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  • Traditions militaires, la prochaine bataille ?

    Salle des drapeaux, appelée familièrement « de la couronne », au Service historique de la Défense, château de Vincennes

    Par Thierry de Cruzy

    Dans un rapport parlementaire rendu public le 27 mars, les députés Christophe Lejeune (LREM) et Bastien Lachaud (FI) s’attaquent aux traditions militaires sous prétexte de lutter contre les discriminations.

    Les députés dénoncent le caractère religieux de certaines fêtes ancrées dans les traditions : « Nous croyons utile de veiller à un strict respect de la neutralité. La laïcité et la neutralité prémunissent de tout mélange des genres préjudiciable à la cohésion du groupe ». Leur objectif n’est pas seulement les traditions, ni la religion.

    Contre la croix et le croissant ?

    Pour eux « Les moyens généraux sont en effet trop souvent utilisés pour envoyer des invitations à des cérémonies catholiques. Il n’est pas rare que le courriel d’invitation à la messe en l’honneur du saint patron soit envoyé depuis la boite mail de l’unité ou depuis celle du commandant. » On se croirait revenu aux temps de l’affaire des fiches avec la chasse aux officiers allant à la messe. Dans cette logique, les députés devraient interdire les insignes avec des croix : latine (7e Brigade blindée, 1er RI, 1er RHP, …), lorraine (2e Brigade blindée, 9e DIMa, RICM, 13e DBLE, commandos marine, …). Les décorations, comme du temps des héritiers de la Révolution, devront uniquement être des croix à cinq branches sur le modèle de la Légion d’honneur. Ils ne devront pas oublier les autres symboles confessionnels comme le croissant, la croix d’Agadès ou l’étoile chérifienne. Car l’armée française respecte les croyances des soldats qui combattent dans ses rangs. La sacralisation de ses symboles n’est pas seulement l’expression de croyances, elle est légitimée par le sang des soldats. Le culte du sang et des morts est le ciment des armées. Il est sur les autels catholiques comme il est à l’Arc de triomphe dans sa forme d’autel (4 pieds et 1 plateau), les noms gravés sur ses faces et la flamme du Soldat inconnu régulièrement ranimée. « Sans le cérémonial, tout meurt » a dit Jean Cocteau, y compris l’autorité elle-même.

    Les traditions militaires ne font que refléter celles du pays. Les éliminer serait comme détruire des forteresses immatérielles, effondrant un dispositif aussi invisible qu’indispensable de l’outil de défense. Comme le fait remarquer le Gal Pinard-Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française : « C’est ignorer l’importance que revêt l’esprit de corps au combat et qui est fondé pour une large part sur le culte des valeurs et des traditions. » Il faut être bien étranger aux questions militaires pour ne pas mesurer ce que représente la Saint-Michel pour les parachutistes ou Noël pour les légionnaires.

    Les grandes manœuvres contre les traditions

    L’armée est régulièrement la cible d’offensives destinées à saper la cohésion des troupes, quelques exemples parmi les plus récents : novembre 2018, opération de débaptisation de la promotion Général Loustaunau-Lacau des élèves-officiers de l’Ecole spéciale militaire ; septembre, reconnaissance par le Président de la République « que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires » ; mars, campagne contre les agissements sexistes au lycée militaire de St-Cyr-l’Ecole.

    Encore une fois, ce sont les traditions de l’ESM qui sont dans le collimateur de ces deux députés : « On peut citer aussi la journée de cohésion, organisée au Mont Saint-Michel par les saint-cyriens, et qui donne lieu à un baptême du sabre ou du casoar. Dans une telle journée, dont l’acmé est manifestement cette cérémonie, on peut s’interroger sur la possibilité de s’éclipser pour manifester sa différence. Autre incongruité : la participation des saint-cyriens à une cérémonie d’accueil de l’anneau supposé de Jeanne d’Arc au Puy-du-Fou ! ». Les écoles sont les cibles privilégiées de ces attaques car les traditions militaires y sont enseignées et transmises aux plus jeunes, ceux qui formeront l’armée de demain. Leurs traditionnels bahutages excitent périodiquement les garants de valeurs républicaines. Ainsi lancée au sein de l’Assemblée nationale, cette offensive vient soutenir toutes les précédentes. Et ce n’est pas un hasard si elle s’en prend ainsi à certaines des plus anciennes mémoires françaises, en effet, ces traditions militaires sont entretenues par des “familles tradi”, transmises et entretenues à travers les générations, les plus anciens ayant quitté le service depuis longtemps restant en contact avec ceux qui sont sous les armes, ainsi qu’avec ceux qui s’y destinent. Ces lignées mémorielles, qui n’ont rien de confidentiel mais n’ont pas vocation à être médiatisées, assurent la transmission de valeurs professionnelles françaises transcendant les individus comme les institutions. En affaiblissant ces structures, c’est toute l’armée qui perdrait en efficacité, ces députés peuvent l’ignorer, pas ceux qui les commanditent.

    La haine de l’ordre

    Ainsi ces campagnes ne sont que l’expression de la vieille haine contre le monde militaire et l’ordre qu’il représente, en 2013 celle du compagnon de Cécile Duflot très fier de boycotter l’invitation au défilé du 14 Juillet pendant que la ministre distribue son quota de Légions d’honneur ; celle des porteurs de valises des terroristes du FLN pendant la guerre d’Algérie ; celle des militants communistes partant, au cours des hostilités, conseiller l’encadrement des camps viet-minhs au taux de mortalité supérieur à celui des camps nazis ; celle du PCF en 1939 avec les sabotages et désertions alors que le pays est en guerre.

    Les traditions militaires ont été élaborées par ceux qui acceptent l’éventualité de la mort pour défendre le pays. Un risque qui n’est pas inhérent à toutes les professions. Bien éloigné des préoccupations matérielles ordinaires, il impose certaines règles moyennant la liberté d’adopter une conception surnaturelle de l’existence.

    Les traditions militaires ne sont pas constituées d’éléments interchangeables au gré de majorités politiques volatiles. Elles ne sont pas adoptées par un quelconque vote, elles ne peuvent pas être mises à jour comme un simple logiciel, pas plus qu’elles ne seraient disponibles “sur étagère”. A l’instar des monuments, les traditions s’inscrivent dans la mémoire longue des peuples, résultat de consensus collectifs que le législateur ne peut que désorganiser. Les mêmes politiques qui ont supprimé les frontières pour mettre les soldats dans les rues relancent les hostilités contre les traditions militaires, la longue mémoire de l’armée, l’ossature de sa cohésion. Ils mènent l’attaque depuis l’Assemblée nationale avec un député de la majorité présidentielle. Ce n’est donc pas un combat de rencontre.   

    Thierry de Cruzy

  • Maurras et le Fascisme [6]

    Mussolini, 1923 

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Mussolini a justifié son attitude par un article prophétique, quand on songe qu’il date de 1915 : « Notre intervention a un double but : national et international... Elle signifie : contribution à la désagrégation de l’empire austro-hongrois, peut-être révolution en Allemagne et par un contrecoup inévitable, révolution en Russie. Elle signifie, en somme, un pas en avant pour la cause de la liberté et de la révolution...» Et le 12 juin 1914 déjà : « Nous comprenons les craintes du réformiste et de la démocratie devant une telle situation. » 

    Après la victoire, il pourra affirmer : « Nous, les partisans de l’intervention, nous sommes les seuls à avoir le droit de parler de révolution en Italie. » Et il explique Prima-Guerra-Mondiale1-800x400-800x400.jpgque « la guerre a appelé les masses prolétariennes au premier plan. Elle a brisé leurs chaînes. Elle les a extrêmement valorisées. Une guerre de masse se conclut par le triomphe des masses. Si la révolution de 1789 - qui fut en même temps révolution et guerre - ouvrit les portes et les voies du monde à la bourgeoisie, la révolution actuelle qui est aussi une guerre, paraît devoir ouvrir les portes de l’avenir aux masses qui ont fait leur dur noviciat du sang et de la mort dans les tranchées. » 

    Le Mussolini de 1919 qui reconstitue ses faisceaux se donne un programme anarcho-syndicaliste. À la fin de l’année de 1919, il envoie d’ailleurs son « salut cordial » au chef anarchiste Malatesta. Que réclament les faisceaux ? Le suffrage universel avec vote des femmes, la suppression du sénat, vieille revendication de la gauche ; la journée de huit heures avec retraite à 65 ans ; la création de conseils ouvriers pour « perfectionner les démocraties politiques » et permettre la participation du travail à la gestion de l’économie ; le remplacement de l’armée permanente par une milice nationale « purement défensive » avec de courtes périodes d’instruction. Il est remarquable que lors du congrès de Vérone, du 17 novembre 1943, Mussolini, libéré par les Allemands de sa prison, reprendra son programme originel. 

    320px-Fasces_lictoriae.jpgLe mot de faisceau n’a du reste pas été forgé par lui. Il est apparu pour la première fois en Sicile aux alentours de 1890, où il désignait des groupes d’anarcho-syndicalistes, qui s’attaquaient aux féodaux. Ainsi que l’écrit M. Prelot, les premiers fascistes « sortis du socialisme par la porte de gauche, celle du syndicalisme révolutionnaire, ces soréliens, ces blanquistes reprochent surtout aux “ officiels ” d’être des révolutionnaires pour rire qui dissertent et palabrent toujours sur le grand soir, sans se décider jamais à agir... » 

    Certes, l’événement justifiait Mussolini. « Mai 1915 a été, affirmait-il, le premier épisode de la révolution, son commencement. » Effectivement, l’entrée en guerre de l’Italie avait provoqué un rapide développement de l’industrie lourde et la constitution de masses prolétariennes. La fin du conflit trouvera l’Italie dans un état d’épuisement financier qui rendra impossible la reconversion de l’économie de guerre. D’où le chômage, générateur de convulsions sociales. Mussolini n’en aura cependant pas le profit. Les sociaux-démocrates joueront contre lui du pacifisme populaire. En 1919, il essuiera à Milan un terrible échec électoral, n’obtenant que 4 657 voix contre 70 000 aux socialistes orthodoxes. Il écrira dans un mouvement de découragement : « À nous qui sommes les morituri de l’individualisme, il ne reste pour le présent obscur et le lendemain ténébreux que la religion désormais absurde, mais toujours consolante de l’anarchie. » 

    Le 3 décembre 1919, c’est la grève générale. Les mouvements populaires se continueront tout au long de l’année 1920 par des occupations d’usine et des révoltes agraires. L’historien fasciste Valsecchi écrira plus tard que « le parti socialiste n’avait qu’à tendre la main vers le pouvoir d’État pour s’en emparer, mais il eut peur de le faire et montra son impuissance ». En réalité, la social-démocratie était partagée en trois tendances : réformiste qui craignait l’action violente, maximaliste, qui au contraire y poussait sans savoir l’organiser, communiste repliée sur un sectarisme que Lénine leur reprochera durement. Sa défaite ne s’explique cependant pas uniquement par sa division. Il manquait aux travailleurs en lutte un appui militaire. L’armée régulière maintenue dans une stricte discipline et les anciens combattants voyaient avec mépris et colère le désordre s’installer sans que le gouvernement semblât désireux de lutter.

    Mussolini comprit que le socialisme n’aboutirait pas sans l’union des producteurs et des soldats. Là-dessus il était d’accord avec Lénine. Les soviets de 1917 ne s’intitulent-ils pas soviets d’ouvriers et de soldats ? Les fascistes avaient commencé par encourager les occupations d’usine et même ils avaient tenté de les transformer en expropriations. Le 17 mars, la maison Franchi Grigorini de Dalminé ayant refusé un relèvement de salaire, ils s’étaient emparés de l’usine et l’avaient fait fonctionner sans le patron. Cependant les cinq premiers fascistes, pour la plupart socialistes interventionnistes et intellectuels d’avant-garde, étaient rejoints par de nombreux « arditi », anciens membres des corps francs, l’équivalent de nos parachutistes, qui ne voulaient plus du vieil ordre bourgeois, tout en se montrant écœurés par le pacifisme des socialistes officiels. L’interventionnisme de Mussolini qui l’avait isolé dans le premier temps, commençait à le servir. Il en tira les conséquences. Il lui fallait fondre les deux clientèles. Il y parvint sans rompre avec la tradition du socialisme révolutionnaire. Il engagea, en effet, la bataille contre les socialistes officiels, non pas dans les grandes villes, mais en Émilie. Cette région paysanne était l’une des plus rouges d’Italie. Les ouvriers agricoles étaient organisés en ligues qui avaient acquis un véritable monopole de l’emploi. Nul ne pouvait travailler la terre sans leur permission.     (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]

  • L’impasse libanaise, par Christian Vanneste.

    1A.jpgSource : https://www.christianvanneste.fr/

    Amin Maalouf est un écrivain franco-libanais, prix Goncourt 1993 pour le Rocher de Tanios et membre de l’Académie française depuis 2011. Son regard sur le Liban est utile pour comprendre la situation dramatique que connaît son pays d’origine. La comparaison entre ses deux essais, « Les Identités meurtrières » de 1998 et « Le Dérèglement du monde » jette une lumière sur l’évolution du Liban.

    christian vanneste.jpgDans le premier essai, il écrit notamment : « Je continue et continuerai à dire que l’expérience libanaise, en dépit de ses échecs, demeure à mes yeux bien plus honorable que d’autres expériences du Proche-Orient, et d’ailleurs, qui n’ont pas débouché sur une guerre civile, ou pis encore, mais qui ont bâti leur relative stabilité sur la répression, l’oppression, la « purification » sournoise et la discrimination de fait. Dans le second, son jugement est devenu plus pessimiste : « Pour l’avoir observé au Liban … , je puis témoigner que le communautarisme ne favorise nullement l’épanouissement de la démocratie… Le communautarisme est une négation de l’idée de citoyenneté…. Il est pernicieux, et même destructeur, d’instaurer un système de quotas qui partage durablement la nation en tribus rivales ». Et plus loin, « Mon Liban est probablement l’exemple emblématique d’un pays disloqué par le « confessionnalisme » et je n’éprouve de ce fait aucune sympathie pour ce système pernicieux ». Ce qui était un moindre mal, malgré des échecs, est devenu un système qui va s’auto-détruire. Amin Maalouf, profondément marqué par sa culture d’origine, arabe, mais chrétienne, puis française, est devenu un intellectuel cosmopolite qui avoue avoir « bien plus de choses en commun avec un passant choisi au hasard dans une rue de Prague, de Séoul ou de San Francisco qu’avec mon propre arrière-grand-père. » On pourrait lui faire remarquer que l’intérêt qu’on trouve à lire ses romans vient justement de ce qui le différencie des passants anonymes des grandes villes du monde. Il n’est pas une « particule élémentaire ». Mais surtout, à le voir opposer la langue qui peut être un pont entre les hommes à condition d’en parler plusieurs et la religion qui est un mur qui enferme chacun dans sa foi et son héritage, on perçoit les limites de son analyse.

