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Philippe Guiguet à Tanger © Copyright : DR
Par Péroncel-Hugoz
Non sans quelque présomption, notre confrère croyait avoir tout lu, tout vu sur Tanger, et puis il est tombé sur un satané petit livre traitant de la métropole du Détroit …
Oui, j’ai connu Tanger au temps douloureux où elle n’était pas aimée de son roi, à l’époque Hassan II (en revanche, la ville fut prisée par Lalla Abla, mère du défunt monarque) ; quand Tahar Ben Jelloun publiait ses premiers vers, préfacés par Abraham Serfaty et me recommandait à son frère, bon habilleur tangérois ; lorsque je louais une maison, sur les remparts d’Asilah, à un oncle de Si Mohamed Ben Aïssa, futur ministre en vue et qui était alors en train de faire de cette ancienne place-forte portugaise l’un des pôles culturels de Chérifie.
Je connus donc les derniers feux de la société cosmopolite tangéroise, de David Herbert à Paul Bowles via Marguerite McBey ; j’étais alors correspondant du «Monde» en Alger et je venais oublier un peu, de temps en temps, en Tingitanie, les rigueurs de la dictature Boumediene ; je pris le pli, en ces années-là, et je l’ai conservé, de lire ou voir à peu près tout ce qui concernait Tanger, des fondateurs phéniciens aux conquérants arabes ; d’Ibn Batouta à Lotfi Akalaÿ; de John Hopkins à Rachid Taferssiti; sans oublier bien sûr ce mini-chef-d’oeuvre littéraire qu’est l’inquiétante nouvelle «Hécate et ses chiens» de Paul Morand lequel, à Tanger, et ça ne s’invente pas, habita la rue Shakespeare ; je crois également en 50 ans, avoir visionné une moitié des 100 films inspirés en 100 ans par l’ancienne Tingis.
Connaissant mon tropisme culturel tangérois, un camarade salétin, lecteur curieux, me rapporta du Nord marocain, ce printemps 2016, un mince volume d’environ 100 pages avec une couverture assez fade et maladroite portant un nom inconnu de moi : Philippe Guiguet-Bologne, nanti, en page de garde, d’une photo sous-exposée illisible … Sans omettre un éditeur local, basé à Tanger, que plusieurs librairies casablancaises ignorèrent jusqu’à prétendre à l’impossibilité de commander ce pauvre petit bouquin … ( là, j’en profite pour donner un bon coup de dent, bien mérité croyez-moi, à ces «libraires», de Casa ou Rabat, qui affichent sans vergogne le plus complet mépris pour les éditeurs francophones du cru, et, quand ils détiennent leurs publications, les placent généralement dans un coin peu visible de leur magasin … Vous avez dit «masochisme» ? «Autodénigrement» ? Mais si vous prononcez les noms de quelques éditeurs parisiens, voire à la rigueur romands ou wallons, alors là, en avant l’empressement de ces messieurs pour passer aussitôt commande …)
Raison de plus, face à cet ostracisme suicidaire pour lire ce brave petit livre. Je le fis, avec l’exemplaire prêté par le Salétin, donc, et je l’avoue, je fus d’emblée irrité par l’utilisation de termes propres au darija, et parfois au darija du Nord — et tout ça sans index ! Merci pour le lecteur non arabophone! Néanmoins, ma curiosité étant forte, je persévérai, et — d’où cette chronique — je fus vite séduit malgré une ponctuation trop souvent àpeupréiste (où sont passés les traits d’union, un des marqueurs de la langue française ? Louis Philippe ce sont deux prénoms masculins ; Louis-Philippe c’est un roi des Français qui missionna Delacroix dans l’Empire chérifien ; belle fille c’est une jolie fille ; belle-fille, c’est une bru, et ainsi de suite … )
Donc, ce M. Guiguet, qui anima le Centre culturel français à Tripoli de Libye, sous la dictature kadhafiste, poste où il a dû en voir un peu de toutes les couleurs, ce M.Guiguet a une plume légère, souple, sans racolage ni clichés trop souvent dégainés dès qu’on parle de Tanger (non, je ne citerai personne …). Et puis, cet auteur en sait un rayon sur la Cité sans doute la plus ancienne du Maroc, et il nous le dit en douceur, sans pose, sans pédanterie, sans nous ennuyer jamais. Il sait toujours ajouter une nouveauté, une trouvaille, un fait oublié ou occulté sur des «classiques» de la Médina, comme l’ex-Légation états-unienne, tel ensemble palatial de la Casbah, telle parfumerie ou pâtisserie, ou bien un cinéma Art déco qui remarche ou une galerie d’art nouvelle. Après tous ces cadeaux au lecteur, soyez indulgent pour cette inexactitude historique mineure page 46 : la mission royale française Mornay-Delacroix, en 1832, ne fut pas envoyée auprès de l’empereur alaouite Moulay-Hassan 1er mais à l’un de ses prédécesseurs, Moulay-Abderrahmane…
Ce léger hiatus historique, ni les autres points faibles cités au début de cette chronique, ne nuisent pas à l’ensemble de l’ouvrage où on se distrait, où on apprend beaucoup, du mausolée du «Fils du Caneton» (Ibn Batouta) à Bab Teatro via la maison des chérifs d’Ouezzane ou celle du couturier Saint Laurent. C’est vrai qu’en filigrane du texte on aperçoit à plusieurs reprises un peu de cette internationale «gentry gay» (si vous me permettez cette expression franglaise) qui a ses habitudes à Tanger depuis au moins 150 ans (comme à Mykonos en Grèce, Hammamet en Tunisie ou Biskra jadis en Algérie) ; la plus belle illustration de cette « gentry » est sans doute le journaliste-espion britannique, Walter Harris, au début du XXe siècle. Mais Guiguet-Bologne déroule cette particularité avec une décence (hiya), une pudeur (aoura), toute marocaine à l’ancienne et qui me paraît être une des vertus cachées de ce «Socco». Les quelques ombres homoïdes dont Guiguet a parsemé son itinéraire tangérois sont d’autant plus acceptables, à mon sens, que cet auteur nous a en revanche épargné les rituels couplets morbides, chaque fois qu’il est question du Tanger années 1945-1965, sur les intellos indigènes ou allogènes (notamment nord-américains), méchamment ravagés par divers alcools tord-boyaux, kif et autre maâjoun*, type la lamentable Jane Bowles, et hantant ruelles et bouges de la vigie du détroit de Gibraltar.
