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L'article de La Tribune (sur l'Hélicoptère NH90, entre autres sujets...)

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LA TRIBUNE - Airbus a annoncé des difficultés pour les livraisons des avions commerciaux. Est-ce que ces difficultés mettent sur Airbus Helicopters une pression supplémentaire pour tenir ses objectifs financiers de 2024 ? Estimez-vous possible de maintenir une profitabilité au-dessus de 10 % comme c'est le cas jusqu'ici ?
BRUNO EVEN : Non, je n'ai pas une pression supplémentaire. J'ai comme philosophie de toujours tout faire pour tenir les engagements que je prends. Donc évidemment, c'est notre objectif. Nous avons démontré ces dernières années qu'Airbus Helicopters était sur un marché qui pouvait délivrer des perspectives de croissance profitable. Pour 2024, je vise les objectifs annoncés et, pour les années à venir, je confirme cette trajectoire. Ce qui ne veut pas dire que c'est un long fleuve tranquille. Mais, notre rôle est de contribuer à la performance globale du groupe et de se donner les moyens de continuer à investir dans les hélicoptères, notamment dans l'innovation.

 

Vous restez sur un objectif d'au moins 10% d'Ebit.
Nous avons atteint cet objectif l'année dernière. C'est une très belle réussite. Je l'avais fixé comme un objectif majeur pour démontrer que le business des hélicoptères est un business de croissance et un business profitable. Cette profitabilité nous donne la capacité de continuer à investir. Airbus Helicopters a ces dernières années eu une trajectoire positive malgré un marché difficile. Notre enjeu était de croître en parts de marché. Nous avons réussi à l'augmenter pour deux raisons : nous avons travaillé sur notre compétitivité et nous avons continué à investir sur nos produits. Actuellement, le marché évolue positivement et nous avons les bons produits au bon moment. Un cercle vertueux que je souhaite continuer à développer pour Airbus Helicopters.

Pour autant, on constate que le niveau de livraisons au premier semestre 2024 (124) est inférieur à celui de 2023 pour la même période en 2023 (145). Comment l'expliquez-vous ? Est-ce un problème de supply chain comme pour Airbus ?
Toute l'industrie aéronautique doit faire face aux mêmes enjeux aussi bien en Europe qu'aux États-Unis. Donc oui, nous avons une supply chain qui souffre. On parle de la fin du COVID-19, mais l'industrie aéronautique subit aujourd'hui encore une troisième vague des effets du COVID-19 : la supply chain, qui a été fortement impactée par la baisse d'activité au moment de la pandémie, s'est organisée et repliée. Mais, depuis plusieurs mois, elle doit subitement faire face à un ramp up important et à une reprise d'activité concomitante dans tous les segments aéronautiques. Airbus Helicopters y fait face mais ce contexte a pesé sur notre performance en termes de livraisons au premier semestre 2024, qui a été en dessous de nos objectifs. Et puis nous sommes également confrontés à un élément plus conjoncturel : nous nous développons beaucoup sur le marché militaire. Nous avons introduit de nouveaux appareils sur le marché comme le H160 et le H175. Airbus Helicopters est dans une phase où nous mettons en service différentes configurations de ces appareils (développements, qualifications, certifications...). Cela impacte l'exécution de nos livraisons mais elles sont concentrées sur la deuxième partie de l'année. Je compte évidemment atteindre les objectifs fixés, une croissance des livraisons par rapport à 2023. Je reste sur cette trajectoire.

Combien d'hélicoptères voulez-vous livrer en 2024 ?
Je n'ai pas donné de chiffre par rapport aux 346 de 2023. On a globalement une trajectoire à deux/trois ans où Airbus Helicopters doit livrer plus de 400 appareils. Nous sommes bien sur une trajectoire de croissance.

