UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1321

  • Vous avez dit légitimité ?

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

    2771589182.jpgPendant que le monde est en train de se transformer sous les coups de boutoir du terrorisme et des impératifs nationaux, la France officielle s’amuse dans les guéguerres des « peuples de gauche » et des « peuples de droite ».

    Y-a-t-il encore un peuple de France ? Il y a, paraît-il, « un peuple de droite » ; les primaires de la droite se sont chargé de nous l’apprendre. Et il y a « un peuple de gauche » ; les primaires de la gauche en ce mois de janvier vont tenter de le rassembler. Cependant ces deux peuples sont loin de regrouper tout leur monde. Les primaires sont trompeuses. Certes, elles facilitent la tâche des candidats qui éliminent ainsi leurs concurrents ; elles structurent en apparence l’élection présidentielle, mais elles provoquent des dégâts considérables dans l’électorat ; elles le fragmentent et l’émiettent à l’excès.

    Manuel Valls qui joue aujourd’hui le rassembleur, parlait, il y a six mois encore, de « deux gauches irréconciliables ». Tellement irréconciliables, de fait, que la « France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon dont la violente insolence n’est qu’habileté politicienne, refuse de participer aux primaires des socialistes et qu’Emmanuel Macron qui se qualifie de progressiste et qui revendique sa jeune impétuosité, ne veut absolument pas se plier à cet examen de passage. Avec les socialistes de la primaire, ça fait au moins trois gauches sans compter les autres… Il n’est pas dit, d’ailleurs, que le vainqueur de la primaire socialiste aura, de ce fait, plus de poids que ses deux futurs rivaux dans la présidentielle qui ne se priveront pas de faire sentir leur importance en l’écrasant sur les deux côtés. L’écrabouillage sera d’autant plus implacable que la primaire socialiste aura elle-même fait apparaître plus de fractures dans la gauche qu’il n’y aura même de protagonistes, tant chacun ne pense qu’à lui-même et à sa propre partition. Belle cacophonie en perspective et qu’on prétend par enchantement démocratique ramener à l’harmonie dans un mouvement final que chacun des partenaires n’imagine triomphal que pour lui-même. Le parti socialiste se relèvera-t-il d’un tel ridicule ? 

    Droite qui sera droite ou gauche ?

    À droite et au centre, la primaire est passée mais les remous électoraux agitent toujours autant le monde politicien. Au centre, n’en parlons pas tant il y a de chapelles et d’ambitions particulières, la chasse aux places étant la règle et les antagonistes se jetant à la figure des invectives homériques qui rappellent la parodie du Lutrin de Boileau.

    Quant aux Républicains, ils sont si divisés, même et surtout après la primaire, que Fillon et son directeur de campagne et homme de confiance, Patrick Stefanini, ne savent qu’inventer comme organigramme pour contenter et, du même coup, diluer tant de composantes d’une droite éclatée qui va de Sens commun, dont les exigences déjà diminuées seront nécessairement revues à la baisse, aux juppéistes, tels Gilles Boyer ou Vincent Le Roux, mis désormais à des postes-clefs dans la direction, et à Nathalie Kosciusko-Morizet qui est bien décidée, comme Laurent Wauquiez de l’autre côté, à faire valoir sa différence. Conseil stratégique pléthorique qui sera voué aux discussions oiseuses et destructrices, conseil politique plus ramassé mais où se côtoient des personnalités aussi opposées et aux vues aussi discordantes que François Baroin et Jean-Frédéric Poisson, enfin pôles de réflexion où, sujet par sujet, le programme du candidat, au prétexte d’être enrichi et nuancé, sera passé à la moulinette. Le travail est déjà bien entamé, sur tous les points consistants du premier programme du candidat. Qu’en sera-t-il du reste ? Or la légitimité de François Fillon lui est survenue – comme malgré lui – de ce qu’il a paru répondre efficacement et possiblement à l’attente d’une partie notable des Français, composée essentiellement de familles, en manque d’autorité forte, juste et digne, tout autant que de libertés – au pluriel et non de licence –, ces deux impératifs étant liés selon les lois les plus ordinaires de la sociologie traditionnelle. Ainsi, n’en déplaise à tous les esprits faux de l’idéologie dominante, s’impose comme régulièrement dans notre histoire l’évidence du seul programme qui vaille pour la France qui dure et veut durer : restauration de l’autorité, déploiement ordonné des libertés. La modernité n’y change rien ; elle en accentue encore la nécessité. 

    La quête de légitimité

    Si Fillon perd dans d’obscures compromissions politiciennes ce petit éclat de légitimité qui l’a soudain éclairé, jailli non de lui-même mais du plus profond de l’âme française, alors son destin sera remis en cause. Peut-être réussira-t-il grâce à des louvoiements à l’emporter à l’élection présidentielle, mais il se privera de tout moyen et de toute volonté de redressement. Ordonnances et référendums n’y changeront rien. Les Français – ceux qui font marcher la France et la font vivre – seront une fois de plus déçus. Les professionnels de l’opposition, eux, se sentiront d’autant plus forts. L’échec est assuré. Il aura bradé pour un vulgaire plat de lentilles la seule et vraie légitimité qui justifie un pouvoir national fort en France, la légitimité historique, celle qui relie les siècles et définit l’identité française.

    Le Front national court vers la même épreuve. Si, sous prétexte de complaire à des fragments d’électorat disparates, la licence des mœurs, la décomposition sociale, l’étatisme facile et l’assistanat généralisé sont promus au même titre que la nation, il déshonorera son esprit de résistance, il se fourvoiera dans les recettes politiciennes, il se déconsidérera auprès des meilleurs de ses troupes. Comment pourra-t-il réussir ?

    Les Français ont pris de si mauvaises habitudes d’esprit de républicanisme qui leur est inculqué comme une religion, qu’ils ne savent plus ce qu’est « la chose publique » en elle-même, la République au sens étymologique et vrai du terme comme l’employaient nos anciens légistes royaux. Les politiciens en ont fait leur chose privée en usant de théories constitutionnelles ineptes et qui sont aujourd’hui totalement désuètes : François Hollande en est le type achevé ; il finit sa carrière en ectoplasme. L’État n’est plus à sa place et n’a plus  sa véritable place, proprement régalienne, celle qui le mettrait en symbiose avec le peuple de France, le vrai, celui qui essaye de vivre et de survivre. Il n’y a donc plus de légitimité. Or, sans légitimité, il est impossible d’opérer un redressement. C’est l’unique problème français. Qui le dira ?   

    Politique magazine, janvier 2017

  • Amine, Anis étaient au milieu de nous : 66 millions de Français virtuellement livrés au terrorisme islamiste

     

    Mur-bleu gds.jpgNous ne jouons pas à nous faire peur ni à chercher à faire peur aux autres ; ni à cultiver une sorte de morbide sinistrose, qui se porte assez bien comme cela pour qu'il soit utile d'en rajouter...

    Nous tirons simplement le constat froid et lucide (on dira clinique, puisqu'Amine était Interne à La Timone, à Marseille !) que deux dangereux terroristes islamistes étaient au milieu de nous, normalement, habituellement :

    - le premier, Interne en Chirurgie orthopédique à l'Hôpital de La Timone à Marseille, était en neuvième année de médecine : il a dû en voir, en soigner des gens, leur parler, avoir accès à toute sorte de locaux plus ou moins « sensibles ». Et voilà que l'on apprend qu'il s'était réjoui des assassinats de novembre à Paris, qu'il tenait des propos ouvertement favorables au djihadisme sur les réseaux sociaux, parlant même de commettre des attentats en France. Disparu depuis la mi-octobre, il a finalement été arrêté en Turquie, alors qu'il se rendait en Syrie : pour y faire quoi ? Devinez ! 

    - le second, après son carnage de Berlin, s'est baladé, il n'y a pas d'autres mots. D'Allemagne il est passé en Hollande puis, via la Belgique en France. Il a pris le train, tout naturellement, a traversé plusieurs gares, et, lui aussi, a côtoyé pas mal de monde dans les rues, les dites gares, les trains...

    Heureusement, dans un cas comme dans l'autre, les deux assassins n'ont pas tué chez nous. Si l'un est passé à l'acte en Allemagne, l'autre est resté « assassin en puissance », mais l'intention - quand elle est aussi froide, résolue, planifiée... - ne vaut-elle pas l'action ?

    Mais ces deux cas troublants nous amènent au seul constat possible : nous sommes toutes et tous livrés, à tout moment, au couteau de l'égorgeur, à la ceinture d'explosif de l'artificier, au véhicule lancé dans la foule... Et les terroristes sont - ou peuvent être - le voisin du dessus ou du dessous ; celui d'en face ou d'à côté ; celui d'en haut de la rue, ou d'en bas, ou du coin : bref n'importe lequel de ces 200.000 entrés par an en France sous Sarko (sans compter les clandestins, évidemment) ; chiffre qui est passé à 300.000 pendant le « quinquenium horribilis » de Hollande.