Un volume à lire, donc, en insistant auprès des libraires pour qu’ils se procurent ce Tanger passé au microscope d’une érudition vivante ! •
* Sorte de « confiture » de feuilles de hachich pilées, mélangées à du miel, du sésame et autres ingrédients.
Petite Bibliothèque tangerine : « Socco, une promenade dans la vieille ville de Tanger », par Philippe Guiguet-Bologne, Ed. Slaiki Akhawayne, 1 rue de Youssoufia n°38, Tanger ; « Tanger entre Orient et Occident » par Philip Abensour, Ed. A. Sutton, BP 90 600 / 37542 Saint-Cyr-sur-Loire, France, photos anciennes légendées ; « Tange r» par Daniel Rondeau, Livre de Poche, Paris ; « Carnets de Tanger 1962-1979 », par John Hopkins, La Table ronde, Paris ; « Tanger, cité de rêve », livre-album par Rachid Taferssiti et Rachid Ouettassi, avec la collaboration de P. Champion, M.Choukri, D. Rondeau, M.Métalsi et Péroncel-Hugoz, Co-Ed. Paris-Méditerranée et la Croisée des Chemins, Casablanca ; « Tanger, le roi infidèle » et « Asilah, Tahar Ben Jelloun sous parasol » in « Villes du Sud », Balland, Paris puis Payot, Genève, par Peroncel-Hugoz.
Repris du journal en ligne marocain le 360 du 13.05.2016
par LDC News agency
Comme chaque année, depuis près d’un siècle, l’Action Française rend hommage à celle qui a sauvé la France alors que tout semblait perdu.
On pourra y entendre en 2e partie le discours de François Bel-Ber, place des Pyramides; discours dont nous avons déjà publié le texte et signalé l'intérêt. LFAR •
Par Floris de Bonneville
Cette semaine s’ouvre un nouveau spectacle dans une salle unique au monde que les Villiers ont baptisé le Théâtre des Géants.
Inutile de revenir sur l’étonnant succès du Puy du Fou, de son Grand Parc et de sa cinéscénie, qui n’arrête pas de glaner les plus hautes récompenses mondiales et qui a drainé l’an dernier plus de 2 millions de visiteurs.
Mais cette semaine s’ouvre un nouveau spectacle dans une salle unique au monde que les Villiers ont baptisé le Théâtre des Géants. Géant par les 7.500 m² de la nouvelle salle où les dernières technologies permettent de mettre en scène d’autres géants : ceux qui, pour Dieu et le Roi, ont affronté les troupes révolutionnaires et sanguinaires de la Convention de 1793 à 1796. Une guerre civile qui s’est terminée par un véritable « populicide » qui aura coûté la vie de 270.000 à 700.000 Vendéens, décimant cette province de ses habitants et la transformant en champ de ruines brûlantes.
Pour le 20e spectacle du Puy du Fou, Philippe de Villiers et son fils Nicolas ont choisi de rendre hommage à François Athanase Charette de la Contrie, le plus emblématique des chefs royalistes vendéens. Et cet hommage est grandiose. 40 comédiens évoluent dans des décors réels ou virtuels qui reconstituent la vie mouvementée de ce héros oublié de nos livres d’histoire. Un héros qui traversera l’Atlantique pour libérer l’Amérique de ses envahisseurs anglais, puis viendra se battre contre les colonnes infernales de Turreau.
Pour suivre Charette, le spectateur est embarqué dans un gigantesque travelling, comme au cinéma. Il a fallu des mois de réglages pour imaginer un système de rotation conforme aux exigences du récit. La technologie est omniprésente puisque les décors en vidéo projections, les lumières, le son et tous les effets spéciaux suivent l’action à 360°. On se laisse emporter par l’émotion. 33 minutes intenses pendant lesquels les tribunes se déplacent au gré des tableaux.
Le spectacle débute sur l’Ile de Sainte-Hélène où Napoléon rédige ses mémoires et évoque la figure héroïque de Charette. Une belle mise en bouche avant que nous ne soyons emportés sur l’Océan Atlantique reconstitué sur un plan d’eau très agité de 60 mètres de long, sur lequel vogue une frégate à bord de laquelle Charette accompagne Lafayette. Lui qui détestait la mer, il avait été forcé par son père de suivre l’École de Brest. Victorieux des Anglais, il est décoré par le général Washington avant de revenir en France où les paysans lui commandent de mener la révolte contre les bleus qui ont reçu l’ordre de la sinistre Convention d’anéantir les brigands.
Pendant trois ans, Charette sera pourchassé de village en forêt, de ferme en château avant que son destin ne bascule dans une fantastique et tragique épopée. Son ultime combat pour la liberté s’achèvera à Nantes, le 27 mars 1796. Condamné à mort, il ordonnera lui-même de faire feu avec sa célèbre réplique « lorsque je fermerai les yeux, tirez droit au cœur ». Il refusera d’ailleurs de se faire bander les yeux, et fera sienne, avant de mourir, la réplique « Seigneur, entre tes mains je remets mon esprit ». On reconnaît la discrète patte religieuse que Philippe de Villiers impose à tous ses spectacles.
Vous pourrez assister en direct à cette exécution jusqu’au 25 septembre dans ce Théâtre des Géants, après avoir parcouru la tranchée des Amoureux de Verdun qui vient d’être sacrée par les Thea Awards de Los Angeles, « meilleure attraction du monde » ! Nul ne peut douter que ce Dernier Panache lui succédera, l’an prochain. •
L'oeuvre de Pierre Boutang est un continent dont les falaises abruptes paraissent plonger droit dans les profondeurs de l'océan. Une voie d'accès possible — la plus pénétrante, peut-être — est de le suivre sur les chemins escarpés de sa vie. C'est ce que nous propose Stéphane Giocanti. Dont il est fait ici une remarquable analyse*.
