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  • Réflexions sur ”liberté, égalité, fraternité”, à partir d'un texte de Dostoïevski, par Yvan Blot...

    • yvan blot,dostoievski         Yvan Blot nous a envoyé quelques réflexions, que nous publions ci-après : ("..J’ai pensé que ce texte de Dostoïevski vous intéresserait..."), Nous l'en remercions, et sommes, comme à chaque fois, très heureux de publier ses textes dans notre quotidien( rappel : le Site de Démocratie directe : http://www.democratiedirecte.fr/). 

           Il se base sur un extrait des "Frères Karamazov", tome 1 (pages 564 et suivantes) : 

           Dostoïevski, comme Kierkegaard, peut être compté parmi les fondateurs de la pensée existentielle et Nietzsche, Camus ou Heidegger ont notamment reconnu leur dette envers ce génie.  

            Dans « Les Frères Karamazov », il fait une critique impressionnante du monde moderne occidental. « Le monde a proclamé la liberté, ces derniers temps surtout, » déclare le staretz Zosima, « et nous, que voyons-nous dans ce qu’ils appellent la liberté ? Rien que de l’esclavage et du suicide ! Car le monde dit : tu as des besoins et donc satisfais les car tu as les mêmes droits que les hommes les plus riches et les plus notables. N’aie pas peur de les satisfaire, et même fais les croître. Voici la doctrine actuelle du monde. C’est en cela qu’ils voient la liberté. Et quel est le résultat de ce droit à multiplier les besoins ? Chez les plus riches, l’isolement et le suicide spirituel, et chez les pauvres, la jalousie et le meurtre, car les droits sont certes donnés mais les moyens de satisfaire ces besoins, eux, on ne les indique pas encore. (..) En comprenant la liberté comme une multiplication et une satisfaction rapide de leurs besoins, ils déforment leur nature, car ils font naître en eux une multitude de désirs absurdes et stupides, d’habitudes et de lubies des plus ineptes. Ils ne vivent que pour s’envier les uns les autres, pour satisfaire leur chair et leur vanité. »

            Dostoïevski montre ce qui est attesté par les phrénologues comme Mac Lean et ce qui avait été déjà vu par intuition chez Platon (le Philèbe notamment). Nous avons trois cerveaux : le cerveau reptilien, ou paléocortex (commun à nous et aux reptiles) qui guide l’agressivité, la faim ou l’instinct sexuel. C’est le cerveau instinctif que Platon compare à un dragon. Nous avons un cerveau affectif (limbique) commun avec les mammifères qui règle notre comportement affectif. Nous avons un cerveau néo cortex siège de l’intelligence abstraite. Lorsqu’on satisfait les besoins primaires, on accroit le poids relatif du cerveau reptilien. C’est le cas de la société moderne qui a vu depuis 1968  la criminalité quadrupler. Dostoïevski annonce aussi la révolution russe en disant que les pauvres sont frustrés par cette idéologie des droits, que leur énergie est bridée par l’alcoolisme mais que bientôt : « au lieu de vin, ils boiront du sang ». C’est ce qui s’est passé avec le Bolchevisme.

            Le staretz Zosima continue : « il n’est pas étonnant qu’au lieu de la liberté on soit tombé dans l’esclavage et qu’au lieu de servir la fraternité et l’union de l’humanité, on tombe au contraire dans l’isolement et dans la solitude (..) Voilà pourquoi s’éteignent de plus en plus dans le monde l’idée de servir l’humanité, celle de la fraternité (..) car comment abandonner ses habitudes, où donc ira ce prisonnier s’il est habitué à satisfaire ses besoins innombrables qu’il s’est inventés lui-même ? Réduit à un atome individuel, qu’ira-t-il faire du tout ? Et pour finir, plus les objets s’accumulent, plus la joie disparaît ». La fraternité reste abstraite et débouche en fait sur le refus de servir, l’absence d’amour héroïque. Le staretz oppose à cette vie de « divertissements » (Pascal) ou « esthétique » (Kierkegaard) la vie du moine qui apprend la maitrise de soi. Cela le rend libre de son ego et lui apporte la gaieté spirituelle. « Qui est capable de porter cette grande pensée (..) le richard solitaire ou cet homme libéré de la tyrannie des objets et des habitudes ?

            La Russie sera sauvée par la spiritualité des moines enracinés dans le peuple : « du peuple viendra le salut de la Russie. Le monastère russe de tout temps, a été avec le peuple. (..) le réformateur incroyant, chez nous en Russie, ne fera jamais rien, serait-il sincère dans son cœur et génial. Cela, souvenez-vous en . Le peuple verra l’athée et il le combattra, et in n’y aura plus qu’une Russie unie (c’est le nom du parti de Poutine !) et orthodoxe ! (..) Voilà notre œuvre monacale parce que ce peuple est théophore (porteur de Dieu ; idée de la sainte Russie).

            Pour Dostoïevski, « notre peuple croit encore à la justice, il reconnait Dieu » et il sait lorsqu’il agit mal. « C’est autre chose chez les grands. Eux ils veulent une société qui suive la science pour la justice par leur seule intelligence, mais sans le Christ. (..) et ils ont déjà proclamé que le crime n’existe pas, et le péché non plus. Ils ont raison de leur point de vue car si tu n’as pas de Dieu, qu’est-ce donc que le crime ?  A un autre chapitre du livre, Ivan Karamazov, le frère athée et intellectuel proclame que si Dieu n’existe pas, tout est permis ! Dostoïevski pense qu’en Europe, « le peuple se dresse contre les riches par la force, les meneurs du peuple le mènent partout vers le sang et lui enseignent que sa colère est juste. Mais leur colère est maudite parce qu’elle est cruelle ». Il annonce le totalitarisme communiste à venir.

            Pour l’auteur, le peuple est naturellement digne. « C’est quand je te respecte sans envie que je montre devant toi ma dignité humaine. En vérité, le peuple ne dit pas cela car il ne sait pas encore le dire. C’est ainsi qu’il agit (existentialisme) et qu’il reste suffisamment humble pour servir et aimer autrui. « Croyez le, cela finira ainsi : l’égalité, elle ne réside que dans la dignité spirituelle et cela, on ne le comprendra que chez nous, les Russes. (..) Nous gardons l’image du Christ, et elle luira comme un diamant précieux dans le monde entier ».

            Autrement dit, voici la leçon que nous donne Dostoïevski par la bouche du staretz Zosima :

    1/ La liberté proclamée en Occident débouche sur l’esclavage matérialiste car c’est un appel à libérer le dragon des instincts chaotique qui est en nous. Cet excès mènera l’Occident au suicide (refuis de l’héroïsme, donc du combat, incapacité à avoir des enfants par égoïsme)

    2/ L’égalité prônée conduira à des rivières de sang. Elle a comme moteur la jalousie et le meurtre et profite de la libération du reptile qui est en nous.

    3/ La fraternité suppose qu’il y ait des frères, or ce n’est pas le cas dans une société où tout le monde est prisonnier de son ego. Le refus de servir devient la norme.

     

            Ce monde d’esclaves jaloux et refusant de servir va à sa perte. Il sera sauvé par l’imitation du Christ qui est la valeur permanente du peuple russe, le peuple théophore de la Sainte Russie. Sur les armoiries de la Russie, on voit saint Georges terrassant le dragon : c’est bien le combat qu’il faut mener contre le dragon intérieur. Ce dragon a été libéré par les Lumières de l’Occident et le christianisme seul permettra de retrouver un ordre conforme à la nature humaine créée par Dieu.

            Quelles sont les valeurs universelles à opposer à la liberté des instincts, l’égalité jalouse et meurtrière et la fausse fraternité des individus refusant de servir quoi que ce soit sauf soi-même ?

            Face à la fausse liberté des droits illimités, le salut est dans la maîtrise de soi qui permet l’authenticité de la personnalité (alors que la liberté déforme la personnalité au profit de sa composante reptilienne)

            Face à l’égalité fondée sur la jalousie et qui conduit au meurtre, il faut opposer la vraie égalité qui est dans la dignité spirituelle de chacun.

            Face à la fausse fraternité, il faut opposer l’l’humilité de celui qui accepte de servir les autres, de les aimer, au besoin jusqu’à l’héroïsme (modèle christique).

            Maitrise de soi qui rend libre, dignité spirituelle pour chacun, humilité qui conduit à l’amour héroïque, telles sont les valeurs qui, selon Dostoïevski, sauveront l’humanité.  

  • Anniversaire de Georges Steiner : le surprenant ”oubli” (?) d'Evène...

                Le 23 avril, c'était l'anniversaire de Georges Steiner, 80 ans, né à Paris en 1929. Le fait est mentionné par l'éphémeride d'Evene, que Le Figaro met en bonne place sur la page d'accueil de son édition électronique.

                Un petit texte, intéressant, accompagne ce rappel, suivi d'une bibliographie, intéressante elle aussi. Pourtant, on est très vite surpris, et déçu. C'est curieux : quand on connaît l'estime réciproque que se portaient les deux hommes, et quand on sait ce que Steiner pense et dit de Boutang, Pierre Boutang n’existe pas pour Evène. Il a disparu des écrans radars. Néantisé ...

    STEINER 1.jpg

                On se perd donc en conjectures sur la cause de cet "oubli". Oubli, tout simplement ? Mais ce serait très surprenant... Épuration d'un autre âge, et censure, dûe au politiquement correct ? Mais ce serait assez inattendu en ce qui concerne Steiner, qui n'a pas craint d'écrire un ouvrage avec Pierre Boutang, et qui pense, et qui dit, que Boutang est tout simplement le plus grand philosophe, depuis Platon ! Excusez du peu ! Et de plus, dans cette biographie, on parle de Gustave Thibon, qui aurait dû, à ce compte-là, être épuré lui aussi...

     

                La vérité oblige à dire que nous ne savons rien du pourquoi du comment de tout ceci, et que l'on ne peut que le constater, tout simplement. Inutile de se perdre trop longtemps dans de vaines suppositions...

     

                Contentons-nous donc de réparer un oubli et de combler simplement une lacune -on l'appellera ainsi, faute d'élèments d'information suffisants, en se gardant de noircir trop les choses...-. Et réunissons juste les deux amis, les deux complices, qu'une biographie - par ailleurs intéressante - a curieusement séparés.

            

           

     

     

     

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    Voici, pour mémoire, la malgré tout sympathique page consacrée par Evène à Steiner :

     

    Biographie de George Steiner

    Après onze années passées à Paris, George Steiner et ses parents, d'origine juive viennoise, arrivent aux États-Unis en 1940 pour échapper à la Seconde Guerre mondiale. Très tôt, George Steiner reçoit une éducation polyglotte et son père lui fait apprendre le grec ancien à 6 ans en lui faisant croire que "L' Iliade" n'est pas traduit en allemand. Le jeune homme fréquente ensuite les universités d'Oxford et de Cambridge. Il sort diplômé en mathématiques, en sciences physiques et en lettres en 1949. Dès 1950, l'étudiant brillant est engagé comme journaliste au sein de The Economist et se fait remarquer grâce à un cours sur Shakespeare qu'il donne à l'université de Genève où il enseigne la littérature. Nommé professeur émérite à sa retraite, il continue d'enseigner au St Anne's College à Oxford. Parmi la vingtaine d'ouvrages à son actif, citons 'Tolstoï ou Dostoïeviski' en 1958 et 'Après Babel' en 1975. Il publie de nombreux ouvrages notamment 'Les Livres que je n'ai pas écrits' dans lequel l'auteur fait état de sept projets, sept absences, sept échecs supposés. Depuis 1966, George Steiner est critique littéraire au New Yorker. Son activité littéraire traverse les années et il publie notamment 'Langage et silence' en 1969, 'Martin Heidegger' en 1981, 'Le Sens du sens' en 1988, 'La Mort de la tragédie en 1993, 'Grammaires de la création' en 2001, 'Logocrates' en 2003 ou encore 'Une certaine idée de l'Europe' en 2005. Ayant beaucoup réfléchi sur les rapports entre l'art et la transcendance, George Steiner fonde sa philosophie sur le langage, le mal, la transcendance et le rapport entre la culture et la barbarie.

     

     

    PORTRAIT DE GEORGE STEINER

    La pensée symphonique

    Au lendemain d'un Salon du livre controversé mettant à l'honneur Israël et l'écriture en hébreu à l'exclusion de toute autre langue, comme l'anglais ou l'arabe, revenons sur la pensée du plus érudit des juifs, du plus polyglotte aussi. George Steiner, qui publiait en janvier chez Gallimard son dernier essai, 'Les Livres que je n'ai pas écrits', nous montre une nouvelle fois que c'est par et pour les textes qu'il appréhende les savoirs.

    D'autres célébrités liées à Steiner :
    Jean-Paul Curnier, François Jullien, Jean-Luc Marion, Michel Henry, Maurice Blanchot, Jean-François Revel, Albert Camus, Jean-Louis Schefer, Gustave Thibon, Daniel Bensaïd, Pascal Bruckner, Simone de Beauvoir, André Tubeuf, Alain Finkielkraut, Alain Renaut, John Rawls, Jürgen Habermas, Jean-François Lyotard, Alain Badiou, Luc Ferry.

    Et, sur une autre page, Evène cite :

    Chantal Delsol, Alain Badiou, Michel Foucault, Jacques Derrida, Simone Weil, Emil Michel, Cioran, André Tubeuf, Léo Strauss, Bruno Bettelheim, Luc Ferry, Gilles Deleuze, Paul Ricoeur, Emmanuel Mounier, Noam Chomsky, Jürgen Habermas, Benny Lévy, Marcel Gauchet, Claude Lévy-Strauss, Betty Friedan, Hannah Arendt.

     

    Bibliographie

    Ceux qui brûlent les livres

    de George Steiner

    [Littérature étrangère XXIe]

    Dans cet essai, Steiner expose son rapport aux livres et ce qu'il doit aux religions du livre.

     Plus sur "Ceux qui brûlent les livres"

    A cinq heures de l’après-midi

    de George Steiner

    [Littérature étrangère XXIe]

    Ville dangereuse, M. comptabilise des dizaines d'homicides par jour. Des cadavres piégés sont laissés, abandonnés ou ramassés à la tombée du jour ; seule l'odeur du sang rappelle ce qui s'est passé.

     Plus sur "A cinq heures de l’après-midi"

    Maîtres et disciples

    de George Steiner

    [Spiritualité et Religion]

    Qu'est-ce qui habilite un homme ou une femme à "enseigner" à un autre être humain, où réside la source de l'autorité ? L'enseignement authentique est le dévoilement d'un Logos révélé, diront les uns : c'est le modèle du maître qui enseigne [...]

