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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1325

  • Prochains temps incertains en Algérie ... Le chef du FLN prépare les Algériens à la présidence de Saïd Bouteflika

     

    Par Abdelkader El-Aine

    Vu du Maroc ... De précieuses et intéressantes informations qui concernent aussi la France.

     

    Tour de chauffe pour les élections présidentielles algériennes prévues en 2019. La récente sortie du secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, défendant le droit de Saïd Bouteflika à se porter candidat, sonne comme un avis de tempête chez le voisin de l’Est.

    Djamel Ould Abbes, le SG du FLN, n'y va pas par quatre chemins. Pour lui, le prochain président de la République algérienne doit être Saïd Bouteflika ou bien son frère aîné, Abdelaziz, qui en est déjà à quatre mandats, en dépit d’une incapacité flagrante à gouverner, suite à un accident cardiovasculaire qui a considérablement diminué ses facultés.

    Dans une interview accordée, le 22 juillet, à la chaîne El Bilad, Ould Abbes n'a pas tari d'éloges à l'égard de Saïd Bouteflika qui, selon lui, a «le droit comme tout citoyen algérien de se présenter aux élections présidentielles de 2019 ».

    « Saïd Bouteflika est un homme humble. Son frère Abdelaziz lui a inculqué des valeurs qui ont fait de lui un homme droit. Il n’est pas une personne extravagante. Il a travaillé depuis 19 ans au côté de son frère comme conseiller. Il a toujours été dans l’ombre. Il ne s’occupe pas de politique. D’ailleurs, on ne le voit que lors des enterrements », a déclaré le chef du FLN dont les propos font les choux gras des médias algériens.

    Homme humble, timide, intellectuel, jouissant d'une grande popularité et de l'amour du peuple... Les termes valorisants ne manquaient pas pour qualifier le cadet des Bouteflika. Et Ould Abbes d'ajouter: «Saïd Bouteflika est un enseignant universitaire en informatique, un ancien syndicaliste rude, il a apporté beaucoup dans le domaine de l’informatique au niveau de la présidence». Les éloges du SG du FLN, le parti historique algérien inscrit deux fois dans la Constitution du pays, ont deux buts: préparer l’opinion publique algérienne à la candidature de Saïd Bouteflika aux présidentielles de 2019 et dissuader tout autre éventuel prétendant à la course aux élections.

    Mais cette candidature reste conditionnée à l’incapacité d'Abdelaziz Bouteflika -dont les apparitions se font de plus en plus rares et les annulations des rencontres avec les chefs d’Etat plus nombreuses- à briguer un cinquième mandat. «Si le président Bouteflika se porte candidat pour un cinquième mandant, nous allons naturellement le soutenir», a affirmé Ould Abbes. Autrement dit, pour le chef du FLN qui parle au nom de ses “militants“, la présidence du pays restera entre les mains des Bouteflika. Si Abdelaziz recouvre par miracle un minimum de motricité et d’aptitude à gouverner, ce sera lui. Sinon, c’est à son frère qu’iront les suffrages du parti politique le plus influent en Algérie.

    Nul n'ignore que Saïd Bouteflika est l’homme fort en Algérie. Le très influent conseiller d’Abdelaziz fait et défait les hommes politiques et les hommes d’affaires. Sa soif de pouvoir n’est un secret pour personne. Jusque-là, il a bataillé coûte que coûte pour que son frère impotent reste au pouvoir, éliminant ceux qui s’étaient opposés à un quatrième mandat d’Abdelaziz comme le général Toufik qu’on pensait pourtant indéboulonnable. Le fait que Saïd Bouteflika lance une première salve relative à sa candidature et sorte des bois est moins un signe sur ses ambitions présidentielles qu’un indice sur l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika. Etat qui ne lui permet probablement plus de se porter candidat à un cinquième mandat.

    Il reste maintenant à savoir quelle sera la réaction de l’armée algérienne et du très ambitieux général Gaïd Salah qui guette l’occasion pour s’emparer du pouvoir présidentiel. Laissera-t-il Saïd Bouteflika se positionner comme le successeur de son frère? Rien n’est moins sûr et les prochains mois s'annoncent comme des temps incertains en Algérie. •

    Abdelkader El-Aine

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 27.07.2017

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Humour • Michel Audiard, Cultissime !

     

    michel-audiard.jpgAudiar  ... À relire sans modération ! Malgré l'avalanche de paroles grossières, supportables en raison des vérités qu'elles expriment et du rire que, malgré tout, elles suscitent ...    

     

    - « On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis. »

     

    - « Si on mettait un point rouge sur la tête de tous les cons, le monde ressemblerait à un champ de coquelicots ! »

     

    > - « Moi, les dingues, j'les soigne, j'm'en vais lui faire une ordonnance, et une sévère, j'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins d'Paris qu'on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts,   façon puzzle... Moi, quand on m'en fait trop, j'correctionne plus, j'dynamite, j'disperse, j'ventile. »

     

    - « Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. » (Les tontons flingueurs)

     

    - « Les ordres sont les suivants : on courtise, on séduit, on enlève et en cas d'urgence on épouse. » (Les barbouzes)

     

    - « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent. » (100 000 dollars au soleil)

     

    - « La tête dure et la fesse molle, le contraire de ce que j'aime. » (Comment réussir quand on est con et pleurnichard)

     

    - « Un pigeon, c'est plus con qu'un dauphin, d'accord, mais ça vole. » (Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages)

     

    - « Mais pourquoi j'm'énerverais ? Monsieur joue les lointains ! D'ailleurs je peux très bien lui claquer la gueule sans m'énerver ! » (Le cave se rebiffe)

     

    - « Quand on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner. » (Le Pacha)

     

    - « La justice c'est comme la Sainte Vierge. Si on la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. » (Pile ou face)

     

    - « Si la connerie n'est pas remboursée par les assurances sociales, vous finirez sur la paille. » (Un singe en hiver)

     

    - « Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche. » (Un taxi pour Tobrouk)

     

    - « Vous savez quelle différence il y'a entre un con et un voleur ? Un voleur de temps en temps ça se repose. » (Le guignolo)

     

    - « Dans la vie, il faut toujours être gentil avec les femmes même avec la sienne. » (Série Noire)

     

     - « Je suis pas contre les excuses, je suis même prêt à en recevoir. » (Les grandes familles)

     

    - « Il vaut mieux s'en aller la tête basse que les pieds devant. » (Archimède le clochard)

     

    - « Quand on a pas de bonne pour garder ses chiards, eh bien on n’en fait pas. » (Mélodie en sous-sol)

     

    - « Plus t'as de pognon, moins t'as de principes. L'oseille c'est la gangrène de l'âme. » (Des pissenlits par la racine)

     

    - « Deux milliards d'impôts ? J'appelle plus ça du budget, j'appelle ça de l'attaque à main armée. » (La chasse à l'homme)

     

    - « Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot. C'est dire si, dans ma vie, j'en ai entendu, des conneries. » (Un idiot à Paris)

     

    - « Le flinguer, comme ça, de sang froid, sans être tout à fait de l'assassinat, y'aurait quand même comme un cousinage. » (Ne nous fâchons pas)

     

    - « A travers les innombrables vicissitudes de la France, le pourcentage d'emmerdeurs est le seul qui n'ait jamais baissé. » (Une veuve en or)

     

     Signé : Michel Audiard 

  • Langue française • Demain, « celles et ceux » gravé dans la Constitution ?

     

    Par Jérôme Serri 

    Il faut féliciter Jérôme Serri de cette exacte et remarquable tribune en défense de l'esprit de la langue française et qui tourne aussi en dérision les extravagances idéologiques de la caste dominante [Figarovox, 3.08]. Tentons, au moins, dans Lafautearousseau de ne pas succomber aux extravagances linguistiques, si nous sommes à peu près immunisés contre celles qui sont d'ordre idéologique. La langue d'abord !  LFAR   

     

    1280x720-phV.jpgLors de son audition, jeudi 20 juillet 2017, devant la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a apporté son soutien à la proposition de loi constitutionnelle qui vise à inscrire le principe d'égalité devant la loi sans distinction de sexe.