Par Christian Tarente
« Vous parlez comme un livre ! » lançait un jour Boutang, moqueur, à un jeune fanfaron. Mieux qu'à nul autre, c'est pourtant à lui-même que cette boutade pourrait s'appliquer à la lettre : il parlait comme il écrivait, d'un même rythme, sans rupture ni rature. L'habitait une sorte de densité permanente, que seuls désarmaient, à certains moments, l'humour ou l'émotion. Ce poids spécifique, propre à sa nature même, issu de quelque grâce inexpliquée, n'est évidemment pas pour rien dans le sentiment répandu que son oeuvre est d'un accès difficile. Aussi est-ce souvent par certains aspects particuliers de son travail, notamment la critique littéraire (Les Abeilles de Delphes, La Source sacrée, La Fontaine politique), que beaucoup parviennent à l'aborder. Avec le risque d'être tentés d'en rester là, de ne pas oser affronter ses autres grands livres - Ontologie du secret, Apocalypse du désir, Le Purgatoire, ou le Maurras... -, dont la lecture peut prendre l'allure d'une épreuve rebutante, voire dissuasive.
DEUX PERSONNAGES CAPITAUX,
TOUS DEUX PRÉNOMMÉS CHARLES...
On ne se risquera pas ici à prétendre que Boutang est plus facile à lire qu'on ne le croit. Entrer dans sa vision des choses et dans son mode de pensée implique indéniablement un effort, une ascèse si l'on veut. Il faut l'admettre d'emblée : ce n'était pas un adepte de la clarté classique, son oeuvre ne s'ordonne pas comme un jardin à la française. Non qu'il ne soit pas lumineux, mais la lumière procède chez lui d'harmoniques complexes qui ne demandent qu'à révéler leurs surprenantes richesses. Il y a quelque chose d'essentiellement musical dans la manière dont sa pensée s'élabore et se déploie. Parfums, couleurs et sons s'y répondent d'une manière qui n'appartient qu'à lui, et qu'il va chercher dans tout ce qui a fait la matière même de sa vie.
Né sous la calamiteuse IIIe République, marqué au fer par la Seconde Guerre mondiale, son itinéraire s'est vu éperonné par l'enchaînement diabolique des événements. Deux personnages capitaux, tous deux prénommés Charles, vont y jouer, à des titres bien différents, un rôle déterminant À 14 ans, le jeune Pierre découvre le bouleversant Corps glorieux de Maurras (reproduit dans le Dossier H « Pierre Boutang »), que son père lui lit les larmes aux yeux. Sans encore bien le comprendre, il découvrait l'inquiétude métaphysique du chef de l'Action française. Dès lors, le discours sur l'amour de Diotime dans Le Banquet de Platon suffira à faire de lui un platonicien à vie. Et décider de son destin de philosophe. Le débat Maurras-Boutang sur Platon et Aristote, dialogue d'une vie, restera au coeur de l'étonnante et indestructible fidélité, « jusqu'au bout de son souffle », de Boutang à son vieux maître. En dépit - et peut-être à cause - de l'antisémitisme d'État, de Vichy, de l'épuration, de la prison, de la vieillesse...
L'autre Charles, ce général qui s'est forgé une légitimité de la manière poignarde que l'on sait, sera pour Boutang, loin de sa vie intime certes, l'occasion de grandes rencontres d'idées et de vives espérances pour le pays, mais aussi (surtout ?) de cruelles déceptions et d'amères frustrations.
C'est sur ce fond de décor que les grandes étapes de sa vie vont s'installer, induisant plus ou moins directement la parution de ses oeuvres. 1947 : journaliste à Aspects de la France ; 1950 : lettre de Maurras lui interdisant le découragement (« Il faut que l'arche franco-catholique soit mise à l'eau face au triomphe du pire et des pires ») ; 1955 : fondation de La Nation française, qui paraîtra chaque semaine pendant douze ans ; 1967 : réintégration à l'Université : il devient professeur de lycée ; 1973: soutenance de thèse portant sur l'ontologie du secret ; 1976: nommé professeur à la Sorbonne, malgré la cabale menée contre lui par Derrida, il y enseignera jusqu'en 1989, marquant de son empreinte toute une génération de jeunes philosophes (Marion, Bruaire, Colosimo, Mattéi,...).
LA VIE MOUVEMENTÉE DE BOUTANG,
VOIE D'ACCÈS À SON OEUVRE
L'étroite imbrication entre une vie hors du commun et une oeuvre qui ne l'est pas moins forme la substance même de la magistrale biographie que vient de publier Stéphane Giocanti. S'appuyant notamment sur les Cahiers que Boutang a tenus de 1947 à 1997 (des milliers de pages, encore inédites, mais bientôt publiées), il fournit une masse considérable d'informations, des plus simples - notamment les agitations de sa vie personnelle, traitées avec délicatesse - aux plus décisives. Leur grand mérite est de grandement contribuer à éclairer le sens de son oeuvre.
Prenons par exemple Ontologie du secret, son « maître-livre », salué par les plus grands. Simple sujet de thèse ? Non, dit Giocanti, c'est depuis la fin de la guerre qu'il porte en lui un traité de métaphysique tournant autour du « désir de l'origine », et de « l'origine comme fondement du désir » : l'origine absolue, c'est Dieu même, et sa Parole créatrice qui se révèle dans le secret. Au service de sa réflexion, Boutang mobilise des lectures considérables qui touchent à presque toute la culture occidentale : des présocratiques, Platon (le Parménide, qu'il récitait par coeur) et Saint Augustin à Musil et Pound, en passant par tous les grands noms de la philosophie, de Descartes et Kant à Heidegger et Wittgenstein, mais aussi Giambattista Vico (le napolitain de la Scienza nuova, sa grande redécouverte), Dante, Nicolas de Cusa, Shakespeare, Pascal, le cardinal de Retz, Max Scheler, Simone Weil, Freud, Dostoïevski... Pas l'ombre d'une cuistrerie, pourtant : de l'érudition, certes, mais au seul service de ses démonstrations. Sans compter un large appel fait aux rencontres et aux souvenirs personnels.
