LA LIBERTÉ SCOLAIRE, UN COMBAT DE CIVILISATION

Najat Vallaud-Belkacem serait-elle en train d’obtenir en 2016, mais par des moyens détournés, ce qu’en 1984 Alain Savary n’avait pu réaliser, à savoir la disparition de la liberté de l’enseignement ? En tout cas, les mesures qu’elle a annoncées ce jeudi 9 juin sont gravissimes puisqu’elles remettent en cause une liberté fondamentale garantie par la Constitution.
En quoi consistent-elles ? Non seulement à renforcer les inspections — malveillantes ? — dans les familles qui exercent leur droit d’instruction auprès de 25 000 jeunes ou dans les établissements hors contrat — un millier d’établissements, dont 300 confessionnels –, mais surtout à passer d’un régime de déclaration d’intention à un régime d’autorisation préalable. Bref, à substituer l’arbitraire à la liberté. En clair, désormais, pour ouvrir une école hors contrat, il faudra avoir obtenu préalablement l’autorisation du ministre de l’éducation ...et des lobbies dont il est le pantin. C’est pourquoi le député du Parti chrétien démocrate Jean-Frédéric Poisson, vent debout contre ce coup de force, a prévenu qu’il saisirait l’instance de la rue de Montpensier, s’il en était besoin. Car ce que vise le pouvoir socialiste, ce sont bien « les libertés pédagogiques, intellectuelles, religieuses et philosophiques » revendiquées haut et fort par ces établissements, comme l’observe Guillaume Drago, professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II, dans La Croix du 8 juin.
L’UMP EN RÊVAIT, LE PS LE FAIT
Gageons que Stalinette n’en a cure. Outre que les garanties apportées à nos libertés par les « Sages » sont à géométrie variable, Poisson est bien seul à droite. Et pour cause : la collusion de l’ex-UMP et de la gauche est totale sur le sujet. A plusieurs reprises la « droite » a déposé des propositions de lois au Parlement en vue de supprimer la liberté de l’enseignement : au Sénat, en 2013, et récemment à l’Assemblée nationale, où le député Eric Ciotti et vingt-huit de ses collègues LR ont présenté un texte « visant à renforcer l’encadrement des établissements privés hors contrat et à limiter les possibilités de dérogation à l’obligation scolaire ». L’Association des maires de France, dirigée par François Baroin, qui se rêve déjà en premier ministre d’un Sarkozy réélu président, n’avait-elle pas déclaré, fin 2015 : « La facilité, permise par la loi, de créer sous forme associative des structures scolaires confessionnelles interroge [sic] l’AMF » ? L’UMP le voulait, le pouvoir socialiste le fait. Qu’il s’agisse de l’Europe, du syndrome atlantiste, de l’invasion migratoire, de la promotion du communautarisme, de la destruction de la famille, et maintenant de l’école, l’union antinationale entre la gauche et la droite mondialistes existe déjà dans les faits. Pas besoin de Juppé pour la sceller ! Du reste, en s’apprêtant à violer la Constitution par voie d’ordonnance, le pouvoir socialiste rend service à l’UMP en empêchant la médiatisation d’un débat parlementaire qui n’aurait pas manqué d’interroger les Français sur cette collusion. Des petits services qu’on se rend entre amis...
L’ISLAMISME A BON DOS
La crainte de la radicalisation islamiste des jeunes échappant à l’école officielle a évidement bon dos. Peut-être l’argument est-il sincère chez Les Républicains, ce qui prouverait, s’il en était besoin, que nous avons affaire à la droite la plus bête du monde. En fait, nul besoin d’inspections ou d’autorisations préalables pour juguler l’islamisme. Comme pour les mosquées salafistes, la police suffit pour connaître les foyers de radicalisation et fermer, tout en respectant nos libertés constitutionnelles, les « écoles » qui poseraient problème. Mais Belkacem le veut-elle, elle qui, au contraire, après sa bévue sur l’enseignement de la théorie du genre à l’école, qui est mal passé auprès des populations immigrées, a décidé de favoriser, dans l’espoir stupide de l’encadrer au sein de l’institution, le repli identitaire islamiste, par exemple en déclarant que le porc est un « aliment confessionnel » ou en promettant l’enseignement de l’arabe dès le CP — assuré par qui, au fait ? Comme le remarque encore le professeur Drago, « ce sont en réalité de nombreux établissements catholiques que l’on veut atteindre », non pas ceux d’un enseignement diocésain domestiqué par le pouvoir — en ce sens, Savary a réussi : l’enseignement diocésain a été, sinon officiellement, du moins idéologiquement intégré à l’enseignement public —, mais ceux qui revendiquent leur liberté et refusent le pédagogisme. Ultime vengeance contre des catholiques redevenus indisciplinés et revendicatifs depuis la Manif pour tous ?
LA HAINE DE LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE
Plus profondément, c’est la haine de la liberté de conscience qui anime le pouvoir, car les établissements catholiques indépendants ne sont pas les seuls visés. Les établissements laïques le sont tout autant, comme ceux de la Fondation Espérance banlieues, créée en 2012 pour favoriser le développement d’écoles indépendantes d’excellence en plein cœur des banlieues. Et qui réussissent là où l’école publique échoue. Il en est ainsi de l’établissement Alexandre-Dumas, à Montfermeil, ville de la Seine-Saint-Denis dont le maire est un certain... Xavier Lemoine. On comprend qu’Anne Coffinier, la directrice générale de la Fondation pour l’école, qui concourt à l’essor d’établissements scolaires libres, ait annoncé, dans un communiqué publié le 9 juin, sa décision de contester la légalité des mesures décidées par le pouvoir.
D’autant que Belkacem entend également supprimer la liberté pédagogique en imposant à ces établissements le respect des programmes de l’Education nationale. Car elle a un double défi à relever : imposer partout, au nom d’un égalitarisme mortifère, ses réformes ravageuses que parents et enseignants, dans leur grande majorité, rejettent, tout en remédiant à la fuite vers les écoles indépendantes que ces mêmes réformes provoquent. D’ailleurs, ce n’est pas sans un mélange d’ingénuité et de cynisme qu’elle avoue avoir décidé ces mesures en raison de « l’augmentation importante du nombre d’élèves scolarisés dans des établissements privés hors contrat ». S’est-elle demandé pourquoi ? Quand elle ose parler de remédier à des « enseignements trop lacunaires, voire attentatoires aux valeurs républicaines » (Conférence de presse du 9 juin), à la fois on croit rêver et on comprend sa priorité. Car les enseignements lacunaires et ce qui va avec, l’échec scolaire, c’est elle qui les organise, à travers ses réformes du collège et des programmes, la destruction de l’apprentissage de l’orthographe — et de l’orthographe lui-même avec l’imposition de la « réforme » de 1990 —, la disparition des classes bilangues ou du latin et du grec, les enseignements fourre-tout imposés par les Diafoirus du pédagogisme et improvisés par les Trissotin de l’interdisciplinarité, ou encore l’interdiction idéologique ... et budgétaire du redoublement. En revanche, elle ne supporte pas que les élèves échappent à l’endoctrinement mondialiste, sociétal et communautariste que recouvre sa priorité de transmettre les « valeurs républicaines ».
La défense de la liberté scolaire est, elle aussi, un combat de civilisation. •