques : « Débrouillez-vous avec mon enfant, c’est votre boulot. »

                Les syndicats se plaignent de cela, bien sûr. Mais que n’exigent-ils pas, alors, qu’on supprime enfin le « droit à l’éducation » sans condition ? Pourquoi n’acceptent-ils pas que l’on exclue des écoles les élèves hostiles aux professeurs, au savoir, et à l’institution scolaire dans son ensemble ?

  • (Rions un peu d'eux). Lutte contre l'absentéisme scolaire : Et pourquoi pas les péripatéticiennes à l'oeil, tant qu'on y

                 (Castigat ridendo mores, disaient les Anciens. Partagés entre la stupéfaction, la révolte et l'écoeurement, il nous a finalement semblé que -comme le dit l'adage- mieux vaut en rire, après tout.... Voici donc notre réaction à l'ahurissante et abracadabrantesque proposition de certaines autorités rectorales qui, dans leur grand'guignolisme affligeant et consternant, n'ont plus d'autorité que le nom....)

                 10.000 euros par classe si les élèves viennent en cours ! Qu'on pourra utiliser, par exemple, pour un voyage scolaire...

                 Il y a un an, environ, on avait eu une première ébauche de cette cinglerie : des places de cinéma pour endiguer l'absentéisme....

              Cette mesure, expérimentée en Seine-et-Marne, faisait suite à l'échec de plusieurs moyens mis en oeuvre pour enrayer le phénomène, comme les SMS, les courriels et les coups de téléphone aux parents. Eh, oui ! A en croire les responsables du lycée professionnel Louis-Lumière de Chelles, il était nécessaire, à l'époque, de faire des cadeaux aux élèves pour les inciter à ne pas sécher les cours ! Des places de cinéma gratuites furent donc offertes aux élèves de cet établissement de Seine-et-Marne afin de lutter contre l'absentéisme, selon le rectorat de l'Académie de Créteil, qui confirma ainsi une information parue dans Le Parisien.

              Et aujourd'hui il semble donc qu'on veuille continuer... De simples places de cinoche, on va carrèment passer au voyage de classe !

              Au total, "275.000 élèves sur le plan national" ont séché les cours il y a deux ans, "438.000 l'année dernière", indique-t-on au Ministère. Mais le Ministère s'est-il réellement demandé pourquoi tant d'élèves "séchaient" les cours (1): n'est-ce pas parce que, en réalité, eux ont très bien compris que leur place n'était pas dans les salles de classe ? Ils ne sont pas demandeurs, et - victimes de l'idéologie égalitariste - l'école que leur imposent parents et pédagogistes confondus est pour eux un châtiment, une prison: un comble !

              Ils réagissent donc eux-mêmes, et d'eux-même, à l'idéologie qu'on leur impose. Et ils le font avec l'une des seules armes dont ils disposent: ils taillent, ils sèchent les cours. C'est leur variable d'ajustement à eux, leur façon à eux -finalement- de rejeter l'idéologie !....

              Quant au "remède" (!?) proposé, s'il s'agit de scotcher des élèves non demandeurs dans les lycées, il n'est pas du tout certain que, vu la profusion d'images dont sont gavés de mille manière les ados, ce soient les deux ou trois places de cinéma à l'oeil, hier, ni la promesse d'un voyage scolaire, aujourd'hui, qui régleront le problème. Ils n'en veulent pas de l'école, des profs, du cadre scolaire, de l'environnement scolaire; et on s'imagine qu'ils vont accepter de partir une semaine avec des profs, avec des contraintes à respecter, avec un minimum de discipline de groupe à observer ?....