Comme l'a noté Gabriel Marcel, Ontologie du secret est un périple, une sorte d'Odyssée à la manière, peut-on dire, de James Joyce. D'ailleurs, Boutang s'en souviendra en écrivant Le Purgatoire, ce roman-confession dont Giocanti nous fournit, là encore, et comme il le fait pour l'ensemble de. ses livres, les tenants et aboutissants biographiques.
Avec cet ouvrage, nous disposons désormais de deux outils majeurs d'explicitation de l'oeuvre du Forézien : l'autre est le « Dossier H » publié à L'Âge d'Homme en 2002, sous la direction du même Giocanti et d'Axel Tisserand. Parmi ses contributions, Stéphane Giocanti s'était attaché à explorer le lien entre Boutang et Maurras. Ce lien indéfectible ne cesse de nous interroger. Chez un esprit de cette trempe, la fidélité filiale n'explique pas tout. •

PIERRE BOUTANG, de Stéphane Giocanti, Flammarion, coll. Grandes biographies, 2016, 460 p., 28 euros.
* Politique magazine, mai 2016
Par Eric Zemmour
Un expert en stratégie dénonce avec pertinence les insuffisances dans la réponse des autorités. Mais son réquisitoire tourne vite à la sérénade bien-pensante. Tel est du moins le point de vue qu'expose Eric Zemmour dans cette excellente recension du livre que publie François Heisbourg. LFAR
Il faut se méfier des experts. Pas seulement pour le style, souvent ampoulé et pédant. Mais leur science, incontestable, dans leur domaine d'excellence, les persuade qu'ils ont la même légitimité sur un terrain plus politique. Ils confondent science et idéologie et croient qu'ils assènent des connaissances alors qu'ils ne font que défendre des convictions.
François Heisbourg n'est pas n'importe qui. Il est conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique; préside l'International Institute for Strategic Studies de Londres et le Centre de politique de sécurité de Genève. Il a participé à la rédaction des livres blancs sur la défense pour les trois derniers présidents de la République. Quand il aborde les attentats qui ont ensanglanté Paris en 2015, notre auteur sait de quoi il parle. La raison sans doute pour laquelle il parle aussi de ce qu'il ne veut pas savoir. François Heisbourg n'a pas l'habitude qu'on lui dise non. Il ne s'est visiblement pas remis du refus - par Manuel Valls - de convoquer une commission nationale - à l'exemple des Américains après le 11 septembre 2001 - pour tirer les leçons des attentats. Il a décidé de tenir sa convention nationale à lui tout seul. D'où ce livre.
Son texte est bref, concis, efficace. Découpé sur le modèle des dix commandements, transformés en dix erreurs à éviter. Erreurs dont on a déjà commis la plupart ! Erreurs d'anticipation et de réaction. Il reproche ainsi à Sarkozy la fusion de la DST et des RG, qui a dépouillé notre police de ses informateurs de proximité. Il oublie seulement qu'il est plus facile pour un policier français d'infiltrer un parti politique ou un groupuscule gauchiste qu'une mouvance islamique qui repose sur les liens des fratries et de la religion.
L'assaut à Saint-Denis qui a suivi l'attentat du 13 novembre lui paraît disproportionné. Cela a pourtant tué dans l'œuf un autre massacre prévu.
Et puis notre expert passe de la pratique à la théorie, des actes aux mots. Comment nommer l'ennemi ? Califat ou Daech. Heisbourg félicite Hollande de parler de Daech car « c'est le nom que Daech déteste ». Notre spécialiste ne se demande pas pourquoi on interdirait aux djihadistes - avec un mépris gourmet - l'autoproclamation d'un califat alors que notre propre Histoire regorge d'autoproclamations comme la déclaration d'indépendance américaine ou la République française de 1792. Dans la foulée, Heisbourg comme d'autres glosent sur le concept de « guerre » employé à foison par nos gouvernants. C'est alors que notre expert découvre ce qui est tu ou nié : « Bombarder Raqqa dans le cadre de la guerre contre Daech est une chose, mais quid de Molenbeek ou du « 93 » ? Y faire la guerre au sens militaire du terme - armée contre armée - serait absurde ; mais cela est pourtant implicite dans le discours non métaphorique sur la guerre à Daech puisque les forces que celui-ci lance contre nous sont « de chez nous » et frappent chez nous. La guerre serait donc aussi une guerre civile ? »
Le livre alors change d'âme. Affolé par sa découverte, l'expert se mue en prédicateur. Aucun poncif, aucun lieu commun sur la France des Lumières et des droits de l'homme ne nous seront épargnés. L'esprit du padamalgam règne en maître sur notre maître.
Heisbourg en appelle à l'esprit de la Résistance pour mieux renouer avec les réflexes pacifistes de la politique « d'apaisement » qui menèrent à la collaboration.
La déchéance de nationalité promise aux djihadistes binationaux (à laquelle Hollande a dû renoncer) provoque l'ire de notre auteur. Tous les habituels arguments de la bien-pensance sont ressassés. Il n'est pas venu à l'idée de notre expert que si l'égalité sacro-sainte était bien rompue, c'était au bénéfice des binationaux qui ont deux nationalités. Abondance de biens ne nuit pas. Si une égalité devait être rétablie en ces temps de nécessaire rassemblement national contre l'ennemi, ce serait plutôt par la suppression de la binationalité qui obligerait chacun à choisir : partager le destin français ou pas.
Heisbourg ridiculise l'éventuel rétablissement des frontières parce qu'on peut toujours les passer. Mais alors pourquoi interdire le vol et le meurtre puisqu'on peut toujours transgresser ces lois en volant ou en tuant ?
Il condamne la « dérive » de l'état d'urgence au nom de l'État de droit. Et si c'étaient les dérives laxistes de l'État de droit qui avaient conduit à notre tragique situation ?
