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Réflexions sur "liberté, égalité, fraternité", à partir d'un texte de Dostoïevski, par Yvan Blot...

  • yvan blot,dostoievski         Yvan Blot nous a envoyé quelques réflexions, que nous publions ci-après : ("..J’ai pensé que ce texte de Dostoïevski vous intéresserait..."), Nous l'en remercions, et sommes, comme à chaque fois, très heureux de publier ses textes dans notre quotidien( rappel : le Site de Démocratie directe : http://www.democratiedirecte.fr/). 

       Il se base sur un extrait des "Frères Karamazov", tome 1 (pages 564 et suivantes) : 

       Dostoïevski, comme Kierkegaard, peut être compté parmi les fondateurs de la pensée existentielle et Nietzsche, Camus ou Heidegger ont notamment reconnu leur dette envers ce génie.  

        Dans « Les Frères Karamazov », il fait une critique impressionnante du monde moderne occidental. « Le monde a proclamé la liberté, ces derniers temps surtout, » déclare le staretz Zosima, « et nous, que voyons-nous dans ce qu’ils appellent la liberté ? Rien que de l’esclavage et du suicide ! Car le monde dit : tu as des besoins et donc satisfais les car tu as les mêmes droits que les hommes les plus riches et les plus notables. N’aie pas peur de les satisfaire, et même fais les croître. Voici la doctrine actuelle du monde. C’est en cela qu’ils voient la liberté. Et quel est le résultat de ce droit à multiplier les besoins ? Chez les plus riches, l’isolement et le suicide spirituel, et chez les pauvres, la jalousie et le meurtre, car les droits sont certes donnés mais les moyens de satisfaire ces besoins, eux, on ne les indique pas encore. (..) En comprenant la liberté comme une multiplication et une satisfaction rapide de leurs besoins, ils déforment leur nature, car ils font naître en eux une multitude de désirs absurdes et stupides, d’habitudes et de lubies des plus ineptes. Ils ne vivent que pour s’envier les uns les autres, pour satisfaire leur chair et leur vanité. »

        Dostoïevski montre ce qui est attesté par les phrénologues comme Mac Lean et ce qui avait été déjà vu par intuition chez Platon (le Philèbe notamment). Nous avons trois cerveaux : le cerveau reptilien, ou paléocortex (commun à nous et aux reptiles) qui guide l’agressivité, la faim ou l’instinct sexuel. C’est le cerveau instinctif que Platon compare à un dragon. Nous avons un cerveau affectif (limbique) commun avec les mammifères qui règle notre comportement affectif. Nous avons un cerveau néo cortex siège de l’intelligence abstraite. Lorsqu’on satisfait les besoins primaires, on accroit le poids relatif du cerveau reptilien. C’est le cas de la société moderne qui a vu depuis 1968  la criminalité quadrupler. Dostoïevski annonce aussi la révolution russe en disant que les pauvres sont frustrés par cette idéologie des droits, que leur énergie est bridée par l’alcoolisme mais que bientôt : « au lieu de vin, ils boiront du sang ». C’est ce qui s’est passé avec le Bolchevisme.

        Le staretz Zosima continue : « il n’est pas étonnant qu’au lieu de la liberté on soit tombé dans l’esclavage et qu’au lieu de servir la fraternité et l’union de l’humanité, on tombe au contraire dans l’isolement et dans la solitude (..) Voilà pourquoi s’éteignent de plus en plus dans le monde l’idée de servir l’humanité, celle de la fraternité (..) car comment abandonner ses habitudes, où donc ira ce prisonnier s’il est habitué à satisfaire ses besoins innombrables qu’il s’est inventés lui-même ? Réduit à un atome individuel, qu’ira-t-il faire du tout ? Et pour finir, plus les objets s’accumulent, plus la joie disparaît ». La fraternité reste abstraite et débouche en fait sur le refus de servir, l’absence d’amour héroïque. Le staretz oppose à cette vie de « divertissements » (Pascal) ou « esthétique » (Kierkegaard) la vie du moine qui apprend la maitrise de soi. Cela le rend libre de son ego et lui apporte la gaieté spirituelle. « Qui est capable de porter cette grande pensée (..) le richard solitaire ou cet homme libéré de la tyrannie des objets et des habitudes ?