    Cette proposition de loi constitutionnelle avait été déposée le 8 mars 2017, Journée internationale des droits de la femme, par des sénateurs et des sénatrices (Centristes, Les Républicains, Radicaux, Socialistes, Communistes) de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce texte pourrait être adopté à l'occasion d'une révision constitutionnelle plus large.

    Dans l'unique article de cette proposition de loi, les signataires souhaitent modifier l'article 1er de la Constitution dont le premier alinéa est rédigé ainsi : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ». La deuxième phrase de cet alinéa deviendrait : « Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d'origine, de race ou de religion.»

    Les auteurs de cette proposition de loi expliquent que, s'agissant de l'égalité entre femmes et hommes, renvoyer au Préambule de la Constitution de 1946 (qui fait partie du bloc de constitutionnalité) ne suffit plus. Si ce Préambule qui dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme » était, au lendemain de la guerre, une avancée très importante, il leur apparaît aujourd'hui, de par sa formulation, comme « un rattrapage de droits » qui, de ce fait, maintient présente dans notre Constitution le caractère second des droits accordés aux femmes. Cette formulation serait la trace du fait historique que l'égalité hommes/femmes hier n'allait pas de soi. D'où la nécessité de l'effacer en modifiant la Constitution. Se refuser à le faire serait accepter peu ou prou de rester prisonnier ou complice d'une idéologie sexiste qui, selon la terminologie de Simone de Beauvoir, fait de la femme le « deuxième sexe », le sexe inférieur. Ayant estimé que la formulation était « perfectible », nos auteurs entendent donc la parfaire.

    Est-il sûr que la nouvelle rédaction soit plus pertinente que celle des constituants de 1958 ?

    Vouloir écrire que la France est une République qui « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe...», c'est s'offusquer - à tort, on va le voir - de ce masculin pluriel et vouloir le dénoncer. Ne serait-il pas l'irréfutable preuve, pour les membres de la délégation aux droits des femmes signataires de la proposition de loi, que notre langue est misogyne, phallocrate et qu'elle alimente le machisme de notre société? D'ailleurs, Emmanuel Macron n'a cessé durant toute la campagne présidentielle de nous montrer le droit chemin en se montrant l'irréprochable ami des femmes. Il a veillé avec une extrême « bienveillance » à ne jamais oublier d'associer sans distinction « toutes celles et tous ceux » dont il briguait « en même temps » les suffrages.

    Or, que disons-nous quand nous disons « tous les citoyens » ? Que désigne ce masculin ? Si, parce qu'il est masculin, il désigne les seuls citoyens de sexe masculin, ajouter, comme le proposent les membres de cette délégation, « sans distinction de sexe » n'a aucun sens, chacun en conviendra (chacune et chacun en conviendront ?).

    Depuis que Pierre Mauroy a mis en place le 29 février 1984 une commission de terminologie « chargée d'étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d'une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes », nombre de nos politiques ne sont ni à une démagogie ni à un contresens près et pataugent dans des aberrations linguistiques. Que n'ont-ils fait l'effort de lire la déclaration de l'Académie Française du 14 juin 1984 que rédigèrent Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss : « On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette commission ne procède d'un contresens sur la notion de genre grammatical, et qu'elle ne débouche sur des propositions contraires à l'esprit de la langue. Il convient en effet de rappeler qu'en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d'équivalence n'existe entre le genre grammatical et le genre naturel. Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l'ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué ».

    Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il confondu durant toute la campagne présidentielle le genre grammatical et le genre naturel ? Pourquoi ne l'a-t-on pas corrigé de ce tic démagogique en lui mettant sous les yeux la déclaration de Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss : « Le genre dit couramment «masculin », écrivent nos deux éminents académiciens, est le genre non marqué, qu'on peut appeler aussi extensif en ce sens qu'il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l'un et l'autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l'examen », etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l'opposition des sexes n'est pas pertinente et qu'on peut donc les confondre ».

    Que feront nos parlementaires pour éviter l'aberration d'une proposition de loi qui vise à remédier au machisme imaginaire du groupe nominal « tous les citoyens » en ajoutant « sans distinction de sexe » ? Décideront-ils (et/ou elles) d'être, comme le fidèle Christophe Castaner, la voix de son maître et de revoir leur copie en proposant d'écrire : « Elle (la France) assure l'égalité devant la loi de toutes les citoyennes et tous les citoyens…» ? Chacun conviendra (chacune et chacun conviendront ?) qu'il n'est alors plus besoin d'ajouter « sans distinction de sexe ».

    Au fait, de quel droit l'effigie de notre République, une et indivisible, est-elle une femme ?  •

    Jérôme Serri

    Jérôme Serri est collaborateur parlementaire, journaliste au magazine Lire. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke) et Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées).

  • Sport • Neymar, Paris 2024 : les drôles de priorités d’homo festivus

     

     

    Sur l'affaire Neymar, notamment, Aurélien Marq a donné dans Causeur [3.08] un point de vue qui nous semble avoir sa pleine justification. Le cas échéant, les sportifs donneront leur avis.  

    La Défense vient de perdre 850 millions d’euros. La mission sécurité, c’est à dire la police et la gendarmerie, en perd 200. Soit plus d’un milliard d’euros de moins pour la sécurité de la France et de ses habitants.

    Pendant ce temps, Paris se réjouit à l’idée d’accueillir des Jeux Olympiques qui n’ont plus grand’chose à voir avec l’esprit de l’Antiquité, mais dont les récentes versions se sont avérées des gaspillages presque caricaturaux. Et les clubs de foot s’apprêtent à s’échanger des joueurs aux salaires démesurés pour des sommes colossales.

    Bien sûr, l’argent du football n’est pas de l’argent public. Même si au fond, les grands clubs ne doivent leur richesse qu’à l’engouement général pour ce sport, nourri par un réseau de clubs amateurs bénéficiant de subventions et de terrains de foot installés jusque dans les plus petites communes aux frais du contribuable.

    Neymar = 1200 militaires

    Mais prenons le cas médiatisé dernièrement de Neymar . 30 millions d’euros de salaire net estimé par an, 222 millions de coût de transfert pour rejoindre le PSG. D’un strict point de vue économique, rien à redire. La loi de l’offre et de la demande. Et il n’est pas choquant qu’un homme talentueux dans son domaine monnaye son travail à la hauteur de ce que son employeur espère en retirer. Tant mieux pour lui, et que les jaloux essayent de faire aussi bien au lieu de critiquer.

    Pourtant, que pouvons-nous penser d’une société dont les membres se plaignent de manquer de soldats, de gendarmes, de policiers, et qui néanmoins verse pour un seul joueur de foot l’argent qui lui permettrait d’avoir environ 1200 militaires supplémentaires ? Car cet argent vient bien de quelque part ! Des abonnements, des droits de diffusion, de la publicité parce qu’elle est rentable et donc de nos achats, etc.

    L’air du temps est celui que nous expirons

    Oh, ce n’est pas la décision d’un chef d’Etat, ni d’un gouvernement. Personne, à vrai dire, n’a un jour eu à arbitrer entre ces deux options : la France a-t-elle plus besoin, aujourd’hui, d’un excellent joueur dans un club appartenant à un pays dont les liens avec le terrorisme sont pour le moins ambigus, ou de 1200 militaires, gendarmes et policiers chargés de combattre ce terrorisme ?