Objectif de plus de 400 livraisons d'hélicoptères en 2027 ?
En effet, en 2027, nous devrions être au-dessus des 400 hélicoptères par an. Le H160 fait partie de notre moteur de croissance. Nous l'avons certifié en Europe et aux États-Unis ainsi qu'au Brésil, Japon. On souhaite le certifier en Chine dans les mois qui viennent. Nous sommes dans une phase de croissance en termes de livraisons pour le H160. Le H175 également. Cet appareil a eu une période un peu difficile ces dernières années en raison du marché de l'énergie, qui était à un point bas. Là, on constate que les ventes du H175 reprennent vraiment très bien. Le H145 marche bien, il est tiré aussi bien par le marché civil que militaire. Il a un positionnement unique dans la gamme. On compte livrer plus de 120 H145 par an. Ce qui  montre toute la croissance qu'on attend. Enfin, l'Ecureuil continue de bien se porter. Nous sommes donc dans un marché avec des tendances positives.

Vous confirmez la reprise du marché civil et militaire...
... nous sommes sur une trajectoire de croissance mondiale du marché de l'hélicoptère à plus 15 % sur le civil et le militaire par rapport à 2023. C'est majeur. En 2024, on a dépassé le niveau de 2019. Et on s'attend à ce que cette croissance se poursuive ces prochaines années en prises de commandes et en nombre d'heures de vol. La flotte en service est déjà au-dessus de 2019. Nous sommes bien sur un marché porteur.

Quels sont les moteurs du marché ?
Le militaire, le contexte géopolitique, l'augmentation des budgets de défense. On rentre dans la phase où les programmes se lancent. Dans le civil, le marché de l'énergie reprend également après dix années d'absence d'investissement. Il y a aujourd'hui un besoin de renouvellement des flottes. Le parapublic se développe lui aussi. Notamment dans le médical (EMS) où on constate une reprise aux Etats-Unis ainsi que le marché gouvernemental. Tous ces marchés nous donnent de la visibilité. D'où l'enjeu d'exécution et de travailler avec la supply chain. Nous suivons de près le nombre de nos fournisseurs critiques. Il tend à diminuer. Ce qui veut dire qu'on est sur une trajectoire d'amélioration.  En revanche, certains fournisseurs critiques le restent avec des problématiques en profondeur importantes.

Vous évoquez une reprise du marché mais le H160 a dû mal à décoller (une seule commande au premier semestre). Les retards de livraisons ont-elles provoqué un attentisme de la part des clients ?
Le retour du marché pour cet appareil est très positif. Nous discutons avec beaucoup de clients pour des appareils VIP, pour des opérations de Search and Rescue pour la Marine nationale ou, enfin, dans le domaine de l'énergie. Tous les clients sont unanimes par rapport à la qualité de l'appareil (confort, bruit, performances en termes de réduction de CO2, compétitivité...). C'est très rassurant. Mais Airbus Helicopters fait face au défi de monter en cadence avec l'arrivée d'un nouvel appareil. Nous avons un carnet de commandes important pour cet appareil et nous devons monter en cadence. Aujourd'hui, un client, qui veut acheter un H160, sera livré dans plus de deux ans, au lieu habituellement entre 12 et 18 mois. Ces délais de livraison peuvent être un frein à de nouvelles commandes. Mais cela n'enlève pas mon optimisme sur le fait que le H160 arrive au bon moment et va prendre des parts de marché qu'il doit prendre sur le marché. Le marché a aujourd'hui besoin de cet appareil, en particulier sur le marché civil. Et puis, on est dans une situation où l'offre est très restreinte avec l'AW139 avec ses limites. Le marché a donc besoin d'une seconde source. Le H160M répondra également à la demande sur le marché militaire pour un appareil de cette taille polyvalent et doté des toutes dernières technologies.

Mais ne faut-il pas une deuxième chaîne d'assemblage pour réduire les délais de livraisons ?
On s'organise actuellement en étant le plus agile et flexible possible. Par exemple, nous sommes passés d'un pic de livraisons du H225 il y a deux trois années à une baisse significative. On est en train de réorganiser la chaîne H225 pour l'adapter au marché et nous libérons de la capacité. On en a profité pour dupliquer les chaînes du H160 et les chaînes du H175 pour être capable de livrer plus.