     Plus sur "Maîtres et disciples"

    Une certaine idée de l’Europe

    de George Steiner

    [Histoire et Actualité]

    C'est avec le talent d'un imagier que George Steiner aborde son sujet de manière inattendue : "Les cafés font l'Europe, écrit-il. Ils vont de l'établissement préféré de Pessoa à Lisbonne aux cafés d'Odessa, hantés par les gangsters d'Isaac [...]

     Plus sur "Une certaine idée de l’Europe"

     

    Dix raisons (possibles) à la tristesse de la pensée

    de George Steiner

    [Philosophie]

    "Si nos processus de pensée étaient moins pressants, moins crus, moins hypnotiques, nos déceptions constantes, la masse grise de la nausée nichée au coeur de l'être, nous désempareraient moins. Les effondrements mentaux, les fuites pathologiques [...]

     Plus sur "Dix raisons (possibles) à la tristesse de la pensée"

    Tolstoï ou Dostoïevski

    de George Steiner

    [Littérature étrangère XXe]

    On a pu dire qu'en demandant à un homme - ou à une femme - s'il préfère Tolstoï ou Dostoïevski, on peut "connaître le secret de son coeur". Avec son érudition et sa verve coutumières, George Steiner explore ici les différences qui opposent [...]

     Plus sur "Tolstoï ou Dostoïevski"

    Nostalgie de l’absolu

    de George Steiner

    [Philosophie]

    La fin du christianisme et le retour du religieux sont décidément des thèmes à la mode. Sur le sujet, mieux vaut lire les ouvrages de George Steiner ou de Marcel Gauchet qui, s'ils sont très différents, ont le mérite commun de formuler les [...]

     Plus sur "Nostalgie de l’absolu"

    Grammaire de la création

    de George Steiner

    [Philosophie]

    Ce tournant de siècle est marqué par une lassitude foncière. Ontologique, dirait-on : la chronométrie intime, les contrats avec le temps qui déterminent si largement notre conscience indiquent la fin d'après-midi. Nous sommes des tard venus. [...]

     Plus sur "Grammaire de la création"

    Le Sens du sens

    de George Steiner

    [Philosophie]

    Dans ce livre, qu'il a voulu intituler 'Le Sens du sens', on trouvera le texte d'une conférence fondamentale, donnée dans les trois langues qui déterminent sa vie et son espace culturel. George Steiner considère aussi sa conférence comme [...]

     Plus sur "Le Sens du sens"

    Langage et silence

    de George Steiner

    [Philosophie]

    On a pu dire de l'oeuvre considérable de George Steiner qu'elle tourne tout entière autour du langage, de son sens et de ses conséquences morales et religieuses. On s'en convaincra aisément en lisant cet ouvrage écrit voici trente ans, par [...]

     Plus sur "Langage et silence"

    Réelles présences

    de George Steiner

    [Philosophie]

    Où peut-on trouver le sens des arts ou de la littérature lorsque les oeuvres authentiques s'effacent au profit de l'ère des commentaires journalistico-universitaires ? L'art contemporain, comme l'humanisme moderne, ont échoué car ils manquaient [...]

  • Le Prince Jean en Provence (1/3) : A Cadarache, avec les scientifiques de haut niveau du Commissariat à l'énergie atomiq

    TimbrebisRVB.jpg            Le Prince Jean s'est rendu plusieurs fois en Provence : illustrant l'image que nous avons souvent prise d'un arbre qui monte d'autant plus haut dans le ciel qu'il pousse plus profondément ses racines dans le sol, il s'est montré attentif, curieux et intéressé par tout ce qui s'y passe, et dans tous les domaines, rencontrant aussi bien la Nation Gardianne et ses traditions vivantes que les scientifiques de Cadarache préparant l'énergie du futur : les deux bouts de la chaîne pourrait-on dire....

                Le vendredi 21 juillet 2006 , il a visité le Centre  du Commissariat à l’énergie atomique de Cadarache (1).

                http://www-cadarache.cea.fr/

                http://www-fusion-magnetique.cea.fr/

                Cette visite fut l'occasion, pour le Prince, de comprendre une clé majeure du succès en matière de recherche scientifique : ce qui importe, c’est d’être en mesure de se dégager des contingences du moment, des modes et des besoins passagers, pour se donner les moyens de concevoir et mettre en œuvre un projet cohérent, lucidement pensé, réalisé avec rigueur et méthode. Ce projet doit alors être poursuivi avec une volonté sans faille, et la continuité dans l’effort doit être assurée jusqu’au bout.

                Comment celui dont la Famille symbolise et représente ce temps long, dont nous ne disposons plus depuis que nous sommes en République, pourrait-il rester insensible à un tel argument ? La personne qui a expliqué ceci au Prince a bien fait de tenir ce discours. Mais on peut, bien évidemment, rebondir sur ces paroles et étendre le propos : c'est la France elle-même, tout simplement, qui a pu être construite patiemment, et sur un millénaire, à partir d'un tel schéma...

                Mais revenons à Cadarache.....

                Le Prince fut reçu par M. Bernard Bigot, haut commissaire à l’énergie atomique, et M. Serge Durand, directeur du CEA. 

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    SERGE DURAND.jpg

     

                 La visite commença par le site du futur réacteur ITER (International Thermonuclear Experimental Réaction), qui procède d’un traité international de longue durée : outre les pays de l’Union européenne, les partenaires sont le Japon, la Russie, les États-Unis, l’Inde, la Chine et la Corée du Sud. Le traité, qui définit les apports et les charges de chacun, vise à l’installation d’un "tokamak" – abréviation russe pour chambre magnétique torique –, c’est-à-dire un réacteur nucléaire de 4e génération (schéma ci dessous).

                 Qu'est-ce qu'un Tokamak ? : http://www.itercad.org/projet_3.php

                Cette machine de 35 000 tonnes, conçue pour résister aux aléas sismiques, sera à fusion nucléaire : elle reproduira, en quelque sorte, l’énergie du soleil.          

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                Dans un contexte de concurrence difficile, avec le Japon notamment, la France a été choisie pour son expérience et son exemplarité dans la gestion de la technologie nucléaire. La mise en marche de ce prototype est prévue en 2020. Ce nouveau réacteur présente des caractéristiques remarquables, d’abord en ce qui concerne la sécurité : à la moindre perturbation des conditions de fusion, le dégagement d’énergie s’arrête immédiatement, bloquant toute possibilité d’emballement du réacteur.

                Les combustibles utilisés sont deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium, extrait de l’eau de mer, et le tritium, plus fréquent dans la nature que l’uranium actuellement utilisé. Il n’en est besoin qu’en très faibles quantités. Ces deux éléments, portés à très haute température forment le « plasma » de fusion – comme, à l’intérieur du soleil, le plasma d’hydrogène se trouve en fusion à 15 millions de degrés. Dans le soleil, le plasma est confiné par la gravitation : ici, il le sera à l’intérieur d’un champ magnétique, comme c’est déjà le cas dans le réacteur de 3e génération Tore Supra, mis au point par le CEA, et que le prince Jean visita à cette occasion (http://www-fusion-magnetique.cea.fr/cea/ts/ts.htm).

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    Intérieur de Tore Supra, tokamak supraconducteur, en exploitation depuis 1988 à Cadarache.
     

                 Les réacteurs pressurisés européens (EPR), dérivés de cette technologie, sont en cours de construction. Le premier, pour EDF, se construit à Flamanville.

                Le produit des réactions de fusion est l’hélium, gaz chimiquement inerte et non radioactif, au lieu des gaz actuellement issus des réactions de fission qui contribuent à aggraver l’effet de serre. Les avantages de la fusion nucléaire sont donc considérables : pas de radioactivité intempestive, très peu de matière première, une énergie indéfiniment renouvelable, aucun effet de serre,... Les utilisations seront, entre autres, la production d’électricité, d’hydrogène, le dessalage de l’eau de mer, la propulsion (navale, notamment), etc. De quoi répondre aux besoins énergétiques mondiaux, alors que les ressources minérales et fossiles se font plus rares.

                Il est donc essentiel que le défi soit relevé, même s’il faudra du temps pour en arriver aux applications commerciales. Ce sera le « nucléaire durable », une des énergies de l’avenir à côté de l’hydrogène, des biocarburants, du solaire, de la biomasse (bois et résidus agricoles), l’éolien se révélant en revanche trop aléatoire.

    CADARACHE 2.jpg

    Le Haut-Commissaire à l'énergie atomique présente le projet ITER au duc de Vendôme.

                Dans les félicitations et les encouragements qu’il a adressés au haut commissaire à l’énergie atomique et à ses équipes, le prince Jean a souligné que le projet français a réussi à s’imposer grâce à sa cohérence, à sa pertinence et surtout grâce à une remarquable succession de directeurs et d’ingénieurs qui lui a permis de s’inscrire dans la durée, au-delà des aléas politiques. Il a du même coup souligné le besoin vital pour la France d’une politique de recherche scientifique puissante, continue et volontaire, qui sans se laisser brider par les contingences des modes et des besoins immédiats, n’hésite pas à regarder loin, avec lucidité et détermination.

                L’exemple de Cadarache prouve à quel point notre pays en a les moyens.

     

    (1) : Pour cette note, comme pour les prochaines relatives aux déplacements et aux discours, allocutions, prises de parole du Prince, nous emprunterons un certain nombre d'informations au site Gens de France ( http://www.gensdefrance.com/gdefrance1/ ) et nous les agrémenterons de liens, de photos et de quelques commentaires.....

     

  • Entre tartufferie et piège mortel : la différence et la diversité, ou l'arnaque du siècle. III : A la France, faut-il de

                Ils vampirisent l’Afrique, et ils en sont tout fiers, les néo-colonialistes. Ils faisaient plaisir à voir, les journalistes et observateurs, ce mercredi 12 novembre 2008, en annonçant « la » nouvelle : ça y est ! enfin ! ouf ! c’est pas trop tôt ! (on en passe, et des meilleures…..)

                Vous pensiez peut-être qu’il s’agissait de la découverte du vaccin contre le Sida ? Ou de la fin du chômage de masse ? Ou du dernier sans-abri ? Alors, là, vous n’y êtes pas du tout. Mais alors, pas du tout, du tout…..

    prefet noir.jpg

                Non, la nouvelle du siècle, qui les faisait tant jubiler ce soir là c’était la nomination… du premier Préfet noir (1) !

                Ils vampirisent l’Afrique, disions-nous en première ligne. Mais si vous leur demandez s’ils sont pour le colonialisme, il vous jureront la main sur le cœur que non ; que c’était ignoble, le colonialisme, révoltant, honteux, répugnant ; qu’on a pillé l’Afrique (voyez les élucubrations de Jean Ziegler…) et tout le tremblement…..

                Mais qu’est-ce qu’ils font, aujourd’hui ?

                Voilà quelqu’un – le nouveau préfet – qui fait partie de l’élite du Cameroun, et qui de son propre aveu n’envisageait pas de s’installer en France. Il va donc manquer à son pays, à qui nous l’avons en quelque sorte volé. Or, et tout le monde le sait bien, la France se suffit en fonctionnaires : nous en avons le double de ce qu’il nous en faudrait, et notre sur-administration démentielle et insensée est l’une des causes majeures de nos problèmes économiques. Il est donc tout à fait inutile d’en importer d’autres pays, et surtout de pays d’Afrique noire, qui doivent se construire et à qui nous volons ainsi leurs cerveaux.

                Car l’exemple du préfet se répercute à tous les niveaux. Le pillage des pays africains est généralisé : initié par le nouveau préfet noir, un Club de la diversité a pris son essor. A Marseille, un exemple parmi tant d’autres, il est dirigé par Patrice Moundoubou, avocat de 40 ans, inscrit au barreau de Marseille. Que l’on prenne le problème par le bout que l’on voudra, que l’on tourne et vire autant que l’on voudra, il s’agit là aussi d’un membre de l’élite qui manque à son pays ; et d’un organisme dont l’action, nous le disons tout net, consiste à légaliser le pillage des ressources humaines de l’Afrique, en lui donnant une apparence de respectabilité, pour tenter de le justifier (2).

                 N’est-ce pas stupéfiant ? Ce néo-colonialisme, en plus pratiqué en toute bonne conscience, n’est-il pas à proprement parler scandaleux ? Les néo-colonialistes d’aujourd’hui continuent le colonialisme d’hier, en y ajoutant en plus l’hypocrisie de la bonne conscience ! En prétendant, en plus, faire le bien ! Leur stupéfiante bonne conscience n’est en réalité que de l’inconscience…..

                Au fait, demandez-leur s’ils sont pour des ministres blancs en Inde ou en Corée ; ou pour des préfets catholiques en Arabie saoudite. Là, pour le coup, vous les verrez, toujours avec la main sur le cœur, jurer que ce serait affreux, car il faut bien sûr respecter l’autre, le différent ; respecter les pays jaunes, les pays musulmans ; l’Indien en Inde, le Coréen en Corée, l’Arabe en Arabie…

                Et le français en France ? Lui, non ! Lui, il faudrait qu’il disparaisse ! Lui, il devrait être géré par des préfets noirs ou musulmans : et ils voudraient nous faire avaler cela, en l'appellant diversité, différence, anti racisme : n’est-ce pas grandiose !..... (fin).

    (1)     : Pierre N’Gahane, 45 ans, camerounais d’origine, se définissant lui-même comme noir africain.

    (2)     : Nous n’avons bien sûr rien, personnellement, contre les deux personnes que nous citons ici : Pierre N’Gahane et Patrice Moundoubou.

               Il s’agit de personnes aimant la France, rayonnant le français, probablement chrétiens si l’on en juge par leurs prénoms. On peinerait à trouver quelque chose qui nous déplairait, en soi, dans leurs actes ou leurs propos. C'est d'ailleurs la même chose avec Nacer Meddah, préfet de Seine-Saint-Denis, d'origine algérienne. Sa famille fut accueillie par la France dans les années 50 et, reconnaissant envers son pays d'accueil pour l'aide qu'il a reçue, il a choisi en retour de le remercier : "....Une fois mes études terminées, servir l'Etat est vite apparu pour moi comme une évidence".

               Chaque fois que nous voyons notre pays aimé et respecté, nous sommes les premiers à nous réjouir. Et lorsque nous voyons des immigrés reconnaissants envers la générosité dont notre pays a fait preuve à leur égard - et il a bien fait - nous sommes les premiers à les accueillir : une France généreuse, qui rayonne à l'extérieur et qui se fait aimer par des populations étrangères, cela nous convient parfaitement. Pour faire court, ce que nous vomissons c'est Youssef Fofana, mais cela ne nous empêche bien sûr pas, au contraire, d'accueillir Léopold Senghor !