    Il n’en demeure pas moins que ce choix a été fait, collectivement. Il est la conséquence naturelle d’un climat, d’une ambiance, d’un « air du temps ». Et il dit quelque chose de ce que nous sommes.  •

    Aurélien Marq

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Famille de France & Histoire • Le testament politique de Philippe VII de France, comte de Paris (1838-1894)

     

    A lire ce très beau texte, l'on retrouve l'esprit, les termes, les sentiments des Princes, aujourd'hui. Le Prince Jean de France en est l'évident continuateur. LFAR

     

    « Il m’a toujours paru fort imprudent, même pour les Princes et les hommes d’État qui ont joué un grand rôle parmi leurs contemporains, d’écrire un testament politique. Pour qu’un tel document puisse être utile à leurs successeurs, il faudrait qu’ils eussent reçu le don de lire dans l’avenir, don qu’il faut remercier Dieu de nous avoir refusé.

    Aussi, au moment où je me prépare tout particulièrement à paraître devant ce souverain Juge, n’ai-je pas l’intention de tracer une ligne de conduite à mon fils. Il connaît mes pensées, mes sentiments, mes espérances ; il aura toujours pour guide la conscience de ses devoirs et l’amour passionné de la France qui est la tradition invariable de notre Maison.

    C’est à mes amis que je tiens à dire un dernier adieu, au moment de terminer une vie que je n’ai pu consacrer aussi utilement que je l’aurais voulu au service de notre pays. Et je ne m’adresse pas seulement à ceux avec qui j’ai été en relations directes. J’appelle amis et amies toutes les personnes, quelle que soit leur condition sociale, qui, de mon vivant, ont fait des vœux pour le succès de la cause monarchique et qui prieront Dieu pour moi au jour de ma mort. Ce m’est une consolation de songer qu’elles se souviendront de moi, lorsque mes jours plus heureux luiront sur la France, lorsque, comme je le souhaite avec ardeur, les passions politiques et religieuses qui divisent en ce moment profondément les enfants d’un même pays seront apaisées.

    Cet apaisement ne pourra être que l’œuvre de la monarchie nationale et traditionnelle. Seule, elle pourra réunir dans un effort commun tous les dévouements, tous les élans généreux, qui, à l’honneur de notre pays, ne sont le monopole d’aucun parti.

    Lorsque je ne serai plus, j’espère que la France rendra justice aux efforts que j’ai faits, au lendemain de ses désastres, pour l’aider à chercher à se relever en revenant au principe monarchique. En 1873, j’ai été à Frohsdorf pour écarter tous les obstacles personnels et pour donner l’exemple du respect absolu du principe héréditaire dans la Maison de France. Dix ans après, le parti monarchique montrait sa visibilité et son esprit politique en ne laissant pas ébranler par la transmission du dépôt traditionnel qui passait du représentant de la branche aînée au représentant de la branche cadette.

    J’ai cherché à répondre à la confiance que ce grand parti avait montrée à son nouveau chef en travaillant à fusionner les éléments divers dont il se composait. Le résultat des élections de 1885 montra que ce travail n’avait pas été inutile. Nos adversaires politiques y répondirent par l’exil. Je n’avais rien fait pour le provoquer, si ce n’est d’exciter leurs alarmes. Je ne fis rien pour l’éviter, et je le subis comme l’une des plus dures conséquences de la situation que me faisait ma naissance.

    J’ai poursuivi sans relâche dans l’exil l’œuvre commencée sur le sol français, au milieu des circonstances les plus difficiles. J’ai pu me tromper parfois sur les hommes et sur les choses, mais je l’ai toujours fait de bonne foi, et j’ai le droit de dire que tous mes actes n’ont jamais été inspirés que par mon dévouement à la France et à la cause que je représente.

    Mon but a toujours été de conserver le dépôt du principe traditionnel dont ma naissance m’avait constitué le gardien, et de prouver à la France que ce principe n’avait rien d’incompatible avec les idées modernes, avec notre état social actuel.

    En transmettant cet héritage à mon fils aîné, je demande à tous mes amis de se serrer autour de lui. J’ai confiance dans l’avenir ; j’espère qu’ils se partageront cette confiance. Elle sera leur soutien au milieu de toutes les épreuves et le gage de leur succès final.

    Je ne puis pas croire, en effet, que Dieu ait pour toujours abandonné la France, le pays auquel il a donné saint Louis et Jeanne d’Arc. Or, pour qu’elle se relève, il faut qu’elle redevienne une nation chrétienne. Une nation qui a perdu le sentiment religieux, où les passions ne sont plus contenues par aucun frein moral, où ceux qui souffrent ne trouvent pas un motif de résignation dans l’espoir de la vie future, est destinée à se diviser, à se déchirer, à devenir la proie de ses ennemis intérieurs ou extérieurs.

    Le premier devoir de mes amis est donc d’arracher la France à la voie funeste qui la conduirait à une telle catastrophe. J’espère que, dans cette œuvre de salut, ils verront se réunir à eux tous les honnêtes gens que l’expérience ne peut manquer d’éclairer un jour. C’est le dernier vœu de l’exilé pour une patrie à laquelle il recommande à ses enfants de rester toujours dévoués et fidèles. »  • 

    Philippe VII, comte de Paris, Chef de la Maison de France (de 1883 à 1894)

    Stowe-House, 21 Juillet 1894.

    Le prince Phillippe d’Orléans, comte de Paris

    Source : La Monarchie Française. Lettres et documents politiques (1844-1907).

    Comte de Chambord – Comte de Paris – Duc d’Orléans. P. 198 à 201.

    La Couronne

  • Théâtre & Cinéma • Pauvre de nous : Claude Rich n’est plus

     

    Par Nicolas Gauthier

    Voici un bien bel article [Boulevard Voltaire, 22.07] d'évocation de Claude Rich, disparu il y a déjà deux semaines. Le rédacteur de ces lignes-ci se souvient d'avoir vu Claude Rich jouer Faisons un rêve au théâtre, à Marseille ou à Paris, et que c'était un enchantement, bien-sûr  à cause de l'art de Guitry mais aussi à cause de l'art, personnel, sans imitation aucune, de Claude Rich. Il ne faut jamais juger les artistes à raison de leurs idées politiques, religieuses ou autres, mais seulement de l'intensité de leur art. Celui de Claude Rich, cependant, se ressentait de son attachement à la France de la Tradition, notamment catholique. Et cela n'est pas indifférent.  Lafautearousseau.  

     

    745791051.pngMaintenant que Claude Rich nous a quittés, Venantino Venantini demeure le dernier des Tontons flingueurs à ne pas avoir été flingué par la Camarde.

    Claude Rich, dans le film de Georges Lautner, c’est l’insupportable Antoine, soupirant de la jolie Patricia, filleule de l’irascible Fernand, incarné par Lino Ventura ; un Antoine compositeur de l’espèce bruitiste, connu pour signer concertos pour robinets qui fuient et sonates pour pneus crevés.

    Claude Rich va enfin atteindre « l’anti-accord absolu », quand Fernand assure à Patricia que « ton Antoine commence à me les briser menu ».

    Claude Rich, dans l’Oscar d’Édouard Molinaro, c’est Christian, le comptable indélicat et plus insupportable encore, qui arnaque son futur beau-père, le tout aussi irascible Louis de Funès. « Vous connaissez ma fille depuis combien de temps ? » « Un an et demi. Mais je suis aussi son amant… » « Depuis combien de temps ? » « Un an et demi… » « Eh bien, vous, le moins qu’on puisse dire est que vous ne perdez pas de temps ! »

    Claude Rich, c’est un phrasé inimitable, une longue silhouette, souple et dégingandée, des yeux qui riaient tout seuls, une classe naturelle et incomparable.

    Claude Rich, ce sont des dizaines de films et plus, encore, de pièces de théâtre. C’est aussi le roué Talleyrand qui affronte le terrible Fouché, Claude Brasseur, dans Le Souper, sublime pièce de Jean-Claude Brisville, transposée sur grand écran par Édouard Molinaro. 