Le H225 est en train de faire une super année en matière de commandes avec les commandes de la Bundespolizei (44 appareils), l'Irak (14), bientôt les Pays-Bas (12)... Estimez-vous que le H225 a trouvé un nouveau souffle ?
Je suis toujours élogieux parce que c'est un hélicoptère exceptionnel, qui a un positionnement unique sur le marché civil. Le contrat signé avec la Bundespolizei est majeur par le volume qu'il représente, par la visibilité industrielle qu'il donne, et par sa dimension stratégique. Nous avons gagné face au S92 de Sikorsky. Ce succès du H225 questionne donc sur la capacité du S92 à rester sur le marché. Aujourd'hui ce contrat positionne le H225 comme l'unique hélicoptère lourd certifié sur le marché civil. Et c'est majeur. Il couvre également les besoins VIP, de Search and Rescue ainsi que des besoins pour le marché de l'offshore qui requiert des missions avec un rayon d'action important au-delà de 200-250 nautiques. Le H225 est la réponse. D'ailleurs, nous avons également obtenu trois commandes de H225 en début d'année de la part des Japan Coast Guard. Cet appareil va continuer à se vendre sur le marché civil et sur le marché militaire.

Justement sur le marché militaire, le H225M séduit de plus en plus face au Black Hawk. Qu'est-ce qui fait la différence ?
Il a un positionnement unique par sa capacité d'emport (11 tonnes). Il peut embarquer 26 commandos. Il a également un long rayon d'action avec possibilité de le ravitailler en vol. Nous faisons évoluer ces capacités d'emport d'armements et ces missions selon les contrats signés. Il a une polyvalence et une diversité d'actions qui fait qu'il est très compétitif sur le marché. Il n'a pas vraiment de concurrent sur son segment. Le Black Hawk n'a qu'une capacité de neuf tonnes et son rayon d'action est bien inférieur à celui du H225M.

Vous avez beaucoup de prospects en cours pour le Caracal...
Nous sommes dans un bon momentum. Au-delà de l'Irak, nous sommes toujours en négociation aux Pays-Bas. J'espère avoir de bonnes nouvelles d'ici la fin de l'année. Aux Émirats Arabes Unis, le contrat est toujours en vigueur. Je ne commenterai pas plus les discussions qu'on peut avoir avec le client. En Équateur, nous avons signé cet été un contrat pour la livraison de cinq H225 d'occasion. Ce pays s'ajoute à la liste des nouveaux clients du Caracal. Nous avons une très bonne dynamique et on va relever les compteurs à la fin de l'année. On pourrait avoir une très belle année pour le H225, qui va donner de la visibilité industrielle. Nous continuerons de le produire et de le vendre en 2040 et au-delà.

Sur le H175M, vous avez refusé de prendre part à la compétition en Grande-Bretagne. Qu'attendez-vous maintenant ?
Stratégiquement pour Airbus Helicopters, lancer une version militaire du H175 est plus que jamais valable. Cette stratégie est basée sur des produits duaux qui ont eu des succès avec le H145M, le H225M et bientôt le H160M qu'on développe pour les armées françaises et qu'on proposera à l'export. Pourquoi est-ce une stratégie gagnante ? Elle vise à développer les synergies, qui nous donnent du volume industriel, de la compétitivité et qui nous donne sur ces marchés cycliques, de la stabilité dans la production. Avoir une version militaire du H175 est stratégiquement important pour l'appareil, pour compléter le marché cible. Par rapport au marché militaire, le H175M aura une configuration qui lui donnerait un positionnement clé sur le segment des appareils de transports de troupes de huit tonnes avec un rayon d'action de 600 nautiques miles. Notre ambition est de développer une version militaire du H175 qui n'est pas liée à une campagne en particulier.