Il reprend sans aucune distance l'antienne convenue sur « les discriminations au logement et à l'embauche » qui alimentent le « vivier de Daech ». Il est vrai que les millions de Français « de souche » qui végètent dans le périurbain deviennent tous trafiquants de drogue puis djihadistes, qu'Oussama Ben Laden était miséreux et que les frères Kouachi n'avaient pas bénéficié de tous les généreux bienfaits de la République sociale…
« Ce seront toujours les peaux mates qui appelleront les contrôles d'identité un peu virils, les portes des maisons mal situées qui seront forcées à coups de bélier. » On croit entendre le refrain de la chanson parodique de Coluche : « Misère, misère, pourquoi t'acharnes-tu toujours sur les pauvres gens ? »
Il nous explique avec des accents apocalyptiques que l'échec de Schengen serait un « retour à l'Europe d'avant l'Union européenne et une belle victoire pour les djihadistes qui ne rêvent que de nous voir renier nos valeurs et revenir sur nos réalisations ». On ignorait qu'Oussama Ben Laden avait fait campagne pour le non à Maastricht !
Il refuse de voir que l'Union européenne est un handicap dans la lutte contre nos ennemis puisqu'elle a laminé les souverainetés nationales sans forger une souveraineté européenne.
Mais il est temps de conclure, impérieux et grandiloquent : « L'Histoire jugera durement ceux qui choisiront de persister dans l'incompétence et le contresens. » François Heisbourg a raison : l'Histoire jugera durement ceux qui ont choisi de persister dans l'aveuglément et le déni de réalité… •

Comment perdre la guerre contre le terrorisme. François Heisbourg. Stock. 119p., 15 €.
Quand Macron annonce qu’il veut sortir du vieux clivage gauche-droite, il ne fait que répéter une très vieille antienne que Bayrou a reprise en son temps. Mais alors il faut aller jusqu’au bout… et renier un régime qui ne vit que de la lutte des partis. Chiche !
La France attend l’homme fort. Les sondages, d’ailleurs, confirment, chez les Français, le dégoût du régime et l’attente d’une solution énergique ; pour certains, elle est même militaire, voire monarchique : un chef, un seul, en qui il soit possible d’avoir confiance et qui remette de l’ordre. Cette aspiration est aussi simple qu’essentielle. Il n’est pas besoin d’être grand clerc ni expert en matières politiques pour comprendre cet appel que lance l’âme française aujourd’hui, comme elle le fit déjà dans le passé, de siècle en siècle, chaque fois que le pays traversait une période d’anarchie, subissait l’invasion, allait de désastre en désastre et ne se reconnaissait pas dans de faux chefs qui profitaient de la situation pour s’emparer du pouvoir et pour en abuser. Oui, il est rassurant de penser que 85 % des Français ne font plus confiance aux hommes politiques, aux partis, aux syndicats, aux médias, en un mot au système ; ce mot que tout le monde comprend et emploie tant il est significatif. Nous n’avons plus d’État, nous n’avons qu’un système.
La république oligarchique
Certes, ces Français qui protestent en leur for intérieur, ne sont jamais entendus ; cependant, ce sont eux qui font marcher la France effectivement, qui font tourner ses usines, ses commerces, son agriculture, qui livrent des produits remarquables à l’exportation dont le gouvernement peut encore se flatter – avions, navires, sous-marins de haute performance –, qui lui donnent une armée, une gendarmerie, une police qui, en dépit des méfiances et des inepties du régime, effectuent leur service au mieux de leur possibilité. Un général Soubelet qui se fait démettre de ses fonctions, est un cas typique. Dans aucune instance officielle ces Français, en tant que tels, ne sont représentés ou ne peuvent faire valoir leurs justes demandes. Politiquement ils n’existent pas. Partis et syndicats se sont emparés de tous les leviers de pouvoir, de la représentation et des organes de décision.
On fait croire au peuple que l’élection est un choix ; c’est évidemment archi-faux ; c’est au mieux un exutoire, on dirait maintenant un défouloir. Et, en ce moment, en Europe comme en Amérique, en Autriche dernièrement, irrités par l’incurie de leurs gouvernants, les peuples s’essayent à récuser les élites officielles. Mais ces réactions sont toujours précaires et nul ne sait où elles mènent vraiment. Le jeu électoral, surtout en France, est tel qu’il n’est en fin de compte réservé qu’aux seuls dignitaires du régime ou à ceux qui y font allégeance. Le Conseil constitutionnel, d’ailleurs, contrairement aux principes démocratiques, vient de valider la réforme électorale qui privilégie les candidats du système. Il est impossible d’en sortir. Des coups de boutoir sans doute et tant mieux, mais, comme l’expérience l’a prouvé à toutes les générations, le régime finit toujours par l’emporter. C’est la seule chose qu’il sache fort bien faire : se défendre.
Quel est donc ce régime qui permet à un Hollande de devenir chef de l’État ? Voilà la vraie question qu’il faut se poser. Quelle est cette moulinette qui transforme les opinions profondes des Français en bouillies électorales dont se nourrissent indéfiniment les partis du système ? Et qui donnent au final une représentation faussée ? Il y a au cœur du problème français une question d’institutions. Chacun le sait fort bien mais personne ne veut le voir ni le dire.
Cependant, le rejet en est si total que les médias en dissimulent la violence. On feint de croire à l’importance de révoltes gauchardes, comme Nuit debout, qui s’essayent à récupérer l’insupportable malaise français, alors que la Manif pour tous, les Veilleurs, toutes les vraies révoltes du pays réel ont été constamment occultées et vilipendées. Alain Finkielkraut a appris à ses dépens la sordide réalité de cette chienlit. On met en scène les moindres revendications catégorielles – en ce moment les intermittents du spectacle, les cheminots – sans même attacher le moindre regard aux usagers des transports qui pâtissent tous les jours ni à ceux qui triment à longueur de journées pour tenter de survivre.
