Patrice de Plunkett : « Les politiques doivent réapprendre à parler d'avenir »...
Mais comment le pourraient-ils ? Telle est la question pertinente à laquelle Patrice de Plunkett a tenté de répondre dans son blog. Et nous sommes d'accord avec lui, d'accord avec son analyse. Le Système ne met pas les politiques en position de parler d'avenir. Il est impossible de les y encourager, sauf clause de style. Sauf oxymore. Plunkett conclut comme nous que le Politique est à ressusciter, ou mieux : à réinventer. C'est à quoi Pierre Boutang s'était essayé dans son Reprendre le Pouvoir [1977] ... LFAR
Décomposition du PS, aphasie devant les problèmes de l'Hexagone, dislocation rampante de "l'UE", montée des "populismes" : l'actualité donne la migraine à la classe politique. C'est l'échec de la recette post-démocratique installée depuis dix ans ("avancées sociétales" + "gouvernance" euro-libérale). Les officiels donnent des signes d'inquiétude. Cette semaine c'était à propos de la présidentielle autrichienne qui pourrait être remportée par le FPÖ...
Nos éditorialistes tournent donc tous autour de la même idée (encore reprise ce matin [1]) : "Les partis de gouvernement [2], de droite comme sociaux-démocrates [3], doivent réapprendre à parler d'avenir à leurs concitoyens." Cette phrase est lourde de sens. S'il faut "réapprendre" à parler d'avenir, c'est qu'on en avait perdu l'habitude. Depuis quand, et pourquoi ? et qu'est-ce que "parler d'avenir" ?
Quand de Gaulle parlait d'avenir, il parlait du bien commun dans la durée (c'était l'objet du politique). Depuis les années 1990 et le rachat du politique par le financier, il n'est question que d'instant présent et d'intérêts particuliers. Ce marketing du laisser-faire est une véritable désertion du politique : un abandon de poste.
Comment la classe post-politique pourrait-elle parler d'avenir ? Les embryons de programme de MM. Juppé, Sarkozy, Fillon et Le Maire sont pure et simple myopie libérale : aggravation de ce qui détruit la société depuis vingt-cinq ans. MM. Hollande et Valls sont crispés sur leur échec. Quant à M. Macron, il est "dans le story-telling" : le "récit" publicitaire à propos de soi-même. Dans l'idiome pub, "récit" veut dire auto-promotion. Il s'agit de posture individuelle dans l'instant, non de projet collectif pour l'avenir. La classe post-politique n'a pas cette hauteur de vue ! Elle est donc incapable d'affronter les conséquences de ses vingt-cinq ans de débâcle...
L'une de ces conséquences est la fameuse "montée-des-populismes" : la classe post-politique n'est pas le remède à cela, puisqu'elle en est la cause. Les éditorialistes n'en sont pas innocents non plus. A force de nier toutes les réalités, ils en ont fait cadeau aux populistes [4] qu'ils appellent à combattre aujourd'hui ; une fois de plus, c'est Ubu Roi.
Oui, le politique doit nous "parler d'avenir". Mais il lui faut d'abord exister. Ou plus exactement : il lui faut ressusciter. Encore plus exactement : on doit le réinventer, et l'économique aussi ! C'est ce que nous disait le pape en juillet 2015 dans son discours de Santa-Cruz... •
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[1] Johan Hufnagel (éditorial de Libération).
[2] C'est oublier que le FPÖ est devenu lui-même un "parti de gouvernement" depuis 1999.
[3] Convergence centre-droit/centre-gauche... Elle accrédite en apparence le vieux slogan lepéniste "UMPS". En réalité, elle correspond à la situation créée par l'abdication du politique (de gauche et de droite) au profit du financier : d'où ce libéralisme transversal... et partagé par les trois quarts des lepénistes.
[4] Que les populistes aient "ramassé" ces réalités dans le "caniveau", comme ils disent, ne veut pas dire qu'ils soient capables de gouverner. Ni qu'ils rompraient avec un libéralisme auquel adhèrent nombre d'entre eux...
Nous vivons un curieux moment, en cette dernière année de quinquennat de François Hollande. Inquiétant, à certains égards. Comment expliquer ce recours à la violence de toute une frange de la jeunesse d’extrême gauche ? Il est vrai que certains désignent des excès de répression policière. Mais même si certains faits sont à déplorer, la balance n’est pas égale entre la police et ceux qu’on appelle les casseurs et l’on peut s’inquiéter à juste titre de la charge qui repose sur nos forces de l’ordre, sans cesse sollicitées en cette période d’état d’urgence. Elles n’avaient vraiment pas besoin de cela alors que le pays doit faire face à la menace terroriste. On parle d’extrême fatigue de la part d’unités sans cesse sur la brèche.