    Le Liban a été créé entre les années 1920 et les années 1950, sous le mandat français. Les liens profonds et anciens entre la France et les maronites, ces catholiques d’Orient qui ont toujours été fidèles à Rome, datent des croisades et se sont renforcés quand notre pays, malgré ses changements de régime, a protégé particulièrement cette communauté religieuse, alors sous domination ottomane. Dès le début du mandat, le Liban a été séparé de la Syrie en tant qu’Etat distinct et lors de l’indépendance effective entre 1943 et 1946, il est devenu une entité politique originale puisque le système reposait sur les 18 communautés religieuses reconnues. Les chrétiens y étaient alors majoritaires, et les maronites représentaient 30% de la population. Ils constituaient la clef de voûte du pays et détenaient de droit la Présidence de la République, tandis que les Sunnites avaient le poste de Premier ministre, et les chiites la présidence de l’Assemblée. Cette étrange et complexe construction résultait de l’histoire : le mont Liban avait accueilli au cours du temps toutes les minorités chrétiennes et musulmanes, maronite, melkite, grecque-orthodoxe, arménienne, syriaque pour les premières, chiite, alaouïte, druze pour les secondes. Les sunnites sont les seuls à ne pas être issus de groupes persécutés. Ils forment aujourd’hui le groupe le plus important de la majorité musulmane. Le rapport démographique s’est inversé à leur profit dans un pays surchargé de réfugiés palestiniens puis syriens, majoritairement sunnites. La guerre civile a également renversé le rapport de forces au détriment des maronites qui ont du affronter la coalition de gauche des musulmans libanais et palestiniens. En 1989-1990, l’accord de Taëf entérina en grande partie cette évolution : certes les maronites gardaient la Présidence, mais ses pouvoirs étaient diminués. La Syrie qui occupe une part importante du territoire a un rôle déterminant. L’Arabie saoudite, le Maroc et l’Algérie sont les parrains de l’accord avec la bénédiction des Etats-Unis en plein tropisme islamique.

    Le recul des maronites et l’éloignement des Occidentaux sont parallèles. En 1983, une dernière intervention s’était terminée par deux attentats ravageurs qui tuaient 58 parachutistes français et 241 marines américains. Mais les interventions étrangères des « voisins » vont se multiplier : Israël occupera le Sud-Liban jusqu’en 2000, et les Syriens ne repasseront la frontière qu’en 2005. Bientôt le pays sera l’un des enjeux de la rivalité entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite. Le Hezbollah chiite jouera un rôle de plus en plus grand jusqu’à posséder une force militaire supérieure à l’armée libanaise. A l’origine du Liban, il y avait certes les communautés confessionnelles, mais aussi un nationalisme fédérateur jaloux de l’identité du pays, fort de sa différence et de sa prospérité. Nationalisme ambigu, arabe pour l’indépendance, puis contre Israël, pour les uns, nationalisme « phénicien » pour les chrétiens phalangistes, cet élément politique hérité des années 1930 joue un rôle dans la création des partis. Au lendemain de la guerre civile, ceux-ci ne forment plus qu’une mosaïque qui morcelle encore davantage le paysage confessionnel en de multiples clans dominés par un chef, issu d’une famille la plupart du temps, et adossé à un fief géographique. Le jeu compliqué des alliances et des séparations, l’appui des puissances étrangères aux différentes factions semble un moment laisser place à une sorte de bipartisme, lorsque la Révolution du Cèdre au lendemain de l’assassinat de Rafiq Hariri oppose l’Alliance du 14 Mars pro-occidentale et hostile à la Syrie et celle du 8 Mars dont le fer de lance est le Hezbollah. Le Général Aoun qui se voulait le « de Gaulle » libanais à travers sa résistance désespérée contre les Syriens est à la tête du Courant patriotique. Séparé des Forces libanaises, il renverse sa position et s’allie au 8 Mars. Grâce à ce retournement, il atteint ensuite son but : maronite nationaliste compatible avec le hezbollah, il devient Président. Malheureusement, il incarne aujourd’hui, contre son voeu le plus cher, l’impuissance politique de la caste au pouvoir et doit faire face à la pire crise économique et financière que subit le Liban : effondrement de la monnaie, inflation, grande pauvreté, chômage. Celui qui était, il y a bien longtemps, la Suisse du Moyen-Orient n’en est plus que le squelette, obligé de tout importer sans en avoir les moyens, affaibli par la longue guerre en Syrie, le million et demi de réfugiés sur son sol qui s’ajoute aux Palestiniens, la diminution des aides iranienne et saoudienne à cause des sanctions américaines et de la baisse des ressources pétrolières. On peut certes accuser l’incurie du personnel politique, mais les « généreux donateurs » qui se pressent au chevet du malade ont créé le contexte géopolitique qui explique en grande partie la crise libanaise.

    Le « peuple » descend dans la rue mais y a-t-il un peuple libanais qui transcende des communautés qui se sont déchirées durant des siècles ? Le communautarisme était évidemment un moindre mal, mais il condamne aujourd’hui le pays à l’impuissance du consensus impossible. Ce ne sont pas les rodomontades du président français qui tireront le Liban d’une impasse structurelle : une nation ne peut être constituée de tribus rivales. C’est une évidence que les Français devraient méditer…

  • Hommage au sergent Maxime Blasco, par Olivier Perceval.

    Les Fran­çais ont pu assis­ter, le cœur lourd, ce mer­cre­di 29 sep­tembre à une céré­mo­nie digne et sobre. Le capo­ral-chef deve­nu ser­gent à titre post­hume   Maxime Blas­co, tué la semaine der­nière au cours d’une opé­ra­tion mili­taire au Mali a été hono­ré aux Inva­lides. Le cor­tège funé­raire a d’a­bord fran­chi le pont Alexandre III à Paris, comme le veut la tradition.

    olivier perceval.jpgLe pré­sident de la Répu­blique a pré­si­dé l’hom­mage de la Nation au sol­dat. Après avoir pas­sé en revue les troupes, le chef de l’É­tat s’est briè­ve­ment entre­te­nu avec les proches du sol­dat fran­çais. Il n’y a pas eu de dis­cours à la demande de la famille. Le cer­cueil du ser­gent­fran­çais por­té par ses cama­rades a ensuite fait son entrée dans la cour des Invalides.

    On se rap­pelle que le chas­seur alpin membre d’un groupe de com­man­dos est tom­bé ven­dre­di, mor­tel­le­ment tou­ché par un tir enne­mi, lors d’une opé­ra­tion de ratis­sage dans le cadre de la stra­té­gie « har­cè­le­ment » par un tireur iso­lé ter­ro­riste, lequel a été neu­tra­li­sé aussitôt.

    Emma­nuel Macron a ensuite remis les insignes d’Of­fi­cier de la Légion d’Honneur à Maxime Blas­co  à titre post­hume. Le valeu­reux com­bat­tant avait déjà été déco­ré par le chef de l’É­tat pour ses actes de bra­voure au cours d’une opé­ra­tion au Mali en 2019. 

    Une minute de silence a ensuite été obser­vée puis les clai­rons de la Garde Répu­bli­caine ont son­né « aux morts », joué l’air de Maren­go, (sur lequel a été écrite la prière para­chu­tiste) puis la Mar­seillaise avant la sor­tie du cer­cueil de la Cour de l’Hôtel des Invalides.

    Un autre hom­mage lui sera ren­du à Varces, en Isère, par ses frères d’armes du 7e bataillon de chas­seurs alpins.

    Il est à noter que les polé­miques se sont tues,en cette période pré­élec­to­rale, et c’est tant mieux. Même si beau­coup se demandent, y com­pris par­mi les patriotes ce que l’armée fran­çaise fait au Mali.

    On doit sim­ple­ment rap­pe­ler que la France est l’un des rares pays à prendre lar­ge­ment sa part dans la lutte contre le dji­ha­disme, et que par ailleurs il vaut mieux que ce soient les Fran­çais qui inter­viennent en Afrique fran­co­phone plu­tôt que d’autres acteurs inter­na­tio­naux. Mais l’enlisement consiste à sou­te­nir des gou­ver­ne­ments afri­cains faibles, cor­rom­pus et ingrats au point d’être prêts, à l’issue d’un coup d’État mili­taire, à s’offrir des mer­ce­naires (groupe Wag­ner) avec les finan­ce­ments euro­péens, pour pou­voir éli­mi­ner leurs enne­mis, c’est-à-dire, non pas les ter­ro­ristes de Boko Haram, mais les tri­bus Toua­reg du nord. Autre­ment dit, l’armée fran­çaise fait un tra­vail remar­quable, mais la ges­tion géo­po­li­tique ne tient pas compte, comme le sug­gère le pro­fes­seur Ber­nard Lugan, de la néces­si­té de prendre en compte une forme de par­ti­tion entre le nord et le sud et fait preuve d’une céci­té éton­nante sur les réa­li­tés de l’Afrique.

    Il convien­dra de façon urgente pour les déci­deurs de notre pays de reprendre en pro­fon­deur le dos­sier Bar­khane et de mus­cler notre armée en auto­no­mi­sant ses moyens logis­tiques. Affaire à suivre de très près.

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Dans le monde, et dans notre Pays légal en folie : la revue de presse de lafautearousseau...

    Mathieu Bock-Côté, une lecture toujours roborative et décapante : 

     
    Mathieu Bock-Côté
    "J'aurais pu être woke, et fédéraliste ! Ma chronique du JdM."
    ("J’ai toujours été indépendantiste. Et je le serai toujours. S’il n’en reste qu’un, ce sera moi.")

    https://www.journaldemontreal.com/2021/09/15/jaurais-pu-etre-woke-et-federaliste

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    1. Procès Abdeslam : "Morte couille" et "Bourse molles" a encore plastronné et fanfaronné !... Il s'est présenté comme un héroïque et glorieux combattant de l'Islam, en guerre avec la France. "Que nenni !" comme le disait Zemmour lorsqu'il participait à Face à l'info : lourdement armé comme il l'était, lui et ses terroristes de complices, s'il avait voulu être un guerrier il aurait attaqué un camp de la Légion étrangère ou d'un régiment de Hussards parachutistes ! Non, ils ont préféré aller rafaler des gens qui ne se méfiaient pas et vivaient normalement : c'est tellement moins dangereux ! Et puis, au dernier moment, ce lâche a eu peur, il a failli et ne s'est pas fait sauter. Ignoble jusqu'au bout, il a prétendu que sa ceinture explosive n'avait pas fonctionné, alors qu'avec un briquet ou une simple allumette il aurait pu... Non, qu'il fanfaronne et plastronne ou pas, "morte couille" et "bourses molles" il était, il reste et il restera...

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    2. Système pourri : quand un clandestin afghan viole une fillette et saccage son existence, un Juge, dans le Cotentin, le remet en liberté parce que "il n'a pas les codes" ! Mais quand un membre des personnels de Santé refuse de se vacciner - ce qui est son droit plus strict - là, les sanctions terribles pleuvent : mise en disponibilité, suspension de salaire, résiliation de contrat... On les applaudissait il y a un peu plus d'un an, on les jette comme des kleenex usagés aujourd'hui, parce qu'ils exercent leur liberté. Ce Système pourri jusqu'au trognon est faible avec les forts (délinquants, voyous en tous genre) mais hargneux, méprisant, dur et terriblement méchant avec les Français qui ne commettent qu'un crime (mais il est impardonnable à ses yeux) : ne pas céder devant le totalitarisme et la tyrannie...

     
    Mais, dans le même temps, 23 des 42 membres du gouvernement Castex occupent des logements de fonction gratuits, soit +45% en 18 mois !

    https://lecourrier-du-soir.com/exclusif-23-membres-du-gouvernement-castex-occupent-des-logements-de-fonction-totalement-gratuits/

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    2 BIS. À Strasbourg, Pompiers et soignants sont rassemblés en ce moment devant la Préfecture de Strasbourg pour dénoncer l'obligation vaccinale. Le dépôt des casques est suivi d'un lancé de blouses blanche pour dire STOP ! 

    (extrait vidéo 2'20)

    https://twitter.com/ledecaledu25/status/1438120968392740865?s=20

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    France info a rendu compte de l'évènement :

    Strasbourg : opposés à l'obligation vaccinale, des pompiers déposent leurs casques devant la préfecture. Une vingtaine de pompiers, professionnels et volontaires, ont déposé leurs casques pour dénoncer l'obligation vaccinale à laquelle ils sont soumis depuis ce mercredi 15 septembre. Ils nous expliquent leur geste... :

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/strasbourg-opposes-a-l-obligation-vaccinale-des-pompiers-deposent-leur-casque-devant-la-prefecture-2251777.html

     

    2 TER. Et, à Toulon, ce sont des soignants qui ont manifesté :

    https://twitter.com/Maya29854628/status/1438327688742178818?s=20

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    5. Dans Figaro Vox, Charles Prats explique pourquoi les demandes de RSA explosent dans le département de Seine-Saint-Denis, que Macron a osé appeler "la Californie sans la mer" (remarquez, il peut, puisque le ridicule ne tue plus !...) :

    https://envahis.com/rsa-pourquoi-les-demandes-explosent-elles-dans-le-93/

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    6. (Transmis sur tweeter par Maximle LLedo) :

    "Dans le Canard Enchaîné on a des nouvelles de l’écologie façon Allemagne"

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    et ce commentaire pertinent de Gilles-William Goldnadel :

    G-William Goldnadel
    "Les écolos gauchos nous ont carbonisés. Leur pollution n’est pas qu’intellectuelle, en cassant le nucléaire français ils ont favorisé de vraies usines à gaz."

     

    7. Sous-marins Naval Group: le sidérant coup de poignard de l’Australie... Canberra a décidé l’annulation du "contrat du siècle" de 12 sous-marins Attack pour l’Australie, au profit d’un partenariat avec les États-Unis et le Royaume-Uni sur des sous-marins nucléaires. C'est une gifle monumentale pour la France. C'est surtout une confirmation supplémentaire :

    de la perte d'influence et de prestige de la France sur la scène internationale...

    du fait que les dirigeants anglo-saxons (et leur "satellite, l'Allemagne) n'ont jamais été et ne seront jamais nos alliés...

    de l'échec (un de plus !...) d'une "vision stratégique macronienne" (!) : l'axe stratégique France-Inde-Australie souhaité par Macron est mort...

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    À DEMAIN !

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  • Sur le blog ami du Courrier Royal : les dîners politiques du Comte de Paris au manoir « Le Cœur Volant ».

    Henri d’Orléans, comte de Paris, prétendant au trône de France dans le cas d’une restauration monarchique, a longuement séjourné à Louveciennes, de 1953 à 1972. Après l’abrogation de la loi d’exil, par l’Assemblée nationale en 1950, Henri d’Orléans rentra en France et s’installa au manoir « Le Cœur Volant » avec son épouse et ses 11 enfants. 