               Ce qui est critiquable et condamnable dans la logique et le mécanisme qui se mettent en place aujourd'hui, ce ne sont bien sûr pas les personnes. C'est ce qu'il y a derrière, c'est ce mélange d'idéologie et de calcul politico-économique, cette alliance objective des trotskistes (pour casser la France) et de la fraction véreuse du patronat (pour augmenter ses profits). Les uns et les autres, avec un cynisme n'ayant d'égal que leur mauvaise foi, se fichant bien pas mal de l'intérêt national et du Bien Commun (pour ce qui est de la France); comme ils se fichent bien pas mal de l'intérêt personnel des immigrés et de l'intérêt général du continent noir (pour ce qui est de l'Afrique).

               C'est cette alliance objective là, monstrueuse et contre nature en soi, mais surtout objectivement mortelle pour la France historique que nous dénonçons sans cesse. Et pas, évidemment, des personnes au demeurant sympathiques, auxquelles rien ne nous oppose, et qui sont elles-mêmes les jouets d’une manipulation qui les dépasse.

               Nous disons juste que si nous sommes contre les délocalisations en économie, nous sommes contre toutes les délocalisations : y compris et surtout celles qui consistent à délocaliser les populations, à transplanter les Africains en Europe et en France. Ce n’est pas respecter les hommes et les femmes d’Afrique que de les considérer comme des pions interchangeables, pouvant vivre indifféremment dans leur milieu naturel ou parqués dans des habitations insalubres, et exploités par des patrons s’enrichissant sur leur dos, et les exploitant comme de la chair à profit.

               C’est parce que, nous, nous aimons vraiment l’Afrique et les Africains que nous ne faisons pas comme les néo colonialistes qui prétendent - mais en paroles seulement - aimer l'Afrique; et que nous refusons ces délocalisations de population, qui se traduisent au final par l’exploitation économique des immigrés, et la ruine par vampirisation de leurs pays d’origine.

  • Mgr de Berranger : un départ que l'on ne regrettera pas (1/2)...

                Un signe ? Peut-être. Un symbole, oui, certainement. Et même un symbole fort. On a appris que le pape avait accepté la démission d'Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis. Une démission annoncée en juin dernier, l'évêque - âgé de 70 ans - souhaitant rejoindre sa famille spirituelle du Prado, à Lyon.

                Cette acceptation intervenant au moment même où le pape lève l'excommunication frappant les quatre évêques de la fraternité Saint Pie X, on peut bien dire que, oui, manifestement, une page se tourne, qu'un chapitre s'achève et qu'un autre commence .....

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                Disons-le tout net : nous ne pleurerons pas Mgr de Berranger. Son départ ne nous causera aucun chagrin, et c'est sans tristesse aucune que nous le verrons partir. C'est difficile à dire, ce n'est pas très agréable et ce n'est pas forcément non plus très charitable, mais nous le disons sans animosité particulière.

                Petit retour en arrière, pour comprendre le pourquoi du comment.....

                Sans tomber dans aucune attaque ad hominem, nous ne pouvons oublier l’action quasi constante de Monseigneur de Berranger en faveur de toute immigration, ni l’action négative qu’il a toujours menée, par sa collusion permanente avec tous les groupuscules du parti immigrationniste et sanspapieristeet contre son pays et contre sa religion.

                Nous n’essaierons bien sûr pas de présenter, ici, une lecture exhaustive de tous les faits et gestes de Monseigneur de Berranger. Nous nous en tiendrons à une unique déclaration, parce que celle-ci résume bien à elle seule toute son action – on n’ose pas dire : tout son apostolat !..... - et qu'elle suffit à elle seule à montrer comment il a, nous le disions à l'instant, joué et contre sa religion et contre son pays.

               Nous voulons parler de cette scandaleuse Lettre qu’il a publiée le 1° Octobre 2007, avec Claude Schockert (évêque de Belfort-Montbéliard). C’était l’époque où l’on parlait des tests ADN, et de mieux lutter contre l’immigration clandestine...…

              Intitulée « Déclaration à propos du projet de loi sur l’immigration », Schockert et  Berranger y écrivaient cette phrase ahurissante : « …Les chrétiens refusent par principe de choisir entre bons et mauvais migrants, entre clandestins et réguliers, entre citoyens pourvus de papiers et d’autres sans-papiers …» . Ah, bon ? On ne choisit pas non plus entre voleurs et volés, violeurs et violés, assassins et assassinés ? Qu'est-ce que c'est que cette pseudo morale ? Il y a des lois, et tout le monde doit les respecter. Point barre. A moins de cataloguer tout "migrant", en soi, comme être supérieur, du simple fait qu'il est "migrant"; et donc au-dessus des lois....

               Sentant venir l’objection, Schockert et Berranger  ajoutaient vite : « …quels qu’ils soient, ils sont nos frères en humanité ».  Certes, mais ce prince de l’Eglise, chargé d’enseigner la Vérité aux autres, commet une grossière erreur, et montre qu’il ne maîtrise pas si bien ce Catéchisme qu’il est pourtant censé expliquer à autrui. L’égale dignité des personnes, c’est une chose. Sur laquelle nul ne revient. Mais là, Schockert et de Berranger confondent l’égale dignité des personnes et celle – totalement farfelue, irrecevable et scandaleuse - des comportements. Que tout homme, même criminel, reste une créature de Dieu, oui. Mais son crime, lui, est odieux. On dirait que de Berranger l’a oublié…..

                Et c'est le deuxième aspect choquant de cette Lettre, nulle part Schockert et de Berranger ne faisaient allusion aux paroles, pourtant fortes,  contenues dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Comme celle-ci ( paragraphe 2241, page 459 ) : «L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges. ». Nos évêques se contentaient d’en appeler à la « conformité avec le droit européen et international » (sic !).

                Évacuer ainsi toute référence à ce que l’on pourrait appeler le discours officiel de l’Église, pour ne s’en tenir qu’à des lois somme toute simplement humaines : de la part de deux messeigneurs, était-ce bien raisonnable ? Était-ce tout simplement honnête ? Et, en mettant sur un pied d’égalité les immigrés «réguliers» et les immigrés « clandestins » - comme nous l’avons vu plus haut - nos deux évêques ne se mettaient-ils pas  directement en opposition avec le Catéchisme de l’Eglise Catholique, qu’ils sont pourtant censés prêcher ?...

                Suivaient encore plusieurs critiques à peine voilées, et de fort mauvais goût, sur une prétendue mauvaise action dont se rendrait coupable le peuple français, coupable de ne pas accueillir assez largement et assez généreusement les gentils immigrés ! Critique des « mesures toujours plus restrictives à l’encontre des migrants… concessions à une opinion dominée par la peur plutôt que par les chances de la mondialisation ». Critique de  « l’imposition de tests génétiques pour vérifier les liens de parenté» à cause «d’un risque de grave dérive sur le sens de l’homme et la dignité de la famille» (ah, bon ? chercher à lutter contre la fraude et les fausses déclarations, c’est attentatoire à la dignité de l’homme ? pauvre évêque, et pauvre message !….).

                Et, enfin, éloge sans réserve, sans nuance et sans retenue du regroupement familial « qui est un droit toujours à respecter ». On l’a vu plus haut, à aucun moment le duo Schockert/Berranger ne parle des devoirs des immigrés. Pour eux, le monde est simple et facile : l'immigré a tous les droits, et aucun devoir; la France a tous les devoirs, et aucun droit. Seule la France doit. Et elle leur doit tout : papiers, travail, allocs…

                  Eux n’ont pas –pour Schockert et de Berranger- à respecter une identité, une Histoire, des mœurs, des us et coutumes…. rien ! Tout est à sens unique : tout pour les immigrés, rien pour les autochtones. On caricature un peu, mais on n’est pas très loin de la vérité …..                  (à suivre…..)

  • ”Charette, c'est l'anti Robespierre” : succès confirmé pour le ”Charette” de Philippe de Villiers. Petite recension de c

    (On va parler ici du dernier ouvrage de Philippe de Villiers, mais comment ne pas rappeler, en parallèlle, les deux immenses succès que sont Le Puy du fou et le Vendée globe, sortis tous deux de l'imagination et de la volonté de Philippe de Villiers, et de ses équipes; et des succès qui, non seulement traversent les décennies, mais se renouvellent et s'amplifient d'année en année, beaux exemples de Tradition vivante...)

    Alors qu'on sait que quelque chose se prépare du côté de Lorant Deutsch, qui "sera" lui-même le personnage de Charette ("Ce sera le rôle de ma vie..." dit-il) le livre de Philippe de Villiers, après avoir "démarré très fort" poursuit sur sa lancée, son succès ne se dément pas, bien au contraire, il se confirme et s'amplifie, et c'est tant mieux...

    Voici un mini dossier regroupant six présentations de ce livre, allant - pour les ondes - de France info à Historiquement show, en passant par Radio courtoisie, à - pour la presse écrite - l'article de Politique magazine, celui de Nouvelles de France et celui du SIEL... 

    Éditions Albin Michel, 478 pages, 22 euros

    * "Notre patrie à nous, c'est nos villages, nos autels, nos tombeaux, tout ce que nos pères ont aimé avant nous.  Notre patrie, c'est notre Foi, notre terre, notre Roi... Mais leur patrie à eux, qu'est-ce que c'est ?  Vous le comprenez, vous ?... Ils l'ont dans le cerveau; nous l'avons sous les pieds...

    Il est vieux comme le diable, le monde qu'ils disent nouveau et qu'ils veulent fonder dans l'absence de Dieu... On nous dit que nous sommes les suppôts des vieilles superstitions; faut rire ! Mais en face de ces démons qui renaissent de siècle en siècle, sommes une jeunesse, Messieurs !  Sommes la jeunesse de Dieu.  La jeunesse de la fidélité !  Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils, la créance humaine, la liberté de l'homme intérieur".

     
    * "Il me laisse l'impression d'un grand caractère. ... Je lui vois faire des choses d'une énergie, d'une audace peu communes, il laisse percer du génie... " (Napoléon)

     1. "Le livre du jour", sur France info : 

    charette,de villiers,robespierre

    Cliquez sur l'image...

     

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    2. Michel Field reçoit Philippe de Villiers dans "Historiquement show" :

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    3. Présenté par Jacques Trémolet de Villers, sur Radio Courtoisie :

    Libre Journal de Jacques Trémolet de Villers du 20 décembre 2012 : "La vie de François-Athanase Charette de La Contrie"

    Jacques Trémolet de Villers. recevait Philippe de Villiers, ancien ministre, député français au Parlement européen, écrivain, et Hilaire de Cremiers, directeur de la revue Politique magazine et de la Nouvelle revue universelle, éditeur, écrivain, pour une émission consacrée à la vie de Charette.

    http://www.radiocourtoisie.fr/8255/libre-journal-de-jacques-tremolet-de-villers-du-20-decembre-2012-la-vie-de-francois-athanase-charette-de-la-contrie/

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    4. D'Hilaire de Crémiers, dans Politique magazine :

    charette villiers.JPG

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    5. L'article d'Eric Martin dans "Nouvelles de France" :

    http://www.ndf.fr/identite/10-12-2012/philippe-de-villiers-le-roman-de-charette-est-parti-a-hollywood#.UMwfK674uF8 

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    6. Conférence Villiers / Sécher sur Charette :

    http://breizhjournal.wordpress.com/2013/02/02/charette-general-breton-des-guerres-de-vendee-la-conference-en-audio/ 

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    7. L'article de Marie-Catherine d'Hausen, dans Famille chrétienne :

    Charette.jpg

    Charette 1.jpg

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    8. L'article de Maurice Livernault, pour la lettre du SIEL - Janvier 2013 :

    La première partie de ce palpitant ouvrage est consacrée à la carrière maritime d’Anathase Charette, car il passa quinze ans dans la marine royale, qu’il aborda adolescent à Brest, pour finir lieutenant de vaisseau à trente ans. La marine de guerre française était alors, sous le règne de Louis XVI, la première d’Europe, et c’est au cours de ses affrontements avec sa rivale britannique qu’il forgea sa personnalité et développa sons sens des responsabilités. En effet, les navires sur lesquels il servit, auprès des navigateurs les plus prestigieux de l’époque, participèrent à la victoire des insurgés américains ; puis, par l’aide apportée aux rebelles grecs, ils jouèrent un rôle non négligeable dans les prémisses de la perte de puissance de l’empire ottoman. Charette contribua également à éradiquer la contrebande en Méditerranée et séjourna à Alger et à Malte.

    Il est de retour à Toulon quand la révolution y éclate, et se marie à Nantes avec une dame d’âge mûr de la bonne société dont il convoitait la fille, puis il démissionne de ses fonctions. Il hésite alors entre rester au pays pour y faire front, ou rejoindre les émigrés à Coblence, solution à laquelle il se rallie finalement. Déçu par la coterie qu’il y rencontre, il revient en France, passe par Paris où il assiste à la mise à sac du Palais des Tuileries, dont il réchappe par miracle. De nouveau en Vendée, il est désigné par la population, un peu à son insu, comme chef de guerre, et il commence à constituer son armée en s’appuyant sur les bandes de paysans qui représentent la résistance à l’ordre que la République veut instaurer par la violence, et auquel se sont ralliées, paradoxalement, la bourgeoisie et une partie de la noblesse locale.

    Puis ce sont les premiers combats, la succession impressionnante de succès et de revers qui aboutit, grâce à une parfaite connaissance du terrain, à la libération du pays de Retz ; mais les luttes intestines minent l’unité et le bon fonctionnement de la guérilla, et la prise de Nantes échoue. La Convention confie à Kléber la mission de mater la Vendée par tous les moyens, dont le plus atroce, le feu. C’est la déroute finale, un moment stoppée par une offre du Comité de Salut Public, qui surestimant la rebellion, la craint, d’ériger la province en principauté autonome, dont il deviendrait le consul. Mais la mésentente s’installe au cœur de sa délégation. Ce n’était en vérité qu’un traquenard échafaudé sur une clause secrète, perverse et mensongère.

    Il reprend le maquis, torturé par le désespoir. Puis c’est la capture au combat, le procès expéditif, et la marche vers le supplice ultime, le long des rues de Nantes, conspué par une population versatile qui l’acclamait encore fougueusement la veille.

    Cette tragique épopée est relatée de main de maître, grâce à une écriture flamboyante, parfaitement contrôlée, exempte de redite, et dont la richesse et l’élégance permettent de décrire des situations parfois insoutenables de cruauté. Le vocabulaire est greffé d’expressions dialectales sans que l’on ressente jamais la moindre propension à la tentation régionaliste. L’auteur exclut clairement toute explication manichéenne du conflit. En effet, c’est par sa voix que Charette, à Coblence, fustige sans équivoque les représentants de l’aristocratie qu’il y côtoie, et dont il constate vite la futilité et l’inconscience qui lui feront abréger son séjour. De même ne sont pas évacuées les dissensions qui opposent entre eux les généraux vendéens, ainsi que celles de son propre état-major, où l’on conspire contre lui. Les exactions auxquelles se livrent parfois ses propres troupes, et qu’il réprouve avec vigueur, sont évoquées sans détour.