Pas de regret de ne pas être allé sur la campagne britannique ?
Avec la campagne NMH en Grande-Bretagne, nous avions l'opportunité de développer une configuration multiple dès le départ, avec un schéma industriel important en Angleterre. Mais nous avons considéré que les conditions de succès n'étaient pas au rendez-vous par rapport aux critères de l'appel d'offres, à la fois en termes de calendrier, à la fois en termes d'exigences de performance, et à la fois en termes de critères et de valorisation de l'effort industriel. Nous avons considéré que les conditions n'étaient pas au rendez-vous à par rapport à ce que nous avions anticipé. Et quand on se lance dans une campagne, c'est pour gagner. Tout comme Lockheed Martin, nous avons pris cette décision. Ce qui n'a pas été de gaieté de cœur. Mais je ne suis pas convaincu que c'est la fin de l'histoire. D'autant que les Puma britanniques qui ont été « rétrofités » il y a une dizaine d'années, peuvent continuer à voler jusqu'en 2035.

Avez-vous des pistes pour rebondir ?
Nous avons toujours des propositions pour la Grande-Bretagne. Chez Airbus Helicopters, on bâtit  notre confiance avec nos clients sur le respect de nos engagements. A partir du moment où nous avons considéré que les conditions de tenir nos engagements n'étaient pas possibles, nous avons préféré, en transparence, l'exprimer sur le marché. Nous continuons à travailler sur le développement du H175M. Dernièrement, nous avons réalisé des essais en vol en Arabie Saoudite pour démontrer sa capacité par temps chaud et en altitude. La version militaire de cet appareil est parfaitement adaptée à l'environnement de ces régions. Nous travaillons en Arabie Saoudite en particulier pour démontrer que l'appareil répond aux besoins opérationnels. Nous aurons également l'occasion de proposer un package industriel intéressant qui s'inscrit dans la vision 2030 de ce pays.

Les Saoudiens sont très intéressés...
D'autres clients également.

Le NH90 évolue dans un environnement négatif ces dernières années avec des déboires en Norvège, en Australie. La fin du tunnel est-elle en vue ?
Ce qui fait le marché à la fin, c'est le produit. Et derrière le produit, il y a évidemment sa compétitivité, ses performances, sa disponibilité. Le NH90 est un programme absolument exceptionnel même si je ne nie pas les difficultés qu'il a pu rencontrer au départ. Aujourd'hui, nous livrons à l'heure systématiquement. En termes de support de l'appareil, on constate que les efforts portent leurs fruits. Nous travaillons avec nos clients pour leur apporter des solutions et s'assurer que les ressources humaines sont disponibles pour être capables de faire face à l'activité de maintenance. Et la disponibilité des appareils s'améliore. La tendance est positive. Attention à ne pas tirer de conclusions trop hâtives sur la base de décisions prises par l'Australie et la Norvège qui sont liées soit à des contextes politiques spécifiques, soit à des difficultés passées. Il faut prendre en compte cette évolution nouvelle.

Concrètement, quelle est la dynamique pour le NH90 ?
Nous continuons de faire évoluer le NH90, notamment à travers le standard II pour les forces spéciales en France, et le programme Block 1 signé récemment par l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. Il s'agit d'un important contrat d'évolution pour moderniser le NH90, par rapport à des sujets de connectivité, de liaison 22 en particulier pour les versions marines, qui va donner une nouvelle capacité au NH90. L'hélicoptère NH90, c'est l'hélicoptère du futur, qui sera en service pour les 40 ou 50 ans qui viennent. Contrairement aux Black Hawk et Sea Hawk qui sont des hélicoptères du passé. Soyons clairs. Nous constatons que sur le marché de la Marine, notamment pour des missions de lutte anti-sous-marine il y a un très bon momentum.

Pouvez-vous donner des exemples ?
Les Pays-Bas viennent de confirmer l'achat de plusieurs NH90 Marine. C'est bien la preuve que ces hélicoptères sont performants et apportent des capacités stratégiques. Sur le marché export, nous sommes sur une très bonne dynamique. Nous sommes en discussion avec de nombreux clients pour le NH90 dans toutes les régions du monde. Le Qatar, qui l'a introduit récemment dans ses versions Marine et Terre et qui bénéficie de taux de disponibilités très élevés, est très élogieux vis à vis du NH90 et cela donne des idées à beaucoup d'autres clients potentiels. Le Qatar nous permet d'avoir aujourd'hui une configuration mature. Aujourd'hui, un nouveau client qui achète le NH90 bénéficie d'une configuration mature, moderne avec un niveau de performance unique. Grâce à l'investissement qui a été réalisé et grâce à un schéma support nettement amélioré et sur lequel on est en mesure, dès l'entrée en service, d'assurer des niveaux de disponibilité de flotte élevés.