    Claude Rich, c’est également ce vieillard aussi pingre qu’atrabilaire dans Le crime est notre affaire, fort joli film de Pascal Thomas, très librement inspiré d’un roman d’Agatha Christie. Même en ignoble bonhomme, il parvient à inspirer de la tendresse, à faire transpirer l’humanité de son personnage, au coin d’un sourire, au travers d’un regard. 

    Claude Rich, c’est l’homme qui sait tout jouer, l’acteur qui peut tout jouer ; à l’exception, peut-être, de ce rêve à jamais inassouvi ? Incarner le père Charles de Foucauld, l’ermite du Hoggar, dont il conserva longtemps la photo dans son portefeuille, fasciné qu’il était par son « besoin d’absolu ».

    Claude Rich, en effet, est un catholique de conviction, espèce assez rare en un show-biz désormais envahi de Michaël Youn et de Jamel Debbouze. Se définissant comme un « chrétien pitoyable », il affirmait au passage : « Je ne suis pas un très bon chrétien. Je n’étudie pas beaucoup ma religion, mais je crois en l’amour de Dieu. De la même façon que l’on ne sait pas toujours pourquoi on aime une personne, j’aime Dieu. Je le fréquente tous les dimanches. Lorsqu’il m’arrive de confier à quelqu’un mon intention d’aller à la messe le dimanche et que mon interlocuteur me fait part de son étonnement, je lui dis que c’est moi qui suis étonné qu’il n’aille pas à l’église ! »

    Claude Rich est malgré tout assez bon chrétien pour signer des deux mains le manifeste de « total soutien » au pape Benoît XVI, quand ce dernier remit à l’honneur la messe tridentine.

    Claude Rich fut donc un drôle de paroissien. Qu’il nous soit ainsi permis de le saluer, humblement et chaleureusement, en ces colonnes, pour tout le bonheur qu’il nous a donné, et surtout les moments d’émotion et les fous rires avec lui partagés.

    À Dieu, Claude Rich. À Dieu en deux mots, tel qu’il se doit ; pour vous dire ce qui n’est qu’un au revoir.   

    Journaliste, écrivain
     
    A lire aussi un autre très bel article sur la disparition de Claude Rich  ...
     
    Claude Rich, le prince s’en est allé par Thomas Morales  - 
  • Culture • Enquête sur l’édition française (2) : « Il fallait passer au livre, s’incarner »

     
     
    L’Action Française 2000 se penche sur l’état de l’édition en France. Lit-on encore ? Publie-t-on trop ? L’édition électronique a-t-elle un avenir ? Panorama d’une culture en profonde transformation, avec des témoignages d’éditeurs, dans toute leur diversité.

    Entretien avec Maximilien Friche, directeur des éditions Nouvelle Marge.

    Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre jeune maison d’édition ?

    Nouvelle Marge vient de Mauvaise Nouvelle, une revue en ligne que je dirige depuis 2013. Cette revue publie chaque semaine aussi bien des tribunes de combat du politiquement correct que des recensions littéraires en laissant une place importante aux arts et à la poésie. À force de publier en ligne, je me suis dit que j’étais, de fait, un éditeur. Il fallait passer au livre, s’incarner. Le premier roman publié fut le cinquième roman de Sarah Vajda, Jaroslav et Djamila, et je fus ravi d’entrer en littérature avec un roman d’amour d’un auteur dont je suis fan. Cette année, Nouvelle Marge se lance dans les essais, avant d’ouvrir la voie vers d’autres écrits : recueils de nouvelles, poèmes épiques… Rien ne nous est interdit puisque nous avons pris la marge dès notre naissance ; nous allons donc bien nous amuser.

    Quelle est la philosophie générale de Nouvelle Marge ?

    Comme tout s’échine à nier la personne humaine dans ce monde, Nouvelle Marge a un combat : l’existence. En littérature, nous voulons d’abord rétablir la vocation héroïque du lecteur et, en ce sens, nous nous opposons à toute la culture de l’autofiction où les auteurs nous racontent la vie de leurs entrailles en se croyant profonds et en nous incitant à prendre des vessies pour des lanternes. Nouvelle Marge veut également allier l’amour de la langue avec sa passion de la modernité. C’est sans doute dans ce mariage qu’émerge le style dans le principe d’individuation de la langue. L’écrivain est cette gargouille qui se laisse traverser par le Verbe. Il rend ce qu’il reçoit, il traduit sa chair en paroles. Si les initiales s’inversent entre Nouvelle Marge et Mauvaise Nouvelle, c’est pour symboliser l’ambition d’être le lieu où l’être fait sa propre révolution, sa conversion. Nouvelle Marge souhaite apporter l’écrit qui modifie l’être, qui le rétablit dans sa dimension tragique. En guise de philosophie générale, finalement, je me demande si ce ne serait pas une volonté non pas d’échapper au monde en allant à sa marge, mais plutôt de le reconstruire à sa marge, de construire une arche peut-être.

    Vous avez ouvert récemment une « zone d’essais » (collection « Mauvaise Nouvelle »). C’est une petite révolution puisque Nouvelle Marge était à l’origine vouée aux genres narratifs. Comment abordez-vous cette nouvelle étape ?

    Je ne voulais publier effectivement que des œuvres narratives et puis, une controverse littéraire avec un ami ayant écrit un essai sur Dantec m’a amené à descendre de mon snobisme germanopratin. En fait, des écrits peuvent modifier un être au-delà de la forme narrative, notamment par la langue, comme en poésie notamment, par la transmission avec les essais qui nous placent dans une aventure de la pensée. Un autre élément a concouru à la création de cette zone d’essais : la richesse des textes publiés dans Mauvaise Nouvelle et la volonté de donner aux plus beaux d’entre eux un corps. Il me fallait donc une collection dédiée aux essais et pour continuer de laisser les univers d’Internet et du livre s’entremêler, cette zone est la collection “Mauvaise Nouvelle”. Cette dernière se veut fidèle à l’esprit de la revue, au sens où l’outrance ne nous fait pas peur pour parvenir à désarçonner le politiquement correct, et que, dans le même temps, nous refuserons toujours d’être réduits à la pensée militante. Je ne crée pas une marge pour finir dans une niche. J’aborde donc cette collection d’essais avec beaucoup d’enthousiasme car je sais qu’il s’agit d’un lieu où l’intelligence va jouir de sa liberté.

    blanchonnet-petit-dictionnaire-maurrassien - Copie.jpgVous éditez le Petit dictionnaire maurrassien de Stéphane Blanchonnet (sortie ironique le 14 juillet 2017). Que représente pour vous l’école d’Action française ?

    Voilà encore de quoi s’enthousiasmer ! Et les rodomontades ou autres procès staliniens que je subis depuis que j’ai annoncé la parution de cet essai sur Maurras ne font que conforter ma décision de lancer une série politique. À l’heure où les Français choisissent les députés sur CV et que la France est dirigée par un algorithme, il me semble essentiel d’apporter quelques précis politiques aux lecteurs et électeurs. Et comme je préfère être en marge qu’en marche, Maurras inaugure cette série. D’autres suivront : Marx, De Gaulle, Jaurès… Pour l’heure, nous publions le Petit dictionnaire maurassien de Stéphane Blanchonnet, et commencer une série politique par un ouvrage consacré à l’auteur de la formule « Politique d’abord ! » me semble tout à fait à propos. J’ai toujours été fasciné par la longévité et le dynamisme de l’AF, sa faculté à renouveler ses forces militantes. Le point essentiel pour moi reste de croiser très souvent des intellectuels, des journalistes, des écrivains, des professeurs… qui se réclament de ce mouvement qui les a formés intellectuellement et leur a permis d’irriguer le monde des idées de l’AF. J’oserais dire que l’on ne peut pas s’intéresser à la politique sans s’arrêter un temps sur l’AF, son histoire et son actualité.   •

    L'Action Française  - 25 juillet 2017.

