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Claude Brasseur et la dynastie Espinasse, par Bruno Stéphane-Chambon.

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Claude Brasseur est mort. Son talent, indéniable, était sans doute en partie le fruit de sa riche ascendance théâtrale.

Georges Albert Espinasse (1879-1906) appartenait à la troupe de Sarah Bernhardt, l’immense tragédienne qui interpréta notamment L’Aiglon d’Edmond Rostand.

Elle avait créé une école d’art dramatique en appliquant une nouvelle pédagogie qui privilégiait la personnalité de l’acteur et le développement de sa nature. Il épousa Germaine Nelly Brasseur (1887-1971), qui devint actrice à ses côtés.

Pierre Brasseur, monstre sacré

De cette union naquit Pierre Albert Espinasse. Désirant lui aussi se consacrer à l’art dramatique, il adopta le nom de sa mère et se fit donc appeler Pierre Brasseur. Après avoir échoué à son concours d’entrée au Conservatoire – il se révélait déjà atypique –, il suivit les cours de théâtre dispensés par Harry Baur et Fernand Ledoux. Harry Baur, qui l’inspira beaucoup, était un monstre sacré, immortalisé sous les traits de Volpone aux côtés de Louis Jouvet et Charles Dullin dans le film de Maurice Tourneur en 1940. Il s’était déjà illustré en interprétant Jean Valjean dans Les Misérables, où il donne la réplique à Charles Vanel, et Ludwig van Beethoven, dans le film d’Abel Gance. Au théâtre, il avait repris le rôle de César, créé par Raimu, dans la trilogie de Pagnol. Il mourut le 8 avril 1943 suite aux tortures qu’il avait subi au cours de sa détention dans les geôles dans le de la Gestapo. Pierre Brasseur se perfectionna auprès de Fernand Ledoux, acteur prolifique et des plus connus. Auprès de ces grands maîtres, Pierre Brasseur développa son grand talent naissant mais surtout son art de la démesure. La vie artistique l’attirait sous toutes ses formes et il fréquenta nombre de peintres et poètes dont Pablo Picasso, Jean Cocteau, Max Jacob, Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Benjamin Péret, Raymond Queneau, Robert Desnos et Jacques Prévert. Suite à ces influences diverses il se révéla un excellent auteur de pièces : L’Ancre noire (1927), Sainte Cécile (1944), Un ange passe (1943), L’Enfant de Poméranie (1945). Il débute au théâtre chez Lugné-Poe au théâtre de l’Œuvre et au cinéma avec Jean Renoir dans La Fille de l’eau. Son succès est grandissant, surtout marqué par son interprétation dans Le Quai des brumes de Marcel Carné et son rôle de Frédérick Lemaître dans Les Enfants du paradis.

C’est surtout sur les planches qu’il triomphe avec Kean, où il incarne le grand acteur anglais raconté par Alexandre Dumas père, dans Le Diable et le Bon Dieu de Jean-Paul Sartre, Le Partage de midi de Paul Claudel, dans la mise en scène magique de Jean-Louis Barrault, La Mégère apprivoisée de William Shakespeare, mise en scène par Georges Vitaly, Don Juan d’Henry de Montherlant et le Dom Juan aux Enfers de George Bernard Shaw aux côtés de Paul Meurisse, et l’inénarrable Tchao de Marc-Gilbert Sauvajon. Au cinéma, un de ses rôles marquant est celui de Lucien Maublanc, débauché notoire, dans Les Grandes familles, film réalisé par Denys de La Patellière sorti en 1958 d’après l’œuvre de Maurice Druon, où il s’affronte de manière magistrale à Jean Gabin. Ironie du sort funeste, il meurt le 14 août 1972 à Brunico en Italie, d’une crise cardiaque, lors du tournage La Plus Belle Soirée de ma vie. Ce film d’Ettore Scola réunissait autour de Pierre Brasseur une distribution prestigieuse avec Alberto Sordi, Michel Simon, Charles Vanel et Claude Dauphin. Il avait épousé la brillante Odette Joyeux, actrice, également écrivain et romancière. Ils eurent un fils né en 1936 : Claude Pierre Espinasse, dit Claude Brasseur.

Claude Brasseur, puissant et fin

Le jeune Claude reçoit pour parrain l’écrivain américain Ernest Hemingway. Spirituellement, ce n’est pas l’idéal, mais honorifiquement, ce n’est pas rien.

Durant son enfance, ses relations avec ses parents sont très affectueuses mais ils sont souvent absents accaparés par leurs activités artistiques. Il gardera toujours une admiration et une grande tendresse pour eux. Par la suite il effectue son service militaire en Algérie en 1957 dans les parachutistes, ce qui était loin d’être une sinécure. Après avoir été tenté par une carrière de journaliste, sur les conseils d’Elvire Popesco, après un court passage au Cours Simon, il entre Conservatoire où il rejoint Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort. Il fait ses premiers pas au théâtre en 1955 en créant Judas de Marcel Pagnol et débute au cinéma dans Rencontre à Paris de Georges Lampin.

À notre avis, les deux tremplins qui lui permettront de lancer sa grande carrière sont dues à la télévision avec en premier lieu son rôle de Sganarelle dans le Dom Juan ou le Festin de pierre de Marcel Bluwal en 1965, pièce filmée emblématique, et en second lieu l’opportunité de reprendre de 1971 à 1973, en remplacement de Bernard Noël, malheureusement décédé, le rôle de François Vidocq dans le feuilleton très populaire Les Nouvelles Aventures de Vidocq (à ce titre il faut reconnaître que le théâtre est une grande famille : le fils de Bernard Noël fut adopté par Claude Rich). S’ensuit une carrière, qui n’a rien à envier à son père avec 37 pièces de théâtre, plus de cent dix films et l’obtention de deux César.