La CGT, entre autres, ne représente plus rien, mais c’est elle qui fait la loi. Elle publie une affiche qui insulte les forces de l’ordre ; le gouvernement ne proteste même pas. L’Unef n’est qu’une misérable officine où se concoctent les carrières des futurs élus de la gauche qui y apprennent tout à la fois et « le baratin » à servir pour réussir dans le système et la manière de rafler les mises, y compris financières ; telle était déjà l’Unef dans les années 60 qui a donné les apparatchiks actuels du parti socialiste, telle elle est encore aujourd’hui. Toute cette engeance qui ne vit que de la société et qui s’est installée au chaud dans de belles places garanties et bien payées, s’adonne au jeu de la révolution permanente, mais qui ne va jamais jusqu’à les remettre en cause eux-mêmes… évidemment ! Il n’est pire conservatisme que celui des stipendiés de la révolution totalitaire !
La fin du régime ?
L’État n’est plus qu’une administration sans âme dont la lourdeur pèse d’un poids accablant sur le pays : 57 % de la richesse produite est accaparée par un monstre qui ne remplit plus les hautes fonctions régaliennes, mais qui se mêle de tout avec des ministères et des secrétariats d’État aux appellations grotesques. Plus aucune autorité ne se dégage des institutions. Le chef de l’État n’est plus rien qu’un sujet de dérision et qui s’imagine encore être quelqu’un ; quand il s’exprime en public, comme dans sa dernière « prestation » télévisée, il est toujours pitoyable, incapable de s’élever à la hauteur de son rang ; on dirait d’un maquignon content de lui et qui discute du bout de gras. Avec toutes les dernières aventures législatives où l’incohérence le dispute à la pitrerie, de la déchéance de nationalité à la loi El Khomri, il devient de plus en plus légitime de se demander à quoi servent les parlementaires quand on sait comment sont fabriquées et votées les lois ?
Chacun ne pense plus qu’à son élection ou sa réélection. Stéphane Le Foll lance au service de son chef de parti son dérisoire « Hé oh la gauche ! ». Valls répand la manne de l’État sur la jeunesse pour acquérir ses voix, RSA et bourses à volonté, puis il saupoudrera de subventions et d’augmentations les catégories que la gauche voudrait récupérer. Déjà on annonce, sur un seul chiffre mensuel, la baisse du chômage. On parle de libéraliser le cannabis. Macron fonde En marche pour se mettre à part et se définir comme au-dessus des partis.
Dans cette atmosphère délétère, on oublie l’état d’urgence qui sera pourtant prolongé ; les forces de l’ordre sont harcelées, moquées, épuisées. Les risques n’ont pas diminué : les attentats, les vagues migratoires que nul au niveau de l’État n’envisage vraiment dans leur ampleur, la crise économique et sociale, peut-être bientôt financière et monétaire. Qui sait ce qui restera de l’Europe dans un mois, dans deux mois ? L’Angleterre ? La Grèce ? L’Allemagne elle-même ? Une question se pose, de plus en plus évidente : la France peut-elle survivre avec un tel régime ? •
par David Desgouilles
La stratégie de la peur est contre-productive.
Pour persuader nos voisins britanniques de rester dans l'Union européenne, médias et politiques du monde entier multiplient menaces et prophéties apocalyptiques. Par le passé, cette stratégie n'a pourtant jamais influencé la vox populi, sinon en sens contraire... C'est ce que David Desgouilles a exposé avec talent et pertinence dans Causeur [29.04]. Nous partageons d'autant plus volontiers son analyse - reprise ici - que, selon nous, avec ou sans Brexit, la Grande Bretagne a toujours été, est et sera toujours de toute façon hors de l'Union Européenne. Quel que soit son vote, le 23 juin prochain. Ce qui ne veut pas dire qu'il sera sans importance ni signification. LFAR
Le Brexit fait peur. Ou on nous fait peur avec le Brexit. Il y a quelques jours, le journal de France 2 nous concoctait un petit reportage comme il en a le secret. On nous annonçait l’Apocalypse au cas où les sujets de Sa Gracieuse Majesté décidaient de quitter l’Union européenne en juin prochain. L’OCDE, le FMI et tous les cabinets de consultants économiques qui ne se trompent jamais – d’ailleurs, tous ces gens avaient prévu la crise financière de 2008 - l’indiquaient avec force : le Brexit serait une catastrophe pour les Britanniques. Chute de la croissance, chômage, sécession de l’Ecosse, marginalisation de la City… La rédaction de France 2 est restée modérée ; elle n’a pas mentionné les invasions de criquets, les rivières de sang, les séismes et l’envahissement par les eaux de toute la surface de la Grande-Bretagne. Nous sommes habitués. En 1992 puis en 2005, alors que nous devions nous prononcer sur le Traité de Maastricht et le TCE, nous mangions de ce genre de reportage matin, midi et soir. Cela ne nous a pas empêchés de maintenir le suspense jusqu’au bout en 1992 et de dire Non massivement en 2005. Ce qui est curieux, c’est que France 2 et les autres tentent de nous convaincre, nous pauvres Français, alors que ce sont les Britanniques qui devront se prononcer. L’habitude, sans doute…
Le week-end dernier, Barack Obama himself est venu faire la leçon à Londres. Voilà que le président américain manifeste son mécontentement devant la tentation du Brexit. Que ses cousins britanniques se le disent ! S’ils quittent l’UE, ils seront désavantagés dans les négociations commerciales du Traité transatlantique. Pourquoi ces menaces ? Les Etats-Unis craignent-ils de perdre leur fameux cheval de Troie au sein de l’Union européenne ? Ou redoutent-ils la dislocation d’un ensemble qu’ils ont toujours couvé tant il leur paraissait docile ? Les menaces ne viennent d’ailleurs pas que de Barack Obama. L’immense Emmanuel Macron les a aussi menacés. Si les Britanniques votaient le Brexit, nous Français laisserions passer tous les migrants en Angleterre, a-t-il juré. Pourtant, le Royaume-Uni n’est pas dans l’Europe de Schengen et c’est le traité bilatéral franco-britannique du Touquet qui établit les règles en la matière. Bien entendu, la France pourrait le dénoncer en mesure de rétorsion mais il s’agirait dans ce cas de représailles que notre gouvernement devrait assumer en tant que telles. Pourquoi faire mine de croire que le Brexit annulerait automatiquement les dispositions d’un traité en rien concerné par une sortie d’un des deux pays de l’UE ?