    Toutes et tous étant parfaitement « normaux » en temps normal, mais pouvant basculer d'un coup, à tout moment, dans ce que l'on appelle maintenant, dans la novlangue idéologique politiquement correcte, la radicalisation : en clair, l'islamisme, le terrorisme, l'assassinat de masse.*

    C'est dans cet esprit que nous dressons notre constat : non pour faire frissonner dans les chaumières, mais pour lancer une accusation frontale contre le Système, que nous accusons d'irresponsabilité et de mise en danger de la vie de la Nation.

    Donald Trump a fait scandale dans la petite bulle des journaleux bobos/gauchos lorsqu'il a déclaré, pendant sa campagne, qu'il voulait interdire l'entrée de musulmans aux Etats-Unis, avant que les autorités compétentes ne se soient renseignées sur les dits musulmans. C'est le bon sens le plus élémentaire : au moins, en savoir le plus possible sur ceux qui veulent venir chez vous. Ce bon sens-là, le Régime, le Système ne l’a pas, car il ne veut surtout pas l'avoir. Ce qu'il veut c'est créer un citoyen nouveau, une France nouvelle, surtout sans contact avec ses Racines et ses Traditions, qui sont gréco-latines, européennes et, bien sûr, chrétiennes. Et, pour effacer ces Racines et ces Traditions, tout est bon, pour le Système, même et surtout l'Islam et les musulmans. 

    Sauf qu'à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler ; à force de manipuler des bombes, elles vous explosent à la figure...

    On en est là. Que ce soit le Régime, le Système qui saute, cela ne nous gêne guère. Mais qu'il nous fasse courir le risque avec lui, alors là, non !   

    * Répétons-le, une fois de plus : nous ne disons pas que tous les musulmans sont des terroristes, nous disons que tous les terroristes sont des musulmans, et pratiquent leur terrorisme au nom de l'Islam.
  • David Desgouilles : « En 2017, le risque le plus grave est de voir encore un président élu par défaut »

     

    Par Alexandre Devecchio    

    ENTRETIEN - David Desgouilles fait le bilan de l'année politique 2016 pour FigaroVox [30.12] et dresse les perspectives de l'année 2017.

     

    4021532882.pngQuel bilan tirez-vous de l'année politique ? Si vous deviez retenir trois évènements marquants ?

    Sur le plan international, le Brexit et l'élection de Trump figurent comme les deux événements les plus marquants, sachant qu'ils ont forcément des interactions avec notre vie politique nationale. Sur le plan national, toute l'année a été jalonnée par la primaire de droite. La victoire de François Fillon figure donc parmi les évènements marquants. Il ne faut surtout pas omettre les attentats de cet été, à Nice et Saint-Etienne de Rouvray. Enfin, le renoncement de François Hollande puisque c'est la première fois qu'un président de la Ve République n'était pas candidat à un second mandat (si on excepte évidemment Georges Pompidou qui n'en a pas eu la possibilité).

    Selon un récent sondage, Macron serait l'homme politique de l'année. Que cela vous inspire-t-il ?

    Emmanuel Macron aurait en tout cas tort de se laisser griser par ce palmarès. Les hommes politiques de l'année précédant celle du scrutin présidentiel confirment rarement les espoirs portés en eux. L'an dernier, c'était qui déjà ? Alain Juppé ? Edouard Balladur, Lionel Jospin, Dominique de Villepin et d'autres encore figuraient sans doute en tête de ce type de sondage.

    Cela dit, j'aurais grand tort de considérer qu'Emmanuel Macron n'a pas marqué 2016. Il a créé son mouvement politique, a démissionné puis s'est porté candidat, les sondages le créditant aujourd'hui d'un score à deux chiffres. Sans être béat d'admiration, on peut au minimum accorder de l'intérêt à cette trajectoire, pour un homme encore complètement inconnu en août 2014.

    Qui sont les autres vainqueurs ? Les perdants ?

    François Fillon constitue évidemment l'un des vainqueurs, puisqu'il a créé la surprise en mettant à la retraite deux figures marquantes de la droite française des trente dernières années, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. J'ajouterai deux personnalités : Jean-Luc Mélenchon qui a lancé une candidature dans l'esprit des institutions de la Ve, dédaignant le jeu des partis, et qui s'en trouve finalement récompensé et beaucoup plus libre de ses mouvements. Marine Le Pen figure aussi dans le camp des gagnants de 2016. En cette fin d'année, on observe qu'elle a encore progressé en popularité tout en adoptant une stratégie de distance médiatique. Mais il faudra que tout le monde tire dans le même sens qu'elle dans son parti dans la campagne et cela n'a pas l'air d'être gagné.

    Côtés perdants, Sarkozy, Juppé et Hollande évidemment. Nous pouvons ajouter à ceux-là Bruno Le Maire qui, l'an dernier, figurait parmi les espoirs de 2016. Il n'a pas su les confirmer.

    2016 a vu deux anciens présidents de la République disparaître définitivement de la scène politique. S'agit-il d'une année de rupture historique ?

    Nicolas Sarkozy souhaitait réussir là où Valéry Giscard d'Estaing avait échoué : redevenir président après  avoir été battu. Tous les deux sont passés par la case « président de parti », l'un en 1988 à la tête de l'UDF, l'autre en 2014 à celle de l'UMP. Nicolas Sarkozy n'a pas su écouter ceux qui lui disaient que redevenir un chef de parti après avoir été président était rédhibitoire. Cette mise en garde a éclaté lors des débats télévisés de la primaire où on voyait un ancien Chef d'Etat contredit et peu respecté par ses anciens ministres. Le seul chemin, même s'il était aussi très escarpé, était de s'affranchir des contingences partisanes et d'être candidat en homme libre. Il n'a pas voulu de cette stratégie qui était pourtant le plan prévu en mai 2012, selon Laureline Dupont et Philippe Cohen, dans un livre publié il y a deux ans (C'était pas le plan, Fayard). Quant à François Hollande, c'est aussi parce qu'il n'était plus considéré comme un chef par son camp qu'il a été contraint à sa décision du 1er décembre. Mais c'est beaucoup plus grave car il est le président de la République en exercice. Pour autant, évoquer « une rupture historique » me paraîtrait galvaudé.

    Au-delà des changements d'hommes, peut-on parler de rupture idéologique ?

    La rupture idéologique est moins caractérisée à mon sens par le renvoi à la retraite de Sarkozy et Hollande que par les soubresauts voire les mutations sur le plan international. La guerre contre le djihadisme, l'Union européenne qui agonise, le rôle de Vladimir Poutine ont bien davantage d'influence sur les ruptures qui pourraient bientôt intervenir dans notre pays.

    Justement, sur le plan international, l'année a été marquée par le Brexit, l'élection de Donald Trump et l'échec du référendum de Matteo Renzi en Italie. Doit-on s'attendre à de pareils bouleversements en France ?

    Serai-je original en répondant qu'il ne faut rien écarter ? L'euroscepticisme marque autant notre pays que l'Italie qui a sanctionné Renzi et le Royaume-Uni qui a voté le Brexit. La question est de savoir s'il trouvera sa traduction politique et si les Français jugeront celle-ci crédible. Il en va de même pour François Fillon dont l'élection due à sa posture conservatrice pourrait entrer en contradiction avec un programme économique dont les tenants et aboutissants sont loin de susciter une large adhésion dans le pays. Il aura à surmonter deux contradictions : celle, magnifiquement incarnée par la sentence de Russel Jacoby, « d’une droite qui vénère le Marché, mais qui en maudit la culture qu'elle engendre » ; et celle portée en germe par la primaire : 4 millions de participants alors que plus de 36 millions se rendront aux urnes. Et face à lui, on a du mal à percevoir quelqu'un capable d'être élu avec une large adhésion à son projet. Le risque à la fois le plus important et le plus grave que nous risquons de vivre en mai 2017, c'est encore un Président élu par défaut, dans un monde très dangereux. 

    XVM466a344c-cdf5-11e6-b990-105344b97ab7-100x150.jpg

    David Desgouilles est membre de la rédaction de Causeur. Il a publié Le bruit de la douche, une uchronie qui imagine le destin de DSK sans l'affaire du Sofitel (éd. Michalon, juin 2015). Son prochain roman de politique-fiction, Dérapage, paraît le 11 janvier 2017 aux éditions du Rocher.

    1630167502.jpg

    Alexandre Devecchio   

  • TOUS NOS VOEUX POUR 2017 !

    « Les Invalides » - Aquarelle originale

     

    Pour la France, notre patrie aujourd'hui menacée, pour la Famille de France et pour toutes nos familles, pour vous tous, chers amis lecteurs, pour Lafautearousseau qui vous accompagne chaque jour, et pour notre œuvre poursuivie ensemble au service du Bien commun : tous nos voeux pour 2017 ...

     

    Lafautearousseau

  • Culture • Loisirs • Traditions ...

