Au cours de la même semaine, démission d’un ministre et mise en examen de l’ex-président. Il n’en faut pas plus pour mettre le landerneau médiatique et parisien en ébullition. Quitte à ne s’intéresser qu’aux apparences en se faisant l’écho des réactions de la caste politicienne.
Grande retenue dans le premier cas. Il faut dire que M. Cahuzac est (était) l’un des rares ministres digne de ce nom et, surtout, que ce qu’on lui reproche (avoir fraudé le fisc) est tellement courant… C’est plus animé dans le second cas, notamment grâce à M. Guaino qui, en franc-tireur du sarkozysme, s’en prend frontalement à la Justice en la personne du juge Gentil - les socialistes oscillant, quant à eux, entre franchise (« enfin une bonne nouvelle ») et hypocrisie (« tout les justiciables bénéficient de la présomption d’innocence »).
Et les Français ? Depuis l’avènement de la IIIe République (bientôt cent cinquante ans), les scandales impliquant le personnel républicain n’ont cessé d’agiter le pays de façon récurrente, de l’escroquerie de Panama aux frasques de M. Strauss-Kahn (nous épargnerons au lecteur leur liste interminable). La notion d’« affaire » est même devenue une sorte de topos de notre vie politique, favorisant la montée du « populisme ». La fracture est telle entre la population et ses prétendus représentants qu’on peut même se demander si ce n’est pas l’indifférence qui prédomine désormais.
Voilà pour les apparences. Mais il y a plus grave. Dans les deux cas, c’est le site Mediapart qui a réussi à activer l’infernale machinerie judiciaire. Cette conjonction des deux pouvoirs, médiatique et judiciaire, est plus qu’inquiétante, en raison de ses dérives potentielles. Le pouvoir des juges, depuis le petit juge d’instruction (qui, comme Mme Joly en son temps, peut exercer sa vindicte en toute quiétude) jusqu’aux membres du Conseil constitutionnel (qui peuvent empêcher une mesure gouvernementale de voir le jour) est devenu exorbitant. Au moins correspond-il en principe à une légitime exigence de justice. Ce qui n’est pas le cas de celui des médias car le « droit à l’information » est trop souvent un paravent : le plus souvent, on crée l’information en fonction d’une certaine idéologie, et, pis, on s’arroge le droit de soupçonner tout le monde au nom de la transparence. Ces deux prétendus « contre-pouvoirs démocratiques » participent du déclin du politique, toujours sur la défensive face à la médiatisation et à une génération de juges politisés. Il ne s’agit certes pas de considérer MM. Cahuzac et Sarkozy comme des agneaux promis à quelque immolation, il s’agit plutôt de dénoncer l’arrogance insupportable de ceux qui prétendent mettre sous tutelle la notion même de pouvoir politique.
On se souvient des pacifistes des années 70-80 (« mieux vaut être rouge que mort »), dont on a vite compris qu’ils n’étaient que la cinquième colonne de l’impérialisme militaire soviétique. A quand une enquête sur Mediapart qui mettra en lumière le parcours et les accointances idéologiques de son Grand Inquisiteur M. Plenel ? A quand le « jugement des juges » que Robert Brasillach appelait de ses vœux ?