  • Loi de moralinisation

     

    par Elisabeth Lévy
     
    Une excellente tribune publiée dans Causeur le 
     

    3963099543.jpgSi quelqu’un veut instaurer une dictature en France, qu’il s’y prenne entre le 20 juillet et le 15 août, il a toutes les chances d’y parvenir. Personne ne troublera ses vacances pour si peu. À l’exception d’un édito par-ci et d’une tribune par-là, nul ne s’est ému de la disposition scélérate adoptée par l’Assemblée dans la nuit de vendredi à samedi, avec le reste de la stupide loi « confiance ». 

    Que dire, en effet, d’un texte par lequel les députés acceptent de se placer sous une tutelle infantilisante parce que le moloch de l’opinion exige de voir leurs notes de frais et que puisque je suis obligé de le faire pourquoi pas eux gnagnagna, et qui leur interdit de surcroît de travailler avec les personnes en lesquelles ils ont le plus confiance, parce que le Canard et Mediapart sont aux aguets ? Cette loi manifeste en vérité un consternant asservissement à l’air du temps et aux vaches sacrées d’une époque qui ne tolère plus que l’on ait quelque chose à cacher. On dira que, si les députés veulent se mettre à poil, c’est leur problème. Pardon, mais vu qu’ils me représentent, moi le peuple souverain, c’est un peu le mien.

    Feu sur la liberté d’expression !

    Toutefois, le plus scandaleux n’est pas cette nouvelle et grotesque avancée de la transparence, mais le forfait contre la liberté d’expression, donc, contre la démocratie, contenu dans l’article 1, de la loi, modifié au cours des débats par les amendements 572 et 621, dont Alain Jakubowicz, le patron de la Licra, tient absolument à faire savoir urbi et orbi qu’ils ont été inspirés par son association. Il s’agit en réalité d’un sucre lâché aux ultras, tous ceux qui entendent laver plus blanc que blanc (surtout le linge des autres), pour leur faire avaler l’abandon de l’exigence de casier judiciaire vierge pour tous les candidats, idée qui, en plus de son robespierrisme outrancier, montre la confiance que nous avons dans la capacité de rédemption de notre Justice, mais qui, semble-t-il n’était pas constitutionnelle, quel dommage.

    La lettre écarlate vous suivra pendant dix ans

    On pourra donc élire un repris de justice, sauf s’il a commis un de ces délits d’opinion que nos associations, bras armés et même dopés de la police de la pensée, se font un honneur de traquer et qu’elles appellent « dérapages ». Si le texte n’est pas modifié au cours des débats, toute condamnation pour diffamation ou injure à caractère racial, antisémite, homophobe ou témoignant d’une forme quelconque de discrimination, sera en effet assortie, sauf avis contraire du juge, d’une peine d’inéligibilité de dix ans. En gros, si vous avez fait des conneries, vous pouvez représenter le peuple souverain, mais si vous en avez dites ou écrites, pas de pardon, la lettre écarlate vous collera à la peau pendant dix ans, et, pour le tribunal médiatique, à perpétuité. On devrait s’interroger sur notre sensibilité croissante à ces délits qui se commettent la plume ou le micro à la main. Est-ce parce que nous ne sommes plus capables d’argumenter contre les idées qui nous déplaisent que nous cherchons à les faire disparaître par des pincements de nez ou, de plus en plus souvent, par des opérations d’intimidation judiciaire ?

    Aux électeurs de choisir

    Sur le plan des principes, cet article 1 est problématique à plusieurs titres. Tout d’abord, cela ne semble pas vraiment casher du point de vue de la séparation des pouvoirs. Les juges ne devraient intervenir dans le processus électoral en prononçant des peines d’inéligibilité que lorsque c’est indiscutablement légitime, par exemple pour empêcher un trafiquant de drogue de se présenter à une élection. Mais la règle devrait être que ce sont les électeurs qui choisissent. Une fois informés des turpitudes commises par un candidat, celui-ci ayant purgé sa peine ou acquitté sa dette, c’est à eux de décider. On peut trouver déplorable que Patrick Balkany soit réélu. On ne peut pas faire une loi pour obliger les gens à être intransigeants sur l’honnêteté passée de leurs élus.

    L’Encyclopédie n’aurait jamais existé

    Mais si l’affaire est grave, c’est parce qu’elle concerne la « libre communication des pensées et des opinions », que nous appelons communément liberté d’expression, et qui est, selon les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’Homme, « un des droits les plus précieux de l’Homme ». Certes, cette liberté ne saurait être sans limites. Du reste, toute société se définit par ce qu’il n’est pas permis de dire. Seulement, sous l’influence conjointe du juge et du législateur, cette limite, en France, ne cesse d’être déplacée et le champ de la liberté restreint. Jamais les Encyclopédistes n’auraient existé dans ce climat de pudibonderie idéologique où on brandit son juge dès qu’on se sent offensé ou choqué. Cette République des chochottes et des susceptibles n’est pas seulement irrespirable politiquement, elle est intellectuellement désespérante car elle interdit tout véritable débat. (Pour avoir une idée de ce qu’on appelle « débat » aujourd’hui, il faut écouter la quotidienne de France Inter appelée « Le débat de midi », où il n’y a jamais, justement, l’ombre d’un débat car l’animatrice déroule le tapis rouge à tous les poncifs du moment sans jamais exprimer une once de distance ou de contradiction, on dirait un sketch sur le lavage de cerveau)

    Embastiller les racistes ?

    J’entends les protestations. Faut-il laisser des racistes en liberté ? Mais oui, et d’ailleurs c’est ce qu’on fait car à l’exception de quelques négationnistes multi-récidivistes, on n’embastille pas encore, en France pour les « crimes-pensée ». Et par ailleurs, interdire à Dieudonné ou à Le Pen de se présenter, c’est refuser le bénéfice de nos libertés à ceux qui ne pensent pas comme nous. Et c’est politiquement beaucoup plus dommageable politiquement que de les laisser prendre une raclée électorale. Ah oui, mais Hitler, dira-t-on encore. Pardon, mais au moment où Hitler arrive en tête aux élections, il est déjà trop tard. Et puis nous n’en avons pas en rayon.

    La Licra et le CCIF arbitres des élégances

    Ce qui rend l’article 1 beaucoup plus inquiétant encore, c’est le contexte dans lequel il est voté, alors que le mot racisme a aujourd’hui le dos si large qu’il permet de confondre toute personne qui aurait le culot de voir les différences culturelles autrement que pour les célébrer, et qu’il sert même à envelopper des propos du général de Gaulle repris par Nadine Morano. Ainsi a-t-on réussi, durant des années, à désigner comme tels tous ceux qui s’inquiétaient des flux migratoires (et il est vrai qu’il y avait des racistes parmi eux). Alors que cette inquiétude est partagée par 75 % des Français, il est plus difficile de la criminaliser. Aujourd’hui, des associations comme le Comité contre l’Islamophobie en France (CCIF) et ses supplétifs de la Licra, se font une spécialité de poursuivre tous ceux qui osent voir et décrire les méfaits de l’islam radical qui progresse sur notre territoire.

    La gachette judiciaire facile

    C’est ainsi que, en quelques mois, Pascal Bruckner, Georges Bensoussan, Eric Zemmour, Robert Ménard, pour ne citer que les plus connus, ont dû répondre de leurs propos devant les tribunaux. Rappelons que, dans le cas de Georges Bensoussan, poursuivi pour avoir évoqué l’antisémitisme répandu chez une partie des musulmans, c’est le Parquet, c’est-à-dire nous, qui a fait appel de la relaxe prononcée par le juge. Cela n’augure pas très bien de la façon dont la Justice aura à cœur de protéger nos libertés.