  • Livres • Boutang, arpenteur de l’être, un essai de Rémi Soulié

    Pierre Boutang  

     

    Par Christopher Gérard

    Christopher Gérard a donné dans Causeur [24.12] une excellente recension du livre de Remi Soulié « Pour saluer Boutang ». Ainsi, après le gros volume que Stéphane Giocanti vient de publier sur Pierre Boutang chez Flammarion, après le numéro spécial de la Revue Universelle, qui a eu un notable succès, et maints articles parus dans de nombreux médias, l'on redécouvre avec un certain émerveillement, étonnement, admiration, celui qui, à la suite de Maurras, fut l'un des plus brillants esprits de la mouvance maurrassienne. Même si son œuvre philosophique et littéraire ne s'y résume pas. Cet article est, de plus, assorti d'une vidéo qui reprend une causerie de Remi Soulié : on l'écoute avec plaisir.   LFAR  

     

    christopher-gerard-veste-autri.jpg« Arpenteur de l’être » (Mattéi) ou «prophète d’une âge recommencé des saints et des héros » (Colosimo) ? Deux Jean-François de taille s’accordent pour définir Pierre Boutang (1916-1998) comme un géant. Dans ses Carnets noirs, Gabriel Matzneff a dit la terreur que le bretteur royaliste pouvait inspirer à ses contradicteurs en raison de sa double carrure, musculaire et cérébrale. Fut-il un autre Platon… dans un genre obscur ? Telle est la question qu’évoque un de ses disciples, le Provençal Rémi Soulié, dans un recueil de textes d’une piété quasi filiale. Vers 1990, khâgneux à peine guéri d’une méchante fièvre marxiste (inoculée, il est vrai, par un poète), le jeune Cathare de Toulouse tourne catholique contre-révolutionnaire – d’une chapelle l’autre. Des Rouges aux Blancs, avec le même panache. Soulié peut donc rencontrer Boutang, sur qui il livre aujourd’hui une somme de réflexions parfois profuses, notamment sur sa dette à l’égard de Joseph de Maistre (dont on sait l’influence sur Baudelaire) ou sur son admiration pour Bernanos, qu’il plaçait très haut. Soulié montre bien que l’un des multiples paradoxes du personnage est que, quoique fidèle à Maurras, dont il fut le plus brillant disciple avec Thierry Maulnier, Boutang ne partageait en rien le positivisme maurrassien : l’homme était avant tout théologien.

    La partie la plus personnelle et la plus passionnante du recueil regroupe des fragments de journal de Rémi Soulié, qui fréquenta le maître jusqu’à sa mort. Et quel maître, capable de réciter le Parménide en grec, et Toulet, et Poe, et Scève, tout en ingurgitant des litres de vin (« Le vin, voilà quelque chose que le diable ne peut avoir créé », s’exclame ce drôle de paroissien) et en enguirlandant son disciple à propos de ponctuation, de Guénon (« lointain disciple de Maurras ») ou de l’Eglise, sa « mère ». Ce Grec qui avait trop lu l’Ancien Testament (d’où une prose un tantinet talmudique, bien éloignée de la clarté hellénique), cet inspiré (cet illuminé ?) fascine et laisse perplexe. Un génie, cet obsédé de transcendance absolue qui, paradoxe, trempa dans toutes sortes de complots (le Débarquement allié en Afrique du Nord, l’assassinat de l’amiral Darlan, le gaullisme révolutionnaire) ? Un fumiste ? Mais l’homme créa La Nation française, l’un des (rares) feux d’artifice de l’après-guerre littéraire ; mais il écrivit ce La Fontaine politique, mais il eut l’oreille du vieux Maurras. En vérité, Soulié ne tranche pas ; il rend grâce et hommage – avec une magnifique ferveur.

    Une citation pour la route, à méditer, notamment par les professeurs tentés par le désespoir. A de jeunes royalistes qui l’interrogent sur la « fin » de la France, Boutang répond : « La France finie ! On la connaît depuis longtemps, cette petite histoire. On l’a dit au moment de Jeanne d’Arc, au moment de la Ligue. Lisez le “Procès de Jeanne d’Arc”, lisez “La Satire Ménippée” ! Chaque fois qu’un petit enfant naît, tout recommence. Chaque fois que le langage est présent, tout reprend. Chaque fois que l’on parle français, nous retournons aux sources. »  Vive Pierre Boutang ! 

    Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages, 21€ 

    Christopher Gérard
    écrivain

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Pierre Boutang, entre Dieu et le Roi

  • Exposition • Marilyn jusqu’à la nausée…

     

    Par Péroncel-Hugoz 

    De passage à Aix-en-Provence, notre confrère est bien sûr allé voir l’expo « Marilyn » qui fait courir une partie de la France et nombre d’amateurs étrangers. Il en est ressorti en proie à un tournis mental…

     

    peroncel-hugoz 2.jpgEst-ce parce que la Fondation privée « Culturespaces », dans le magnifique hôtel de Caumont (1715), à Aix, qu’elle a restauré à grands frais, y a uniquement présenté jusqu’ici des événements « patrimoniaux », « classiques » (Canaletto, Turner, Collections princières du Lichtenstein)*et qu’elle fut, pour cela, un peu critiquée par la bobocratie ambiante ? Toujours est-il qu’actuellement, ladite fondation nous offre une exposition plus dans l’air du temps new-yorkais, consacrée à l’actrice  «mythique », pardon « iconique »… Marilyn Monroe (1926-1962), vue par la crème des photographes mondiaux: Cecil Beaton, Richard Avedon, Sam Shaw, Georges Barris, sans omettre l’artiste Andy Warhol. 

    Trois mariages ratés

    Depuis le nu sur velours rouge de 1949, où la débutante pose  pour un calendrier destiné à des camionneurs jusqu’aux pathétiques clichés de la femme abandonnée, après trois mariages ratés et une idylle « coupable » avec l’acteur-chanteur italo-marseillais Yves Montand (il était l’époux de la très fidèle Simone Signoret), « Marilyn » nous est donc administrée sous toutes les coutures, au fil de soixante épreuves (qui en sont une aussi, mais dans l’autre sens de ce mot, pour le visiteur non entiché de monotonie…); bref, on subit Mme Monroë… jusqu’à la nausée, malgré la compassion que suscite cette brave fille aux cheveux blond platine en quête d’un impossible bonheur de midinette. 

    Au fil de cette exposition finalement assez funèbre, les bons vivants ne peuvent guère se raccrocher qu’à quelques images projetées de quelques bons films de la comédienne tel Certains l’aiment chaud de Billy Wilder (1959), avec le désopilant Jack Lemon. Un rire sain qui vient enfin dérider les têtes d’enterrement que se croient obligés de prendre certains admirateurs inconsolables de la star, venus là un peu comme en pèlerinage… 

    Sisley à l'horizon

    Heureusement aussi, les appartements de l’hôtel de Caumont, reconstitués comme ils étaient vers 1750, sous le règne de Louis XV, dit le Bien-Aimé, sont là pour ceux qu’a lassés cette avalanche de clichés de la même Marilyn…  Il y a aussi le jardin à la française de l’hôtel, la boutique-librairie d’une richesse exceptionnelle et le salon de thé tranquille et savoureux. 

    On peut voir également chaque jour, à diverses heures, dans une confortable salle à part, un excellent film moderne, sur la vie et la carrière de Paul Cézanne (1839-1906), le peintre aquisextain** par excellence. C’est d’ailleurs un des collègues et contemporains de Cézanne, le Britannique de l’Ecole française, Alfred Sisley (1839-1899), qui succédera à Marilyn à l’hôtel de Caumont du 10 juin au 8 octobre 2017, avec ses paysages impressionnistes, dont chacun est différent, loin cette fois de toute monotonie. 
        

    Culturespaces, Hôtel de Caumont, 3 rue Joseph-Cabassol (près du cours Mirabeau), 1310 Aix-en-Provence
    Tél: 0033 (0) 4 42 20 70 01
    Ouvert tous les jours de 10 à 18 (ou 19) h, y compris les jours fériés.www.caumont-centredart.com

    * Exposition brillante mais marquée en 2016 par le scandale de la saisie par la police française de la toile-vedette de la manifestation, « Vénus » (1531) de l’Allemand Cranach l’Ancien, oeuvre qui serait un « faux »… Une délicate affaire toujours en cours et qui a provoqué la stupeur à Vaduz, capitale de la Principauté germanophone du Lichtenstein, propriétaire du tableau.

    ** On peut dire plus simplement « aixois » mais l’appellation ancienne reste en vigueur car elle rappelle « Aquae Sextiae », les eaux thermales découvertes sur le futur site du chef-lieu provençal par le consul romain Sextius et toujours exploitées en 2017. 

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 30.09.2016

     

  • Société • Enseignement : le désastre

     

    Mur-bleu gds.jpgIl faut lire le bulletin de SOS Education, et nous reprenons d'ailleurs régulièrement dans nos colonnes des informations puisées à cette bonne source.

    Voici, par exemple, le texte d’une dictée qui a été donnée à des élèves de CM2 par la direction de l’évaluation du Ministère de l’Éducation nationale :

    « Le soir tombait. Papa et maman, inquiets, se demandaient pourquoi leurs quatre garçons n’étaient pas rentrés.

    – Les gamins se sont certainement perdus, dit maman. S’ils n’ont pas encore retrouvé leur chemin, nous les verrons arriver très fatigués à la maison.

    – Pourquoi ne pas téléphoner à Martine ? Elle les a peut-être vus !