On se demande si ces rodomontades peuvent avoir une influence réelle sur les électeurs. Si elles n’auraient pas au contraire un effet contre-productif. Car enfin, Les Britanniques n’ont qu’à regarder autour d’eux : la Norvège a beau ne pas appartenir à l’UE, cela en fait-il un pays à mi-chemin entre le Venezuela de Maduro et l’Albanie d’Enver Hoxha ? La Suisse est-elle à ce point isolée que son système bancaire est le moins attractif du monde et la place financière de Zurich, complètement marginale ? La récente renonciation de l’Islande à l’adhésion à l’UE lui a-t-elle causé des dommages économiques ? Les partisans du Brexit ont beau jeu de leur rappeler ces faits incontournables. On explique souvent que les adversaires de l’UE jouent sur les fantasmes. En l’occurrence, à chaque référendum, d’Athènes à Amsterdam et de Paris à Londres, ce sont ses partisans zélés qui usent à l’envi de l’argument de la peur.
Soyons généreux ! Donnons un conseil amical aux défenseurs la sainte construction européenne. Si jamais le Brexit advenait et qu’aucune des prévisions alarmistes ne se réalisait, à l’avenir, changez de tactique en cas de référendum français sur le sujet ! •
David Desgouilles
est blogueur et auteur du roman "Le bruit de la douche"
« Je veux une monarchie pour maintenir l'égalité entre les différents départements, pour que la souveraineté nationale ne se divise pas en souveraineté partielle, pour que le plus bel empire d'Europe ne consomme pas ses ressources et n’épuise pas ses forces dans des discussions intéressées, nées de prétentions mesquines et locales ; je veux aussi, et principalement une monarchie, pour que le département de Paris ne devienne pas, à l'égard des 82 autres départements ce qu'était l'ancienne Rome à l'égard de l'empire romain… Je voudrais encore une monarchie pour maintenir l'égalité entre les personnes, je voudrais une monarchie pour me garantir contre les grands citoyens ; je la voudrais pour n'avoir pas à me décider un jour, et très prochainement peut-être, entre César et Pompée; je la voudrais pour qu'il y ait quelque chose au-dessus des grandes fortunes, quelque chose au-dessus des grands talents, quelque chose même au-dessus des grands services rendus, enfin quelque chose encore au-dessus de la réunion de tous ces avantages, et ce quelque chose je veux que ce soit une institution constitutionnelle, une véritable magistrature, l’ouvrage de la loi créé et circonscrit par elle et non le produit ou de vertus dangereuses ou de crimes heureux, et non l'effet de l'enthousiasme ou de la crainte… Je ne veux pas d'une monarchie sans monarque, ni d'une régence sans régent, je veux la monarchie héréditaire…» Et il poursuit : «Je veux une monarchie pour éviter l'oligarchie que je prouverais, au besoin, être le plus détestable des gouvernements ; par conséquent, je ne veux pas d’une monarchie sans monarque et je rejette cette idée, prétendue ingénieuse, dont l'unique et perfide mérite est de déguiser, sous une dénomination populaire, la tyrannique oligarchie ; et ce que je dis de la monarchie sans monarque, je l'étends à la régence sans régent, au conseil de sanctions, etc... Dans l'impossibilité de prévoir jusqu'où pourrait aller l'ambition si elle se trouvait soutenue de la faveur populaire, je demande qu'avant tout on établisse une digue que nul effort ne puisse rompre. La nature a permis les tempêtes, mais elle a marqué le rivage, et les flots impétueux viennent s’y briser sans pouvoir le franchir. Je demande que la constitution marque aussi le rivage aux vagues ambitieuses qu’élèvent les orages politiques. Je veux donc une monarchie ; je la veux héréditaire ; je la veux garantie par l'inviolabilité absolue ; car je veux qu'aucune circonstance, aucune supposition, ne puisse faire concevoir à un citoyen la possibilité d'usurper la royauté. » •
Choderlos de Laclos
Journal des Amis de la Constitution, organe officiel des Jacobins, 12 juillet 1791, n° 33
Nous ne voulons pas manquer de signaler que la déclaration de Choderlos de Laclos que l'on peut lire plus haut a été mise en lumière par Patrick Barrau* lors de son intervention au Café actualités d'Aix-en-Provence du 2 décembre 2014, « A propos des Valeurs républicaines », publiée ensuite dans la Nouvelle Revue Universelle.
Antoine de Crémiers en a d'ailleurs opportunément donné lecture lors de son intervention au colloque d'Action française, « Je suis royaliste, pourquoi pas vous », de samedi dernier, 7 mai, à Paris.
Patrick Barrau, dans sa conférence « A propos des Valeurs républicaines », avait apporté les précisions préalables suivantes qui éclairent la profession de foi de Choderlos de Laclos - texte, effectivement, important, dont le contexte et les circonstances sont ainsi utilement indiquées :
« Il est bon de rappeler un fait essentiel : après Varennes et le retour du roi fugitif, les Jacobins, et notamment les plus importants d'entre eux, défendent énergiquement le principe de la monarchie. Quand il parle en faveur d'un gouvernement républicain, Billaud-Varenne est hué. Choderlos de Laclos prend alors la parole et dénonce les dangers d'un régime d’anarchie. Parlant des « républicains », il aura, le 1er juillet 1791, ce mot d'une étonnante lucidité : « Je leur demanderai si nous n’aurons pas des empereurs nommés par des soldats. »
Mais sa véritable profession de foi – qui rejoint alors les convictions de Robespierre, Danton, Marat, etc. – date du 11 juillet 1791. Le Journal des Amis de la Constitution, organe officiel des Jacobins, la publiera dès le lendemain, dans son n° 33. •
* Historien du Droit, ancien directeur de l’institut régional du travail.
Le Prince Jean, dauphin de France, qui n’a pas pu se rendre au colloque que l’Action française a organisé le 7 mai dernier sur le thème : " Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? " et a par ailleurs exprimé son regret de ne pouvoir y être présent, a toutefois tenu à adresser aux participants un message dont la lecture a ouvert les tables rondes. Les organisateurs l’en ont remercié avec une profonde gratitude.