    Il existe plusieurs manières de raconter ce séjour. On peut retenir la vie brillante menée par la famille princière sous l’œil des médias (« Paris Match », « Point de vue-Images du monde », ,…) avec ses joies et ses peines. Le mariage civil de trois de leurs filles en mairie de Louveciennes, Hélène en 1957, Isabelle en 1964. Anne en 1965. Le drame qui viendra endeuiller la famille : François, un des fils, tué le 11 octobre 1960 dans les Aurès lors de la guerre d’Algérie. On peut également s’attacher à l’action politique du comte de Paris. C’est ce que nous essaierons de faire.

    « Être prétendant, c’est être commis voyageur »

    De retour en France, convaincu des chances d’une restauration, le comte déploya son  action politique sous différentes formes : un secrétariat installé dans un magnifique hôtel particulier légué par une dame royaliste, à Paris rue de Constantine, un Bulletin mensuel d’information de 4 pages distribué aux élites et de nombreuses réceptions dans la demeure de Louveciennes dans la grande tradition de l’époque.

    Michel de Grèce, neveu du comte de Paris, qui dans son adolescence a vécu à Louveciennes, relate ces soirs de réception dans ses « Mémoires insolites ». « Les dîners de Louveciennes formaient un des pivots de l’action de mon oncle. Deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, il réunissait environ une quarantaine de convives, des ministres, des politiciens de l’opposition, des chefs d’entreprise, des banquiers, des hauts fonctionnaires, des cardinaux, des académiciens, des ducs. (…) A leur descente de voiture, les invités étaient reçus par les chefs de bureau de mon oncle, MM Delongrès-Moutier et Longone. Ils traversaient le hall orné du fameux tableau d’Horace Vernet représentant Louis-Philippe et ses fils à cheval devant le château de Versailles, qui faisait face au Louis XIII en pied par Champaigne. On leur servait l’apéritif dans le grand salon sous le nez du duc d’Orléans par Ingres, de la princesse de Joinville par Winterhalter et de la duchesse de Mecklembourg. (…) Se trouvaient réunis par exemple pour un soir le nonce du pape, Mgr Marella ; Valéry Giscard d’Estaing ; Maurice Schumann ; le duc et la duchesse de Brissac ; un autre duc, académicien de surcroît, celui de Castries ; Albin Chalandon et sa femme, la superbe Salomé Murat, sculpturale dans une robe rose ; le président de la Shell et son épouse, cette illustre figure mondaine qu’était Lady Detterding ; le général Catroux et son épouse surnommée « la reine Margot ».

    Le dîner annoncé, nous passions dans la salle à manger où les invités admiraient alignés sur les murs, les gouaches de Carmontelle représentant le duc d’Orléans avec sa famille et les membres de la Cour, ainsi qu’un extraordinaire dessin colorié d’Angelika Kauffmann figurant Philippe Egalité sans sa perruque. Le service était dirigé par le maître d’hôtel, le grand et beau Roger, qui portait avec les autre membres du personnel la livrée Orléans : boutons d’argent aux armoiries et les trois couleurs bleu-blanc-rouge. Une légende accréditée par la famille soutenait que ces couleurs de la maison d’Orléans avaient inspiré le drapeau tricolore. »

    Michel de Grèce évoque également une autre soirée avec des convives comme Pierre et Hélène Lazareff, des voisins, les Bleustein-Blanchet, propriétaires de Publicis, Marcel Pagnol, Joseph Kessel…  Il arriva également au cours de ces soirées, après le dîner, que le comte de Paris, lors d’une actualité politique brûlante, emmena les messieurs dans son bureau pour en discuter. Michel de Grèce ne nous fait malheureusement pas partager la teneur de ces entretiens, car encore adolescent, s’il lui était permis d’assister au dîner, ce qui fut pour lui « une école incomparable », il n’était pas convié à ces réunions restreintes. Les femmes en étaient également exclues. Ainsi la comtesse de Paris, si elle participait aux soupers, était cantonnée à un rôle purement ornemental ; si elle avait l’audace de manifester quelques velléités pour participer aux échanges, elle était rapidement rappelé à l’ordre par son mari, très mufle : «Bébelle, tais-toi, tu n’y connais rien. ». Vers minuit, rituellement, le comte se levait et, pour signifier que la séance était terminée, prononçait la phrase rituelle : « Mesdames, Messieurs, je ne vous retiens pas. » La répétition des réceptions ne devait pas toujours être passionnante, elle pouvait engendrer une certaine lassitude comme ce soir où, en remontant l’escalier, le comte avoua à son neveu : « Être prétendant, c’est être commis voyageur. »

    Michel de Grèce fait également état d’une visite du roi du Maroc, Mohammed V, revenu d’exil après avoir été déposé et exilé à Madagascar. Le comte de Paris s’était dès le début démené en sa faveur. « Aussi, lorsqu’il passa à Paris, Mohammed V lui rendit visite. Ce déjeuner suscita une excitation extrême à Louveciennes. Toute la famille royale marocaine débarqua. Les tailleurs gris trop serrés et les talons hauts des princesses leur seyaient peu. Le prince héritier, futur Hassan II, apparut en treillis. Quant au sultan, il craignait le froid en cet automne pluvieux et avait demandé une chaufferette sous la table afin d’y poser ses pieds  lorsqu’il quittait ses babouches blanches. Il mangeait délicatement, il parlait peu, il manifestait une courtoisie de grand seigneur d’un autre âge, mais sous la douceur perçait l’autorité.»

    Au printemps 1958, le régime de la IVème République, incapable de résoudre « la question algérienne », était à l’agonie. En mai, le soulèvement des généraux appuyé par la population européenne d’Alger se dressa contre le gouvernement. On craignit un débarquement des parachutistes à Paris. A Louveciennes,  Henri d’Orléans « se montrait profondément inquiet, au point qu’il avait préparé un plan pour le faire sortir lui et la famille hors de France à peine les chars seraient-ils apparus dans les rues de Paris. ». La suite est connue. Le général de Gaulle arriva au pouvoir, le comte de Paris se proclama un « partisan inconditionnel ». Les dîners à Louveciennes se poursuivirent « mais désormais, plus question de recevoir des représentants de l’opposition. Mon oncle se limita à nourrir les gaullistes à tous crins. Les agapes en perdirent de leur saveur, car on n’entendit plus qu’un concert de louanges parfois assez fades monter vers le grand homme. »

    ( source: louveciennestribune.typepad.com )

    Relayé par : https://le-courrier-royal.com/

    https://www.facebook.com/lecourrierroyal

  • Éphéméride du 23 octobre

     Eilean Donan Castle, à Kyle of Lochalsh, dans les Highlands

     

     

     

    1295 : Signature de l'Auld Alliance

     

    Il s'agit d'un traité d'alliance défensive, directement dirigé contre les Anglais, signé entre le Roi d'Écosse et le Roi de France.

    En réalité, l'alliance entre Français et Écossais, conséquence logique d'intérêts communs (les deux nations s'opposaient aux Anglais) remonte beaucoup plus loin dans le temps.

    Dès 1165, Guillaume le Lion envoie une ambassade à Louis VII de France. On connaît cette amitié durable sous le nom d'Auld Alliance. Le traité de 1295 prévoyait que si l'un des deux États subissait une attaque de l'Angleterre, l'autre État envahirait celle-ci.

    Ci dessous les armes d'Écosse, jusqu'à l'Acte d'union avec l'Angleterre de 1603 (Acte forcé...), portant la devise latine 

     

    Nemo me impune lacessit (Personne ne me provoque impunément). 

     

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    En 1326, Robert Bruce, Roi d'Écosse, renouvela l'Alliance par le Traité de Corbeil.

     

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               Écouter :  Marche De Robert Bruce (Guerre De Cent Ans).mp3 

     

     

    Aux XIVème et XVème siècles, le Traité fut invoqué à six reprises.

    Ce n'est que le 6 juillet 1560 que le Traité d'Edimbourgh révoqua officiellement l'Alliance. Mais ce n'est par exemple qu'en 1903 que le gouvernement français révoqua l'article stipulant que tout citoyen écossais était officiellement et légalement reconnu comme citoyen français : c'est Henri II, le fils de François premier, qui avait promulgué une Lettre de grande naturalisation automatique, entre Français et Écossais...

    En 1429, des Écossais aidèrent Jeanne d'Arc devant Orléans.

    En 1558, le Dauphin François (futur François II) épousa Marie Stuart, Mary Queen of Scots (voir l'Éphéméride du 24 avril) : leur mariage, heureux et plein de promesses, ne dura pourtant que moins de deux ans, à cause de la mort prématurée du jeune roi. Son épouse repartit alors vers son Écosse natale, et le destin tragique que l'on sait (voir l'Éphéméride du 5 décembre)...

     

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    En 1942, De Gaulle qualifia l'Auld Alliance de "plus vieille alliance au monde". Il avait pour sa part autorisé des parachutistes français, pendant la guerre, à être réunis à une unité anglaise (les SAS),car elle était dirigée par un écossais, David Stirling.

     

    Pour en savoir plus sur l'Auld Alliance :

     

    http://auldalliance.org/indexf.html

     

     

    Ci dessous, traité conclu entre les rois d'Écosse et de France John Balliol et Philippe le Bel, le 23 octobre 1295 :

     

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    Ce fut en application de cette Auld Alliance que John Stuart (ou Stewart) emmena un contingent d'Écossais à la bataille de Baugé, permettant au roi de France, Charles VII, de remporter la victoire (voir l'Éphémeride 22 mars).
     
    Ce même John Stuart, nommé premier Commandant de la Garde du Corps du Roi, est directement aux origines de la Maison du Roi (voir l'Éphéméride du 17 août)... : dans notre Album Drapeaux des Régiments du Royaume de France, voir la photo "Maison du Roi et cavalerie légère", et les suivantes...
     
    Le 3 décembre 1743 sera créé le Royal Écossais :
     

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    dont voici le Drapeau colonel :

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    1698 : Naissance d'Ange-Jacques Gabriel

     

    Pendant quarante années, la dynastie des Gabriel régna sur Versailles, et servit la Beauté de la manière la plus aboutie et la plus aimable.

    En ce qui concerne Ange-Jacques Gabriel, si son génie a surtout orné Paris même et Versailles, il a été à l'origine aussi de la splendide Place royale de Bordeaux (dite aujourd'hui "de la Bourse") et du très beau Pont Jacques Gabriel de Blois...

    À Paris, Ange-Jacques Gabriel réalisa l'École militaire et la Place Louis XV (dite aujourd'hui "de la Concorde"), avec les façades des Hôtels de Crillon, de Coislin et de la Marine.

    On doit aussi à Ange-Jacques Gabriel, dans les environs de Paris, les agrandissement des châteaux de Menars et  de Choisy  - détruit à la Révolution... - le château de Compiègne, le pavillon du Butard à La-Celle-Saint-Cloud...

    Et, bien sûr, à Versailles, le fastueux Opéra Royal du château, inauguré pour le mariage du futur Louis XVI avec Marie-Antoinette (voir l'Éphéméride du 16 mai)...

     

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     Le Petit Trianon, à Versailles...
     
     
     

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     Sur Gabriel (ci dessus, portrait par Jean-Baptiste Greuze), voir aussi notre Éphéméride du 4 janvier, jour de sa mort...
     
     
     
     

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    1749 : Naissance de Nicolas Appert
     
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    Il est l'inventeur, en 1804, de l'appertisation, procédé de conservation qui consiste à stériliser par la chaleur des denrées périssables dans des contenants hermétiques (boîtes métalliques, bocaux...)
     
    Pasteur démontrera le bien-fondé des travaux d'Appert en 1860, reconnaissant en lui un précurseur. Il a ainsi expliqué sa méthode pour conserver les aliments :

    "Le procédé cons
  • L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (168), 1962 : L'Algérie française, un essai de Bilan...

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    (Source : le Site de Jean Sévillia. Les vérités cachées de la guerre d'Algérie, article de Jean Sévillia, paru dans Le Figaro Magazine - 10/03/2012) 

    Le 18 mars 1962, la signature des accords d'Evian allait mettre fin à 130 ans de souveraineté française en Afrique du Nord. Un demi-siècle plus tard, il est temps de raconter le conflit qui a conduit à l'indépendance de l'Algérie sans occulter une part de la réalité.

    1 L'Algérie, une création française...


    "L'Algérie heureuse" : dans la mémoire des Français nés "là-bas", l'expression évoque un art de vivre, des couleurs, des odeurs et des saveurs dont le souvenir, un demi-siècle après, les hante encore. Mais de quand dater cette Algérie heureuse ? D'avant 1954, année de l'insurrection déclenchée par le FLN ? D'avant la Seconde Guerre mondiale quand, dans la foulée du centenaire du débarquement français en Algérie (1930) et de l'Exposition coloniale (1931), l'idée d'« Empire » faisait rêver les Français ?
    Historiquement, l'Algérie est une création de la France. Au début du XIXe siècle, le pays n'est qu'une juxtaposition de territoires peuplés de tribus hétérogènes (Arabes, Kabyles, Chaouias, Touareg...) et de contrées inhabitées. Ce sont les colonisateurs qui, après les dures guerres de conquête menées jusqu'en 1870, dessinent des frontières, tracent des routes, bâtissent des villes et créent des institutions, conférant une unité à un espace organisé en trois départements français.
    A côté des "indigènes" (mot d'époque), l'Algérie devient une colonie de peuplement. Aux habitants venus de métropole s'ajoutent des Espagnols, des Italiens ou des Maltais qui, au fil du temps, acquièrent la nationalité française. Français, les Juifs d'Algérie, eux, le sont depuis 1870. Tous ceux-là, qu'on appelle les Européens, constituent une communauté originale, nourrie par les idéaux de la IIIe République : patriotisme, instruction publique, morale civique, promotion sociale. Les colons proprement dits, parmi eux, ne sont qu'une poignée : moins de 20 000 vers 1950. La plupart sont des citadins dont beaucoup exercent de petits métiers : songeons à l'enfance pauvre d'Albert Camus.