    Aussitôt dit, aussitôt fait ! À ce moment, le chien se mit à aboyer.» 

    Cette courte dictée, vous en conviendrez, ne présente aucune difficulté majeure. Et pourtant !

    En 1987, les élèves de CM2 faisaient en moyenne plus de 10 fautes à cette dictée ! 10,6 très exactement ; plus de deux fautes par ligne ! Les « pédagogies modernes » étaient passées par là : méthodes de lecture globale ou semi-globale, diminution des horaires de français…

    En 2007, on a soumis à des élèves du même niveau cette même dictée. : les élèves ont fait en moyenne 14,3 fautes, soit plus d’un tiers d’erreurs en plus ! Quasiment 3 fautes par ligne !

    En novembre 2016, la direction de l’évaluation du Ministère de l’Éducation nationale a publié en catimini les résultats de la même dictée, donnée en 2015 : en catimini, car les élèves d’aujourd’hui ne commettent désormais plus sur ces 5 lignes 10 erreurs, ni même 14, mais pas moins de 17,8 ! Ce qui signifie qu’en dehors de « papa », « maman », « le » et « ne », les élèves de CM2 d’aujourd’hui font en moyenne quasiment une faute par mot : et le rédacteur de cette note du site de SOS Education de conclure, hélas avec raison : « la France est entrée dans l’ère de l’illettrisme de masse ».  

    Rappelons que, depuis les années 80, si le budget militaire a constamment décliné, le budget de l’Éducation nationale a été plus que doublé en euros constants !

    Partout ailleurs, en Europe, ou dans n'importe quelle entreprise privée, avec de tels résultats, les responsables de ce qui ose encore s'appeler « Ministère de l'Education nationale » seraient remerciés, et tout serait changé, de fond en comble, dans ledit Ministère. Or, courant novembre, Najat Vallaud-Belkacem, le sinistre de l'Instruction, a osé plaider à l’Assemblée nationale la demande - pour 2017 - d'une enveloppe de 68,64 milliards d’euros, hors retraites des fonctionnaires, en vue de placer « l’école au cœur du redressement du pays ».

    Plus c'est gros, plus ça passe ! 

  • Cinéma • Assassin's Creed : les héros virtuels dénoncent les élites réelles !

     

    Par Eric Delbecque

    ANALYSE - Eric Delbecque a vu Assassin's Creed, le film dérivé du célèbre jeu vidéo. Derrière l'univers Geeks et les effets spéciaux, il y voit une réflexion sur le monde contemporain. C'est ce qui nous a paru faire l'intérêt de cette critique [Figarovov, 30.12]. Les cinéphiles apprécieront sa valeur à l'écran et, s'il y a lieu, donneront leur avis.  LFAR 

    On ne va pas voir Assassin's Creed parce que l'on est passionné par les films ou les romans historiques… Cela n'a pas de sens de tenter d'y déceler la moindre trace de vraisemblance. Ce qui rendait d'avance hors sujet les invectives de Jean-Luc Mélenchon en novembre 2014 sur le jeu vidéo du même nom (en l'occurrence Assassin's Creed Unity) qui travestissait selon lui la signification de la Révolution française. Malgré les imperfections de la réalisation, on achète sa place d'abord pour le show !

    L'amateur de blockbusters hollywoodien, en particulier ceux de Marvel et DC Comics mettant en scène des super-héros, trouvera son bonheur dans les salles obscures en admirant les combats entre les ninjas en scapulaires (pas très loin de chevaliers Jedis médiévaux) et les nervis des inquisiteurs en armure (une espèce d'Ordre Sith). Michael Fassbender (le Magnéto des X-Men) incarne parfaitement le rôle du marginal Callum Lynch, ainsi que celui de son ancêtre, le membre de la société secrète des Assassins, Aguilar de Nehra.

    L'intrigue ne suit que de très loin l'univers des Geeks (précisons pour les néophytes qu'Assassin's Creed est d'abord et avant tout un jeu vidéo édité par Ubisoft). Une fois encore - c'est désormais fréquent - le synopsis repose sur la dénonciation des élites et la lente construction d'un soft totalitarisme (voir à ce sujet Bienvenue dans le pire des mondes. Le triomphe du totalitarisme) matérialisé ici par les Templiers, l'organisation rivale des Assassins (lesdits Templiers auraient aussi bien pu incarner le camp des «bons», mais les fantasmes qu'ils suscitent sont sans doute à l'origine de leur assignation à résidence du « Mal »).

    Le réalisateur Justin Kurzel nous fait vite comprendre que les élites politiques et économiques semblent appartenir dans leur grande majorité à la société secrète des Templiers. Ces derniers seraient en fait le premier pilier des pouvoirs un partout à la surface de la planète. Ils tiraient déjà les ficelles de l'Inquisition espagnole au XVe siècle! Que cherchent-ils ? À s'emparer de la « Pomme d'Eden », une sphère contenant la clé génétique du libre-arbitre.

    Grâce à un dialogue entre le docteur Alan Rikkin (Jeremy Irons), un templier de haut rang, et un membre de l'organe dirigeant de l'Ordre (appelé « les Aînés »), interprétée par Charlotte Rampling, le spectateur apprend le principal, à savoir que les représentants du Temple poursuivent comme objectif ultime la domestication des masses, qu'ils nomment de façon plus positive et pudique la suppression du « cycle de la violence ». Après avoir compté sur la répression durant des siècles, ils misèrent ensuite sur la diffusion de la société de consommation pour endormir toute tentation de dissidence: il ne s'agit ni plus ni moins que d'une reformulation de l'idée de « fabrique du consentement », une thèse développée par le journaliste et auteur Walter Lippmann, et à la base de la pensée d'Edward Bernays, le rédacteur de Propaganda et le gourou de la communication d'influence et des relations publiques aux États-Unis dès les années cinquante.

    De quoi s'agit-il ? En résumé, puisque la contrainte physique suscite toujours la résistance, il convient de laisser penser aux citoyens qu'ils choisissent librement leurs chaînes… Exactement ce que le capitalisme financier tente de faire en nous faisant croire que la marchandisation intégrale des rapports sociaux et de notre environnement est un incroyable progrès que nous désirons tous !

    Toutefois, Rikkin, grâce aux travaux de sa fille Sophia, brillante chercheuse (Marion Cotillard), veut venir à bout de l'esprit critique, de la capacité même à choisir ses opinions et son parcours de vie. Il a donc capturé des descendants des Assassins de différentes époques pour les placer dans l'Animus, une machine qui permet d'accéder aux souvenirs de leurs ancêtres grâce à la mémoire génétique des individus. Callum Lynch, alors qu'il était condamné à mort pour meurtre, se retrouve enfermé dans une base templière située en Espagne (à la fois prison, citadelle et centre scientifique d'expérimentation), officiellement propriété de la société Abstergo.

    « La vérité n'existe pas »

    Bien évidemment, le film nous parle de la coupure entre l'hyperclasse mondialisée et le reste des populations des nations du globe. Les créateurs d'Assassin's Creed reprennent ici en l'aménageant la légende développée par l'écrivain Vladimir Bartol en 1938 dans le roman Alamut (qui narre l'histoire d'une secte religieuse ismaélite dérivée des chiites). Sur grand écran, les Assassins n'incarnent pas des fanatiques mais des individus apparaissant comme les gardiens du « Credo », c'est-à-dire de la foi en la liberté individuelle, de pensée, de conscience.

    En assistant au serment qu'ils prêtent dès le début du film, on saisit que les mots cachent une autre réalité que leur sens littéral. « La vérité n'existe pas » veut dire : chacun doit exercer sa capacité à raisonner et à refuser les dogmes exigeant la soumission pure et simple. En affirmant « Tout est permis », ils vont au-delà du message nietzschéen (et de son exploration par Dostoïevski pour démontrer les limites de l'amoralisme) afin de dénoncer les lois iniques et la fausse morale. Ce qui constitue objectivement un procès en règle de toute forme d'intégrisme religieux.

    Exploitation facile de la vague des théories du complot, diront certains ? Sans doute. Mais il faut d'abord y discerner le besoin contemporain de véritables héros de la liberté. Par-delà la claire intention commerciale de ce divertissement, à savoir populariser la licence, communiquer autour de la marque « Assassin's Creed » et favoriser les ventes des jeux vidéos, il y a effectivement dans ce film la mise à nue intéressée d'une conviction qui tend à dominer dans les classes populaires et modestes : celle qu'une oligarchie possédante confisque la démocratie à travers la mondialisation.

    Bien sûr, il flotte aussi dans ces deux heures de grand spectacle un goût marqué pour la violence, ou plutôt un désir de combat, de confrontation avec le monde au nom d'un idéal ; faire partie des élus qui peuvent sauver une réalité à la dérive fait immanquablement partie des aspirations puissantes de la jeunesse. Assassin's Creed met le doigt sur ce qui manque à l'Europe: une quête. On sait hélas à quel point cette aspiration peut porter à la violence et à la barbarie lorsqu'elle ne trouve aucune forme de satisfaction (il est utile à cet égard de lire Les nouveaux enfants du siècle d'Alexandre Devecchio).