Quels sont les challenges devant vous pour le NH90 ?
Nous travaillons de manière très étroite avec la Marine française pour continuer à améliorer la disponibilité. On a un plan d'action très ambitieux. On va livrer les derniers rétrofits initiaux en 2025, c'est bien la preuve qu'on s'améliore sur ce point. Et puis on a un plan d'action solide en termes de logistique, en termes de maintenance, en termes de ressources humaines avec la Marine, où on commence à constater - je suis très humble - une première tendance positive sur cette deuxième partie de l'année 2024. Il faut rester humble et confirmer cette bonne tendance en 2025. Mais on n'y est pas encore et on ne lâchera pas. La Marine le sait. Mais je veux le répéter, on ne lâchera pas tant qu'on n'est pas à l'objectif attendu.

Pouvez-vous étayer l'effort que vous avez fait sur le support par des chiffres ?
Je peux prendre un exemple. La décision qu'a prise NHI - Airbus Helicopters, Leonardo et Fokker - de racheter à l'Australie la majeure partie de ses stocks de pièces détachées et des pièces détachées des hélicoptères pour améliorer le support des autres clients. D'ici le premier trimestre de l'année prochaine, ces pièces seront physiquement rapatriées chez nous en Europe et seront progressivement mises à disposition de nos clients après les avoir vérifiées. C'est un investissement sur fonds propres de plusieurs centaines de millions d'euros. Ça montre tout notre engagement et notre détermination à améliorer de manière pérenne le support du NH90 .

Quelle est l'amélioration de la disponibilité des NH90 ?
La situation est différente pour chaque client, et nombre d'entre eux ont des taux de disponibilité très élevés ou atteignent leurs objectifs d'heures de vol. Les actions d'amélioration mises en place par NHI sur la chaine d'approvisionnement des pièces détachées, la simplification du plan de maintenance et l'amélioration de la fiabilité portent leur fruits. L'exemple le plus marquant est probablement la Suède, où en l'espace de deux ans, les heures de vol de la flotte suédoise de NH90 ont augmenté de plus de 60% !

Les difficultés de dialogue entre Airbus Helicopters et Leonardo sur le NH90 sont-elles de l'ordre du passé ?
Moi, je n'ai jamais eu de relations difficiles sur le NH90. Pour moi, c'est du passé au sens où Leonardo, comme Airbus, est engagé sur le NH90. Leonardo voit le bénéfice d'avoir un programme qui est « successful » et qui a du succès sur le marché à l'export. Le futur du NH90 passe par l'export et donc passe par un travail commun entre partenaires. Je constate cet engagement tous les jours. Après, nous sommes compétiteurs sur le reste du marché. C'est cette ambivalence ou cette schizophrénie qu'il faut gérer. Mais sur le NH90, on est main dans la main avec Leonardo.

Sur les drones, quelle est la stratégie d'Airbus Helicopters après l'acquisition d'Aerovel ?
Nous sommes principalement engagés sur le marché des drones militaires ou gouvernementaux. Ça ne veut pas dire qu'on exclura des applications civiles, mais nous sommes sur des segments, par notre positionnement, de haute valeur ajoutée. Nous ne sommes pas sur le segment des commodités. La raison pour laquelle nous nous sommes engagés stratégiquement est double. D'abord parce que nous croyons au développement de ce marché, en particulier des drones tactiques, et nous croyons à la valeur ajoutée qu'Airbus Helicopters peut apporter sur ce marché. Deuxièmement - et c'est une leçon de l'Ukraine -, je suis convaincu que notre offre hélicoptères dans le futur devra être une offre globale. Je suis convaincu de plus en plus que nous devrons proposer des solutions globales qui complètent les missions des drones et des hélicoptères. C'est pour cette raison stratégique que nous devons nous développer sur le drone à la fois pour développer et créer un marché nouveau pour Airbus Helicopters et à la fois pour renforcer notre compétitivité aussi sur les hélicoptères.