    Le plus dingue est que tout cela soit passé comme un lettre à la poste. Dans les médias, les rares journalistes qui n’ont pas encore laissé leur place à des stagiaires en redemandent, bien sûr. C’est vrai, quand interdira-t-on d’élection tout homme ayant fait une blague grivoise ?

    Les Insoumis soumis au politiquement correct

    À l’Assemblée, les braillards habituels n’ont pas moufté. On ne s’étonnera pas de ce que les insoumis, qui sont aux avant-postes du politiquement correct, n’aient rien trouvé à redire. Les députés FN, pourtant visés par la loi, étaient de sortie. Seule Emmanuelle Ménard, (apparentée FN) est courageusement monté au créneau lors de la séance de mercredi, parlant d’une « épée de Damoclès au-dessus de la liberté d’expression » : « Vous ouvrez la porte à l’arbitraire, au chantage de ces associations qui multiplient les procès, les transformant en un véritable fonds de commerce. Adieu Voltaire, bonjour Torquemada ! Je le dis à mes collègues de la République en marche : attention à ne pas entacher vos débuts par un texte attentatoire à cette liberté d’expression qui est l’un des socles de notre démocratie. Attention à ne pas être toujours plus donneurs de leçons, plus moralisateurs, plus démagogues aussi. » Inutile de préciser qu’elle n’a guère été applaudie. Reste donc à espérer que les sénateurs (ou le Conseil constitutionnel) feront prévaloir le bon sens. Il ne s’agit pas d’un détail. Si cet article 1 est voté, nous nous habituerons à un nouvel appauvrissement du débat démocratique, déjà mis à mal par l’envahissement du conformisme.

    Jouer à la Résistance

    On voit d’autant moins pourquoi les censeurs se gêneraient que l’opinion est comme anesthésiée. Il paraît que les Français sont accros à leur smartphone en vacances. Eh bien, ce n’est pas pour suivre les débats parlementaires. Nous adorons jouer à la Révolution, et plus encore à la Résistance. Mais nous ressemblons de plus en plus à ces veaux dont se moquait Mongénéral. Ou plus encore à ces hommes en bermudas dont Muray a montré qu’ils étaient l’avenir de l’espèce. Votez pour nous et laissez nous bronzer. Après tout, la police de la pensée ne fait pas de bruit de bottes.  • 

  • A quoi tient la renaissance de la puissance chinoise ?

     

    En deux mots.jpgA quoi tient l'actuelle extraordinaire bonne fortune chinoise ? Quelles en sont les causes ?

    On ne peut ici qu'effleurer cette question complexe, pourtant importante car la montée en puissance de la Chine constituera peut-être le plus grave problème que les Occidentaux auront à affronter, prochainement désormais.

    La Chine s'est sortie non seulement de son terrible sous-développement séculaire mais aussi de cet abaissement qu'elle avait vécu à l'époque du système impérial finissant, des humiliantes concessions, des Seigneurs de la guerre, des désordres du Kuomintang... Elle s'est encore sortie des soubresauts horriblement destructeurs du système maoïste après qu'il eut triomphé, dont la meurtrière révolution culturelle ne fut pas le moindre. Le film, Le dernier empereur, de Bernardo Bertolucci, retrace assez bien cette longue période troublée. 

    Pour la Chine ruinée, humiliée, en partie éclatée, misérable, la bonne fortune n'allait pas de soi.

    Comment l'a-t-elle conquise ? Quelles sont les causes de son prodigieux succès ?

    Bien-sûr, il y a la taille de son territoire et la masse de sa population, dix fois supérieure à celle de la Russie et 5 fois à celle des Etats-Unis. Mais ces paramètres ne sont pas en soi gages de prospérité ni de succès. Ce peut même être l'inverse.

    La réussite de la Chine nous paraît relever d'autres causes. En voici à notre avis les trois axes principaux :

    1. La dictature de fer du Parti Communiste Chinois, en fait une oligarchie hiérarchique sans faiblesse qui tient uni et en ordre d’une main qui ne tremble pas l’immense et composite Empire du Milieu. L’argument peut choquer. Mais que deviendrait la Chine si le PCC venait à s’effondrer ? S’il lui prenait la fantaisie d’un Printemps chinois ? Peut-être serait-ce, selon la vieille expression, pain béni pour nous. Mais pour elle ?

    2. Le nationalisme du peuple chinois et de ses dirigeants, qui, pas plus qu’il ne le fut dans les pays d’Europe de l’Est, ne fut jamais effacé, même au temps de Mao et de Chou en Lai, par l’internationalisme prolétarien. Combiné à l’incommensurable pragmatisme des Chinois, ce nationalisme est général, violent, avide de succès, de gains, et de puissance. Qui plus est, les connaisseurs nous disent qu’il se ressource désormais dans les plus pures traditions populaires aussi bien que philosophiques de la plus ancienne Chine. Bref, un composé que l’on peut se risquer à dire ravageur.

    3. La faiblesse insigne des Occidentaux qui fut, pourrait-on dire, à l’opposé de la force que nous venons de décrire ; qui acceptèrent, de grand cœur, de se défausser sur la Chine, de leurs fonctions de production ; qui ont voulu, à la fois par lassitude, appétit de marges, idéologie universaliste, orgueil, lui concéder d’être l’atelier du monde. Ce qui a, hormis l’Allemagne et, à un moindre degré l’Italie, abouti à la destruction, que l'on constate aujourd’hui, de pans entiers de nos industries et a condamné les éléments productifs de nos populations, au chômage.

    Rien n’est irréversible et la Chine n’est pas plus vouée au succès que nous à l’échec ou au déclin. Soyons au moins conscients de ce qui, par impéritie, nous est arrivé. Quant à la Chine, elle peut être aussi pour nous, dans une certaine mesure, à certains égards, un exemple utile.  

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    La Chine construit un port de guerre à Djibouti

  • la tyrannie de l'abstraction

    Saint-Just, le fanatisme de la Raison

     

    Par Jean de Maistre 

    Excellent commentaire, du jeudi 3 août, sur notre publication « Claude Lévi-Strauss à  propos des idées de la Révolution ». Ce qu'écrit fort justement Jean de Maistre sur les dangers de l'abstraction nous rappelle la prophétie de Frédéric II, faite à Voltaire, prophétie que Gustave Thibon aimait à citer : « Nous avons connu le fanatisme de la foi. Peut-être connaîtrons-nous, mon cher Voltaire, le fanatisme de la raison, et ce sera bien pire. »   LFAR 

    715304725.jpgLucidité de Lévi-Strauss, comme sur de nombreux autres problèmes, surpopulation, uniformisation culturelle planétaire etc.

    Les anthropologues et de nombreux penseurs, à la différence de la philosophie du XVIII° siècle, savent que les sociétés humaines ne sont pas des machines que l'on peut démonter et remonter à sa guise. Mais dès le moment de la révolution française, Edmund Burke avait dénoncé la tyrannie de l'abstraction régnant dans le mouvement révolutionnaire.

    En relisant l'histoire des Girondins de Lamartine on voit comment le fanatisme de l'abstraction dans les discours des membres de la Constituante, de la Législative ou de la Convention ne pouvait mener qu'au règne de la Terreur, qui n'est pas un accident regrettable du processus révolutionnaire mais l'essence de celui-ci.

    Le trop méconnu historien Augustin Cochin dans ses travaux sur la révolution française a montré le rôle des « sociétés de pensée » du XVIII°, où l'on se gorgeait de concepts et de grands principes, dans l'avènement de la tyrannie révolutionnaire.

    Il faut réhabiliter en politique la vertu aristotélicienne de prudence. 

    Lire ...