    Étonnant de voir à quel point la réalité virtuelle, le plus souvent brillant auxiliaire de la dynamique marchande, se dénonce elle-même dans ce divertissement parsemé de quelques symboles forts. Mais qui privilégie aujourd'hui les interprétations symboliques ? Beaucoup préfèrent les lectures littérales qui engendrent les confrontations ou nourrissent de futiles polémiques…  

    Eric Delbecque    

    XVM18513ebe-ce8d-11e6-ad51-8a0dd95baea1-100x130.jpg

    Eric Delbecque est Président de l'ACSE, auteur de : Les super-héros pour les nuls (First)        

  • Chiffres du chômage : Le Système fait naufrage dans l'échec, le mensonge et le ridicule...

     

    Mur-bleu gds.jpgTout a été dit, et par des personnes d'opinion, d'origine ou de métier extrêmement divers, sur la ridicule manipulation des chiffres du chômage que l'on nous sert depuis lundi soir.

    Toutes catégories confondues (A, B, C D et E), Le Monde (peu suspect d'opinion réactionnaire !) comptait - en mai dernier - 1 095 500 chômeurs supplémentaires depuis 2012, en réponse à une grossière erreur du Président, la veille, au micro d'Europe 1 (il n'en reconnaissait que 600.000, excusez la paille !). 

    Alors, elle apparaît bien tristounette la soi-disant baisse - pourtant claironnée urbi et orbi - de ces quelques pauvres milliers de chômeurs, mais pour la seule catégorie A, et quand on sait le nombre très important de personnes mises « en formation », à prix d'or et pour des résultats très minimes, mais, du coup, « sorties » des statistiques. L'important n'est ni la vérité vraie, ni le respect des citoyens qui ont droit à cette vérité, l'important c'est que la tricherie sur les chiffres permet, avant les élections, de claironner que « ça y est », que « ça va mieux !» et autres niaiseries du même tonneau. 

    Sauf que...

    Sauf que, à force d'avoir trop tiré sur la ficelle, la ficelle s'est cassée. Et, maintenant, les gens n'y croient plus, aux mensonges qu'on leur serine. Jusqu'à présent, cela marchait, le « plus c'est gros, plus ça passe ». Maintenant, la nouveauté, c'est que cela n'est plus vrai : c'est trop gros, cela ne marche plus, ne passe plus. Et, même dans les JT (TF1, France 2) on a entendu des gens dirent que les familles qui connaissaient le drame du chômage prenaient très mal cette façon très désinvolte, pour rester polis, de traiter du sujet. Et que dire de ce reportage ahurissant au « 20 heures » de France 2, lundi soir, sur ces deux chômeurs qui ont trouvé un emploi... en devenant conseillers à... Pôle Emploi ! Le moins que l'on puisse dire est que le directeur de la chaîne, ou au moins celui des programmes, aurait pu flairer la très, très grosse maladresse... 

    Churchill, qui avait à la fois la dent dure et beaucoup d'humour, racontait un jour que, jeune officier, il avait dans sa promotion un camarade si bête, si bête, mais si bête, que... même ses autres camarades s'en étaient rendu compte ! Pas mal, non ? même si, il faut bien le reconnaître, c'était assez méchant.

    Notre « malheureux » Système, à bout de souffle, en est là aujourd'hui : ses manipulations et son bourrage de crâne sont si énormes, si énormes, mais si énormes, que même cette opinion publique qu'il a cru - à raison, jusqu'ici... - influençable, malléable, manipulable à l'envi s'en est rendu compte : et celui que Maurras appelait « Populo gobe-tout » ne gobe plus, maintenant, il n'écoute plus, il n'y croit plus.  

    Avis de mauvais temps pour le Système...  •

  • Chevènement - Sorel : mener un combat résolu pour continuer la France

     

    Par Alexandre Devecchio 

    C'est un entretien remarquablement intéressant que Malika Sorel et Jean-Pierre Chevènement ont donné au Figaro [16.12]. Pour le nouveau patron de la Fondation de l'islam de France, l'islam politique est d'abord le révélateur du malaise français. Pour l'ancienne ingénieur de l'École polytechnique d'Alger, il s'agit de la menace prioritaire à laquelle la République est confrontée. Chez l'un comme chez l'autre, il y a une authentique visée patriotique, un vrai souci politique, au sens de Boutang, de très justes analyses et sans-doute aussi quelques illusions. Chevènement est de nouveau engagé dans une action d'origine gouvernementale. Malika Sorel est libre de ses jugements. Nous ne commenterons pas davantage. Simplement, nous avons jugé utile de proposer aux lecteurs de Lafautearousseau, familiers des sujets traités, de lire cet entretien. Il émane en tout cas de deux personnalités évidemment patriotes.   LFAR

     

    LE FIGARO. - Jean-Pierre Chevènement, votre dernier livre s'intitule Un défi de civilisation. N'y a-t-il pas davantage lieu de croire à un choc des civilisations ?

    Jean-Pierre CHEVÈNEMENT. -L'idée d'un choc des civilisations a été développée par l'essayiste américain Samuel Huntington en 1994. Celui-ci ne souhaite nullement ce choc mais il en perçoit le risque dans l'univers de la globalisation marqué par l'effondrement des grandes idéologies. Sa définition des différents « blocs de civilisation » (occidental, orthodoxe, confucéen, etc.) est contestable. Même la « civilisation musulmane » est loin d'être homogène : il y a une mosaïque de l'islam traversée par plusieurs courants et différentes écoles. L'échec de la Nahda (la Réforme) n'est pas définitif. L'humanité reste composée de nations et la nation, à mes yeux, reste encore un concept plus opératoire que celui de « bloc de civilisation ».

    Cela dit, l'hypothèse de Huntington, qui apparaissait lointaine en 1994, s'est considérablement rapprochée depuis. L'idée de choc des civilisations a été portée aux États-Unis par les intellectuels néoconservateurs qui, dès la fin des années 1990, ont théorisé l'idée d'un « nouveau siècle américain » fondée sur l'exportation de la démocratie par la force des armes. Ce courant serait resté complètement marginal sans les attentats du 11 Septembre et la réponse totalement inappropriée qu'y a apportée George Bush Jr. Celui-ci a envahi l'Irak, a détruit son État et créé les conditions de l'émergence de Daech. De l'autre côté, le fondamentalisme religieux s'est affirmé. 1979 est l'année charnière. En Iran avec Khomeyni, en Arabie saoudite avec l'occupation des Lieux saints par des extrémistes wahhabites, et en Afghanistan avec l'invasion soviétique et l'organisation d'un premier djihad armant les moudjahidins afghans. De là naîtra après la guerre du Golfe la nébuleuse Al-Qaïda. De part et d'autre, des groupes très minoritaires, au départ, ont ainsi entraîné le Moyen-Orient dans un chaos sans fin. Pour moi, le défi de civilisation n'oppose pas le monde musulman et le monde occidental. Il interpelle et traverse aussi bien l'Occident que l'Orient. Il faut rappeler que les Irakiens, les Afghans ou les Algériens ont payé le plus lourd tribut au terrorisme djihadiste. Il faut offrir un horizon de progrès à des peuples qui ont perdu leurs repères, qui ont l'impression d'aller dans le mur. C'est vrai aussi du peuple français. Il faut ouvrir des voies de réussite et d'élévation économique, sociale, morale, spirituelle. Tel est le défi de notre époque.

    Malika SOREL. - Je partage l'idée que la guerre en Irak a été une faute historique. Cependant, ce conflit à l'intérieur du monde arabo-musulman, mais aussi entre le monde arabo-musulman et l'Europe du fait des flux migratoires, a des racines beaucoup plus lointaines. Les soubresauts avaient commencé bien avant. Ils sont cycliques et s'inscrivent dans le temps long. Dès les années 1920, les Frères musulmans sont revenus en force en Égypte en faisant appel à une dimension de l'inconscient collectif dans les sociétés arabo-musulmanes : l'aspiration au retour d'un grand califat qui est associé à la nostalgie d'une époque glorieuse. Il ne faut pas nier l'influence souterraine des islamistes. Influence qui a débouché notamment sur la guerre civile en Algérie dans les années 1990.

    L'idée de choc des civilisations et celle de défi de civilisation ne sont pas incompatibles. Dès 2003, Hubert Védrine lançait un appel : « Plutôt que de nous offusquer de cette théorie du choc des civilisations, trouvons les moyens d'en sortir. Il ajoutait, et ce sont ses mots, que « ce choc a commencé il y a longtemps, qu'il se poursuit sous nos yeux et qu'il peut s'aggraver. (…) Que les racines du choc Islam-Occident plongent profondément dans l’histoire ». D'où un certain nombre de recommandations qu'il formulait pour que l'on puisse en sortir. Le livre de Jean-Pierre Chevènement évoque un défi de civilisation et c'est vrai que nous nous retrouvons, par la faute de nos élites de commandement, confrontés à un défi majeur, celui de la continuité historique de la France et de son peuple. Les principes républicains, qui sont la synthèse des us, coutumes et traditions hérités de l'histoire politique et culturelle des Français, ont été pris comme variables d'ajustement. Chacun des principes qui composent la devise républicaine a été retourné contre la France elle-même.