Et en même temps, les commandes n'arrivent pas...
 ... Vous avez en tête le VSR700. Je suis vraiment très positif par rapport à ce qu'on a su démontrer en termes de capacités à travers les essais en mer sur une  frégate l'année dernière. Nous avons un positionnement unique. Mais je suis toujours dans l'attente de la confirmation dans le cadre de la loi de programmation militaire, d'une commande côté État français, côté Marine, qui tarde. Là où le besoin est pourtant très fort, là où nous avons démontré les capacités et là où la France s'est fixé un objectif très clair de développer des compétences et de développer une industrie en France. J'avoue que je suis surpris de voir que là où on a un produit, on a des compétences, on a un besoin, on tarde à prendre une décision.

A quel horizon, le VSR700 peut-il être disponible ?
Nous avons une première offre disponible. Nous l'avons démontré l'année dernière. Nous voulons pouvoir l'introduire en service au plus tôt. Nous nous engageons à ce qu'en 2027 nous ayons une offre disponible. Mais plus la décision tarde, plus je crains que cette échéance ne se décale. Nous sommes sur un horizon à très court terme. Nous sommes sur une approche incrémentale.

La France pourrait-elle ne pas commander le VSR700 dans le cadre du programme SDAM ?
Je n'imagine pas que le client France n'y aille pas. Ce que je constate, c'est que la décision n'est toujours pas prise. Dans un contexte où on a beaucoup parlé d'économie de guerre, Airbus Helicopters a su démontrer sur ce projet qu'on s'inscrivait pleinement dans l'économie de guerre. Sur le VSR700, nous avons investi plus de deux tiers sur fonds propres sur la base d'un besoin opérationnel exprimé. Nous avons pris nos responsabilités, nous nous sommes engagés. Nous ne sommes pas sur un projet où nous attendons tout de la part de notre client. C'est une brique essentielle dans le cadre de cette feuille de route qui vise à renforcer la compétitivité d'Airbus Helicopters

Avez-vous des pistes pour le VSR700 à l'export ?
Je suis convaincu qu'il se développera et qu'un succès en France sera aussi le point de départ à l'export. Je constate beaucoup d'attentes à l'export mais beaucoup de clients export attendent une commande de la Marine nationale. C'est souvent l'enjeu pour l'industrie française d'avoir un message fort de la part de son client national. Mais on ne bâtit pas une stratégie sur un seul produit. Nous avons réalisé l'acquisition d'Aerovel avec le Flexrotor qui est vraiment un concept très innovant. On parle d'un drone de 25 kg, une charge utile de 7 ou 8 kg, donc un rapport masse-charge utile unique sur le marché par rapport à une autonomie qui peut être de l'ordre de 12 à 14 h et un rayon d'action qui est de l'ordre de 100 km. Les missions du Flexrotor compléteront celles du VSR700. Nous complétons notre offre de drones en tant que telle et, en parallèle, nous travaillons évidemment sur la feuille de route de la collaboration drone-hélicoptère.

L'hélicoptère de combat garde-t-il toute sa place dans le combat à haute intensité avec l'arrivée des drones ?
L'Ukraine confirme le besoin d'hélicoptères sans ambiguïté par rapport à la polyvalence et à la diversité des missions qu'il peut apporter, notamment dans toutes les missions support en retrait du front. Quand il y aura une saturation au niveau de la ligne de front, cela renforcera l'engagement de l'hélicoptère en « stand off », qui est beaucoup mobile. Nous devons travailler avec nos clients sur des armements à plus grand rayon d'action. C'est un des points sur lesquels il faudra se développer dans le futur. En même temps, tous les combats et les champs de bataille futurs ne seront pas comme en Ukraine. On continuera d'avoir des engagements sur la base de ce qu'on a connu en Afghanistan ou au Mali. L'hélicoptère peut apporter dans la zone de contact grâce à sa capacité à voler en vol tactique et à voler de nuit. Et c'est pour cela qu'on continue d'investir dans le Tigre MK2+ qui renforcera cette capacité pour être capable de rentrer dans la profondeur.