C'est le débat politique qui vient. Débat philosophique, idéologique, juridique. Débat existentiel. Débat qui revient. Dès 1980, Marcel Gauchet avait, le premier, annoncé que la conversion des démocraties occidentales à la politique des droits de l'homme les « conduirait à l'impuissance politique ». En 1989, Régis Debray avait brocardé « la doctrine des droits de l'homme, la dernière de nos religions civiles ». Mais la question a pris une tout autre ampleur. Il ne s'agit plus seulement de disserter doctement sur les limites désormais reconnues par tous d'une politique étrangère qui ne se soumettrait plus aux canons de la realpolitik. Il ne s'agit même plus de pointer les risques de désagrégation d'une citoyenneté républicaine minée par un individualisme démocratique revendicatif.
Cinq jeunes hommes se trouvaient toujours, hier soir, en garde à vue dans les locaux du 2e district de police judicaire, soupçonnés de « tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Ces militants de la gauche radicale, connus de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), ont agressé deux fonctionnaires de police, sans raison particulière autre que l’envie d’en découdre. Une jeune femme aurait même pu mourir brûlée par les flammes d’un fumigène si elle n’avait pas pu s’extraire à temps du véhicule.
Il faut n'avoir jamais arpenté le paysage lunaire où reposent les villages martyrs: Beaumont, Fleury, Cumières… pour envisager de commémorer la bataille de Verdun par un concert de rap. Il faut n'avoir jamais lu une page de Barbusse - « chacun sait qu'il va apporter sa tête, sa poitrine, son ventre, son corps entier, tout nu, aux fusils braqués d'avance » - pour dire comme Black M, le chanteur invité, « on va s'amuser ». Il faut ne rien connaître des paroles de poilus - « c'est vraiment une vision de mort, de destruction acharnée, ce ravin. Des morts partout, dans toutes les positions». - pour affirmer comme notre secrétaire d'État aux Anciens Combattants que la vague d'indignation qu'a provoquée l'organisation de ce concert est « un premier pas vers le fascisme ». C'est avoir oublié, enfin, que Verdun, c'est 300.000 morts français et allemands dont 100.000 sans sépulture et que seul « le silence des consécrateurs convenait au repos des hommes qui avaient accepté en silence, qui avaient souffert en silence, qui étaient morts en silence » (Montherlant). Plongés dans la nuit de l'inculture, nous devons donc supporter les provocations, les approximations, les manipulations du gouvernement (contre lequel sur ces sujets l'opposition se montre bien timide et laisse le champ libre au Front national). Comme si le souvenir des soldats morts au combat était un moyen de «faire plaisir aux jeunes» et l'Histoire, un outil sondagier circonstanciel. La France a ainsi voté une résolution de l'Unesco déniant tout lien historique entre les juifs et le mur occidental (le mur des Lamentations), voire le temple de Jérusalem !
Dans la grande entreprise de réécriture de l’histoire de France par les partisans du « grand remplacement », la Première Guerre mondiale, et plus particulièrement la bataille de Verdun, constitue un argument de poids. Son résumé est clair : les Africains ayant permis la victoire française, leurs descendants ont donc des droits sur nous.
Personne n’a oublié l’affaire Merah. D’abord traités avec une désinvolture par les médias et la classe politique, focalisés sur les prochaines élections présidentielles, les assassinats, début mars 2012, dans la banlieue toulousaine et à Montauban, de quatre soldats des régiments parachutistes, commencèrent d’intéresser quand on s’avisa que, toutes d’origine nord-africaine ou antillaise, les victimes auraient pu être la cible d’un tueur raciste et, de préférence, d’extrême-droite, thèse bonne à exploiter tandis que s’accentuait dans les sondages la poussée du Front National. L’atroce massacre perpétré la semaine suivante dans la cour d’une école juive de Toulouse, qui tua un jeune enseignant, ses deux petits garçons et une fillette, les autres enfants devant miraculeusement la vie à une défaillance de l’arsenal du criminel, en commotionnant à juste titre l’opinion, parut pain béni pour discréditer la droite nationale. Jusqu’au moment où la police, officiellement lâchée sur les traces d’un monstre fasciste, remonta la piste d’un terroriste islamiste, ce qui faisait moins bien dans le tableau …