    Ce livre révèle, au-delà d’un indéniable talent, les authentiques qualités de cœur de son auteur, qui n’est animé par aucun sentiment revanchard, mais qui souhaite uniquement que la vérité soit proclamée et que la concorde règne, comme en témoigne le splendide spectacle qu’il a écrit et réalisé au Puy-du-Fou. Nous aimerions que ce retour sur la scène littéraire soit le prélude à sa rentrée dans l’arène nationale, tant il nous paraît impensable que la résurgence de notre nation, enlisée dans la servitude et la médiocrité, puisse un jour s’effectuer sans son indispensable et précieux concours.

  • Fondamentalisme républicain, par François Marcilhac

     
    arton7720.jpgLes superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée : ils ont et donnent des terreurs paniques », a écrit Voltaire dans son Dictionnaire philosophique. La panique n’est pas seulement mauvaise conseillère. Elle révèle aussi la nature profonde de ceux qui sont emportés par elle, ou font mine de l’être, et qui, de ce fait, la sèment.
     

    Quand c’est un chef, ou un sous-chef, qui tente de jeter ce mauvais vent, non pas dans les rangs de l’ennemi mais dans ses propres rangs, son indignité est proportionnelle à ses responsabilités — même et surtout s’il le fait par calcul, car ce calcul est méprisable.

    Manuel Valls aurait « peur ». Il aurait peur que la France ne se « fracasse » sur le Front National, quand elle se fracasse surtout sur la politique du gouvernement. Alors que les sondages virent de nouveau au rouge, ou plutôt au bleu marine — l’ « esprit du 11-janvier » semble bien oublié ! —, c’est, de la part du premier ministre, avant tout un terrible aveu d’échec, car, qu’il soit sincère ou qu’il surjoue son « angoisse », il avoue ainsi la défaite de l’actuel pays légal, gauche et droite parlementaires confondues, à répondre aux inquiétudes des Français. Mais c’est aussi un terrible aveu de cynisme : lui, qui, comme ministre de l’intérieur, avait réussi à s’attirer la sympathie des électeurs de l’UMP plus encore que des socialistes en campant un Clemenceau de sous-préfecture, voilà que, devenu premier ministre, et aspirant ouvertement à la fonction suprême, il révèle son incapacité à prendre de la hauteur et tente de détourner par l’invention d’une menace imaginaire — la résurrection de la Bête immonde — l’attention des Français de la triple augmentation du chômage, de l’insécurité et de l’immigration. On dira qu’il assume parfaitement son rôle de garde du corps présidentiel, dévolu traditionnellement, sous la Ve république, au premier ministre ? Peut-être. Mais l’essentiel n’est pas là. Son objectif est de susciter dans la société ce qu’il dit craindre pour elle, à savoir cet esprit de division, voire de guerre civile, consistant à opposer les Français les uns aux autres en allant jusqu’à dénier à certains d’entre eux la qualité de bons Français. Car ce serait un contresens de conclure, du fait qu’il n’arrive manifestement plus à maîtriser ses nerfs, qu’il dérape, lorsqu’il revendique la stigmatisation du Front national et s’emporte, devant les caméras, à l’Assemblée nationale de manière obsessionnelle contre Marion Maréchal-Le Pen ou disproportionnée contre le député UMP Darmanin critiquant la politique pénale de Mme Taubira. Cette agressivité verbale est bien celle d’un de ces « superstitieux » dont parle Voltaire, mais d’un superstitieux calculateur.

    Superstitieux de la république, Manuel Valls l’est à tout coup, avec tout ce qu’entraîne la superstition : sanctification de ce qu’on adore — la république —, déni de réalité, diabolisation et exclusion de l’adversaire, déformation et censure des idées — Zemmour fait partie des « soi-disant intellectuels » qui « ne méritent pas qu’on les lise » —, enfermement dans un discours incantatoire — « les valeurs de la république » — qui finit par tourner en rond et surtout par justifier le contraire de ce qu’il prétend défendre. Ainsi Manuel Valls n’a pas condamné les propos de Mme Taubira qui, dépitée d’être passée du statut d’icône ambulante à celui de simple « tract ambulant », qui plus est pour le FN, a agoni d’injures personnelles le député Darmanin et traité ses critiques de « déchets de la pensée humaine », ce qui en dit long sur l’instrumentalisation, par le garde des sceaux , des imbécillités racistes dont elle a pu faire l’objet : l’objectif est d’interdire a priori toute mise en cause de sa politique en usant des mêmes procédés abjects — la déshumanisation — dont elle dénonce l’usage à son encontre. Mais pourquoi Manuel Valls aurait-il repris son ministre de la justice, puisque l’exclusion, voire la déshumanisation, de celui qu’on désigne comme « l’adversaire principal », en l’occurrence « l’extrême droite », fait partie de l’idéologie de la gauche ?

    Car l’ « extrême droite » n’est pas seulement « l’adversaire principal » « de la gauche mais du pays » — c’est la rhétorique de l’ennemi intérieur contre lequel, à terme, tout sera permis. Si, en effet, « l’extrême droite ne mérite pas la France » ou si « le Front national n’aime pas la France », ses électeurs s’excluent d’eux-mêmes de la communauté nationale. Déjà, avant 1789, l’abbé Sieyès, dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, retranche de la communauté nationale les aristocrates et les membres du clergé, les désignant d’avance au massacre, et avec eux, de manière tout aussi effroyable et en bien plus grand nombre encore, ceux du peuple qui « ont trahi » le Tiers-Etat en se soulevant contre la révolution et se voient aussitôt traiter, en paroles et en actes, comme des bêtes sauvages. Oui, Manuel Valls, fondamentaliste républicain héritier fidèle des « grands ancêtres », cherche à exercer, à l’encontre de ces mauvais Français que ce bonhomme de François Hollande veut « arracher » à leurs mauvaises tentations, cette terreur, pour l’instant morale, en les « stigmatisant » — il a employé le mot —, c’est-à-dire en les désignant à la vindicte de leurs compatriotes. Il va jusqu’à singer Saint-Just désignant les traîtres de son camp : Michel Onfray a ainsi fait les frais de la dénonciation matignonesque. Ce qui a valu à notre imprudent imprécateur, de la part du philosophe hédoniste, d’être qualifié de « crétin » : n’est pas Saint-Just qui veut...

    Un superstitieux de la république, donc, mais un superstitieux calculateur. Car Valls cherche bien sûr dans l’immédiat à atténuer la déroute annoncée du parti socialiste aux départementales, puis aux régionales en décembre : désigner l’ennemi de la république pour resserrer les rangs ne peut pas faire de mal. Mais il prépare surtout les esprits des Français pour 2017, en cas, probable, de présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Car il préjuge — sans trop croire certainement à une victoire de la présidente du FN —, que l’affaire sera autrement sérieuse qu’en 2002. Et qu’il faudra peut-être, entre les deux tours, employer des moyens plus vigoureux que des défilés de potaches conduits par leurs professeurs comme au plus beau temps des démocraties populaires ou des media prenant directement leurs ordres place Beauvau. Il compte rester jusqu’en 2017 à Matignon, même en cas de cuisante défaite électorale en mars et en décembre, en féal premier ministre prenant tous les coups à la place de son suzerain, et fait dire qu’il n’envisage de toute façon pas l’Elysée avant 2022. A moins qu’il ne faille se dévouer en 2017 face à l’éventualité, réelle ou supposée, de graves événements ? On y aura en tout cas préparé les esprits en ayant durant deux ans « stigmatisé », c’est-à-dire désigné aux bons Français, comme ennemis, ceux de leurs compatriotes « qui ne méritent pas la France ».  • 

    L’Action française 2000 (N°2905)

  • Alain de Benoist : « Post-vérité » - En suspendant le jugement, l’émotion permet la manipulation…

     

    Alain de Benoist a donné cet entretien à Boulevard Voltaire le 22.03. L'indifférence à la vérité est-elle un stade ultime de la révolution ? Jusqu'à nier le fond anthropologique ou ontologique qui nous constitue en tant que personnes, mais aussi socialement, politiquement ? Alain de Benoist apporte ici une réponse nuancée : la vérité n'est pas simplement adequatio rei et intellectus, selon la définition classique, puisqu'elle dépend aussi de la perception que nous avons du réel et en quelque sorte de nos structures mentales. Ces dernières dépendent aussi de la communauté, de la civilisation auxquelles nous appartenons par naissance et héritage. Mais si ceux-là aussi sont niés au profit du caprice individuel ? Nous touchons là au cœur de la révolution qui nous détruit. D'où l'intérêt en quelque sorte vital de cet entretien.  LFAR  

     

    1791516973.jpgUn nouveau concept politico-linguistique fait actuellement beaucoup parler de lui : la « post-vérité ». Il y aurait donc une « anté-vérité » ? Qu’est-ce que tout cela veut dire ?

    La « post-vérité » (post-truth) a, en effet, été choisie en 2016 comme « mot de l’année » par le Dictionnaire d’Oxford. Le terme est apparu aux États-Unis dans le sillage de la « French Theory » au début des années 1990, lorsque des auteurs comme Michel Foucault ou Jacques Derrida ont commencé à discréditer la notion de vérité comme un « grand récit » auquel on ne pouvait plus croire. Dans la foulée, un certain nombre de journalistes ont cru possible de s’affranchir de leur devoir de neutralité face aux événements. Le mot a, ensuite, été popularisé en 2004 avec le livre de Ralph Keyes, The Post-Truth Era.

    La « post-vérité » n’est pas le mensonge mais l’indifférence à la distinction entre mensonge et vérité. L’ère « post-vérité » (ou « post-factuelle ») désigne une période dans laquelle les faits objectifs comptent moins que l’émotion pour modeler l’opinion publique. Dans cette optique, le rôle des victimes devient essentiel. L’image partout diffusée du petit Aylan, noyé sur les rives de la Méditerranée, qu’on a immédiatement utilisée comme un argument en faveur de l’accueil des migrants, en est un exemple typique. En suspendant le jugement, l’émotion permet la manipulation.

    On sait bien qu’il est difficile de hiérarchiser les informations quand on est bombardé de nouvelles, de commentaires et d’images qui se succèdent à une vitesse folle. C’est le problème de l’« infobésité ». Cela n’a rien de nouveau, mais le phénomène s’est, de toute évidence, accéléré à l’époque postmoderne. La transformation de la vie politique en spectacle, c’est-à-dire en concours d’apparences, la déferlante des images, les pratiques commerciales frauduleuses, la publicité mensongère, l’avènement de la blogosphère et des réseaux sociaux, le règne de la télé-réalité et de l’« infotainement » (mêlant information et divertissement), le rôle joué par des « spindoctors » spécialistes dans l’art de raconter des histoires (« storytelling »), le recours aux algorithmes et aux « bulles de filtrage », voire la montée du narcissisme (tout individu peut devenir source d’information ou de désinformation), ont fortement contribué à effacer la frontière entre vérité et non-vérité, donnant naissance à ce que certains ont appelé la « démocratie des crédules ». L’avènement du numérique décourage, à lui seul, le sens critique et le raisonnement logique, en même temps qu’il provoque un manque chronique d’attention. Hannah Arendt distinguait les vérités de fait et les vérités de raison. La « post-vérité » révèle la vulnérabilité des premières.

    On parle aussi beaucoup des « fake news ». Mais ces « fausses vérités » ne sont-elles pas aussi l’ordinaire du monde de l’information, officielle ou non ?

    C’est l’autre volet de la question.

    Le journalisme professionnel a longtemps été censé recueillir la vérité publique, mais ce n’est plus le cas. Toutes les enquêtes d’opinion révèlent une défiance croissante vis-à-vis des grands médias : presse papier, radios, télévisions. Les gens réalisent que ce qu’on leur dit ne correspond pas à ce qu’ils voient. Depuis que les propriétaires des journaux ne sont plus des journalistes mais des milliardaires, ils sont devenus conscients des connivences incestueuses qui lient les médias aux élites financières et politiques, toutes issues du même milieu sociologique, toutes également discréditées. Mais au lieu de s’interroger sur les causes de cette défiance dont ils font l’objet, les grands médias préfèrent dénoncer les sources d’information alternatives comme fondées sur la rumeur et le mensonge. Après avoir exercé une cléricature riche en anathèmes, en mises à l’index et en excommunications, ils se posent en gardiens des faits et prétendent dire ce qu’il faut croire. La création de mystifications du genre « Decodex » ou « FactCheck » n’a pas d’autre origine. C’est dans ce contexte qu’ils s’en prennent à la « post-vérité ». 

    Ce n’est pas un hasard si l’on n’a jamais tant manié la notion de « fake news » (« informations contrefaites ») que depuis le Brexit et l’élection de Donald Trump. Le peuple adhérerait spontanément à la « post-vérité », parce qu’il se composerait essentiellement de ploucs incultes et mal éduqués. À travers la dénonciation de la « post-vérité », c’est à une mise en accusation du populisme, dont les leaders orienteraient systématiquement le peuple vers ses bas instincts en faisant un usage stratégique des rumeurs et en usant d’« éléments de langage » n’ayant plus aucun rapport avec les faits, que l’on assiste. Or, les médias qui sont sur la défensive face aux « fake news » ont toujours été les premiers à en publier (on se souvient du « charnier » de Timișoara, des couveuses du Koweït, des « armes de destruction massive » de Saddam Hussein, etc.). Il y a longtemps que la grande presse s’est mise au service de l’idéologie dominante, devenant du même coup la principale fabrique du consentement (Noam Chomsky).

    Un retour à l’objectivité est-il possible ?

    L’objectivité absolue est impossible car personne ne parle à partir de nulle part, mais on peut au moins tendre à l’honnêteté. La notion de vérité fait, depuis des siècles, l’objet d’un vaste débat philosophique. On la définit souvent, à tort à mon avis, comme synonyme de la conformité aux faits : il y aurait d’un côté les faits, de l’autre les jugements de valeur. C’est oublier que notre cerveau ne perçoit jamais des faits bruts, mais des faits associés à des interprétations qui, seules, peuvent leur donner un sens. Nos structures cognitives ne nous portent pas à rechercher des faits mais à rechercher du sens, et donc à faire un tri spontané entre les informations en fonction de ce que nous pensons déjà, et plus généralement des exigences de notre écosystème mental. C’est la raison pour laquelle la « post-vérité » a encore de beaux jours devant elle. 