              Puisqu'on est dans l'ahurissant, et dans la cinglerie totale, alors allons-y de bon coeur et soyons-y à fond. Pourquoi ne pas proposer une mesure beaucoup plus radicale, dont il y a tout lieu de croire qu'elle serait nettement plus incitative que le cinoche ou le voyage: confier chaque lascar "sécheur de cours" à une grande soeur qui le prendrait en main (si l'on peut dire...) ? Dans l'enceinte du lycée, évidemment, puisque - on l'a compris... - le but est d'y faire revenir les ados fugueurs. Nul doute que d'accortes et charmantes demoiselles, à l'aide de Travaux pratiques savamment menés (!) réussiraient à vous rendre attentifs -et, surtout- participatifs- les ados d'ordinaires les plus rétifs aux cours !

              Ô joie suprême et bonheur complet de l'enseignant, phantasme si souvent caressé et si rarement atteint, ne verrait-on pas, alors, des classes entières de jeunes gens participer à fond (si l'on peut dire, là aussi...) à ces cours d'un nouveau genre, et même en redemander ! A l'extase de l'enseignant, qui verrait enfin ses chères têtes blondes transfigurées (!!!!!) correspondrait alors l'extase du public scolaire, enfin réconcilié avec cette Ecole dont -du coup- nul ne songerait à sortir. Elle serait pas belle, la vie ? 

              A la seule condition toutefois que la mesure marche dans les deux sens, et que l'on puisse confier les filles "sécheuses" à des grands frères, qui sauraient eux aussi leur rendre vivante et agréable l'enceinte du lycée, avec le même type de travaux pratiques. Eh, oui ! maintenant que nous avons la Halde, il faut faire attention à tout. Il n'y aurait aucune raison - ce serait une discrimination insupportable !... - que seuls les garçons profitent de ce service. Si les filles n'y avaient pas accès, la Halde ferait à coup sûr, procès sur procès au Ministère pour inégalité de traitement !.... Donc, des péripatéticiennes à l'oeil, pour prendre les garçons en mains, certes; mais aussi..... des péripatéticiens ! On a la Halde ou on ne l'a pas, et il n'y a aucune raison pour que cela ne marche pas (toujours si l'on peut dire...) dans les deux sens !..... Et n'oublions bien sûr pas les péripatéticiens (ou ciennes) spécialisés dans le Gay, le Lesbien le Bi et le Trans: sinon, là aussi, gare à la Halde ! 

              Et puis ce sera bon pour faire reculer le chômage des jeunes: le Ministère, qui embauchera du personnel en nombre (car il va en falloir, des responsables de Travaux pratiques, la demande sera certainement très forte !....) fera ainsi coup double, luttant à la fois contre l'absentéisme et contre le chômage.....

              Bon, trêve de plaisanteries. Maintenant, il faut tirer la leçon politique de toute cette affaire, consternante et affligeante, mais ô combien révélatrice car, c'est bien connu, c'est par la tête que pourrit le poisson.....Les idéologues qui nous gouvernent viennent donc de franchir un palier supplémentaire dans la démission. A la différence de Nicolas Fouquet, dont la devise -un rien mégalo...- était Quo non ascendam (Jusqu'où ne monterai-je pas ?...), leur devise à eux serait plutôt Quo non descendam ? Oui, jusqu'où ne s'abaisseront-ils pas, dans la veulerie, la démission, le crétinisme pur ?

              Il fut un temps où, en France, tout finissait par des chansons. Il faut avouer qu'avec le cinoche à l'oeil, hier, et le voyage scolaire à l'oeil, aujourd'hui, c'est dans la cinglerie la plus totale que tout finit, désormais, dans notre Système idéologique. Pauvres pédagogistes/idéologues du Ministère ! Ils entrouvrent une porte, et inaugurent un nouveau palier dans la descente aux enfers vers la nullité, dans laquelle le burlesque le dispute à l'insanité.

              Burlesque, insanité: finalement, ils nous offrent, là, un assez bon portrait d'eux....

    (1): qu'il revient si cher à la nation d'organiser; surtout si c'est en partie pour rien, puisque ceux pour qui ils sont proposés, à prix d'or, ne sont pas là...