En notre triste temps d'effondrement général de la Culture et de l'École, sous les coups de boutoir du dément Plan Langevin Wallon, parachevé en quelque sorte par René Haby et Jacques Chirac, avec leur délirant "Collège unique" (en 1975) nous faisons mémoire, aujourd'hui, de Pierre Grimal, dont on commémore le décès...
Érudit, latiniste distingué, il est l'auteur, entre autres grands livres, du splendide "La Civilisation romaine", dont on ne saurait trop conseiller la lecture à tous les publics et dont voici les premières lignes du premier chapitre, tout simplement grandioses :
"Plage brillante entre les ténèbres de la préhistoire italienne et celles, presque aussi épaisses, où la décomposition de l'Empire plongea le monde occidental, Rome éclaire d'une vive lumière quelques douze siècles de l'histoire humaine. Douze siècles où ne manquent pas, sans doute, guerres et crimes, mais dont la meilleure part connut la paix durable et sûre, la pais romaine, imposée et acceptée depuis les bords de la Clyde jusqu'aux montagnes d'Arménie, depuis le Maroc jusqu'aux rives du Rhin, parfois même à celles de l'Elbe et ne finissant qu'aux confins du désert, sur les bords de l'Euphrate. Encore faut-il ajouter à cet immense Empire toute une frange d'États soumis à son influence spirituelle ou attirés par son prestige. Comment s'étonner que ces douze siècles d'histoire comptent parmi les plus importants qui aient jamais été pour la race humaine et que l'action de Rome, en dépit de toutes les révolutions, de tous les élargissements et les changements de perspective survenus depuis un millénaire et demi, se fasse encore sentir, vigoureuse et durable ?
Cette action pénètre tous les domaines : cadres nationaux et politiques, esthétique et morale, valeurs de tous les ordres, armature juridique des États, coutume et moeurs de la vie quotidienne; rien de ce qui nous entoure n'eut été ce qu'il est si Rome n'avait pas existé. La vie religieuse elle-même conserve l'empreinte de Rome. N'est-ce pas à l'intérieur de l'Empire que le christianisme est né, qu'il a conquis ses premières victoires, formé sa hiérarchie et, dans une certaine mesure, mûri sa doctrine ?..."
Oui, comme l'écrit si justement et si magnifiquement Raymond Bloch, auteur de la belle et courte préface de ce livre magistral :
"...C'est bien le visage de Rome dont, en fermant son livre, on voit se dessiner, en pleine lumière, les traits. Une civilisation urbaine, mais élaborée par des hommes qui aimaient profondément la terre et se posaient en paysans; une mentalité concrète et juridique mais, sans cesse, l'appel du mystère et du divin; une conception étroite, tout d'abord, et même tyrannique de la cellule familiale, mais un constant pouvoir d'accueil à l'égard de l'étranger, de ses hommes et de ses Dieux et la constitution progressive d'une véritable patrie humaine, tel est le tableau prenant d'une civilisation sans laquelle, comme il est dit justement, rien de ce qui existe n'eut été ce qu'il est. L'empreinte laissée par Rome est lumineusement définie et l'ouverture sur le présent fait ressortir tout l'héritage dont nous lui sommes redevables" (signé : Raymond Bloch, Paris, le 30 Mars 1981).
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