    L'islam politique est-il la cause première de la décomposition française ou un symptôme parmi d'autres ?

    M.S.- De nombreux éléments ont favorisé cette décomposition française. C'est donc une erreur d'analyse, ou presque, que de tout mettre sur le dos de la globalisation qui a simplement joué le rôle d'accélérateur, vu que cette globalisation a abattu les frontières et érigé en dogme la libre circulation des biens, des flux financiers et des personnes. À présent que le résultat s'étale sous nos yeux, on comprend bien que cela a servi les intérêts des tenants d'un libéralisme devenu fou. Cette libre circulation a également servi les intérêts de tous ceux qui souhaitaient fondre les peuples européens afin qu'ils n'en forment plus qu'un, et que puisse enfin s'établir à sa tête un gouvernement unique. Les nations constituaient l'obstacle majeur à ce projet. C'est pourquoi elles ont été méthodiquement dessaisies de la plupart des leviers de leur souveraineté, comme le développe très bien Jean-Pierre Chevènement dans son ouvrage. L'immigration de cultures extra-européennes a constitué, malgré elle, un merveilleux outil aux mains des apprentis sorciers européens.

    J.-P. C. - La crise des élites françaises a ses racines lointaines dans la Première Guerre mondiale dont la France est sortie affaiblie par la mort d'un million cinq cent mille jeunes gens, avec trois millions d'invalides et de blessés, des centaines de milliers de veuves et d'orphelins. Dans un essai intitulé Mesure de la France paru en 1922, Drieu la Rochelle écrit : « Qu’elle est devenue petite ma patrie ! Elle croit avoir gagné la guerre, mais en réalité cette guerre n'est pas celle qui nous opposait aux Allemands dans les tranchés de L'Argonne, c'était d'abord la guerre pour l'hégémonie mondiale entre l'Empire britannique et le Second Reich allemand. ». Nos élites dans l'entre-deux-guerres ne voulaient plus de nouvelle guerre avec l'Allemagne. La droite et la gauche étaient également gangrenées par le pacifisme. La France a perdu confiance en elle-même. Là est l'origine du grand effondrement de 1940. Ainsi comme le décrit Marc Bloch, dans L'Étrange Défaite, nos généraux parlaient-ils déjà de capitulation quinze jours à peine après la percée de Sedan. Nous vivons aujourd'hui une réplique de cette étrange défaite. Les raisons de la crise de confiance de la France en elle-même sont à chercher beaucoup plus loin dans le passé que ne le fait Malika Sorel. Elles ne remontent pas qu'au regroupement familial dans les années 1970 coïncidant avec la montée du chômage. La France en 1974 ne se voit déjà plus que comme «1 % de la population mondiale ».

    Dans le débat qui oppose les tenants de l'intégration et ceux de l'assimilation, où vous situez-vous ?

    J.-P. C. - Le mot d'assimilation figure dans le Code civil. Je préfère cependant le mot d'intégration à la communauté nationale. Celle-ci suppose la maîtrise des codes sociaux qui permet l'exercice des libertés dans la République. Bien sûr, les étrangers qui acquièrent la nationalité française ont le droit de conserver leur quant-à-soi. Ils peuvent parler leur langue à la maison, bien que cela ne soit pas forcément souhaitable. J'entends encore Robert Badinter m'expliquer que son père interdisait le russe dans la famille parce que ce n'était pas la meilleure manière de s'intégrer à la France. La France a toujours accepté des apports extérieurs, mais à condition qu'ils préservent sa personnalité qui, elle, doit demeurer. Il y a incontestablement des formes de communautarisme agressives. La République ne peut pas accepter que des petites filles soient voilées à l'âge de 6 ou 7 ans. Nos élites ont négligé les conséquences qu'allait avoir un chômage de masse dans des quartiers où ont été concentrées des populations d'origine étrangère. La politique de rénovation urbaine telle qu'elle a été impulsée par Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy a certes modifié le visage de beaucoup de quartiers. Mais il ne suffit pas d'agir sur le béton. Il faut agir aussi sur ce qu'il y a dans les têtes. C'est la mission de l'École. La concentration des élèves dans certaines zones et le fait qu'ils ne maîtrisent pas le français dès les petites classes rendent très difficile leur progression ultérieure. Là sont les principales racines de l'échec scolaire, dès l'école primaire.

    M.S. - La politique de la ville a surtout consisté en un ravalement de façade. Or, le défi de l'intégration est d'ordre culturel et non économique. D'après les chiffres de l'Uclat, 67 % des jeunes candidats au djihad sont issus des classes moyennes, 17 % sont même issus de catégories socioprofessionnelles supérieures. Comment continuer à penser que c'est une question de moyens et qu'il faut donner davantage ! Ce discours est un piège pour les enfants de l'immigration. Il nourrit leur ressentiment contre la société d'accueil. La langue pratiquée au sein des familles a un rôle dans l'acceptation ou le refus d'intégration. Lorsque j'ai vécu mes dix premières années en France, j'ai vécu à l'heure française. Mes parents s'astreignaient à parler français, malgré leurs difficultés, y compris à la maison. J'ai appris que j'étais d'origine arabe lorsque je suis allée pour la première fois en Algérie. En France, mes parents m'ont laissée me nourrir au lait de la République. Ce n'est plus le cas aujourd'hui à cause de l'explosion des flux migratoires et de l'évolution vers le multiculturalisme ainsi que vers une forme d'indifférence et de relativisme. L'assimilation ne se décrète pas. Il faut respecter la décision des personnes et aussi en tenir compte. C'est d'ailleurs ce que le Code civil prévoit, puisque « nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française ». C'est la condition pour pouvoir maintenir un corps politique. Sans cela, la nation est appelée à s'effondrer.

    Quelle est la ligne de crête pour éviter l'embrasement du pays ?

    J.-P. C. - Ce que nous avons devant nous est un combat résolu pour continuer la France. C'est difficile, mais j'ai des raisons de ne pas être trop pessimiste. Même après soixante-dix ans de paix, alors que le patriotisme semblait s'être effacé, il connaît aujourd'hui un regain manifeste. On sent que la société française tient à ses valeurs et à leur perpétuation. La France va au-devant de secousses depuis longtemps prévisibles, mais elle peut en tirer le meilleur et pas seulement le pire. Le civisme se manifestera à tous les niveaux, y compris et peut-être d'abord chez les Français de culture musulmane. Si nous prenons la population d'origine maghrébine, une moitié se trouve assez bien intégrée, l'autre très insuffisamment. Il faut bien sûr être vigilant, mais ne nourrissons pas un pessimisme systématique. Il y a sept cents djihadistes français en Syrie, et il est légitime de redouter leur retour. Mais il faut mettre en regard de ce chiffre les dix mille soldats de tradition musulmane qui servent aujourd'hui dans l'armée française. Partout je vois émerger chez nos concitoyens de tradition musulmane des élites républicaines. C'est cela qu'il faut encourager. Il y a quatre à cinq millions de musulmans en France, pour la plupart de nationalité française. Il faut en faire des citoyens ! Je crois à la puissance de la société d'accueil dès lors qu'elle s'aime assez pour devenir attractive pour les autres. Quels que soient les réticences et les rejets, elle finira par s'exercer. Pour cela, il faut revenir aux sources de la République. Malika Sorel, elle-même, apporte un vivant démenti aux prophètes d'un malheur inéluctable.

    M.S. - J'estime pour ma part que la situation est extrêmement grave et qu'on ne pourra pas s'en sortir en se contentant de dire que la majorité s'intègre, ni en s'en tenant à des considérations d'optimisme ou de pessimisme. Dès 1981, Georges Marchais souhaitait « stopper l'immigration officielle et clandestine ». Il faut à tout le moins considérablement réduire les entrées. C'est la première des mesures à adopter. De même, pour ne pas perdre définitivement la main sur la formation des futurs citoyens, il nous faut empêcher la libéralisation de nos écoles. Il nous faut aussi créer les conditions du renouvellement des élites, car notre système politique est bloqué et cela fait peser de lourdes menaces sur notre démocratie. Il est fondamental de supprimer la Commission européenne pour la remplacer par un gouvernement des chefs d'État et de gouvernement, car il nous faut, peu à peu, réactiver le principe de subsidiarité qui nous permettra de faire revenir en France des leviers de notre souveraineté perdue. Mais rien de tout cela ne sera possible si nous ne trouvons pas le moyen d'imposer que soit respectée «la libre communication des pensées et des opinions » qui est « un des droits les plus précieux de l’homme », comme le stipule la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est un enjeu décisif, car c'est lui qui permettra enfin aux Français de ne plus avoir peur d'exprimer ce qu'ils sont. 

    1630167502.jpg

    Alexandre Devecchio

  • Le numéro spécial Boutang de La Nouvelle Revue Universelle vient d'être réédité – A commander ici !

     

    Rapidement épuisé peu après sa parution, le numéro exceptionnel de La Nouvelle Revue universelle entièrement consacré à Pierre Boutang, vient d'être réédité.