    Cette société est mêlée. Européens et musulmans vivent côte à côte, fréquentant les mêmes bancs d'école. Cependant, alors que les élites indigènes aspirent à l'intégration (voir le parcours de Ferhat Abbas), les milieux dirigeants coloniaux sont hostiles à toute réforme politique. Aussi apparaît-il, à côté d'un authentique loyalisme indigène nourri par la fraternité des batailles de 1914-1918 et de 1943-1945, un courant autonomiste qui se transforme bientôt en courant indépendantiste. Le 8 mai 1945, à Sétif, une émeute aboutit à l'assassinat d'une vingtaine d'Européens, drame qui provoque une impitoyable répression. Vers 1950, deux populations coexistent en Algérie. D'un côté 900 000 Européens, citadins en majorité, jouissant de tous les droits de la nationalité et de la citoyenneté. De l'autre 8 millions de musulmans, majoritairement ruraux, et souffrant du sous-équipement hors des trois grandes villes, Alger, Oran et Constantine.
    « L'assimilation de l'Algérie à la France avait déjà échoué en 1954, avant même le déclenchement de l'insurrection », estime Guy Pervillé, un spécialiste de l'Algérie coloniale (1). L'Algérie heureuse ? La formule est donc vraie, mais ne traduit pas la fragilité de la situation.

    2 Une violence extrême dans les deux camps...


    L'insurrection éclate à la Toussaint 1954. Le 31 octobre, le FLN a annoncé son intention de parvenir à l'indépendance « par tous les moyens ». Les attentats s'enchaînent alors. Le 20 août 1955, à El-Halia, dans le Constantinois, 71 civils européens sont massacrés. De 1955 à 1957, on passe de 5 Européens tués à 50 par mois. De la part des indépendantistes, cette stratégie vise à creuser le fossé entre les communautés. Mais les rebelles exercent également la terreur sur leurs frères musulmans : notables, caïds, anciens combattants ou gardes champêtres sont les premières cibles, victimes d'abominables sévices (mutilations faciales, émasculations, égorgements, éviscérations). En 1956, une moyenne de 16 musulmans pro-français sont assassinés chaque jour. En ville, le FLN pratique le terrorisme aveugle, posant des bombes dans les cafés, les stades, les autobus ou les cinémas. Le 30 septembre 1956, à Alger, on relève 60 blessés ; le 10 février 1957, 9 morts et 45 blessés ; le 3 juin 1957, 8 morts et 90 blessés...

    Le FLN se présente par ailleurs comme un parti révolutionnaire qui a pour vocation, ses buts atteints, d'exercer seul le pouvoir. Dès lors que le Mouvement national algérien de Messali Hadj refuse cette logique, le FLN mène contre lui une lutte féroce, appliquant à ses concurrents les mêmes méthodes que celles utilisées contre les Européens ou les indigènes loyalistes. En 1957, 315 musulmans du village de Melouza, réputé fidèle à Messali Hadj, sont liquidés par le FLN. La violence de ce dernier s'exerce aussi en métropole, tant contre les forces de l'ordre que contre les travailleurs algériens rétifs à ses mots d'ordre.
    Le 3 avril 1955, l'état d'urgence est proclamé en Algérie. Le 12 mars 1956, à Paris, l'Assemblée approuve l'attribution des pouvoirs spéciaux à l'armée, mesure demandée par le chef du gouvernement, le socialiste Guy Mollet, et obtenue grâce au soutien des députés communistes. A Alger, en janvier 1957, les « pleins pouvoirs civils et militaires » sont encore confiés par Guy Mollet au général Massu, commandant de la 10e division parachutiste. Afin de mettre les poseurs de bombes hors d'état de nuire, les soldats remontent les filières, arrêtent les coupables et leurs soutiens musulmans ou européens. Les uns après les autres, les chefs sont capturés : 122 attentats ont été commis à Alger en décembre 1956, 6 en août 1957, aucun en novembre 1957.
    Pour parvenir à ce résultat, quelles méthodes ont été utilisées ? Hélie de Saint Marc, dans ses Mémoires, évoque la bataille d'Alger qui, « dans la suite d'épreuves que ma génération de soldats a eue à affronter, reste sûrement la plus amère : au paroxysme du terrorisme, la France a répondu par le paroxysme de la répression ». Il est aujourd'hui établi que, dans la traque aux terroristes, des interrogatoires violents ont été pratiqués, sans qu'on puisse incriminer globalement toute l'armée française d'avoir utilisé la torture.
    A la guerre, la fin justifie-t-elle les moyens ? Non, répondent la morale et l'honneur. Mais la guerre révolutionnaire bouscule les codes habituels, puisque le terrorisme ignore lui-même la morale et l'honneur. C'est le FLN qui a revendiqué, en 1954, le droit d'employer « tous les moyens ». Chronologiquement, c'est lui qui porte la première responsabilité dans la montée aux extrêmes qui a caractérisé la guerre d'Algérie.

    3 Une guerre gagnée par l'armée française...


    C'est seulement le 5 octobre 1999 que le Parlement français a rétroactivement reconnu l'existence d'un « état de guerre » en Algérie de 1954 à 1962. Une mesure qui a pris en compte la réalité : ce conflit, tous bords confondus, a provoqué environ 300 000 victimes militaires ou civiles.
    A leurs débuts, le FLN et sa branche militaire, l'Armée de libération nationale (ALN), représentent quelques centaines d'hommes, sans prise sur la population. En 1956, l'extension de la rébellion conduit Guy Mollet à faire appel au contingent. Afin de répondre à la stratégie indépendantiste visant à séparer les communautés, la doctrine politique et militaire de la IVe République, a contrario, obéit à deux principes : intégration et pacification. La dimension civile et la dimension militaire de ces deux objectifs étant intimement liées, l'armée se trouve chargée par le gouvernement de la République de missions qui, en métropole, relèvent de l'autorité civile.

    Pour les militaires, les opérations dans les départements algériens font suite à la guerre d'Indochine. Elément capital. D'une part, parce que les officiers ne veulent pas subir une nouvelle défaite. D'autre part, parce qu'ils vont appliquer en Afrique du Nord des recettes expérimentées au Tonkin ou en Annam, en tentant de mettre les autochtones de leur côté. Dans le djebel, pendant que les unités d'élite, légionnaires et parachutistes, traquent les maquisards, la troupe quadrille le pays. De leur côté, les Sections administratives spéciales (SAS) organisent l'autodéfense des musulmans contre les terroristes, et édifient des écoles et des dispensaires là où l'incurie administrative avait délaissé la population rurale indigène.

    En octobre 1956, un détournement d'avion couvert par le gouvernement permet l'arrestation des chefs extérieurs du FLN. L'organisation terroriste urbaine des indépendantistes est anéantie, en 1957, lors de la bataille d'Alger. A partir de 1957, la construction d'une ligne fortifiée le long de la frontière entre l'Algérie et la Tunisie isole de leurs bases les bandes de l'ALN. Privées d'armes et de renforts, celles-ci sont progressivement mises hors de combat. En 1959, de Gaulle étant président de la République, un nouveau dispositif militaire, le plan Challe, s'emploie à pacifier définitivement le territoire ; 400 000 hommes, contingent compris, et 210 000 supplétifs musulmans servent sous le drapeau français. Au printemps 1960, l'armée a gagné : sur 46 000 fellaghas, l'ALN a perdu 26 000 tués et 10 000 prisonniers.
    Cette indéniable réussite est aujourd'hui occultée. Christophe Dutrône, un historien qui vient de lui consacrer un livre, observe néanmoins que « la victoire militaire acquise sur le terrain n'aurait pu être pérennisée qu'en allant jusqu'au bout de la logique d'intégration amorcée en 1958 (2) » . Le vrai tournant de la guerre d'Algérie sera donc politique.

    4 L'indépendance : un choix politique de De Gaulle...


    Georgette Elgey, auteur d'une Histoire de la IVe République, déplore de voir certains jeunes chercheurs se demander pourquoi, après la « Toussaint rouge », Pierre Mendès France, le président du Conseil, n'avait pas parlé de « guerre d'Algérie ». L'historienne dénonce cet anachronisme : en 1954, personne, en France, n'avait idée qu'une guerre commençait sur le territoire national. Car pour tous, de la gauche à la droite, l'appartenance de l'Algérie à la France relevait de l'évidence.
    Après le déclenchement de l'insurrection, le radical Pierre Mendès France tient en effet un discours très ferme : « On ne transige pas lorsqu'il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation, l'unité, l'intégrité de la République : les départements d'Algérie constituent une partie de la République française. » Un point de vue corroboré par le ministre de l'Intérieur, un certain François Mitterrand, qui rappelle que « l'Algérie, c'est la France ».
    Jusqu'en 1958, même à gauche, ceux qui songent à l'indépendance sont très minoritaires. Comment en serait-il autrement, dès lors que la IVe République engage des moyens militaires et financiers considérables en Algérie ?

    En vue de ramener le général de Gaulle au pouvoir, ses partisans exploitent le sentiment Algérie française. Le 13 mai 1958, dans une étonnante ambiance de fraternité franco-musulmane, un comité de salut public constitué à Alger engage un bras de fer avec Paris, appelant de Gaulle au gouvernement. Le 29 mai, le président de la République, René Coty, nomme le Général à la présidence du Conseil.
    Le 4 juin 1958, à Alger, devant une foule enthousiaste, le Général lâche sa célèbre phrase : « Je vous ai compris. » En apparence, tout donne à penser qu'il poursuivra la politique algérienne de ses prédécesseurs. En octobre 1958, le plan de Constantine prévoit un programme d'investissements économiques sur cinq ans. Et le Général soutient l'armée dans sa lutte contre la rébellion : « Moi vivant, jamais le drapeau FLN ne flottera sur l'Algérie », affirme-t-il encore en août 1959.

    La population européenne, les militaires et les musulmans loyalistes sont dès lors convaincus que la France restera en Algérie. Cruel malentendu. Car le 16 septembre 1959, de Gaulle proclame le droit des Algériens à l'autodétermination.

    A quel moment s'y est-il résolu ? Ce débat divise les historiens. La plupart, aujourd'hui, estiment que le Général est arrivé au pouvoir en sachant qu'il allait donner l'indépendance à l'Algérie. De Gaulle - il le dira à Alain Peyrefitte - ne croit pas à l'intégration des musulmans et il nourrit de grands projets qui, à ses yeux, supposent de tourner la page coloniale de l'histoire de France. Le chef de l'Etat sait de plus que l'opinion métropolitaine le suivra, comme le prouvera le référendum de janvier 1961 (79 % de voix pour l'autodétermination). L'Algérie française est condamnée.

    5 Pieds-noirs et harkis : les drames de l'après-19 mars...


    Ni l'insurrection des pieds-noirs algérois lors de la semaine des barricades (janvier 1960), ni le putsch des généraux (avril 1961), ni l'irruption brutale de l'OAS dans un jeu désespéré ne feront obstacle au processus enclenché par les discussions ouvertes entre le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Au terme de multiples péripéties, ces négociations conduisent à la signature des accords d'Evian, le 18 mars 1962, et au cessez-le-feu proclamé le lendemain, acte ratifié par référendum, en France métropolitaine, par 90 % des suffrages, le 8 avril suivant.

    Cependant ni Ahmed Ben Bella, prisonnier en métropole depuis 1956, ni le colonel Houari Boumediene, chef de l'ALN basée en Tunisie et au Maroc, n'ont été associés aux pourparlers d'Evian. Ces deux pionniers de l'indépendance, récusant le GPRA, videront de leur contenu les rares clauses de sauvegarde prévues par les négociateurs français à propos des Européens d'Algérie.

    Le 26 mars 1962, une manifestation de pieds-noirs, interdite mais pacifique, est mitraillée par la troupe française, rue d'Isly, à Alger, dans des circonstances controversées : le bilan est de 49 morts et de près de 200 blessés. Dans les villes ou dans le bled, à cette époque, les rapts d'Européens se multiplient. L'historien Jean-Jacques Jordi, qui vient d'étudier ce drame occulté, recense 1 630 personnes enlevées qui n'ont jamais été retrouvées, dont 1 300 entre le 19 mars et la fin de l'année 1962 (3). Selon la formule célèbre, les Français d'Algérie ont le choix entre la valise et le cercueil. Pendant qu'une bataille sans issue entre l'OAS et le FLN embrase les villes d'Algérie, 700 000 pieds-noirs, en quatre mois, franchissent la Méditerranée afin de gagner un pays qu'ils ne connaissent pas et qui ne les attend pas, laissant derrière eux leur véritable patrie, leurs tombes et leurs biens. Le 5 juillet, premier jour de l'indépendance algérienne, 700 Européens sont tués à Oran, sans que l'armée française intervienne (4).

    Parallèlement, une autre tragédie se déroule. A partir du 19 mars, les 150 000 supplétifs musulmans de l'armée française sont désarmés. Pour le FLN, les harkis sont des traîtres. Afin de protéger leurs hommes, certains officiers français les font passer en métropole avec leurs familles. Le 12 mai, Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes et négociateur d'Evian, ordonne de les renvoyer en Algérie. A partir de juillet 1962, les anciens harkis, abandonnés par la France, sont systématiquement assassinés par les vainqueurs, dans des conditions d'une horreur inimaginable. L'historien Maurice Faivre évalue le nombre de victimes de ce massacre entre 60 000 et 80 000 hommes, femmes et enfants (5).

    Cent trente ans de souveraineté française sur l'Algérie ont pris fin dans les larmes et le sang. Ce désastre pouvait-il être évité ? En retracer les tenants et aboutissants, en tout cas, nécessite de dire toute la vérité : dans l'histoire des peuples, le bien ou le mal sont rarement d'un seul côté.

    Jean Sévillia

    (1) La France en Algérie, 1830-1954, de Guy Pervillé, Vendémiaire. 
    (2) La Victoire taboue. Algérie, la réussite tactique de l'armée française, de Christophe Dutrône, Editions du Toucan. 
    (3) Un silence d'Etat. Les disparus civils européens de la guerre d'Algérie, de Jean-Jacques Jordi, Editions Soteca. 
    (4) Oran, 5 juillet 1962. Un massacre oublié, de Guillaume Zeller, Tallandier. 
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  • En hommage à Pierre Schoendoerffer...

            Tout d'abord, cette page dans Le Monde d'aujourd'hui (avec vidéos et photos) :

    http://www.lemonde.fr/cinema/article/2012/03/14/pierre-schoendoerffer-un-survivant-de-l-histoire_1667727_3476.

            L'écrivain et cinéaste Pierre Schoendoerffer est mort mercredi 14 mars à l'âge de 83 ans, à l'hôpital militaire Percy, de Clamart. Politique magazine l'avait rencontré l'année dernière et en avait dressé le portrait (Politique magazine n°93-février 2011) à une époque ou il semblait un peu oublié par les medias. Membre de l'Académie des Beaux-Arts, il était le cinéaste de nos soldats les plus oubliés et parfois même perdus. Appréciée du public, son oeuvre dérangeait,  ce qui est toujours la marque d'un art accompli. 