    Claude Lévi-Strauss à propos des « idées de la Révolution »

  • Caroline Galacteros : « Du bon usage des armes de la France »

     

    Caroline Galacteros a publié ces intéressantes réflexions sur le site de l'ASAF, l'Association de Soutien à l'Armée Française [25.07]. Nous ne pouvons que l'approuver, ayant, nous-mêmes, dans le même esprit, consacré de nombreux articles au sujet crucial dont il est ici question. LFAR  

     

    caroline_galacteros_3a92567ba9213106e7832bf876cd46d7.jpgÊtre un chef. Tout un programme. Mais surtout une exigence première, profonde : protéger les siens, ceux qui dépendent de vous, de vos choix, ceux qui remettent leur vie entre vos mains parce qu'ils ont confiance, vous respectent et savent que vous ne les livrerez pas légèrement à l'adversité et, pour commencer, à l'adversaire.

    Pour un sous-officier ou un officier, il s'agit de protéger ses hommes, de les engager à bon escient et dûment équipés.

    Pour un chef militaire et évidemment pour le premier d'entre eux, il s'agit de protéger nos armées de la pensée comptable et des raisonnements à courte vue de Bercy qui, depuis 30 ans, les met à nu impunément, tout en leur demandant toujours plus. Pour notre chef de l'État, chef des armées ès qualités, c'est encore protéger celles-ci pour leur permettre de remplir leur mission… de protection du peuple français et de la France dans toute l'ampleur et la diversité de ses intérêts matériels et immatériels. 

    La loyauté du chef d'état-major des Armées envers le président de la République est totale et naturelle. Elle n'est pas à géométrie variable ni de nature politicienne, attachée à un homme ou un camp, mais bien plutôt à une fonction incarnée par un individu donné, choisi par les urnes à un moment donné.

    Dans le cas de Pierre de Villiers, c'est la loyauté d'un soldat de grand prestige envers le dépositaire de la souveraineté populaire, quel qu'il soit. C'est cette loyauté qui lui a fait devoir d'informer les représentants du peuple, en l'espèce les membres de la commission des Forces armées de l'Assemblée nationale, de l'état réel de nos armées, et du caractère insoutenable d'une nouvelle salve de coupes budgétaires décidées par des technocrates inconscients du coup ainsi porté à la chair de la patrie pourtant si manifestement en danger. 

    Dangereux coup de rabot 

    Un énième coup de rabot arrivant après des annonces de gel et de surgel de lignes budgétaires, qui pourrait bien sonner le glas, après bientôt trente ans d'efforts financiers endurés sans mot dire, de notre efficacité opérationnelle ; donc in fine de la crédibilité militaire de la France et de celle du président qui l'incarne, notamment à travers la disposition et l'emploi éventuel de « l'outil militaire ».

    Depuis la professionnalisation, nos armées ont subi de plein fouet l'utopie délétère des « dividendes de la paix ». Elles se sont réformées, ont réduit puis réduit encore leurs formats opérationnels. Elles ont vu fondre leurs effectifs, vieillir leurs équipements, s'amoindrir constamment la protection de leurs soldats engagés au loin, tandis que le spectre des menaces et des théâtres de leur projection ne cessait, lui, de s’accroître, désavouant tragiquement des « Livres blancs » iréniques et inconséquents. Tandis aussi que le politique, de plus en plus impuissant ou défaillant au plan intérieur, voyant en cette institution loyale, structurée, dévouée, résiliente et courageuse, un vecteur spectaculaire inespéré et commode de démonstration d'autorité, en usait et abusait. 

    La défausse du politique sur le militaire est allée trop loin, jusqu'à remplacer la définition et la mise en œuvre d'une politique étrangère cohérente et ambitieuse, toujours introuvable. Les résultats de ce double grand écart sont là. Nos armées sont aujourd'hui massivement engagées dans le monde aux avant-postes de la menace islamiste, mais aussi sur le territoire national, où l'on ne peut plus esquiver sans irresponsabilité l'anticipation de leur engagement potentiel en appui de forces de sécurité insuffisantes ou débordées par une éventuelle contestation communautaire intérieure sur fond de déstabilisation islamiste. 

    Préserver l'essentiel 

    On a donc sur-sollicité et sous-financé nos armées et elles se sont vaillamment mais trop longtemps sans doute exécutées, cherchant à « préserver l'essentiel », à trouver la martingale de « la juste suffisance », escomptant qu'on ne les affaiblirait pas jusqu'à devoir avouer qu'elles ne pouvaient plus remplir leur mission de protection de la France et des Français. Ce que précisément a dû reconnaître le général de Villiers, la mort dans l'âme. Un crève-cœur. 

    L'arithmétique budgétaire, c'est sympa, c'est magique…, mais compter des soldats et des équipements comme des choux peut aboutir à bientôt devoir compter des «morts pour la France» bien légèrement consentis. Et qui rendra alors des comptes ?

    Les politiques ? Que nenni !

    Ce seront naturellement les chefs militaires car eux seuls connaissent le prix de la vie et ont conservé l'habitude d'assumer leurs actes et responsabilités. Et sans même parler des hommes, sait-on seulement dans les couloirs de notre ministère des Finances au cœur froid qu'il faut au bas mot dix ans pour retrouver une capacité opérationnelle sacrifiée d'un trait de plume par nos comptables nationaux ? 

    Caprice présidentiel ? 

    Mais au-delà du caprice présidentiel ou de l'autoritarisme confondu avec une démonstration d'autorité, la décision budgétaire du président traduit quelque chose d'infiniment plus grave : l'incompréhension manifeste d'une urgence qui devrait pourtant, toutes affaires cessantes, l'occuper et le préoccuper. La défense est, comme chacun sait, le premier devoir d'un État. Il faut enfin se résoudre à établir des priorités, à structurer une vision stratégique digne de ce nom, et à définir – d'autorité pour le coup – un périmètre du régalien incompressible, sanctuarisé, auquel doivent être affectées les ressources nécessaires à la manifestation d'une crédibilité de la France dans ses projections de puissance et d'influence.

    Sinon, parler de leadership européen, de rang retrouvé, de grandeur et de valeurs n'a aucun sens, au moment même où nos partenaires allemands font une remontée budgétaire sensible en matière de défense, et alors que la menace islamiste et ses manifestations sanglantes, au-delà de reculs territoriaux actuels de l'organisation État islamique, sont en pleine explosion idéologique et numérique. 

    Jupiter donc ? Pourquoi pas, après tout ? On a suffisamment souffert de la normalité pathétique. Mais Jupiter armé d'un foudre en bon état et qui fasse vraiment peur !

    Le successeur de Pierre de Villiers est aussi un soldat de grande valeur, qui mêle bravoure, haut niveau de réflexion doctrinale, humanité et intelligence de situation. Gageons qu'il ne sera pas plus docile que son courageux prédécesseur qui se retire dans l'honneur, mais qu'il saura saisir l'opportunité de cette grave crise de confiance et de commandement pour convaincre notre jeune président qu'il est de son devoir, mais aussi de son intérêt, de protéger nos armées qui ne demandent qu'à être justement considérées et traitées pour servir et obéir avec cœur et panache.  •

    Caroline Galacteros 

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Un mauvais coup porté à la France

  • Macron, Villiers et le piège des 3%

     

    Par Jean-Michel Quatrepoint

    Patriotisme économique et patriotisme tout court commandent à ceux qui s'en réclament, dont nous, dont les royalistes, de suivre avec attention, comme nous l'avons fait souvent ici, les publications de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économique lucide, informé et ... patriote. Il revient, dans cette tribune [Figarovox, 21.07] sur la crise entre Emmanuel Macron et les armées mais, surtout, sur l'avenir de nos armées et de notre industrie, notamment de Défense, mises à mal par une impossible équation budgétaire . LFAR

     

    4163199303.jpgLe général Pierre de Villiers est tombé au champ d'honneur… des 3 %. Ce trop fameux critère de Maastricht, inventé il y a plus de trente ans par la technocratie française, est la cause du « clash » avec Emmanuel Macron. Ce dernier est prisonnier de ses engagements vis-à-vis de l'Allemagne et de Bruxelles, dont il a fait la pierre angulaire de sa stratégie. Pour relancer le couple franco-allemand, redonner à la France une place éminente, il estime qu'il n'y a pas d'autre solution que d'obéir aux dogmes : à commencer par les 3 % de déficit budgétaire et la réforme du marché du travail. C'est le prix à payer, estime t-il pour se faire à nouveau respecter par les Allemands. « En même temps », le président doit respecter les promesses faites en matière de fiscalité du capital (réforme de l'ISF, flat tax de 30% sur les revenus de capitaux mobiliers).