    Le 20 septembre 2016, Pierre Boutang aurait eu cent ans. L’exceptionnelle personnalité du jeune prodige que l’on comparaît à Rimbaud lui a fait suivre des chemins tourmentés, mais d’une impressionnante fécondité. La fidélité à Maurras, loin de le brider, a contribué à faire de lui l’un des penseurs les plus incisifs du XXe siècle, aux accents prophétiques pour défier l’horreur nihiliste.

    Autour d’Axel Tisserand et de Gérard Leclerc, une douzaine de voix, libres et diverses, honorent ce centenaire. Plusieurs textes de Boutang, dont des extraits de ses Cahiers inédits, ponctuent cet hommage qui demeurera un ouvrage de référence. 216 pages 

    nru_couv-45.jpg

    Prix, port inclus : 22 euros. 

    Ou abonnez-vous à la revue (trimestrielle) : 1 an pour 70 euros (tarif réduit 40 euros), par chèque adressé à la revue, 1 rue de Courcelles, 75008 Paris – tél. 01 42 57 43 22

  • Michel Déon, le jeune homme vert, s'en est allé

     

    Par Nicolas d'Estienne d'Orves   

    DISPARITION - Michel Déon avait connu un immense succès avec des livres écrits sous le signe de Stendhal. Grand voyageur, esprit libre, le plus irlandais des romanciers français s'est éteint hier mercredi à l'âge de 97 ans. Et Nicolas d'Estienne d'Orves a écrit sur lui, dès hier soir, dans Figarovox, le bel article que nous reprenons ici. Il y retrace sa brillante carrière littéraire. Et n'oublie pas que Michel Déon était de notre famille d'esprit. D'esprit et de cœur car Déon a toujours conservé pour Maurras , dont très jeune, il avait été le secrétaire à Lyon, durant l'Occupation, une sorte d'affection, d'attachement, qui ne se sont jamais démentis. Il s'est toujours activement intéressé avec Jacques et Nicole Maurras à la défense de la mémoire du maître de sa jeunesse, à la préservation de cette maison du Chemin de Paradis à Martigues dont il savait combien elle avait compté pour Maurras. Il avait donné à Pierre Builly et François Davin, vers 1980, un entretien pour Je Suis Français, mensuel d'Action française d'alors, en quelque façon l'ancêtre déjà lointain de notre quotidien. Il avait aussi accepté, dans les mêmes années, d'assister au rassemblement royaliste des Baux de Provence et d'y prendre la parole. De cette journée aux Baux il est d'ailleurs question dans l'un de ses livres ... Il avait encore récemment redit les raisons de sa fidélité à Maurras dans le Cahier de l'Herne qui lui a été consacré. Sans nul doute, Michel Déon était des nôtres. Sa mort est pour nous tous une peine et un deuil.  Lafautearousseau    

     

    PHOa6c99df2-2d3c-11e4-9abe-2885da635d83-805x453.jpgÉdouard Michel naquit à Paris le 4 août 1919. Et Michel Déon quelque vingt ans plus tard, quand le jeune homme choisit ce nom de plume pour signer ses premiers articles dans la presse, puis ses romans.

    Les images de son enfance sont celles de la Côte d’Azur : son père y est alors conseiller du prince de Monaco. Le petit Édouard va donc au lycée sur le Rocher, puis à Nice. Remontant à Paris, il poursuit sa scolarité à Janson-de-Sailly. Enfin, bac en poche, il attaque son droit. Mais le coup de foudre a lieu dans la bibliothèque paternelle quelques années plus tôt : à 13 ans, l'adolescent découvre Charles Maurras. Le poète de Martigues, animateur de l'Action française, va exercer sur lui une influence considérable. Il restera fidèle à sa mémoire, qu'il estime injustement caricaturée, réduite à des slogans. Interrogé, bien des années plus tard, Déon déclarera : « Lorsqu’on me demande pour qui je vote, je réponds que je suis de toute façon monarchiste depuis ma jeunesse et que je n'en démordrai pas. » « Je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut », proclamera même ce stendhalien, avouant pencher « pour une société aristocratique ». En politique, tous le savaient, Déon avançait courageusement, et sans masque…

    Mobilisé en 1939, il rejoint la capitale des Gaules en 1942, car c'est à Lyon qu'est repliée la presse parisienne, parmi laquelle L'Action française. Une aubaine pour Déon, qui, confessant ne s'être jamais remis de la défaite de 1940 - « Peut-on oublier la honte ?» - va côtoyer chaque jour le vieux Maurras dont il devient le secrétaire. Dès cette époque, il s'essaie à la littérature.

    Après-guerre vient le temps des voyages. Il se sent comme en exil dans la France de la Libération. De 1946 à 1948 : Allemagne, Suisse, Italie, Portugal. En 1944 paraît un premier livre, Adieux à Sheila, qu'il réécrira en 1990, sous le titre Un souvenir. Les années d'apprentissage sont achevées, voici celles de l'amitié, de la littérature, des Hussards : Laurent, Blondin. Tandis que ce dernier écrit L'Europe buissonnière, Déon rédige son premier vrai roman, publié en 1950 : Je ne veux jamais l'oublier. « Blondin me disait toujours : “Toi, t'écris pour les gonzesses.” » Chez Déon, c'est vrai, peu de soûleries prodigieuses, d'amitiés poivrotes, même s'il déclarait : « Les buveurs d'eau me sont suspects. Son monde est plus secret, plus diffus ; l'humour et la charge y sont présents, mais l'analyse psychologique des sentiments, la délicatesse des teintes marquent avant tout.

    Il se lie à André Fraigneau, Roland Laudenbach, Kléber Haedens… Du beau monde. Mais les jambes le démangent et, comme Paul Morand, il guette toujours les départs. En 1951, le voici boursier de la Fondation Rockefeller, partant pour les États-Unis. Il n'en continue pas moins de publier régulièrement : La Corrida en 1952, Le Dieu pâle en 1954, Lettre à un jeune Rastignac (libelle), Les Trompeuses Espérances en 1956.

    De 1958 à 1961, Déon voyage presque constamment. C'est au cours de ces périples qu'il découvre Spetsai, une île grecque. Michel Déon et les îles : une histoire d'amour. « L’insomnie est peut-être une maladie inguérissable, expliquera-t-il. Elle impose l'immobilité, c'est-à-dire, en un sens, la condition essentielle de la paix intérieure. En 1964, il s'installe à Spetsai. Ce départ pour la Grèce change ses perspectives : « J'ai trouvé la pacification intérieure dès que j'ai quitté la France.» De ces années, il tirera des souvenirs : Le Balcon de Spetsai puis Le Rendez-vous de Patmos.

    Mais on enferme trop Déon dans l'image du romancier nostalgique, raffiné, décrivant couchers de soleil et fantasques amours. Il fut également un redoutable pamphlétaire, véritable empêcheur de penser en rond. Sa Lettre à un jeune Rastignac est un modèle de libelle à l'adresse des jeunes ambitieux qu'il voyait se pousser avec ironie.

    En 1967, ce maurrassien resté antigaulliste publia un texte furieux contre la France du Général : Mégalonose. Saisi par les services de police, le livre mourra au berceau, mais justifiera - si besoin était - l'éloignement de Déon.

    Pourtant, des années plus tard, il conservera un regret de ce temps : « Il est permis d'avoir la nostalgie d'une époque où régnait une esthétique de vie, une esthétique politique, un pragmatisme politique, disparus au nom d'un moralisme tout à fait idéaliste. De Gaulle, c'était Sisyphe taillant sa route dans le roc, insensible et vaniteux, vexé à mort parce que son rocher lui retombait sur la tête. »

    Prix Interallié et grand prix du roman de l'Académie française

    Quelque temps plus tard, les honneurs lui arrivent coup sur coup. En 1970, ses Poneys sauvages obtiennent le prix Interallié. Roman de tous les engagements, Seconde Guerre mondiale, Algérie, guerre des Six-Jours - ce livre n'effraie pas le jury dans une France post-soixante-huitarde ; pas plus que les déclarations de son auteur ne choquent… « Je suis un homme de droite et je n'ai pas honte de l'avouer. Je sais que j'ai été écarté de deux prix à cause de quelques lignes. »

    Et la consécration se poursuit : Un taxi mauve reçoit le grand prix du roman de l'Académie française, puis Le Jeune Homme vert (1975) obtient un grand succès public ; enfin, en 1978, Déon rejoint la Coupole, élu au fauteuil de Jean Rostand, en même temps qu'Edgar Faure. « Moi qui ai si longtemps cultivé mes différences, je vais enfin tenter de cultiver mes ressemblances avec des gens qui me sont parfois opposés », remarque-t-il alors.

    Il y avait été poussé par ses amis Félicien Marceau, Jean d'Ormesson et Maurice Rheims. Avant eux, Paul Morand le lui avait aussi conseillé. Même en habit vert, Déon n'en revendique pas moins un « certain anarchisme de droite, un pessimisme qui vise à la lucidité ». Mais l'Académie n'est pas un enterrement de première classe. Déon continue à écrire, explorant des régions qui lui sont inconnues, comme le théâtre. Déjà, il avait écrit des pièces radiophoniques : une adaptation du Claire de Chardonne, de la Colette Baudoche de Barrès… et même un opéra-bouffe avec Pierre Petit : Furia italiana. Mais il tenait beaucoup à ses pièces, Ma vie n'est plus un roman (1987) et Ariane, ou l'Oubli (1993).