Comment organiser la collaboration drone/hélicoptère ?
Le combat de haute intensité va renforcer l'engagement des drones dans la zone de contact pour éviter l'attrition. Il faut donc renforcer le besoin de collaboration entre hélicoptères et drones. Il faut voir le drone comme l'extension de l'hélicoptère pour des missions de surveillance et pourquoi pas pour des missions armées. Tout cela va nécessiter des besoins en connectivité, en échanges d'informations, mais également de pilotage de la trajectoire du drone. Nous travaillons très fortement sur ces sujets. On a déjà réalisé des démonstrations à partir d'un H145. Nous l'avons également réalisé dans le cadre d'un projet européen, Musher, qui a démontré la collaboration entre un hélicoptère H130 et un VSR700. C'est un axe de développement stratégique fort sur lequel nous investissons. Nous travaillons également sur la dronisation de notre gamme d'hélicoptères. Nous avons été sélectionnés par les Marines Corp américains sur une première phase pour proposer une dronisation du H145. Nous travaillons pour être capable d'être sélectionné pour la deuxième phase.

Sur la disponibilité des flottes d'hélicoptères, avez-vous des résultats après tous les efforts engagés ?
D'une façon générale, depuis la réforme du MCO (maintien en condition opérationnelle) et la mise en place des contrats verticaux sur les flottes Cougar, Caracal, Tigre, nous sommes sur une dynamique positive avec une amélioration de la disponibilité moyenne de 50%. Sur le NH90, aujourd'hui on est au niveau de disponibilité attendu par l'armée de Terre (heures de vol). Elle a été significativement améliorée. Et nous sommes capables de monter le curseur si besoin s'en fait sentir dans le futur. Nous nous améliorons très fortement et je vois vraiment tout le bénéfice de toute la réforme du MCO qui a été mise en place.

Qu'attendez-vous de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) ?
Pour les hélicoptères, la LPM répond à trois enjeux. Le premier est un enjeu d'exécution et de livraison par rapport aux capacités opérationnelles. Il s'agit tout d'abord de renouveler un certain nombre de flottes, en particulier la flotte Puma. Nous livrerons des Caracal et des NH90 à l'armée de Terre, qui a commandé huit NH90 l'année dernière. Ces livraisons permettront également d'homogénéiser les flottes : l'armée de l'Air se concentre sur le Caracal et l'armée de Terre sur le NH90. Et puis un deuxième enjeu, qui est collectif entre nos clients opérationnels et Airbus Helicopters : s'assurer que nous avons la bonne réponse capacitaire et les bons produits pour adresser les défis de 2050-2060. Je considère que la LPM y répond également avec le lancement des nouveaux programmes d'hélicoptères. Pour autant de programmes en même temps ? Pendant plus de 20 ans, il n'y a pas eu de nouveau programme d'hélicoptères et tout arrive au même moment.

Y compris du Tigre Mark2+ ?
Le Tigre MK2+ vise à étendre la capacité de l'appareil au-delà de l'horizon 2045-2050 avec toutes les capacités supplémentaires. C'est également le NH90 Standard 2 avec des capacités particulières pour les forces spéciales. C'est enfin le HIL (Hélicoptère Interarmées Léger à partir du H160) là encore, avec finalement le renouvellement et l'harmonisation des flottes avec l'introduction d'un appareil unique, le H160M avec toutes les capacités Marine, Terre, Air. Enfin, troisième enjeu, les nouveaux défis tels que les drones.