    Intellectuel, philosophe et politologue
     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier
  • Histoire & Actualité • Joseph de Maistre et le rôle de la femme ... après la journée qui vient de la célébrer

    Élisabeth Vigée Le Brun, autoportrait

     

    par Marc Froidefont

     

    En cette « journée de la femme » du 8 mars, relire Joseph de Maistre nous éclaire. « Le moyen le plus efficace de perfectionner l’homme, c’est d’ennoblir et d’exalter la femme » écrivait l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg.

    L’éducation des enfants est une conséquence essentielle de l’union de l’homme et de la femme. Chacun des deux parents a néanmoins une attitude envers les enfants qui lui est propre : le père incarne la rigueur et la sévérité, tandis que la mère est plus tendre et affective. Dans l’antiquité romaine, Sénèque, avec son style prompt aux contrastes, a fort bien décrit cette double attitude : « Ne vois-tu pas combien la bonté des pères est différente de celle des mères ? ».

    Homme-femme mode d’emploi

    Les pères font lever leurs enfants de bonne heure, pour qu’ils se mettent au travail ; ils n’admettent pas qu’ils restent oisifs même les jours de fête ; ils font couler leur sueur et parfois leurs larmes. Mais les mères veulent les réchauffer dans leur sein, les tenir dans leur ombre, ne jamais les laisser pleurer, s’attrister, ou faire un effort » . Joseph de Maistre, au début du XIXe siècle, insiste lui aussi sur les fonctions respectives de l’homme et de la femme dans l’éducation des enfants, tout en soulignant l’importance capitale du rôle de la mère.

    Ce n’est pas que la place de la mère n’ait pas déjà été décrite avant lui, beaucoup s’en faut, il suffit, par exemple, outre Sénèque, de se souvenir des écrits de Fénelon à ce sujet. Selon l’évêque de Cambrai, la femme « est chargée de l’éducation de ses enfants » et doit veiller au bon ordre de la maison, ce qui implique un certain nombre de compétences et de qualités.

    Fénelon, tout en rappelant que l’épouse doit « être pleinement instruite de la religion » , ne fait, somme toute, que continuer la tradition occidentale, puisque dans les Économiques, Aristote écrivait déjà que « l’honnête femme doit être maîtresse des affaires intérieures de sa maison » .

    3080870472.jpgJoseph de Maistre fait l’éloge de la femme en magnifiant le rôle de cette dernière en tant qu’épouse et mère. En 1808, dans une lettre à sa plus jeune fille, Constance, laquelle n’est alors âgée que d’une quinzaine d’années, Joseph de Maistre fait la comparaison entre les mérites des hommes et des femmes. Les premiers ont réalisé de grandes choses, tant en littérature que dans les sciences, alors que les secondes n’ont fait aucun chef-d’œuvre dans aucun genre.

    Mais si nombreuses et éclatantes que puissent être les productions des hommes, les femmes « font quelque chose de plus grand que tout cela : c’est sur leurs genoux que se forme ce qu’il y a de plus excellent dans le monde : un honnête homme, et une honnête femme » . Maistre ajoute : « Si une demoiselle s’est laissé bien élever, si elle est docile, modeste et pieuse, elle élève des enfants qui lui ressemblent, et c’est le plus grand chef-d’œuvre du monde ».

    Maistre n’a donc flatté les hommes que pour les abaisser en comparaison de ce que font les femmes, car qu’est-ce que la production intellectuelle ou scientifique si elle n’est pas accompagnée de la morale, et qui donc peut mieux inculquer la morale à un enfant sinon sa propre mère ? On peut ici comparer Maistre à Sénèque quand le philosophe romain explique que la sagesse est une chose beaucoup plus importante que les arts libéraux et les sciences , mais plus encore qu’à Sénèque, c’est à saint Augustin que Maistre se réfère.

    Supériorité à l’homme

    L’auteur des Confessions ne dit-il pas que c’est grâce à sa mère que, tout jeune, il connut le nom de Jésus Christ ? Dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Maistre met fortement en avant le rôle éducatif de la mère, tant en morale qu’en religion : « […] ce qu’on appelle l’homme, c’est-à-dire l’homme moral, est peut-être formé à dix ans ; et s’il ne l’a pas été sur les genoux de sa mère, ce sera toujours un grand malheur. Rien ne peut remplacer cette éducation. Si la mère surtout s’est fait un devoir d’imprimer profondément sur le front de son fils le caractère divin, on peut être à peu près sûr que la main du vice ne l’effacera jamais. Le jeune homme pourra s’écarter sans doute ; mais il décrira, si vous voulez me permettre cette expression, une courbe rentrante qui le ramènera au point dont il était parti » .

    La femme a donc un rôle éminent dans l’éducation des enfants, notamment dans l’éveil de leur sensibilité religieuse. Serait-ce à dire que la femme ne puisse faire ce que font les hommes, à savoir se lancer dans n’importe quelle activité, littéraire, scientifique, voire politique ? Il s’en faut de beaucoup que la femme ne puisse pas faire ce que font les hommes.

    Maistre a une vive admiration pour les écrits de Mme de Sévigné, il admire l’esprit de Mme de Staël, dont il réprouve pourtant les idées politiques. Maistre reconnaît qu’une femme peut gouverner un pays, comme le prouve l’exemple de la Russie . Selon Maistre, cependant, l’homme et la femme sont différents. « Chaque être doit se tenir à sa place, et ne pas affecter d’autres perfections que celles qui lui appartiennent » .

    Il suit de là que « les femmes ne sont nullement condamnées à la médiocrité, elles peuvent même prétendre au sublime, mais au sublime féminin » . Il est vain de vouloir comparer les hommes et les femmes, chacun a sa vocation propre et peut y exceller. Maistre condense son propos par une image : « en un mot, la femme ne peut être supérieure que comme femme, mais dès qu’elle veut émuler l’homme, ce n’est qu’un singe » .

    Si Maistre met tant en avant la différence entre l’homme et la femme, c’est pour une raison à la fois anthropologique et religieuse. Anthropologique car la femme suscite le désir, et religieuse car l’anthropologie est elle-même à comprendre en raison du péché originel. Que la féminité soit liée à l’idée de désir, et que le désir soit à son tour souvent attaché aux idées de séduction, de désordre ou de vice, c’est là un fait que Maistre trouve attesté dans toutes les cultures. Certes Aristote a écrit que la femme peut avoir un rôle important dans la maison, mais le plus souvent, il y a une défiance, voire une hostilité, envers le sexe féminin.

    « Exalter la femme »

    Dans l’Éclaircissement sur les sacrifices, Maistre rappelle les jugements défavorables de Platon et d’Hippocrate envers les femmes, il souligne aussi que « de nos jours encore, elles sont esclaves sous l’Alcoran » . Un discrédit pèse de tout temps sur la femme. La religion chrétienne elle-même reconnaît dans la Genèse que la femme a été créée après l’homme, et comme l’écrit saint Paul, que la femme « est tombée dans la désobéissance » .

    Contrairement aux autres religions, le christianisme cependant élève la femme, et cette élévation se fait par la maternité et l’éducation des enfants. Saint Paul, lui-même, juste après avoir évoqué la désobéissance d’Ève, ajoute que la femme « se sauvera néanmoins par les enfants qu’elle aura mis au monde, s’ils persévèrent dans la foi, dans la charité, dans la sainteté, et dans une vie bien réglée » .

    Grâce au christianisme, la femme acquiert une considération qu’elle n’avait pas avant lui, et qu’elle n’a pas hors de lui. Il en résulte, selon Maistre, que « la femme est plus que l’homme redevable au christianisme. C’est de lui qu’elle tient toute sa dignité » .

    Cette dignité c’est précisément la reconnaissance de son excellence, puisque sans elle, sans la tendresse, sans l’affection qu’elle porte à son époux et à ses enfants, nulle famille ne pourrait être, et sans famille nul ne peut être vraiment lui-même. Il suit de là, dit magnifiquement Maistre, que « le moyen le plus efficace de perfectionner l’homme, c’est d’ennoblir et d’exalter la femme » . 

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  • Histoire & Actualité • Mort de Fidel Castro : l'anticommunisme est un humanisme, sauf en France !


    Par Gilles-William Goldnadel 

    Le « lider Maximo » est mort ce 25 novembre. Gilles-William Goldnadel constate [Figarovox, 28.11] qu'au pays de Georges Marchais, le procès du communisme reste à instruire, comme en témoignent les éloges funèbres prononcés en hommage au boucher de La Havane. Gilles-William Goldnadel a raison. Serait-il d'accord pour que l'on instruise concomitamment les procès des tueries et crimes révolutionnaires français ? Ceux-ci sont l'origine et la matrice de ceux-là. LFAR  

     

    495725162.jpgCe n'est pas la première fois qu'ils nous font cette mauvaise farce. C'est toujours la même chose, on la croit morte. On se dit que cette fois ils ont compris. Qu'ils ne recommenceront pas. La sotte grandiloquence. Les hommages obscènes. Le déni de la réalité. Eh bien, non, ils ont recommencé.

    Ils ont pleuré Castro. Même la sœur, Juanita, n'ira pas à l'enterrement de son frère : «il a transformé l'île en une énorme prison entourée d’eau ». Mais certains, en France sont plus fraternels envers Fidel que la sœur du geôlier.

    Avant que de tenter d'expliquer l'inexplicable, un bref rappel de la réalité minimisée. Castro n'était pas seulement qu'un dictateur sud-américain. C'était un boucher et un équarisseur. Il ne s'est pas contenté de torturer et d'exécuter ses opposants, il a vendu leur sang, comme le rappelait le Wall Street Journal dans un article du 30 décembre 2005 : le 27 mai 1966, 3,5 litres de sang par personne furent médicalement ponctionnés sur 166 détenus par décision de Fidel Castro et vendus au Vietnam communiste au prix de 100 $ le litre. Après la prise de sang, 866 condamnés, en état d'anémie cérébrale, paralysés et inconscients, furent emmenés sur des brancards et assassinés.

    Miguel A. Faria dans Cuba, une révolution écrit à la page 415 de son livre : « Depuis que Fidel Castro a pris le contrôle de l'île en 1959, les estimations les plus crédibles précisent que de 30 000 à 40 000 personnes ont été exécutées par le peloton d'exécution ou dans les geôles cubaines. »

    Dès les premiers jours de la révolution, Castro ordonna des exécutions sommaires dans le but d'établir une culture de la peur qui annihila rapidement toute résistance. Les révolutionnaires d'opérette qui le soutiennent en France lui pardonnent avec indulgence ses exactions en même temps qu'ils maudissent ordinairement la peine de mort appliquée aux assassins de droit commun. Ils passent volontiers sous silence que dans les décennies suivantes, Castro s'assura de la soumission de son peuple en prolongeant l'État de terreur.

    Profitons du deuil cruel qui frappe la galaxie communiste et ses compagnons pour régler aussi son compte à celui dont l'icône christique ornait les thurnes estudiantines des seventies et encore de nos jours les T-shirts de quelques attardés. Che Guevara avant que de faire le guérillero en Bolivie, dirigeait dès 1959 la sinistre prison de la Cabana, où il avait acquis le tendre sobriquet de « carnicerito » (le petit boucher). Selon Stéphane Courtois, auteur du Livre noir du communisme, ladite prison était un lieu où la torture et les mutilations étaient quotidiennes. Selon Archiva Cuba, une association basée dans le New Jersey, et qui s'est donné comme mission de documenter les crimes de Castro, en 1959, à la Cabana, au moins 151 personnes innocentes furent assassinées.

    Parmi les 94 enfants dont on a pu établir la mort, 22 ont été exécutés par les escadrons de l'idole de l'extrême gauchisme.

    Quant à la situation actuelle, et sans même évoquer la faillite économique, Christophe Deloire, président de Reporters Sans Frontières, rappelait samedi que Cuba demeurait au 171e rang (sur 180) au classement mondial de la liberté de la presse.

    Ils ont pleuré Castro. Je ne parle pas des communistes. De Pierre Laurent, fils de Paul : « l’artisan de l'une des plus importantes révolutions initiées au XXe siècle… La démonstration de la possibilité de bâtir une société juste et souveraine pour tous les peuples ».

    Je ne parle pas de notre Président de la République actuel, tout content d'avoir imaginé effleurer l'Histoire en touchant un vieillard et dont les euphémismes dégoutants dans son hommage funeste : « manquements aux droits de l'homme… désillusions » montrent à quel point les socialistes évaporés n'ont pas totalement coupé le cordon ombilical ensanglanté.

    Je parle des compagnons de déroute, je parle des camarades de carnaval : Christiane Taubira, jamais économe d'une hyperbole : « le dernier géant du XXe siècle… ». Je parle de Clémentine Autain, invitée gentiment sur France Inter dimanche matin pour admonester ceux qui fêtent Kissinger mais cognent sur Castro et qui mériterait d'être engagée comme humoriste de la radio active de service public pour ce tweet mémorable et émouvant : « à Fidel Castro, pour la révolution cubaine, la résistance à l'impérialisme U.S, l'expérience « socialiste » d'un autre siècle. Hasta siempre !»

    Je parle enfin de Jean-Luc Mélenchon, dont Onfray disait samedi au Point qu'il avait « fumé la moquette », en tous les cas un havane hallucinogène, en écrivant ce twitt halluciné : « Fidel ! Fidel ! Mais qu'est-ce qui s'est passé avec Fidel ? Demain était une promesse. Fidèle ! Fidel ! L'épée de Bolivar marche dans le ciel. »

    Je conseille encore à tous ceux qui ne l'aurait pas regardé, de visionner l'hommage du futur candidat fraîchement adoubé par les communistes à la rapière envolée dans les cieux : Samedi matin, à l'ambassade de Cuba. Une homélie larmoyante. C'est sans doute lors d'un même petit matin blafard de 1953, que des staliniens aux yeux rougis rendirent hommage au petit père des peuples qui attend aujourd'hui son fidèle suivant.

    J'imagine déjà certains scandalisés par cette dernière ligne.

    Le scandale habite ailleurs. Il demeure dans le fait que, précisément, il n'y ait pas scandale quand ces hommages publics au boucher de La Havane sont rendus par des personnes publiques qui ont pignon sur rue.

    Et l'explication vient. D'abord l'anti-occidentalisme pathologique, dans sa version antiaméricaine. Tout fut pardonné à Fidel au nom de la lutte sacrée contre l'impérialisme yankee. Tout, y compris le massacre et la mise au pas de son peuple. Mais cette anti occidentalisme radical n'est pas seulement politique, il est aussi racial.