    Dans sa maison d'Old Rectory, en Irlande (une autre île…), il vit avec sa femme, Chantal, élève des chevaux, vient en France signer ses livres, en acheter d'autres, recevoir à l'Académie ses amis Jacques Laurent, Hélène Carrère d'Encausse ou Frédéric Vitoux. Mais il sait encore être mordant quand il doit y faire l'éloge de Jacques de Bourbon Busset, si éloigné de lui.

    Avec générosité, une ouverture d'esprit jamais en défaut, il encourage des écrivains débutants nommés Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Brina Svit. Il héberge Michel Houellebecq dans sa retraite de Tinagh, intrigué, séduit puis irrité par l'auteur des Particules élémentaires qui se révèle un hôte encombrant.

    L'élève est devenu un maître, et un ami ; de nombreux auteurs se reconnaissent en lui : Stéphane Denis, Éric Neuhoff, qui lui consacre une monographie. Et Patrick Besson, lequel écrit : « Déon est un romancier pour une certaine jeunesse, celle qui préfère les femmes mûres aux catamarans et les voyages aux expéditions. Il s'adresse avant tout aux rêveurs de 20 ans et aux rêveuses de 17. »

    Déon ne se fait pourtant guère d'illusion sur la littérature de son temps. « Entre 1920 et 1940, il y avait une réelle qualité d'écrivains. L'après-guerre n'a produit aucun chef-d’œuvre. Et de citer Larbaud, Montherlant, Morand, Drieu la Rochelle, Aragon, ces « écrivains qui caressent des secrets, dont l'ombre passe entre les lignes de leurs livres ». Il s'inscrit incontestablement dans leur lignée : « Si j'ai écrit des livres, confessait-il, c'est peut-être pour répondre au besoin de vivre les histoires que d'autres n'ont pas toujours su me raconter. »   

    « Lorsqu’on me demande pour qui je vote, je réponds que je suis de toute façon monarchiste depuis ma jeunesse et que je n'en démordrai pas. »  « Je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut » Michel Déon

    Nicolas d'Estienne d'Orves           

  • La Monarchie est-elle une grande chose morte ? [1]

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    1345578492.2.jpgLa Monarchie est-elle définitivement une grande chose morte et les royalistes de simples gardiens d’un temple désormais déserté par l’histoire ? Plus d’un siècle et demi après la chute du roi Louis-Philippe et un demi-siècle après l’échec de la tentative institutionnelle du comte de Paris, la question n’est pas interdite et la réponse moins simple que ne le souhaiteraient les « républicanitaires » et les attentistes, autre nom pour signifier les conformistes désireux d’éviter tout changement d’institutions et d’habitudes. Elle peut néanmoins paraître incongrue, voire déplacée dans une France où l’élection du Chef de l’Etat mobilise plus de 80 % des inscrits sur les listes électorales, et dans laquelle cette désignation paraît comme « la reine des élections », la formule ressemblant d’ailleurs à une sorte d’hommage du vice à la vertu… 

    Mais l’insatisfaction qui domine aujourd’hui envers l’élu de 2012, qui ne se représente pas, tout comme le renvoi brutal du précédent locataire, donne quelque crédibilité, a contrario, à cette question iconoclaste, autant pour les royalistes eux-mêmes qui se récrieront que pour les républicains qui s’en gausseront, le débat étant clos si on les croit : la défiance même à l’égard des candidats déclarés, ce sondage qui attribue à M. Fillon une popularité d’un tiers seulement des Français alors qu’il est le favori de la prochaine élection, ces enquêtes d’opinion qui révèlent ou, plutôt, confirment le rejet par les plus jeunes de nos concitoyens électeurs de la classe politicienne dans son ensemble et font de l’abstention le premier parti-pris de notre pays, tout cela concourt à imaginer, en politique, « autre chose que ce qui existe actuellement », au moins institutionnellement parlant. 

    Faut-il une « sixième République », retour au système parlementariste des troisième et quatrième ? Une cinquième « plus républicaine » ? Ou un simple régime d’experts et de technocrates qui accomplirait le rêve saint-simonien ? Ou, même, l’absence d’Etat et d’institutions, au risque de voir s’installer une sorte de loi de la jungle qui ne profiterait qu’aux plus forts (aux plus riches ?) ou qu’au seul monde de l’Economique et de ses féodalités transnationales ? Faut-il, simplement, conserver telle quelle une cinquième République qui, taillée pour le général de Gaulle, ne répond plus aux nécessités du moment parce que les magistrats suprêmes qui lui ont succédé, à de rares exceptions près, se sont contentés de gérer plutôt que d'entreprendre et de diriger ? 

    La solution de facilité serait de regarder les autres se démener chacun pour leur écurie présidentielle et promettre ce qu'ils n'appliqueront pas vraiment, par manque de volonté ou par simple paresse politique. Mais cela serait s'abandonner au fatalisme, qui n'est rien d'autre que le renoncement. 

    Alors, bien sûr, la Monarchie n'est pas la chose la plus facile à faire accepter dans un pays qui adore, dit-on, couper la tête de son roi, physiquement en 1793, symboliquement et électoralement depuis les années 1960 pour les « monarques » républicains, tout en admirant les rois d'Ancien régime et en applaudissant la reine d'Angleterre quand elle se déplace chez nous. Mais la facilité n'est pas une valeur politique quand elle oublie la nécessité et les devoirs de l'Etat envers ceux qu'il est censé protéger et diriger, c'est-à-dire « engager dans une direction » pour éviter l'incertitude et la divagation (mais aussi et surtout l'injustice et la démesure) qui, en politique, sont mortelles pour les peuples et les personnes de toute société.  (à suivre) 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • « Affaire Laforêt » : « Pas de noir », la planète antiraciste en ébullition ! Et si on relisait Claude Lévi-Strauss ?

     L'agence immobilière Laforêt à Levallois-Perret

     

    Mur-bleu gds.jpgIls sont, soi-disant, pour la liberté de la presse, les soi-disant antiracistes. Pour eux, par exemple, Charlie Hebdo peut se moquer en des termes particulièrement brutaux et grossiers des religions ou des sinistrés d'Amatrice, ils s'en fichent, du moment que, Charlie Hebdo, c'est « leur » côté, et « leur » presse, et « leur » opinion. Mais, dès qu'on dit une chose qui leur déplaît, alors, là, ils hurlent à la mort. C'est cela que nous dénonçons ici, une fois de plus :  cette tartufferie, cette arnaque du siècle qu'est le soi-disant antiracisme dont ils ont fait leur fonds de commerce (juteux, le fonds de commerce !), cette mauvaise foi abyssale des chantres du politiquement correct.  

    Voyons-y donc d'un peu plus près : « Pas de noir », spécifiait - il est vrai sans ambages - une annonce de location immobilière à Levallois-Perret. Et, aussitôt, le sieur Sopo et toute la clique de monter au créneau.

    Au dit sieur Sopo, et à toute la dite clique, conseillons donc de relire (mais, pour certains, ignares et incultes, de lire...) ce court extrait d'un dialogue fort intéressant entre Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon : 

    1986689724.jpgClaude Lévi-Strauss : …que des cultures, tout en se respectant, puissent se sentir plus ou moins d’affinité les unes pour les autres, c’est une situation de fait qui a existé de tout temps. Elle est dans la normale des conduites humaines. En la dénonçant comme raciste, on risque de faire le jeu de l’ennemi, car beaucoup de naïfs se diront : si c’est cela le racisme, alors je suis raciste…

    Didier Eribon : Y a-t-il des apparences physiques qui font naître en vous de l’antipathie ?

    Claude Lévi-Strauss : Vous voulez dire des types ethniques ? Non, bien sûr. Tous incluent des sous-types qui, les uns nous semblent attrayants, d’autres pas... j’appartiens à une culture qui a un style de vie, un système de valeurs distinctives ; et donc des cultures très différentes ne me séduisent pas automatiquement.

    Didier Eribon :   Vous ne les aimez pas ?

    Claude Lévi-Strauss :   Ce serait trop dire. Si je les étudie en ethnologue, je le fais avec toute l’objectivité et même toute l’empathie dont je suis capable. Il n’empêche que certaines cultures s’accordent moins volontiers que d’autres avec la mienne... Il y a et il y aura toujours des communautés portées à sympathiser avec celles dont les valeurs et le genre de vie ne heurtent pas les leurs propres ; moins avec d’autres. Ce qui n’empêche que même avec celles-ci, les rapports peuvent et doivent rester sereins. Si mon travail requiert le silence, et qu’une communauté ethnique s’accommode du bruit et même s’y complaît, je ne la blâmerai pas et n’incriminerai pas son patrimoine génétique. Je préférerai toutefois ne pas vivre trop près, et apprécierai peu que sous ce méchant prétexte, on cherche à me culpabiliser... 

    De près et de loinClaude Lévi-Strauss et Didier Eribon, Éditions Odile Jacob, 1988, pages 209 à 212.