    Pierre Schoendoerffer, le dernier passeur de héros 

    par Benoît Gousseau  

    LE REGARD au contour gris du plus humble de nos grands cinéastes, était fait pour se poser sur les horizons marins. Il est resté fixé sur les contreforts de la cuvette de Dien-Bien-Phu.  Des lèvres minces ouvrent un sourire tendrement nostalgique sur d'anciennes souffrances partagées avec des camarades de combat et de captivité. Le masque ne s'est figé dans aucune haine ou ressentiment, mais exprime au contraire la plus grande bienveillance pour ce qu'il y a de meilleur dans les êtres. La silhouette a conservé, des années plus tard, l'ascétique élégance du coureur d'aventure au plus près de la guerre et dont l'oeil a su voir, à travers un objectif, la réalité concrète qui faisait d'hommes ordinaires des héros. Pierre Schoendoerffer nous reçoit dans son intérieur parisien, sobre et clair, à deux pas du Musée de la marine, proximité qui n'est pas anodine à bien entendre ses premiers propos : « Je voulais être marin ». Le jeune exilé d'Alsace en Haute Savoie pendant l'Occupation, avant même de l'avoir vue, a reçu l'appel de la mer en lisant Fortune carrée de Joseph Kessel. Roman d'un journaliste exaltant le reportage autant que l'aventure maritime, il se peut que même inconsciemment, il éveilla dans l'imagination de l'adolescent autant la soif de voyager pour raconter que de naviguer pour « aller ailleurs ». Pourtant, nous confie notre hôte : « Rien ne me destinait à écrire. Je voulais faire le métier de marin, mais mes médiocres résultats scolaires m'écartaient naturellement de la voie royale de la Marine nationale et finalement aussi de la Marine marchande. En 1947, je cherchais donc un embarquement sur n'importe quel navire et je fus pris sur un caboteur de haute mer suédois comme matelot léger. »

    L'INDOCHINE, TERRE DES FRATERNITÉS MILITAIRES

    Pendant 18 mois, le jeune Schoendoerffer parcourt la Baltique et la Mer du Nord. Une nuit de quart à la barre du S.S. Anita Hans, se récitant les pages de Fortune carrée qui l'habitent toujours, il réfléchit à son destin. Il sait déjà que le métier de marin ne répond pas pleinement à sa vocation. L'envie de raconter des histoires refait surface, et, puisque ses courtes études semblent ne pas le promettre à un avenir d'écrivain, pourquoi ne pas les raconter en image ? Le cinéma connaît au lendemain de la guerre un fort engouement populaire et lui-même, sans être un cinéphile, se précipite dans les salles obscures chaque fois qu'il le peut. Avec l'inconscience de la jeunesse et croyant pouvoir profiter d'un temps où tout était neuf dans une France en train de se reconstruire, le matelot à peine débarqué s'en va frapper aux portes du cinématographe avec des idées de scénario qui seront toutes refusées.  Il découvre un métier finalement assez organisé : «Le cinéma c'est le château de Kafka. Pour y entrer, il faut être déjà dedans». Il s'inscrit donc à des cours du soir proposés par l'École de la rue de Vaugirard qui forme des techniciens pour le cinéma. Puis un jour, le destin vient frapper à sa porte : un article de Serge Bromberger dans Le Figaro relate la mort de Georges Kowal, cameraman de guerre, tué en Indochine. L'apprenti opérateur se présente au Service cinématographiques des armées en se disant que le disparu doit être remplacé. Il convainc. Après une courte formation, il signe un engagement de quatre ans et s'envole pour Saigon.

    C'est en Indochine que Pierre Schoendoerffer découvre la fraternité militaire dont presque toute l'oeuvre future tentera de dévoiler au public les ressorts complexes et l'héroïque beauté, lorsqu'elle est confrontée à la cruelle réalité politique, en des temps où la guerre, parfois gagnée sur le terrain, est toujours perdue sous les ors de la République. Ses premiers reportages le conduisent au coeur de l'action. La Bell et Howell est son arme. Le magasin de cette caméra 35mm dite légère ne lui laisse que vingt secondes de plan avant de recharger. Cela impose des choix radicaux, des réflexes précis, un taux d'adrénaline égal à celui du combattant. En 1952, il fournit ainsi sa première correspondance, un court-métrage de 9 minutes. Toute l'année 1953 le verra se déplacer sur divers théâtres d'opération dont le camp de Dien-Bien- Phu. Il devient «Schoen», se fait apprécier, rencontre les chefs militaires, baroude avec toutes les troupes, se fait des amis. En 1954, la situation empire autour de Dien-Bien-Phu. Par télégramme, son ami le sergent-chef Jean Péraud, photographe du service, lui demande de le rejoindre dans le camp encerclé pour y tourner des images. Il saute donc sur Dien-Bien-Phu avec le 5e BPVN (5e Bataillon de parachutistes vietnamiens) et fête là son vingt-sixième anniversaire. Puis ce sera l'ultime bataille et la capitulation. Images restées à jamais dans la mémoire du jeune cinéaste qui en tirera, en 1992, un film poignant tant par la rigueur de son langage que par sa vision poétique d'une civilisation en train de mourir. Vision si pudique de ces événements tragiques, qu'elle fait l'impasse, du moins par les images, car les chiffres sont rappelés en codicille, sur les épreuves qui suivront la capture. Schoendoerffer les vit avec ses camarades, y perd son ami Péraud disparu lors d'une tentative d'évasion avec lui, et n'est rendu à la liberté que quatre mois plus tard parmi les 40% de rescapés de ces camps de la mort dispersés dans une jungle inextricable. De retour à Saigon, la vie reprend.

    Il n'envisage pas encore le retour en France et travaille donc comme reporter photographe au Sud-Vietnam, Laos et Cambodge pour Paris-Match, Paris Presse et diverses publications étrangères. 

    STYLE, ESTHÉTIQUE, TRANSCENDANCE

    En 1955, avec quelques économies, Schoendoerffer se décide à quitter l'Indochine, mais le retour en France se fera par le chemin des écoliers. Et c'est à Hong Kong que s'opère une rencontre décisive, celle de Joseph Kessel. L'écrivain qu'il adule y est en reportage et manifeste le plus grand intérêt pour ce jeune photographe de guerre qui a connu la captivité vietminh et sollicite une entrevue. Ils se voient. Schoendoerffer est sur un nuage. Ils promettent de se revoir à Paris. En attendant, le voyage continue avec un petit crochet par Hollywood où le futur cinéaste participe en quasi travailleur clandestin au tournage d'un film. Il ne peut s'attarder. Il rentre enfin en France. À Paris, les rescapés du corps expéditionnaire d'Indochine ne sont pas les bienvenus. Pathé cherche un caméraman pour filmer les événements du Maroc, cela tombe bien. Mais l'idée de réaliser un film à lui trotte toujours dans sa tête et il se décide à appeler Kessel qui l'attend. Ils construisent immédiatement le projet d'un film en Afghanistan sur un scénario du maître, et c'est l'expédition de La Passe du Diable avec Jacques Dupont et Raoul Coutard. Une étape est franchie. Schoendoerffer est enfin admis dans le cercle si longtemps refusé du cinéma. Il réalise alors coup sur coup Ramuntcho et Pêcheurs d'Islande, d'après Pierre Loti. Pour autant, sa vraie carrière cinématographique ne commencera vraiment qu'avec La 317e section, en 1965, sujet que personne ne voulait et qui fut à défaut publié comme roman à La Table Ronde par Roland Laudenbach. La thématique Schoendoerffer, son style, son esthétique, sa transcendance de la violence dans une exaltation de l'honneur, de la fidélité et de la fraternité y figurent dans un langage où les images ne connaissent aucun bavardage. L'œuvre est plantée. Tous les films qui suivront seront autant de jalons sur cette voie unique dans le cinéma français : celle où se fraie la voix d'un passeur de mémoire.

  • Livres & Société • Adieu l’Argent-roi ! Place aux héros européens ! Critique de la civilisation de l’Argent - Apologie d

     

    Par Michel Klen                                            

    Une recension qui parlera aux contre-révolutionnaires, traditionalistes, antimodernes que nous sommes - ou, comme on voudra, révolutionnaires de l'anarchie politique et sociale d'aujourd'hui. L'héroïsme consiste-t-il plutôt à vivre ou plutôt à mourir pour sa patrie, sa civilisation, ses idéaux, sa communauté ? On sait que Maurras privilégiait le premier des deux termes de l'alternative. Et qu'à son engagement personnel n'a pas manqué la part de l'héroïsme. Plus français qu'européen, il n'ignorait pas, cependant, cette dernière dimension de notre identité. Nous non plus, d'ailleurs [Revue Défense Nationale - 02.2017]. Lafautearousseau

     

    sans-titre.pngLe message de Marc Rousset est fort : nous vivons l’époque de la civilisation individualiste de l’argent, de la civilisation hédoniste matérialiste sans idéal, sans âme, sans courage, sans héroïsme. Le constat est sans appel : le règne de l’argent « transforme toute chose en son équivalent monétaire avec un prix ! ». « De nos jours, les gens connaissent le prix de tout, mais la valeur de rien », remarquait déjà Oscar Wilde. Nous vivons « le monothéisme de l’argent » sous le signe du dollar, « vrai Saint-Esprit plus précieux que du sang », a renchéri Céline.

    Le carriérisme et la consommation effrénée en guise de bonheur ont remplacé dans l’esprit de nos contemporains l’idéal, la vocation, le sens de la transcendance, du sacré, du courage, le goût de l’effort, du dépassement, du don de soi, de donner un sens plus élevé à son existence. Et c’est bien là que le bât blesse. Le cri de colère de l’auteur porte précisément sur la perte de ces valeurs qui constituent le socle de l’héroïsme. Sur cette thématique, Marc Rousset est formel : une société se juge sur ses héros. Or, l’idéologie dominante tend à rejeter toute notion d’héroïsme. Ce « signe d’immortalité pour les Grecs et les Romains » a été rayé de notre imaginaire collectif. Les jeunes Français connaissent mieux les vedettes de la téléréalité que les hommes illustres de l’histoire de France ! L’auteur s’en inquiète : mais où sont passés les grandes célébrités, les mythes et les légendes européennes qui ont peuplé l’imaginaire de nos pères sans interruption depuis l’Antiquité ? « Pris dans une formidable bourrasque qui déracine, nivelle et normalise, les Européens encore lucides assistent hébétés, à la mise à mort de leur culture et voient se creuser derrière eux un fossé qui cherche à les couper de leur passé, de leurs racines et de leur identité ».

    Le fil directeur de cet ouvrage très documenté repose sur une apologie de l’héroïsme. Les références historiques abondent. Il y a les héros du Moyen Âge et notamment la chanson de Roland, ce poème épique célébrant les vertus de la chevalerie, de l’honneur féodal et de la foi, une chanson de geste qui a transformé en légende un fait historique. Les exemples sur lesquels s’appuie Marc Rousset sont diversifiés. Il cite le grand compositeur Richard Wagner qui a montré dans ses œuvres « le pouvoir maléfique de l’argent tout en mettant en avant le mythe salvateur du héros ». Il mentionne aussi Saint- Exupéry qui a loué dans son roman Vol de nuit la bravoure des pilotes de l’aviation commerciale pour qui la mission d’acheminement du courrier avait un caractère sacré : « Ils doivent agir comme si quelque chose dépassait, en valeur, la vie humaine ». L’auteur accorde une place poignante dans ce chapitre sur les héros à l’historien et essayiste Dominique Venner, qui s’est suicidé dans la cathédrale Notre-Dame de Paris le 21 mai 2013. Pour Marc Rousset, Venner s’est donné la mort dans ce lieu hautement symbolique, non par désespoir, mais par espérance. Par ce geste, il a voulu faire comprendre que « la victoire ne peut s’obtenir, dans toute l’histoire des peuples, que si les combattants sont prêts à mourir pour leur cause ». Le code d’honneur japonais (Bushido) rentre également dans cette thématique. Cette règle de vie a emprunté au bouddhisme l’endurance stoïque, le respect du danger et de la mort, au shintoïsme le culte religieux de la patrie, au confucianisme une culture morale et artistique ainsi que la morale des relations au sein de la famille et dans la société. Or aujourd’hui, la gloire, l’héroïsme et les vertus militaires ne parlent plus aux générations actuelles. Le général Bigeard en était d’ailleurs parfaitement conscient : « Le regard que je porte sur notre pays et sur la plupart des gouvernants me montre bien que se battre pour les autres, pour la patrie et pour la gloire, de manière totalement désintéressée, est une notion qui semble dépassée, d’un autre siècle, d’une bonne partie de ce XXe siècle que j’ai vécu tambour battant ». 

    Au vu d’un tel recul des valeurs, Marc Rousset pose la question : est-ce la fin de l’honneur ? L’histoire est riche d’exemples de grands soldats qui n’ont pas failli à cette dignité morale. Le commandant Hélie de Saint-Marc, chef de corps du 1er REP (régiment étranger parachutiste), fer de lance de la révolte militaire au putsch d’Alger (22 avril 1961), a justifié, à l’occasion de son procès, son engagement par la notion sacrée qu’il avait de l’honneur : « On peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir, c’est son métier. On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer ». C’est aussi au nom de l’honneur que le général François Meyer, à la fin de la guerre d’Algérie, a outrepassé les ordres pour sauver trois cent cinquante harkis. Alors que les directives officielles de Paris intimaient l’ordre aux officiers de laisser leurs soldats musulmans en Algérie, le jeune lieutenant de l’époque installa ses harkis en France, faisant le tour des chantiers et des usines pour placer ses compagnons d’armes délaissés. « L’honneur ce n’est pas une idée, c’est une pratique », souligne le général. Une pratique qui remonte au XVe siècle : « Il était de tradition, chez les amiraux de Castille, de choisir la mort plutôt que d’abandonner un seul de ses hommes » conclut cet officier courageux.

    Les carences de la société occidentale à donner un sens à la vie dans un monde livré au matérialisme ont fait le lit des islamistes qui ont exploité ce vide pour diffuser leur idéologie morbide. Certains s’étonnent que, dans un continent où on apprend depuis plusieurs décennies aux jeunes Européens de souche à détester leur propre histoire, de jeunes musulmans aillent chercher ailleurs « l’accomplissement d’une virilité et d’un héroïsme qu’on tourne désormais en ridicule sur la terre d’Europe ! ». Sur ce registre d’une actualité brûlante, Marc Rousset nous prévient dans une diatribe virulente : « Les fous de Dieu musulmans, incultes, déséquilibrés, drogués, manipulés, intéressés par le martyre de la Félicité divine et qui s’en prennent à des civils ne sont pas des héros ».

    « L’idéologie islamiste s’empare de paumés déculturés et en quête de réification* identitaire, des irrécupérables dès lors que la mort n’est rien pour eux ». Mourir en martyr « comme un petit crétin fanatisé ou diminué intellectuellement » pour accéder au paradis n’est pas une action héroïque. Les leçons des attentats du 13 novembre 2015 à Paris renforcent ce jugement : les terroristes ne sont ni des héros idéalistes, ni des musulmans pratiquants mais « des jeunes socialement ou ethniquement frustrés, sanguinaires, haineux, jaloux et inassimilables ».