    Qu'on me permette de me citer dans mes Réflexions sur la question blanche (2011) : « Il faut se faire à la déraison : un sombre salaud cubain, vénézuélien, bolivien ou mexicain basané, qui sait ? mâtiné d'indien, ne sera jamais aussi honni qu'un bon vieux salaud chilien tel que Pinochet, poursuivi jusqu'au bord du tombeau, et que Sartre charriait pour « sa gueule de salaud latin » classique, à la Franco. ».

    Ensuite et surtout en raison du fait que le procès du communisme reste à instruire en France. Il s'agit d'une triste spécificité française.

    Il n'y a qu'en France que les archives du KGB n'aient pas été exploitées, après l'effondrement de l'URSS ce dont se désolait ma chère Annie Kriegel. Même dans l'Italie si communisante du compromis historique, les archives ont parlé, et l'on sait quel compagnon de route ou quel journaliste émargeait au budget soviétique. Il n'y a qu'en France où des syndicats politisés peuvent reconnaître leurs liens avec le PC sans être pour autant démonétisés. Il n'y a qu'en France où le parti communiste peut encore oser s'appeler par son nom et s'affubler d'un marteau et d'une faucille. Il n'y a qu'en France où des artistes sentencieux peuvent se produire à la fête du journal de l'organe central du parti communiste sans risquer la sentence. Il n'y a qu'en France où le parti de la gauche morale peut s'allier électoralement avec un parti communiste sans rougir ni être déconsidéré.

    Car c'est en France encore que ceux qui ont combattu extrêmement le communisme et ses épigones d'extrême-gauche ont été médiatiquement rangés dans le ghetto de l'extrême droite.

    Ce fut notamment le sort de Stéphane Courtois, qui faillit connaître la mort civile pour avoir écrit Le livre noir du communisme.

    Pour avoir eu le courage suicidaire d'estimer à 100 millions le nombre d'êtres humains assassinés pour imposer le communisme. Paul Kangor dans The Communist estime que le livre de Courtois est largement en dessous de la réalité. Courtois évaluait à 20 millions les crimes de Staline, mais Alexandre Yakovlev , adjoint de Gorbatchev, cité par Kangor, estime le carnage entre 60 et 70 millions d'humains.

    L'anticommunisme est un humanisme. 

    Post-scriptum citoyen : dimanche à 13h sur TF1, on pouvait voir les cubains réfugiés en Floride, ces anciens boat-people, fêter la mort du dictateur. Pas sur la chaîne de service public France 2 à la même heure. Seulement des cubains éplorés. Pour ceux qui, comme moi, n'arrivent pas à accepter comme un fléau naturel, la mainmise de l'idéologie sur le bien indivis des citoyens payant la redevance, je signale la naissance du « Collectif des usagers du service public audiovisuel » (contact@collectif-uspa.fr).

    Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain.

  • LE PREMIER MORT, par François Marcilhac *

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    C’est tombé sur un militant écologiste ; ç’aurait pu tout aussi bien être, il y a quelques mois, un manifestant du Printemps français ou de la Manif pour tous. Certes, on nous dira que les seconds ont été exemplaires alors que les écolos, trop souvent, attirent à eux une faune interlope qui, comme à Notre-Dame-des-Landes, cherche moins à promouvoir une contre-société qu’à casser pour le plaisir de casser.  

    C’est vrai, mais lors qu’on se rappelle la brutalité et le mépris des libertés publiques avec lesquelles Valls et, dans une moindre mesure le 5 octobre dernier, Cazeneuve, son clone à tête de croque-mort, ont réprimé des manifestations pacifiques, voire bon enfant en plein Paris, il fallait bien se douter que le curseur, comme on dit aujourd’hui, était monté d’un cran. N’ayant plus d’enfant dans des poussettes ou de mère de famille à gazer, de vieillard à tabasser et faute de pouvoir se faire la grenade offensive sur les trafiquants de drogue et les petites frappes des « quartiers » auxquels il n’est pas question de toucher — laisser s’étendre le cancer de l’économie parallèle permet d’acheter la paix sociale —, il fallait bien occuper nos forces de l’ordre, même s’il n’y avait qu’un terrain vague à défendre.

    L’Action française ne se fait aucune illusion : si un militant royaliste, un « Manif pour tous » ou un « Printemps français » était tombé de la même façon, ses parents n’auraient pas eu droit à la compassion du président de la république, sa mémoire aurait été salie par la gauche, les écolos et la droite bien-pensante et, à la demande du pouvoir, les media, en boucle, auraient justifié sa mort. Tout cela, nous le savons. Mais justement, nous ne voulons pas leur ressembler. C’est pourquoi nous nous inclinons devant la mémoire de Rémi Fraisse, un jeune Français.

    FRANÇOIS HOLLANDE, LE BOULET DE MANUEL VALLS ?

    A l’heure où ces lignes paraîtront, le président de la République se sera exprimé devant les Français pour son mi-mandat. Parions que, comme lors de ses précédents entretiens télévisés, il parlera pour ne rien dire, justifiant à longueur de questions complaisantes son échec en matière économique et sociale. Peut-être fera-t-il une annonce politicienne — des observateurs s’excitent déjà à la pensée qu’il instaurerait la proportionnelle pour les législatives —, mais comme toujours, elle fera flop, car Hollande est l’homme des demi-mesures et des compromis bâtards. Selon un sondage Odoxa pour RTL, publié lundi 3 novembre, 97 % des Français estiment qu’il a d’ores et déjà échoué et lui préfèrent son premier ministre dans une mise en concurrence surréaliste — on parle de « cohabitation » comme si Valls était l’opposant de Hollande !, 71% de nos compatriotes déclarant « faire plus confiance » au premier qu’au second. Un chiffre qui peut paraître contradictoire avec les petits 30% de popularité du premier ministre dans un sondage TNS Sofres pour Le Figaro, paru le 30 octobre. Il n’en est rien. La question n’est pas la même. Entre deux hommes, et subséquemment deux lectures de la Constitution, et compte tenu du caractère falot du chef de l’Etat, c’est le chef du gouvernement que privilégient les Français, faute de mieux. L’action de Valls peut paraître auprès des plus naïfs comme entravée par l’inaction du chef de l’Etat. François Hollande, le boulet de Manuel Valls ? On peut toujours faire semblant d’y croire.

    "TINA"

    Car Valls doit jouer avec sa majorité et un centre qui ne s’est jamais vendu qu’au plus offrant. Surtout, libre d’agir comme il l’entendrait, son masque d’homme efficace tomberait très vite, car que ferait-il de plus qu’Hollande ? Et qu’est-ce qu’Hollande l’empêche de faire ? Les électeurs de l’UMP qui voient en lui un homme de centre droit ne se trompent peut-être pas. En revanche, ils se trompent sur la révolution qui consisterait pour le pays à adopter la politique qui irait avec l’emballage. Valls, mais également Juppé, Sarkozy ou Fillon ne feraient qu’à la marge « une autre politique », pour reprendre un slogan qui fleure bon ses années 1970. « TINA » [1] : Margaret Thatcher avait raison, il n’y a pas d’autre politique possible, toutefois, en ce qui concerne la France de 2014, tant que nous gardons l’euro, tant que nous restons au sein de l’Union européenne, tant que nous accroissons notre allégeance à l’égard des Etats-Unis en signant « rapidement », comme le souhaitent non seulement Hollande, mais Valls et toute la classe politique, le traité transatlantique. Oui, il n’y a alors pas d’autre politique possible que celle du chômage, de la déflation, de la récession, celle dont la pauvreté et l’insécurité, l’immigration et le communautarisme sont les fruits les plus désastreux. Oui, il n’y a alors pas d’autre choix que celui du renoncement et du déclin. Or si cette politique est évidemment celle de Hollande, elle serait également celle d’une Valls libéré de son actuel boulet élyséen et serait celle de tous ceux qui, à droite comme à gauche, lorgnent du côté de l’Elysée pour 2017, voire, déjà 2022... Comme si la France pouvait attendre jusque-là ! Entre Hollande et son premier ministre, mais également les prétendants de la droite parlementaire, il n’y a qu’un jeu de chaises musicales. Au fur et à mesure que passeront les mois, les candidats se déclareront toujours plus nombreux avant que la campagne, petit à petit, n’élimine les moins crédibles et qu’il n’en reste plus que deux, pour un seul siège. Comme d’ordinaire, les programmes concoctés par les états-majors n’engageront que ceux qui y croiront.

    LA FRANCE "PÉRIPHÉRIQUE" ? LA VRAIE FRANCE

    A moins que... Étudiant cette France périphérique, composée des Français de souche et des immigrés anciens, qu’ostracise la France métropolitaine des centres-villes (les bourgeois dénationalisés) et des « quartiers » (les immigrés récents, à la fois agents et victimes du mondialisme), Christophe Guilluy [2] note que « la montée de l’abstention ou du vote FN [est] la preuve d’une émancipation par le bas d’une part majoritaire de la population. Ces “affranchis” sont en train de remettre en cause l’essentiel de la doxa des classes dirigeantes qui n’ont toujours pas pris la mesure du gouffre idéologique et culturel qui les sépare désormais des classes les plus modestes. Ces dernières, qui n’acceptent plus aucune forme de tutorat ni politique ni intellectuel, développent le propre diagnostic de la société : le “populisme” selon la terminologie des élites. »

    Ce “populisme” n’est que l’expression de la colère du pays réel, qui doit prendre une forme politique pour se métamorphoser en une prise de conscience claire des enjeux à venir. L’abstention doit déboucher sur l’engagement ; quant au vote FN, même s’il n’est plus seulement de protestation et est devenu d’adhésion, il risque de susciter bien des déceptions en l’absence d’une ligne précise, pleinement conforme à l’intérêt national et à celui de la société, à l’heure où la banalisation du parti comme force politique crédible débouche trop souvent sur une normalisation politicienne qui hypothèque le bouleversement politique dont la France a besoin. C’est que le régime des partis est en lui-même nuisible. L’avenir du pays ne passera pas par une simple alternance politicienne, mais par un changement radical de paradigme politique.

    François Marcilhac

    [1] « There is no alternative ». [2] Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion p. 89.

    * Éditorial de L’AF 2000 n°2896

     

  • Brunich ou Muxelles ? Par François Reloujac

     

    Puisque notre monde décadent aime bien forger des mots nouveaux, soit à partir de sigles ou d’anagrammes soit en contractant deux mots, je vous propose aujourd’hui, au choix, « Brunich » ou « Muxelles », tant l’accord auquel les Européens sont arrivés dans la capitale belge rappelle ceux signés dans la capitale bavaroise en 1938.

    Il ne faut pas croire que les Grecs seraient les seuls endettés [1] en Europe ni les seuls à avoir triché pour entrer dans la zone euro – cette nouvelle forme du miroir aux alouettes. Ils sont aujourd’hui chargés comme le bouc émissaire grâce auquel certains espèrent échapper aux conséquences de leurs propres mensonges ; mais ils pourraient bien n’être que les premières victimes d’une utopie fondée sur la recherche du plaisir immédiat. En France, tout particulièrement, il serait bon d’y songer.

    La dette publique grecque (350 milliards d’euros), rapportée à chaque Grec, n’est pas plus importante que la dette publique réelle française, rapportée à chaque Français. On dit que les Grecs ont dissimulé certaines dettes. Oui, mais le hors-bilan officiel de la France (3 200 milliards d’euros) – non pris en compte dans la dette officielle (2 000 milliards d’euros) et s’y ajoutant – est tel que chaque Français « doit » aux créanciers internationaux plus que chaque Grec (plus de 85 000 euro par Français contre plus de 70 000 euros par Grec, si l’on peut faire confiance aux chiffres publiés). Et que l’on ne dise pas que ce calcul résulte d’un « amalgame » douteux parce que le hors-bilan de la France est essentiellement constitué par les retraites des fonctionnaires que, contre toute loi économique, le Gouvernement français s’est autorisé à ne pas provisionner. Pense-t-on vraiment que la France ne paiera pas les retraites des fonctionnaires ?

    On nous a dit aussi que le poids de la fonction publique en Grèce était insupportable… mais il est relativement moins élevé qu’en France. 25 % des Grecs ne payent pas l’impôt sur le revenu… ce qui n’est certes pas bien, mais en France plus de 50 % des ménages sont exonérés de ce même impôt, ainsi que des impôts locaux. Faut-il en conclure : Solidarité en deçà du Péloponnèse, corruption au-delà !

    On ne peut pas non plus effacer la dette des Grecs car ce serait un fâcheux précédent, nous dit-on. Mais, a-t-on oublié le sens de l’année jubilaire dont parle la Bible ? Souvenons-nous de la dette allemande. Il est vrai que cette dette a été effacée à la demande des Américains car cela servait leurs intérêts… et qu’ils possédaient la première armée du monde. Plus tard, lorsque l’Allemagne a organisé sa réunification, les Européens n’ont pas cherché à entraver leur décision politique par des arguties économiques. L’Allemagne n’a pas toujours été, au cours des dernières décennies, le champion économique qu’elle est devenue grâce à un euro géré à son profit exclusif, au recours à une main d’œuvre peu payée en provenance de l’Europe autrefois sous le joug communiste et à une subtile utilisation des règles européennes. Cette domination économique aussi écrasante que provisoire devra demain tenir compte d’une réalité qui la plombe, sa faiblesse démographique.

    La Grèce ne peut pas faire face à ses engagements – demain il en sera de même de la France – ; il y a donc deux attitudes possibles : que ses créanciers lui fassent rendre gorge jusqu’au dernier centime, quelles qu’en soient les conséquences ; que ses créanciers – notamment ceux qui ont prêté en pensant que les autres Européens se substitueraient à l’imprudent – acceptent de constater leur propre légèreté et considèrent que l’important est de sauver le débiteur autrefois euphorique car c’est à la fois la meilleure façon d’espérer recouvrer une (petite) partie de leur créance et de continuer à faire de (juteuses) affaires.

    Les Grecs vont devoir travailler au moins jusqu’à 67 ans avant de partir à la retraite. Et les Français ? Quant à la durée effective du travail, telle qu’elle est calculée par l’OCDE, elle n’est pas en faveur des Français[2]. Je sais, certes, qu’en Europe, on mesure officiellement le temps passé sur le lieu de travail et non pas le temps de travail effectif, mais ce n’est pas une raison suffisante. La mesure du temps passé sur le lieu de travail est en fait, non pas la mesure ni de la pénibilité du travail ni de la contribution à la richesse du pays, mais celle de la privation de liberté (car le régime « normal » du travail est désormais partout en Europe le salariat et non le travail indépendant). Sur ce chapitre, force est de constater que l’Europe a aussi imposé aux Grecs de travailler le dimanche.