Nous retiendrons dans sa carrière cinématographique dans des seconds rôles de caractère avant d’accéder au rang du vedettariat, Les Sept Péchés capitaux d’Édouard Molinaro (1962), Le Caporal épinglé de Jean Renoir (1962), Les Seins de glace de Georges Lautner (1974), film qui le révèlera au grand public, et la consécration avec Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert (1976), La Guerre des polices de Robin Davis (1979), La Boum de Claude Pinoteau (1980 et 1982), Josépha de Christopher Frank (1982), Guy de Maupassant de Michel Drach (1982), La Crime de Philippe Labro (1983), La Gitane de Philippe de Broca (1986), Georges Dandin de Roger Planchon (1988), Radio Corbeau d’Yves Boisset (1989), L’Orchestre rouge de Jacques Rouffio (1989), Un, deux, trois, soleil de Bertrand Blier (1993). Ces dernières années furent marquées par Fauteuils d’orchestre de Danièle Thompson (2006), Légitime Défense de Pierre Lacan (2011), L’Étudiante et Monsieur Henri d’Ivan Calbérac (2015) et le rôle inénarrable de Jacky Pic, avec sa femme Laurette, interprétée par Mylène Demongeot dans la série des Campings de Fabien Onteniente en compagnie de Franck Dubosc.(2006, 2010 et 2016).

Mais les planches sont les lieux de prédilection de la famille Espinasse. Claude avait hérité de la faconde et de la gestuelle de Pierre, en moindre ampleur, mais Claude ajoutait une perception plus subtile dans l’interprétation que Pierre, son jeu était tout en finesse.

Amoureux des grands textes et très perspicace dans le choix des metteurs en scène, on sélectionnera les grands moments de théâtre qu’il a su nous offrir : dans les premières années il joua Un ange qui passe, pièce écrite et mise en scène par son père. Puis, il démontre son grand talent dans des mises en scène de Roger Planchon en interprétant les rôles titres du grand répertoire avec Tartuffe de Molière (1962 et 1967) et George Dandin de Molière (1987). Il décolle avec Le Souper de Jean-Claude Brisville, mise en scène Jean-Pierre Miquel, dans le rôle d’un Fouchet frustre et retors face à un diabolique Talleyrand, interprété par Claude Rich (1989). Le Dîner de cons de Francis Veber, mise en scène Pierre Mondy,(1993) restera un souvenir désopilant. En 2012 il reprend son rôle fétiche de Tartuffe dans une mise en scène de Marion Bierry. Un grand évènement survint en 2014 : La Colère du Tigre de Philippe Madral, mise en scène Christophe Lidon. Pièce à laquelle nous avons assisté, marquée par son implication dans le rôle de Clemenceau, pétri de contradictions, et un monologue magique de Michel Aumont, jouant Claude Monet, face à l’océan, qu’il ne voit plus que sous la couleur jaune, suite à une cécité naissante.

On ne saurait, pour terminer ce portait, omettre ses qualités dans le monde du sport avec une sélection pour les Jeux olympiques d’hiver de 1964 à Innsbruck dans l’équipe de France de bobsleigh, et sa participation au Rallye du Paris-Dakar en 1983, où il était le copilote de Jacky Ickx. Ce fut à cette occasion que je le rencontrais pour la première fois à une étape, non loin de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire.

Quant à son panache et à son anticonformisme, on saluera son courage pour avoir osé signer, en 2013, le « manifeste des 343 salauds » lancé par le magazine Causeur, pour protester contre la loi relative à la pénalisation des clients de prostituées. Un adversaire des bien-pensants avant l’heure !

Fils de Planchet et de d’Artagnan, Claude Brasseur a disparu avant Noël, en nous saluant d’un grand coup de chapeau le 22 décembre 2020 à l’âge de 84 ans à Paris. Sa voix puissante et éraillée manquera sous le chapiteau des grands saltimbanques, les artistes !

Alexandre Brasseur, l’héritier

Alexandre Espinasse, dit Alexandre Brasseur, est un acteur français né le 29 mars 1971 à Neuilly-sur-Seine, fils de Claude Brasseur et de Michèle Cambon. Certes l’héritage est lourd et la tendance du public à faire des comparaisons ne rend pas la tâche facile à ce nouvel acteur.

Il débute à l’école du cirque d’Annie Fratellini et apparait de nombreuses fois dans plusieurs séries télévisées dont Maigret. (1999-2002) Un peu écrasé par la présence de Bruno Cremer, il a tendance à imiter le jeu de son père.

Il participe à douze pièces de théâtre, univers où il se sent plus dans son élément, avec en 1999 La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène de Georges Wilson, en 2000, Joyeuses Pâques de Jean Poiret, mise en scène de Bernard Murat. Il triomphe en 2005 avec La Locandiera de Carlo Goldoni, dans une mise en scène d’Alain Sachs où il donne la réplique à Cristiana Reali, et surtout avec Mon père avait raison de Sacha Guitry, mise en scène de Bernard Murat, au théâtre Édouard VII, qui en était à sa 300e présentation en juin 2008. Déjà il avait été récompensé en 2007 avec un Prix Raimu de la révélation théâtrale.

Il joue dans dix films et se distingue dans Nos plus belles vacances de Philippe Lellouche et Colt 45 de Fabrice Du Welz. Il participe à plusieurs téléfilms dont Georges Dandin de Molière dans le rôle de Lubin. Sa carrière dans les séries télévisées devient de plus en plus importante et dernièrement il s’impose dans Le Bureau des légendes pour les saisons 1-2 et 5. La saga des Espinasse est en route pour devenir une grande épopée.

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Source : https://www.politiquemagazine.fr/

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