        La Russie sera sauvée par la spiritualité des moines enracinés dans le peuple : « du peuple viendra le salut de la Russie. Le monastère russe de tout temps, a été avec le peuple. (..) le réformateur incroyant, chez nous en Russie, ne fera jamais rien, serait-il sincère dans son cœur et génial. Cela, souvenez-vous en . Le peuple verra l’athée et il le combattra, et in n’y aura plus qu’une Russie unie (c’est le nom du parti de Poutine !) et orthodoxe ! (..) Voilà notre œuvre monacale parce que ce peuple est théophore (porteur de Dieu ; idée de la sainte Russie).

        Pour Dostoïevski, « notre peuple croit encore à la justice, il reconnait Dieu » et il sait lorsqu’il agit mal. « C’est autre chose chez les grands. Eux ils veulent une société qui suive la science pour la justice par leur seule intelligence, mais sans le Christ. (..) et ils ont déjà proclamé que le crime n’existe pas, et le péché non plus. Ils ont raison de leur point de vue car si tu n’as pas de Dieu, qu’est-ce donc que le crime ?  A un autre chapitre du livre, Ivan Karamazov, le frère athée et intellectuel proclame que si Dieu n’existe pas, tout est permis ! Dostoïevski pense qu’en Europe, « le peuple se dresse contre les riches par la force, les meneurs du peuple le mènent partout vers le sang et lui enseignent que sa colère est juste. Mais leur colère est maudite parce qu’elle est cruelle ». Il annonce le totalitarisme communiste à venir.

        Pour l’auteur, le peuple est naturellement digne. « C’est quand je te respecte sans envie que je montre devant toi ma dignité humaine. En vérité, le peuple ne dit pas cela car il ne sait pas encore le dire. C’est ainsi qu’il agit (existentialisme) et qu’il reste suffisamment humble pour servir et aimer autrui. « Croyez le, cela finira ainsi : l’égalité, elle ne réside que dans la dignité spirituelle et cela, on ne le comprendra que chez nous, les Russes. (..) Nous gardons l’image du Christ, et elle luira comme un diamant précieux dans le monde entier ».

        Autrement dit, voici la leçon que nous donne Dostoïevski par la bouche du staretz Zosima :

1/ La liberté proclamée en Occident débouche sur l’esclavage matérialiste car c’est un appel à libérer le dragon des instincts chaotique qui est en nous. Cet excès mènera l’Occident au suicide (refuis de l’héroïsme, donc du combat, incapacité à avoir des enfants par égoïsme)

2/ L’égalité prônée conduira à des rivières de sang. Elle a comme moteur la jalousie et le meurtre et profite de la libération du reptile qui est en nous.

3/ La fraternité suppose qu’il y ait des frères, or ce n’est pas le cas dans une société où tout le monde est prisonnier de son ego. Le refus de servir devient la norme.

 

        Ce monde d’esclaves jaloux et refusant de servir va à sa perte. Il sera sauvé par l’imitation du Christ qui est la valeur permanente du peuple russe, le peuple théophore de la Sainte Russie. Sur les armoiries de la Russie, on voit saint Georges terrassant le dragon : c’est bien le combat qu’il faut mener contre le dragon intérieur. Ce dragon a été libéré par les Lumières de l’Occident et le christianisme seul permettra de retrouver un ordre conforme à la nature humaine créée par Dieu.

        Quelles sont les valeurs universelles à opposer à la liberté des instincts, l’égalité jalouse et meurtrière et la fausse fraternité des individus refusant de servir quoi que ce soit sauf soi-même ?

        Face à la fausse liberté des droits illimités, le salut est dans la maîtrise de soi qui permet l’authenticité de la personnalité (alors que la liberté déforme la personnalité au profit de sa composante reptilienne)

        Face à l’égalité fondée sur la jalousie et qui conduit au meurtre, il faut opposer la vraie égalité qui est dans la dignité spirituelle de chacun.

        Face à la fausse fraternité, il faut opposer l’l’humilité de celui qui accepte de servir les autres, de les aimer, au besoin jusqu’à l’héroïsme (modèle christique).

        Maitrise de soi qui rend libre, dignité spirituelle pour chacun, humilité qui conduit à l’amour héroïque, telles sont les valeurs qui, selon Dostoïevski, sauveront l’humanité.  

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