    Si les Grecs ne remboursent pas, il pourrait en coûter quelques dizaines de milliards aux contribuables français : moins que la charge des intérêts annuels relatifs à la dette contractée en France pour permettre à ses « élites » de vivre au-dessus de leurs moyens. Et bien moins que ce qu’il faudra payer lorsque les taux d’intérêt commenceront à remonter ce qui pourrait arriver avant la fin de l’été lorsque la FED américaine commencera à le faire, comme l’a promis Janet Yellen.

    Parmi les dernières trouvailles des égoïstes qui ne veulent pas entendre parler de la dette grecque, on nous sert le coût des Jeux Olympiques d’Athènes… au moment même où Paris pose sa candidature pour de prochains Jeux. La France pense-t-elle vraiment qu’elle va pouvoir équilibrer le coût de cette opération [3] ? Ou, imagine-t-on que ceux qui posent cette candidature se disent que c’est un autre parti qui aura à apurer la facture ?  Ou pensent-ils encore que, compte tenu de l’importance de l’épargne antérieurement accumulée par chaque Français, on pourra sans difficulté majeure la ponctionner un jour pour sauver des établissements financiers « too big to fail« , comme on l’a fait à Chypre et comme chaque pays européen doit désormais l’inscrire dans sa législation nationale ? Peut-être qu’auparavant on imaginera que la France pourrait vendre la Tour Eiffel au Qatar pour recapitaliser BPCE, Crédit Agricole, BNP ou Société Générale !

    Oui, la Grèce a maquillé ses comptes pour entrer dans l’euro (avec l’aide de Goldman Sachs dont l’un des plus brillants représentants était un certain Mario Draghi, aujourd’hui patron de la BCE) mais qu’en est-il des autres Etats, France et Allemagne en tête ? Et combien tout cela a-t-il rapporté à la banque américaine ?

    Deux questions iconoclastes pour en finir sur ce volet économico-financier de la crise – car nous n’aborderons pas ici la question sous l’angle politique[4] autrement que pour constater que l’Europe a ajouté une nouvelle manière de respecter le vote (à plus de 60 %) de tout un peuple : en le tenant pour nul, sans même se donner la peine d’exiger du pays qu’il « revote » ! Qu’est-ce que l’euro apporte véritablement aux peuples ? [5] Et, combien les Corréziens doivent-ils aux contribuables de la région parisienne depuis que ces deux « entités » appartiennent la « même zone économique » et utilisent une même « monnaie unique » [6] ? 

     


    [1] Sans tenir compte, bien entendu de la dette privée de chacun des agents économiques individuels.

    [2] En 2008, les Grecs travaillaient en moyenne 2 120 heures contre 1 760 pour la moyenne des autres Etats européens. Depuis la différence ne s’est pas améliorée au profit des Grecs.

    [3] Car si les prêts accordés par les banques « françaises » ou « allemandes » (une vingtaine de milliards d’euros) pour permettre ces Jeux ont essentiellement bénéficié à des entreprises de BTP françaises ou surtout allemandes (à l’époque, on a même dit que cela permettait de « sauver » certaines entreprises allemandes, principales bénéficiaires de l’opération), il n’en sera pas forcément de même demain.

    [4] Milton Friedman croyait, autrefois, qu’en cas de choc entre la « Souveraineté nationale » et la monnaie, la première l’emporterait toujours sur la seconde. Pourquoi s’est-il trompé ? Quelles en seront les conséquences demain ?

    [5] En dehors du dernier choix laissé aux peuples entre implosion ou explosion ?

    [6] Comme l’a écrit J. Savès sur le site www.herodote.net, « un bourgeois de Strasbourg est infiniment plus solidaire d’un habitant de Mayotte, malgré tout ce qui les sépare, que son voisin de Fribourg, malgré tout ce qui les rapproche, parce qu’il partage avec les premiers les mêmes droits civil, fiscal, social, etc., et ne partage rien avec le second ».

     

  • Rétro 2015 • Civilisation, ce mot si souvent brandi en 2015 mais dont le sens profond nous échappe largement

     
     
    Guerre de civilisations ? Défense de la civilisation ? A la suite des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, le mot de civilisation s'est retrouvé dans tous les discours des politiques et des intellectuels français. Mais en connaît-on véritablement le sens ? Retour sur l'histoire d'un mot et tentative de définition.
    Telle est, du moins, ici, l'intention de Christophe Dickès et tel est l'objet de sa réflexion, qu'il mène à partir de la pensée de Jacques Bainville. Ce dernier serait sans-doute assez surpris que l'on tente de résumer son pessimisme et peut-être son espoir pour l'avenir de notre civilisation par la formule de Jean d'Ormesson citée par Christophe Dickès : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise » ! Mais, de fait, l'analyse que nous livrons à la réflexion de nos lecteurs ne s'en tient heureusement pas là. Il faut donc lire l'ensemble de cette chronique qui, bien entendu, n'épuise pas le sujet ... LFAR
     

    dickès.pngA la question de savoir quel a été le moment le plus important de l’année 2015, il me semble qu’il ne s’agit pas d’un événement en particulier, mais plutôt d’un mot : celui de civilisation. Ce mot avait beaucoup été utilisé au lendemain des attentats du 11 septembre. On parlait alors du choc des civilisations, en écho au célèbre livre de Samuel Huntington.

    Depuis plus d’un an, la progression dans l’horreur des islamistes de Daech a amené nos hommes politiques à adopter l’idée d’une « défense de la civilisation ». Après Nicolas Sarkozy au mois de janvier dernier, Manuel Valls a franchi le Rubicon en évoquant à son tour la guerre de civilisation au mois de juin : « Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que c’est au fond une guerre de civilisation. C’est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons ». Le 14 juillet dernier, ce fut au tour de François Hollande de nous expliquer que nous étions face à des groupes qui « veulent remettre en cause les civilisations ». Par l’utilisation du pluriel, l’affaire se compliquait quelque peu... De son côté, et bien avant tout le monde, Christiane Taubira se réjouissait du changement de civilisation opéré par le mariage entre personnes de même sexe. Une civilisation serait donc à géométrie variable. Mais au fond qu’est-ce donc que la civilisation ? 

    En son temps, c’est-à-dire au début du XXe siècle, l’historien et journaliste Jacques Bainville (1879-1936) tenta de la définir en se posant la question de son avenir. Il le fit en 1922, c’est-à-dire au lendemain de la Grande Guerre, considérée à l’époque comme le plus grand traumatisme de l’histoire européenne. Il rappelait à juste titre que le mot de civilisation s’était répandu en Europe au XIXe siècle, c’est-à-dire à une époque de progrès scientifique, industriel et commercial : « La conception du progrès indéfini concourut à convaincre l’espèce humaine qu’elle était entrée dans une ère nouvelle, celle de la civilisation absolue. » Mais, pour Bainville, confondre progrès et civilisation était une erreur : le progressisme lyrique de Victor Hugo et le scientisme d’Auguste Comte ont été ensevelis dans la boue des tranchées de 1914. La guerre de masse rappela à l’espèce humaine que le progrès n’était pas si indéfini… A l’orgueil et à l’ivresse s’étaient substituées la mort et les souffrances, la peur et les angoisses. Conscient de la fragilité du monde dans lequel il vivait, Bainville constatait : « Nous voulons bien croire encore, par un reste d’habitude, au progrès fatal et nécessaire. Mais l’idée de régression nous hante, comme elle devait hanter les témoins de la décadence de l’empire romain. »

    La civilisation n’a donc rien à voir avec le progrès. Elle était pour lui comme la santé, destinée à un équilibre instable : « C’est une fleur délicate. Elle dépend de tout un ensemble de conditions économiques, sociales et politiques. Supprimez quelques-unes de ces conditions : elle dépérit, elle recule ». Et il ajoutait plus loin : « La réalité que l’on avait oubliée ou méconnue et qui se rappelle à nous cruellement, c’est que la civilisation, non seulement pour se développer, mais pour se maintenir, a besoin d’un support matériel. Elle n’est pas dans les régions de l’idéalisme. Elle suppose d’abord la sécurité et la facilité de la vie qui suppose à son tour des Etats organisés, des finances saines et abondantes. » Et c’est ici que Bainville donne la définition de la civilisation. Elle est, écrit-il, « un capital. Elle est ensuite un capital transmis. Car les connaissances, les idées, les perfectionnements techniques, la moralité se capitalisent comme autre chose. Capitalisation et tradition, - tradition c’est transmission, - voilà deux termes inséparables de l’idée de civilisation. »

    Il peut paraître étonnant de la part de Bainville, historien et spécialiste des relations internationales, d’associer l’idée de civilisation en partie à des nécessités économiques. Pourtant, c’est oublier qu’il fut, dans l’histoire de la presse, un des tous premiers journalistes économiques, collaborateur du journal libéral Le Capital. A cet égard, il offre bien des leçons pour notre temps et n’aurait pas été dépaysé sous la présidence de François Hollande et le gouvernement de Manuel Valls : il blâmait les rigueurs du fisc qui empêchait l’investissement ; il souriait de la fuite des capitaux en rappelant l’histoire de Voltaire que l’on considérerait aujourd’hui comme un exilé fiscal ; il soutenait le sort des classes moyennes « qui sont le plus solide support de la civilisation » contre l’Etat-providence. Il a même fustigé ces socialistes qui menacent la finance quand ils sont dans l’opposition, pour mieux la solliciter arrivés au pouvoir : « On menace, on épouvante d’abord les capitaux, on court ensuite après eux. On montre le poing aux banques dans l’opposition. Au pouvoir, et quand le Trésor est à sec, on sollicite l’aide des banquiers. » Dans une émission de radio, Jean d’Ormesson, à qui l’on demandait ce qu’impliquait « Changer de politique », le slogan de la soirée électorale du 13 décembre dernier, lança laconique : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise. » Un constat très bainvillien en somme que ne semble pas comprendre notre gouvernement.

    Néanmoins, l’enseignement de Bainville a ses limites. En effet, il aurait été surpris par les fractures sociale et sociétale de notre époque, tout comme par le développement du communautarisme. La France du début du XXe siècle, c’est-à-dire la France de la IIIe République gardait une identité forte incarnée dans l’éloquence de ses hommes politiques, de ses gens de Lettres et ses hommes de presse. C’était un temps aussi où l’on respectait le professeur dont le rôle était de transmettre un savoir et non d’éduquer des enfants. La IIIe république entretenait aussi le culte du passé. De tout le passé, sans exception. A La Sorbonne, l’amphithéâtre Louis Liard qui date des premières années du régime républicain, un des plus beaux d’Europe, incarne cette conception assumée de notre histoire : on y voit le portrait en pied de Richelieu au-dessus de la chaire principale et, dans les médaillons, on reconnaît Pascal, Bossuet, Descartes, Racine, Molière et Corneille. L’âme française. Bainville pleurerait de voir que la civilisation est aujourd’hui aux mains d’amateurs plaçant le latin comme un « enseignement de complément » selon le jargon du Ministère de l’Education nationale.

    Bainville, qui associait nécessités de la politique intérieure et défis de la politique étrangère, croyait aux permanences dans l’histoire. Pour cette raison, son œuvre, qui ne cesse de puiser des exemples dans le passé, reste profondément contemporaine. C’est peut-être pour cette raison que depuis sa mort en 1936, elle a été rééditée par les plus grandes maisons de la place parisienne[1]. Si Bainville avait vécu de nos jours, il aurait été classé dans le camp des « déclinistes » aux côtés de Zemmour, Lévy, Rioufol ou de Villiers. Pourtant, il rappelait que « le pessimisme, cause de découragement pour les uns, est un principe d’action pour les autres. L’histoire vue sous un aspect est une école de scepticisme ; vue sous un autre aspect, elle enseigne la confiance. » L’année 2015, elle, nous aura enseigné une leçon oubliée, celle de la fragilité des temps. Il ne tient qu’à nous de redonner à notre civilisation toute sa force.   

    [1] Bainville, La Monarchie des Lettres (anthologie), Robert-Laffont, coll. Bouquins, 1184 pages, 30,50€.

    Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est également l'auteur de Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde (Tallandier).

    Atlantico

  • Robert Redeker : « Le but de la politique est la continuation de la nation dans la durée »

     

    Par Alexis Feertchak

    Le mot de « valeur » est prisé à gauche comme à droite. Le philosophe Robert Redeker dénonce dans l'entretien qui suit l'usage de ce terme galvaudé qui dissimule une faillite de la politique et le triomphe du vide idéologique [Figarovox, 16.12]. Sachons reconnaître que lorsque nombre d'intellectuels qui publient, s'expriment dans les grands médias, ont une audience importante, tiennent le discours qu'on va lire, s'insurgent à ce point contre la pensée dominante, lui opposent une contre-culture cohérente et forte, l'on a bien affaire à cette percée idéologique dont parle Buisson. Et dont il dit avoir la certitude qu'elle portera ses fruits. Notre avis est que c'est là un espoir qui - pour cette fois - n'est pas illégitime.  Lafautearousseau   

     

    Le mot « valeur » est partout en politique. On parle sans cesse des valeurs de la République. Qu'y a-t-il derrière l'omniprésence de ce mot ?

    Pas grand-chose de consistant. Les valeurs ne sont ni des idées, ni des concepts, ni des principes. L'invocation politique rituelle des valeurs est une mode très récente. Plongez-vous dans la littérature politique d'il y a une trentaine d'années seulement, écoutez les discours d'alors, vous constaterez l'absence de ce recours obsessionnel aux valeurs. Au lieu de révéler ce que l'on pense, le mot valeur le dissimule. Pourquoi ? Parce qu'il est aussi vague qu'abstrait. Il peut aussi cacher que l'on ne pense rien du tout, que l'on n'a pas de conviction arrêtée, justifier tous les revirements. Le même Premier ministre peut au nom des valeurs user et abuser du 49.3 avant de mettre à son programme présidentiel la suppression de ce 49.3 pour honorer ces valeurs !

    De trop nombreux politiciens sombrent dans l'illusion suivante : les valeurs sont les buts de l'action politique. Pourquoi faire de la politique ? Pour les valeurs ! C'est-à-dire pour du vide ! Funeste erreur ! On fait de la politique pour la nation, pour la France, pour le peuple, pour le social, pour l'histoire, jamais pour des valeurs. Les valeurs ne constituent ni la réalité d'un peuple ni un projet de société, ces objets de la politique. Elles sont trop inconsistantes pour définir un projet de cette nature. Les valeurs ne sont que le cadre à l'intérieur duquel la politique peut se déployer. Elles ne sont pas un programme, elles sont des bornes. Les valeurs sont hors politique, elles sont extrapolitiques. Loin d'avoir affaire aux valeurs, la politique rencontre les projets, les réalités et, par-dessus tout, la nation et le souci du bien commun.