    Un instant, son gouvernement, face à une équation budgétaire impossible, a été tenté de repousser ses promesses. Les milieux d'affaires ayant vivement réagi, Emmanuel Macron a réaffirmé que son programme de baisses d'impôts ciblées seraient tenues. Dès lors, face à un budget 2017 qui - ce que chacun savait - dérapait, Emmanuel Macron n'avait plus qu'une option: sabrer dans les dépenses publiques et mettre les collectivités territoriales à la dette. C'était, à vrai dire, ce que l'on attendait de lui à Bruxelles et à Berlin. Mais pas dans les grands ministères régaliens. À commencer par les Armées, qui ont un autre agenda, avec également un chiffre: 2% du PIB pour le budget de la Défense. Un objectif qui correspond aux règles de l'OTAN et qui doit s'appliquer à tous les pays européens.

    Pour comprendre ce qui se joue, il faut faire un bref retour en arrière. En 1995, les militaires ont obtenu de Jacques Chirac la fin du service militaire et la professionnalisation des Armées. Avec, du moins l'espérait-il, une double retombée. D'une part une amélioration des soldes et des conditions de vie. De l'autre, une modernisation des équipements. C'était sans compter sur Bercy, qui voyait dans le budget de la Défense une variable d'ajustement. Ainsi, chaque année, au nom de la lutte contre les déficits, on rognait allègrement les dépenses d'équipement. Ce qui ne faisait qu'en accroître, in fine, le coût. C'est ainsi que l'armée française s'est peu à peu paupérisée, comme la police, la justice et les affaires étrangères.

    Sous le quinquennat de François Hollande, le rapport de forces avait quelque peu changé : lutte antiterroriste et opérations extérieures obligent ! Jean-Yves Le Drian et son très puissant directeur de cabinet Cédric Lewandoski gagnaient la plupart des arbitrages. D'autant que le ministre se révélait un remarquable VRP pour les industriels de la Défense. La jeune technostructure de Bercy rongeait son frein. En attendant de prendre sa revanche. L'élection d'Emmanuel Macron allait lui en donner l'occasion.

    Pierre de Villiers, lui, au contact direct des troupes, connaissait parfaitement l'état d'obsolescence d'une partie des équipements. Au-delà des forces spéciales et des quelque Rafales qui interviennent sur les théâtres extérieurs, l'Armée manque de tout. Les hommes sont épuisés par l'opération Sentinelle. À l'automne, quand la campagne présidentielle a démarré, le chef d'État-major militait pour porter le budget de la Défense à 2% dès 2018. Puis il avait repoussé les délais à 2022. Ce que tous les grands candidats à l'élection présidentielle avaient repris à leur compte. À l'exception d'Emmanuel Macron qui avait déjà fixé à 2025 l'échéance. En 2016, nous étions à 1,78%. Ce pourcentage va baisser en 2017. Pour tomber avec les dernières économies réclamées (850 millions) à moins de 1,75%.

    Certes, Emmanuel Macron a promis qu'en 2018 les Armées seraient le seul budget en augmentation et qu'il atteindrait 34,02 milliards contre 32,5 en 2017. En réalité, ce ne sera qu'un rattrapage et la montée en puissance pour atteindre les 2% en 2025 est sujette à caution. Pour les Armées, le compte n'est pas bon, car les dépenses d'équipement sont considérables si l'on veut maintenir la France dans le peloton de tête des grandes nations militaires. À un moment où bien des pays réarment. À partir de 2020, la modernisation de la force de frappe va absorber 6 milliards d'euros au minimum par an, contre 3,5 actuellement. Il faut d'urgence lancer le successeur du Charles de Gaulle, l'idéal étant d'avoir enfin deux porte-avions, afin qu'il y en ait toujours un d'opérationnel. Les chars, véhicules blindés arrivent en bout de course. Notre flotte aérienne se rétrécit. En matière de cyber défense ou de drones, nous avons beaucoup à faire.

    Voilà pourquoi la décision d'Emmanuel Macron de sabrer dans les dépenses d'équipement, avec une phrase sibylline, qui semblait reprocher au chef d'État-major d'être trop à l'écoute des industriels de la Défense, est inquiétante. Y a-t-il un agenda caché dans tout cela ? Après avoir laissé tomber, depuis un quart de siècle, des pans entiers de l'industrie, s'apprête-t-on à liquider, sous couvert de coopération européenne, nos industries de défense ? L'Allemagne ne cache plus ses ambitions dans ce domaine. D'ores et déjà, son budget de la Défense dépasse celui de la France. Il atteint, cette année, 37 milliards, dont 11,1 milliards pour les seuls équipements. Une Allemagne qui n'a pas la charge de la dissuasion nucléaire, ni des opérations extérieures. En 2020, ce budget atteindra 39 milliards. Cette montée en puissance permet aux industriels allemands de se positionner sur leurs secteurs traditionnels (sous-marins, chars), mais aussi sur des créneaux qu'ils avaient délaissés jusqu'alors. Avec des succès à l'exportation surprenants. C'est un fusil allemand qui va désormais équiper les armées françaises !

    Le prochain scénario que l'on va nous communiquer, nous vendre est celui de l'indispensable coopération franco-allemande en matière de défense. Ce fut l'objet d'un conseil franco-allemand à Paris, à la veille du 14 juillet, avec l'annonce du projet d'un futur avion de combat commun, d'un programme sur la cyber guerre, sur les drones, les avions de transport, etc. Puisque nous n'avons plus les moyens financiers, il nous faut donc partager les coûts avec ceux qui ont l'argent. Ce que l'on n'a peut-être pas compris à Paris, c'est qu'à terme c'est un marché de dupes. Le même que celui que nous avons fait lors de la création d'EADS. La France a perdu le pouvoir au sein d'Airbus, en partie par sa faute. Les Allemands ont méthodiquement grignoté, récupéré les parties les plus juteuses. Ce sont eux qui règnent sur les activités de défense du groupe. Ils fabriquent l'Eurofighter, un vieil avion dépassé concurrent du Rafale. Ils ont donc besoin d'un successeur et du savoir-faire des Français. Attention à ce que ce futur avion européen ne soit pas le moyen de nous phagocyter. L'Allemagne estime que tout ce qui relève de l'industrie lui revient. Et on peut se demander si notre jeune président, dont les yeux brillent surtout pour les start-up, ne pense pas au fond de lui-même que l'avenir de notre pays ne passait plus par l'industrie, quelle qu'elle soit. Le piège des 3% se referme donc sur nous et sur ce qui restait encore de l'excellence industrielle française : les industries de défense. 

    « Après avoir laissé tomber, depuis un quart de siècle, des pans entiers de l'industrie, s'apprête-t-on à liquider, sous couvert de coopération européenne, nos industries de défense ? »

    Jean-Michel Quatrepoint

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économique. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Économiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Il est membre du Comité Orwell. Dans son livre, Le Choc des empires. États-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation. Son dernier livre, Alstom, scandale d'État - dernière liquidation de l'industrie française, est paru en septembre 2015 aux éditions Fayard.