    Marc Rousset parle avec ses tripes. Ce diplômé de HEC et de plusieurs universités américaines, docteur ès sciences économiques, n’utilise pas la langue de bois. Son livre, très érudit, est intéressant par la diversité des thèmes abordés, ses anecdotes et ses innombrables citations empruntées aux plus grands auteurs. Avec ses multiples références, ce document a demandé onze années de travail à son auteur. 

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    * Transformation d’un rapport social, d’une relation humaine en « chose. » Le concept est dû à Marx.

    Michel Klen                                            

  • Le général d’armée Thierry BURKHARD répond à la Commission de la Défense (extraits).

    Extraits du compte rendu de l’audition du général Thierry Burkhard chef d’état-major de l’armée de Terre (Diffusé par l’ASAF)

    Quelques réactions des députés de la commission
    à l’issue de l’exposé du général Thierry Burkhard

    M.Bastien Lachaud.
    (…) Je partage votre inquiétude quant à notre capacité à assurer nos stocks de munitions en cas de choc de haute intensité, surtout après la vente de Manurhin, le choix du fusil HK416 et le démantèlement de GIAT industries. Les dépendances européennes sont inquiétantes au regard du peu de solidarité exprimée dans les moments critiques.

    M.André Chassaigne.
    (…) Vous avez invité à l’humilité et l’avez manifestée par votre ton et votre analyse, ce qui mérite le respect. C’est un message adressé aux politiques.


    M. Christophe Lejeune.
    (…) Je m’exprime depuis Luxeuil-les-Bains, où le légionnaire de première classe Kevin Clément avait vu le jour, il y a vingt et un ans. C’est là aussi que son engagement avait débuté comme sapeur-pompier volontaire. L’émotion est grande parmi ceux qui ont travaillé à ses côtés, jusqu’en 2017, quand il a rejoint la Légion étrangère.
    J’ai une pensée particulière pour ses parents et sa famille, ainsi que pour ses frères d’armes. Je serai le 8 Mai au monument aux morts, où nos pensées l’accompagneront ainsi que tous vos hommes qui ont disparu récemment.


    M. Charles de la Verpillière.
    (…) La collaboration entre l’armée de Terre et les autorités civiles doit être prolongée et nous devons en tirer les conclusions. Si les préfets savent dialoguer avec les militaires, des progrès restent à faire dans les relations avec les ARS, les recteurs et inspecteurs d’académie et les exécutifs des collectivités territoriales.


    M. Jean-Michel Jacques.
    (…) Dans la zone des trois frontières, nous remportons de belles victoires. Nos héros ne sont pas morts pour rien.


    La vidéo que vous nous avez transmise illustre parfaitement vos actions dans nos territoires au contact des préfets, des services de l’État et des maires. Rassurez-vous, rares sont les députés ayant trouvé le décodeur des ARS. Nos concitoyens ont vu que notre armée, où j’ai passé 24 ans, est présente quand on a besoin d’elle. Alors que les premières missions Sentinelle avaient provoqué des réticences, en 2020, l’état d’esprit a changé. Tout en maintenant la notion d’Ultima ratio, saisissons cette possibilité pour faire accepter par nos concitoyens la nécessité d’investir dans nos armées.

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    (FILES) In this file photo taken on June 05, 2015 A French soldier of the 93rd Mountain Artillery Regiment, part of the French Army’s “Operation Barkhane”, an anti-terrorist operation in the Sahel, looks through binoculars while patrolling on an armoured vehicle a track between M’Bouna and Goundam in the Timbuktu region during the joint operation “La Madine 3”. – Thirteen soldiers from France’s anti-terrorist Barkhane force in Mali were killed after two helicopters collided during an operation in the country’s north, the French presidency said on November 26, 2019. The accident occurred on November 25, 2019, while the forces were engaging jihadist fighters who have staged a series of deadly strikes in northern Mali in recent weeks, the Elysee Palace said. (Photo by Philippe DESMAZES / AFP)

    Réponses du général Thierry Burkhard à quelques questions des députés (extraits)

    (…) Préparation opérationnelle des forces
    Nous avons pris des mesures comme la règle des trois tiers. Nous conduisons nos instructions en diminuant par trois le volume de personnel formé, ce qui permet d’avoir des dispositifs aérés et de ne pas concentrer nos soldats. Les activités se déroulent aussi en trois temps :

    • une phase préparatoire où nos militaires s’équipent avec les effets de protection et où les consignes sont rappelées,
    • le déroulement de l’activité
    • et la sortie d’activité avec la décontamination du matériel.


    Cela prend du temps et met l’instruction sous contrainte. Je constate que nos unités se sont assez bien adaptées car des solutions ont été trouvées.


    (…) Instruction parachutiste
    Pour des raisons de sécurité, nous avons mis en sommeil les stages des troupes aéroportées qui nécessitent la coordination de deux armées, creusant ainsi un retard de formation et de préparation opérationnelle.


    (…) Recrutement
    La baisse du recrutement n’aura pas de conséquence immédiate sur les OPEX ni sur les opérations intérieures (OPINT) comme Sentinelle. Au pire, nos unités tourneront temporairement plus vite en OPEX ou en OPINT. Il est également important de noter qu’un régiment de l’armée de Terre n’est pas un espace confiné comme un porte-avions et que le COVID y est plus facilement gérable. Dès qu’un soldat est malade, il est isolé, ainsi que son entourage. Nos cadres au contact permanent de la troupe permettent rapidement d’identifier un malade et de l’isoler.


    (…) Opex et covid
    Les opérations de Barkhane se poursuivent normalement. Par chance, les unités projetées en février étaient saines. Quelques cas sont néanmoins apparus sur zone. Quand un soldat ressent de la fièvre dans un véhicule blindé, les dix occupants sont isolés. Les opérations doivent toutefois continuer de manière normale car nos adversaires poursuivent le combat. Nous n’avons donc pas le choix.


    (…) Armée pour opex et opint (opérations extérieures et intérieures)
    Certains considèrent notre armée comme uniquement expéditionnaire, mais pourtant, quand les Français en ont besoin sur le territoire national, elle est là comme le montre cette crise. Le risque serait d’avoir une armée optimisée pour de l’appui intérieur et de voir, après, si nous en aurions besoin ailleurs. Cette crise montre qu’une armée principalement tournée vers les menaces extérieures peut également agir sur le territoire national. En revanche, il est certain que notre armée n’a pas assez d’épaisseur pour faire face à un conflit majeur doublé d’une crise intérieure d’ampleur. Je pense à des ruptures d’approvisionnement d’alimentation, à l’arrêt des transports ou à des catastrophes naturelles.
    Ce qui me semble important, c’est que l’ambition d’une armée capable de se battre dans le haut du spectre, dans le cadre d’un conflit majeur, nous forcera à avoir une épaisseur qui nous rendra d’autant plus efficaces dans une opération intérieure. Qui peut le plus peut le moins.
    Sur le territoire national, une partie des ressources humaines stratégiques peut également venir de la réserve. Si l’opération se prolonge, elle doit être engagée. Il faut donc aller plus loin dans le développement d’une réserve plus réactive et toujours plus opérante.


    (…) L’armée de Terre ne choisit pas ses missions, elle les exécute
    Les forces de Barkhane en opérations dans la zone des trois frontières obtiennent des résultats exceptionnels. Les unités déployées au Mali font preuve d’une grande efficacité. Concernant votre réflexion sur Sentinelle, il est exact de dire que certains engagés dans l’opération n’en ont pas immédiatement compris l’utilité. Toutefois, l’armée de Terre exécute les missions qui lui sont confiées, ce qui clôt un peu le débat, et nous avons pour mission de protéger les Français aussi bien sur le territoire national qu’à N’Djamena. Nous ne choisissons pas nos missions.


    La notion d’ultima ratio est liée au niveau d’engagement. Tout est question de mesure, comme toujours. L’armée de Terre sait tout faire ou presque, mais jusqu’à un certain point. Par exemple, l’armée de Terre peut-elle se consacrer entièrement à la distribution de masques ? La réponse est oui mais l’employer uniquement à distribuer des masques n’est pas sans conséquence, par exemple sur le niveau de prise de risque de la relève dans la zone des trois frontières. L’ultima ratio ne doit pas vouloir dire solution de facilité. Vous l’avez vu, nos soldats sont heureux d’avoir été engagés au service des Français mais mon rôle est aussi de préparer ce que l’on me demandera demain.


    À partir du 11 mai, chacun doit se réorganiser progressivement pour faire ce qu’il est le seul à savoir faire : l’armée de Terre est seule à savoir s’engager en OPEX dans la zone des 3 frontières.


    (…) Equipement (programme d’armement Scorpion)
    L’année n’est pas normale pour l’armée de Terre, elle ne l’est pas non plus pour les industriels. En revanche, comme tout le monde, en dépit de la crise, leurs objectifs de livraisons restent les mêmes, à ce stade. Je resterai un client exigeant dans ce domaine.


    (…) Fidélisation et commandement
    Quelqu’un qui s’engage pour être soldat doit être employé comme un soldat. D’abord, il faut appliquer des normes d’entraînement, disposer du matériel nécessaire et des moyens suffisants qui préparent à l’engagement. Si nos soldats sont envoyés à la guerre, ils doivent être entraînés et être capables de gagner. Ensuite, ils doivent se sentir utiles et les chefs doivent donner du sens aux actions dans lesquelles on les engage. Enfin, ils restent s’ils se sentent bien. Un soldat qui s’estime mal commandé, mal logé, mal nourri s’en va et je le comprends. C’est pour cela que la qualité du commandement et le niveau du soutien sont des éléments clés. Nos chefs doivent bien commander, ce qui n’est pas facile, d’où l’effort que je fais sur la chaîne de commandement.


    (…) Relations avec les ARS
    Comme je l’ai dit précédemment, il faut bâtir la confiance entre nos institutions.
    Nous travaillons à une action décentralisée avec l’Éducation nationale, les maires et les députés pour les cérémonies du 11 Novembre. Cette crise a ouvert de nombreuses portes.

    Général d’armée Thierry BURKHARD
    Chef d’état-major de l’armée de Terre
    Extraits du CR d’audition)

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  • Turquie/Europe : fiction, anticipation ?...

            Nos lecteurs  - du moins les plus anciens - y sont habitués, depuis assez longtemps, maintenant. Lorsque le regretté François-Georges Dreyfus nous a demandé si nous accepterions de l'aider à diffuser La Dizaine de Magistro, nous avons immédiatmernt accepté, et nous la répercutons, depuis, ... tous les dix jours, comme son nom l'indique !

            Nous voyons là un service rendu à la réflexion et à la pensée, mais aussi une manière de remercier François-Georges Dreyfus de  son apport aux idées qui sont les nôtres. Maurras ne disait-il pas "Le meilleur d'entre nous subsiste lorsque le matériel disparaît tout entier..." ?

    tancrede josseran.jpg          Chaque "Dizaine" nous apporte donc son lot d'articles toujours intéressants, souvent de haut niveau, et nourrissant toujours la réflexion.

            Cette semaine, la "Dizaine" nous a fait découvrir un "nouveau" : T. Josseran, professeur d'Histoire, part d'un livre écrit en Turquie, par un Turc : fiction ? anticipation ? Cela permet en tout cas de dire ou de redire certaines choses qu'il serait bon d'appprendre, si on les ignore, ou de se remémorer, si l'on a tendance à les oublier.....

    * Tancrède JOSSERAN est Attaché de Recherche à l'Institut de Stratégie et des Conflits (ISC). 

     Guerre contre l'Europe

             Alors que les négociations avec l’Union européenne sont entrées dans une phase de doute, un puissant courant euro-sceptique est en train d’émerger en Turquie. L’un des succès de librairie les plus significatifs de ces derniers mois : "La troisième guerre mondiale" (1), décrit dans un futur proche l'invasion de l’Europe par l’armée turque.
            Avec la "Troisième guerre mondiale", (Üçüncü dünya Savasi), Burak Turna renouvelle le succès de son précédent roman de politique fiction : "Tempête de métal" (500 000 exemplaires vendus). Il ne s’agit plus cette fois pour l’auteur d’imaginer l’attaque de la Turquie par les États-Unis, mais de mettre en scène une vaste confrontation à l’échelle planétaire entre l’Orient et l’Occident.
            Dans le climat d’incertitude et de méfiance qui prévaut aujourd’hui dans les relations entre la Turquie et l’Union Européenne et, plus globalement, de l’Occident avec le monde musulman, le livre de Burak Turna apparaît comme un véritable miroir de l’image que les Turcs se font et de l'Europe, et d'eux-mêmes.
            C’est cette vision tendue, pleine de contradictions, oscillant entre désir et rejet, que cette œuvre de fiction, bien que confuse et manichéenne, permet d’appréhender.

     

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    L’Orient contre l’Occident

            En 2010, une crise économique d’ampleur mondiale provoque l'effondrement des principales places financières de la planète, les unes après les autres. Profitant du chaos ainsi généré, une société secrète, "la fraternité des chevaliers de la mort" alliée au Vatican, déclenche une guerre à l’échelle planétaire. Le but final de la mystérieuse confrérie étant l’instauration d’ "un Etat mondial" (2) blanc et chrétien. Pour ce faire, cette société encourage la dialectique du choc des civilisations à travers le monde, en manipulant les mouvements identitaires et populistes en Europe, ainsi que des sectes comme la Falong en Chine. L’Allemagne, l’Autriche, la Hollande, la France sont en proie à une vague de pogroms contre les musulmans, et plus particulièrement contre les Turcs. Ce déchaînement de violence, touche aussi les ressortissants russes des pays baltes, ce qui force Moscou à intervenir. De même, la tension entre la Chine et les États-Unis pour le contrôle du Pacifique, débouche sur une opération aéronavale à Taiwan. L’Inde, alliée à la Chine, profite de la confusion générale pour anéantir la flotte américaine dans sa base de Diego Garcia et s’emparer des possessions françaises dans l’Océan Indien.
            Décidés à mettre fin aux exactions contre leurs ressortissants, Ankara et Moscou alliées au tandem Pékin-New-Dehli unissent leurs efforts militaires. Une spectaculaire opération aéroportée est menée contre l'Allemagne. Les parachutistes turcs, largués par des Antonovs, hissent l’étendard écarlate frappé du croissant sur le Reichstag. Les Américains, trop occupés à faire face aux Chinois dans le Pacifique, abandonnent leurs alliés européens. Un nouvel ordre continental émerge des décombres de l’ancienne Europe dont la capitale est transférée à Istanbul.
            Tout au long du récit l’auteur prend bien soin de ne pas isoler l’Islam des autres civilisations non-occidentales. Aussi, l’axe islamo-orthodoxo-hindou-confucéen créé pour la circonstance, valide davantage la thèse du choc entre l'Orient et l'Occident, qu'entre ce dernier et l'Islam. Comme Samuel Huntington avant lui, Burak Turna fait de la Russie un corps étranger à l’Europe en la plaçant dans le camp de l’Orient. En dépit de cette volonté de faire passer au second plan le facteur religieux et les divergences propres à chacune des civilisations de "l’axe  oriental", l’auteur à quelque peine à expliquer la disparition des conflits entre musulmans et chrétiens dans le Caucase, l’apaisement subit des tensions dans le Cachemire et au Singkiang (Kirghizistan chinois). Finalement, le grand paradoxe de cet ouvrage réside dans cette volonté des Turcs à vouloir se faire accepter comme Européens en se comportant en conquérants, tout en rejetant l’identité occidentale.