    À gauche particulièrement, ce mot est dans toutes les bouches...

    La rhétorique creuse des valeurs est le linceul dans lequel a été enveloppé le cadavre de la gauche. C'est une thanatopraxie, le maquillage du cadavre. Cette fatigante psalmodie sur les valeurs évoque les récitations funéraires. C'est parce qu'elle est morte, parce qu'elle n'a plus rien à dire, plus rien à proposer pour l'avenir à partir de son passé (le socialisme), que la gauche se gargarise, de tréteaux en tribunes, avec les valeurs. Les valeurs fournissent la matière d'une péroraison se substituant aux défuntes promesses de socialisme (le progrès social, l'émancipation dans et par le travail). La thématique des valeurs est le dispositif que la gauche a bricolé pour basculer de la défense des classes populaires (« les travailleurs » comme, elle disait d'un mot que symptomatiquement elle n'emploie jamais plus) vers celle des minorités sexuelles et ethniques. La gauche a abandonné son projet social (réaliser la justice économique) pour lui substituer un projet anthropologique (l'exaltation des différences sexuelles et culturelles). Le discours sur les valeurs a permis de prendre ce virage. Autrement dit, l'invocation des valeurs est le moyen trouvé par la gauche pour abandonner les classes populaires. L'extrême-droite récupère la mise. Dernier point : ce discours sur les valeurs est aussi l'instance qui la dispense la gauche du devoir d'inventaire. La ridicule prestation de Ségolène Royal aux obsèques de Fidel Castro est, à cet égard, pleine d’enseignements : la gauche ne parvient pas à condamner totalement certaines dictatures sanguinaires, donc à liquider l'inventaire, parce que celles-ci ont prétendu s'appuyer sur les idéaux (l'égalité, la justice, le partage, etc.…) dont elle se veut le bras armé.

    Lors de la primaire de la droite, les électeurs étaient invités à signer la charte des valeurs de la droite et du centre. Pour exprimer leur souhait que la droite retrouve son identité, beaucoup évoquent la « droite des valeurs ». Est-ce le bon chemin que la droite emprunte ?

    Je réponds en trois temps. D'une part, la droite s'est laissé imposer par une gauche pourtant en coma dépassé l'obligation d'en appeler sans cesse aux valeurs. Par la reprise de cette thématique, la droite se croit obligée de répliquer aux accusations permanentes d'anti-républicanisme et au soupçon larvé de racisme, de fascisme, voire d'inhumanité, que la gauche fait peser sur elle. Nous avons dans ce soupçon et dans la propension de la droite à y répondre, l'ultime résidu de feu l'hégémonie idéologique de la gauche. Mieux : la dernière métastase de l'antifascisme. D'autre part, évoquer des « valeurs de droite » revient à les relativiser. Le relativisme pointe le bout de son nez dès que l'on latéralise politiquement les valeurs. Si des valeurs existent, elles sont universelles. Il est plus pertinent de parler d'idées et de programmes de droite ou de gauche.

    À ces deux remarques il faut ajouter une précision. Les valeurs ne sont pas le contenu de l'action politique, mais ses frontières. Elles ne disent rien de positif, elles tracent des limites. Elles définissent un intérieur et un extérieur. La laïcité, par exemple, que l'on hisse au statut de valeur, est une telle frontière : elle exprime une limite à ne pas dépasser dans l'expression publique d'un sentiment religieux. À l'image de toutes les valeurs elle fonctionne comme le démon de Socrate : une voix intérieure qui dit non. Ainsi de toutes les valeurs. Ces frontières s'imposent à la droite comme à la gauche.

    Une civilisation est-elle définie par des valeurs, des coutumes, des attachements ?

    Pas uniquement. Les aspects dont vous parlez procurent à l'existence collective d'un peuple sa couleur, sa particularité. Si on se limite à ces aspects, on parlera plutôt d'une culture. La culture, toujours particulière, toujours bornée, toujours nationale, est le terreau à partir duquel une civilisation peut germer et se développer. Une civilisation se définit par ce qu'elle donne au monde, et qui est pourtant marqué du sceau de la culture qui la nourrit. La France donne au monde, entre autres choses, Molière et Stendhal, dont les œuvres n'auraient pu voir le jour ailleurs. Elle donne au monde son architecture, sa musique, ses savants, et même sa gastronomie… C'est le don irremplaçable, insubstituable, qui définit une civilisation plutôt que seulement ses valeurs et coutumes.

    La référence aux valeurs va souvent de pair avec le discours « droits-de-l’hommiste ». N'y a-t-il pas un paradoxe entre des valeurs qui peuvent impliquer une forme de relativisme et des droits de l'homme qui sont considérés comme naturels et objectifs, dépassant les volontés humaines ?

    Les droits de l'homme, devenus les droits humains, sont une invention métaphysique du XVIIIe siècle. Ils sont suspendus dans les nuées. Ils servent de principes structurant l'action politique, et non, comme les valeurs, de frontières. Ils sont affirmatifs, positifs, et non limitatifs, négatifs. La différence est alors celle-ci : posés au départ, les droits de l'homme ne sont pas déduits, ils sont une hypothèse politique, tandis que les valeurs sont un résultat, une construction politique. Plutôt que de paradoxe, je parlerai de jeu, comme d'un roulement à billes « qui a du jeu » : une valeur comme la laïcité trace la frontière que la liberté de penser et de croire, comprise dans les droits de l'homme, ne peut dépasser. Néanmoins il faut éviter d'être la dupe de ces droits de l’homme : ils n'ont rien d'évidents ni de nécessaires, ils sont une illusion métaphysique propre à une certaine civilisation. Ils n'auraient pu être inventés ailleurs que dans l'Europe chrétienne et rationaliste. Ils sont enfants d'une certaine civilisation, la nôtre. Ils ne sont pas universels, mais universalisables.

    L'histoire est faite de mots comme la nation ou la République qui sont davantage des êtres voire des personnes morales et fictives que des concepts ou des idées. Diriez-vous que l'abus du mot « valeur » traduit une certaine impuissance du politique, qui n'est plus en prise avec le réel ?

    Guettée par le relativisme, souvent thanatopraxique, la péroraison sur les valeurs fait oublier l'essentiel, qui est ceci : le but de la politique est d'assurer la survie d'un peuple dans la durée malgré les vicissitudes et selon le souci du bien commun. La République est une structure politique, qui dans notre histoire s'est appelée tantôt monarchie, tantôt empire, ou tantôt « république » (au sens de démocratie). La nation est l'âme de cette structure. C'est une âme qui survit à chaque vie individuelle qu'ainsi qu'aux différents états de la République (les régimes politiques). C'est aussi une âme fragile, qui peut disparaître si on ne la nourrit pas (par la transmission). Qu'est-ce que l'éducation publique sinon une forme de transmigration de cette âme, la nation, qui renaît de génération en génération ? L'éducation est bel et bien une métempsychose politique. Le but final de la politique est la continuation de la nation dans son originalité irremplaçable par-delà l'existence et les intérêts de chacun. C'est de cela bien plus que des valeurs que gauche et droite doivent parler. 

    « La culture, toujours particulière, toujours bornée, toujours nationale, est le terreau à partir duquel une civilisation peut germer et se développer »

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    Professeur agrégé de philosophie, Robert Redeker est écrivain. Il a notamment publié Le soldat impossible (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2014) ; Bienheureuse vieillesse (éd. du Rocher, 2015) et dernièrement L'École fantôme (éd. Desclée De Brouwer, 2016). 

    Alexis Feertchak  

  • 2017, sous le signe de l’identité

     

    par Jacques Burnel

    Dans une France encore traumatisée par les attentats de 2015, la « fracture identitaire » prend une ampleur inégalée. Elle sera au cœur de la campagne présidentielle de 2017.

     

    L’identité d’un peuple est une donnée qui ne peut être méprisée sans courir le risque de graves conséquences. Chaque peuple a le droit de vouloir que son héritage perdure », écrit Malika Sorel dans Décomposition française, comment en est-on arrivé là ? (Fayard, 2015). L’ancien membre du Haut Conseil à l’intégration, dissout par François Hollande en 2012, dépeint une France à l’identité fracturée, victime des mythes de la diversité et du « vivre ensemble » qui ont conduit les élites à la faiblesse face à la montée des communautarismes. Un livre parmi d’autres dans l’abondante production littéraire – d’Alain Finkielkraut à Emmanuel Todd, de Michel Onfray à Bernard-Henri Lévy -, inspirée par un contexte où les mots « laïcité », « valeurs républicaines », « identité nationale », omniprésents, déchaînent les passions.

    Récemment, c’est la polémique sur le burkini, ce vêtement de bain couvrant entièrement le corps et les cheveux, qui a exposé au grand jour les cas de conscience que la place de l’islam pose à « l’être ensemble » français. En France, sans doute plus qu’ailleurs, le rapport à la question identitaire, souvent réduite à une sorte d’unanimisme républicain évolutif et imprécis, est particulièrement complexe. Or, cette question identitaire « sera au cœur de la prochaine présidentielle », prévient Malika Sorel.

    Duel autour de l’identité

    À droite, le premier à s’en emparer a été Nicolas Sarkozy. Sa proposition de création d’un ministère de l’identité nationale, en 2007, lui avait permis de figer les positions et de créer une dynamique dès le premier tour. Dix ans plus tard, l’ancien chef de l’état compte bien récidiver. à l’aise avec ce sujet hautement inflammable, il a expliqué dans son livre Tout pour la France qu’il mettrait les questions identitaires au cœur de sa campagne. Mieux que personne, il sait les agiter devant ses adversaires comme un chiffon imbibé d’essence. Sa récente déclaration – « au moment où vous devenez Français, vos ancêtres sont les Gaulois » – a scandalisé la gauche, ce qui était sans doute l’effet recherché.

    Succès garanti ? Rien n’est moins sûr, mais le thème devrait agiter les discutions dès le premier débat entre les candidats à la primaire de la droite, le 13 octobre prochain. Car l’autre favori, Alain Juppé, s’est lui aussi emparé du sujet, en se faisant le chantre d’une « identité heureuse » dont il veut faire le fer de lance de son projet présidentiel. « L’identité heureuse » ? Une « espérance, une vision confiante de l’avenir de la France », dit l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac qui « refuse d’avoir l’identité malheureuse, anxieuse, frileuse, presque névrotique » – sous-entendu, comme son adversaire qui l’accole quasi systématiquement au thème de l’immigration. L’un veut faire rimer « diversité et unité ». L’autre rappelle dès qu’il le peut que la France est « un pays d’églises, de cathédrales, d’abbayes ». Le premier développe un concept « d’intégration », le second défend une ligne « assimilatrice » pour lutter contre la disparition du « mode de vie français »…

    Dans le duel annoncé entre les deux favoris, le thème de l’identité nationale risque donc d’occuper l’espace et de laisser peu de marge de manœuvre aux autres candidats, déjà distancés dans les sondages. Les Républicains pourraient même voler la vedette au Front national. étonnamment, car le contexte lui est sans doute plus propice que jamais, le parti de Marine Le Pen semble en effet davantage préoccupé par les questions de souveraineté économique que par les thématiques identitaires.

    A gauche aussi

    Pourtant, même la gauche ne peut éviter le sujet. Au congrès du Parti socialiste à Poitiers, l’année dernière, il tenait une bonne place dans tous les discours. Dans celui de Manuel Valls, en particulier, qui faisait de « l’identité laïque » de la France un rempart « contre les communautarismes », et des « valeurs de la République » le moyen de s’émanciper « des pensées rétrogrades qui enferment les femmes derrière un voile ». « Bien sûr, il y a l’économie et le chômage, mais l’essentiel, c’est la bataille culturelle et identitaire », déclarait récemment le Premier ministre, cité par le journal Le Monde, à propos de la présidentielle de 2017.

    L’analyse semble partagée par François Hollande qui, paraît-il, ne cesse de répéter que l’identité sera le thème majeur d’une campagne où il espère toujours concourir pour briguer un second mandat. Un terrain glissant pour le président de la République qui en avait sans doute sous-estimé le potentiel explosif quand il avait promis d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité. Être ou ne pas être français ? La proposition, qui restera comme un des moments clés du quinquennat, avait réveillé de violentes polémiques, ruinant les espoirs d’unité nationale de l’exécutif, après les attentats du 13 novembre.

    Traiter le sujet

    Quoi qu’il en soit, la gauche devra elle aussi parvenir à se démarquer sur un thème où elle est habituellement peu à l’aise. D’autant plus que d’après un sondage paru dans L’Obs, près d’un quart des sympathisants socialistes juge le gouvernement laxiste sur l’immigration ! On n’imagine pas aujourd’hui le candidat socialiste se présenter en 2017 en promettant à nouveau le droit de vote des étrangers, une mesure phare de la campagne de 2012 que François Hollande n’a jamais osé mettre en place. Très marquée à gauche, cette promesse n’a pas résisté aux crispations identitaires, à cette « droitisation de la société » dénoncée par les socialistes mais qui tend surtout à prouver les limites de la stratégie préconisée par Terra Nova, le think tank le plus influent au PS : tout pour les strates sociales les plus privilégiées et les populations d’origine étrangère, qui votent massivement à gauche quand elles se déplacent, et rien pour les classes moyennes et ouvrières perdues pour les socialistes. La « fracture identitaire » de plus en plus béante dans notre pays impose de revoir les lignes, même du point de vue de la stricte tactique politicienne.

    Alors, où va la France ? Et qu’est-ce qu’être Français ? Aucun des candidats à l’élection présidentielle de 2017 ne pourra faire l’économie de traiter le sujet. Car de la réponse à ces questions dépend en grande partie la concorde civile d’une société qui laisse parfois penser qu’elle est au bord de l’implosion. Il n’est que de constater l’audience d’éric Zemmour pour s’en convaincre. Dans la préface d’Un quinquennat pour rien, best-seller en puissance qu’il promeut en vantant les mérites de l’assimilation telle qu’on la pratiquait encore au xxe siècle, quand les parents d’origine étrangère donnaient à leurs enfants des prénoms français, l’intellectuel décrit une société française « envahie, colonisée, combattue ».

    Exagéré ? Peut-être. Mais comme l’explique l’historien Pierre Nora dans un long article consacré aux « Avatars de l’identité française » (dans la revue Le Débat, février 2010) : « Il n’est pas si facile de savoir exactement de quoi il est question quand on évoque le modèle national, l’identité, l’idée de la France ou la France elle-même. Et pourtant chacun le sait : il y a une altération très profonde du type de France qui nous a été léguée ». L’académicien ne croyait pas si bien dire : depuis, la crise migratoire et les attentats terroristes ont donné à la question identitaire une dimension d’une urgente actualité, presque existentielle.