Domaine Royal de Dreux, le 7 mai 2016
Chers Amis,
« Le bien est ce vers quoi toute chose tend », disait Aristote.
Cette maxime a été oubliée depuis bien longtemps. Dans notre monde politique, peu d'hommes et de femmes se soucient de la recherche du bien commun. L'homme s'est éloigné de Dieu et de la nature. Notre monde s'est déshumanisé, plus rien ne le distingue. Nos politiques gouvernent en dépit du bon sens et ce qui reste encore debout, comme la famille ou l'école, est mis à terre.
Pour notre génération les défis à relever, pour laisser quelque chose à nos enfants, sont importants mais pas impossibles. Mon récent voyage en Syrie m'a montré que même un pays détruit peut se reconstruire. La joyeuse détermination que j'y ai rencontrée m'a confirmé dans mon espérance.
Je ne sais ce que l'avenir nous réserve. Même s'il faut s'attendre au pire, nous pouvons construire le meilleur. Cela ne dépend que de nous. Je souhaite que ce soit le sens que vous donnez à votre réunion d'aujourd'hui.
L'avenir dure longtemps, comme le disait mon Grand-Père, c'est un des principes de la monarchie. Cet avenir, c'est à nous de le préparer autour de la Maison de France, « hic et nunc «, ici et maintenant.
Votre affectionné.
La république est présomptueuse. Elle pense déradicaliser les terroristes potentiels. Cela a été annoncé à grand renfort de trompes médiatiques.
Radical, déradicalisation : c’est, au sens étymologique, arracher les racines. La question se pose donc de savoir si les intéressés ont des racines, ce dont on peut douter. Nés en France pour la plupart, ils s’inventent en réalité des racines qu’ils supposent être celles de leur origine ethnoculturelle. En revanche leur structure psychologique est simpliste : une dose de fascination pour la violence, beaucoup de frustration, une eschatologie vague sur le retour du califat et l’illusion qu’ils se déterminent seuls alors qu’ils sont le jouet des puissances du théâtre de la guerre en Syrie : Turquie, Qatar et Arabie saoudite. Mais ils sont aussi le jouet des puissances occidentales qui sont allées chercher au Proche-Orient des succès militaires aventureux pour détourner l’attention sur leurs problèmes internes. Il suffit de considérer la gourmandise avec laquelle notre président de la République s’est emparé des attentats de 2015. Enfin, le terroriste potentiel se sent « autre », étranger au pays où il est né : le rejet de l’altérité non islamique va chez lui jusqu’à la névrose.
Echec prévisible
Le résultat est prévisible : la « déradicalisation » sera un échec. On peut cesser d’être djihadiste, on peut difficilement modifier sa façon de l’être. La taqyia aidant, les « travailleurs sociaux » créés à cette fin seront dupes de la dissimulation. D’ailleurs, nos radicaux « indigènes » ne le sont-ils pas toujours ? Voyez Jean-Marc Rouillan. L’assassin d’Action directe a déclaré que les petits gars du Bataclan avaient bien travaillé mais qu’ils auraient pu faire mieux… Nous ne savons pas si ce sinistre personnage, qui était en liberté surveillée, est retourné en prison. Dans son cas, on aurait tendance à soupçonner les juges de quelque indulgence. Car la vraie question est là. La déradicalisation étant vouée à l’échec, il faut incarcérer ou expulser. Seulement, les juges si prompts à traquer des arrière-pensées racistes chez le péquin lambda, ne peuvent agir contre les terroristes islamistes qu’en cas de passage à l’acte. Et pourtant, imaginons, ce qu’à Dieu ne plaise, qu’un militant d’extrême droite soit soupçonné de radicalisation… Pas besoin d’être Jérémie comme disait ce cher Brassens pour deviner le sort qui lui serait réservé !
Impuissance du catéchisme républicain
Nous baignons ainsi dans la plus totale hypocrisie. La marâtre républicaine a ses chouchous. Elle va servir à ces graines de radicaux un prêchi prêcha sur les fameuses mais introuvables valeurs de la république ! Catéchisme bien pauvre qui, précisément, sera de nature à renforcer leur radicalité puisque c’est justement ce moralisme à deux sous qui les révulse.
En plus, le terrorisme étant totalement décentralisé, ses acteurs agissent de façon indépendante, aléatoire voire improvisée. Ils ne sont pas des soldats ou des militants d’un parti, construits sur la rationalité de la guerre idéologique ou militaire. Inutile de vouloir les « retourner » ou les « convertir ». Les chances de conversion sont d’autant plus minces que la République n’a, en ce domaine, absolument pas les moyens de ses ambitions. Son corpus idéologique, proposé comme prix de la conversion, est trop faible, trop léger.
Il reste une solution, mais celle-là n’appartient pas à la République. C’est la conversion de Dismas, le bon larron, au Golgotha : « Ce soir tu seras avec moi en paradis ! ». Ce paradis n’est certes pas celui du Coran. Quant au paradis terrestre socialiste et républicain, nous avons déjà donné pour les lendemains qui chantent… •
Commencée par une petite course en montagne, la matinée s’est achevée par un déjeuner où le Colonel Fatinet entouré de plusieurs officiers et sous officiers a présenté au Prince le 4ème Chasseurs dans sa configuration de base de défense. Au début de l’après midi le Prince a pu faire le tour du régiment, notamment des outils de simulation pour la préparation des opérations et le tir. Ensuite était signée dans le bureau du Colonel la convention de parrainage, suivie de la prise d’armes au cours de laquelle le Colonel Fatinet a rappelé l’importance de la tradition du régiment tout en montrant que celle-ci devait s’inscrire dans la dynamique d’aujourd’hui. Le choix de la date de parrainage correspondait en effet avec la constitution du Groupement tactique interarmes « Edelweiss » devant être déployé dans la bande sahélo-saharienne pour une mission opérationnelle de 4 mois. La journée s’est achevée par une réception chez le Chef de corps au cours de laquelle le Prince Jean a souligné l’honneur et la fierté d’être ainsi associé à ce prestigieux régiment, continuant ainsi une belle tradition familiale. •