    L’Europe une terre de conquête ?

            Ultime cap de l’Asie, point d’aboutissement des invasions, marche occidentale de l’Empire ottoman et extrémité nord-occidentale de l’avancée arabe, l’Europe demeure dans l’imaginaire turc un espace d’expansion. Dans une certaine mesure, le processus d’adhésion à l’UE est vécu comme une revanche sur l’Histoire, et la continuation des guerres ottomanes par d’autres moyens. Il est significatif qu’au lendemain de la validation de la candidature d’Ankara par le conseil des ministres des Vingt-Cinq, dans la capitale autrichienne, en décembre 2004, un grand quotidien turc ait titré "Vienne est tombée !". Au retour de son périple européen, Erdogan était accueilli triomphalement à Istanbul et surnommé : le "conquérant de l’Europe".
             Malgré son appartenance à un milieu  laïc et occidentalisé, Burak Turna reste lui-même marqué par cette rhétorique belliciste. Dans son livre, sa représentation de l’ennemi européen emprunte beaucoup au registre religieux. Les soldats européens y sont décrits comme un ramassis de soudards dépravés et criminels, à l’instar des "croisés avant eux" (3). Le Vatican incarne le danger spirituel qui guette la Turquie et le monde non-occidental. La conspiration qui en émane, a pour but "d’effacer les cultures traditionnelles partout dans le monde et de créer une société d’esclaves" (4) . Nous serons les "propriétaires de la planète" (5), fait s’exclamer Burak Turna  à un cardinal, porte-parole de Benoît XVI.
            Ici, la figure de l’ennemi alimente l’imaginaire du complot. L’idée que l’action du Vatican puisse faire peser une menace sur l’existence de la Turquie prend sa racine dans le projet du pape Clément VIII (1592-1605) de reconquérir Istanbul et de convertir l’Empire ottoman. Plus récemment, les propos de Jean-Paul II dans son message pascal de 1995, ont été relevés avec suspicion. Le saint Père appelait les organisations armées, et spécialement les Kurdes, à s’asseoir autour de la table de négociations. Le Vatican conviait aussi Ankara à s’associer à cette initiative. Peu après, une campagne de presse relayée par le Catholic World Report aux États-Unis, s’en prenait violemment à la Turquie en l’accusant de "génocide" à l’égard des populations Kurdes. En 1998, la nomination par Jean-Paul II de deux cardinaux, dont l’identité n’a pas été dévoilée, a suscité des interrogations dans les milieux nationalistes turcs (6).
            Si ces inquiétudes peuvent apparaître très exagérées, pour ne pas dire dénuées de fondement sérieux, elles n’en recoupent pas moins des "pensées réflexes" ancrées dans le psychisme turc.
            En-dehors de Burak Turna, ces théories conspirationnistes sont, ces derniers temps, largement reprises dans les médias. Le chroniqueur vedette de télévision, Eröl Mütercimler, s’est fait une spécialité de la dénonciation de ces forces occultes qui  dirigent  le monde. Pour Mütercimler, l’Europe ne voudra jamais de la Turquie car elle est intrinsèquement un club chrétien (hiristiyan kulübü).           Les "architectes du nouvel ordre mondial" auraient selon lui, abouti à une forme de syncrétisme entre leur déisme maçonnique et les valeurs chrétiennes des pères fondateurs de l’Europe. Cette synthèse humanitaro-chrétienne exclurait de fait la Turquie musulmane. Pour appuyer ses propos, Mütercimler prend l’exemple du drapeau européen dont les 12 étoiles sur fond bleu représenteraient la robe de la Sainte Vierge… (7)
            Ce regard turc sur l’Europe, si ambigu, si paradoxal, qu’offre le livre de Turna, est à l’image d’un pays prisonnier entre son enracinement oriental et sa marche vers l’Occident.
            Une Europe perçue à la fois comme une terre de conquête, comme un lieu d’affrontement, mais aussi comme la dispensatrice d’une manne précieuse, un club de riches, un Occident chrétien qui, même pour des musulmans, demeure un idéal de civilisation.
            
     

    (1) Burak Turna, Üçüncü dünya savasi, Timas Édition, Istanbul, 2005
    (2) Idem. p 271
    (3) Idem. p 348
    (4) Idem. p 130
    (5) Idem. p 271
    (6) Erol Mütercimler, Komplo teorileri, Alfa, Istanbul, 2006: “AB’hiristiyan kulübü’dür“ [L’Union Européenne est un club chrétien], p176-180
    (7) Idem. “Vatikan’in gizli ilisskileri“ [Les relations secrètes du Vatican, p 293-300

  • Aux origines de la violence contemporaine, par François Dubreil.

    Manifestation de "zadistes" à Toulouse en hommage à Rémi Fraisse, février 2015 © Fred Scheiber/SIPA Numéro de reportage: 00705776_000036

    Violence. Ce mot est partout. Radios, télévisions, nouveaux médias et réseaux sociaux ne parlent que « d’ensauvagement » et relatent jour après jour des faits divers sans cesse plus atroces dignes de cette France Orange Mécanique dont Laurent Obertone annonçait l’avènement il y a quinze ans déjà.

    Quand tout cela a-t-il commencé ? Et plus encore, pourquoi cela a-t-il commencé ?

    13.jpgObertone – encore lui – liait directement cette montée de violence à l’installation massive de populations immigrées issues de régions de la planète aux mœurs moins policées. Ce n’est pas totalement faux, mais pas vraiment pour les raisons qu’il mettait en avant. On ne peut en effet se contenter de croire en une sorte de propension intrinsèque à la violence chez ces nouveaux arrivants, liée à leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse. En dehors même des stéréotypes racistes que véhicule cette thèse, les contre-exemples sont en effet trop nombreux pour qu’elle puisse être valablement retenue. A ceux qui en douteraient, et qui considèrent par exemple que « tous les musulmans sont violents » et que « tous les asiatiques sont pacifiques », je conseille vivement d’effectuer un voyage à Dubaï puis en Birmanie, à titre de comparaison : les faits parleront d’eux-mêmes. Mais il est certainement possible en revanche d’imaginer que des personnes ayant grandi et vécu dans des pays marqués par la brutalité civile ou militaire puissent être quelque peu imprégnées par cette culture du rapport de force, et qu’elles puissent ainsi parfois transporter avec elles une part de la violence dans laquelle elles ont toujours baigné.

    Immigration et violence

    Le phénomène migratoire pourrait donc expliquer, pour partie, l’augmentation des crimes et délits en France au cours des six dernières décennies. Mais il ne saurait néanmoins en être la cause principale ou déterminante, car la hausse du taux de criminalité en France a de fait largement précédé le développement de l’immigration extra-européenne, qui n’est devenue réellement massive et pérenne qu’après la mise en place de la politique de regroupement familial en 1976. Si nous nous fions aux chiffres transmis par la Direction Centrale de la Police Judiciaire, nous voyons en effet que tout au long des années 50, et même jusqu’au milieu des années 60, notre pays présentait un niveau de violence très faible, avec des taux de criminalité annuels de l’ordre de 10 à 15 pour mille. Puis une hausse brutale s’est développée entre 1966 et 1980, date depuis laquelle le taux n’est plus jamais descendu au-dessous de 50 pour mille, dépassant parfois même largement les 60 pour mille. Au moins une autre cause que l’immigration a donc dû jouer un rôle essentiel. J’en retiendrai deux.

    Ce n’est qu’à partir de l’effondrement brutal de l’emprise chrétienne sur les consciences, au décours des années 1960, que la violence a pu se rendre visible, avant même de pouvoir devenir omniprésente

    Regardons un peu en arrière, pour commencer, et voyons quel était l’extrême niveau de violence en France à la Libération, à l’issue de cinq années de conflit extérieur et de guerre civile larvée entre « résistants » et « collabos ». Souvenons-nous du comportement de nos grands-parents lors de l’Épuration sauvage, des femmes tondues et des exécutions sommaires dans nos villes et nos villages… Souvenons-nous même, avec un brin d’horreur, que quelques années plus tôt encore (jusqu’en 1939, pour être exact), même les exécutions capitales « officielles » avaient encore lieu en public, et que tout un chacun pouvait donc alors, en France, venir voir le plus légalement du monde un homme se faire trancher la tête. Souvenons-nous enfin du fait que nos aînés, en Indochine puis en Algérie, ont été les acteurs de guerres d’une violence extrême, et ce jusqu’au début des années 1960 ; violence qui déborda d’ailleurs le simple théâtre des opérations militaires puisqu’elle s’invita aussi largement en France métropolitaine, via le terrorisme de l’OAS ou lors de la répression de la manifestation des Algériens à Paris en 1961 par exemple.

    Rendez-nous la violence légale et la justice

    Et pourtant à cette même époque, le taux de criminalité, lui, restait extrêmement faible. A quoi donc alors rattacher ce décalage manifeste ? Peut-être pour une part à « l’équilibre dissuasif » qu’établissait encore dans ces années 1945-1965 la persistance de l’usage traditionnel, au sein de l’appareil militaire, policier et judiciaire, d’un très important degré de violence légale. La remise en cause de cette stratégie immémoriale, opposant à la brutalité criminelle le déploiement d’une violence étatique équivalente – voire supérieure – avait pourtant commencé dans l’immédiat avant-guerre, avec la suppression de la déportation aux bagnes (1938) et la fermeture des colonies pénitentiaires pour mineurs (1939). Mais le regain de brutalité général engendré par le second conflit mondial puis les guerres coloniales vint ensuite ralentir pour une vingtaine d’années cette évolution de fond. Il fallut donc attendre le tournant des années 1960-1970 pour que l’action de juristes comme Robert Badinter ou de philosophes comme Michel Foucault (notamment via son fameux Surveiller et Punir, paru en 1975) vienne définitivement délégitimer le droit que s’arrogeait encore l’État de violenter les corps. On vit alors successivement disparaitre la peine de mort (1981) et les Quartiers de Haute Sécurité (1982), tandis que peu à peu la sévérité – et même la simple application – des peines carcérales prononcées par la justice pénale allait en décroissant.

    On pourrait toutefois, à ce propos, discuter la valeur dissuasive effective que pouvait avoir cette violence « officielle », notamment dans le cas emblématique de la peine de mort. C’est précisément un des angles d’attaque qu’utilisèrent ses opposants, et c’est d’ailleurs une critique parfaitement fondée. Mais ce n’est pas précisément notre sujet. Ce qui nous intéresse, c’est la valeur coercitive que pouvait entretenir une telle brutalité. Ce que provoque inévitablement en retour la réduction de la contrainte physique des criminels, par le jeu des remises de peine, des libérations anticipées, et des mesures alternatives à l’emprisonnement, c’est bien en effet une certaine forme de libération de leur violence dans l’espace public. Nous le voyons assez clairement dans le problème de plus en plus préoccupant de la récidive, chez des individus que le système n’éloigne plus désormais radicalement de la société par la mort, la relégation ou l’enfermement. Le même phénomène de libération de violence, d’ailleurs, s’est développé d’une façon très significative durant la même période en matière de gestion de l’ordre public. Depuis mai 1968, suivant un revirement radical par rapport aux périodes antérieures, la doctrine officielle vise ainsi désormais à épargner avant tout les vies des manifestants, y compris au prix d’une mise en danger des forces de l’ordre et d’une augmentation conséquente des dégradations commises sur la voie publique. Les rares morts survenues depuis lors de manifestations, de Malik Oussekine à Rémi Fraisse, ont donc été considérées par les autorités elles-mêmes non plus comme le résultat accidentel et inévitable de heurts plus ou moins délibérément provoqués, mais comme des drames inacceptables, aboutissant quasi-systématiquement à la condamnation – au moins morale – des forces de l’ordre et à leur paralysie progressive. Pour caricaturer à dessein, il ne serait plus venu l’idée à personne, même dans les esprits les plus réactionnaires de la Préfecture de Police, de traiter les plus violentes des actions des gilets jaunes en 2018 comme l’avait été une soixantaine d’années plus tôt la manifestation – pourtant pacifique – des Pieds Noirs d’Alger sur la rue d’Isly… Et gageons en retour que le saccage de l’Arc de Triomphe aurait certainement été évité si les CRS avaient ouvert le feu à l’arme automatique sur le rond-point de l’Etoile… L’affaiblissement (relatif, car la violence non létale reste encore largement employée) de la brutalité policière a donc inévitablement laissé davantage de champ à l’exercice de la violence des casseurs de tous bords. Nous l’avons vu clairement en 2016 lorsqu’une voiture de policiers isolée en marge d’une manifestation parisienne put impunément être caillassée puis incendiée devant les caméras sans qu’aucun des fonctionnaires à bord ne fasse usage de son arme de service, l’un d’eux ayant même été depuis décoré précisément pour la grande retenue dont il avait fait preuve tandis qu’un des casseurs s’en prenait physiquement à lui. Les agresseurs identifiés se virent certes sanctionnés par la suite, mais leur agressivité avait néanmoins pu se déployer sur le moment sans aucune entrave…

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    Le 18 mai 2016, une voiture de police est incendiée par des manifestants quai de Valmy à Paris. SIPA. AP21899220_000001

    Déchristianisation et exposition permanente de la violence

    A ce point de mon argumentaire, avant d’être accusé de crypto-fascisme, je tiens à préciser les choses : mon propos n’est pas ici de déplorer un quelconque laxisme, de faire l’apologie de la violence d’État, de demander le retour de la guillotine sur la place publique et des parachutistes dans les rues. Je tiens seulement à mettre (ou remettre, plus exactement) la société face à sa responsabilité : si elle choisit (pour toutes sortes de raisons morales) de renoncer à l’usage de la violence légale, elle doit assumer en retour de se trouver confrontée à une plus grande intensité de violence illégale… Pour reprendre un vieil adage, il est vain de déplorer les effets dont on chérit les causes…