Airbus Helicopters prépare l'avenir avec notamment le démonstrateur Racer, qui vole à des vitesses impressionnantes. Y a-t-il un potentiel dans le domaine civil ?
Le Racer vole à 220 nautiques, qui sont l'objectif de vitesse qu'on s'était fixé. Nous l'avons atteint en sept vols et 9 heures de vol. Ce qui est exceptionnel et cela montre la maturité de l'architecture de l'appareil. On se fixe un objectif d'atteindre 240 nautiques en croisière. Le potentiel de l'architecture du Racer est impressionnant. Pour le civil, je n'y crois pas. Ce type d'appareil est destiné au marché militaire. C'est toute la question de la grande vitesse. Les Américains ont pris cette orientation en raison du contexte géopolitique dans le Pacifique. Cela peut expliquer le focus qu'ils mettent sur la grande vitesse par rapport à l'enjeu de relier les différentes îles.

Mais en Europe ?
C'est toute la question. Quels sont dans les années qui viennent les futurs besoins des appareils militaires ? Il y a cette réflexion NGRC (Next Generation Rotorcraft Capability) qui est lancée dans le cadre du groupe OTAN. Il y a une liste d'exigences qui sont exprimées, parmi lesquelles la grande vitesse, mais aussi la connectivité, la survivabilité, la compétitivité. Nous avons répondu sur la base d'un premier concept avec plusieurs réponses. Ces exigences sont contradictoires et nous considérons que la réponse sera la combinaison d'appareils traditionnels qui devront évoluer, type NH90, ou alors de nouveaux concepts si la grande vitesse devait se confirmer. Nous avons répondu sur la base de concepts de type « compound », RACER ou évolués. Compound ? On garde les capacités de l'hélicoptère avec un rotor avec un vol vertical statique et on y ajoute de la performance en croisière avec des « pushers », avec des petites ailes. Cette combinaison donne de la performance en vitesse de croisière tout en gardant les performances traditionnelles d'un hélicoptère.

Ce qui n'est pas l'option prise par les industriels américains.
Les Américains sont partis sur le tilt rotor. La question à laquelle nous devons  répondre n'est pas : est-ce qu'on est capable de faire voler rapidement un appareil ? Mais à quel prix ? Il y a des exigences de vitesse mais aussi de maniabilité, de fiabilité et de prix d'acquisition. Je considère que le concept du tilt n'est pas le meilleur optimum et compromis. Il a un coût en masse, en fiabilité, en maniabilité et un coût en acquisition. Je vois le tilt comme un marché de niche, je ne le vois pas comme étant la réponse à un besoin global du marché tel qu'on le voit sur les hélicoptères avec le volume associé. Et notre réponse pour la grande vitesse se base plutôt sur un concept de type Compound Racer qu'on est prêt à faire évoluer pour prendre en compte des spécificités militaires. Le Racer vole déjà à 220 nautiques, voire 240. Le tilt offre une capacité de 270 nautiques. Nous sommes donc très proches de ce type d'approche mais pour des compromis bien plus opérationnels et acceptables. Je vais beaucoup pousser, si la grande vitesse devait être confirmée, un concept de type Racer Compound associé à une évolution des hélicoptères plus traditionnels (Tigre MKII+, Caracal et NH90).

Et le programme européen ENGRT (EU Next Generation Rotorcraft Technologies Project) ?
En parallèle de NGRC, on travaille avec Leonardo dans le cadre du Fonds européen de défense sur un deuxième volet de l'ENGRT2. Ce programme européen doit nous permettre de préparer les technologies qui seront la base d'un nouvel appareil, soit un upgrade majeur d'un hélicoptère tel que le NH90. Cela supposera de développer des briques technologiques innovantes, un nouveau concept et une nouvelle architecture.

L'alliance Bell-Leonardo sur le tilt rotor marginalise-t-elle Airbus Helicopters ?
Pas du tout. Au contraire, cela nous positionne comme étant l'acteur au cœur d'une réponse européenne. Bell et Leonardo croient au tilt rotor. À eux de faire leurs preuves. Nous proposons une autre solution. Nous sommes au stade itératif où nous apportons ces éléments de réponse pour aider nos clients militaires européens à mûrir leurs besoins. Nous avons notre rôle à jouer  avec d'autres partenaires. Ma responsabilité est de préparer la réponse technologique pour qu'Airbus Helicopters soit capable de répondre à différentes opportunités tant qu'elles ne sont pas tranchées.

 

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