    Mais j’avais évoqué deux explications à l’accroissement de la violence dans notre pays. Et de fait, une autre voie d’opposition que la permanente concurrence de brutalité entre les autorités d’un côté, les criminels et les casseurs de l’autre, existait jusqu’à une période récente dans notre tradition culturelle. Elle était vieille de deux mille ans, et depuis ses origines elle avait perpétuellement combattu (avec plus ou moins de conviction selon les époques, c’est vrai) le principe même de la violence. Le christianisme, car c’est bien de lui qu’il s’agit, avait ainsi proposé une réponse en retour basée non plus sur une brutalité équivalente, mais sur son contraire absolu : l’Amour. C’est d’ailleurs cette longue tradition de miséricorde et de charité – au sens étymologique – qui triomphe aujourd’hui dans le discours du pape François, mais son écho n’est plus que marginal, tant la déchristianisation de nos sociétés est désormais avancée. Ce message a néanmoins très largement précédé le pontificat actuel (il est directement issu des textes évangéliques) et il a d’ailleurs été relativement dominant dans l’Église chaque fois que celle-ci n’a pas eu partie liée – directement ou pas – avec le pouvoir temporel. Il a ainsi longtemps imprégné la société occidentale d’une très forte condamnation morale de la violence qui aboutissait, jusqu’à l’époque contemporaine, à une censure de fait de ses représentations littéraires et audiovisuelles. Et ce n’est donc qu’à partir de l’effondrement brutal de l’emprise chrétienne sur les consciences, au décours des années 1960, que la violence a pu se rendre visible, avant même de pouvoir devenir omniprésente. Les descriptions des horreurs des combats de 14-18 sont ainsi bien moins crues dans les Orages d’Acier de Jünger (pourtant acteur des faits) que dans Au Revoir Là-Haut de Lemaitre. De même, la vision donnée du Débarquement sur la plage d’Omaha dans Le Jour le Plus Long de Zanuck est infiniment plus édulcorée que celle qu’offrit Spielberg avec Il Faut Sauver le Soldat Ryan, bien que la familiarité des spectateurs avec les scènes de guerre fût indiscutablement bien plus grande en 1962 qu’en 1998. Ce carcan moral fondé sur les valeurs chrétiennes – qui se traduisait par une censure de fait – était plus fort encore dans les publications et émissions destinées à la jeunesse, qui devaient impérativement présenter un univers tout en douceur et en politesse. Ceux qui comme moi ont grandi dans les années 1970 se souviennent ainsi du choc symbolique que représenta l’arrivée sur nos écrans de Goldorak, après le long règne de Nounours et du Manège Enchanté. Le succès fut énorme, car la violence, comme le fascisme, est fascinante… Mais les conséquences ne le furent pas moins: désormais, partout, dans la littérature comme au cinéma, à la télévision et bientôt sur internet, la brutalité ne serait plus censurée mais exhibée à tous sous des jours de plus en plus complaisants en une permanente surenchère, de l’Inspecteur Harry jusqu’à Kill Bill… Là encore, mon propos n’est pas de juger ni de déplorer : j’aime tout autant Clint Eastwood que Quentin Tarantino, et il ne viendrait plus à l’esprit de personne, désormais, de sacrifier le réalisme à la morale. Mais qu’une trace de cette exposition permanente puisse ensuite s’imprimer dans les esprits et dans les comportements – en particulier des plus jeunes – me semble une évidence…

    Au mitan des années 60, donc, un nouveau monde émergea, tournant le dos à la fois à l’autoritarisme brutal des pouvoirs anciens et à la morale religieuse traditionnelle. C’est en 1964-1966 que Guillaume Cuchet fait débuter notre sortie du christianisme, et c’est en 1968 que commença l’effondrement de l’ordre gaullo-républicain. Nous autres, désormais, vivons sur une société issue de ces deux bouleversements gigantesques. L’explosion de violence à laquelle nous sommes confrontés, quoi qu’on en dise, est le prix à payer pour cela…

  • Claude Brasseur et la dynastie Espinasse, par Bruno Stéphane-Chambon.

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    Claude Brasseur est mort. Son talent, indéniable, était sans doute en partie le fruit de sa riche ascendance théâtrale.

    Georges Albert Espinasse (1879-1906) appartenait à la troupe de Sarah Bernhardt, l’immense tragédienne qui interpréta notamment L’Aiglon d’Edmond Rostand.

    Elle avait créé une école d’art dramatique en appliquant une nouvelle pédagogie qui privilégiait la personnalité de l’acteur et le développement de sa nature. Il épousa Germaine Nelly Brasseur (1887-1971), qui devint actrice à ses côtés.

    Pierre Brasseur, monstre sacré

    De cette union naquit Pierre Albert Espinasse. Désirant lui aussi se consacrer à l’art dramatique, il adopta le nom de sa mère et se fit donc appeler Pierre Brasseur. Après avoir échoué à son concours d’entrée au Conservatoire – il se révélait déjà atypique –, il suivit les cours de théâtre dispensés par Harry Baur et Fernand Ledoux. Harry Baur, qui l’inspira beaucoup, était un monstre sacré, immortalisé sous les traits de Volpone aux côtés de Louis Jouvet et Charles Dullin dans le film de Maurice Tourneur en 1940. Il s’était déjà illustré en interprétant Jean Valjean dans Les Misérables, où il donne la réplique à Charles Vanel, et Ludwig van Beethoven, dans le film d’Abel Gance. Au théâtre, il avait repris le rôle de César, créé par Raimu, dans la trilogie de Pagnol. Il mourut le 8 avril 1943 suite aux tortures qu’il avait subi au cours de sa détention dans les geôles dans le de la Gestapo. Pierre Brasseur se perfectionna auprès de Fernand Ledoux, acteur prolifique et des plus connus. Auprès de ces grands maîtres, Pierre Brasseur développa son grand talent naissant mais surtout son art de la démesure. La vie artistique l’attirait sous toutes ses formes et il fréquenta nombre de peintres et poètes dont Pablo Picasso, Jean Cocteau, Max Jacob, Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Benjamin Péret, Raymond Queneau, Robert Desnos et Jacques Prévert. Suite à ces influences diverses il se révéla un excellent auteur de pièces : L’Ancre noire (1927), Sainte Cécile (1944), Un ange passe (1943), L’Enfant de Poméranie (1945). Il débute au théâtre chez Lugné-Poe au théâtre de l’Œuvre et au cinéma avec Jean Renoir dans La Fille de l’eau. Son succès est grandissant, surtout marqué par son interprétation dans Le Quai des brumes de Marcel Carné et son rôle de Frédérick Lemaître dans Les Enfants du paradis.

    C’est surtout sur les planches qu’il triomphe avec Kean, où il incarne le grand acteur anglais raconté par Alexandre Dumas père, dans Le Diable et le Bon Dieu de Jean-Paul Sartre, Le Partage de midi de Paul Claudel, dans la mise en scène magique de Jean-Louis Barrault, La Mégère apprivoisée de William Shakespeare, mise en scène par Georges Vitaly, Don Juan d’Henry de Montherlant et le Dom Juan aux Enfers de George Bernard Shaw aux côtés de Paul Meurisse, et l’inénarrable Tchao de Marc-Gilbert Sauvajon. Au cinéma, un de ses rôles marquant est celui de Lucien Maublanc, débauché notoire, dans Les Grandes familles, film réalisé par Denys de La Patellière sorti en 1958 d’après l’œuvre de Maurice Druon, où il s’affronte de manière magistrale à Jean Gabin. Ironie du sort funeste, il meurt le 14 août 1972 à Brunico en Italie, d’une crise cardiaque, lors du tournage La Plus Belle Soirée de ma vie. Ce film d’Ettore Scola réunissait autour de Pierre Brasseur une distribution prestigieuse avec Alberto Sordi, Michel Simon, Charles Vanel et Claude Dauphin. Il avait épousé la brillante Odette Joyeux, actrice, également écrivain et romancière. Ils eurent un fils né en 1936 : Claude Pierre Espinasse, dit Claude Brasseur.

    Claude Brasseur, puissant et fin

    Le jeune Claude reçoit pour parrain l’écrivain américain Ernest Hemingway. Spirituellement, ce n’est pas l’idéal, mais honorifiquement, ce n’est pas rien.

    Durant son enfance, ses relations avec ses parents sont très affectueuses mais ils sont souvent absents accaparés par leurs activités artistiques. Il gardera toujours une admiration et une grande tendresse pour eux. Par la suite il effectue son service militaire en Algérie en 1957 dans les parachutistes, ce qui était loin d’être une sinécure. Après avoir été tenté par une carrière de journaliste, sur les conseils d’Elvire Popesco, après un court passage au Cours Simon, il entre Conservatoire où il rejoint Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort. Il fait ses premiers pas au théâtre en 1955 en créant Judas de Marcel Pagnol et débute au cinéma dans Rencontre à Paris de Georges Lampin.

    À notre avis, les deux tremplins qui lui permettront de lancer sa grande carrière sont dues à la télévision avec en premier lieu son rôle de Sganarelle dans le Dom Juan ou le Festin de pierre de Marcel Bluwal en 1965, pièce filmée emblématique, et en second lieu l’opportunité de reprendre de 1971 à 1973, en remplacement de Bernard Noël, malheureusement décédé, le rôle de François Vidocq dans le feuilleton très populaire Les Nouvelles Aventures de Vidocq (à ce titre il faut reconnaître que le théâtre est une grande famille : le fils de Bernard Noël fut adopté par Claude Rich). S’ensuit une carrière, qui n’a rien à envier à son père avec 37 pièces de théâtre, plus de cent dix films et l’obtention de deux César.

    Nous retiendrons dans sa carrière cinématographique dans des seconds rôles de caractère avant d’accéder au rang du vedettariat, Les Sept Péchés capitaux d’Édouard Molinaro (1962), Le Caporal épinglé de Jean Renoir (1962), Les Seins de glace de Georges Lautner (1974), film qui le révèlera au grand public, et la consécration avec Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert (1976), La Guerre des polices de Robin Davis (1979), La Boum de Claude Pinoteau (1980 et 1982), Josépha de Christopher Frank (1982), Guy de Maupassant de Michel Drach (1982), La Crime de Philippe Labro (1983), La Gitane de Philippe de Broca (1986), Georges Dandin de Roger Planchon (1988), Radio Corbeau d’Yves Boisset (1989), L’Orchestre rouge de Jacques Rouffio (1989), Un, deux, trois, soleil de Bertrand Blier (1993). Ces dernières années furent marquées par Fauteuils d’orchestre de Danièle Thompson (2006), Légitime Défense de Pierre Lacan (2011), L’Étudiante et Monsieur Henri d’Ivan Calbérac (2015) et le rôle inénarrable de Jacky Pic, avec sa femme Laurette, interprétée par Mylène Demongeot dans la série des Campings de Fabien Onteniente en compagnie de Franck Dubosc.(2006, 2010 et 2016).

    Mais les planches sont les lieux de prédilection de la famille Espinasse. Claude avait hérité de la faconde et de la gestuelle de Pierre, en moindre ampleur, mais Claude ajoutait une perception plus subtile dans l’interprétation que Pierre, son jeu était tout en finesse.

    Amoureux des grands textes et très perspicace dans le choix des metteurs en scène, on sélectionnera les grands moments de théâtre qu’il a su nous offrir : dans les premières années il joua Un ange qui passe, pièce écrite et mise en scène par son père. Puis, il démontre son grand talent dans des mises en scène de Roger Planchon en interprétant les rôles titres du grand répertoire avec Tartuffe de Molière (1962 et 1967) et George Dandin de Molière (1987). Il décolle avec Le Souper de Jean-Claude Brisville, mise en scène Jean-Pierre Miquel, dans le rôle d’un Fouchet frustre et retors face à un diabolique Talleyrand, interprété par Claude Rich (1989). Le Dîner de cons de Francis Veber, mise en scène Pierre Mondy,(1993) restera un souvenir désopilant. En 2012 il reprend son rôle fétiche de Tartuffe dans une mise en scène de Marion Bierry. Un grand évènement survint en 2014 : La Colère du Tigre de Philippe Madral, mise en scène Christophe Lidon. Pièce à laquelle nous avons assisté, marquée par son implication dans le rôle de Clemenceau, pétri de contradictions, et un monologue magique de Michel Aumont, jouant Claude Monet, face à l’océan, qu’il ne voit plus que sous la couleur jaune, suite à une cécité naissante.

    On ne saurait, pour terminer ce portait, omettre ses qualités dans le monde du sport avec une sélection pour les Jeux olympiques d’hiver de 1964 à Innsbruck dans l’équipe de France de bobsleigh, et sa participation au Rallye du Paris-Dakar en 1983, où il était le copilote de Jacky Ickx. Ce fut à cette occasion que je le rencontrais pour la première fois à une étape, non loin de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire.

    Quant à son panache et à son anticonformisme, on saluera son courage pour avoir osé signer, en 2013, le « manifeste des 343 salauds » lancé par le magazine Causeur, pour protester contre la loi relative à la pénalisation des clients de prostituées. Un adversaire des bien-pensants avant l’heure !

    Fils de Planchet et de d’Artagnan, Claude Brasseur a disparu avant Noël, en nous saluant d’un grand coup de chapeau le 22 décembre 2020 à l’âge de 84 ans à Paris. Sa voix puissante et éraillée manquera sous le chapiteau des grands saltimbanques, les artistes !

    Alexandre Brasseur, l’héritier

    Alexandre Espinasse, dit Alexandre Brasseur, est un acteur français né le 29 mars 1971 à Neuilly-sur-Seine, fils de Claude Brasseur et de Michèle Cambon. Certes l’héritage est lourd et la tendance du public à faire des comparaisons ne rend pas la tâche facile à ce nouvel acteur.

    Il débute à l’école du cirque d’Annie Fratellini et apparait de nombreuses fois dans plusieurs séries télévisées dont Maigret. (1999-2002) Un peu écrasé par la présence de Bruno Cremer, il a tendance à imiter le jeu de son père.

    Il participe à douze pièces de théâtre, univers où il se sent plus dans son élément, avec en 1999 La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène de Georges Wilson, en 2000, Joyeuses Pâques de Jean Poiret, mise en scène de Bernard Murat. Il triomphe en 2005 avec La Locandiera de Carlo Goldoni, dans une mise en scène d’Alain Sachs où il donne la réplique à Cristiana Reali, et surtout avec Mon père avait raison de Sacha Guitry, mise en scène de Bernard Murat, au théâtre Édouard VII, qui en était à sa 300e présentation en juin 2008. Déjà il avait été récompensé en 2007 avec un Prix Raimu de la révélation théâtrale.

    Il joue dans dix films et se distingue dans Nos plus belles vacances de Philippe Lellouche et Colt 45 de Fabrice Du Welz. Il participe à plusieurs téléfilms dont Georges Dandin de Molière dans le rôle de Lubin. Sa carrière dans les séries télévisées devient de plus en plus importante et dernièrement il s’impose dans Le Bureau des légendes pour les saisons 1-2 et 5. La saga des Espinasse est en route pour devenir une grande épopée.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/